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Méthode des sciences sociales

La science politique est la dernière venue des sciences sociales (début XXe dans le monde, et années 60 en France). Ce caractère
récent a des conséquences, puisque la science po tâtonne un peu au niveau méthodologique, n’a pas réglé ses problèmes
fondamentaux et qui plus est se renouvelle en permanence.
Les hommes se sont toujours intéressés aux questions politiques (Platon, Aristote, Machiavel, Montesquieu, Hobbes, Rousseau,
Tocqueville…). Pour autant, la démarche ne relève pas forcément de ce qu’on appelle la science politique  ; on parlerait plutôt de
philosophie politique. En effet c’est une démarche moraliste, essayiste, à la recherche du gouvernement idéal.
Il faut alors compléter cette réflexion par la mise en œuvre d’une méthode d’investigation scientifique, pour essayer de mettre en
évidence ce qui est et non se contenter de dire ce qui devrait être. Cette démarche n’est pas aisée pour de nombreuses raisons.
D’abord, la science politique apparaît aux non-initiés comme une sorte de fourre-tout, parce qu’on observe que beaucoup
d’individus parlent au nom de la science po, notamment des universitaires d’autres disciplines, des journalistes… Cette idée est
illustrée par la notion de politologue, qui renvoie au commentaire journalistique sur la politique.
Ainsi dans l’esprit des citoyens il y a un brouillage entre discours savants (de politistes) et discours de politologues. Cette idée on la
retrouve à travers l’expression « sciences politiques » au pluriel, qui implique finalement de prélever des éléments politiques dans
l’ensemble des sciences sociales.
Or si toutes les disciplines des sciences sociales ont vocation à s’intéresser aux phénomènes politiques, la spécificité de la science
politique c’est que la politique est son objet exclusif.
Ensuite, la science politique est une discipline fragile, qui nécessite des conditions particulières en termes de liberté de conscience
et d’expression pour exister et se développer. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles elle n’est apparue que tardivement, et
plus encore dans les pays de l’ancien bloc soviétique.
Ainsi la répression politique peut être un facteur empêchant le développement des sciences sociales. A ce titre Robert Merton a fait
une étude sur les effets néfastes du totalitarisme sur la démarche scientifique : les scientifiques sont complétement dépendants vis-
à-vis du pouvoir politique (interdiction de la démarche critique).
Finalement s’il n’y a pas de démocratie, il ne peut y avoir de science sociale, parce que la démocratie encourage l’esprit scientifique  ;
c’est un régime fondé sur le débat, la tolérance, l’égalité, voire qui accepte le désordre.

 Qu’est-ce que la science politique ?

Maurice Duverger (années 50) disait de la science po qu’elle était une discipline dans l’enfance. Ce caractère récent se retrouve en
particulier dans la difficulté de donner une définition précise à cette discipline. En fait il n’existe pas une mais des définitions, aucune
ne faisant véritablement consensus. On peut tout de même les regrouper dans plusieurs catégories :
 Les définitions qui essayent de mettre en évidence la spécificité de la science politique ; elles sont presque sociologiques.
Ex – Madeleine Grawitz : « l’étude de la façon dont les hommes conçoivent ou utilisent les institutions qui régissent leur vie en
commun, les idées et la volonté qui les anime, pour assurer la régulation sociale ».
 Les définitions plus rigoureuses, qui essayent d’être plus exhaustives ; elles traduisent la volonté d’émancipation de la sp.
Ex – Bernard Lacroix : « l’explication des conditions et des formes du débat politique, l’explication des faits et gestes des pros
engagés dans cette activités, l’étude de la manière dont ce déploiement d’activités affecte les acteurs sociaux ».
 Les définitions sommaires, qui mettent en avant le terme « politique ». Ex – JM Denquin : « la science de l’univers
politique » ; Rémi Lefebvre : « l’étude des faits considérés à un moment donné comme politique ».
Ce terme est très courant en termes d’usage, et se caractérise par sa redoutable banalité qui renvoie schématiquement à deux
approches : la Politique au sens d’Aristote, à savoir le gouvernement idéal de la société et la recherche du bien commun  ; la
politique au sens péjoratif, celle qui a mauvaise presse (politique des bavardages, de la corruption…).
En anglais il y a 3 mots pour traduire « politique », qui révèlent les trois domaines d’intervention prioritaire de la science politique :
 Polity = le gouvernement, le pouvoir politique, la régulation sociale ; tout ce qui attrait à l’organisation d’une collectivité.
 Politics = la vie politique, la compétition entre les acteurs pour conquérir/conserver/exercer le pouvoir.
 Policy = l’action politique, de manière générale ou de manière sectorielle.

I – Un objectif : la connaissance des phénomènes politiques


La question de l’objet est assez ancienne, et a animé des débats pendant longtemps. En 1948 par exemple, elle s’est posée pour
l’Unesco. Cela a débouché sur un désaccord, sauf sur une chose : la science politique comprend quatre branches.
 Le tronc c’est la sociologie politique : pour les politistes c’est la branche qui s’intéresse à l’Etat, au pouvoir, aux partis, aux
régimes politique, à la participation politique, aux groupes de pression…
 Les relations internationales : c’est l’étude des phénomènes politiques au niveau international, notamment en rapport avec
la notion de souveraineté (- logique d’appropriation d’un territoire qui conduit à une opposition permanente).
 L’histoire des idées politiques : essentiellement des idées, des doctrines, des réflexions, des analyses sur les théories
politiques (philosophie, histoire, sociologie…).
 La sociologie de l’administration : c’est l’étude des phénomènes administratifs, l’admin étant la concrétisation du pouvoir
politique. Le Politique s’en est doté de deux : l’armée pour s’imposer, et l’administration fiscale pour la financer.

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Au-delà de ce consensus, la science politique connaît un autre débat avec deux approches différentes. Néanmoins il a perdu son
intérêt, il s’agit plus d’un débat historique puisqu’il y a consensus sur les grands objets, cad les sujets abordés par cette discipline.
Ex : les partis, l’élection, les groupes de pression, les sondages, les questions de violence et de radicalisation, l’intégration…
a) La 1ère approche : l’objet de la science politique c’est l’Etat
Etat = entité constituée d’un territoire occupé par une population, et un mécanisme de régulation sociale enclenché grâce à son
pouvoir pour organiser la société.
On parle aussi de conception statologique, qui est en fait liée à la souveraineté de l’Etat (Jean Bodin – 1576). Il faut alors distinguer
la souveraineté de l’Etat et la souveraineté dans l’Etat, qui renvoie aux prérogatives de puissance publique. On considère ici que la
science politique doit étudier tous les phénomènes relatifs à l’Etat.
Pour autant l’Etat est une création récente dans l’histoire de l’humanité ; si on prend un pays comme la France, on considère que
l’Etat s’est réellement développé autour des XVe/XVIe, à partir du moment où le pouvoir central s’est imposé face aux seigneurs
féodaux. C’est d’ailleurs le monde occidental qui a inventé l’Etat, qui s’est après propagé par la colonisation (Badie - Bayart).
Tout cela signifie que le phénomène politique a préexisté à l’Etat, puisqu’il existait des formes d’organisation politique avant le XVe.
Dès lors, si on se cantonne à cette approche, on abandonne les formes originelles du Politique (anthropologie – Robert Lowie).
Les sociétés primitives sont des sociétés sans Etat, pour autant cela ne signifie pas qu’elles n’ont pas de politique. L’une des études
les plus célèbres est celle d’Evans-Pritchard (1940) sur les Nuer : c’est ce qu’il appelle une anarchie ordonnée (sans gouvernement)
avec l’existence d’un chef (peau de léopard), qui est l’autorité morale qui gouverne sans violence et exerce son pouvoir à travers des
règles rituelles. Il peut toutefois exister des formes de contrainte (Pierre Clastres – Gua-Yakis) notamment pour des rites de passage.
Tout ceci amènera J-Y Lapierre à écrire « Vivre sans Etat ? », où il considère que la différence société avec/sans Etat n’est pas
pertinente, car toutes les sociétés connaissent un pouvoir politique. Il propose une échelle à 9 degrés pour mesurer le pouvoir
politique et classer les sociétés (1 = très rudimentaire, recours à la médiation ; 9 = organisation étatique, contrainte + légitimation).
b) La 2nde approche : l’objet de la science politique c’est le pouvoir
Pouvoir = rapport inégalitaire d’autorité, de domination.
Cette conception correspond au virage sociologique emprunté par la science politique dans les années 70. Le pouvoir est une notion
très large, et l’Etat n’en est qu’une forme parmi tant d’autres. La science po doit alors s’intéresser à toutes ces formes.
Dès lors qu’il y a des individus il y a du pouvoir puisqu’il est nécessaire pour organiser la répartition inégalitaire des ressources.
L’être humain ayant besoin de vivre en société pour survivre, le pouvoir est une caractéristique de tout être humain. Cette fonction
de régulation sociale s’entoure souvent d’un caractère sacré (Balandier – Anthropologie politique), pour éviter le recours à la
violence. On peut alors parler d’une sorte d’autorité naturelle.
Toute relation sociale sous-tendant un rapport de pouvoir, la science politique va s’intéresser à énormément de choses, et se
rapproche fortement de la sociologie, or la dimension politique n’est pas tant prépondérante.
Ces deux approches ne sont donc pas satisfaisantes. Il faut finalement considérer que la science politique est l’étude d’une forme
particulière du pouvoir.
Max Weber nous a livré une sorte de mécanisme pour définir le pouvoir politique, avec deux critères :
 La spatialisation : le pouvoir se singularise en ce qu’il concerne un groupe restreint, il s’exerce dans un périmètre géo au
profit d’une population et s’occupe d’une généralité de matières (il essaye de tout organiser – totalitaire par essence).
 L’allocation autoritaire : il prend des décisions qu’il transforme en normes (coutumes puis lois). Pour les appliquer, le
pouvoir confisque la violence dans la société globale pour l’ériger en monopole, qui repose à la fois sur des règles de droit et
sur une légitimité (cf. 3 formes de légitimation). La contrainte physique repose sur un assentiment grâce à la légitimation.
Ainsi l’objet de la science politique est cette forme aboutie du pouvoir politique : l’Etat.

