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Rapport de stage
7 Juillet 2008
Claire Morin
Responsable :
Ziad Moumni
ENSTA UME MS
Chemin de la hunières
91120 PALAISEAU
Table des matières
Remerciements 1
Résumé 2
Introduction 4
1 Etat de l'art 5
1.1 Description générale et propriétés des MMF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.1.1 La transformation martensitique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.1.2 Principales Propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.1.3 Famille des MMF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.1.4 Applications des MMF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2 Diverses modélisations du comportement cyclique des MMF . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2.1 Aspects expérimentaux du comportement cyclique des MMF . . . . . . . . . . 9
1.2.2 Modélisation de la boucle d'hystérésis en comportement cyclique . . . . . . . . 10
1.2.3 Inuence de la vitesse de déformation - Couplage avec la thermique . . . . . . . 12
1.3 Fatigue des MMF : Aspects métallurgiques et critères de fatigue . . . . . . . . . . . . . 12
1.3.1 Aspects métallurgiques liés à la fatigue des MMF . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.3.2 Critères de Fatigue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
3
3.3 Dicultés théoriques du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
3.3.1 Dicultés liées à la dépendance en z des coecients matériau . . . . . . . . . . 29
3.3.2 Ecriture de la relation de complémentarité en version discrète . . . . . . . . . . 29
3.3.3 Evolution de la déformation de transformation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
3.4 Algorithme détaillé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
3.4.1 Algorithme permettant la convergence du pas de chargement . . . . . . . . . . 30
3.4.2 Grandes étapes du code de calcul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.4.3 Approximations et simplications eectuées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.5 Résultats obtenus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
4 Perspectives 33
4.1 Travail expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
4.1.1 Campagne d'essais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
4.1.2 Interprétation des diérentes phases menant à la rupture . . . . . . . . . . . . . 33
4.1.3 Détection de l'amorçage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4.1.4 Inuence de la taille des grains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4.1.5 Inuence de la pression hydrostatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4.1.6 Obtention du critère de fatigue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4.2 Travail sur la loi de comportement : introduction du couplage thermomécanique . . . . 34
4.3 Implémentation numérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4.3.1 Travail sur le schéma numérique pour la boucle pseudo-élastique . . . . . . . . 34
4.3.2 Résolution numérique de problèmes cycliques : extension de la méthode cyclique
directe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
4.4 Validation sur un essai structure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Conclusion 36
Bibliographie 36
Table des gures
1.1 Diagramme d'état schématique d'un MMF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.2 Auto-accommodation par refroidissement d'une éprouvette en MMF . . . . . . . . . . 6
1.3 Orientation en traction d'une éprouvette en MMF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.4 Courbe température-contraintes-déformations représentant l'Eet Mémoire Simple Sens 7
1.5 Réponse pseudo-élastique en traction d'un MMF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.6 Eet Mémoire Double Sens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.7 Caractéristiques de la boucle d'hystérésis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.8 Evolution de la boucle d'hystérésis en fonction du nombre de cycles sous chargement
isotherme. Tiré de [22]. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.9 Evolution de la contrainte de transformation martensitique en fonction du nombre de
cycles. Tiré de [22]. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.10 Evolution de l'énergie dissipée lors du cycle stabilisé en fonction du nombre de cycles à
rupture. Tiré de [16]. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.1 Energie dissipée dans la boucle stabilisée en fonction du nombre de cycles à la rupture
pour diérents rapports de charge en traction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.2 Comparaison entre les nombres de cycles à rupture estimés par le critère et ceux observés
expérimentalement pour les expériences de traction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.3 Diagramme log Nexp − log Nestime pour les expériences en traction après introduction de
l'inuence de la pression hydrostatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.4 Energie dissipée dans la boucle stabilisée en fonction du nombre de cycles à la rupture
en torsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.5 Energie dissipée dans la boucle stabilisée en fonction du nombre de cycles à rupture . . 21
2.6 Diagramme log Nrupt − log Wd pour les expériences en traction et en torsion. . . . . . . 22
2.7 Diagramme log Nexp − log Nestime pour les expériences en traction et en torsion. . . . . 22
1
Résumé
Les applications de plus en plus nombreuses des Matériaux à Mémoire de Forme (MMF) dans des
domaines de plus en plus pointus demandent une connaissance approfondie du comportement de ces
matériaux et de leur tenue à la fatigue. Les publications actuelles s'intéressent principalement à la
modélisation des diérents phénomènes spéciques aux MMF (pseudo-élasticité, eet mémoire simple
sens, eet superthermique, orientation de la martensite), et proposent plusieurs modèles de lois de
comportement. Quelques publications s'intéressent au comportement cyclique et à la fatigue, mais il
n'existe encore aucun critère de fatigue 3D. Moumni et al. ([16]) ont commencé à mettre en place un
critère de fatigue en sollicitation de traction pseudo-élastique pour les MMF prenant en compte l'énergie
dissipée dans la boucle d'hystéresis au cours du cycle stabilisé ([22]). Nous avons cherché à étendre
ce critère à la torsion, et à introduire, par analogie au critère de Dang-Van, l'inuence de la pression
hydrostatique dans le critère. An d'obtenir l'énergie dissipée en torsion, il est apparu nécessaire de
programmer entièrement la résolution du problème mécanique avec la loi de comportement en pseudo-
élasticité issue du modèle unié de Zaki et Moumni ([23]). La programmation de la loi de comportement
sous Castem nécessite la mise en place d'une stratégie de résolution incrémentale, semblable à la
plasticité. Néanmoins, le travail avec un matériau biphasé et la présence de plusieurs variables internes
rendent plus compliquée l'écriture des algorithmes, et la résolution. Ce travail de stage ouvre enn un
certain nombre de perspectives pour la thèse, perspectives qui sont détaillées en n de rapport.
Mots-clés : Fatigue thermomécanique, Matériau à Mémoire de Forme, Changement de phase,
Loi de comportement, Schéma numérique, Algorithme de retour radial, Critère de fatigue, Energie
dissipée, Torsion.
2
Introduction
Les Matériaux à Mémoire de Forme (MMF) peuvent présenter des déformations réversibles très
importantes en comparaison avec les déformations usuelles, ou des déformations permanentes qui dis-
paraissent par élévation de température. Ces propriétés ont permis aux MMF de connaître une crois-
sance indéniable au cours des dernières années : ils sont actuellement employés dans une large gamme
d'applications, allant du domaine bio-médical à l'industrie spatiale, en passant par les micro-robots ou
les actionneurs.
