Sunteți pe pagina 1din 17

See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.

net/publication/323144508

L'expérience gastronomique : des dimensions linguistiques aux dimensions


sensibles

Chapter · January 2015

CITATIONS READS

0 116

1 author:

Clémentine Hugol-Gential
University of Burgundy
75 PUBLICATIONS   25 CITATIONS   

SEE PROFILE

Some of the authors of this publication are also working on these related projects:

Culinary practices, impact on behaviours and food representations View project

Goût et identités culturelles. Les aliments et le vin View project

All content following this page was uploaded by Clémentine Hugol-Gential on 13 February 2018.

The user has requested enhancement of the downloaded file.


L’expérience gastronomique :

Des dimensions linguistiques aux


dimensions sensibles1

1. Introduction

Devant la multiplication des offres gourmandes ou gastronomiques proposées


dans de nombreux restaurants, les directeurs d’établissement doivent aujourd’hui
mettre en place des stratégies de communication visant à se distinguer et à
promouvoir leur patrimoine gastronomique et leur savoir-faire. L’expérience du
repas dans un restaurant ne se résume pas seulement à la qualité organoleptique des
mets proposés. Elle est en effet beaucoup plus complexe et repose sur un ensemble
de paramètres : le décorum, le design de l’assiette, la carte des vins, les pratiques de
service, les interactions avec le personnel de service, les mots employés pour décrire
et valoriser les plats proposés, les histoires contées qui visent à faire découvrir le
terroir et les producteurs. Dans le cadre de cette contribution nous souhaitons nous
intéresser spécifiquement aux mots des mets. En effet, les mots précèdent
l’expérience gastronomique et ont un rôle crucial dans la mise en condition du client
et dans les choix qu’il va produire. Aujourd’hui les menus sont souvent à disposition
sur internet et sont le premier contact du client avec l’établissement.

A l’heure où nous pouvons faire apparaître la mention « fait maison » sur son
menu afin de garantir à sa clientèle que les plats à la carte ne sont pas des produits
industriels, la question de la valorisation de ses plats grâce aux mots employés pour

1 Chapitre rédigé par Clémentine Hugol-Gential, Laboratoire CIMEOS, équipe 3S, Université
de Bourgogne
les décrire et les définir est une question cruciale. La traversée de plusieurs crises
alimentaires a renforcé le besoin de transparence et la valorisation du terroir semble
de plus en plus présente (Parizot, 2014), le menu se trouve alors objet de valorisation
du savoir-faire et objet visant à faire savoir. Dans le même temps, des recherches ont
montré que la dimension poétique du menu dans des restaurants étoilés est une
dimension également à ne pas négliger (Dupuy, 2009). Le menu est alors un objet
complexe à construire alors même qu’il joue un rôle essentiel dans la construction de
l’image du restaurant et de l’identité de son chef. Le menu donne à voir ce que l’on
va manger et il permet de promouvoir la gastronomie d’un établissement et donc, par
extension, un patrimoine culturel (Hugol-Gential, 2014). Ainsi, dans le cadre de cette
contribution, nous nous interrogeons sur les enjeux de la conceptualisation d’un
menu, sur la manière de présenter les plats aux clients et sur les impacts que les
intitulés peuvent avoir sur la clientèle. Par ailleurs, nous souhaitons souligner que la
découverte du menu est souvent conduite en interaction permettant ainsi aux
participants au repas de décrire, d’imaginer et de définir conjointement les intitulés
proposés. Dans cette perspective, il est alors crucial de considérer son usage situé et
de s’engager alors dans une étude sémio-pragmatique de la mobilisation du menu.

2. L’expérience gastronomique et les mots

2.1 Le gastronome et les mots

La question de la définition de la gastronomie se pose régulièrement et il est


parfois difficile d’en définir parfaitement les contours : « Sur quoi, en fait, convient-
il d’accommoder le regard : sur la cuisine, versant production, ou sur la
gastronomie, versant consommation ? Ce découpage serait trop simple et
dichotomique pour rendre compte de ce chiasme : la cuisine anticipe ou préfigure
l’art de goûter, de savourer, elle prédispose à un certain mode de réception ; la
gastronomie démêle, quant à elle, la savante organisation des ingrédients et des
saveurs conçue par le cuisinier » (Boutaud, 2008 : 27-28). La gastronomie, objet en
tension, repose sur une trinité sensible (Boutaud, 2007, 2010) relevant à la fois de
l’esthésie (la recherche de sensations liées à des perceptions sensorielles), de
l’esthétique (l’expression sensible de la communication) et de l’éthique (la
construction des identités). Ainsi, nous souhaitons ici proposer une analyse prenant
en compte aussi bien les aspects sémiotiques et les aspects pragmatiques de
l’expérience gastronomique en nous intéressant particulièrement au menu en tant
qu’objet de transmission linguistique et culturel.
Consignes générales 3

S’il n’est pas toujours simple de définir la gastronomie, il apparaît assez


clairement que la naissance de la gastronomie s’est accompagnée d’un intérêt pour la
manière de décrire les plats. Les mots et les mets semblent alors inextricablement
liés. En effet, historiquement, le gastronome était celui qui aimait déguster mais
surtout celui qui savait parler des mets consommés. Les critiques gastronomiques se
sont développés sous l’influence de Grimod de la Reynière qui a publié son premier
guide l’Almanach des gourmands en 1802, développant ainsi toute une rhétorique
« gourmande » autour des mets et des boissons. La conversation sur le repas est un
élément indispensable car la gastronomie renvoie également à l’utilisation du bon
langage. En effet, au XVe siècle, le gourmet est celui qui teste le vin et qui a le
vocabulaire adéquat pour décrire et rendre compte de la subtilité des breuvages
(Quellier, 2007). Puis, au XIXe siècle le mot gourmet s’étend à celui qui aime « faire
bonne chère ». Faire bonne chère ne renvoie pas seulement au fait d’ingérer des
aliments de qualité avec des manières de table adaptées, il s’agit également
d’employer le bon vocabulaire : « Le gastronome sera non celui qui sait le plus,
mais celui qui parle le mieux » (Ory, 1998 : 13).