II – La science politique : une discipline à vocation scientifique


Le terme « science » n’est pas aisé à appréhender, parce qu’il génère des craintes, des attentes, des réserves, notamment en ce qui
concerne les sciences sociales. Durkheim considère d’ailleurs la politique comme un art, une moralité et non une science.
a) Qu’est-ce qu’une science ?
Science = ensemble de connaissances et de recherches ayant un degré suffisant d’unité, de généralité, et susceptible d’amener les
hommes qui s’y consacrent à des conclusions concordantes qui ne résultent ni de conventions arbitraires, ni des goûts et des
intérêts individuels qui leur sont communs, mais de relations objectives que l’on découvre graduellement et que l’on confirme par
des méthodes de vérification définies.
Une discipline scientifique ambitionne donc de produire des savoirs, des connaissances, par la mise en œuvre d’une méthode, de
certains instruments de validation et de contrôle, et surtout par la mise en œuvre d’une réflexion sur la nature, la validité et la
portée des opérations menées (= épistémologie).
Cela étant, cette supériorité de la science par rapport aux autres types de connaissances (philo, littérature, spéculation, religion) a
été critiquée. Paul Feyerabend disait que la science était une escroquerie, en ce qu’elle ne possède pas de caractéristique
intrinsèque qui la rendrait différente. Pour lui la science n’est qu’une religion moderne, qui essaye d’apporter des réponses à toutes
les questions que se pose l’individu. Elle s’est substituée à la religion en donnant une apparence de rigueur et de modernité, alors
qu’en réalité l’objectivité qu’elle arbore ne peut exister. Dès lors elle fabrique aussi des dogmes, un sens commun.
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Si on considère que la science politique est une science, on lui reconnaît trois principales caractéristiques :
 C’est un savoir construit : il s’agit d’une construction intellectuelle, une représentation de la réalité. C’est un discours qui
ambitionne de comprendre et d’expliquer les phénomènes avec une priorité reconnue aux faits et au refus des arguments
d’autorité, par le recours à une méthode de recherche.
 C’est un savoir faillible : la science tend à la certitude, elle cherche à se rapprocher au maximum de la vérité, sans pour
autant l’atteindre puisque le savoir humain se caractérise par sa relativité. Cela signifie que la science est une activité
toujours perfectible, approximative, révisable. Karl Popper (La logique de la découverte scientifique) a mis en avant que
toute théorie scientifique est nécessairement falsifiable, en ce qu’elle peut être vérifiée, démentie et réfutée. Pour qu’elle
soit vraie il faut pouvoir prouver qu’elle est fausse.
Cette idée de réfutationnisme récuse le postulat selon lequel l’accumulation réputée permettrait d’établir la vérité/fausseté. C’est
ce que Popper appelle l’asymétrie : 100 vérifications ne fondent pas une théorie, et au contraire il est possible de démonter une
théorie générale à partir d’un énoncé singulier. En fait ce sont les faussetés qui font progresser le savoir scientifique.
On retrouve cette idée de modalité de progression de la connaissance par l’erreur chez Thomas Kuhn  (La structure des révolutions
scientifiques) : il explique que le progrès scientifique revêt un caractère révolutionnaire. Selon lui la science évolue de cette
manière : il y a d’abord la préscience (rudimentaire, pas forcément vérifiée), qui progressivement se structure, gagne en rigueur et
en méthode pour devenir une science normale (lois, théories). Mais elle va générer des anomalies, provoquant une situation de
crise remettant fondamentalement en cause cette science, qui va générer l’adoption d’une nouvelle science normale… etc. C’est un
mouvement perpétuel de rupture qui provoque l’essor de la connaissance scientifique.
 C’est un savoir créateur : sa fonction première est de comprendre et expliquer les phénomènes, pour rendre possible la
transformation de la société humaine et de son environnement. August Comte disait de la science qu’elle pouvait servir à
créer un monde meilleur. C’est d’ailleurs l’objectif de la sociologie.
La science a vocation à être utile à la société : c’est une démarche fondamentalement altruiste, elle cherche en permanence à créer.
C’est un facteur de développement de l’humanité, même si cette fonction créatrice n’est pas forcément immédiate.
b) Qu’est-ce qu’une science sociale ?
Dans les sciences modernes, il existe quatre grandes subdivisions : les mathématiques, les sciences de la matière, les sciences de la
vie et les sciences humaines/morales, desquelles découle la notion de sciences sociales.
Dans l’absolu, les sciences humaines s’intéressent à l’homme en tant qu’humain, alors que les sciences sociales s’y intéressent en
tant qu’être social. En réalité les sciences humaines sont sociales et les sciences sociales sont humaines, parce que le propre de
l’homme est d’être social ; c’est surtout un être en relation avec les autres, qui vit en collectivité.
Les sciences sociales sont souvent affublées d’un adjectif épithète : on les appelle les sciences inexactes, ou molles. Toutefois on l’a
vu une science n’a pas vocation à être exacte ; c’est donc un pléonasme. Ces sciences ne postulent pas à être reconnue comme les
autres, puisqu’elles ont deux caractéristiques spécifiques :
 Leur jeunesse : l’essor des sciences sociales est un phénomène récent (XIXe), ce qui explique la faiblesse de production
scientifique de cette discipline.
 La nature particulière de leur objet : les sciences sociales ont pour objet l’homme appréhendé comme un être social. On est
alors en présence de phénomènes complexes, tous en interaction les uns avec les autres, hétérogènes et mutables.
Mais le véritable problème c’est qu’il y a une fusion entre le sujet et l’objet, ce qui génère forcément de la subjectivité puisque le
chercheur ne peut pas maintenir une position d’extériorité par rapport à des phénomènes sociaux.
A ce titre Elias précise que le scientifique doit faire preuve d’engagement et de distanciation : il doit entrer dans l’objet, étudier sur
le terrain, tout en se méfiant des idées préconçues, du sens commun. Il doit faire preuve d’objectivité, dont d’ailleurs on sait qu’elle
n’est pas concevable. Au mieux on peut parvenir à ce que Popper avait appelé l’alter-subjectivité, cad la confrontation critique des
points de vue, donc la possibilité pour les différentes approches de pouvoir dialoguer. Aron considérait plus sobrement que la
finalité du chercheur était de faire preuve d’autocritique : il doit pouvoir souligner lui-même les limites de son travail.
Quatre principaux facteurs expliquent l’intérêt apporté aux sciences sociales :
 La Révolution industrielle : c’est un changement profond du système social, des modes de vie, de la culture… C’est un
bouleversement d’ensemble de la société. Par exemple, si Durkheim s’est intéressé au suicide c’est parce qu’on assiste à
une explosion de phénomène. De nombreuses questions se posent, et les sciences sociales viennent essayer d’y répondre.
 Le développement de l’individualisme : pendant très longtemps l’individu a été enfermé, et le siècle des Lumières a fait
apparaître une aspiration à le libérer. Cette montée en puissance de l’individu se manifeste à la Révolution, notamment
avec la suppression des corporations et des productions collectives. Depuis lors l’individu n’a fait que s’émanciper, si bien
que dans les mentalités collectives l’individu est désormais au centre de tout. Les sciences sociales s’intéressant à l’individu,
cette montée en puissance va favoriser l’essor de telles disciplines.
 Le développement de la science : le XIXe connaît des progrès considérables dans de nombreux domaines, en particulier
grâce à l’essor de la méthode expérimentale. La grande idée à l’origine de l’essor des sciences sociales, c’est d’utiliser cette
méthode pour permettre l’étude des phénomènes sociaux.
 Le développement de l’éducation : on assiste à une élévation générale de la population par sa participation politique, plus
largement par la logique libérale. Ce libéralisme progressif accompagne le développement du secteur de l’éducation, ce qui
bénéficie aux sciences sociales (avec des individus qui vont de plus en plus longtemps à l’école/université).
Ces facteurs sont présents dès le début de XIXe, mais il faudra attendre quelques décennies pour voir l’essor des sciences sociales.