De nombreuses publications s'intéressent à la modélisation du comportement des MMF, même si la
plupart se limite à la modélisation d'un phénomène particulier (la pseudo-élasticité par exemple). Les
MMF étant souvent employés sous sollicitations cycliques, beaucoup de chercheurs se sont intéressés
à l'étude de leur comportement cyclique dans le domaine pseudo-élastique. Le chargement cyclique
est à la base de l'éducation des MMF, en leur permettant d'acquérir l'Eet Mémoire Double Sens.
Cependant, les chargements cycliques engendrent aussi la fatigue des matériaux, et, par conséquent, la
ruine par fatigue.
An de pouvoir utiliser les MMF dans les industries de pointe, il est souhaitable de mettre en
place une méthodologie de dimensionnement de structures en MMF. Concrètement, il s'agit, à partir
d'une structure pour laquelle on connaît les sollicitations, de réaliser un calcul de structure avec la
loi de comportement cyclique, an de connaître en tout point et à tout instant les contraintes et
déformations dans le matériau. A partir de là, on utilise un critère de fatigue (le plus intrinsèque
possible) pour dimensionner la structure à la fatigue, et connaître ainsi sa durée de vie.
La question de la fatigue mécanique des MMF est très peu abordée dans la littérature, notamment
en ce qui concerne le développement d'un critère de fatigue. Il a été récemment proposé un critère en
traction compression (cf. [16]), reliant l'énergie dissipée au cours du cycle stabilisé au nombre de cycles
à rupture ; des essais ont par ailleurs été réalisés en torsion.
L'enjeu du stage est d'arriver, par généralisation du critère existant, à un critère de fatigue in-
trinsèque, c'est-à-dire un critère indépendant du type de sollicitation appliquée. Nous commencerons
le rapport par une synthèse bibliographique ; en eet, la connaissance du comportement cyclique des
MMF et notamment des caractéristiques du cycle stabilisé est primordiale. Ensuite, la connaissance
des critères déjà établis (pour les MMF ou pour d'autres types de comportement) et des aspects mé-
tallurgiques liés à la fatigue et la compréhension de leurs apports et leurs limites peuvent permettre
d'avancer dans la recherche d'un critère intrinsèque. Une deuxième partie sera consacrée à la générali-
sation du critère de fatigue à la torsion, ainsi qu'à l'introduction de la pression hydrostatique dans le
critère. Nous aborderons alors les méthodes d'implémentation numérique de la loi de comportement,
les questions et dicultés qu'elles soulèvent. Enn, nous donnerons les perspectives ouvertes par le
stage pour la poursuite du travail dans le cadre d'une thèse qui débutera en septembre 2008.
3
Chapitre 1
Etat de l'art
4
1.1.2 Principales Propriétés
Auto-accommodation de la martensite
Lors du refroidissement sous contrainte nulle de l'austénite, la phase martensitique apparaît à par-
tir d'une certaine température notée Ms : c'est la transformation martensitique (cf. Fig. 1.2). Puisque
le refroidissement est eectué sous contrainte nulle, aucune direction n'est privilégiée : toutes les va-
riantes de martensite sont donc équiprobables ; il en résulte que la transformation ne produit aucune
déformation macroscopique. On dit que la martensite formée est auto-accommodante.
Orientation de la martensite
Si, à partir de la martensite auto-accommodante, on applique un chargement mécanique au ma-
tériau, la contrainte appliquée favorise la création de certaines variantes de martensite favorablement
orientées. Il en résulte des déformations macroscopiques res importantes (de l'ordre de 10 %) qui
demeurent lors de la décharge.
5
Eet Mémoire Simple Sens
A partir de l'état martensitique, orienté ou non, il est possible de retrouver l'état austénitique
en chauant le matériau (cf. Fig. 1.4). On observe alors la transformation inverse (martensite →
austénite), qui se produit à partir d'une température dépendant de la contrainte appliquée au matériau.
L'austénite n'existant que sous une seule variante, on observe, simultanément à la transformation
inverse, la disparition de l'éventuelle déformation macroscopique associée à l'état martensitique. Le
matériau revient à son état initial avant chargement mécanique ou thermique. Tout se passe comme
s'il avait la mémoire de l'état austénitique.
Pseudo-élasticité
Si, partant à présent d'un matériau austénitique à haute température, on applique une contrainte
croissante, la transformation martensitique se produit à partir d'une certaine contrainte seuil jusqu'à
obtenir un matériau entièrement composé de martensite orientée. La déformation est, là encore, élevée
par rapport à la déformation élastique (environ 8 %). A la décharge, on observe la transformation
inverse qui redonne la phase austénitique ; toute la déformation macroscopique disparaît alors. C'est le
phénomène de pseudo-élasticité (ou superélasticité). Le trajet dans l'espace contraintes déformations
(cf. Fig. 3.1) n'est pas le même à la charge et à la décharge : il y a présence d'une boucle d'hystérésis.
6
Eet Mémoire Double Sens
Lorsque le niveau de contraintes appliqué est trop élevé, la transformation martensitique s'ac-
compagne de la génération de défauts irréversibles par glissement au niveau des plans limites (cf.
Abeyaratne et Kim, 1997, [1]). L'application d'un chargement cyclique montre que les MMF atteignent
un état stabilisé après un certain nombre de cycles : les défauts sont stabilisés, et il existe, à l'intérieur
du matériau, un champ de contraintes résiduelles, provoquant la formation de martensite orientée lors
d'une transformation directe. Une fois le chargement cyclique appliqué (phénomène d'éducation), le
matériau transite, par application d'un chargement thermique, entre deux formes : l'une est austéni-
tique et l'autre martensitique (cf. Fig. 1.6). Le matériau a ainsi acquis la mémoire d'une forme haute
température et d'une forme basse température.
7
tionné dans l'introduction, le comportement cyclique des MMF est un aspect largement étudié dans la
littérature. Voici les principaux articles et développements eectués sur ce sujet.
8
Fig. 1.8 Evolution de la boucle d'hystérésis en fonction du nombre de cycles sous chargement iso-
therme. Tiré de [22].
Miyazaki et al. (1996, [19]) étudient l'inuence de la proportion de Nickel dans un alliage Nickel-
Titane, ainsi que les diérences avec les alliages Nickel-Titane-Cuivre. Ils étudient aussi l'inuence de
la vitesse de déformation : plus celle-ci est élevée, plus la déformation résiduelle est importante, et plus
la contrainte seuil de début de transformation martensitique diminue rapidement avec le nombre de
cycles. En revanche, il semble que la vitesse de déformation n'ait pas d'eet sur l'énergie dissipée dans
la boucle d'hystérésis. Cette dernière remarque est mise en cause par d'autres articles (cf. Lexcellent
et Bourbon, 1996, [10]), et nous mêmes regarderons cet aspect.
