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SUPPORT DE COURS – SCIENCES DE L’EDUCATION

La psychologie de l’enfant aujourd’hui


L’importance de la psychologie de l’enfant dans le domaine de l’éducation
n’est plus contestée aujourd’hui. Officiellement, il est admis que toute pédagogie
doit reposer sur des bases psychologiques. Qui s’aviserait de le nier ferait figure
d’attardé ou même de rétrograde.
Dans certains pays comme les Etats-Unis, l’emploi de la psychologie s’est
généralisé et elle commande, par les tests en particulier, à l’organisation et au
contrôle du travail scolaire. En France, sa diffusion est très loin d’avoir atteint de
telles proportions, mais elle a fait des progrès sensibles. L’étude de la psychologie
de l’enfant figure depuis longtemps aux programmes des Ecoles Normales. L’es
Ecoles de formation d’éducateurs spécialisés lui accordent une large place. C’est
autour de la psychologie de l’enfant que gravite à l’heure actuelle tout
l’enseignement des Sciences de l’éducation dans nos universités, au point que les
autres recherches telles que l’histoire de la pédagogie ou l’éducation comparée y
sont fâcheusement délaissées. Les problèmes éducatifs les plus divers supposent
nécessairement de nos jours une approche psychologique.
On peut même dire que la psychologie est à la mode parmi le grand public :
la place grandissante qu’elle occupe dans la presse le prouve. Cela ne va pas sans
inconvénients, mais cela montre qu’elle n’est plus l’apanage des éducateurs
professionnels.
S’il convient de se réjouir du mouvement d’intérêt grandissant qu’elle
suscite, il ne faut pas cependant se faire trop d’illusion à ce sujet. En fait, la
psychologie de l’enfant est encore loin d’avoir gagné la partie dans la pratique
éducative quotidienne. On en parle plus qu’on ne l’applique. Si l’on s’intéresse à
elle davantage, c’est trop souvent encore du bout des yeux et surtout du bout des
lèvres. Reconnaître sa nécessité est devenu un usage, j’allais dire un rite. On
s’incline devant elle en passant ; un peu comme font, dit-on, les Japonais qui
saluent prestement de trois petites révérences, en passant devant leurs temples
disséminés dans la campagne. Chez nous l’union des psychologues et des
éducateurs reste malheureusement sporadique. Elle n’est pas encore entrée dans
les mœurs.
C’est que la psychologie de l’enfant n’a pas cessé d’éveiller certaines
préventions de la part des éducateurs. Les uns la jugent trop théorique, d’autres
trop envahissante, d’autres enfin déconcertante par ses techniques nouvelles et les
divergences dans l’interprétation de ses résultats. Sentie comme nécessaire, elle
reste néanmoins une source de malentendus, d’incompréhensions, de déceptions. Il
ne servirait de rien de le nier ou de l’ignorer. Mieux vaut reconnaître la difficulté
d’implantation de la psychologie de l’enfant dans la vie pédagogique, qu’il s’agisse
de la famille ou de l’école, et s’efforcer d’y remédier.
Il est vrai que la psychologie de l’enfant est devenue une science très
complexe. On ne saurait donc raisonnablement, dans ce chapitre d’introduction,

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prétendre composer ou même esquisser un tableau de ce qu’elle est à l’heure


actuelle. Mais il est, par contre, possible et utile de dégager les raisons d’être de
sa complexité, de repérer certaines difficultés que rencontrent ses usagers
pédagogues, afin de préciser ses possibilités et ses limites d’application. La
psychologie de l’enfant est en plein essor, mais elle a besoin d’être acclimatée en
pédagogie. Tout le livre n’est pas autre chose qu’un effort collectif en vue de cette
acclimatation.