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Ce retard s’explique par un certain nombre d’obstacles auxquels ces sciences se sont heurtées :
o Un obstacle philosophique : les sciences sociales véhiculent l’idée que l’homme puisse devenir un objet de science, qu’on
puisse le traiter, l’analyser, lui faire subir des expérimentations… Il y a une réticence, car on singularise l’homme du fait de sa
conscience. De ce fait on s’est beaucoup méfié de la sociologie qui s’opposait aux conceptions religieuses/humanistes en vogue.
o Un obstacle psychologique : c’est ce qu’on appelle l’illusion du savoir immédiat ; c’est l’idée que la connaissance des questions
humaines ne nécessitent pas de grandes investigations, qu’elles peuvent résulter d’intuitions, et donc qu’il n’est pas nécessaire
de s’embarquer dans de grandes méthodes scientifiques pour connaître ce que nous connaissons tous. On retrouve ici l’idée de
paresse de l’esprit humain : il n’est pas forcément orienté vers l’effort intellectuel, et préfère la connaissance immédiate.
o Un obstacle social : le savoir scientifique a un effet déstabilisateur. Il introduit forcément de la nouveauté  ; il est anarchiste,
insolant, révolutionnaire, puisqu’il remet en cause l’ordre social, les valeurs, les croyances. Ses recherches vont avoir tendances
à combattre des dogmes, alors que les sociétés sont toujours un peu conservatrices.

III – La science politique : une discipline encore en recherche de son autonomie


La question est d’envisager comment la science politique s’est fait une place dans le champ intellectuel français, dans un contexte
de concurrence. D’autant plus qu’elle est amenée à conserver des relations étroites avec les autres disciplines  ; c’est la difficulté
d’avoir une identité propre dans une logique de pluridisciplinarité.
a) Les obstacles à l’émergence de la science politique
La notion de science politique est apparue il y a bien longtemps, pour autant la discipline elle-même ne va se développer qu’à partir
du XXe, dès lors qu’elle existe institutionnellement.
Favre (Naissance de la science politique en France) explique qu’un certain nombre de conditions sont remplis dès le XIXe pour que la
science politique puisse se développer de manière autonome :
 L’autonomisation du politique : pour devenir un objet d’étude, le politique avait besoin d’être séparé des autres objets ; du
domaine économique, puis de la morale (Machiavel). La politique devient à ce moment une discipline à part entière, avec
des catégories spécifiques (guerre, diplomatie, administration, justice…).
 Le développement de l’appareil d’Etat : la Révolution apporte une véritable organisation administrative (en 1789 on crée
les communes, en 90 les départements…). L’Etat s’est peu à peu doté d’un appareil administratif lui permettant de
contrôler, de coloniser son territoire. Cette croissance va fournir une multiplicité d’objets d’études.
 La démocratisation du politique : il a longtemps été affaire que d’une minorité, mais on a assisté à un phénomène de
massification. Ce mouvement de libéralisation de la vie politique se traduit par l’introduction du suffrage universel et par la
reconnaissance progressive de droits politiques.
Malgré ces conditions favorables, la science politique n’arrive pas à se développer car elle peine à s’imposer dans un milieu très
concurrentiel. Elle va se faire une place en grignotant des parts du marché de la sociologie et du droit public. On a demandé à ces
deux disciplines de contribuer au développement de la science politique, pour qu’ensuite elle prenne peu à peu son indépendance.
S’agissant de la sociologie, son attitude à l’égard de l’objet politique est un curieux mélange d’ indifférence (on constate dans la
sociologie traditionnelle – Marx, Durkheim – que les questions politiques n’ont qu’un caractère accessoire) et d’ hégémonie (par
rapport au sociologisme, selon lequel la sociologie est la source exclusive d’explication des phénomènes sociaux).
En ce qui concerne le droit public, on constate une certaine emprise sur la science politique, due au fait que l’institutionnalisation de
la science politique s’est développée en France principalement dans les facs de droit, notamment en droit public. Les juristes
considèrent que la science politique est un complément du droit constitutionnel. Il faudra attendre le recrutement d’universitaires
spécialisés pour que cette mainmise disparaisse.
b) Le développement de la science politique
La discipline émerge notablement dans les années 60, mais avant cet essor il y a une phase durant laquelle on voit apparaître
certains symptômes de l’émergence de la science politique.
Cette phase elle se situe dans la deuxième moitié de la IIIe rép. Dans le domaine institutionnel c’est la création de l’Ecole libre de la
science politique par Emile Boutmy (1771). A l’époque la défaite militaire est assimilée à une défaite morale et politique, d’où l’idée
de créer une boîte privée ayant pour mission d’assurer la formation de nos fonctionnaires (qui deviendra une boîte de prépa).
Ensuite en 1913, Siegfried écrit une étude (tableaux politiques de la France de l’ouest). Elle n’aura pas succès à son époque, car le
contexte politique fait qu’il y a d’autres préoccupations que la sociologie électorale. Il faudra attendre les années 60 pour qu’elle
devienne une grande composante de la science politique. En fait son objectif est d’expliquer le vote en mettant en avant certains
facteurs, le plus important étant le facteur tellurique (= selon la structure des sols – calcaire à gauche et granite à droite).
En 1949 on crée l’association française de la science politique. Elle permet à tous ceux qui s’intéressent à cette discipline d’avoir un
lieu commun. Dans la même lignée, en 1951 est créée une revue spécialisée.
L’année 1954 marque l’installation de la science politique dans les facultés de droit  : on crée des cours spécifiques, avec l’idée que
chaque année les étudiants en droit devraient suivre un cours de science po. Toutefois depuis 2004 cette tendance a disparu. A
partir de la fin des années 50, sont créés des enseignements de 3 ème cycle (DES à Paris, master, doctorat…).
En 1972, la science politique peut recruter ses propres enseignants d’université, et en 1982 on crée une section au CNRS.
Et en 1996 il y a une entrée avortée de la science politique dans l’enseignement secondaire. Les années 90 marquent une certaine
prise de conscience de la société, d’où la décision d’introduire la science politique en SES. Pb : pas enseignée par des politistes.
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Conduire une recherche en science politique – le cheminement expérimental

En ce domaine il n’y a pas de véritable singularité de la science politique. Lorsqu’on parle de la méthode on utilise le singulier. Ce
terme a plusieurs significations, mais celle que l’on va retenir est celle d’un ensemble d’opérations intellectuelles et matérielles à
accomplir pour déceler l’existence d’une réalité, puis d’en comprendre et d’en expliquer les caractéristiques objectives.
Les sciences sociales se sont développées en la matière lorsqu’elles se sont engagées dans la voie de la transposition de la méthode
scientifique, à savoir la méthode expérimentale. En fait l’idée-même de sciences sociales est une sorte de pari, qui consistait à
utiliser la méthode scientifique pour étudier les phénomènes sociaux.
Le cadre générale de la méthode expérimentale a été fondé par Claude Bernard ( Introduction à la médecine expérimentale), qui
disait que « le savant complet est celui qui embrasse à la fois la théorie expérimentale et la pratique expérimentale ». Cela suppose
alors de suivre la démarche suivante : le savant constate un fait (avec une problématique particulière), à partir duquel une idée naît,
en vue de laquelle il va instituer une expérience, en imagine et réalise les conditions matérielles.
En fait à l’origine de la méthode expérimentale il y a l’observation des phénomènes. Celle-ci doit permettre de déterminer un
certain nombre d’hypothèses, qui vont ensuite être soumises à une vérification à partir de laquelle on va dégager des explications.
D’un point de vue didactique on les scinde en quatre étapes, mais en réalité ce n’est pas si mécanique.

I – L’observation
Pour exposer cette phase, il faut partir de deux jugements formulés par Gaston Bachelard :
 L’un extrait du Nouvel esprit scientifique : « la science suscite un monde, non plus par une impulsion magique immanente à
la réalité, mais bien par une impulsion rationnelle immanente à l’esprit ; après avoir formé dans les premiers efforts de
l’esprit scientifique une raison à l’image du monde, l’activité spirituelle de la science moderne s’attache à construire un
monde à l’image de la raison ».
 L’autre extrait de La formation de l’esprit scientifique : « la science réalise ses objets sans jamais les trouver tout faits ; elle
ne correspond pas à un monde à décrire, mais à un monde à construire ; le fait est conquis, construit, constaté ».
Cela nous apprend la philosophie générale de la démarche scientifique, à savoir la quête de rationalité, qui va conduire à constater
des phénomènes, que l’on va par la suite conquérir puis construire dans le cadre d’une observation scientifique.
Cette observation se distingue de l’observation courante, en ce qu’elle est préparée (le chercheur ne va pas sur le terrain sans s’être
documenté) et surtout rigoureuse, en ce qu’elle s’entoure d’un certain nombre de procédures de contrôle pour ne pas fausser la
validité des résultats. De plus elle refuse tout argument d’autorité, et n’hésite pas à déranger, à être « insolente ».

