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Journal de pédiatrie et de puériculture 19 (2006) 71–84

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

journal homepage: //france.elsevier.com/direct/PEDPUE

FLASH INFO

Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant


et l’adolescent*
Recommandations pour la pratique clinique
Haute autorité de santé (HAS)

Les recommandations sur le thème « Prise en charge de la Comité d’organisation


drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent » ont été élabo-
rées à la demande de la Direction générale de la santé (DGS).
Dr M. de Montalembert, pédiatre, Paris, France
Les sociétés savantes et associations suivantes ont été
Pr F. Galactèros, généticien, interniste, Créteil, France
sollicitées pour participer à leur élaboration :
z Société française de pédiatrie (SFP) ;
Pr R. Girot, hématologue, Paris, France
z Société française d’hématologie.
Dr C. Geffrier d’Acremont, chef de projet HAS, Saint-Denis,
Elles ont été réalisées selon la méthode décrite dans le France
guide Recommandations pour la pratique clinique – Base
méthodologique pour leur réalisation en France, publié en Groupe de travail
1999 par l’Agence nationale d’accréditation d’évaluation
en santé (Anaes).
Pr J.-P. Dommergues, président du groupe de travail,
L’ensemble du travail a été coordonné par le Dr Christine pédiatre, Le Kremlin-Bicêtre, France
Geffrier d’Acremont, chef de projet, avec l’aide de Mlle
Dr V. Brousse, chargée de projet, pédiatre, Paris, France
Laetitia Gourbail et de Mlle Stéphanie Baudoux, assistantes,
Dr C. Geffrier d’Acremont, chef de projet, HAS Saint-Denis,
sous la direction du Dr Patrice Dosquet, responsable du ser-
France
vice des recommandations professionnelles.
La recherche documentaire a été effectuée par Mme Dr B. Barthel, médecin de santé scolaire, Paris, France
Marie Georget et Mme Frédérique Pages, documentalistes, Dr M. Benkerrou, pédiatre, Paris, France
avec l’aide de Mlle Maud Lefevre, sous la direction de Mme Dr F. Bernaudin, hématologue, pédiatre, Créteil, France
Rabia Bazi puis de Mme Frédérique Pagès, responsables du Dr M.-C. Charansonnet, médecin généraliste, Villejuif,
service de documentation. France
La Haute autorité de santé (HAS) tient à remercier les Dr M. de Montalembert, pédiatre, Paris, France
membres du comité d’organisation, du groupe de travail, du Pr F. Galactèros, généticien, interniste, Créteil, France
groupe de lecture et du conseil scientifique de l’Anaes qui Pr R. Girot, hématologue, Paris, France
ont collaboré à ce travail. Dr M.-C. Le Roux, médecin de PMI, Créteil, France
Dr V. Sciortino, médecin conseil de la CNAMTS, Toulouse,
* Document réalisé par l'Agence nationale d'accréditation et
France
d'évaluation en santé (Anaes) en septembre 2005 et validé Dr O. Taieb, pédopsychiatre, Bobigny, France
par son conseil scientifique en 2004. Dr I. Titti, pédiatre, Gennevilliers, France

doi:10.1016/j.jpp.2005.12.008
72 Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent

Groupe de lecture Elle associe trois grandes catégories de manifestations


cliniques, liées :
z à l’anémie hémolytique chronique ;
Dr J. Afchain, médecin généraliste, Le Blanc-Mesnil, France
z aux phénomènes vaso-occlusifs ;
Dr R. Amira, pédiatre, Saint-Denis, France
z à la susceptibilité extrême à l’infection ;
Dr C. Babakissa, pédiatre, Sherbrooke, France
avec une grande variabilité d’expression clinique selon les
Dr D. Bachir, hématologue, Créteil, France
individus atteints.
Dr J.-J. Benichou, pédiatre, Le Kremlin-Bicêtre, France
Sous le terme de syndrome drépanocytaire majeur sont
Dr G. Boudry, pédiatre, Villejuif, France
regroupées les manifestations cliniques observées en cas :
Pr A. Bourrillon, pédiatre, Paris, France
z d’homozygotie SS ;
Dr J. Cheymol, pédiatre, Clichy, France
z de double hétérozygotie SC, SD Punjab, Sβ thalassé-
Dr S. Dauger, pédiatre, réanimateur, Paris, France mique, SO Arab.
Dr S. Deplus, ophtalmologiste, Paris, France Les porteurs du trait S (patients hétérozygotes AS) sont
Mme E. Ebakisse-Badassou, présidente d’association d’usa- asymptomatiques.
gers (Association Sud-développement), Puteaux, France
Dr G. Elana, pédiatre, Le Lamentin, France Thème des recommandations
Pr J. Elion, généticien, Paris, France
Les recommandations concernent la prise en charge et le
Dr A. Ferster, hématologue, pédiatre, Bruxelles, Belgique
suivi, de la naissance jusqu’à l’âge adulte, des enfants chez
Dr É. Fournier-Charrière, pédiatre, Le Kremlin-Bicêtre, lesquels un syndrome drépanocytaire majeur a été dépisté
France à la naissance.
Dr J.-L. Gallais, médecin généraliste, Aubervilliers, France Un dépistage ciblé de la drépanocytose chez les nouveau-
M. C. Godart, membre d’association d’usagers SOS Globi), nés originaires des pays ou des régions à forte prévalence de
Créteil, France la maladie a été généralisé à l’ensemble du territoire national,
Dr J.-F. Hartmann, pédiatre, réanimateur, Paris, France DOM/TOM et France métropolitaine, en 1999. Malgré la mise
Mme J. Hippocrate-Fixy, présidente d’association d’usagers en place de ce dépistage, le diagnostic peut être fait à l’occa-
(Association pour l’information et la prévention de la dré- sion d’une complication et est à suspecter chez un enfant ori-
panocytose, APIPD), Saint-Ouen, France ginaire d’une zone de forte prévalence.
Dr L. Holvoet-Vermaut, pédiatre, Paris, France Ces recommandations sont destinées à tous les profes-
Mme P. Jeanville, présidente d’association d’usagers (SOS sionnels de santé susceptibles de prendre en charge ces
Globi), Créteil, France enfants.
Dr P. Labrune, pédiatre, Clamart, France Elles ont été élaborées sous l’égide de l’Anaes, à la
Dr A. Lahary, hémobiologiste, Rouen, France demande de la Direction générale de la santé (DGS).
Dr A. Leblanc, pédiatre, Évry, France
Dr S. Marion, hémobiologiste, membre du Conseil scientifi- Gradation des recommandations
que de l’Anaes, Villejuif, France Selon le niveau de preuve des études sur lesquelles elles
Dr M.-H. Odièvre, pédiatre, Colombes, France sont fondées, les recommandations sont classées en grade
M. E. Ondongh-Essalt, psychologue clinicien, Le Kremlin- A, B ou C selon les modalités suivantes :
Bicêtre, France z une recommandation de grade A est fondée sur une
Dr C. Paccioni, médecin de santé scolaire, Paris, France preuve scientifique établie par des études de fort
Dr J. Pradère, pédopsychiatre, Bobigny, France niveau de preuve, par exemple des essais comparatifs
Dr B. Quinet, pédiatre, Paris, France randomisés de forte puissance et sans biais majeur ou
Dr B. Retali, pédiatre, Pontoise, France méta-analyse d’essais contrôlés randomisés, analyse
Dr G. Richard, médecin de santé scolaire, Paris, France de décision fondée sur des études bien menées ;
Dr F. Risser, pédiatre, Colmar, France z une recommandation de grade B est fondée sur une pré-
Mme M. Romero, psychologue, Créteil, France somption scientifique fournie par des études de niveau
Pr G. Tchernia, hématologue, Le Kremlin-Bicêtre, France intermédiaire de preuve, par exemple essais comparatifs
Dr É. Thibaud, gynécologue, Paris, France randomisés de faible puissance, études comparatives non
Dr D. Thibaud, pédiatre, Melun, France randomisées bien menées, études de cohorte ;
Dr I. Thuret, hématologue, pédiatre, Marseille, France z une recommandation de grade C est fondée sur des

Dr A. Tursz, pédiatre, épidémiologiste, Villejuif, France études de moindre niveau de preuve, par exemple étu-
Dr P. Voultoury-Jensen, pédiatre, Paris, France des cas témoin, séries de cas.
Pr C. Weil-Olivier, pédiatre, Colombes, France En l’absence de précision sur le grade, les recommanda-
tions sont fondées sur un accord professionnel au sein du
groupe de travail et du groupe de lecture.
Introduction
Principes généraux de prise en charge
Définitions
La drépanocytose est une maladie génétique de transmis- Il est recommandé qu’un réseau de soins soit organisé
sion autosomique récessive liée à une anomalie de struc- autour de l’enfant. Il comprend, par exemple :
ture de l’hémoglobine qui aboutit à la formation d’hémo- z le médecin et les puéricultrices de PMI, le médecin de
globine S (HbS). crèche, puis le médecin et les infirmiers scolaires ;
Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent 73

z le pédiatre ou le médecin généraliste traitant ; z d’expliquer aux parents les signes cliniques de l’enfant
z le médecin correspondant du centre hospitalier de qui doivent les amener à consulter en urgence (voir
proximité de l’enfant ; « Éducation thérapeutique des parents ») ;
z les médecins et les infirmiers spécialisés, c’est-à-dire z de débuter les vaccinations (voir paragraphe
appartenant aux services hospitaliers prenant en « Calendrier vaccinal ») ;
charge la drépanocytose. z de débuter l’antibioprophylaxie antipneumococcique