Pourtant, cet intérêt pour les mots se confronte à de nombreuses contraintes. En


effet, Boutaud souligne qu’il n’est pas aisé de décrire le goût et d’en rendre compte
précisément : « le goût résiste au langage, condamné soit à la norme réifiée d’un
discours technique ou physiologique, soit à la digression poétique de la métaphore,
empêchés dans les deux cas de saisir au propre la complexité des effets ressentis »
(Boutaud, 1997 : 53). Dans la même perspective, Erman renchérit : « classer les
saveurs semble donc relever d’un lexique d’experts en analyse sensorielle – il en
existe pour le beurre, l’huile, le chocolat, le tabac et, surtout, les vins et les
spiritueux – ou alors d’une poétique faisant du jugement de goût un jugement
esthétique » (Erman, 1997 : 105). En ce sens, la création d’un menu et le choix des
intitulés se posent de fait comme des problèmes pratiques pour le restaurateur et le
chef de cuisine qui doivent, par le biais du texte, rendre visible aux clients les plats
qui peuvent être commandés. Le choix des mots est d’autant plus crucial du fait
qu’ils doivent permettre de valoriser un patrimoine, un savoir-faire, souligner
l’identité du chef mais également faire savoir. Les mots et les figures de style
employés jouent un rôle important dans la représentation du plat, ils précèdent le
choix et la dégustation et « donnent du goût à l’énoncé » (Parizot, 2014). Comme le
souligne Dupuy, l’usage de procédés discursifs engendre des attentes fortes et donc
tous les restaurateurs ne peuvent pas prendre la liberté d’employer une rhétorique
trop complexe : « pour le consommateur, la rhétorique (cet écart avec une façon
« normale », habituelle d’exprimer le réel) semble en effet ne se justifier qu’en cas
de plus-value gastronomique ; sans quoi, elle sera perçue comme un simple artifice,
voire une tromperie » (Dupuy, 2009 : 20).

Ainsi, le menu est élaboré en utilisant de multiples ressources pour représenter


les plats qui vont être consommés, Boutaud parle des textes des menus en tant qu’«
embrayeurs du goût » (1998 : 275) qui sont déterminants dans l’évocation gustative
et de fait, dans l’appréciation des plats qui vont être dégustés. Dupuy renchérit en
indiquant « que le verbal contribue au goût, que la culture vient aider la nature,
qu’il n’est pas de goût sans mot pour dire et faire le goût » (Dupuy, 2009 : 32). Par
ailleurs, au-delà de susciter l’envie grâce à un ensemble de figures de style, le menu
a aussi un rôle d’information qui permet aux clients de connaître et de comprendre le
contenu de leur assiette : le faire savoir.

2.2 Les mots et le faire-savoir

Savoir ce que l’on va manger est une question de poids et comme nous l’avons
souligné précédemment, les récentes crises auxquelles ont été confrontés les
consommateurs cristallisent le besoin de savoir ce que l’on va manger. Le « principe
d’incorporation », développé par Rozin et Falon (1981) dont l’idée principale est
« on est ce que l’on mange », semble primordial dans la compréhension de la
construction identitaire de l’individu. En effet, la nourriture joue un rôle important
sur la psyché humaine et les croyances magiques qui lui sont attribuées influencent
grandement les choix de l’individu : « L’ingestion, elle, produit un mélange-fusion
entre le corps du mangeur et les aliments qui viennent de l’extérieur » (Rozin,
1994 : 24). Ainsi, dans de nombreuses cultures, les attributs d’un aliment peuvent
devenir les attributs du consommateur après qu’il l’ait ingéré. Les études en
ethnographie alimentaire montrent que ce principe d’incorporation se trouve
également fortement ancré dans les cultures occidentales contemporaines (Rozin,
1994).

Par conséquent, le principe d’incorporation est, selon Fischler (1988), une clé
dans la construction de notre identité. Ce principe d’incorporation a des
conséquences importantes sur notre représentation de nourriture et sur les effets que
nous lui attribuons, l’aliment ingéré pouvant ainsi devenir une source d’anxiété.
Ainsi, un plat familier sera plus apprécié qu’un plat méconnu, la nourriture
« étrange » ou inconnue étant souvent considérée avec suspicion, puisque l’individu
ne connait pas son goût mais également les conséquences physiques et sociales liées
à son ingestion (Rozin, 1995).