II – La conquête de l’objet
Cette conquête s’effectue par ce que Bachelard appelle la rupture épistémologique : il faut rompre avec le sens commun, les
fausses évidences, les apparences, les idées préconçues ; c’est s’armer d’un instrument critique pour appréhender toute chose.
Francis Bacon dans Novum Organum (1620) évoque l’existence de fantômes. En fait il définit le concept de prénotion (qui sera
repris par Durkheim), et les assimile à des fantômes qui nous défigure le véritable aspect des choses et que nous prenons pourtant
pour les choses elles-mêmes. Il distingue quatre types de fantôme :
 Les fantômes de race : ils tiennent à la race humaine, à ses caractéristiques psycho-physiologique, cad que l’être humain pour
appréhender les choses utilise ses sens, sens qui peuvent fausser son jugement.
 Les fantômes de la caverne : ce sont ceux qui résultent de l’histoire personnelle de chacun (selon le vécu, les goûts, l’état
physique du moment, l’éducation…).
 Les fantômes de convention et de société : ils sont issus de la vie en société, qui génère des éléments de déformation dont le
principal est le langage qui obéit à un certain nombre de codes, qui génèrent une certaine déformation des idées qu’il
véhicule.
 Les fantômes des dogmes : c’est l’idée que la perception que l’on a de la réalité est déformée par les dogmes, produits par les
religions, la philosophie et même la science.
Mais Bacon n’est pas le seul à avoir affirmé cette nécessité de se méfier des évidences. En effet Descartes (début XVIIe) dans Le
discours de la méthode exalte ce qu’il appelle le doute méthodique : c’est l’idée qu’une vérité ne devient une vérité que si elle peut
être mise en doute. Il préconise alors l’utilisation des mathématiques, puisqu’on ne progresse que dans la vérification.
On retrouve aussi cette idée chez Pierre Bayle (XVII-XVIIIe) qui applique à la recherche scientifique le principe du protestantisme :
c’est l’idée qu’il ne peut exister de dogme, et ce même dans la religion. Il considère qu’il est important d’avoir un esprit critique,
pour refuser les arguments d’autorité. Le problème pour lui, c’est que l’esprit est plein de préjugés.
On la retrouve chez Claude Bernard, qui place cette démarche critique au centre de la méthode expérimentale, avec sa formule
« l’observateur doit être le photographe du phénomène ; son esprit doit être passif ; il écoute la nature et écrit sous sa dictée ».  
Ensuite Weber (XIX-XXe) dans son Essai sur la théorie de la science, explique que le trait fondamental de la démarche scientifique
c’est l’inachèvement et l’objectivité. A cet égard, il distingue l’homme politique, animé par des jugements de valeur qui sont
personnels et subjectifs (ex : ils n’ont pas la même perception de la liberté), et le savant qui développe des rapports aux valeurs qui
marquent une certaine distance par rapport à celles-ci (ex : la liberté devient l’objet de recherche au bout duquel il existe des débats
dans une société).

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Enfin on la retrouve chez Durkheim (XIX-XXe), qui préconise ce qu’il appelle la règle de l’ ignorance méthodique : c’est l’idée qu’il
convient d’écarter les jugements de valeur, les prénotions, ce que Durkheim appelle « la notion commune, la connaissance vulgaire
et pratique ». Le chercheur doit donc faire abstraction de tous les dogmes qui existent dans la société dans laquelle il évolue.
C’est ce qu’on appelle le relativisme culturel, cad le fait que la perception que l’on a des choses est conditionnée par la culture
dominante. Cela signifie que le sociologue doit réfléchir, et réaliser que ses travaux puissent être contaminés par cette culture. De la
même manière, il faut se méfier de l’ethnocentrisme (=appréhender les phénomènes sociaux extérieurs au système auquel on
appartient, avec le point de vue de ce même système.
Cette nécessité de la démarche critique constitue la base de toute démarche scientifique. Bourdieu, Passeron et Chamboredon dans
Le métier de sociologue dénoncent la sociologie spontanée, le sens commun, qu’ils opposent à la sociologie savante. En fait
l’obstacle épistémologique par excellence c’est la familiarité avec l’univers social. Le sociologue n’en finit jamais avec les évidences
aveuglantes : la proximité que l’on a avec les choses procure l’illusion du savoir immédiat et de sa richesse indépassable.
Finalement c’est l’idée de se méfier de ce que l’on sait. Elias dans Qu’est-ce que la sociologie  ? considère que la mission principale
du sociologue est d’être un chasseur de mythes produits par les représentations culturelles, mais aussi par la science  ; d’où la
nécessité de combattre la pensée unique.
Certaines études ont mis en évidence cette idée, notamment The americain soldier de Paul Lazarsfeld et une étude sur les violences
policières menée en 1999 par Pierre Favre. Ils mettent en avant la fausseté de prénotions que l’on peut avoir – ex  : les soldats US
issus du sud s’adaptent mieux à un climat tropical que ceux du nord  ; les policiers noirs traitent mieux les suspects de couleur que
leurs collègues blancs ; les commissions mixtes sont moins conciliantes pour les sanctions disciplinaires…
Cependant concrètement, cette rupture épistémologique est assez difficile à faire : le chercheur est non seulement influencé par son
objet (sympathie ou antipathie), mais surtout lui-même peut influencer l’objet par sa simple présence + pb du secret et tabous.

III – La construction de l’objet


Elle suppose de transformer un objet matériel en un objet de recherche : le travail scientifique consiste à mettre en énigme ce qui
semble aller de soi, montrer ce qui se joue derrière la scène, dévoiler la réalité cachée des faits sociaux. Il l’appréhende sans
jugements moraux, et essaye de le comprendre et de l’expliquer.
Avant d’entamer son travail expérimental le chercheur doit suivre trois étapes successives :
 1ère étape : la question de départ 
Elle consiste à choisir dans l’immensité des phénomènes sociaux le ou les aspects qui vont faire l’objet de la recherche, et à les
énoncer sous la forme d’une question précise.
 2ème étape : l’enquête exploratoire
Il s’agit d’inscrire le travail de recherche par rapport aux travaux déjà réalisées. Même si chaque chercheur prétend à une singularité
il s’inscrit malgré tout dans un cheminement avec d’autres recherches. Il va alors entreprendre un travail de documentation avant
la recherche, pour avoir une connaissance basique du sujet.
Au fur-et-à-mesure de sa lecture, de nouveaux éléments et donc de nouvelles questions vont apparaître. Pour que la recherche soit
efficace, il faut mettre en œuvre tout un travail méticuleux de préparation, d’identification du travail existant, car il n’y a pas de
capital en sciences sociales (tant dans le domaine des connaissances que dans celui de l’expérience). Il faut alors cerner les écoles.
 3ème étape : l’élaboration des hypothèses
Il faut élaborer une problématique cad non pas rendre complexe les choses, mais les rendre intelligibles et compréhensibles. Très
simplement c’est mettre en relation des concepts, former un raisonnement, qui provoque alors des interrogations, desquelles
découlent des hypothèses. Ensuite il faut faire des choix méthodologiques, déterminer les techniques de recherche à utiliser.
L’hypothèse est une proposition de réponse à une question pour laquelle l’observateur ne dispose pas de réponse scientifiquement
établie. Pas de réponse, mais tout de même une idée de réponse. Il faut par la suite qu’elle soit vérifiée, sinon ce ne sera qu’une
intuition. Le chercheur pense connaître la réponse, mais il ne l’accepte pas comme fait établi.
La formulation des hypothèses dépend de plusieurs variables :
ð L’environnement socio-culturel du chercheur : les recherches d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec celles d’il y a 30ans. Les
sociétés acceptent maintenant leur diversité et leur fragilité, elles s’intéressent à leurs faiblesses. Elles sont plus ouvertes et
plus individualistes, alors qu’avant il y avait une certaine retenue.
ð L’état des connaissances scientifiques : il y a 30ans la littérature était beaucoup moins fournie dans les sciences sociales.
ð La personnalité du chercheur : même si on essaye d’objectiver au maximum les choses, la recherche est une affaire humaine
donc l’hypothèse va dépendre de l’expérience du chercheur, de ses connaissances, de son intelligence…
En réalité il y a plusieurs types d’hypothèses : au point de départ il y a l’hypothèse de recherche (une idée générale, plutôt vague…).
Ensuite les hypothèses de travail, qui résultent de l’engagement du processus de recherche ; c’est une maturation de l’hypothèse de
recherche qui va devenir plus précise. Les questions pourront être reformulées, pour arriver finalement aux hypothèses théoriques
qui introduisent des concepts. Ce sont celles que l’on va essayer de confirmer ou d’infirmer par le biais de l’expérimentation.