Pour les nouveau-nés et les nourrissons, les puéricultri- (voir « Prophylaxie antibactérienne : prévention des
ces de secteur peuvent être les intermédiaires entre les dif- infections à pneumocoque ») ;
z de récupérer les sérologies VIH, VHC et VHB de la
férents membres du réseau et, par leur connaissance des
familles dans leur environnement, être les premiers relais mère.
de cette collaboration. Le bilan recommandé lors de cette première consulta-
Tous les intervenants dans ce réseau doivent assurer la tion comprend :
z un hémogramme ;
continuité de la prise en charge et faire circuler l’informa-
z une numération des réticulocytes ;
tion entre eux, grâce au carnet de santé, avec l’accord des
z un groupe sanguin avec phénotypage étendu, à répéter
parents et dans le respect du secret médical.
entre l’âge de six mois et un an, ou trois mois après une
Il est recommandé que le carnet de santé mentionne :
transfusion pour permettre l’établissement de la carte
z le diagnostic ;
de groupe qui ne sera définitive qu’après l’âge d'un an
z les données de l’hémogramme et la numération des
et dont un exemplaire sera remis aux parents ;
réticulocytes ; z un dosage de G6PD ;
z le groupe sanguin (au mieux, la carte de groupe san- z un dosage de fer sérique et de la capacité totale de
guin est jointe) ; fixation de la transferrine.
z les autres données du bilan annuel ; Ce bilan nécessite un prélèvement de sang volumineux
z le dosage de G6PD ; (5 mL) dont la nécessité doit être expliquée aux parents. Il
z la taille de la rate ; est recommandé de prévenir la douleur liée au prélèvement
z les traitements quotidiens ; par une application de crème associant lidocaïne–prilocaïne
z les coordonnées du médecin spécialisé dans la prise en
sur le site de ponction.
charge de la drépanocytose. Conseil génétique
Consultation de confirmation du diagnostic chez le La possibilité d’un diagnostic prénatal lors des futures gros-
nouveau-né dépisté sesses est à évoquer avec les parents, hors de la présence
de l’enfant, en tenant compte des références culturelles ou
Cette consultation entre les parents du nouveau-né dépisté
religieuses de la famille. Le diagnostic prénatal fait l’objet
et le médecin spécialisé dans la prise en charge de la dré-
d’une consultation de génétique spécifique.
panocytose a pour but :
Il est recommandé d’expliquer aux parents la distinction
z d’expliquer aux parents que leur enfant a été dépisté
entre un enfant porteur du trait S ou porteur sain (hétéro-
comme porteur d’une hémoglobinopathie, mais que zygote AS) et un enfant porteur d’un syndrome drépanocy-
cela demande à être confirmé ; taire majeur, et de ne pas hésiter à répéter ces explications.
z d’expliquer la physiopathologie de la maladie ;

z de réaliser une étude de l’hémoglobine : Rythme de surveillance


{ chez l’enfant, pour confirmer le diagnostic,
Rythme de surveillance clinique
{ chez les deux parents. Les visites de surveillance, les vaccinations, la surveillance
Une enquête familiale avec dépistage de la fratrie est de la croissance, les conseils en matière de médecine pré-
recommandée du fait du caractère encore récent de la sys- ventive doivent être identiques à ceux de la population
tématisation du dépistage néonatal. pédiatrique générale. Le rythme des visites médicales
durant les deux premières années doit suivre le calendrier
Première consultation de suivi après confirmation vaccinal. Au-delà, selon les possibilités, un rythme trimes-
du diagnostic triel est recommandé.
Cette consultation entre les parents du nouveau-né dépisté Une prise en charge spécifique à la drépanocytose est à
et le médecin spécialisé dans la prise en charge de la dré- ajouter. Il est recommandé qu’elle s’intègre dans la prise
panocytose a pour but : en charge pédiatrique générale après concertation entre le
médecin traitant et le médecin spécialisé dans la prise en
z d’examiner le nouveau-né, l’examen à deux mois est le
charge de la drépanocytose.
plus souvent normal ;
z d’organiser avec les parents les modalités de la prise Rythme de surveillance paraclinique
en charge médicale et sociale de l’enfant ; l’assistante Il est recommandé, une fois par an, un bilan qui peut être
sociale et le(la) psychologue du service peuvent être fait à hôpital de jour pour dépister et traiter précocement
présentés dès cette première consultation, même si les certaines complications spécifiques de la maladie. Son con-
parents ne font appel à eux qu’ultérieurement ; tenu varie selon l’âge de l’enfant et le contexte clinique.
z de remettre des documents d’informations sur la dré- Le bilan annuel peut comprendre :
panocytose et d’informer les parents de l’existence z un bilan biologique : hémogramme, numération des
d’associations de parents d’enfants drépanocytaires ; réticulocytes, dosage de l’hémoglobine fœtale, fer
74 Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent

sérique, capacité totale de fixation de la transferrine, z une augmentation brutale du volume de la rate (pour
calcémie, phosphorémie, ionogramme sanguin, bilan les parents qui souhaitent être entraînés à palper la
hépatique (transaminases, gamma GT, bilirubine rate de leur enfant) ou du volume de l’abdomen ;
totale et conjuguée), sérologie érythrovirus (parvo- z et pour les parents de garçons, un priapisme qui ne
virus) B19 jusqu’à positivation, dosage des anticorps cède pas au traitement initial (voir « Priapisme »).
anti-HbS pour vérifier l’efficacité de la vaccination,
Il est recommandé de mettre au point, en accord avec
microalbuminurie ;
les parents, un « circuit d’urgence » et de leur remettre un
z une recherche d’agglutinines irrégulières, des sérolo- document écrit récapitulant ce circuit.
gies VIH et VHC pour les enfants ayant un antécédent
L’importance d’apporter le carnet de santé à chaque
transfusionnel (le bilan annuel permet une réévalua-
consultation ou hospitalisation de l’enfant, et de l’empor-
tion du dossier transfusionnel) ;
ter lors de chaque voyage, est à expliquer et à rappeler aux
z à partir de 12–18 mois : une échographie doppler
parents.
transcrânienne ;
z à partir de trois ans : une échographie abdominale, une Les associations de patients ou de parents d’enfants
radiographie de thorax ; drépanocytaires ont un rôle à jouer dans cette information
z à partir de six ans : une radiographie de bassin, une et cette éducation.
échographie cardiaque ; Éducation thérapeutique des enfants
z à partir de six ans chez les enfants SC et dix ans chez
Une éducation thérapeutique est à proposer à l’enfant. Elle
les enfants SS : un bilan ophtalmologique avec un oph-
a pour but de lui permettre de se familiariser avec la prise
talmologiste expert en pathologie rétinienne.
en charge de sa maladie. Elle est à adapter à l’âge de
Éducation thérapeutique et information de l’enfant et aux caractéristiques cliniques du syndrome
l’entourage drépanocytaire majeur.