L’identité, la dimension éthique de l’expérience gastronomique, est donc ici très


fortement corrélée à l’identification de l’aliment (Hugol-Gential, 2012). Cette
identification est un enjeu d’une grande importance dans les cas de régimes
particuliers liés à des allergies, aux choix personnels ou à la religion. Ainsi, dans
cette perspective, on peut supposer que les supports à disposition (le menu) mais
également les explications précises par le personnel de service ont un impact
important sur le choix et la consommation du client.
Consignes générales 5

3. Méthodologie de recherche

Ce travail de recherche s’appuie sur un corpus d’enregistrement vidéo réalisé


dans le cadre d’une thèse de doctorat afin d’analyser finement les interactions entre
serveurs et clients lors d’un repas au restaurant. Dans ce travail de recherche nous
avons montré que les interactions entre serveurs et clients dans un contexte de
restauration commerciale sont des lieux privilégiés pour la construction et le
maintien de relations sociales, l’apprentissage des connaissances relatives aux
produits consommés (plats, boissons), la mise en œuvre de pratiques linguistiques
permettant de valoriser et d’inciter à la consommation d’un plat, la négociation
située et locale du rapport à la satiété et du choix, mais aussi la mise en place de
procédés de catégorisation permettant de structurer l’activité en cours.

L’ensemble du projet s’appuie sur un corpus d’enregistrements vidéo réalisés


dans les restaurants et ensuite transcrits. En effet, afin de documenter les interactions
de service dans un contexte de restauration commerciale, des enregistrements vidéo
ont été réalisés. En préservant l’écologie de l’activité, le contexte d’enregistrement
n’a pas été modifié au gré des besoins de la recherche réalisée, mais a respecté les
dispositions prises par les participants eux-mêmes afin de préserver au mieux
l’ensemble des paramètres contextuels et des interactions sociales (Mondada, 2006).
Pendant la phase exploratoire qui s’est étendue sur les six premiers mois de la
recherche, nous avons travaillé à la mise en place de la méthodologie visant à
produire des enregistrements audio et vidéo afin de documenter des tranches de vie
authentiques en situation réelle. Nous avons constitué un corpus de vingt et un
enregistrements vidéo de repas lors de dîners ou de déjeuners avec des tablées de
une à huit personnes, soit une quarantaine d’heures d’enregistrements. Ce travail de
recherche s’est accompagné d’un travail ethnographique avec la mise en œuvre
d’observation participante dans plusieurs établissements.

En nous basant sur le déploiement de l’activité de service, nous avons souligné,


grâce à des analyses situées, plusieurs phénomènes qui se déroulent à différents
moments du service du repas. Dans un premier temps, nous avons transcrit
l’intégralité des repas enregistrés, pour mettre en lumière la structure générale de
leur organisation et les séquences de service qui les composent. Dans un deuxième
temps, nous nous sommes concentrée sur des activités de service spécifiques qui se
sont avéré être des points clés dans l’organisation globale du service et, plus
généralement, dans l’expérience de restauration. Enfin, dans un troisième temps,
nous avons décrit l’ensemble des activités dont nous disposions au sein de notre
corpus afin de rendre compte des procédés interactionnels qui sous-tendent la
réalisation des pratiques professionnelles de service (Hugol-Gential, 2013).
Dans le cadre de cet article, nous nous focaliserons spécifiquement sur des
extraits représentatifs soulignant la mobilisation du menu et de ses usages en
interaction en soulignant notamment l’importance de son organisation, des mots
employés et des discussions qui se construisent autour de celui-ci.

4. Des mots et des mets : donner à voir ce que l’on va manger

La question de la formulation de l’intitulé est complexe puisqu’il faut avec les


mots donner le goût tout en répondant à un certain nombre d’attentes de la clientèle.
Ainsi, comme le montre Parizot (2014) la question de la transparence et de la
précision est extrêmement importante. Néanmoins, le caractère poétique est aussi
une attente des clients notamment dans les restaurants haut de gamme où il s’agit de
ré-enchanter le repas et de passer de l’ordinaire à l’extraordinaire (Dupuy, 2009).
Ainsi, les paramètres à mettre en œuvre pour valoriser son patrimoine gastronomique
ne sont pas toujours faciles à conjuguer. Lors de nos enregistrements, nous avons pu
faire le constat que les clients passent beaucoup de temps à définir conjointement les
plats qui sont proposés à la carte. Dans les extraits étudiés on peut voir que les
clients lisent à haute voix sous forme d’annonce certains morceaux d’intitulé de plats
afin d’attirer l’attention des autres clients et d’amorcer une séquence d’explicitation.
On peut voir cet effet de pratique d’annonce dans l’extrait ci-dessous issu d’un
enregistrement réalisé au restaurant d’application d’une école de cuisine
prestigieuse :
Extrait 1 - 090722_resto_appli 6’27-7’11 : ROB (Robert), XAV (Xavier),
JEA (Jean)

29 XAV °deux cuisses de (inaud.) après c’est de lavolaille\°


30 (2.2)
31 XAV °oh (inaud.) c’est à chaque fois le truc ils veulent faire
32 les malins en mettant des noms mais (inaud.)° Bourride de
33 sébaste/
34 (.)
35 XAV on sait [même pas ce que c’est une bourride de sébaste]
36 ROB [ une bourride de sébaste\] ben ça
37 c’est un poisson\
38 (0.4)
39 ROB [hein/]
40 XAV [ rai]die à l’huile d’olive\ mon dieu/ ça fait peur là\
41 (3.7)
42 XAV le sébaste c’est un poisson\
43 (0.5)
44 JEA [.h euh (inaud.) ]
45 ROB [ben moi c’est la bourride] c’est la bourride qui me fait
46 penser
47 <((en riant)) que que c’est un poisson>
48 JEA [oui oui ]
49 XAV [la bourride] ça c’est pas un poisson ça si\
50 (0.8)
Consignes générales 7