IV – La vérification de l’objet
L’expérimentation c’est la vérification des hypothèses :
 Soit elle devient une réponse, et elle est confirmée ; soit on fait une croix dessus, car elle est infirmée.
 Soit on ne peut ni infirmer ni confirmer, auquel cas il faut reformuler la question.
Méthode des sciences sociales 6
Elle pose parfois problème dans le domaine des sciences sociales, avec la difficulté voire l’impossibilité de faire des vérifications
compte tenu des résistances à la fois pratiques, juridiques, éthiques... Cf. Milgram. Elle peut être réalisée en laboratoire, ou direct
sur le terrain dans le déroulement des phénomènes sociaux. Elle peut être provoquée lorsqu’elle découle d’une action directe de la
part du chercheur, ou invoquée lorsqu’il utilise en expérimentation qui n’est pas de son fait.
Certains sociologues considèrent que l’expérimentation est impossible, ce qui a conduit Durkheim à considérer qu’il fallait utiliser
des méthodes comparatives, aussi appelées expérimentations indirectes. Il s’agit de rechercher les différences et les ressemblances
et d’en interpréter la signification. C’est l’idée d’une systématisation des comparaisons pour remédier à la difficulté concrète.
Ensuite il y a les phases d’explication et de généralisation : il s’agit de répondre aux questions Pourquoi ? pour mettre en évidence
la causalité et Comment ? pour expliquer la manière dont il se manifeste.
Les phénomènes se caractérisant par leur complexité, l’explication est toujours difficile à déterminer. Cette difficulté est accentuée
par la fragmentation des sciences sociales – il y a l’explication sociologique, historique, démographique, socio-politique… Ce n’est
pas avec une seule explication que l’on pourra comprendre l’entier phénomène. Tout cela plaide pour une pluridisciplinarité pour
pouvoir donner une explication globale à des phénomènes globaux.
Ce sont en fait des prismes plaqués sur la réalité, ce pourquoi elles devraient être mises en commun ; il faut que le découpage
disciplinaire soit secondaire pour comprendre globalement les phénomènes sociaux. Il faut quand même préciser que les sciences
sociales commencent à se fédérer autour des objets, ce qui implique un certain rapprochement des disciplines – ex : terrorisme.
Les chercheurs disposent de nombreuses méthodes d’explication, nous prendrons l’exemple de l’analyse fonctionnaliste. Comme
son nom l’indique, elle est centrée sur la notion de fonction, cad du rôle, de la tâche qu’exerce un phénomène dans l’ensemble
social auquel il appartient. Ce terme revêt plusieurs significations :
 Une commune : elle signifie l’action ou le rôle spécifique d’un élément ou d’un organe ; la profession ou l’ensemble des
tâches. Elle a été utilisée par les juristes pour classer les fonctions d’Etat dans le cadre de la séparation des pouvoirs.
 Une mathématique : il s’agit de la relation entre deux ou plusieurs éléments, de telle sorte que toute variation introduite
dans l’un provoque une modification dans l’autre.  Y = f(X), Y étant la variable dépendante et X la variable indépendante.
 Une biologique : c’est la contribution qu’apporte un élément à l’organisation et à l’action de l’ensemble dont il fait partie.
C’est la définition médicale de la vie, qui est un ensemble de fonctions qui empêchent la mort. Paradoxalement, les sciences
sociales vont s’approcher de cette conception.
Dans le domaine fonctionnaliste, trois courants peuvent être identifiés :
 Les précurseurs - Spencer établit un parallèle entre l’organisation des organismes vivants et celle des sociétés humaines, qui est
caractérisé par un mouvement que Durkheim appellera la division du travail : le processus des sociétés humaines se traduit par
le passage de l’homogène à l’hétérogène sous la pression d’une logique, d’une tendance naturelle des stés à la diversification
organique et la spécialisation des missions.
Durkheim, tout en rejetant cette approche (trop caricaturale), compare les fonctions sociales aux fonctions biologiques. La division
du travail remplit une pluralité de fonctions : économique, puis morale car elle maintient une cohésion par complémentarité et
interdépendance, cad une solidarité organique.
 Le fonctionnalisme connaît un développement important avec l’essor de l’anthropologie. Radcliffe-Brown dans Le concept de
fonction dans les sciences sociales définit la fonction comme la contribution d’un élément à la vie sociale, considérée comme
l’ensemble du fonctionnement du système social. Il y a une interdépendance des fonctions, qui si elles ne sont pas remplies
conduit à la disparition de la société.
Malinowski dans Une théorie scientifique de la culture explique qu’il fonde son analyse fonctionnaliste sur plusieurs postulats :
l’unité fonctionnelle de la société, cad que chaque société est un tout composé d’éléments qui remplissent des fonctions
indispensables à l’existence du monde social. Tous les éléments sociaux remplissent une ou plusieurs fonctions, de sorte qu’ils sont
aussi indispensables au fonctionnement de la société.
 Ce fonctionnalisme absolu va être critiqué : Merton dans Eléments de l’état sociologique développe une approche beaucoup
plus pragmatique. « Il est hasardeux de reconnaître à chaque élément une fonction spécifique » - ex : les boutons de manchette
sont devenus inutiles avec l’invention de la boutonnière, pour autant ils conservent une fonction sociale d’orthodoxie.
Ses concepts sont entrés dans le langage courant, notamment :
 La notion d’équivalence fonctionnelle : de même qu’un seul élément peut avoir plusieurs fonctions, une seule fonction
peut être remplie par des éléments interchangeables.
 La notion de dysfonction : les fonctions sont celles qui contribuent à l’adaptation ou l’ajustement du système, et les
dysfonctions sont celles qui gênent ces processus. Un élément va produire un effet contraire à celui escompté.
 La distinction entre fonctions manifestes/latentes : les premières sont celles qui sont comprises et voulues (ce qui est
officiel, comme la fonction destructrice de la consommation) et les secondes ne sont ni comprises ni voulues (la fonction
ostentatoire de la consommation – Cf. Théorie de la classe de loisir de Veblen).
Dans le domaine de la science politique, l’analyse fonctionnaliste est très utilisée, en particulier dans l’étude des phénomènes
partisans : ils font vivre les institutions politiques en fournissant un personnel politique et un encadrement. Cf. Lavau dans A quoi
sert le PCF ? où il explique que le PCF exerce une fonction dysfonctionnelle latente : la fonction tribunitienne.
L’objet a été formé, des hypothèses ont été formulées puis vérifiées… Il reste la détermination des cadres généraux d’analyse. C’est
l’idée de fixer des cadres généraux aux connaissances acquises, au savoir scientifique.
Un des travers de la sociologie au XXe est l’hyperfactualisme : c’est la tentation des sociologues de ne pas parvenir à cette phase de
généralisation, de s’arrêter à l’explication et de refuser de déterminer des cadres généraux d’analyse par méfiance vis-à-vis de ce qui
pourrait se rapprocher du discours spéculatif, de l’élaboration de dogmes.
Méthode des sciences sociales 7
Par cadres généraux d’analyse on entend :
 Les lois scientifiques : il s’agit de déterminer un énoncé général qui fixerait la connaissance – ex  : les lois de Duverger, qui
consacrent l’influence politique des modes de scrutin sur le système des partis.
 Les modèles : il s’agit d’une représentation figurée, d’une schématisation de la réalité – matérielle ou théorique – qui a pour
but de synthétiser la connaissance.
 Les typologies : il s’agit de classer, des déterminer des catégories en mettant en évidence ce qui rapproche et ce qui sépare
les éléments. On réduit la diversité des phénomènes sociaux à un certain nombre de catégories.
A ce titre Weber propose des types idéaux. Par exemple il distingue quatre types d’action : l’action rationnelle par rapport à un but,
par rapport à une valeur, l’action affective ou émotionnelle, et l’action traditionnelle.
Elles sont beaucoup utilisées en science politique, en particulier pour les partis politiques :
◊ La typologie institutionnelle : elle se fonde sur la structure des partis politiques, leurs règles d’organisation – ex  : partis de
cadres, partis de masse, paris électeurs, partis contestataires...
◊ La typologie fonctionnaliste : elle conduit à classer en insistant sur la notion de fonction – ex : Lowi dans La fin du libéralisme
distingue les partis constituants des partis programmatiques, et les partis responsables.
 Les théories : la théorisation est un peu l’objectif final des expériences scientifiques. Bourdieu l’avait définie comme «  un
programme de recherche qui appelle non le débat théorique mais la mise en œuvre pratique capable de les réfuter ou de les
généraliser, ou mieux de spécifier ou de différencier leur prétention à la généralité ». Louis Debroglie « la théorie est ce que
l’intelligence humaine ajoute à l’expérience »  pb de subjectivité par rationalité humaine.
Les tenants de l’école empirique reprochent aux théories d’être spéculatives, de s’éloigner de la réalité. Ceux de l’école rationaliste
considèrent au contraire qu’elles permettent de séparer ce qui est connu de ce qui ne l’est pas, et surtout elles permettent la mise
en œuvre de la réfutation.
Merton considère qu’il y a trois niveaux de théorisation :
ð Les théories particulières : elles sont tendancielles – ex : Lasswell dans Power and personality - Théorie de l’engagement
politique : l’évolution de la personnalité politique se caractérise par un déplacement de motif personnel vers un objet
d’intérêt public. Il explique que la majeure partie des personnalités présentent une certaine frustration. Une fois que
l’engagement et la réussite politique interviennent, l’individu essaye de rationaliser son engagement, de minimiser ses motifs
d’ordre privé en faisant référence à l’intérêt général.
ð Les théories moyennes : la généralisation est plus importante, car on essaye de rendre compte d’un phénomène social de
manière plus globale. Cf. Easton est sa Théorie du système politique. On a plutôt tendance à s’en méfier car on considère qu’il
y a une part importante de discours spéculatif.
ð Les théories générales : elles expliquent l’ensemble du phénomène social, et réduisent à une explication le fonctionnement
du système social – ex : l’idéologie marxiste.