Éducation thérapeutique des parents Information et éducation des enseignants


Il est recommandé d’expliquer aux parents les facteurs Une information sur la drépanocytose est à communiquer
favorisant les crises vaso-occlusives douloureuses : aux personnes impliquées dans l’éducation de ces enfants
z hypoxie : effort excessif et inhabituel, altitude (à par- et aux enseignants dès l’entrée en maternelle, avec
tir de 1500 m environ), vêtements trop serrés, etc. ; l’accord des familles et dans le respect du secret médical.
z refroidissement : bain en eau froide, etc. ; Un projet d’accueil individualisé (PAI) de l’enfant en
z fièvre ; milieu scolaire est à élaborer. Il précise les modalités de la
z déshydratation : vomissements, diarrhée, etc. ; vie quotidienne et les conditions d’intervention d’ordre
z stress ; médical au sein de l’école (voir « Scolarité et orientation
z prises d’excitants, d’alcool, de tabac ou de drogues professionnelle »).
illicites (plus chez l’adolescent que chez l’enfant).
Il est recommandé de leur rappeler la nécessité d’une
Aspects psychologiques, culturels, ethnologiques
hydratation abondante (« l’enfant doit garder les urines Le retentissement psychologique, individuel et familial, de
aussi claires que possibles »). la drépanocytose est à prendre en compte par l’ensemble
Il est recommandé de leur apprendre à être attentifs : des intervenants dans la prise en charge de l’enfant drépa-
z à l’apparition de fièvre ; nocytaire. Les réseaux de soins psychologiques et psychia-
z aux changements de comportement de leur enfant triques habituels (psychologues ou psychiatres des services
(irritabilité, pleurs incessants, perte d’appétit, etc.) de pédiatrie ou d’hématologie, services de pédopsychia-
qui peuvent révéler une crise vaso-occlusive débutante trie, intersecteurs de psychiatrie infanto-juvénile, etc.)
ou une autre complication, et à ne pas hésiter à con- sont à solliciter si besoin.
sulter dans ces cas-là.
Les aspects culturels doivent aussi être l’objet d’atten-
Il est recommandé d’éduquer les parents à la prise en tion, la drépanocytose atteignant, en France, le plus sou-
charge initiale d’une crise vaso-occlusive douloureuse (voir vent des migrants ou des enfants de migrants.
« Traitement antalgique à domicile »).
Dans certaines situations, il peut être indiqué d’avoir
Il est recommandé de leur apprendre à reconnaître les
recours à des interprètes, des médiateurs ou à des consul-
signes suivants qui imposent une consultation en urgence :
tations de psychiatrie transculturelle.
z une douleur qui ne cède pas au traitement antalgique
initial (voir « Traitement antalgique à domicile ») ; Le recours des parents aux tradipraticiens ne doit pas
compromettre la prise en charge recommandée.
z une fièvre supérieure à 38,5 °C (voir « Autre anti-
bioprophylaxie ») ; Aspects sociaux
z des vomissements ;
z des signes d’anémie aiguë, c’est-à-dire l’apparition Un contact avec l’assistante sociale du service de pédiatrie
brutale : spécialisé dans la prise en charge de la drépanocytose est à
{ d’une pâleur (conjonctives, paumes des mains et proposer aux parents dès le début du suivi. Il a pour but
plantes des pieds), d’évaluer les besoins sociaux de la famille.
{ d’une fatigue, Le syndrome drépanocytaire majeur est pris en charge
{ d’une altération de l’état général ; par l’Assurance maladie à 100 % dès le diagnostic posé.
Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent 75

Régime alimentaire, supplémentation d’éviter les vêtements serrés, de boire abondamment


nutritionnelle et hydratation et de bouger autant que possible ;
z en bus, en voiture ou en train, de prévoir des temps de
L’allaitement maternel est recommandé comme dans la repos et des boissons abondantes.
population générale. En l’absence d’allaitement maternel, En cas de voyage à l’étranger, il est recommandé de rap-
n’importe quel lait maternisé peut être proposé. peler aux parents la nécessité de consulter le médecin spé-
Les supplémentations en oligo-éléments sont à proposer cialisé dans la prise en charge de la drépanocytose au moins
selon le contexte clinique : trois mois avant leur départ pour la réalisation des vaccins
z une supplémentation quotidienne en acide folique nécessaires (voir « Calendrier vaccinal »).
(5 mg/j) est recommandée ; Un voyage d’une durée supérieure à un mois dans un pays
z une supplémentation quotidienne en zinc (10 mg de en voie de développement n’est pas recommandé.
zinc/élément) peut être proposée en période prépu- Il est proposé que le médecin spécialisé indique le nom
bertaire car elle aurait un bénéfice sur la croissance d’un homologue sur place, quand il existe. Quels que soient
staturopondérale (grade C) ; la durée et le lieu du séjour, il est recommandé de rappeler
z une supplémentation en fluor et en vitamine D est don- aux parents la nécessité d’emporter avec eux le carnet de
née, selon les recommandations pour la population santé de l’enfant.
pédiatrique générale, en prévention de la carie den- Aspects particuliers à l’adolescence
taire et du rachitisme ;
z une supplémentation martiale n’est pas recommandée Cette transition, pour être réussie, passe par une réappro-
en l’absence d’une carence avérée, du fait de la sur- priation de la maladie par l’adolescent :
charge en fer liée aux transfusions potentielles de z la consultation peut se dérouler en tête-à-tête ;

l’enfant drépanocytaire. z de nouvelles explications sur la maladie sont à fournir ;

Une hydratation abondante est nécessaire. Elle doit être z le rôle des facteurs déclenchant des crises vaso-occlu-

sans restriction et encouragée continuellement. Il est sives tels que les excitants, l’alcool, le tabac ou les
recommandé que les parents, puis l’enfant, soient informés drogues illicites doit être réexpliqué aux adolescents ;
que celui-ci doit boire jusqu’à « garder les urines aussi clai- z les thèmes de la sexualité, de la protection contre les

res que possible ». maladies sexuellement transmissibles, de la contra-


ception et du conseil génétique sont à aborder ;
Mode de vie z les filles doivent être informées des risques particuliers
liés à la grossesse chez une femme drépanocytaire (les
Mode de garde de l’enfant préscolaire modalités de la contraception pour une adolescente
Il n’y a pas d’arguments pour contre-indiquer la collectivité drépanocytaire sont les mêmes que pour toute adoles-
à un enfant drépanocytaire. Les parents sont encouragés à cente).
prévenir du diagnostic les personnes qui prennent en charge Les adolescents peuvent considérer leur médecin trai-
leur enfant mais sont aussi informés de leur droit au secret tant comme trop proche de leurs parents et peuvent être
médical. gênés dans leur liberté d’expression. Il peut être nécessaire
d’orienter ces patients vers des médecins habitués à la prise
Scolarité et orientation professionnelle
en charge des adolescents.
Il est recommandé de tenir compte de la fatigabilité liée à Une transition en service adulte nécessite d’être pro-
la drépanocytose et d’apprécier les difficultés scolaires, grammée en tenant compte des éléments clés suivants :
afin de mettre en place un soutien scolaire dès qu’il est z le moment : l’âge idéal n’est pas le même pour tous et
nécessaire. dépend à la fois de l’état de croissance staturopondé-
Il est recommandé que les adolescents drépanocytaires rale et pubertaire de l’adolescent et de son état de
bénéficient d’une orientation professionnelle qui leur per- santé. La transition ne doit pas être proposée tant que
mette d’éviter les efforts physiques excessifs et l’exposi- l’adolescent n’a pas complètement terminé sa crois-
tion au froid. sance et idéalement tant qu’il n’est pas dans une situa-
tion clinique stabilisée ;
Activités sportives et de loisir, voyages
z le degré d’autonomie : le transfert en service adulte
Les enfants en âge scolaire peuvent participer aux activités ne peut être efficace si l’adolescent n’a pas acquis une
sportives avec une autorisation de repos en cas de fatigue capacité à gérer sa maladie en dehors de ses parents et
et la possibilité de boire sans restriction. Les risques liés à de son équipe de soins. De ce fait, la préparation doit
l’endurance doivent être expliqués. débuter bien en amont du transfert ;
La pratique du sport de compétition, du sport en apnée z la coordination du procédé de transfert :
et de la plongée sous-marine est contre-indiquée. { une visite en centre adulte peut être organisée et
La baignade en eau froide est contre-indiquée. Elle est une double prise en charge pédiatrique/adulte tran-
autorisée dans une eau dont la température est supérieure sitoire instituée, au maximum pour quelques mois,
à 25 °C, à condition que l’enfant sorte du bain au moindre { une attention particulière est à apporter au transfert
signe de refroidissement et qu’il soit réchauffé dès sa sortie du dossier du patient, une synthèse des points impor-
du bain. tants peut être préférée au transfert de dossier
Il est recommandé pour les voyages : complet ;
z en avion pressurisé, de s’habiller chaudement pour z un service adulte ayant des compétences et un intérêt
éviter d’avoir froid à cause de l’air conditionné à bord, pour la maladie drépanocytaire ;
76 Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent

z la participation du médecin traitant : dans cette z contre l’hépatite A à partir d'un an pour les voyageurs
période « à risque », il peut être le seul élément de en zone d’endémie ;
continuité des soins, et son rôle est alors déterminant. z contre la typhoïde à partir de deux ans pour les voya-
geurs en zone d’endémie.
Aucun vaccin ne dispense de l’antibioprophylaxie.
Prévention des infections