51 JEA >si si< le sébaste c’est un: il me semble que c’est un


52 poisson\
53 (1.0)
54 JEA °(inaud.)°
55 (1.0)
56 JEA .h la bourride c’est c’est quoi\ c’est une espèce de:
57 (4.0)
58 JEA de bouillabaisse non\ ou c’est une préparation
59 (5.3)

Alors que Robert et Jean sont engagés dans une lecture silencieuse, Xavier, en
ligne 31 entame un nouveau tour de parole qu’il murmure afin d’exhiber son
incompréhension comme s’il s’agissait d’une remarque uniquement adressée à lui-
même, puis, à haute voix exhibant ainsi clairement qu’il s’adresse aux deux autres
clients, il annonce le nom du plat « Bourride de sébaste/ » avec une accentuation du
son « b » et une intonation montante (l. 33), la lecture oralisée a donc ici également
un effet d’annonce. Puis, en ligne 35, il thématise clairement son incompréhension
alors qu’en chevauchement Robert répète le nom du plat et commence à l’expliciter.

Après l’annonce de la bourride de sébaste en ligne 33, Robert débute une


explicitation en ligne 36, puis il donne un élément sur le type de plat que cela peut
être : « ça c’est un poisson ». On peut ainsi remarquer que le niveau de granularité
n’est pas le même alors que l’intitulé du plat fait référence à un poisson mais aussi à
un mode de préparation de ce poisson, Robert ne retient que le « poisson ». Robert,
en ligne 39, demande une ratification de sa proposition. En ligne 40, Xavier continue
sa lecture donnant de nouveaux éléments sur le mode de préparation de la bourride
qu’il produit comme une annonce avec une intonation descendante et ironise à
propos de cet énoncé « ça fait peur là » (l. 40). Cet énoncé n’est ici pas repris par les
participants. Puis, après une longue pause, Xavier demande si le sébaste correspond
bien à un poisson. En ligne 44, Jean initie un tour de parole qu’il abandonne au
profit de Robert qui a également commencé un tour dans lequel il souligne que c’est
le mot « bourride » qui lui fait penser que c’est un poisson. Ainsi, c’est le mode de
préparation qui fait penser à Robert qu’il s’agit d’un poisson. En ligne 48, Jean
ratifie alors que Xavier commence un tour en chevauchement dans lequel il ne
demande plus si c’est le sébaste qui est un poisson mais si c’est la bourride qui est un
poisson. En ligne 51, Jean ratifie une nouvelle fois en soulignant que le sébaste (et
non la bourride) est bien un poisson. Néanmoins, il modalise cette affirmation « il
me semble que ». Puis en ligne 56, il commence à essayer de définir ce qu’est la
bourride.

De manière intéressante, on peut voir qu’il y a une grande différence de


granularité, le fait de savoir que l’intitulé « Bourride de sébaste raidie à l’huile
d’olive » est un poisson semblant suffisant pour les clients. D’autre part, on peut voir
que le lexique de l’évocation tel que « qui me fait penser » (l. 45), « il me semble
que » (l. 51) est largement présent dans cette construction du référent. On peut
également souligner l’usage de procédés identiques à ce que l’on peut trouver dans
l’alternance codique (x c’est…, ça c’est…) visant à donner des « traductions » des
intitulés mais avec un niveau de granularité beaucoup moins élevé. Il s’agit donc
avant tout ici de définir de quel type de plat il s’agit.

Ainsi, alors que la définition de la bourride de sébaste a été commencée par


Xavier dès la ligne 32, la définition du mode de préparation n’arrive qu’en ligne 53.
Jusque-là, les clients s’étaient essentiellement concentrés sur le fait de savoir si le
plat correspondait bien à un poisson. En ligne 56, Jean démarre un tour qui reste
incomplet visant à introduire la définition de ce qu’est la bourride. Après une longue
pause, il produit une complétion afin de faire une proposition (l. 58). Néanmoins,
cette nouvelle proposition ne fait l’objet d’aucune ratification de la part des clients
(ni verbale, ni multimodale).

La question de l’intitulé pose également la question de la mise en forme de cet


intitulé et donc de la matérialité du menu. Lors des repas enregistrés dans ce
restaurant d’application, on peut voir que les clients s’intéressent le plus souvent à
l’ingrédient principal. Ceci peut s’expliquer par la structure même de la carte. En
effet, l’organisation des intitulés est très spécifique et différente selon les menus.
Dans le menu lu dans cet extrait, l’intitulé est composé de trois lignes. La première
ligne donne généralement le mode de préparation ainsi que les ingrédients
principaux et les lignes suivantes réfèrent le plus souvent aux accompagnements.
Nous pouvons remarquer que dans la plupart des cas seul le début de la première
ligne de l’intitulé du menu est lu. La bourride de sébaste est ainsi donnée à plusieurs
reprises (l. 32, 35, 36) et c’est seulement en ligne 40 que Xavier donne la deuxième
partie de l’intitulé « raidie à l’huile d’olive ». De plus, les modes de préparation ne
sont que rarement évoqués et les clients semblent tout d’abord se focaliser sur les
ingrédients ainsi, la bourride de sébaste devient simplement un poisson. Il s’agit ici
de tout d’abord déterminer de quel type de plat il s’agit. Le niveau de granularité
entre les intitulés et les définitions élaborées à l’aide de formats identiques à ceux
que l’on trouve au sein de l’alternance codique donnent généralement accès à
l’ingrédient principal et non aux modes de préparation. La bourride en tant que mode
de préparation est brièvement évoquée par Jean (l. 58) mais ne fait pas l’objet d’une
discussion entre les clients.