9
mouvement de ces frontières engendre des dislocations irréversibles. Les défauts ainsi générés (imperfec-
tions géométriques à la frontière austénite/martensite) stabilisent la phase martensitique favorablement
orientée : ils facilitent la création de cette phase (zones de concentration de contraintes) et rendent
plus dicile sa disparition par transformation inverse.
Ils introduisent un modèle à trois phases : une phase d'austénite et deux phases de martensite,
ainsi que deux variables internes représentant le nombre de cycles de chargement ayant conduit à la
transformation de l'austénite vers chacune des variantes de martensite.
Dans son premier modèle, Abeyaratne introduit plusieurs puits dans l'énergie libre (de telle sorte que
chaque phase ait un domaine de stabilité), et il inclut dans son modèle une loi cinétique caractérisant
le taux de transition d'un puits d'énergie à un autre et le début de transformation : une nouvelle phase
se créé à l'intérieur de la phase austénitique, lorsque l'énergie libre de Gibbs atteint une valeur critique.
Or, comme il l'a été précédemment expliqué, les défauts créent à l'intérieur du matériau une zone de
concentration de contraintes, favorisant ainsi la création de martensite. C'est pourquoi, dans le second
modèle, la force thermodynamique associée à la formation de martensite est modiée en fonction
de la densité de défauts : la barrière énergétique à franchir pour former la martensite à partir de
l'austénite diminue lorsque le nombre de cycles impliquant un changement de phase augmente. Les
défauts favorisent ainsi la création de martensite et rendent plus dicile sa disparition. Ce modèle
introduit aussi une limite asymptotique pour les variables internes : à partir d'un certain nombre de
cycles, la force thermodynamique n'évolue plus : le matériau a atteint l'état stabilisé.
Les résultats obtenus sont en accord avec les expériences menées dans des articles précédents :
expériences de traction cyclique, expériences cycliques avec amplitude de chargement variant dans le
temps, avec amplitude diérente en traction et compression, et avec chargement thermique.
Lexcellent et Bourbon (1996, [10]) introduisent, quant à eux, une nouvelle variable interne pour
modéliser la réponse pseudo-élastique : la fraction volumique de martensite résiduelle. Celle-ci aug-
mente avec le nombre de cycles jusqu'à une valeur limite. Ils obtiennent ainsi l'évolution de la boucle
d'hystérésis en contraintes déformations avec une assez bonne précision. La principale limite de leur
modèle réside dans l'absence de prise en compte de la dépendance en la vitesse de déformation : pour
ce faire, il faudrait réaliser une modélisation cyclique anisotherme.
Tanaka et al. (1995, [20]) construisent un cadre théorique macroscopique unidimensionnel pour
expliquer le phénomène d'hystérésis sous chargement thermomécanique. Ils introduisent trois variables
internes que sont la contrainte résiduelle, la déformation résiduelle et la fraction volumique de mar-
tensite résiduelle. Ces variables internes dépendent d'un paramètre " temporel " qui évolue lorsque
la transformation de phase se produit. Leur modèle rend correctement compte de la décroissance des
contraintes de début et de n de transformation avec le nombre de cycles, ainsi que de la dérive des
boucles d'hystérésis sous chargement cyclique quasi-statique.
Zaki et Moumni (2007, [22]) construisent une modélisation 3D du comportement cyclique, dans
le cadre des matériaux standards généralisés. Ils introduisent trois variables internes, du même type
que celles introduites dans le modèle de Tanaka, à ceci près que la fraction volumique introduite est
la fraction volumique cumulée de martensite. Ils modient ensuite l'énergie libre de la martensite, par
un terme dû aux contraintes internes créées par la martensite résiduelle, et ils font dépendre tous les
paramètres matériau de cette fraction volumique cumulée de martensite. Ainsi, ils peuvent simuler les
diérents phénomènes observés lors d'un chargement cyclique : le matériau passe d'une conguration
instable thermodynamiquement à une conguration stable. L'avantage principal de leur modèle réside
dans le fait qu'il consiste en un unique ensemble d'équations pour simuler l'ensemble des phénomènes :
le modèle est unié. De plus, les paramètres dont dépend le modèle sont aisément identiables. Une
limite du modèle est l'absence de couplage entre la mécanique et la température.
10
représentatif est constitué d'une matrice austénitique avec des inclusions martensitique et des zones
plastiques. Dans leur modèle, la transformation de phases active le phénomène de plasticité : la défor-
mation résiduelle est de nature plastique. Ils observent que, lors d'un chargement thermique cyclique,
la déformation plastique cumulée augmente indéniment, alors que ce n'est pas le cas lors d'un char-
gement mécanique cyclique. Leur modèle est fondé sur des analyses thermodynamiques, et introduit
deux variables internes de type contraintes résiduelles associées à l'irréversibilité des transformations
de phase et de la plasticité. Ils introduisent aussi un couplage avec la thermique. L'inconvénient de
leur modèle réside dans sa complexité : beaucoup de paramètres à identier (et de façon pas toujours
simple), grand nombre d'équations...
Auricchio et Sacco (2001, [4]) construisent une loi de comportement macroscopique unidimension-
nelle, en travaillant sur un matériau à déformation homogène du point de vue macroscopique, mais
en introduisant un couplage thermomécanique par la présence de sources de chaleur internes (chaleur
latente de changement de phase, dissipation mécanique). Cette loi de comportement permet de décrire
correctement la réponse du matériau en traction compression. L'introduction de ces sources de chaleur
permet une simulation correcte de la dépendance vis-à-vis de la vitesse de chargement.
Lim et McDowell (2002, [12]) présentent une simulation éléments nis du changement de phase
dans les MMF en prenant en compte les 24 variantes de martensite. Leur modèle permet de rendre
compte de la dissymétrie du comportement entre la traction et la compression, grâce à l'orientation
des grains de martensite. Le modèle rend aussi compte de la distribution des diverses variantes de
martensite en fonction du mode de chargement. La dépendance du comportement des MMF vis-à-vis
de la vitesse de déformation s'explique au premier ordre par la variation de température des MMF
pendant le changement de phase (rôle de la chaleur latente de changement de phase).
Néanmoins, leur modèle ne donne pas un rôle susant aux interactions intergranulaires, et ne
donne pas de résultats satisfaisants pour des chargements non proportionnels. Le modèle est enn
construit pour un matériau sans défaut et ne prend donc pas en compte la présence de précipités ou
d'hétérogénéités dans le matériau.
L'étude du comportement cyclique nous a appris l'existence d'un cycle stabilisé pour les MMF,
et a tenté de comprendre les phénomènes qui lui sont liés. Cette étude est pour nous un préambule
nécessaire à la compréhension des phénomènes liés à la fatigue, que nous allons étudier dans le chapitre
suivant.