Traitement des complications


Prophylaxie antibactérienne : prévention des
infections à pneumocoque
Signes cliniques imposant une consultation en
Une antibioprophylaxie antipneumococcique par pénicilline V
urgence
est recommandée chez l’enfant atteint de drépanocytose SS
(grade A) : Les signes cliniques qui peuvent révéler une complication
z à partir de l’âge de deux mois jusqu’à l’âge d’au moins nécessitant un traitement urgent sont les suivants :
cinq ans ; z une douleur qui ne cède pas au traitement antalgique
z à la posologie de 100 000 Ul/kg par jour jusqu’à 10 kg, initial (voir « Traitement antalgique à domicile ») ;
puis 500 000 Ul/kg par jour de 10 à 40 kg ; z une fièvre supérieure à 38,5 °C (voir « Conduite à tenir
z en deux prises. devant une fièvre isolée ») ;
Malgré l’absence de preuve dans la littérature, cette z des vomissements ;
recommandation est applicable chez l’enfant atteint de z des signes d’anémie aiguë, c’est-à-dire l’apparition
drépanocytose SC et Sβ thalassémique. brutale :
L’âge d’arrêt définitif n’est pas défini à ce jour. En cas { d’une pâleur (conjonctives, paumes des mains et
de fièvre après l’arrêt de l’antibioprophylaxie, il est recom- plantes des pieds),
mandé de prescrire un antibiotique bactéricide sur le pneu- { d’une fatigue,
mocoque. Les allergies vraies à la pénicilline sont excep- { d’une altération de l’état général ;
tionnelles. Dans ce cas, il est recommandé de discuter des z une augmentation brutale du volume de la rate ou du
modalités de l’antibioprophylaxie avec un infectiologue
volume de l’abdomen ;
pédiatre.
z un priapisme qui ne cède pas au traitement initial (voir
L’importance de cette antibioprophylaxie pour la maî-
« Priapisme »).
trise du risque infectieux doit être soulignée à chaque
Il est recommandé d’être particulièrement vigilant aux
consultation ou visite médicale afin de diminuer la non-
signes d’anémie aiguë ou à l’augmentation du volume de la
compliance progressive au traitement.
rate ou de l’abdomen car ils peuvent révéler une séquestra-
Autre antibioprophylaxie tion splénique aiguë qui est une urgence vitale (voir para-
graphe « Séquestration splénique aiguë »).
Une antibioprophylaxie identique à celle utilisée en préven-
tion de l’endocardite infectieuse est recommandée en cas Crise douloureuse vaso-occlusive
de soins dentaires particuliers : soins endodontiques (trai-
Traitement antalgique à domicile
tement des dents à pulpe vitale, traitement des dents à
Des boissons plus abondantes qu’à l’habitude sont recom-
pulpe non vitale y compris la reprise de traitement cana-
mandées dès la survenue d’une crise douloureuse. Une
laire), soins prothétiques à risque de saignement et tous les
actes chirurgicaux. bouillotte sur la zone douloureuse peut être utile. L’appli-
cation de froid est contre-indiquée. Il est recommandé :
Calendrier vaccinal z une première prise de paracétamol par voie orale
(30 mg/kg ou 1 g chez l’adolescent de plus de 12 ans).
Il est recommandé, chez les enfants drépanocytaires, la Si cette première prise est efficace, elle est à renouve-
protection vaccinale prévue selon le calendrier vaccinal ler toutes les six heures à la dose de 15 mg/kg ou de
(remis à jour chaque année) contre la diphtérie, le tétanos, 500 mg chez l’adolescent de plus de 12 ans ;
la poliomyélite, la coqueluche, les infections à Haemophi- z en cas de persistance de la douleur, après 30 à
lus influenzae de type B, la rubéole, les oreillons, la rou- 45 minutes, l’ibuprofène (10 mg/kg par dose) ou un
geole, la tuberculose et l’hépatite B. autre anti-inflammatoire non stéroïdien (en fonction
De plus, il est recommandé les vaccinations suivantes : de l’âge de l’enfant et des habitudes du prescripteur)
z antipneumococcique (vaccin conjugué heptavalent par voie orale peut être associé au paracétamol. Si
chez les enfants de moins de deux ans, vaccin polyosi- cette première prise est efficace, elle est à renouveler
dique 23 valent chez les enfants de plus de deux ans toutes les six à huit heures, selon la molécule et la
avec un rappel tous les trois à cinq ans) (grade B) ; forme galénique utilisée, tout en poursuivant le
z antigrippale annuelle en période hivernale, à partir de paracétamol ;
six mois ; z en cas de persistance de la douleur, après 30 à
z antiméningococcique, à partir de deux mois (vaccin 45 minutes, ou en cas de douleurs intenses d’emblée,
méningococcique C conjugué entre deux mois et deux la codéine par voie orale (0,5 à 1 mg/kg par dose
ans, au-delà, vaccin polysaccharidique tétravalent A, jusqu’à 30 mg) peut être associée au paracétamol et
C, Y, W135 ou vaccin méningococcique polyosidique éventuellement à l’ibuprofène. Si cette première prise
A + C) ; est efficace, elle est à renouveler toutes les six heures.
Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent 77

En cas de douleurs abdominales : ou 0,2 à 0,3 mg/kg en intraveineuse lente) en surveillant le


z l’ibuprofène est à éviter ; degré de sédation et la fréquence respiratoire dont la limite
z le phloroglucinol en lyophilisat oral ou le tiémonium inférieure de la normale dépend de l’âge de l’enfant (dix
sont recommandés. chez l’enfant de plus de cinq ans, 15 entre un et cinq ans,
Si l’enfant ou l’adolescent est insuffisamment soulagé ou 20 chez l’enfant de moins d'un an).
si sa douleur est intense d’emblée, une consultation aux L’efficacité de cette première étape est à évaluer au
urgences à l’hôpital est recommandée, après un contact si bout de 30 à 60 minutes :
possible avec le médecin spécialisé dans la prise en charge z si la douleur cède (par exemple, EVA ou échelle des
de la drépanocytose ou un membre de son équipe. Une visages ≤ 4/10), la nalbuphine est poursuivie par voie
application de crème associant lidocaïne–prilocaïne sur les intraveineuse soit discontinue (0,2 à 0,3 mg/kg toutes
deux meilleures veines est recommandée. les quatre heures) soit continue (1,5 mg/kg par
24 heures) ;
Évaluation et conduite à tenir lors de l’admission à
z si la douleur ne cède pas (par exemple, EVA ou échelle
l’hôpital
des visages > 4 ou 5/10), le traitement par nalbuphine
Il est recommandé :
est arrêté et un traitement par morphine est débuté.
z de prévoir un circuit d’admission rapide, évitant
En cas de douleurs intenses d’emblée, la nalbuphine est
l’attente aux urgences, et de considérer le malade
remplacée par la morphine dès cette première étape.
comme prioritaire ;
z d’évaluer la douleur dès l’admission par une échelle
Pour la poursuite du traitement antalgique, il est pro-
visuelle analogique ou l’échelle des visages ou toute posé d’associer à la nalbuphine ou à la morphine :
z du paracétamol, 15 mg/kg par prise, sans dépasser
autre échelle d’hétéro-évaluation adaptée à l’enfant ;
z de penser aux difficultés d’abord veineux et de prévoir
60 mg/kg par jour par voie injectable ou par voie orale ;
des mesures spécifiques (crème associant lidocaïne– z un anti-inflammatoire non stéroïdien soit injectable

prilocaïne, mélange équimoléculaire d'oxygène et de (kétoprofène en intraveineuse lente, 1 mg/kg, toutes les
protoxyde d'azote, MEOPA) ; huit heures) soit par voie orale (ibuprofène, 10 mg/kg
z de réchauffer l’enfant, de l’installer confortablement,
toutes les six à huit heures, en fonction de la forme galé-
de le réhydrater (voir « Mesures associées ») et de lui nique ou autre anti-inflammatoire non stéroïdien).
assurer un soutien par une présence réconfortante ; Deux options sont proposées pour l’administration de
z d’administrer le traitement antalgique dans les morphine : soit la morphine par voie orale, en l’absence de
30 minutes suivant l’admission, en tenant compte des vomissement, soit la morphine par voie intraveineuse.
médicaments déjà pris à domicile ; le soulagement Un traitement par morphine impose, particulièrement
devant être obtenu après 60 minutes ; en cas d’utilisation de la morphine par voie intraveineuse :
z de surveiller toutes les 20 minutes l’intensité de la z une surveillance clinique constante par une équipe
douleur, la fréquence respiratoire et le degré de séda- entraînée à son maniement ;
tion jusqu’à ce que le traitement antalgique soit z la disponibilité immédiate d’une mesure de la satura-
efficace ; tion artérielle en oxygène (saturomètre) et de
z de rechercher et de traiter le facteur déclenchant de naloxone ;
la douleur. z une réévaluation toutes les 20 à 30 minutes :
{ de la douleur,
Examens complémentaires
{ du degré de sédation,
Les examens complémentaires recommandés sont :
{ de la fréquence respiratoire ;
z un hémogramme ;
z une numération des réticulocytes ;
compte tenu des risques d’hypoventilation en cas de sur-
z une recherche d’agglutinines irrégulières ;
dosage.
z un ionogramme sanguin avec urée et créatinine ; L’association de morphine à d’autres antidépresseurs du
z un dosage de C-reactive protein (CRP). système respiratoire (benzodiazépines) est contre-indiquée.
D’autres examens peuvent être indiqués en fonction du Pour l’utilisation de la morphine par voie orale, il est
contexte clinique (radiographie de thorax, gaz du sang, recommandé :
bilan hépatique, hémoculture, examen cytobactériologique z une dose de charge de 0,4 à 0,5 mg/kg sans dépasser

