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Le Liban fait partie des pays dont la superficie est connue assez approximativement. Le chiffre de
10 452 km2, parfois arrondi à 10 400, voire 10 000 km2, reste le plus couramment cité. Les
nationalistes libanais font depuis la guerre civile un usage intensif de ce chiffre, une superficie élevée,
selon l’historien Edmond Rabbath (1986) «à la hauteur d’une devise de ralliement national par le
président Béchir Gémayel», qui fut assassiné à Achrafieh en 1982. Cette superficie fétiche est devenue
un symbole et un slogan, dans le contexte de l’indépendance très relative du Liban pendant
l’occupation syrienne.
Mais l’origine de ce chiffre-symbole n’est pas claire. Edmond Rabbath n’en précise pas la provenance,
et d’autres sources, spécialisées ou grand public, font état de superficies différentes (tableau).
L’Encyclopædia Britannica n’a adopté le chiffre de 10 400 km2 qu’en 1998, après avoir longtemps
publié celui de 10 230 km2, et des travaux récents commissionnés par le gouvernement libanais en
retiennent d’autres encore.
La question de la superficie réelle du Liban reste donc ouverte, mais conditionnée par la mémoire des
10 452 km2«inventés» par B. Gémayel. Le rapport sur l’aménagement du territoire libanais (2003)
évoque par exemple prudemment «moins de 11 000 km2». Dans ce dernier cas, les consultants
(associés au centre de télédétection du CNRS Liban), qui avaient procédé à la numérisation des
frontières et de la côte libanaises à partir des cartes topographiques de l’armée, en corrigeant les
données relatives au littoral à l’aide d’images satellites, étaient en fait arrivés à une superficie
d’environ 10 200 km2. En revanche, l’Atlas agricole du Liban, à partir de la même source, n’hésite pas
à fournir le chiffre de 10 225 km2. Ces divergences ne peuvent être expliquées par les 25 km2 des
fermes de Shebaa qui font l’objet d’un litige frontalier avec la Syrie (cf. la rubrique Les lieux dont on
parle), et qui avaient été inclus dans le calcul du CNRS Liban. Tiennent-elles à la prise en compte des
eaux territoriales, comme le suggère le World Factbook de la CIA qui retient 10 400 km2 avec une
surface terrestre de 10 230 km2 et 170 km2 de mer, qui est probablement la source suivie par
l’Encyclopædia Britannica ? Mais cette hypothèse correspondrait à une limite des eaux territoriales
fixée à 750 m du rivage et non à 12 milles nautiques. Il s’agit sans doute ici aussi d’une tentative pour
rapprocher l’information existante avec le slogan. Ces incertitudes indiquent en tout cas que l’État n’a
de son territoire qu’une connaissance imprécise. Gageons que dans ce contexte le chiffre de
10 452 km2, malgré le côté énigmatique de ses origines, continuera à être employé un long temps dans
la rhétorique politique et dans de nombreuses publications.
Éric Verdeil
Références bibliographiques
ALEM J.-P. (1995). Le Liban. Paris : PUF, coll. Que-sais-je ? (1re éd. 1963). ISBN: 2-13-044263-3.
Encyclopædia Britannica Premium Service. «Lebanon». Encyclopædia Britannica. Book of the year
1997.
Notes