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SUPPORT DE COURS – SCIENCES DE L’EDUCATION
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SUPPORT DE COURS – SCIENCES DE L’EDUCATION
contraire, l’enfant se trouve être une variété de la classe plus générale de petit
d’animal que, en fait, définit mon critère de croissance. Et si, voulant ajouter au
genre la différence spécifique, j’ajoute que l’enfant est un homme futur, un
homme en croissance, je crais que mon vieux sage ne me demande cette fois de
définir l’homme. Comment, cependant, éviterai-je de faire entrer la notion
d’homme en général, la notion d’humanité, dans la notion d’enfance ? Je m’en
tiendrai donc à ma définition, et je demanderai à mon vieux sage de rejeter à une
autre jour le problème de définir l’homme.
Mais il ne s’en tiendra point là. Il me fera remarquer que ma définition reste
bien verbale, qu’elle ne lui fait pas suffisamment connaître l’objet défini, que
c’est une étiquette qui ne lui apprend pas grand-chose encore, et qu’il me faut,
pour achever ma tâche, parvenir à décrire l’enfant d’une manière plus complète.
J’abandonnerai alors les données physiologiques, et je tenterai de montrer
qu’un enfant se reconnaît avant tout à ses manières d’être et d’agir, disons, d’une
manière plus large, à ses comportements. Il y a des comportements spécifiquement
enfantins, des « manières » enfantines. La conduite de l’enfant est toujours plus ou
moins instable, parce qu’elle n’est pas, comme celle de l’adulte, appuyée sur un
objet ou une règle, parce qu’elle n’est point aussi asservie à une tâche et à un
emploi du temps, parce que l’enfant ne connaît point le véritable travail, et qu’il
peut jouer et rêver. J’insisterai alors sur le fait que l’acte par excellence de
l’enfance, du petit d’homme, c’est le jeu.
Je me souviendrai cependant de la faute que j’ai faite dans ma précédente
tentative, en usant de la notion de croissance, et je caractériserai ce jeu enfantin
de manière à le distinguer du jeu animal. Je dirai que l’enfant, dans son jeu,
cherche souvent à imiter l’adulte. Il joue à la « mère », à la « maîtresse », plus
tard aux « gendarmes et aux voleurs » ou au « mecano ». Il n’y a point la un jeu
stéréotypé comme celui du petit chaton : nos enfants peuvent innover dans leurs
imitations ; de nos jours, ils jouent à l’avion, ce que ne faisaient certes point les
petits gaulois au temps de César. La conduite enfantine de jeu implique donc un
élément de pensée représentative, de choix, disons plus largement une initiative.
Elle est comme sous-tendue par une visée intentionnelle souple.
Mais il est assez clair que si l’on définissait seulement l’enfant par cette
activité spontanée de jeu, on n’envisagerait qu’un aspect de son être. Cet aspect
n’est d’ailleurs point isolé d’autres aspects, par exemple d’un certain savoir.
Jouer, c’est utiliser un certain savoir, quand il ne s’agirait que des règles du jeu, si
le jeu est traditionnel, ou de certaines données physiques s’il s’agit du meccano.
L’enfant possède un savoir qu’ignore l’animal.
Or le savoir enfantin a des caractères particuliers par lesquels il se distingue
du savoir de l’adulte. Définir l’enfant par l’addition d’une activité de jeu et d’une
activité qui vise au savoir, ce serait donc insuffisant. Non seulement il y a aussi un
jeu adulte, bien différent, il est vrai, du jeu de l’enfant, mais le savoir enfantin est
encore plus spécial. Il me faut donc caractériser les deux éléments de ma
définition en les opposant aux éléments semblables que je trouve chez l’adulte.
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Passons sur le jeu ; il est assez clair que le jeu de l’adulte, qui est avant tout
délassement du travail, est bien différent de cette activité ludique qui absorbe si
longtemps l’enfant. Mais, pour le savoir, il nous faut remarquer que, chez l’enfant,
il présente, en premier lieu, un caractère très marqué d’égocentrisme. L’enfant
dépasse peu son être propre ; il voit les choses et le monde à partir de cet être.
D’autre part, ses connaissances ne sont point systématisées comme celles de
l’adulte, ce sont, comme l’a bien dit Wallon, des connaissances « en îlots » ; aussi
l’enfant support-t-il aisément de se contredire : la contradiction existe pour
l’adulte qui compare les deux affirmations contraires, mais elle n’existe point pour
l’enfant qui ne fait pas la comparaison.
Cependant, ces différences restent encore insuffisantes, car combien
d’adultes – même sans parler des primitifs – restent encore très égocentriques et
gardent une pensée en îlots ? Nul d’entre nous ne parvient jamais à systématiser
complètement ses pensées. Nous avons des savoirs – et chacun a sa case dans notre
esprit – plus qu’un unique savoir. Il nous faut donc encore chercher d’un autre
côté.