des urines, échographie abdominale, sérologie érythrovirus 20 mg de morphine à libération immédiate (comprimés
[parvovirus] B19, examen tomodensitométrique cérébral ou ou sirop) ;
IRM cérébrale). z un dosage de 0,2 ou 0,4 mg/kg de morphine à libération
Les examens d’imagerie ostéo-articulaire ne sont pas immédiate toutes les 30 minutes jusqu’au soulagement
indiqués en première intention, sauf en cas d’antécédents de la douleur, sauf en cas de sédation excessive ;
de traumatisme ou de signes locaux persistants. z puis un relais par morphine à libération prolongée, 2 à
Il est recommandé que la réalisation des examens com- 5 mg/kg par 24 heures, avec des interdoses de 0,2 à
plémentaires ne retarde pas la mise en route du traitement 0,3 mg/kg de morphine à libération immédiate toutes
antalgique. les deux à quatre heures si l’enfant n’est pas soulagé.
Traitement antalgique à l’hôpital Pour l’utilisation de la morphine par voie intraveineuse,
Pour la première étape du traitement antalgique à l’hôpi- il est recommandé :
tal, il est proposé l’inhalation de MEOPA dès l’arrivée, asso- z une dose de charge de 0,1 mg/kg en intraveineuse
ciée à la nalbuphine (0,4 à 0,5 mg/kg par voie intrarectale lente (30 secondes minimum) sans dépasser 5 mg ;
78 Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent

z un dosage : 0,025 mg/kg en intraveineuse lente, tou- Les modalités du traitement antalgique à l’hôpital sont
tes les cinq minutes jusqu’au soulagement de la dou- résumées en Annexe 1.
leur, sauf en cas de sédation excessive ;
z puis un relais : Cas particuliers
{ soit par voie intraveineuse continue (1 mg/kg par En cas de douleurs osseuses intenses, il est recommandé
24 heures, posologie moyenne à réévaluer régu- d’emblée l’association paracétamol, anti-inflammatoires
lièrement), non stéroïdiens et morphiniques.
{ soit par PCA (Patient Controlled Analgesia) : bolus En cas de douleurs abdominales qui peuvent entraîner un
de 0,03 à 0,05 mg/kg avec un intervalle minimal de iléus réflexe :
sept minutes, avec un débit de base à discuter z l’indication des morphiniques est à discuter et le débit

d’environ 0,02 mg/kg par heure, ou en l’absence de continu n’est pas recommandé ;
débit de base, bolus d’au moins 0,04 mg/kg. z les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont à utiliser
avec prudence ;
En cas d’absence de soulagement sous morphine, il est
z le phloroglucinol en lyophilisat oral ou le tiémonium
proposé :
sont recommandés.
z l’inhalation de MEOPA 20 à 30 minutes, qui soulage
temporairement, sans dépasser trois inhalations par Une atteinte neurologique aiguë évolutive contre-
jour, associée éventuellement à de petites doses de indique l’usage de la morphine.
kétamine ; En cas de douleurs abdominales ou de diarrhées chez un
z une analgésie locorégionale ;
enfant sous traitement chélateur du fer, il est recom-
mandé de suspecter une infection à Yersinia enterolitica
z plus rarement, le recours à une transfusion (ou à un
et de demander en urgence l’avis d’un infectiologue
échange transfusionnel en cas de taux d’hémoglobine
pédiatre.
supérieur à 9 g/dL) (voir « Transfusion sanguine »).
La nécessité de recourir à de fortes doses de morphine Mesures associées
(> 1,5 mg/kg par jour) nécessite de réévaluer la cause de la
Un échange transfusionnel (ou une transfusion en cas
douleur et de prendre un avis auprès du service spécialisé
d’anémie mal tolérée) est rarement indiqué. Il est à discu-
dans la prise en charge de la drépanocytose.
ter si la douleur est mal soulagée par la morphine (voir
Une fois la douleur contrôlée, il est recommandé d’éva- « Transfusion sanguine »).
luer dans les jours qui suivent :
Une hyperhydratation est recommandée à raison de
z toutes les deux heures : la douleur, le degré de séda-
2,5 l/m2 par 24 heures sans dépasser 3 l/24 h. Si l’enfant
tion, la fréquence respiratoire et la saturation arté- est incapable de boire suffisamment, une hydratation par
rielle en oxygène ; voie veineuse ou nasogastrique est recommandée, à la
z toutes les quatre heures : la température et la fré-
même quantité. Le capital veineux est à préserver à chaque
quence cardiaque. étape de la prise en charge. La mise en place d’une voie
Les effets indésirables de la morphine sont traités et pré- d’abord centrale doit être évitée et réservée aux situations
venus par : où le pronostic vital est en jeu.
z l’administration systématique de laxatifs ; L’oxygénation n’est pas systématiquement recomman-
z l’utilisation, en cas de prurit, de rétention d’urine, de dée dans la crise douloureuse vaso-occlusive. Elle peut être
nausées ou de vomissements, de nalbuphine (0,05 à proposée en cas de désaturation pour maintenir une satura-
0,1 mg/kg en intraveineuse lente), ou de naloxone : tion artérielle en oxygène supérieure ou égale à 95 %.
{ par voie intraveineuse continue sur 24 heures à la La spirométrie incitative, pratiquée toutes les deux heu-
dose de 0,5 à 1 µg/kg par heure, res, peut être recommandée dans les douleurs thoraco-
{ soit en injection unique à la dose de 1 µg/kg en abdominales. La kinésithérapie pourrait jouer un rôle béné-
bolus, par exemple en cas de rétention d’urine, à fique en cas d’infection respiratoire en permettant une
renouveler si besoin toutes les cinq minutes jusqu’à mobilisation dès la sédation de la douleur obtenue.
miction ; L’antibioprophylaxie quotidienne doit être poursuivie.
z la spirométrie incitative pour éviter l’hypoventilation Une antibiothérapie à large spectre est à débuter sur cer-
alvéolaire qui peut favoriser l’apparition d’un syn- tains critères (voir « Crise douloureuse vaso-occlusive »).
drome thoracique aigu. L’hydroxyurée n’est pas recommandée dans le traite-
En cas de surdosage morphinique (enfant difficile à ment en urgence de la crise douloureuse vaso-occlusive. Le
réveiller, bradypnée), il est recommandé : rôle de la méthylprednisolone n’est pas prouvé.
z d’arrêter temporairement la morphine et de reprendre
à posologie moindre selon l’évolution de la douleur ; Complications aiguës
z de stimuler l’enfant ; Toute crise douloureuse vaso-occlusive peut précéder ou
z si l’enfant ne se réveille pas à la stimulation, de l’oxy- être révélatrice des complications suivantes qui sont à
géner et de recourir à la naloxone, 2 à 4 µg/kg en intra- rechercher systématiquement :
veineuse lente à renouveler si besoin jusqu’au réveil. z syndrome thoracique aigu, avant tout (voir
Il est recommandé d’expliquer à l’enfant et à sa famille « Syndrome thoracique aigu ») ;
le rôle et les modalités d’utilisation des antalgiques et, en z anémie sévère, dont la séquestration splénique aiguë

particulier, de la morphine, compte tenu des représenta- (voir « Anémie aiguë ») ;


tions qu’elle suscite. z déshydratation ;
Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent 79

z complication neurologique (infarctus ou hémorragie { radiographie de thorax ou saturation artérielle en


cérébrale, accident ischémique transitoire, convulsions) oxygène anormale,
(voir « Accident vasculaire cérébral ») ; { hyperleucocytose > 30 000/µL ou leucopénie
z cholécystite ; < 5 000/µL,
z priapisme (voir « Priapisme »). { thrombopénie < 150 000/µL,
{ anémie avec un taux plasmatique d’hémo-
Prise en charge de la douleur à distance de la crise globine < 6 g/dL.
douloureuse
Une prise en charge de type cognitivo-comportemental peut Les enfants susceptibles d’être traités en ambulatoire
être proposée pour aider l’enfant à mieux gérer sa douleur sont :
en cas de récidive de crise douloureuse, car elle a montré z ceux de plus de trois ans avec fièvre inférieure à

son efficacité (grade B). 39,5 °C, sans altération de l’état général ou de la cons-
cience et sans intolérance digestive ;
Infection z sans antécédent de septicémie, sans anomalie à la
radiographie de thorax ou à la mesure de la saturation
Principes généraux artérielle en oxygène ;
Devant une suspicion d’infection, il est recommandé de z avec des taux de polynucléaires neutrophiles, d’hémo-
débuter un traitement antibiotique de manière empirique globine et de plaquettes proches des taux habituels.
sans attendre les résultats des cultures bactériologiques.
L’antibiothérapie probabiliste doit être : Ils pourront être traités et surveillés en ambulatoire à
z bactéricide et adaptée au site infectieux suspecté ou condition :
identifié (choisir un antibiotique avec un passage z qu’un site infectieux ait été identifié ;

méningé efficace, à la moindre suspicion de méningite z que les parents soient éduqués et fiables, qu’ils fassent
ou en l’absence de site infectieux identifié) ; preuve d’une bonne compliance vis-à-vis de l’antibio-
z active sur les pneumocoques de sensibilité diminuée prophylaxie par la pénicilline V, et qu’ils puissent avoir
compte tenu du risque élevé d’infection fulminante à un accès facile aux urgences ;
pneumocoque chez l’enfant drépanocytaire ; z qu’une réévaluation de l’état de l’enfant puisse être

z large pour être également efficace sur H. influenzae faite au cours des 24 heures suivantes ;
de type B et les salmonelles. z que l’antibiotique prescrit :