Par ailleurs, après avoir longuement discuté les plats proposés sur les deux
menus, l’extrait se conclut par le fait que les explications du maître d’hôtel sont
indispensables pour bien comprendre les différents choix proposés :

Extrait 2 - 090722_resto_appli 7’25-7’28 : ROB (Robert), XAV (Xavier),


JEA (Jean)

74 XAV moi j`comprends pas le menu\ j’ai besoin d’explication parce


75 que=
Consignes générales 9

76 ROB =ouais/ (.) alors pEtite mitonnée d’escargot et de s:ot-l'y-


77 laisse\
78 (3.0)

Ainsi, les intitulés du plat ne se suffisent pas ici et une explication est requise par
les clients afin de bien comprendre les plats proposés. Lors des différents terrains
conduits, à plusieurs reprises les chefs et les maîtres d’hôtels ont expliqué mettre
sciemment des intitulés qui nécessiteront une explication complémentaire. Le menu
devient alors un outil d’un dispositif de communication qui vise à promouvoir la
relation du client avec le maître d’hôtel et les équipes de service. Ainsi, certains
restaurateurs osent des intitulés très complets (« Le Saint-Pierre de petits
bateaux cuit à la vapeur d’algues wakamé, crémeux de chou-fleur, émulsion
aromatisée à la fleur de jasmin » Menu de Anne-Sophie Pic Hiver 2012) alors que
d’autres, au contraire, privilégient des intitulés très minimalistes (« Bar, coquillages,
céleris » Menu de Alain Ducasse Hiver 2012) en partant du principe que ces intitulés
permettront également de donner lieu à des interactions avec le personnel de service
permettant alors de valoriser les produits, le terroir ou bien encore les modes de
préparation.

5. De la nécessité d’interagir pour valoriser le patrimoine gastronomique

Cette volonté de privilégier les interactions avec la clientèle dans leur dispositif
de communication peut s’expliquer par le fait que les professionnels de la
restauration sont confrontés à plusieurs changements radicaux dans leur métier et
dans leur relation à la clientèle. En effet, les pratiques de service techniques telles
que les découpages, les tranchages ou bien encore les flambages largement
pratiquées au cours du XIXe siècle tendent à disparaître (Poulain, 2002). Ces
changements ont engendré une dépréciation des fonctions de serveur et de maître
d’hôtel dans les restaurants (Gachet, 1998) mais ont également fortement modifié la
relation à la clientèle. Un service simplifié avec l’apport en salle des assiettes déjà
dressées est privilégié et transforme donc profondément les pratiques de service.
Désormais, la mise en scène du professionnalisme et la transmission du savoir du
personnel de service sont diffusés grâce aux interactions avec la clientèle et non plus
par une théâtralisation de l’aliment.

Donner les caractéristiques du plat, de la boisson, conter leur fabrication, leur


provenance, leurs caractéristiques sensorielles sont des éléments indispensables à
connaître pour pouvoir mettre en mots les mets et les boissons proposés. Cette mise
en mots permet de mettre en lumière la dimension sensible grâce à une valorisation
des qualités gustatives mais aussi la dimension culturelle grâce à la construction
d’une histoire autour de ce produit. Les procédés discursifs se rapprochent alors du
storytelling. Néanmoins, au sein de notre corpus, nous pouvons aujourd’hui constater
que la description des plats se cantonne généralement à une description très basique
qui reprend généralement les éléments indiqués sur le menu. La mise en mots des
vins généralement exécutée par le sommelier est souvent beaucoup plus complexe et
beaucoup plus complète comme en atteste l’extrait ci-dessous :

Extrait 3 - 110513_resto_appli 15’22-16’19 : PAU (Paul), PIE (Pierre)

1 SOM j’ai un entre deux mers blanc\


2 (2.5)
3 SOM hein/ (.) on a un entre deux mers blanc\ madlys de sainte
4 marie\ ça c’est une cuvée euh: deux mille un sauvignon\
5 c’est très frais vous allez voir c’est très flatteur au nez/
6 sur les deux premiers plats c’est euh: ça me paraît euh: (.)
7 en équilibre avec le la fraîcheur des deux premiers plats et
8 le féra\ [et puis surtout]
9 PAU [ça permettrait ] de passer sur un bordeau rouge
10 avec (inaud.)
11 SOM et puis l’agneau soit: bordeau rouge/ soit vallée du rhône
12 pour [revenir dans la région]&
13 PAU [oui pour revenir ]
14 SOM &qui peut être sympa/
15 (0.5)
16 SOM euh: vallée du rhône parce que: le chef travaille l’agneau
17 en plus avec un côté un p`tit peu sud donc [euh: ]
18 PAU [d’accord\]
19 SOM je sais pas\ soit j’ai un [excellent] vallée du rhône&
20 ? [mmm ]
21 SOM &on peut revenir sur la vallée du rhône (0.7) on a un TRES
22 bon saint joseph dans la vallée du rhône
23 septentrionale(.)c’est la cuvée du papy/
24 (0.6)
25 ? mmm
26 SOM hein/ de chez stéphane montez\
27 (0.7)
28 SOM qui est au dessus de: de chavannais\ donc ça c’est la syrha
29 [c’est assez] intense comme vin] [c’est assez sombre]&
30 PIE [mm (inaud.) ] [ben ouais ]
31 SOM [c’est assez puissant]