I. Les besoins auxquels répond la psychologie de


l’enfant
L’incertitude qui subsiste concernant son nom est déjà un signe de sa
complexité.
L’expression psychologie de l’enfant ne prête cependant pas à discussion ;
on ajoute parfois aujourd’hui ; et de l’adolescent, afin de marquer la différence
entre les deux périodes du développement que la puberté sépare et relie à la fois.
Mais certains lui préfèrent une formule plus brève et qu’ils jugent plus précise :
psychologie pédagogique. Ils entendent par là souligner son rôle dans l’éducation,
ses applications pratiques. Ils limitent du même coup et assez arbitrairement son
horizon, paraissant oublier par exemple que la psychologie de l’enfant est une
forme de psychologie comparée tout autant que de psychologie appliquée, c’est-à-
dire qu’elle nous aide à comprendre l’adulte, en même temps qu’elle nous fait
connaître l’enfant ; sans compter que le mot « pédagogique » évoque avant tout,
de nos jours, le monde scolaire, ce qui restreint encore davantage le domaine de
l’étude de l’enfant. Récemment, on s’est mis à user et même à abuser du terme
psychopédagogie, dans l’intention louable d’associer les deux activités, celle du
psychologue et celle du pédagogue. Mais son sens varie d’un auteur à l’autre, ce
qui crée des équivoques et des confusions, alors qu’en bon français, il devrait se
borner à désigner toute pédagogie qui s’appuie sur la psychologie.
Si la langue hésite entre plusieurs formules, c’est sans doute parce que la
psychologie de l’enfant répond à des besoins différents.
D’abord, à une curiosité de l’esprit humain, « Le premier service que la
psychologie animale rend à la psychologie humaine, écrivait P. Guillaume, c’est de
lui apprendre l’étonnement scientifique. » L’animal est différent de nous, il
stimule notre désir d’explication tout en nous donnant le sens de la relativité de
notre façon d’être. Nous pouvons en dire autant de l’enfant : son langage, ses
modes de pensée, ses jeux nous étonnent, sa conduite nous aide aussi à
comprendre la nôtre par contrecoup. L’étudier, c’est partir à la découverte. Nous
suivons très bien ce travail d’exploration chez les premiers psychologues de
l’enfance, au siècle dernier, en dehors de tout désir d’application, pour le plaisir
de la surprise. Il est moins sensible aujourd’hui, par suite de la masse de
recherches qui s’intercale entre l’enfant et nous, mais il demeure indispensable.
Le psychologue a besoin de pouvoir porter un regard neuf sur les enfants : c’est le
moyen de dépister des faits qui n’ont pas encore retenu l’attention, et de formuler
à leur sujet des hypothèses de travail qu’il faudra ensuite contrôler.

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En même temps, la psychologie de l’enfant répond à un besoin


d’application. N’est-elle pas l’une des deux branches maîtresses et les plus
anciennes de la psychologie appliquée, l’autre étant la psychologie du travail
industriel ? Nous désirons adapter l’action pédagogique à la nature et aux
possibilités de l’enfant, nous voulons en particulier que nos méthodes
d’enseignement aient, grâce à elle, un meilleur rendement. Le souci d’efficacité
s’est manifesté depuis toujours en pédagogie ; avec la psychologie, nous disposons
maintenant d’un instrument d’adaptation pédagogique. S’aider de la psychologie
pour mieux enseigner, pour mieux former, c’est là sans doute la conception la plus
générale qu’on rencontre de nos jours parmi les éducateurs, et elle est toute
naturelle. Une première difficulté naît de ce que ses résultats ne comportent pas
d’applications toutes prêtes, quelque chose qui ressemblerait à une recette ou à
une potion. A l’éducateur de choisir et d’utiliser à bon escient les données
psychologiques, de s’en inspirer dans ses contacts avec les élèves et dans son
enseignement. Le but de ce cours est précisément de l’y aider. Autre difficulté :
la psychologie de l’enfant ne fournit pas de réponse à tous les problèmes qui se
posent. Elle est loin d’avoir tout scruté, elle oriente ses recherches en fonction des
besoins pressants exprimés par les éducateurs.
Depuis quelques années, la psychologie permet d’agir directement sur
l’enfant, en particulier sur son affectivité, grâce à l’emploi des techniques
nouvelles qu’elle utilise. Elle n’est plus seulement un moyen d’exploration et un
instrument d’adaptation : c’est un moyen d’action. La psychothérapie répond à
cette conception. Son principal domaine est la rééducation des enfants difficiles
dont elle facilite la réadaptation. La psychologie de l’enfant renforce son caractère
de science appliquée par cette orientation nouvelle, audacieuse, qui dans la
pratique exige de grandes précautions.
Les divers besoins que nous venions d’analyser correspondent à une certaine
évolution de la psychologie. Ils se sont manifestés successivement, ou plutôt leur
satisfaction a été rendue possible successivement grâce aux progrès de la
psychologie, mais tous existaient, plus ou moins forts, dès leurs premières
recherches. Ils se retrouvent étroitement associés à l’heure actuelle selon un
dosage qui varie d’un psychologue à l’autre, et leur association est l’une des
sources de la complexité de la psychologie de l’enfant. L’objet de cette
psychologie, nous allons le voir, en est une autre.