On distingue usuellement deux types de fatigue pour les matériaux à mémoire de forme :
La fatigue mécanique liée à un chargement mécanique cyclique dans le domaine pseudo-élastique.
Les caractéristiques liées à ce type de fatigue sont : un durcissement cyclique, la formation
11
de phénomène de surface (extrusion/intrusion), l'amorce de ssures, puis leur propagation et
nalement la rupture.
La fatigue thermique ou amnésie ou fatigue mémoire de forme caractérisée par la dégradation
des caractéristiques matériau, en particulier des températures de transformation : le matériau
n'est plus capable de se souvenir de sa forme initiale.
Seule la fatigue mécanique nous intéresse ici, puisqu'on suppose que, compte-tenu du chargement
appliqué, les caractéristiques matériau restent constantes. Pour être plus proche du comportement réel,
il faudrait coupler les deux types de fatigue.
Miyazaki (1986, [15]) étudie l'inuence de la présence d'inclusions sur la nucléation des ssures à
l'intérieur des alliages NiTi : la purication des alliages augmente leur durée de vie. Quelque soit le lieu
de nucléation des ssures (aux joints de grains ou au niveau des inclusions), la ssure s'amorce à 10 %
de la durée de vie totale du matériau. Cependant, la transformation martensitique qui se produit autour
d'une inclusion engendre d'importantes incompatibilités de déformation et donc une forte concentration
de contraintes autour de l'inclusion. Lorsque la transformation martensitique aecte un grain, elle
aecte aussi les grains voisins an de réduire les incompatibilités de déformation. Si les grains voisins
ne se transforment pas susamment pour pallier à l'incompatibilité, il y a aussi formation d'une zone de
concentration de contraintes à l'interface. Toutefois, il existe une diérence entre l'amorçage de ssure
autour des inclusions ou aux joints de grains : au niveau de l'inclusion, toute la déformation liée à la
transformation contribue à l'incompatibilité des déformations, alors que, au niveau des joints de grains,
une partie de la déformation de transformation ne contribue pas à l'incompatibilité des déformations :
les ssures s'amorcent donc de façon préférentielle autour des inclusions. Pour augmenter la durée de
vie, il est nécessaire d'eectuer des traitements thermiques permettant d'éliminer les inclusions.
Miyazaki étudie également l'inuence de la température sur la vitesse de propagation des ssures.
Pour des températures inférieures à Ms, la vitesse de propagation des ssures est minimale. Autour
de la pointe de ssure, le matériau est martensitique. La déformation s'eectue par mouvement des
interfaces inter-variantes : la contrainte seuil de déformation est très basse et indépendante de la
température ; il y a relaxation des concentrations de contraintes. Pour des températures supérieures
à Ms, la vitesse de propagation augmente avec la température. A chaque cycle, il y a formation de
martensite à la pointe de ssure an de réduire la concentration de contraintes, mais, puisque la
contrainte de début de transformation martensitique augmente avec la température, il devient de plus
en plus dicile de former de la martensite en pointe de ssure ; la vitesse de propagation augmente.
Pour des températures encore plus élevées, la ssure se propage en phase austénitique ; la vitesse de
propagation, alors indépendante de la température, suit la loi phénoménologique de Paris.
Siredey et al. (2005, [18]) eectuent des essais cycliques en exion sur des échantillons de Cu-Al-Be.
Ils constatent que cet alliage présente une meilleure tenue à la fatigue que les alliages de NiTi. Avant le
début du chargement cyclique, ils observent que la exion active une variante principale de martensite
et plusieurs autres variantes secondaires, ce qui induit au niveau de l'échantillon une déformation
macroscopique assez homogène, contrairement à ce qui se produit en traction. Lors de l'application du
chargement cyclique, ils observent que plusieurs variantes de martensite sont activées simultanément.
12
L'observation de l'éprouvette montre l'apparition de rainures dont le nombre augmente avec le
nombre de cycles. Par ailleurs, ils constatent que les rainures sont d'autant plus resserrées que la
courbure de l'échantillon est grande. Les rainures pourraient être corrélées à l'apparition de la phase
martensitique.
Ils notent aussi l'apparition d'une coloration rouge de l'échantillon, faisant penser à de l'oxydation
de la phase martensitique (apparition de Cu2 O) : le changement de position des atomes se produisant
au cours de la transformation martensitique créerait des conditions favorables à l'oxydation.
Enn, l'observation des éprouvettes après 76000 cycles de chargement met en évidence une dé-
formation résiduelle (courbure résiduelle de l'échantillon). Sur la partie en compression, ils observent
l'existence de microssures à l'intérieur des rainures et parallèles à celles-ci. Sur la partie en traction,
ils remarquent la rupture de la couche multioxidée.
Cependant, il reste encore à eectuer des analyses chimiques plus précises pour mieux expliquer
le phénomène de corrosion mis en évidence et à mieux comprendre l'origine des rainures (zones de
défauts, existence de martensite résiduelle...).
Critères unidimensionnels
Melton et Mercier (1979, [14]) constatent que les alliages NiTi ont une contrainte limite de fatigue
très élevée (jusqu'à plusieurs fois leur limite élastique).
Ils étudient la vitesse de croissance des ssures de fatigue. Dans les MMF, la transformation marten-
sitique engendre une relaxation des contraintes dans le matériau par rapport au cas d'élasticité pure ;
cette relaxation des contraintes retarde la croissance des ssures. La vitesse de croissance des ssures
est indépendante de la température de début de transformation martensitique (Ms). Ils mettent en
évidence l'existence d'une loi phénoménologique reliant la vitesse de croissance des ssures au facteur
d'intensité des contraintes (loi de Paris). La principale limite de cette loi tient à sa dépendance vis-à-vis
de la géométrie de l'éprouvette : la loi n'est pas une caractéristique matériau.
La durée de vie en fatigue de ces alliages est montrée dépendante de la température de début de
transformation martensitique : selon la structure cristalline du matériau stable à la température de
l'expérience, l'orientation de la martensite sous l'eet de la contrainte créé plus ou moins de défauts au
sein de l'échantillon, conduisant ainsi à une durée de vie plus ou moins élevée. Ainsi, si l'état stable à
la température considérée est l'état martensitique, l'orientation de la martensite créé des défauts plus
nombreux, puisque l'existence des 24 variantes de martensite ore, par un nombre plus élevé de joints
de grains, des sites de nucléation potentiels plus nombreux.