Puisque le contenu des diverses activités enfantines n’a pu nous livrer ce que
nous cherchons, pourquoi ne chercherions-nous pas, cette fois, du côté du
contenant, ou plutôt du côté de cette force qui organise les savoirs et qui
commande les jeux ? N’est-ce d’ailleurs point là, pour chacun de nous, l’essentiel,
plus que les diverses expressions qu’elle revêt et que les diverses richesses qu’elle
met dans ses tiroirs. Si nous ne pouvons définir de manière honorable l’enfant par
ce discontinu de ses activités, de ses connaissances, en un mot de son « avoir »,
pourquoi ne pas chercher du côté de son « être », du côté du principe qui est au
centre de tout cela ? L’enfant est d’abord un individu qui donne une signification
au mot « je », c’est-à-dire un être qui veut, qui projette, qui affirme sa propriété,
qui se met en question. Même avant cette période, qui va du milieu de la seconde
année à la crise de trois ans, pendant laquelle s’organise le sentiment du Moi, on
peut considérer qu’il y a dans l’enfant comme une force progressive qui ébauche
déjà le Je futur. L’enfant, c’est donc une force qui progresse, un mouvement en
avant, disons mieux, un élan.
Sans doute trouverait-on aussi le même élan chez l’adulte, mais il présente
alors des caractères tout autres. Tentons donc de spécifier cet élan enfantin, afin
de distinguer celui-ci de l’adulte.
Chez l’enfant, l’élan en avant, d’abord purement fonctionnel et comme
physiologique, se précise rapidement par le modèle de l’adulte. L’enfant, c’est, en
quelque sorte, l’adulte en volonté – bien plus qu’en puissance. Les psychanalystes
ont mis en valeur ce caractère de l’enfant, en montrant pour la première année – il
est aussi l’idéal vers lequel tend l’enfant. L’enfant, a dit Claparède, est un
candidat à la vie adulte. Il se trouve, par la force des choses, écarté des travaux
réels, du monde sérieux des adultes et il cherche à s’y insérer de son mieux. Dans
la période préscolaire, à l’âge de la maternelle, il tente d’aider maman, de faire le
ménage ou la cuisine. Plus tard, mieux averti des difficultés de « la vie humble aux
travaux ennuyeux et faciles », il cherche plus simplement à s’égaler avec celui
qu’il nomme le « grand », il quête une place dans leurs jeux, il répète les opinions
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du grand frère. Tout se passe comme si son Moi n’était rien d’autre qu’un élan vers
l’Ainé. Cet Ainé, qui était l’adulte, est devenu plus modestement le « grand » ;
mais à l’adolescence, à nouveau l’idéal de vie sera celui de l’adulte – non, il est
vrai, sans maintes critiques qui sont comme des rancœurs d’amoureux déçu.
Il serait cependant erroné de définir l’enfant uniquement par cet effort vers
l’adulte, comme on l’a souvent fait. Si, dans le petit d’homme, il n’y avait que
cette aspiration à la société adulte, on ne pourrait certes comprendre que
l’homme pût, par la suite, contribuer à faire progresser cette société. En réalité,
l’élan enfantin – comme plus tard l’élan humain- c’est un élan ouvert et
éminemment plastique. Si l’enfant prend l’Aîné comme modèle, c’est seulement
parce qu’il n’a point d’autre modèle à sa disposition. A l’occasion il sait inventer –
ou, au moins, pratiquer – des activités dans lesquelles l’adulte n’a aucune part.
Courir, tirer à l’arbalète, suivre le bord d’un trottoir, mettre des cubes en ordre,
jouer à saute-mouton, ou aux barres, ce sont là autant d’activités dans lesquelles
l’enfant cherche une réussite, autant d’épreuves chéries dans lesquelles l’adulte
n’a aucune part. L’enfance se définit ainsi comme un mouvement en avant, comme
un départ vers de multiples horizons, comme une plénitude de projets, comme une
audace. Plus tard, cet élan se soumettra plus ou moins étroitement aux structures
sociales, il s’engluera dans le « on », il suivra la masse. Mais l’enfance est cet âge
heureux dans lequel l’élan primitif qui a fait l’homme, cette inquiétude de soi et
du monde qui poussé l’humanité aux plus nobles grandeurs comme aux échecs les
plus vils, cette impulsion qui nous fait sortir de nous pour chercher dans l’aventure
le meilleur de nous-même, n’est point encore bridée, contrainte, et comme menée
vers des pays connus. L’enfance, c’est l’âge de l’espoir et des rêves. L’enfant,
c’est l’être et le seul être qui vive par-delà lui-même.
Sans doute, peut-on dire qu’à ce compte il ne manque point d’enfants parmi
les adultes. Et cela est vrai. Disons même que l’homme ne vaut jamais que par ce
peu d’enfance qu’il conserve par-devers lui comme son plus précieux trésor. Etre
homme, véritablement homme, c’est toujours rester quelque peu enfant. Mais,
même chez l’homme qui reste enfant, il est des nécessités d’autre sorte qui
canalisent l’élan, qui conditionnent la conduite. Non seulement ce sens de la règle
qui est déjà chez l’enfant, mais le sens du réel, de l’existant. L’enfant vit par-delà
lui-même, mais c’est dans un milieu clos, dans un milieu bien gardé par les
barrières dont l’adulte entoure la tendre enfance afin de la préserver. L’enfant ne
connaît point la sévérité de l’existence pure, de l’être concret, ni de l’être social,
il ne connaît point le souci du salaire quotidien, il ne connaît pas le prix du temps.
L’enfant vit par-delà lui-même dans un monde artificiel que lui a construit
l’adulte. Quitter l’enfance, cela ne se peut sans regrets, car c’est quitter la côte
pour la haute mer. Quitter l’enfance, c’est se durcir, c’est souffrir. C’est adhérer à
la grande société de coopération qu’est l’humanité tout entière, c’est être pris
dans un monde réel, où il faut des travaux réels, de la cuisine réelle, une bêche qui
pèse lourd, et où les automobiles ont des accidents parfois désastreux.