II. L’histoire des conduites de croissance


Plutôt que de rechercher ici une définition complète de la psychologie de
l’enfant qui puisse correspondre à l’ensemble des études variées constituant ce
cours, il me paraît nécessaire de voir clairement au départ que lest le champ
d’action de cette psychologie de l’enfant et par conséquent ce qu’on peut, étant
éducateur, espérer obtenir d’elle.
La psychologie générale est considérée assez communément aujourd’hui
comme la science de la conduite, autrement dit du comportement humain. La
formule satisfait l’esprit, mais à condition de préciser :

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1. Qu’il s’agit d’étudier la conduite en fonction de la vie mentale, car d’autres


sciences qu’elle, l’histoire, la géographie humaine, etc. peuvent prétendre
aussi à l’étude de la conduite ;
2. Que la psychologie nous fournît une description expliquée du comportement
humain, c’est-à-dire qu’elle garde le contact des faits.
Si l’on admet ce point de vue, la psychologie de l’enfant, elle, nous apparaît
tout naturellement comme l’histoire de cette conduite au cours de la
croissance, ou si l’on préfère comme l’histoire des conduites de croissance.
Le caractère génétique de la psychologie de l’enfant est mis ainsi au premier
plan. Il s’agit d’étudier les origines des activités de l’enfant et de l’adolescent, de
décrire et d’interpréter leur processus d’évolution. Mais si important qu’il soit, le
point de vue génétique ne suffit pas à rendre compte des conduites de croissance.
D’où la place qu’il convient d’accorder aussi au point de vue fonctionnel et au
point de vue différentiel : la psychologie fonctionnelle envisage la vie mentale
faite, non pas d’éléments associés, mais d’une série de fonctions et d’activités,
fonctions mnémonique, linguistique, motrice, symbolique, etc., qui sous-tendent la
conduite de l’enfant, tandis que la psychologie différentielle étudie les variations
psychiques d’un individu à l’autre, d’un sexe à l’autre, d’un milieu à l’autre.
Ces trois points de vue associés peuvent fournir déjà une riche information
psychologique. C’est pourquoi on les a choisis pour constituer le plan de ce cours.
Suffisent-ils à rendre pleinement intelligible l’histoire des conduites de croissance ?
Cela paraît douteux. L’écueil essentiel de la psychologie de l’enfant aux yeux des
éducateurs est, me semble-t-il, de nous donner une vue incomplète du
comportement concret de l’enfant et de sa motivation, de ramener l’enfance à un
schéma, ou à une série de schémas. Certains vont plus loin : ils lui reprochent de
substituer l’abstraction à la réalité.
Je crois qu’il faut dissiper ici un grave malentendu, qui est peut-être l’un
des principaux motifs d’incompréhension entre les pédagogues et les psychologues.
Que la psychologies (et spécialement la psychologie de l’enfant) se garde d’être
une pure spéculation de l’esprit, qu’elle évite le piège des entités, des facultés,
des systèmes pour se rapprocher au contraire de la vie, que par conséquent elle
parte toujours des faits, non des principes, et qu’elle y revienne sans cesse, cela
est indispensable. Les progrès qu’elle a faits depuis plus d’un demi-siècle vont dans
ce sens. Ses possibilités comme science appliquée sont à ce prix. Mais il est tout
aussi évident que le travail scientifique suppose une élaboration de la réalité
concrète. Chaque science abstrait nécessairement de cette réalité l’aspect qui est
son objet d’étude. La psychologie de l’enfant ne saurait donc éviter l’abstraction.
Elle ne peut pas plus s’en passer que la physique. L’emploi du nombre, de la
mesure accroît encore ce caractère abstrait. Mais, parce que la psychologie de
l’enfant a pour domaine les conduites de croissance, c’est-à-dire quelque chose
d’extrêmement complexe, et qu’elle vise à connaitre l’histoire de cette conduite,
chose plus complexe encore, il est indispensable qu’elle s’efforce par tous les
moyens de maintenir le contact avec la réalité concrète, qu’elle s’appuie sur des
faits, qu’elle procède par induction et non à priori. L’éducateur a donc tort de
s’insurger contre toute abstraction au contact de la psychologie : il n’y a pas de
science sans abstraction. Mais il a raison de demander au psychologue une