Enn, Melton et Mercier cherchent à établir un critère unidimensionnel en fatigue à faible nombre
de cycles. Ils établissent une loi de type Manson-Con reliant le nombre de cycles à rupture à la défor-
mation " plastique " de l'échantillon, la déformation plastique s'entendant comme étant la déformation
due à la transformation.
Par rapport aux matériaux conventionnels, la réversibilité de la transformation martensitique inhibe
la formation de zones de concentrations de contraintes et ralentit donc la nucléation de ssures.
Siredey et al. (2005, [18]) montrent de même que les MMF soumis à un chargement cyclique
avec une déformation inférieure à 10 % suivent une loi de Manson-Con en fatigue à faible nombre
de cycles, cette relation liant le nombre de cycles à rupture à la déformation totale. En revanche,
lorsque la déformation est supérieure à 10 %, le matériau est entièrement martensitique, et on observe
expérimentalement une grande dispersion du nombre de cycles à rupture. La dispersion des résultats
peut provenir de plusieurs paramètres inconnus : nombre de variantes de martensite activées par le
chargement, orientation des plans cristallographiques dans l'éprouvette par rapport à la direction du
chargement.
13
Cependant, les variables entrant en jeu dans ces lois de fatigue les rendent dicilement généralisables
au cas multidimensionnel.
Critères multidimensionnels
Wagner et al. (2004, [21]) analysent l'eet de la température sur la durée de vie en fatigue d'éprou-
vettes de NiTi soumises à un chargement de exion rotative. Le graphe donnant le nombre de cycles à
rupture en fonction de la déformation permet de distinguer trois types de comportement en fatigue :
La fatigue à faible nombre de cycles pour des déformations élevées : une grande partie de la surface
est soumise pendant le chargement à la transformation martensitique induite par la contrainte.
Il y a une forte dépendance du nombre de cycles à rupture vis-à-vis de la déformation.
Dans le régime intermédiaire, il n'y a pas de formation de martensite induite par la contrainte,
mais on constate que, localement, l'apparition de martensite peut-être due à la création de ssures
de fatigue. La pente de la courbe est plus faible en comparaison avec celle du premier régime.
Pour de très faibles déformations, on est dans le régime de fatigue polycyclique : il n'y a pas
de rupture d'éprouvette pour un nombre de cycles inférieur au million. Dans ce régime, les
éprouvettes sont sollicitées dans le régime élastique de la phase austénitique.
La déformation étant reliée directement au diamètre de l'éprouvette, ces expériences montrent que,
plus le diamètre augmente, plus le nombre de cycles à rupture de l'éprouvette est faible. Pour ce qui
est de l'inuence de la vitesse de rotation, les expériences montrent qu'une augmentation de celle-ci
diminue le nombre de cycles à rupture.
Les auteurs interprètent ces phénomènes par une augmentation de la température dans l'éprouvette
qui induit une augmentation des contraintes et donc une diminution du nombre de cycles à rupture.
L'analyse du champ de température dans les échantillons montre en eet que la température augmente
avec le nombre de cycles pour atteindre une valeur de saturation. Lorsque les expériences sont menées
en maintenant l'éprouvette à une température constante, on constate la disparition de la dépendance
de la durée de vie vis-à-vis de ces paramètres.
Wagner et al. concluent donc que le comportement en fatigue doit être examiné à l'aide de consi-
dérations énergétiques : calcul d'énergie dissipée.
Moumni et al. ([16]) proposent de même de développer un critère de fatigue basé sur l'énergie dissi-
pée par cycle. Les expériences de chargement cyclique montrent que l'énergie dissipée est décroissante
pendant les premiers cycles de chargement, mais atteint rapidement une valeur stabilisée. Faisant l'hy-
pothèse que la majeure partie de la vie du matériau se situe dans cette phase stabilisée, ils recherchent
un critère reliant l'énergie dissipée pendant le cycle stabilisé au nombre de cycles à rupture du ma-
tériau. La loi de type Manson-Con ainsi mise en évidence est en accord avec l'expérience pour les
expériences de type traction (cf. Fig. 1.10), mais ne marche pas pour des expériences en torsion.
Fig. 1.10 Evolution de l'énergie dissipée lors du cycle stabilisé en fonction du nombre de cycles à
rupture. Tiré de [16].
14
Chapitre 2
15
L'énergie dissipée (volumique) se calcule donc ainsi :
Z
(2.3)
X
W = σ= σmoyen ∆
cycle cycle
Wd = α Nfβ (2.4)
Les paramètres α et β de ce critère sont ajustés avec les résultats expérimentaux. Ceux-ci sont
placés dans le repère log Nrupture − log W (cf. Fig. 2.1). On constate alors que, quelque soit le type
de chargement en traction appliqué, les résultats sont alignés sur une droite, ce qui valide le type de
critère choisi.
Fig. 2.1 Energie dissipée dans la boucle stabilisée en fonction du nombre de cycles à la rupture pour
diérents rapports de charge en traction.
Néanmoins, la littérature relative à la fatigue par plasticité fait souvent allusion à un autre type
de graphique pour valider les critères choisis : il s'agit de comparer le nombre de cycles prédits par
le critère au nombre de cycles constaté expérimentalement (cf. entre autres [2], [3]). Usuellement, on
considère, pour les aciers, le critère comme satisfaisant si la majorité des résultats estimés par le critère
appartient à l'intervalle [Nexp /2 , 2 Nexp ]. Les points tels que la durée de vie estimée par le critère est
inférieure à Nexp /2 sont acceptables : le critère est conservatif, puisqu'il sous-estime la durée de vie
16
réelle. En revanche, les points situés au-delà de 2 Nexp sont critiques puisqu'ils surestiment la durée de
vie : on cherche donc à éviter cette situation.
En prenant comme critère de fatigue la loi phénoménologique 2.4, il est possible de calculer pour
chaque expérience un nombre de cycles à rupture. Si on place les points dans le graphique log Nexp −
log Nestime , on observe que le critère 2.4 n'est plus aussi satisfaisant. Trop de points expérimentaux
sont en dehors de l'intervalle [Nexp /2 , 2 Nexp ].
Fig. 2.2 Comparaison entre les nombres de cycles à rupture estimés par le critère et ceux observés
expérimentalement pour les expériences de traction
En se plaçant dans le diagramme log Nexp − log Nestime , on cherche alors le meilleur a. La valeur
a = 0.0025 est celle qui réunit le plus grand nombre de points situé dans l'intervalle [ Nexp /2 , 2 Nexp ]
(cf. Fig. 2.3). Dans les travaux d'Amiable, la meilleure valeur de a pour les aciers est a = 0.007. Notre
valeur est donc du même ordre de grandeur. Ceci s'explique car la valeur de a doit permettre aux deux
grandeurs (Wd et Pmax ) d'être du même ordre de grandeur, an que l'inuence de l'une ne soit pas
négligeable par rapport à l'autre.