Méthode des sciences sociales 8


Les techniques d’observation

Dans le domaine de la science politique, on s’intéresse à la question de la recherche documentaire. Le traitement documentaire est
à la fois important pour la phase de construction de l’objet et pour la phase d’observation à part entière (à suivre au 2 nd semestre…).
On va en aborder deux axes fondamentaux :
 L’enquête part questionnaire ou sondages d’opinion.
 Les techniques vivantes, cad l’entretien de recherche et l’enquête de terrain (cf. TD).

I – L’enquête par questionnaire ou sondage d’opinion


Le sondage est avant tout une technique d’observation. D’ailleurs on a une double terminologie  : enquête par questionnaire avec
échantillon ou sondage, qui correspond plus au volet médiatique.
L’objectif du sondage est d’avoir connaissance de l’opinion quantifiée d’une population, à partir de la connaissance d’une partie
considérée comme représentative de cette population. Cela fonctionne par extrapolation : je connais un échantillon, et par
généralisation je vais étendre ma connaissance à l’ensemble considéré.
Pour autant il est devenu un véritable phénomène de société, on en parle constamment ; on leur prête beaucoup d’importance.
C’est devenu un élément de polarisation de la politique, alors que ce ne devrait être qu’un élément parmi d’autres. On peut lui
reprocher d’enlever le côté magique des élections, en donnant des résultats avant l’heure  « il faut démocratiser la démocratie » -
une partie de la population se sent dépossédée de sa capacité de s’exprimer, et cherchent à récupérer l’espace démocratique.
L’élection des Etats-Unis est une remise en question de la valeur des sondages : il n’y a pas de vérité dans le sondage notamment
du fait de son effet simplificateur, mais c’est commode surtout quand ça va dans le sens des sondeurs/commanditaire. Il ne faut pas
se contenter des sondages pour rendre compte des phénomènes complexes.
Le qualitatif étant suspecté de subjectivité, on assiste à une montée en puissance du quantitatif à laquelle les sondages participent
en grande partie. Or seul le qualitatif permettrait de traduire les complexités du phénomène. Il faut mettre un terme à l’Empire des
sondages, la république des sondages, la sondomanie, la sondocratie… mais pas au sondage en tant que tel.
De manière générale les élections donnent lieu à une véritable excitation autour des sondages – 14 sondages pour les 1 ères élections
au SUD en 1965 c/ 293 en 2007). Le problème c’est que ces sondages ont acquis une solide influence médiatique  : souvent ce sont
les gens qui travaillent pour les instituts de sondage qui viennent les commenter à la télé ; il y a une sorte d’alliance établie entre les
sondages et les médias.
Mais aujourd’hui on fait des sondages sur tout, il n’y a pas un aspect de la vie sociale qui n’est pas pris en compte par les sondages -
on parlerait presque de droit au sondage. Dès lors il fait partie du quotidien de la société, le sondage est partout (environ 6-8
millions de personnes se font interroger chaque année) ; c’est une véritable institution de la vie sociale.
Il y a trois phénomènes qui expliquent cette place centrale acquise par les sondages :
 L’amélioration de l’outil : la mesure chiffrée bénéficie d’une légitimité dans la société – présomption de véracité ;
 Le développement du débat public et de la société de l’information : les sondages sont arrivés au moment où les médias se
sont développés de manière exponentielle. On est aujourd’hui dans une société de l’information, on veut tout savoir et tout
voir. Les sondages sont racolés à ce mouvement de mobilisation rapide, d’information permanente, dans une société où les
citoyens veulent tout savoir pour les aider à avoir un jugement plus rationnel sur les grandes questions actuelles.

 La désaffection pour les relais institutionnels ou associatifs : le sondage est un moyen d’expression directe, de démocratie
d’opinion, à opposer à la démocratie représentative. Il y a tout de même des paramètres d’impatience et de voyeurisme.
a) Le développement des sondages
A l’origine des sondages il y a une pratique qui apparaît aux EU au début du XIXe  : le vote de paille. En 1824, deux journaux ont
l’idée d’organiser une sorte de vote fictif sur l’élection présidentielle. Ce faisant ils introduisent une pratique qui va durer plus d’un
siècle : organiser une sorte de sondage empirique, cad interroger de manière aléatoire des personnes pour connaître leur intention
de vote. Au départ ce sont des bulletins de vote à découper dans le journal, plus tard on interroge les passants… Etant entendu que
ce procédé est avant tout commercial, l’objectif étant de créer un évènement artificiel jouant sur l’impatience des électeurs.
Ce procédé rappelle le sondage, car il s’agit là aussi de prévoir le résultat de l’élection à partir de la connaissance d’une fraction de
l’électorat. Il se développe très largement dans toutes élections, et devient un véritable rituel tout au long du XIXe. Ex : en 1922 le
Literary Digest organise un grand vote de paille attribuant 59,96% des voix, et il en obtint 58,71%.
Il y a aussi une autre pratique qui s’est développée au début du XXe : les études de marché. Il commence à se développer avec
l’ambition de connaître les attentes et les besoins des consommateurs en utilisant une enquête scientifique. On met en œuvre un
protocole d’enquête sous forme de questionnaire, qui va être administré à une population spécifique. En effet le produit susceptible
d’être mis en vente correspond à un type particulier de consommateurs.
On voit alors que s’imposent les éléments constitutifs du sondage : le questionnaire et l’échantillon.
La réussite entraîne l’idée de mettre en commun ces deux procédés : le procédé technique est celui de l’étude de marché, et
l’objectif est celui du vote de paille. On la doit à trois personnalités importantes : Roper, Crossley et Gallup pour l’élection de 1936.
Le contexte de cette élection est particulier : les instituts annoncent une défaite de Roosevelt – l’idée générale est qu’il y a une
volonté de changement, une certaine usure. Surtout qu’en face de lui le candidat républicain Landon est extrêmement populaire. Le