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description expliquée du comportement de l’enfant qui permette de le suivre au


plus près, dans ses grandes directions comme dans ses sinuosités : c’est ainsi que
les données psychologiques pourront l’aider efficacement.
Il est certain qu’à l’heure actuelle la psychologie de l’enfant, même
résolument génétique, fonctionnelle et différentielle, demeure encore
schématique et incomplète, et que nous devons, non pas la rendre concrète, ce qui
est impossible, mais lui permettre de saisir davantage le concret dans toute son
épaisseur, si l’on peut dire. Je pense qu’on peut améliorer ce contact avec la
réalité, le rendre plus étroit si, d’une part, la psychologie ne se limite pas trop
uniquement à certains domaines et ne craint pas au contraire d’aborder les
conduites enfantines dans toute leur diversité ; si, d’autre part, elle s’applique à
retrouver dans l’histoire des conduites de croissance les éléments personnels et
circonstanciels qui donnent à cette histoire son support concret. C’est ce qu’il nous
faut examiner de plus près.
La carte psychologique des conduites enfantines s’est considérablement
enrichie depuis le siècle dernier qui, en psychologie comme en géographie, fut
celui des explorateurs. Mais bien des lacunes subsistent. Alors que le jeu, le
graphisme, le langage, etc., ont suscité de nombreux travaux, il y a beaucoup de
choses dont la psychologie de l’enfant s’est fort peu occupée jusqu’ici. D’où
certaines lacunes de ce cours, qui ne sont pas des oublis, mais plutôt des constats
d’ignorance. Il faudra bien, par exemple, qu’elle étudie sérieusement quelque jour
le sentiment poétique, le sentiment religieux de l’enfant et de l’adolescent, dont
elle parle si peu ; les personnages imaginaires qui accompagnent le petit enfant et
qu’elle se contente de citer ; la taquinerie ou l’enfant boudeur ; le scoutisme qui
est aussi mal connu comme réalité psychologique que bien connu comme méthode
pédagogique, etc.
A qui la faute, si tant de faits restent inexplorés ? La richesse des conduites
de croissance est en partie responsable, et aussi l’insuffisance de nos méthodes en
fac de certains sujets d’étude. Le fait également qu’on ne peut tout entreprendre
et que les recherches s’orientent, nous l’avons vu, vers les problèmes qui ont un
caractère d’urgence ou simplement d’actualité, ou encore vers ceux qui semblent
plus importants. Il faut en outre tenir compte, chez les débutants tout au moins,
d’un certain malaise devant l’inconnu, de la crainte de piétiner ou de la peur de
contredire des idées jusque-là admises
L’autre moyen d’éviter le plus possible la schématisation me paraît consister
à enrichir nos schémas généraux et théoriques de tout leur contexte individuel.
Considérons par exemple la croissance mentale d’un enfant. Prise dans son
ensemble, elle obéit grosso modo au schéma génétique commun à tous les enfants.
Ce schéma représente, pour un enfant particulier, la permanence de la croissance
qui tend à la répétition, dans chaque individu, du type humain sous l’effet des
facteurs généraux du développement, d’ordre organique et social. C’est par ce
schéma génétique que les enfants se ressemblent dans une certaine mesure, au
même moment de leur croissance. Sa connaissance est indispensable pour
comprendre l’histoire psychologique d’un enfant. Elle constitue un premier niveau
de la psychologie génétique.

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Mais une conduite de croissance ne se réduit pas à un schéma génétique. Elle


s’observe dans des situations concrètes, variables, auxquelles l’enfant réagit ; il vit
dans sa famille, à l’école, en recréation, etc., et ces situations-types se
diversifient à leur tour selon des conditions de vie particulières. Pour mieux
connaître l’enfant, il nous faut donc tenir compte des situations, tout au moins des
plus caractéristiques. L’évolution psychologique commence par-là à
s’individualiser. Nous sommes à un second niveau de la connaissance.
Ni le schéma génétique si souple qu’on le conçoive, ni les situations de vie si
variées qu’on les observe ne suffisent à rendre pleinement intelligible la conduite
enfantine. Celle-ci dépend en outre des événements aussi nombreux que variés qui
jalonnent chaque vie personnelle. Il s’agit d’incidents fortuits, de circonstances
accidentelles, non prévisibles, dont l’influence varie d’un sujet à l’autre, décisive
pour celui-ci, nulle pour celui-là. Le clinicien s’efforce de retrouver ces
événements quand il examine un enfant difficile. Mais toute vie est tissée
d’événements. Les plus imprévus et les plus minces ne sont pas toujours les moins
agissants : une rencontre, une lecture, un échec peuvent peser lourdement sur
l’évolution d’un enfant. C’est à ce troisième niveau, le niveau événementiel, que
la connaissance psychologique retrouve le mieux les modalités concrètes de la
conduite.
La psychologie de l’enfant ne saurait étudier à fond toutes les situations de
vie, ni dénombrer les événements qui pourront agir sur l’enfant. C’est dans
l’élaboration du schéma génétique qu’elle est le plus à l’aise, mais elle doit tenir
compte des deux autres niveaux de l’histoire personnelle. C’est ce que fait le
psychologue chaque fois qu’il envisage un cas individuel. Et c’est de cette façon
qu’il peut rendre le plus de services à l’éducateur.