Lors de cette explication des vins, on voit que le sommelier a recours à un


ensemble de ressources visant à décrire les vins proposés. Dans un premier temps, il
donne les caractéristiques sensorielles de son vin et il insiste ensuite sur l’accord
mets et vin. Par la suite, on voit que le sommelier convoque la manière de cuisiner
du chef pour expliquer les propositions élaborées. Par ailleurs, au-delà des
caractéristiques sensorielles précises qui sont décrites, le sommelier a recours à
d’autres informations, comme le nom de la cuvée mais aussi le nom du producteur.
De manière intéressante, on voit ici que le sommelier ne fait pas que décrire les
propriétés gustatives mais qu’il donne des informations précises au sujet de la
provenance de son vin. Ceci peut s’expliquer par le fait que lors des cours de
sommellerie, les apprentis sommeliers dégustent et apprennent à décrire précisément
les vins. Par ailleurs, lorsqu’ils officient dans des restaurants, ils sont souvent
responsables de la création de leurs cartes. Ainsi, ils connaissent avec précision les
Consignes générales 11

producteurs mais aussi, plus généralement le terroir comme en atteste l’extrait ci-
dessous :
Extrait 4 - 110513_resto_appli 15’22-16’19 : PAU (Paul), PIE (Pierre)

51 SOM gigondas/ vous connaissez cette région\


52 PIE ouais ouais ouais
53 SOM [les dentelles] de montmirail c’est joli\&
54 PAU [ouais c’est ]
55 SOM &et là c’est un vin de un vin du sud avec euh/=
56 PIE =mais qui est quand même assez charpenté

Ces informations sur la provenance du vin, sur la description du terroir donne des
informations précises aux clients, le sommelier est ici dans une démarche de faire
savoir après avoir valorisé le savoir-faire mais la description du lieu confère aussi
une dimension affective. On voit ainsi se dessiner un triptyque avec trois dimensions
clés : le faire savoir, le savoir-faire et le faire rêver qui permet de transcender
l’expérience gustative et de la ré-enchanter.

Dans l’intégralité de notre corpus nous faisons le constat que lors de la


description des plats effectuée par le personnel de service, le recours à la mention du
producteur ou bien à la description du terroir sont beaucoup plus rares. Le produit
est beaucoup moins mis en discours et les procédés discursifs utilisés moins
complexes. Dans plusieurs établissements dans lesquels nous avons fait des enquêtes
et des observations, nous avons pu observer que le personnel de service ne goûtait
pas les plats ou que seul le maître d’hôtel était invité à le faire. Par ailleurs, plusieurs
fois nous avons fait le constat que parfois le personnel de salle n’était pas du tout en
mesure de renseigner le client sur le contenu des assiettes servies. Ainsi, dans
l’extrait suivant, une serveuse amène les plats à la table et un élément de l’assiette
n’est pas reconnu par les clients ce qui engendre l’échange suivant :
Extrait 5 - 100322_restoCLI 25’41-26’01 : SER (Serveuse), YOL
(Yolande), CLO (Clotilde)

1 SER <((en déposant les plats sur la table)) voilà\>


2 CLO ((regarde le plat apporté))
3 YOL merci/
4 SER j`vous en prie
5 CLO c’est quoi\
6 CLO ((regarde SER2))
7 CLO excusez moi/ <((en désignant son plat avec son couteau))
8 c’est quoi\>
9 SER euh: je vais demander\ parce que je connais pas le menu
10 mais:
11 (inaud.)
12 CLO merci/
Dans cet extrait, la serveuse n’est pas en mesure de renseigner les clients et doit
alors se renseigner en cuisine sur le contenu des assiettes servies. Ce type de
séquence n’est pas rare et ne contribue bien évidemment pas à l’expérience
gastronomique.

Ainsi, règne une dichotomie forte entre la salle et la cuisine et parfois le


personnel de salle n’est pas en mesure de décrire précisément les plats car lui-même
ne les a pas goûtés et ignorent donc les caractéristiques organoleptiques ou bien les
techniques de préparation. Par ailleurs, le personnel de salle ignore souvent la
provenance des produits qui sont commandés par le chef et a donc très peu
d’éléments pour le mettre en discours. Pourtant, à travers son menu et la présentation
des plats, le chef donne à voir qui il est et le personnel de service se fait sa voix en
mettant en discours ses plats.

Néanmoins, dans l’école hôtelière où nous avons conduit des observations, nous
avons pu faire le constat que les étudiants, avant le service au restaurant
d’application, disposaient de nombreuses informations pour mettre en mots le plat à
la carte.
Extrait 6 - 090418_briefing 05’16-06’22 : Mai (maître d’hôtel), CAM
(Camille), JER (Jérémy)

1 MAI deux:: deux possibilités soit trois plats avec\ (.) le skrei
2 de norvè/ge (0.5)le skrei je vous dis ce que le skrei vous le
3 le savez les culinaires/ (0.4) euh c’est quoi le skrei vous
4 pouvez euh expliquez au manag`ment ce que c’est le skrei/
5 camille/
6 (0.5)
7 JER °c’est un ca[billaud°
8 CAM [c’est un cabill[aud euh::
9 MAI [tu t’appelles camille ((en
10 regardant jérome))
11 CAM c’est un cabillaud qui remonte les rivières froides
12 MAI d’accord/ euh (0.6) et alors (0.1) qu’est ce que ça lui
13 apporte/
14 (0.5)
15 CAM ça lui:: apporte de euh de jolie chair un peu blanche/
16 MAI oui absolument
17 CAM °et après° (0.6)
18 MAI une chair beaucoup plus goûteuse et effectivement pl- plu- plus
19 (0.3) plus blanche parc`qu’il est pêché dans les rivières
20 froides de norvège (0.6) euh:: les saints jacques
21 (0.3)d’accord/ dans un fumet de crustacés xxxxx °d’irlande/°
22 MAI d’irlande pour venir d’écosse égal`ment du canada mais en
23 l’occurrence c- c- celui-ci nous vient d’irlande\