Pour l’enfant drépanocytaire, les modalités du traite- { soit bactéricide et actif sur les pneumocoques de
ment antibiotique (posologie, durée) sont les mêmes que sensibilité diminuée à la pénicilline et soit bien
pour la population pédiatrique générale. absorbé par voie orale (l’amoxicilline ou l’associa-
tion amoxicilline–acide clavulanique peuvent donc
Conduite à tenir devant une fièvre isolée être recommandées),
Toute fièvre supérieure à 38,5 °C chez un enfant drépano- { soit adapté au site infectieux identifié et à l’âge de
cytaire impose une consultation médicale urgente et la réa- l’enfant,
lisation des examens complémentaires suivants : { ait été bien supporté lors d’une première prise à
z un hémogramme ; l’hôpital.
z une numération des réticulocytes ;
z un dosage de CRP ; Cas particuliers de la douleur osseuse fébrile (voir
z une radiographie de thorax ou un examen des gaz du « Complications osseuses et artéroarticulaires »)
sang ;
Syndrome thoracique aigu
z une hémoculture, une bandelette urinaire avec, en cas
de positivité, un examen cytobactériologique des urines. Le syndrome thoracique aigu associe, de façon variable :
Une ponction lombaire est indiquée chez les enfants se z les signes cliniques suivants : signes respiratoires
présentant avec une altération de l’état général ou un (tachypnée, anomalies à l’auscultation pulmonaire,
tableau clinique de méningite. hypoxie), fièvre, douleur thoraco-abdominale ;
Une hospitalisation s’impose pour un traitement en z un foyer pulmonaire de novo à la radiographie de
urgence par céfotaxime ou ceftriaxone par voie parentérale : thorax.
z pour tout enfant de moins de trois ans avec une fièvre Il peut être isolé ou secondaire à une crise vaso-occlusive.
supérieure à 38,5 °C ;
z pour tout enfant, quel que soit son âge, se présentant Traitement en urgence
avec une altération de l’état général ou de la cons- Le traitement recommandé comprend :
cience, ou une fièvre supérieure à 39,5 °C. Dans ce z une transfusion simple (ou un échange transfusionnel
cas, l’administration de céfotaxime ou de ceftriaxone en cas de taux plasmatique d’hémoglobine > 9 g/dL ou
est recommandée avant la réalisation des examens de défaillance viscérale). La transfusion doit être
complémentaires, s’ils risquent de retarder le lente, par exemple 2 à 3 mL/kg par heure ;
traitement ; z un traitement antalgique (voir « Traitement antalgi-
z pour tout enfant, quel que soit son âge, ayant une tem- que à l’hôpital ») ;
pérature inférieure à 39,5 °C sans altération de l’état z une hydratation, en tenant compte des besoins de
général mais avec un antécédent de septicémie ou pré- l’enfant et des risques de surcharge pulmonaire (soit
sentant l’une des anomalies suivantes : 1,5 à 2 L/m2 par 24 heures sans dépasser 3 L/24 h) ;
80 Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent

z une antibiothérapie à large spectre active sur les ger- Érythroblastopénie aiguë transitoire liée à l’infec-
mes intracellulaires et le pneumocoque (macrolides et tion à érythrovirus (parvovirus) B19
céfotaxime ou ceftriaxone) ; L’infection à érythrovirus B19 entraîne une réticulopénie
z une oxygénothérapie pour maintenir une saturation (réticulocytes < 100 000 µL).
artérielle en oxygène > 95 % ; La transfusion sanguine est indiquée dans la majorité des
z une spirométrie incitative. cas (voir « Transfusion sanguine »). Le volume transfusé
Le recours aux β2-mimétiques est à évaluer au cas par cas. doit tenir compte de la durée de l’infection (sept à dix
En cas d’échec du traitement et d’aggravation de jours). La très forte contagiosité de l’infection à érythrovi-
l’hypoxémie, une prise en charge en unité de soins intensifs rus B19 impose une surveillance de l’entourage de l’enfant
est recommandée pour une assistance cardiorespiratoire infecté (patients drépanocytaires séronégatifs pour
adaptée. l’érythrovirus B19) pendant une quinzaine de jours.

Prévention des récidives Complications osseuses et ostéo-articulaires


La recherche de facteurs favorisants tels qu’une hypoxie
nocturne, une obstruction chronique des voies aériennes Crises vaso-occlusives
supérieures, une affection bronchopulmonaire associée est Le syndrome pied–main ou dactylite, qui survient chez le
recommandée. nourrisson et le jeune enfant, se présente comme un
Au-delà de deux épisodes de syndrome thoracique aigu, œdème douloureux du dos des mains ou des pieds qui
l’hydroxyurée ou un programme transfusionnel peuvent s’étend aux doigts ou aux orteils. Il n’est pas recommandé
être proposés, au cas par cas. L’indication est posée par un d’examens complémentaires en première intention. Le
service spécialisé dans la prise en charge de la drépanocy- traitement est symptomatique, fondé sur une hydratation
tose. et un traitement antalgique (voir « Crise douloureuse
vaso-occlusive »).
Anémie aiguë Il est recommandé de rassurer les parents et l’enfant car
L’anémie aiguë chez l’enfant drépanocytaire est due le plus l’évolution est le plus souvent spontanément favorable en
souvent à : une à deux semaines, sans séquelles. Une infection est à
z la séquestration splénique aiguë ; rechercher en cas d’évolution défavorable.
z l’érythroblastopénie aiguë transitoire liée à l’infection Une crise vaso-occlusive osseuse est à évoquer devant
à érythrovirus (parvovirus) B19. une douleur osseuse aiguë, parfois accompagnée de fièvre
modérée. Le diagnostic différentiel avec une ostéomyélite
Séquestration splénique aiguë peut être difficile.
C’est une urgence absolue car elle met en jeu le pronostic Il n’est pas recommandé de pratiquer des examens
vital. Il est donc recommandé que les parents d’un enfant d’imagerie en première intention. Le traitement est celui
drépanocytaire soient entraînés : de la crise vaso-occlusive.
z à faire le diagnostic d’une anémie aiguë chez leur
enfant (pâleur, fatigue et altération de l’état général Infection osseuse hématogène
apparues brutalement) ; L’ostéomyélite est à suspecter devant une douleur osseuse,
z à savoir détecter, devant des signes d’anémie aiguë, fixe et durable malgré le traitement antalgique, chez un
une augmentation brutale du volume de la rate (s’ils enfant fébrile.
souhaitent apprendre à palper la rate de leur enfant) En cas de suspicion d’ostéomyélite ou d’arthrite
ou une augmentation brutale du volume de septique :
l’abdomen ; z des hémocultures et des hémogrammes répétés sont
z et à consulter en urgence dès la survenue de ces signes recommandés ;
(grade C). z l’échographie osseuse ou articulaire est à discuter au
Une séquestration splénique aiguë impose la réalisation cas par cas en milieu orthopédique ;
d’une transfusion sanguine pour corriger l’anémie et l’hypo- z l’aspiration osseuse est proposée uniquement en cas
volémie. L’urgence à transfuser peut justifier une transfusion d’abcès sous-périosté, ses indications sont à discuter
en sang O négatif. Le volume transfusé doit viser à restaurer en milieu orthopédique ;
un taux plasmatique final d’hémoglobine ≤ 11 g/dL (ou un z la ponction articulaire est systématiquement recom-
hématocrite ≤ 36 %), en tenant compte du risque de relar- mandée devant un épanchement articulaire initiale-
gage dans la circulation générale des hématies séquestrées. ment fébrile.
Après la survenue d’un épisode de séquestration spléni- Le traitement recommandé associe :
que aiguë, une surveillance médicale accrue est à prévoir, z une immobilisation ;
pour prévenir les récidives. z des antalgiques ;
Après le deuxième épisode, un programme transfusion- z une antibiothérapie par voie intraveineuse, d’abord
nel est à discuter (transfusions simples mensuelles), jusqu’à probabiliste puis fondée sur les résultats des prélève-
l’âge minimal à partir duquel la splénectomie peut être dis- ments (hémocultures, aspiration osseuse ou ponction
cutée (deux ans pour certaines équipes1). articulaire). En l’absence de germes, l’association
céfotaxime ou ceftriaxone et fosfomycine est recom-
1
Toute anesthésie générale prolongée nécessite une prépara- mandée pour être efficace sur les principaux germes
tion transfusionnelle, à discuter avec le médecin spécialiste habituellement en cause (salmonelles, pneumocoque,
de la drépanocytose. Staphylococcus aureus).
Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent 81