Méthode des sciences sociales 9


Literary Digest annonçait 42,6% des voix pour Roosevelt par exemple. Au même moment les trois instituts de sondage annoncent la
victoire de Roosevelt, qui s’est confirmée par la suite.
Si le vote de paille s’est lamentablement trompé, c’est parce que les votes de paille ne sont pas des enquêtes scientifiques  : le fait
d’interroger un nombre important n’est pas un indicateur représentatif. Si les personnes ne sont pas choisies dans le cadre d’un
échantillon représentatif, peu importe le nombre ce ne sera pas fiable.
Le Literary Digest avait utilisé un procédé consistant à appeler des gens avec l’aide d’un annuaire  : en appelant les personnes
titulaires d’un téléphone on a abouti à une surreprésentation des milieux favorisés dans le nombre de personnes interrogées, qui
étaient plutôt favorables au parti républicain.
On abandonne le vote de paille dès 1936, et on assiste à un véritable engouement pour la pratique des sondages. D’abord au niveau
des sciences sociales, avec notamment l’Université de Prinston qui développe un centre de recherche dans lequel Cantril va
travailler sur cette notion, et développer de nouvelles techniques d’échantillonnage. Egalement, engouement de la presse us qui va
commander aux instituts un nombre considérable d’enquêtes, touchant à de nombreux domaines. Enfin l’administration us donne
aussi beaucoup d’importance aux sondages : l’idée est de répondre à une préoccupation ancienne, celle de connaître l’opinion des
citoyens sur la réception d’une mesure éventuelle. Avec le début de la guerre en 1941, elle systématise ce système de sondages
pour connaître le moral des troupes, voire même pour connaître la perception de la population d’éventuelles opérations militaires.
Cette pratique des sondages va également se développer au sein des responsables politiques américains, conjointement à la montée
de la publicité et du marketing. En 1948 cependant, elle connaît un sérieux avertissement lors de l’élection présidentielle. On est
alors au début de la guerre froide, Truman se représente contre Dewey qui est alors très populaire. Les commentateurs annoncent
alors la défaite de Truman. En réalité c’est lui qui gagnera, et cet évènement restera dans l’histoire sous le nom de l’erreur gallup –
photo de Truman avec un journal qui avait anticipé les résultats en annonçant sa défaite.
Si les sondages se sont vautrés, c’est pour deux raisons principales : d’abord les instituts de sondage ont fait une confusion entre les
intentions de votes et les votes – ils ont cessé de faire des sondages trois semaines avant les élections. Ensuite ils ont fait une autre
confusion entre les indécis et les abstentionnistes.
Pour autant les sondages ont continué à se développer très largement aux Etats-Unis, et vont gagner les sociétés d’Europe.
En France ce développement est indissociablement lié à Jean Stoetzel : en 1936 il entend parler de ce qui se passe aux EU, et Gallup
lui apprend la technique des sondages et lui confie la mission de créer une filiale française de l’IMPO – l’IFOP. Dès son retour en
France il commence de suite, et réalise six grandes enquêtes. Ex : en juillet 1939 un sondage nous apprend que 45% des français
pensent que « nous n’aurons pas la guerre en 1939 ».
L’activité des sondages reprend à la Libération, puisque dès le 7 septembre 1944 le quotidien Libération publie un sondage sur les
évènements appelé « Interrogée par le gallup français, Paris parle ». Ils vont cependant rester pendant longtemps confidentiels,
parce qu’il n’y pas le même engouement qu’aux EU ; bien au contraire, cette pratique fait l’objet d’une méfiance de la part des
sciences sociales, de la presse et des responsables politiques.
La méfiance des sciences sociales est liée à une frilosité de la sociologie française. Gurvitch dans son traité de sociologie critique
ouvertement cette pratique considérant « qu’ils véhiculent une conception statistique du social qui risque de dénaturer l’enquête
sociologique ». Cette méfiance persiste encore sous la plume de Bourdieu, de Champagne… alors que la science politique associe
son développement à celui des sondages dès les années 70, instaurant une véritable relation fusionnelle entre les deux.
On constate également une méfiance de la presse française, par exemple Le Monde a toujours été à la pointe du combat contre les
sondages. Il faudra attendre 1984 pour y voir apparaître le premier sondage. Cf. Jacques Fauvet
Enfin la classe politique française n’est pas du tout intéressée par cette pratique. Les choses changent à partir de 1965 avec
l’introduction de l’élection au suffrage universel direct. A cette occasion une opération est lancée avec un institut de sondages, une
radio (Europe 1) et une société informatique IBM. Il s’agit d’organiser un sondage sorti des urnes, dont les résultats seront annoncés
par Europe 1. C’est un évènement important, à partir duquel les sondages commencent à se développer timidement.
b) La technique des sondages
On va distinguer trois étapes importantes :
 L’élaboration de l’échantillon : pour connaître la probabilité d’évènements parmi une population donnée il est possible de
n’en étudier qu’une partie, à condition de la choisir selon des règles rigoureuses, garantissant sa représentativité.
Il y a d’abord la méthode aléatoire, consistant à effectuer un tirage au sort de l’échantillon parmi la population, afin de n’introduire
aucun biais par rapport à la population réelle. Elle n’est pratiquement plus utilisée aujourd’hui.
La technique méthode qui s’est le plus généralisée est celle des quotas : il s’agit d’établir une liste de personnes en nombre suffisant
se répartissant selon les mêmes caractéristiques et les mêmes proportions que l’ensemble de la population à étudier. En fait on va
tenter de reconstituer une population en miniature, selon les mêmes proportions. On utilise alors les quotas, qui sont des variables
dont la distribution statistique est connue dans la population.
 L’élaboration du questionnaire : il s’agit d’un agencement, d’un système de questions que l’on va poser aux personnes qui
constituent l’échantillon. On peut distinguer les questions de fait (sur des choses exactes), les questions d’opinion ou de
croyance (la représentation) et les questions d’intention ou d’action. Outre le contenu, on peut les classer selon leur forme  :
les questions ouvertes (liberté de réponse), fermées (choix alternatif) et préformées (variables de proposition de réponse).
L’élaboration du questionnaire n’est pas une démarche neutre. Les principales manipulations apparaissent lors de cette phase,
parce que la manière de poser les questions conditionne les réponses. L’idéal serait d’élaborer de questions qui seraient comprises
de la même manière par tout le monde, et cela suppose un effort extraordinaire sur le choix des mots.

Méthode des sciences sociales 10


Le nombre de questions est aussi important, l’attention n’étant pas forcément acquise. Egalement l’ordre de celles-ci, en raison de
l’effet de halo cad la tendance naturelle à ce que les réponses données contaminent les suivantes, parce que l’individu a tendance à
construire un système de réponse, donc éviter les contradictions. Le meilleur moyen de vérifier la qualité c’est l’expérimentation.
 L’administration du questionnaire : il s’agit de poser les questions sur le terrain.
On pourrait penser que l’on est dans une phase strictement pratique, mais en réalité il existe plusieurs manières de récolter les
réponses, et chacune d’entre elles a une influence sur les réponses données. Elles peuvent être collectées directement (IRL ou par
téléphone…) ou indirectement (internet, voie postale…).
c) L’influence des sondages
Il s’agit d’une considération centrale, les sondages constituant un ensemble très divers. Il y a plusieurs usages derrière  : la prévision,
l’information (identifier des évolutions), la mesure (côtes d’amour ou de désamour) et l’observation (technique de recherche).
D’un point de vue technique, les sondages peuvent être ramenés à trois grandes catégories :
 Les panels : ce sont des enquêtes menées sur un échantillon interrogé à plusieurs reprises, afin de voir l’évolution des opinions
dans le temps.
 Les études omnibus : c’est un sondage dans lequel plusieurs sujets sont traités. On est alors dans une logique de rentabilité
économique, et c’est aujourd’hui la base de nos sondages.
 Les études ad hoc : on a un sujet, un échantillon et un questionnaire qu’on administre – c’est l’idéaltype du sondage.
S’agissant des sondages à caractère politique, on en distingue quatre catégories : les sondages de popularité (opinion favorable ou
défavorable envers qqn) ; les baromètres d’opinion (évolution de l’opinion) ; les sondages pré et post-électoraux (deviner les
résultats ou identifier les électorats) ; les sondages sortis des urnes (qui donnent les résultats des élections.
Dès 1936, un éditorialiste du NY Times s’inquiète que les sondages soient une « menace pour la pureté des scrutins ». Ainsi la
question de l’influence s’est toujours posée. Elle donné lieu à de nombreux débats, pour autant d’un point de vue scientifique on
peut la considérer comme réglée. On sait d’abord que s’il y a influence, elle peut se situer à trois niveaux :
 L’effet majoritaire : la publication des résultats tendrait à renforcer l’opinion majoritaire qui se dégage du sondage.
 L’effet minoritaire : la publication tendrait à mobiliser les tenants de l’opinion minoritaire, et à démobiliser les tenants de
l’opinion majoritaire.
 L’effet boomerang : les sondages ont tendance à favoriser l’abstentionnisme des plus indécis, ces derniers ayant le
sentiment que les résultats sont déjà acquis.
Pour autant ce constat de l’influence ne dit rien sur l’effectivité de celle-ci. En effet on sait que si influence il y a, ses différents effets
ont tendance à s’annihiler. En fait il y a une sorte d’équilibre entre les différentes tendances, ce qui fait qu’elles ne pèsent pas sur le
résultat final de l’élection.
Lazarsfeld a élaboré la théorie des effets limités : dans la société démocratique 90% des citoyens ne s’intéressent pas vraiment à la
politique, donc ils ne prêtent pas une grande importance aux sondages. Les 10% restant s’y intéressant regardent les sondages, mais
ayant une conscience politique ceux-ci ne vont pas les influencer. Finalement les sondages n’ont qu’une influence résiduelle.
Cette question a tout de même polarisé les controverses, et elle a été à l’origine en France d’une règlementation de la pratique des
sondages dans les années 60/70. L’idée était de réduire le nombre de sondages, mais on se heurtait alors à la liberté d’expression, la
liberté de la presse… Tous ces débats ont abouti à la loi du 19 juillet 1977, basée sur trois grandes idées :
 La déontologie : pour garantir la validité scientifique des sondages, la loi prévoit que la publication des résultats doit
s’accompagner à des informations techniques relatives à la manière dont il a été réalisé (ex : date, taille de l’échantillon…).
 Le contrôle : l’idée étant de créer une sorte de police des sondages, la loi institue une autorité administrative indépendante
appelée la Commission des sondages. Elle est composée de 9 magistrats et 2 personnalités qualifiées nommées sur la base de
compétences dans le domaine des sondages.
Les organismes qui publient les sondages ont obligation de faire passer à la Commission un dossier dans lequel figurent un certain
nombre d’informations : le résultat du sondage, la technique d’échantillonnage, les conditions de réalisation des entretiens, le texte
intégral du questionnaire, et quelques éléments d’analyse précisant notamment les limites d’interprétation.
Dans la grande majorité des cas elle n’a rien à dire. Mais dans le cas où elle note quelque chose de peu satisfaisant, elle a le pouvoir
de prescrire de publier une mise au point dans un délai raisonnable. Elle peut également demander aux organismes publics de radio
ou télévision de publier cette mise au point. Elles restent malgré tout assez exceptionnelles. Cf. L’ivresse des sondages de Garrigou
 L’interdiction : dans son article 11, la loi interdit la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage pendant la
semaine qui précède chaque tour de scrutin, assortie à une sanction pénale (amende). On restreint alors les libertés sur la base
d’une question contestable, celle de l’influence.
Cette interdiction a commencé à voler en éclats à partir des années 90, en raison de l’explosion du système traditionnel de
communication. Finalement le 7 septembre 2001 la Cour de cassation estime que la restriction imposée présente des contradictions
avec la CEDH. Ainsi cette loi a été modifiée par une seconde loi du 19 février 2002.
Cette loi réduit la durée de l’interdiction, et la fait correspondre à la fin de la campagne électorale. Elle est respectée durant une
dizaine d’années, mais en 2012 il y a une nouvelle embrouille et les résultats de l’élection présidentielle sont donnés en Belgique à
17h au lieu de 20h.
Finalement toute la réglementation qui a été déployée en matière de sondages n’a pas eu beaucoup d’utilité. Il existe un rapport du
Sénat intitulé Les sondages et la démocratie, qui a conduit à une proposition de loi contenant trois modifications : un renforcement

Méthode des sciences sociales 11


des pouvoirs de la Commission des sondages (plus d’informations techniques + attribution d’un pouvoir de sanction)  ; l’obligation de
transparence (qu’elle publie tous ces commentaires sur internet) ; revoir sa composition (plus de personnalités de la société civile).