Dans cet extrait, enregistré lors d’un briefing avant le service du déjeuner on voit
le maître d’hôtel qui interpelle les étudiants concernant la description d’un plat
proposé à la carte : « le skrei ». Lors du briefing, deux promotions d’étudiants sont
mises ensemble : le cycle culinaire (étudiants destinés à travailler en cuisine) et le
Consignes générales 13

cycle management de l’hôtellerie-restauration. Ainsi, le maître d’hôtel s’appuie sur


l’expertise des étudiants en cycle culinaire en leur demandant d’expliquer à
l’ensemble de la classe ce qu’est le skrei. Après avoir décrit le type de poisson et sa
caractéristique principale « qui remonte les rivières froides » (l. 11), le maître d’hôtel
demande ensuite de préciser les caractéristiques gustatives du poisson et donnera les
autres éléments concernant le plat. Il termine son explication en donnant la
provenance du poisson (l. 20). On peut voir ici que l’explication se décompose en
trois temps bien distincts : le premier vise à conter l’histoire du produit, de donner
une anecdote précise qui permet de le raconter et de renvoyer ainsi à sa dimension
plus symbolique et imaginaire, le deuxième se fonde sur les caractéristiques
sensorielles et sur le mode de préparation valorisant ici le savoir-faire, et enfin le
troisième se focalise sur la provenance et visant alors à faire savoir aux clients d’où
vient le poisson. Bien que les étudiants n’aient pas goûté lors du briefing le plat
proposé ils ont néanmoins des informations précises leur permettant d’informer le
client. On voit dans l’extrait suivant, réalisé lors du déjeuner suivant le briefing, qu’il
est important de connaître le produit lors du service :
Extrait 7 - 090418_resto_appli 11’08-12’02 : SER (Serveur), ROB
(Robert), SOP (Sophie)

1 SER est-ce que vous avez fait votre choix\ ou est-ce que vous avez
2 des questions euh:/ sur le menu\
3 ROB non j`crois que: nous avons fait notre choix/
4 (2.4)
5 SOP enfin si on avait euh: on voulait savoir s’assurer que c’était
6 bien du saumon de norvège c’est ça/
7 SER le skrei/
8 SOP oui
9 SER non\ alors alors le skrei c’est un cabillaud\
10 SOP ah/ [d’accord ]
11 SER [mais c’est] un cabillaud qui remonte les rivières/ comme
12 euh comme le saumon\ ce qui lui procure une chair beaucoup plus
13 tendre et: beaucoup plus claire en fait
14 (0.7)
15 SOP d’accord mais c’est au niveau goût c’est c’est
16 SER au niveau goût c’est c- c’est c’est un goût qui se rapproche
17 plus du cabillaud que du saumon [quand même]
18 SOP [ah ouais/ ] d’accord
19 (2.0)
20 SER c’est un poisson à chair blanche\ (.) préparée avec une
21 vinaigrette truffée et des p`tites lamelles de truffe

Ainsi, dans l’extrait enregistré, nous pouvons voir que lors de la séquence de
prise de commande, la cliente demande plus précisément ce qu’est le skrei en
demandant s’il s’agit bien de saumon (l. 6). En ligne 9, le serveur apprenti mobilise
les informations données lors du briefing et rectifie la proposition faite par la cliente
en lui indiquant qu’il s’agit en fait d’un cabillaud, puis il donne des informations
complémentaires en contant tout d’abord la spécificité de ce produit (remonte les
rivières froides) et en donnant les propriétés sensorielles de ce produit en comparant
avec le saumon mobilisant alors la dimension esthésique de l’expérience
gastronomique. En ligne 15, la cliente demande des précisions au niveau des
propriétés gustatives et le serveur apprenti spécifie à nouveau le goût de ce poisson.
Enfin, il termine sa présentation du poisson en soulignant la préparation de celui-ci
propre à ce restaurant donnant ainsi l’empreinte identitaire du chef. Cet extrait nous
montre alors que la connaissance précise des produits permet tout d’abord de créer
un moment particulier avec le client en lui contant tout d’abord le produit et en
insistant sur son caractère exceptionnel, en lui donnant à voir l’expérience
sensorielle qu’il va vivre et en soulignant les spécificités de la préparation proposée
par le chef. Il s’agit alors de ré-enchanter le repas et de faire vivre une expérience
unique au client.

6. Conclusion

En analysant le menu et les interactions qui se déroulent autour du menu, nous


montrons que les mots jouent un rôle extrêmement important dans l’expérience
gastronomique. Ils visent aussi bien à valoriser les plats du chef et donc son savoir-
faire qu’à donner des informations sur les produits proposés et donc en faisant savoir
aux clients. Ces deux dimensions permettent alors de valoriser le patrimoine
gastronomique en mettant en lumière les spécificités de préparation mais également
le patrimoine culturel en soulignant l’histoire du produit et en donnant des éléments
tels que le producteur, le terroir ou bien encore ses particularités. Cette manière de
conter les plats permet alors aux clients de saisir la sensorialité, le sensible mais
aussi l’identité de l’établissement et du chef et, par extension, sa propre identité. Par
ailleurs, donner les particularités d’un produit et ses caractéristiques exceptionnelles
permet de transcender le savoir-faire et le faire savoir en faisant rêver le client.
L’expérience gastronomique nous fait alors passer de l’ordinaire à l’extraordinaire
en jouant sur ces trois dimensions clés mobilisées dans les menus et dans les
interactions avec le personnel de service : faire savoir, savoir-faire, faire rêver.