Ostéonécrose de la tête fémorale ou de la tête À distance de l’épisode aigu, un programme transfusion-


humérale nel est recommandé.
Elle est évoquée devant des douleurs subaiguës ou chroni-
Priapisme
ques de la hanche ou de l’épaule, sans fièvre. La radiologie
ou l’IRM permet de confirmer le diagnostic. Chez l’enfant, Il est recommandé que les parents de garçons, puis l’enfant
il est recommandé un traitement conservateur associant lui-même soient :
antalgiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens. Une z prévenus de son éventuelle survenue dès l’enfance ;
mise en décharge et les autres modalités de traitement pos- z informés de la nécessité d’une hospitalisation si le
sibles sont à discuter en milieu orthopédique. priapisme ne cède pas, d’autant plus que le début est
souvent nocturne ;
Accident vasculaire cérébral
z éduqués à éviter les facteurs déclenchants (manque de

Prévention de la survenue de l’accident vasculaire sommeil, coucher tardif, infection, traumatisme, prise
cérébral ischémique d’alcool, de drogues illicites, de testostérone ou de
Il est recommandé d’évaluer annuellement le risque d’acci- psychotropes).
dent vasculaire cérébral grâce à l’échographie doppler Traitement initial
transcrânienne à partir de l’âge de 12 à 18 mois. En cas de Il est recommandé que l’enfant :
vitesse moyenne du flux sanguin cérébral > 200 cm/s con-
z boive abondamment ;
firmée lors d’un deuxième examen, une prévention de
z prenne des antalgiques (paracétamol par voie orale,
l’accident vasculaire cérébral par programme transfu-
voir « Traitement antalgique à domicile ») ;
sionnel (voir « Transfusion sanguine ») est recommandée
z tente d’uriner.
(grade B).
Si le priapisme ne cède pas, une hospitalisation en
Une greffe de moelle osseuse peut être proposée en cas
urgence est recommandée.
de donneur HLA compatible dans la fratrie. L’indication est
posée par un service spécialisé dans la prise en charge de la Évaluation et conduite à tenir lors de l’admission à
drépanocytose. l’hôpital
Traitement de l’accident vasculaire cérébral isché- Dès l’admission, il est recommandé :
z un traitement antalgique (inhalation de MEOPA puis
mique constitué
relais éventuel par d’autres antalgiques, voir
En cas de suspicion d’accident vasculaire cérébral, il est
« Traitement antalgique à l’hôpital ») ;
recommandé de pratiquer en urgence un examen tomoden-
z une mise en confiance de l’enfant pour débuter le trai-
sitométrique cérébral sans injection ou une IRM cérébrale
pour éliminer une origine hémorragique ou une étiologie non tement spécialisé en milieu chirurgical pédiatrique.
ischémique. Une cause infectieuse, traumatique (hématome Il est impératif de préciser l’heure de début de l’épisode
sous-dural) ou toxique est toujours à évoquer, particulière- ainsi que les éventuels facteurs déclenchants.
ment s’il n’y a pas de signes focaux en premier plan. Les examens complémentaires recommandés sont ceux
Un échange transfusionnel associé au traitement symp- prescrits devant une crise vaso-occlusive (voir « Examens
tomatique est recommandé en urgence pour diminuer le complémentaires »). Leur réalisation ne doit pas retarder la
taux d’hémoglobine S à moins de 30 %. mise en route d’un traitement spécialisé.

Prévention de la récidive de l’accident vasculaire cé- Traitement spécialisé


rébral ischémique C’est une urgence absolue. Ses modalités dépendent de la
durée du priapisme :
Il est recommandé de prévenir la récidive de l’accident vas-
z si le priapisme dure depuis moins de trois heures, une
culaire cérébral par un programme transfusionnel (échan-
injection isolée d’un alpha-agoniste de type étiléfrine
ges transfusionnels mensuels).
(10 mg), sur le bord latéral du corps caverneux, est
Une greffe de moelle osseuse peut être proposée en cas
recommandée, en surveillant la tension artérielle pen-
de donneur HLA compatible dans la fratrie. L’indication est
dant 20 minutes ; la détumescence est obtenue après
posée par un service spécialisé dans la prise en charge de la
une latence moyenne de cinq minutes ;
drépanocytose.
z si le priapisme dure depuis plus de trois heures ou si

Accident ischémique transitoire (AIT) l’injection seule est inefficace, il est recommandé un
En cas d’accident ischémique transitoire avéré ou forte- drainage sans lavage sous anesthésie locale, jusqu’à
ment suspecté, si l’imagerie révèle une vasculopathie céré- obtention de sang rouge associé, après un garrot à la
brale significative (vitesse moyenne du flux sanguin racine de la verge, à une injection intracaverneuse
cérébral > 200 cm/s à l’échographie doppler transcrâ- d’étiléfrine (10 mg) ; si la détumescence n’est pas
nienne), un programme transfusionnel est recommandé. obtenue au bout de 20 minutes, une seconde injection
peut être faite.
Hémorragies intracérébrales En cas de détumescence partielle ou de récidive du
Une suspicion d’hémorragie intracérébrale impose une éva- priapisme dans les heures ou les jours qui suivent, il peut
luation en milieu neurochirurgical. être proposé des injections intracaverneuses d’étiléfrine (3
Outre le traitement neurochirurgical, il est recommandé ou 4 par jour), voire une perfusion intracaverneuse continue
une hydratation et un échange transfusionnel ou une trans- à faible débit et faible volume (inférieur à 20 mL/24 h) sans
fusion (voir « Transfusion sanguine »). dépasser 1 mg/kg par jour.
82 Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent

Un échange transfusionnel peut être proposé, surtout en Dans le cas de maladie rétinienne non proliférative, les
cas d’échec du drainage. indications de traitement sont plus variables du fait du taux
élevé de régressions spontanées et de l’absence de progres-
Traitement et prévention des récidives du priapisme sion dans certains cas.
En cas de récidive du priapisme, malgré un drainage des En cas d’hémorragie vitréenne persistante ou de décol-
corps caverneux et des injections intracaverneuses d’étilé- lement de rétine, une intervention chirurgicale est à discu-
frine répétées, une anastomose chirurgicale est à discuter ter. Cette chirurgie est à haut risque de complications
en milieu urologique. périopératoires. Pour minimiser ces risques, il est
Un traitement préventif par étiléfrine par voie orale est recommandé de pratiquer un échange transfusionnel pré-
recommandé (0,5 mg/kg par jour). Il est à poursuivre au opératoire.
moins un mois et peut être arrêté en l’absence de récidive.
En cas de récidives fréquentes, le recours à un pro- Ulcères de jambe
gramme transfusionnel est controversé et sera discuté dans
Il n’existe pas de recommandations spécifiques pour la prise
un service spécialisé dans la prise en charge de la drépano-
en charge d’un ulcère de jambe chez l’enfant drépanocy-
cytose.
taire. Il est proposé :
Traitement des priapismes intermittents z le repos au lit et la surélévation du membre atteint ;

À partir de deux accès de priapisme intermittents par mois, z l’application de pansements humidifiés par du sérum
un traitement par étiléfrine orale ou plus rarement par physiologique, appliqués deux ou trois fois par jour
injections intracaverneuses est à discuter après avis spécia- (aucun pansement spécifique à la drépanocytose ne
lisé. peut être recommandé) ;
z l’application d’antiseptiques locaux (les antibiotiques
Complications hépato-biliaires locaux ne sont pas recommandés) ;
Lithiase biliaire et boue biliaire (biliary sludge) z un traitement antibiotique par voie générale, adapté