17
Fig. 2.3 Diagramme log Nexp − log Nestime pour les expériences en traction après introduction de
l'inuence de la pression hydrostatique
On constate que l'ajout de la pression hydrostatique dans le critère de fatigue améliore ce dernier
en ce sens que le critère permet maintenant de réunir la quasi-totalité des points expérimentaux dans
l'intervalle [ Nexp /2 , 2 Nexp ]. Par ailleurs, on constate aussi que, dans le repère log Nexp − log W , les
points sont plus resserés autour de la droite que lorsque la pression hydrostatique n'est pas prise en
compte.
Nous avons donc montré que la pression hydrostatique est un paramètre pertinent pour la prédiction
de la tenue en fatigue des structures en MMF. Son introduction dans le critère de fatigue permet de
resserer les points expérimentaux autour du critère, et donc améliore la qualité du critère. Nous allons
à présent chercher à étendre ce critère aux chargements de torsion.
18
Mais, dans le cas présent, on arrive à s'en passer moyennant les quelques hypothèses suivantes :
L'hypothèse de Navier Bernoulli permet de s'aranchir de la fonction de gauchissement, et donc
de supposer que, dans la section utile, la seule composante non nulle du tenseur des contraintes
est σθz .
La faible épaisseur du cylindre permet de faire l'hypothèse que la contrainte de cisaillement est
constante dans l'épaisseur, et donc d'avoir une simple proportionnalité entre couple et contrainte
(Eq. 2.6) d'une part et entre angle et déformation (Eq. 2.7) d'autre part.
1 3C
σθz = 3 (2.6)
Re3 − Ri 2π
θ
2 θz = Re (2.7)
h
Le calcul de l'énergie dissipée s'en trouve donc facilité (Eq. 2.8) :
1 3 1
Z Z
W = σθz θz = 3 3 Re Cθ (2.8)
cycle Re − Ri 2π h cycle
La constante multiplicative (K = R3 −R
1
3 2π h Re ) n'est fonction que des paramètres géométriques de
3 1
e i
l'éprouvette.
Lorsqu'on place les résultats dans le repère log N − log W (cf. Fig. 2.4), les points s'alignent sur
deux droites ; il y a donc dépendance vis-à-vis du rapport de charge. On peut toutefois rechercher la
meilleure droite regroupant tous les points. Elle donne le critère suivant (Eq. 2.9) :
Fig. 2.4 Energie dissipée dans la boucle stabilisée en fonction du nombre de cycles à la rupture en
torsion
19
2.2.2 Calcul de l'énergie dissipée en torsion : cas des éprouvettes pleines
Le calcul de l'énergie dissipée pour les éprouvettes pleines est plus délicat. A priori, on ne peut
plus supposer la contrainte constante dans la section de l'éprouvette : un raisonnement en élasticité
linéaire montre qu'elle est plus élevée en périphérie d'éprouvette, et nulle au centre. Par conséquent, le
changement de phase commence en périphérie pour se propager vers le centre.
Supposant pouvoir encore, en première approximation, supposer la contrainte constante, nous avons
adapté le coecient multiplicatif du paragraphe précédent à la géométrie présente pour calculer de
façon simpliée l'énergie dissipée dans la boucle d'hystéresis. Les résultats sont aberrants (cf. Fig.
2.5). En eet, on s'attend à ce que les énergies dissipées en torsion soient plus élevées que celles en
traction, lorsqu'on ne prend pas en compte la pression hydrostatique ; ainsi, la prise en compte de cette
dernière (positive dans toutes les expériences de traction réalisées) en augmentant l'énergie dissipée,
permettrait de superposer les résultats relatifs aux deux types de chargement. Les résultats du calcul
simplié donnent une énergie en torsion plus faible pour ces éprouvettes. Il nous faut donc passer par
la programmation de la loi de comportement an de calculer de façon plus précise l'énergie dissipée en
torsion par les éprouvettes pleines.
Fig. 2.5 Energie dissipée dans la boucle stabilisée en fonction du nombre de cycles à rupture
20
Fig. 2.6 Diagramme log Nrupt − log Wd pour les expériences en traction et en torsion.
Lorsque l'on trace le graphique log Nexp − log Nestime en ayant pris comme critère l'équation de la
meilleure droite dans le plan log Nrupture − log Wd (cf. Fig. 2.6), on remarque que quelques points sont
en dehors de l'intervalle [Nexp /2, 2Nexp ] (cf. Fig. 2.7) : les points situés au delà de 2Nexp correspondent
aux expériences de torsion répétée (sollicitation de torsion à moment imposé, avec R = 0). En revanche,
les points de torsion alternée semblent être corrects.
Fig. 2.7 Diagramme log Nexp − log Nestime pour les expériences en traction et en torsion.
Pour valider ce critère, il serait intéressant de savoir si les points expérimentaux relatifs aux ex-
périences sur les éprouvettes de torsion pleines rentrent aussi dans le cadre de ce critère. Pour cela, il
faut résoudre numériquement le problème d'équilibre et la loi de comportement, an d'avoir un calcul
précis de l'énergie dissipée.
21
Chapitre 3
Il est possible d'écrire la densité d'énergie libre du matériau comme la somme des énergies libres de
chacune des phases et de l'énergie d'interaction. Il faut ensuite prendre en compte un certain nombre de
liaisons internes pour les variables d'état : elles sont au nombre de quatre et sont prises en compte par
multiplicateurs de Lagrange. Ces liaisons étant supposées parfaites, il est possible d'écrire le potentiel
qui leur est associé. Finalement, le lagrangien s'écrit comme la somme de l'énergie libre du matériau à
mémoire de forme et du potentiel dont dérivent les liaisons ; il faut associer à ce lagrangien toutes les
conditions liées aux multiplicateurs de Langrange. Les lois d'état s'obtiennent alors par dérivation du
Lagrangien par rapport aux diverses variables d'état. Ecrivons notamment la loi de comportement du
matériau à mémoire de forme :
σ = C : ( − ztr ) (3.1)
22
3.1.2 Fonctions critères et lois complémentaires
Il faut ajouter à ces équations les fonctions critères et les lois complémentaires régissant l'évolution
des variables internes. Les fonctions critères proviennent de la dérivation du pseudo-potentiel de dissi-
pation et sont au nombre de trois. Les lois complémentaires donnent l'évolution des variables internes
en fonction de la (non-)nullité des fonctions critères.
Les lois complémentaires associées au changement de phase vérient les propriétés suivantes :
Si Fz1 < 0 et Fz2 < 0, aucun changement de phase ne se produit : ż = 0.