Ainsi, il apparaît essentiel de ne pas délaisser la partie linguistique et


communicationnelle pour pouvoir mettre en lumière les dimensions sensibles et
culturelles de l’expérience gastronomique. Les mots des mets, les intitulés mais aussi
plus généralement la mise en mots des plats ou des vins sont des paramètres
déterminants permettant de valoriser les plats, le terroir, le savoir-faire ou bien
encore de présenter les caractéristiques sensorielles des mets proposés. Les
interactions avec le personnel de service jouent un rôle fondamental dans la
définition même du plaisir gastronomique et de l’approche de l’expérience de
restauration par les clients.

Dans le cadre de cette contribution, nous avons souhaité souligner que la


gastronomie ne peut se résumer à la dégustation des plats. L’expérience
Consignes générales 15

gastronomique grâce au menu et aux interactions avec le personnel de service et les


autres clients permet de découvrir des associations de saveurs, des techniques, des
produits, leurs histoires et leurs caractéristiques. Dans cette perspective, l’expérience
gastronomique ne se limite donc pas seulement au fait de se nourrir au sens
physiologique du terme, il s’agit également de nourrir sa connaissance, son esprit et
son imaginaire.

Bibliographie

Boutaud, J-J. (2010). Un monde devenu food ? Paris : L’Harmattan.


Boutaud, J-J (2008). « L’art de concocter des titres en cuisine », Protée, 36 : 23-33.
Boutaud, J-J (2005). Le sens gourmand. De la commensalité – du goût – des aliments, Jean-
Paul Rocher éditeur..
Boutaud, J-J (1998). Sémiotique et communication, Paris : l’Harmattan.
Boutaud, J-J (1997) « Sémiotique de la représentation visuelle du goût », Champs visuels :
Images du goût, 5 : 52-63.
Dupuy, J-P. (2009). « Rhétorique du menu gastronomique », Communication & Langages,
160 : 19-33.
Erman, M. (1997). « Dire le goût – Ecrits et chroniques gastronomiques », Champs visuels :
Images du goût, 5 : 103-112.
Fischler, C. (1988). « Food, self and identity », Social Science Information, 27 : 275-292.
Gachet, N. (1998)/ « Présentation et préparation des mets dans la restauration classée
française. Changement, innovations et résistances », Techniques et Cultures, 31 : 31-47.
Hugol-Gential, C. (2014). Le menu au restaurant : construction pragmatique de l’expérience
gastronomique et enjeux identitaires. Le discours et la langue, 6(2) : 105 – 118.

Hugol-Gential, C. (2013). Enregistrer les interactions au restaurant : atouts et contraintes d’un


cadre expérimental. Les cahiers de Praxématique, 55 : 299-312.
Hugol-Gential, C. (2012). Le recours aux catégories dans la gestion du choix au cours d’un
repas au restaurant. Congrès Mondial de la linguistique française, Juillet 2012, Lyon.
561-571.
Mondada, L .(2006). « Video Recording as the Preservation of Fundamental Features for
Analysis », Chapitre 4 in H. Knoblauch et al. (sous la direction de), Video Analysis, Bern:
Lang. Pp. 51-68.
ORY, P. (1998). Le discours gastronomique français : des origines à nos jours, Paris :
Gallimard.
Parizot, A. (2014). « Art des mets… art des mots », in Anthropology of food [Online],
Articles, Online since 01 September 2014. URL : http://aof.revues.org/7454
Parizot, A. (2013). « Ici, tout est… Sens : vers un partage des sens en harmonie », Revue
française des sciences de l’information et de la communication [en ligne], 3/2013, mis en
ligne le 30 juillet 2013, consulté le 15 avril 2014. URL : http://rfsic.revues.org/570
Poulain, J-P. (2002) Manger aujourd'hui : Attitudes, normes et pratiques, Toulouse : Editions
Privat. 235 p.
Quellier, F. (2007). La table des Français : une histoire culturelle, XVème-XIXème siècle.
Rennes : Presses Universitaires de Paris. 273 p.
Rozin, P. & FALLON, A.(1981) « The Acquisition of Likes and Dislikes for Foods »,
Chapitre In J. Solms & RL Hall R,Criteria of food acceptance, Zurich: Foster Verlag. Pp
58-71
Rozin, P. (1994). « Penser, manger magique », Chapitre DANS FISCHLER Claude (sous la
direction de), Manger magique. Aliments sorciers, croyances comestibles. Paris :
Autrement. Pp. 22-37.
Rozin, P. (1995). « Des goûts et dégoûts », Chapitre DANS BESSIS, Sophie (sous la
direction de), Mille et une bouches. Cuisines et identités culturelles, Paris: Autrement.
Pp. 96-105.

Les conventions de transcription

Les données verbales ont été transcrites avec la convention ICOR :


http://icar.univ-lyon2.fr/projets/corinte/bandeau_droit/convention_icor.htm

View publication stats

S-ar putea să vă placă și