III. Les visages actuels de la psychologie de l’enfant


Les américains disent volontiers : « les psychologies 1925 ; 1940 ; 1960 »
etc., entendant par là qu’il y a des sciences psychologiques plutôt qu’une seule
psychologie, et que d’une date à l’autre les différences qu’on y constate sont très
sensibles. On pourrait faire de même pour la psychologie de l’enfant. Elle aussi
tend à se diviser en disciplines distinctes, selon le domaine des recherches et les
méthodes employées. Elle aussi se transforme rapidement : la psychologie de
l’enfant des années 1880 avec Preyer n’est pas celle de 1910 avec Baldwin, Binet
et Stern, ni celle de 1940 avec Wallon, Paget ou Gesell, etc.
Le nombre croissant des travaux publiés, la création d’instituts et de revue
spécialisés, l’organisation de congrès internationaux qui lui sont consacrés sont
autant de signes de son développement rapide. Elle use d’un vocabulaire spécialisé
qui devient parfois à demi hermétique pour le profane, ses méthodes se sont
précisées, ses modes d’interprétation ont changé.
L’évolution des méthodes est particulièrement frappante. Leur nombre s’est
accru, mais surtout elles sont devenues plus rigoureuses. L’emploi des techniques
actuelles exige un apprentissage long et difficile. Le fait est évident dans la
méthode des tests et le traitement des résultats statistiques. Mais on ne
s’improvise pas plus psychoclinicien que psychotechnicien ; une technique

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projective comme le Rorschach demande des années d’apprentissage pour être


bien utilisée. On est passé progressivement de l’emploi de l’observation à celui des
méthodes basées sur l’expérimentation ou qui s’en rapprochent. L’importance qu’a
prise la mesure en psychologie de l’enfant est un trait saisissant de cette
évolution.
Les domaines étudiés n’ont guère changé depuis le siècle dernier : on
s’intéresse toujours à la vie intellectuelle, à la vie affective, à la vie sociale, au
caractère, mais les questions qu’on se pose à leur sujet ne sont plus les mêmes,
non plus que la façon de les poser et d’y répondre. L’évolution de la psychologie de
l’enfant reflète ici celle des conceptions de la psychologie tout entière. La
psychologie du comportement ou « behaviorisme » et celle des réflexes
conditionnés, la psychanalyse, la psychologie de la forme ou
« Gestaltpsychologie », la sociométrie : autant d’exemples typiques de l’action
profonde que les grands courants de la pensée psychologique peuvent avoir sur
l’étude de l’enfant.
On aboutit à une complication croissante en même temps qu’à une
diversification qui sont dans la logique des choses, mais qui peuvent surprendre
l’éducateur. C’est pourquoi je voudrais insister sur ce caractère, et chercher les
raisons d’être des visages distincts de la psychologie de l’enfant à l’heure actuelle.

IV. L’unité de la psychologie de l’enfant


Cette diversité, produit de la culture humaine, est un signe de richesse, non
de faiblesse. Elle ne doit pas nous faire méconnaître l’unité indéniable de la
psychologie de l’enfant que J. Piaget a si bien dégagée dans un texte cité plus loin
par G. Mialaret. Il s’agit partout et toujours d’une activité de caractère
scientifique qui met en rapport les faits des conduites enfantines et cherche à les
mieux connaître en affirmant ses méthodes, en contrôlant ses résultats. Par ses
progrès, elle a prouvé le mouvement en marchant. Par ses applications
grandissantes, elle a démontré son efficacité. Les services qui se sont créés, ceux
de l’orientation professionnelle, des psychologues scolaires, des consultations des
centre psycho-pédagogiques, etc., indiquent assez qu’elle est résolument au
service de l’éducation.

Qu’est-ce qu’un enfant ?

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Il n’est pas besoin de connaître grand-chose de l’enfant pour citer telle ou