Si Fz1 = 0 (resp. Fz2 = 0) (seuil de changement de phase direct (resp. inverse) atteint) et Ḟz1 < 0
(resp. Ḟz2 < 0) (décharge) alors ż = 0.
Si Fz1 = 0 (resp. Fz2 = 0) (seuil de changement de phase direct (resp. inverse) atteint) et Ḟz1 ≥ 0
(resp. Ḟz2 ≥ 0) alors ż est donné par la condition de consistance Ḟz1 = 0 (resp. Ḟz2 = 0).
Si l'évaluation de Fz1 et de Ḟz1 conduit à un incrément de z non nul, alors, il faut calculer
l'incrément de déformation de transformation en résolvant Ḟori = 0 avec la valeur de ż obtenue
par résolution de Ḟz1 = 0
23
Au début de la charge, le matériau est constitué uniquement d'austénite ayant un comportement
élastique. La variable interne z est nulle et le tenseur tr n'est pas déni. Les contraintes se situent à
l'intérieur du critère Fz1 . A partir d'une certaine valeur du chargement (σms (T )), le critère Fz1 devient
nul ; le critère Fori est par ailleurs aussi atteint : en eet, à la température où l'on se place, le chargement
de l'éprouvette provoque simultanément le changement de phase et l'orientation de la martensite. A
partir de cet instant de chargement, on a donc simultanément évolution de z et de tr . Lorsque z = 1
est atteint, toute l'éprouvette est martensitique : la transformation s'arrête. Si l'on continue à charger,
on aura uniquement l'élasticité de la martensite orientée. On considère en eet pour simplier que le
phénomène d'orientation s'arrête aussi lorsque z = 1.
A la décharge, on commence par une phase d'élasticité pure de la martensite. Lorsque le critère Fz2
est atteint (c'est-à-dire lorsque la contrainte atteint le seuil de transformation inverse (σas (T ))), il y
a évolution de z mais pas de tr . Cette évolution se poursuit jusqu'à obtenir un matériau totalement
austénitique ou jusqu'à arrêt de la décharge.
Fig. 3.1 Représentation schématique du déclenchement des diverses fonctions critères lors du cycle
pseudo-élastique
24
la géométrie de l'éprouvette, et avec les mêmes conditions aux limites. Cependant, pour commencer,
nous travaillons avec un chargement de traction sur une géométrie simpliée. Nous considérons donc
une éprouvette tubulaire circulaire, encastrée à une extrémité (appelée par la suite SBas ) et mise en
traction suivant l'axe de l'éprouvette à l'autre extrémité (appelée par la suite SHaut ). L'éprouvette est
désignée par la suite par la notation habituelle Ω. Les autres surfaces sont laissées libres.
1
(x) = (∇ξ +t ∇ξ)(x) (3.6)
2
divσ(x) = 0 (3.7)
On doit ajouter à ces équations les fonctions critères et les lois complémentaires associées à l'évo-
lution des variables internes.
25
Il est donc possible de réécrire la loi de comportement de manière analogue à celle de la plasticité :
(tr est ici un tenseur constant de module égal à 0 )
σ(x) = C : ((x) − p (x)) (3.11)
où on a posé : p = ztr 1
ż ≥ 0 (3.14)
ż.Ḟz1 = 0 (3.15)
Compte-tenu de la forme de la loi de comportement, on doit donc mettre en place une stratégie de
calcul qui soit à la fois incrémentale (pour l'intégration temporelle : le comportement du matériau
dépend de son histoire) et de nature itérative (résolution itérative d'équations non linéaires fournissant
la solution à chaque pas de temps).
Par ailleurs, notre modèle ne comprend aucun phénomène visqueux : la résolution du problème
doit donc être indépendante du temps physique (ceci est également lié à l'utilisation du potentiel de
dissipation).
∆zn ≥ 0 (3.21)
∆zn .Fz1 (σ n+1 , zn+1 , tr,n+1 ) = 0 (3.22)
1
Par la suite, on prendra toujours p = ztr
26
3.2.4 Méthode de résolution incrémentale du problème
Pour la résolution du problème, on se réfère à l'approche fondée sur la dénition d'une prédiction
élastique suivie si nécessaire d'une correction.
Solution élastique
Connaissant les contraintes à l'instant tn , on dénit la prédiction élastique de la contrainte σ elas
n+1
par :
σ elas
n+1
= σ n + 3kn J + 2µn K : ∆n (3.23)
1
J = 1⊗1 (3.24)
3
K =I −J (3.25)
Cette approche consiste en eet à faire l'hypothèse d'une évolution purement élastique, c'est à
dire avec zn+1 = zn , ∆zn = 0. Pour le calcul de la solution élastique, il existe plusieurs méthodes
(Newton Raphson, Newton Raphson modiée, quasi Newton...) ; elles dièrent les unes des autres
essentiellement par le choix de la rigidité. Dans notre cas, nous avons utilisé la méthode de Newton
Raphson, qui recalcule à chaque pas de chargement la matrice de rigidité avec les caractéristiques
actuelles du matériau : on considère donc la pente tangente à la courbe contraintes-déformations. La
convexité de la fonction critère permet de montrer l'inégalité suivante (cf. [9]) :
Fz1 (σ elas
n+1 n
, z ) ≥ Fz1 (σ n+1 , zn + ∆zn ) (3.26)
Ayant ainsi déterminé ∆zn , il sut ensuite de relier la contrainte élastique à la vraie contrainte par
l'intermédiaire de ∆p . Toutefois, la contrainte ainsi déterminée est certes bien sur le critère, mais ne
vérie plus forcément l'équilibre de la structure. La contrainte trouvée équilibre la structure pour une
force appliquée plus faible : il nous faut déterminer l'incrément de force qu'il reste à appliquer, pour
que les contraintes équilibrent le pas de charge appliqué et itérer ainsi jusqu'à ce que les contraintes
vérient à la fois l'équilibre et les critères.
L'algorithme qui a ainsi été mis en oeuvre est l'équivalent de l'algorithme de retour radial connu
en plasticité. Il sera détaillé par la suite.
27
Fig. 3.3 Principe de la méthode de Newton Raphson en 1D.
28
Elle signie que lorsque le critère f est violé, l'incrément de déformation plastique est donné par la
résolution de l'équation f˙ = 0. Numériquement, on ne peut implémenter cette condition ainsi. En eet,
prenons le cas suivant : à l'instant tn et au point considéré, le matériau est dans le domaine élastique.
La prédiction élastique à l'instant tn+1 viole le critère. Ecrire f˙ = 0 en version discrète revient à écrire
fn+1 = fn < 0 et ne ramène donc pas les contraintes sur le critère mais à l'intérieur de celui-ci. C'est
pourquoi, nous avons écrit la condition de compatibilité discrète sous sa forme 3.22.