Les sondages n’ont pas de finalité prédictive, il s’agit simplement d’une technique d’observation. Nos sociétés sont très impatientes
et voyeuristes d’un certain côté, ce sont des sociétés d’information qui demandent aux sondages de faire des pronostics.
On constate ce phénomène dans le domaine scientifique aussi : les recherches génétiques cherchent à prévoir les risques potentiels
de maladie (ex : cancer). En fait toutes les démarches scientifiques essayent de prévoir, d’anticiper les évolutions à venir, mais de
manière générale elles sont plutôt dans une logique d’observation de ce qui est.
Il faut garder à l’esprit qu’une intention de vote n’est pas un vote, étant entendue qu’elle peut changer. Finalement on condamne la
pratique des sondages à l’égard d’un de ses dévoiement, en raison surtout d’une méconnaissance du procédé et de sa finalité.
Les sondages sont une indication de tendance mesurée dans un contexte différent de celui de l’élection – le sondé n’est pas
l’électeur. Ce phénomène se trouve amplifié aujourd’hui par l’utilisation d’internet, là où les individus ont tendance à se lâcher et ne
pas exprimer ce qu’ils comptent faire réellement. Ainsi le sondage est une tendance, qui est nécessairement approximative.
Cela a généré la mise en œuvre de la procédure de redressement. En effet il y a des cas de sous-déclaration de vote, parce qu’il
existe dans nos sociétés une pression sociale exercée à l’égard de certains partis. Les individus s’intègrent alors dans une logique de
conformisme, car ils n’ont pas envie de passer pour qqn de déviant (ex : communisme pendant la guerre froide, extrême droit ajd).
Ainsi les instituts de sondage ont pris l’habitude de redresser les sondages, cad d’appliquer des coefficients de redressement aux
chiffres bruts obtenus. S’ils ne le faisaient pas, il y aurait une distorsion encore plus grande entre les résultats du sondage et la
réalité. Ex : à la veille du 1er tour de 2002 les sondages donnaient 5% pour Le Pen, portés à 10% après redressement.
Cela montre bien que ce procédé ne relève pas de la science, de la vérité absolue.
L’analyse d’un sondage doit nécessiter une rigueur, une prudence méthodologique. Très souvent les sondeurs demandent aux gens
de se positionner par rapport à des variables différentes (un peu, beaucoup, assez…). Le problème c’est que les journalistes ont
tendance derrière à les ramener à une dichotomie dans une logique de simplification. Egalement il faut émettre des réserves quant
à la représentativité de l’échantillon, et des mots employés dans le sondage (ex : avoir de la sympathie). Enfin il faut toujours
prendre en compte le contexte social dans lequel les réponses sont collectées.
En fait il faut toujours avoir un regard critique sur la méthode pour utiliser les résultats du sondage. Etant entendu qu’il s’agit avant
tout d’un produit commercial : les sondages ne sont pas réalisés par des organismes publics animés par l’intérêt public et la
scientificité. Ce sont des organismes privés – instituts qui les fabriquent et organismes de presse qui les publient – qui cherchent en
premier lieu à satisfaire le client. Ils sont soumis à la loi du marché, donc à des impératifs de rentabilité.
Opinion = expression à un moment donné, forcément évolutive.
Attitude = disposition durable susceptible de se traduire par des actes.
En matière d’électorat, le problème ces dernières années c’est qu’on a plus des comportements d’opinion que d’attitude  : certains
changent brusquement de comportement électoral, ce dans une logique consumériste qui s’explique par un certain désaveu de la
classe politique. On a l’impression que l’idéologie est faite pour les campagnes, et qu’une fois au pouvoir on est dans une logique de
réalisme politique bureaucratique. Il y a une sorte d’utilisation stratégique du vote pour régler leurs problèmes (ex : exprimer une
contestation) alors qu’il sert uniquement à élire quelqu’un.
On a l’idée que la somme de toutes les opinions constitue l’opinion publique. Cette notion est apparue au XVIIIe, mais sa définition
a changé depuis. Au début elle renvoyait à l’opinion des élites façonnées par la philosophie des Lumières, les grands penseurs qui
remettaient en cause l’absolutisme de la monarchie. Au XIXe, elle renvoyait à l’opinion éclairée des élites bourgeoises, avec les
grandes idées humanistes de libéralisme économique. Il faudra attendre la fin du XIXe pour qu’elle renvoie à l’opinion des masses.
En effet elle correspond à la massification de la vie politique, soit la reconnaissance des libertés politiques et le suffrage universel.
On peut considérer que l’affaire Dreyfus est assez symptomatique, car l’objectif est de susciter le soutien de l’opinion publique. A
cet égard, l’acte majeur n’est pas le procès mais la déclaration de guerre au régime politique faite par Zola et publiée dans la presse.
Tönnies dans Critique de l’opinion publique (1922) estime qu’elle évoque à la fois une conscience collective et un jugement unifié, ce
qui contraste avec la cacophonie des avis, des croyances de la population.
Cette notion va surtout se développer dans la 2 nde moitié du XXe avec le développement des médias, et va devenir une réalité très
imposante qui va bénéficier grandement de l’invention de sondages, puisqu’ils vont lui donner une véritable assise en lui fournissant
un instrument de mesure. C’est d’ailleurs là où se situe la critique de Bourdieu L’opinion publique n’existe pas, dans laquelle il
explique que c’est un construit social dans laquelle on regroupe toutes les idées. En fait elle existe, mais elle est insaisissable.
Le sondage est non seulement un instrument de mesure peu fiable, mais il a tendance à faire naître des opinions arrêtées là où elles
n’existaient pas, ou du moins où elles n’étaient pas consolidées. En effet il postule que tout le monde a une opinion sur tout, or ce
n’est pas le cas. A cet égard il opère une assimilation fallacieuse avec la liberté d’opinion. Dans un sondage on ne demande pas de se
renseigner et de réfléchir, mais juste de répondre à une question. Cela aboutit à une surreprésentation des opinions dominantes,
car ceux n’ayant pas d’opinion répètent ce qu’ils ont entendu ailleurs. En fait, le sondage est une mise en forme du sens commun.
Egalement on considère que toutes les opinions se valent, alors qu’en réalité elles n’ont pas toutes la même force sociale.
Se pose aussi la question de ceux qui refusent de répondre. En règle générale les instituts de sondage exercent une pression pour les
limiter : soit ils les évacuent purement et simplement de l’échantillon, soit ils les minimisent en les faisant figurer discrètement.

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Garrigou dans Critique sur les sondages dit qu’ils « enivrent la vie politique, ils contribuent à cette logique de starisation et à la
dominance de la vie médiatique ». A cet égard les sondages ont leur importance, notamment dans le choix des candidats. En effet le
rapport aux candidats n’est pas le même en fonction des sondages de popularité qui les caractérisent.
La dérive démagogique c’est tout faire pour rester populaire, s’efforcer non pas de gouverner mais de trouver quelle action mener,
quel artifice de communication peut redorer un capital confiance mesuré par les sondages. A travers ces enquêtes de popularité, les
sondages personnalisent la vie politique ; on est dans la subjectivité absolue.
Le sondage a un rapport ambigu avec l’élection, puisqu’il entretient une certaine confusion avec elle. Mais le sondage n’est pas le
vote, parce qu’il apparaît comme une opération dépourvue de toute dimension symbolique, intégratrice. On a même plutôt
tendance à penser que le sondage divise la société, alors que le vote revêt un caractère quasi-sacramentaire.
Ainsi considère-t-on que le vote constitue un moment de refondation de l’ordre politique, qui périodiquement traduit à un contrat
social. C’est aussi un moment privilégié où la souveraineté s’exprime par la désignation des représentants. Il a une fonction de
ritualisation de la démocratie.
Le sondage rappelle la démocratie : il alimente le débat démocratique, il contribue à renforcer la célébration du citoyen qui est placé
au cœur de la vie politique, même si les plus critiques lui reprochent de polir le débat démocratique, de réduire les espaces de débat
en privilégiant l’opinion commune. Mais la principale critique qu’on lui fait est de dénaturer l’élection, en remettant en cause la
certitude électorale.
Le sondage entretient aussi un rapport ambigu avec le pouvoir : c’est un objet de pouvoir, en particulier pour ceux qui bénéficient
des résultats avant les autres, avec notamment la possibilité d’anticiper les mouvements du marché financier.
Pour autant, dans le domaine sociologique le sondage reste quand même un outil assez bien maîtrisé, et les résultats qui en
découlent sont assez positifs.

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