telle expérience américaine, en y ajoutant même quelques résultats statistiques
qui, de nos jours, pimentent agréablement la sauce psychologique. Mais un jour
que je m’étais laissé aller à pérorer de la sorte, un vieux sage, qui écoutait
tranquillement dans son coin, prit soudain la parole et me demande simplement de
lui dire ce que c’était qu’un enfant, et ce fut là pour moi un plus pénible exercice.
Depuis lors, il m’est arrivé à plusieurs reprises de poser les problèmes à mes
étudiants sous forme de dissertation, et j’ai constaté qu’ils préféraient prendre un
autre sujet, un sujet plus relevé, un sujet plus scientifique. Aussi vais-je essayer de
traiter moi-même ce sujet difficile, et je vous demande de m’excuser si j’y
parviens mal, car il n’y a rien de plus obscur que les notions les plus communes.
A la question du vieux sage, je serais d’abord tenté de répondre en
invoquant la taille de l’enfant. Mais je vois bien que le vieux sage rira lorsque je lui
aurai dit que l’enfant est un homme plus petit ; il me demandera si, moi dont la
stature n’a rien d’imposant, je n’ai jamais trouvé d’enfants de quatorze ou quinze
ans qui me regardent de haut ; il me parlera des pygmées, des nains, que sais-je
encore ? Et sans doute pourrais-je répondre que ce qui compte, au fond, c’est
moins la taille elle-même que la forme du corps, la morphologie : un enfant n’a
point les épaules aussi larges qu’un adulte, il n’a point de barbe ni de moustaches.
Mais là encore je sais bien que je m’expose à l’ironie du vieux sage. Il me
demandera si c’est par la barbe et la moustache que je distingue une petite fille
d’une femme, et si les femmes n’ont pas en général les épaules moins fortes et les
hanches plus larges. Il me montrera qu’il n’y a point une morphologie enfantine,
mais deux morphologies, l’une pour chaque sexe ; il me prouvera que mon critère
morphologique peut bien servir à différencier une petite fille d’une femme, ou un
petit garçon d’un homme, mais qu’en réalité je fais appel à deux critères, et que
je ne résous nullement le problème de savoir ce qu’est un enfant – sans tenir
compte du sexe -, le problème de définir l’enfance.
Devenu plus prudent, je me garderai bien d’alléguer des facteurs plus
physiologiques comme la température ou le métabolisme, qui me semblent
cependant meilleurs que les précédents. Je tiendrai compte, en effet, de ce qu’il y
a, en fait, plusieurs enfances ; ce qui implique à la fois plusieurs morphologies –
« l’asperge » des douze ans n’est point le petit enfant rondelet de quatre ou cinq
ans – et sans doute aussi plusieurs sortes métabolismes. Je ferai appel à une notion
d’un tout autre genre, bien qu’encore de nature physiologique, la croissance. Un
enfant, c’est un être qui croît ; au contraire, dirai-je, chez l’adulte, la taille et la
forme sont achevées ; et je me permettrai d’ajouter que cela tient à la disparition
de certains tissus embryonnaires, par exemple dans le squelette ; je pourrai même,
rappelant les souvenirs de certains manuels que j’ai lus récemment, parler avec
autorité de la manière dont l’âge d’un sujet peut se définir par son index
squelettique, par l’index d’ossification des tissus du squelette, beaucoup mieux
que par n’importe quel autre caractère organique.
Mais c’est là définir d’une manière trop générale. Alors que, par la
morphologie, j’envisageais seulement des variétés de l’enfant, maintenant, au