Entrée : ξ n , ∆F , σ n , zn , tr .
Initialisation :
Déséquilibre : δF = ∆F
Absence de déformation : ∆ξ = 0
Itérations jusqu'à convergence
29
3.4.2 Grandes étapes du code de calcul
Le code de calcul étant assez long, nous allons nous contenter d'en décrire les principales étapes.
Les premières étapes du code étant classiques, elles ne seront pas détaillées.
1. Choix du type d'éléments nis (éléments cubiques à 8 noeuds).
2. Construction du maillage et dénition des surfaces utiles.
3. Construction des objets modèle et matériau (modèle élastique), et initialisation du module
d'Young et du coecient de Poisson.
4. Dénition et initialisation des diérents champs utilisés par la suite.
5. Conditions aux limites de blocage et calcul de la raideur.
6. Dénition des incréments de chargement.
7. Boucle sur les pas de chargement
30
Le programme est amené à évaluer des grandeurs qui ne sont pas toujours dénies. Entre autre, il
est amené à évaluer XX
VM
, alors que X = 0. Par conséquent, pour éviter les éventuelles divisions
par zéro, on est amené à ajouter une constante articielle (10−30 ) dans l'expression de XV M .
Par rapport au modèle théorique, nous avons aussi été amenés à faire un certain nombre de sim-
plications pour alléger l'écriture du programme :
Nous avons supposé que lorsqu'on est en charge, si la fonction critère s'annule, alors la dérivée
par rapport au temps de la fonction critère s'annule aussi : on ne teste que la condition sur la
positivité de la fonction critère ; la nullité de la dérivée permet l'obtention des incréments de
variables internes.
Nous faisons par ailleurs l'hypothèse que, en pseudo-élasticité, lorsque le matériau est entièrement
martensitique (z = 1), il y a arrêt de l'orientation de la martensite (pour simplier).
Les calculs sont menés sous condition isotherme.
31
Chapitre 4
Perspectives
L'objectif du travail est la mise au point d'une méthodologie de calcul pour le dimensionnement à
la fatigue des structures en MMF. Nous allons ici décrire les principales étapes de la méthodologie.
On considère une structure soumise à un chargement cyclique connu. Nous cherchons tout d'abord à
obtenir l'état de contraintes et les déformations en tout point de la structure, lors du cycle stabilisé. Pour
simplier, nous eectuons pour le moment une résolution du problème avec la loi de comportement
cyclique (cf. [22]), en prenant les paramètres du cycle stabilisé. Ensuite, il faut mettre au point un
critère de fatigue, donnant en fonction de paramètres matériaux (dont on veut montrer qu'ils sont
intrinsèques) le nombre de cycles à rupture. Comme nous le mentionnions dans une partie précédente,
il a déjà été mis au point un critère pour les MMF dans le cas de chargement en traction compression
(cf. [16]). Il s'agit maintenant de le généraliser à d'autres chargements (extension au chargement en
torsion, puis validation sur un essai de traction torsion non proportionnel). Nous devons ensuite rendre
le critère intrinsèque, et introduire dans ce premier critère d'autres paramètres pouvant inuencer la
durée de vie des structures (notamment la pression hydrostatique et la taille des grains).
32
4.1.3 Détection de l'amorçage
Pour le dimensionnement des structures, il paraît plus judicieux de pouvoir les dimensionner à
l'amorçage plutôt qu'à la rupture. C'est pourquoi nous essaierons de détecter l'amorçage de la rupture
durant la phase stabilisée, et de comprendre les mécanismes engendrant l'amorçage de la rupture. Pour
cela, plusieurs techniques expérimentales pourront être utilisées :
la détection par thermographie infra-rouge : la génération de défauts ou la création de ssures ont
en eet une signature thermique qu'il est possible de détecter avec la thermographie infra-rouge ;
la détection par émission acoustique : les mécanismes précédemment cités ont aussi une signature
acoustique que l'on espère pouvoir détecter et savoir analyser.
33
apparaît nécessaire de trouver des solutions aux dicultés citées, et notamment :
Regarder l'inuence de la valeur de tr tant que le matériau est purement austénitique, et de
mieux comprendre la façon dont est régie son évolution. On peut notamment se demander que
devient le tenseur tr , lorsque, après un cycle de chargement, le matériau est revenu à l'état
austénitique, et que l'on souhaite recommencer un cycle de chargement.
Améliorer l'écriture de la relation entre la prédiction élastiques des contraintes entre les instants
tn et tn+1 et la contrainte après correction plastique. Cela nécessite d'écrire les relations existant
entre les propriétés matériau à l'instant tn et celle à l'instant suivant, en fonction de l'évolution
de la fraction volumique de martensite
Rééchir s'il est possible (et si oui, à quel coût) d'écrire l'algorithme en implicite, an de supprimer
la dépendance vis-à-vis de la taille des incréments de chargement
Regarder enn les propriétés de stabilité, consistance, et convergence de notre schéma numérique,
an de connaître la précision des résultats obtenus.
34
Conclusion
Après une longue étude bibliographique permettant de comprendre ce que sont les Matériaux à
Mémoire de Forme, leurs propriétés et surtout les enjeux actuels de la recherche sur ce sujet, ce stage
a permis de commencer la généralisation d'un critère de fatigue pour les MMF. Nous avons pu noter
que la pression hydrostatique est, de même que pour les aciers, un paramètre pertinent à introduire
dans le critère de fatigue des MMF. Cette généralisation reste à poursuivre, en intégrant tout d'abord
les résultats obtenus en torsion sur les éprouvettes pleines, puis en essayant d'intégrer les diérents
paramètres cités dans le dernier chapitre. Sur le plan de l'implémentation numérique, il nous faut
encore trouver et comprendre les erreurs restantes qui aboutissent à un mauvais résultat en traction.
Ensuite, il s'agit de passer à des chargements de torsion, an d'avoir un calcul plus précis de l'énergie
dissipée.
La poursuite du travail consistera en premier lieu en un travail expérimental : la réalisation d'une
campagne d'essais devrait permettre d'obtenir un critère dans lequel tous les essais auront été réalisés
de manière identique. Le critère s'appuiera le plus possible sur des paramètres intrinsèques au matériau
et au chargement (énergie dissipée, pression hydrostatique, taille des grains), et prendra en compte à
la fois les expériences de traction et de torsion. Ensuite, l'implémentation de la loi de comportement
sous Castem rendra possible la prédiction par le calcul de la durée de vie en fatigue des structures en
MMF. Le tout sera enn validé par un essai structure.
35
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