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contraire, l’enfant se trouve être une variété de la classe plus générale de petit
d’animal que, en fait, définit mon critère de croissance. Et si, voulant ajouter au
genre la différence spécifique, j’ajoute que l’enfant est un homme futur, un
homme en croissance, je crais que mon vieux sage ne me demande cette fois de
définir l’homme. Comment, cependant, éviterai-je de faire entrer la notion
d’homme en général, la notion d’humanité, dans la notion d’enfance ? Je m’en
tiendrai donc à ma définition, et je demanderai à mon vieux sage de rejeter à une
autre jour le problème de définir l’homme.
Mais il ne s’en tiendra point là. Il me fera remarquer que ma définition reste
bien verbale, qu’elle ne lui fait pas suffisamment connaître l’objet défini, que
c’est une étiquette qui ne lui apprend pas grand-chose encore, et qu’il me faut,
pour achever ma tâche, parvenir à décrire l’enfant d’une manière plus complète.
J’abandonnerai alors les données physiologiques, et je tenterai de montrer
qu’un enfant se reconnaît avant tout à ses manières d’être et d’agir, disons, d’une
manière plus large, à ses comportements. Il y a des comportements spécifiquement
enfantins, des « manières » enfantines. La conduite de l’enfant est toujours plus ou
moins instable, parce qu’elle n’est pas, comme celle de l’adulte, appuyée sur un
objet ou une règle, parce qu’elle n’est point aussi asservie à une tâche et à un
emploi du temps, parce que l’enfant ne connaît point le véritable travail, et qu’il
peut jouer et rêver. J’insisterai alors sur le fait que l’acte par excellence de
l’enfance, du petit d’homme, c’est le jeu.
Je me souviendrai cependant de la faute que j’ai faite dans ma précédente
tentative, en usant de la notion de croissance, et je caractériserai ce jeu enfantin
de manière à le distinguer du jeu animal. Je dirai que l’enfant, dans son jeu,
cherche souvent à imiter l’adulte. Il joue à la « mère », à la « maîtresse », plus
tard aux « gendarmes et aux voleurs » ou au « mecano ». Il n’y a point la un jeu
stéréotypé comme celui du petit chaton : nos enfants peuvent innover dans leurs
imitations ; de nos jours, ils jouent à l’avion, ce que ne faisaient certes point les
petits gaulois au temps de César. La conduite enfantine de jeu implique donc un
élément de pensée représentative, de choix, disons plus largement une initiative.
Elle est comme sous-tendue par une visée intentionnelle souple.
Mais il est assez clair que si l’on définissait seulement l’enfant par cette
activité spontanée de jeu, on n’envisagerait qu’un aspect de son être. Cet aspect
n’est d’ailleurs point isolé d’autres aspects, par exemple d’un certain savoir.
Jouer, c’est utiliser un certain savoir, quand il ne s’agirait que des règles du jeu, si
le jeu est traditionnel, ou de certaines données physiques s’il s’agit du meccano.
L’enfant possède un savoir qu’ignore l’animal.
Or le savoir enfantin a des caractères particuliers par lesquels il se distingue
du savoir de l’adulte. Définir l’enfant par l’addition d’une activité de jeu et d’une
activité qui vise au savoir, ce serait donc insuffisant. Non seulement il y a aussi un
jeu adulte, bien différent, il est vrai, du jeu de l’enfant, mais le savoir enfantin est
encore plus spécial. Il me faut donc caractériser les deux éléments de ma
définition en les opposant aux éléments semblables que je trouve chez l’adulte.

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Passons sur le jeu ; il est assez clair que le jeu de l’adulte, qui est avant tout
délassement du travail, est bien différent de cette activité ludique qui absorbe si
longtemps l’enfant. Mais, pour le savoir, il nous faut remarquer que, chez l’enfant,
il présente, en premier lieu, un caractère très marqué d’égocentrisme. L’enfant
dépasse peu son être propre ; il voit les choses et le monde à partir de cet être.
D’autre part, ses connaissances ne sont point systématisées comme celles de
l’adulte, ce sont, comme l’a bien dit Wallon, des connaissances « en îlots » ; aussi
l’enfant support-t-il aisément de se contredire : la contradiction existe pour
l’adulte qui compare les deux affirmations contraires, mais elle n’existe point pour
l’enfant qui ne fait pas la comparaison.
Cependant, ces différences restent encore insuffisantes, car combien
d’adultes – même sans parler des primitifs – restent encore très égocentriques et
gardent une pensée en îlots ? Nul d’entre nous ne parvient jamais à systématiser
complètement ses pensées. Nous avons des savoirs – et chacun a sa case dans notre
esprit – plus qu’un unique savoir. Il nous faut donc encore chercher d’un autre
côté.
Puisque le contenu des diverses activités enfantines n’a pu nous livrer ce que
nous cherchons, pourquoi ne chercherions-nous pas, cette fois, du côté du
contenant, ou plutôt du côté de cette force qui organise les savoirs et qui
commande les jeux ? N’est-ce d’ailleurs point là, pour chacun de nous, l’essentiel,
plus que les diverses expressions qu’elle revêt et que les diverses richesses qu’elle
met dans ses tiroirs. Si nous ne pouvons définir de manière honorable l’enfant par
ce discontinu de ses activités, de ses connaissances, en un mot de son « avoir »,
pourquoi ne pas chercher du côté de son « être », du côté du principe qui est au
centre de tout cela ? L’enfant est d’abord un individu qui donne une signification
au mot « je », c’est-à-dire un être qui veut, qui projette, qui affirme sa propriété,
qui se met en question. Même avant cette période, qui va du milieu de la seconde
année à la crise de trois ans, pendant laquelle s’organise le sentiment du Moi, on
peut considérer qu’il y a dans l’enfant comme une force progressive qui ébauche
déjà le Je futur. L’enfant, c’est donc une force qui progresse, un mouvement en
avant, disons mieux, un élan.
Sans doute trouverait-on aussi le même élan chez l’adulte, mais il présente
alors des caractères tout autres. Tentons donc de spécifier cet élan enfantin, afin
de distinguer celui-ci de l’adulte.
Chez l’enfant, l’élan en avant, d’abord purement fonctionnel et comme
physiologique, se précise rapidement par le modèle de l’adulte. L’enfant, c’est, en
quelque sorte, l’adulte en volonté – bien plus qu’en puissance. Les psychanalystes
ont mis en valeur ce caractère de l’enfant, en montrant pour la première année – il
est aussi l’idéal vers lequel tend l’enfant. L’enfant, a dit Claparède, est un
candidat à la vie adulte. Il se trouve, par la force des choses, écarté des travaux
réels, du monde sérieux des adultes et il cherche à s’y insérer de son mieux. Dans
la période préscolaire, à l’âge de la maternelle, il tente d’aider maman, de faire le
ménage ou la cuisine. Plus tard, mieux averti des difficultés de « la vie humble aux
travaux ennuyeux et faciles », il cherche plus simplement à s’égaler avec celui
qu’il nomme le « grand », il quête une place dans leurs jeux, il répète les opinions

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SUPPORT DE COURS – SCIENCES DE L’EDUCATION

du grand frère. Tout se passe comme si son Moi n’était rien d’autre qu’un élan vers
l’Ainé. Cet Ainé, qui était l’adulte, est devenu plus modestement le « grand » ;
mais à l’adolescence, à nouveau l’idéal de vie sera celui de l’adulte – non, il est
vrai, sans maintes critiques qui sont comme des rancœurs d’amoureux déçu.
Il serait cependant erroné de définir l’enfant uniquement par cet effort vers
l’adulte, comme on l’a souvent fait. Si, dans le petit d’homme, il n’y avait que
cette aspiration à la société adulte, on ne pourrait certes comprendre que
l’homme pût, par la suite, contribuer à faire progresser cette société. En réalité,
l’élan enfantin – comme plus tard l’élan humain- c’est un élan ouvert et
éminemment plastique. Si l’enfant prend l’Aîné comme modèle, c’est seulement
parce qu’il n’a point d’autre modèle à sa disposition. A l’occasion il sait inventer –
ou, au moins, pratiquer – des activités dans lesquelles l’adulte n’a aucune part.
Courir, tirer à l’arbalète, suivre le bord d’un trottoir, mettre des cubes en ordre,
jouer à saute-mouton, ou aux barres, ce sont là autant d’activités dans lesquelles
l’enfant cherche une réussite, autant d’épreuves chéries dans lesquelles l’adulte
n’a aucune part. L’enfance se définit ainsi comme un mouvement en avant, comme
un départ vers de multiples horizons, comme une plénitude de projets, comme une
audace. Plus tard, cet élan se soumettra plus ou moins étroitement aux structures
sociales, il s’engluera dans le « on », il suivra la masse. Mais l’enfance est cet âge
heureux dans lequel l’élan primitif qui a fait l’homme, cette inquiétude de soi et
du monde qui poussé l’humanité aux plus nobles grandeurs comme aux échecs les
plus vils, cette impulsion qui nous fait sortir de nous pour chercher dans l’aventure
le meilleur de nous-même, n’est point encore bridée, contrainte, et comme menée
vers des pays connus. L’enfance, c’est l’âge de l’espoir et des rêves. L’enfant,
c’est l’être et le seul être qui vive par-delà lui-même.
Sans doute, peut-on dire qu’à ce compte il ne manque point d’enfants parmi
les adultes. Et cela est vrai. Disons même que l’homme ne vaut jamais que par ce
peu d’enfance qu’il conserve par-devers lui comme son plus précieux trésor. Etre
homme, véritablement homme, c’est toujours rester quelque peu enfant. Mais,
même chez l’homme qui reste enfant, il est des nécessités d’autre sorte qui
canalisent l’élan, qui conditionnent la conduite. Non seulement ce sens de la règle
qui est déjà chez l’enfant, mais le sens du réel, de l’existant. L’enfant vit par-delà
lui-même, mais c’est dans un milieu clos, dans un milieu bien gardé par les
barrières dont l’adulte entoure la tendre enfance afin de la préserver. L’enfant ne
connaît point la sévérité de l’existence pure, de l’être concret, ni de l’être social,
il ne connaît point le souci du salaire quotidien, il ne connaît pas le prix du temps.
L’enfant vit par-delà lui-même dans un monde artificiel que lui a construit
l’adulte. Quitter l’enfance, cela ne se peut sans regrets, car c’est quitter la côte
pour la haute mer. Quitter l’enfance, c’est se durcir, c’est souffrir. C’est adhérer à
la grande société de coopération qu’est l’humanité tout entière, c’est être pris
dans un monde réel, où il faut des travaux réels, de la cuisine réelle, une bêche qui
pèse lourd, et où les automobiles ont des accidents parfois désastreux.

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