La présence de boue biliaire doit conduire à une sur- au germe retrouvé en cas de surinfection aiguë.
veillance échographique semestrielle.
Complications rénales
Une cholécystectomie par voie laparoscopique est pro-
posée en cas de lithiase biliaire, même asymptomatique, a Hyposthénurie, énurésie
fortiori si l’enfant ou l’adolescent a déjà présenté une com- La diminution du pouvoir de concentration maximale des
plication de migration calculeuse dans la voie biliaire prin- urines (hyposthénurie) est constante chez l’enfant drépano-
cipale (cholécystite, pancréatite). Toute anesthésie géné- cytaire. Elle est responsable :
rale prolongée nécessite une préparation transfusionnelle, z d’un risque de déshydratation, à prévenir par des bois-
à discuter avec le médecin spécialiste de la drépanocytose. sons abondantes jusqu’à obtention « d’urines aussi
Hépatites virales et auto-immunes claires que possible » ;
z d’une énurésie, souvent prolongée jusqu’à l’adoles-
Il n’existe pas de recommandations spécifiques pour la prise
en charge d’une hépatite virale ou auto-immune chez cence, pour laquelle il n’existe pas de modalités de
l’enfant drépanocytaire. En cas de difficultés, un avis hépato- traitement spécifique à la drépanocytose, en dehors du
logique est recommandé. En cas d’augmentation persis- fait que la desmopressine est inefficace et la restric-
tante des transaminases, les indications de la ponction– tion hydrique contre-indiquée.
biopsie hépatique, les indications et les modalités du trai-
Hématurie
tement d’une hépatite chronique sont à discuter avec les
hépatologues. Les risques de complications de la ponction– En cas d’hématurie macroscopique, il est recommandé de
biopsie hépatique sont accrus chez l’enfant drépanocytaire. réaliser un bilan comportant une échographie rénale avec
doppler. Le traitement recommandé associe repos au lit et
Crise vaso-occlusive hépatique maintien d’un débit urinaire élevé. Les étiologies possibles
Il est recommandé de traiter la crise vaso-occlusive hépati- sont :
que par échange transfusionnel. z une nécrose papillaire ;

z une lithiase du rein ou des voies urinaires ;


Complications ophtalmologiques
z exceptionnellement, un carcinome médullaire rénal.

Une consultation ophtalmologique immédiate est recom-


Insuffisance rénale aiguë
mandée en cas de survenue de :
z douleur oculaire ;
Un transfert en réanimation ainsi qu’un échange transfu-
sionnel ou une transfusion sont recommandés (voir
z perception de taches noires ;
« Transfusion sanguine »).
z chute brutale de l’acuité visuelle ;

z traumatisme oculaire ou périoculaire. Insuffisance rénale chronique


Un bilan annuel avec un ophtalmologiste expert en Il est recommandé de rechercher une fois par an une
pathologie rétinienne est recommandé dès l’âge de six ans microalbuminurie (voir « Rythme de surveillance
pour les patients SC et dix ans pour les patients SS. paraclinique »). En cas de protéinurie persistante, une con-
En cas de rétinopathie proliférative, la photocoagulation sultation néphrologique est recommandée pour discuter de
au laser est proposée. l’indication d’une ponction–biopsie rénale.
Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent 83

Complications cardiaques séquestration splénique, après le deuxième épisode jusqu’à


l’âge minimal à partir duquel la splénectomie peut être dis-
Compte tenu de la prévalence de la douleur thoracique, cutée (deux ans pour certaines équipes).
plus chez l’adolescent que chez l’enfant drépanocytaire, il
Les objectifs post-transfusionnels sont, outre le taux
est recommandé :
d’HbS souhaité, le maintien d’un taux d’hémoglobine
z de réaliser un électrocardiogramme en cas de douleur
plasmatique < 11 g/dL ou d’un hématocrite < 36 % pour évi-
thoracique gauche inexpliquée ;
ter une situation d’hyperviscosité sanguine qui pourraient
z de faire pratiquer une échographie cardiaque lors
être source de complications.
du bilan annuel (voir « Rythme et surveillance
Il est recommandé une surveillance des sérologies VIH et
paraclinique ») à partir de l’âge de six ans.
VHC trois mois après un acte transfusionnel, ou tous les six
mois en cas de transfusions chroniques.
Indications des traitements spécialisés
En cas d’hémochromatose post-transfusionnelle, il est
recommandé un traitement chélateur par voie sous-cutanée
Transfusion sanguine selon un protocole à discuter avec un service spécialisé.
Un geste transfusionnel, transfusion simple ou échange
Hydroxyurée
transfusionnel, a pour but de corriger l’anémie et de diluer
les hématies drépanocytaires. Les indications respectives L’hydroxyurée, à la posologie initiale de 10 à 15 mg/kg par
de chaque geste dépendent donc : 24 heures, n’est recommandée que dans les formes graves de
z du taux plasmatique d’hémoglobine ; drépanocytose, chez l’enfant de plus de deux ans (grade B).
z de la situation clinique. Ses indications sont :
Le geste transfusionnel se fait avec des culots phénoty- z la survenue de plus de trois crises vaso-occlusives
pés, déleucocytés, comptabilisés, sauf urgence absolue. ayant nécessité une hospitalisation ou hyperalgiques
Il est recommandé un dossier transfusionnel unique, à par an ;
jour, transférable d’un site à l’autre. z l’existence de plus de deux syndromes thoraciques
La transfusion sanguine simple ou ponctuelle est aigus.
recommandée :
Il est recommandé de discuter la mise en route d’un trai-
z en cas d’anémie aiguë, définie par une diminution de
tement par hydroxyurée avec un centre spécialisé dans la
20 % du taux plasmatique d’hémoglobine de base, sur-
prise en charge de la drépanocytose. Il n’a pas été rapporté
tout quand l’anémie est mal tolérée, en particulier en
d’événements indésirables graves chez les enfants traités.
cas de séquestration splénique aiguë ou d’érythroblas-
Il est cependant recommandé d’informer les familles et les
topénie aiguë ;
enfants sur les risques d’azoospermie, la nécessité d’une
z en cas de syndrome thoracique aigu avec un taux plas-
contraception pour les adolescentes et les incertitudes à
matique d’hémoglobine < 9 g/dL et s’il n’existe pas de
long terme de ce traitement, notamment sur l’oncogenèse.
défaillance viscérale associée (la transfusion doit être
lente, par exemple 2 à 3 mg/kg par heure). Allogreffe de moelle osseuse
L’échange transfusionnel est recommandé en cas :
L’allogreffe de moelle osseuse est réservée aux formes gra-
z d’accident vasculaire cérébral, pour obtenir un taux
ves de drépanocytose. Elle ne peut être proposée qu’en cas
d’HbS < 30 % ;
de donneur HLA identique, issu de la fratrie. Les indications
z de syndrome thoracique aigu avec un taux plasmatique
faisant actuellement l’objet d’un consensus professionnel
d’hémoglobine > 9 g/dL ou s’il existe une défaillance
sont :
viscérale associée ;
z l’existence d’une vasculopathie cérébrale symptomati-
z de crise douloureuse hyperalgique résistante à la
morphine ; que ou non ;
z l’échec d’un traitement par hydroxyurée, défini par la
z de préparation à une anesthésie générale prolongée
pour obtenir un taux d’HbS ≤ 40 % (un geste transfu- récidive d’un syndrome thoracique aigu ou de crises
sionnel n’est donc pas recommandé avant une pose vaso-occlusives malgré une bonne compliance au trai-
d’aérateurs transtympaniques, une adénoïdectomie, tement.
une cure de hernie ou une circoncision) ; Ses indications et modalités relèvent de centres spécia-
z de priapisme résistant au drainage et à l’injection lisés dans la prise en charge de la drépanocytose.
d’étiléfrine.
Un programme transfusionnel, par échanges transfusion- Conclusions et propositions d’actions futures
nels chroniques, est recommandé :
z en prévention primaire ou secondaire de l’accident La santé de l’enfant drépanocytaire suppose un suivi atten-
vasculaire cérébral ; tif afin de prévenir la survenue de complications, de les
z en prévention secondaire de l’hémorragie diagnostiquer pour les traiter dans les meilleurs délais, car
intracérébrale ; beaucoup engagent le pronostic vital ou fonctionnel de
z en cas d’échec de l’hydroxyurée défini par la récidive l’organe atteint.
du syndrome thoracique aigu ou de crises vaso-occlusi- Ce suivi doit tenir compte du contexte culturel des
ves malgré une bonne compliance au traitement. enfants et de leur famille et des difficultés socioéconomi-
La seule indication d’un programme de transfusions sim- ques de familles parfois très défavorisées. Il serait donc
ples chroniques est la prévention de la récidive d’une souhaitable de développer :
84 Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent

z une meilleure connaissance de la maladie hors des z des actions structurées d’éducation thérapeutique de
zones de France de forte prévalence ; l’enfant et de sa famille ;
z une meilleure collaboration ville–santé scolaire–hôpital z une évaluation sociale plus systématisée ;
avec la constitution de réseaux ; z une information auprès des acteurs du milieu de vie de
z une meilleure collaboration entre services spécialisés l’enfant (crèche, école, centres de loisirs) pour lutter
(chirurgie, anesthésie, radiologie, obstétrie), entre contre la stigmatisation et l’isolement des enfants
pédiatres et médecins adultes ; atteints et de leur famille.

Annexe 1. Prise en charge de la douleur intense lors des crises vaso-occlusives drépanocytaires sévères.
ì

PRESCRIPTION INITIALE
1) Mélange équimolécolaire d'oxygène
AUX URGENCES
et de protoxyte d'azote (MEOPA)
On peut « sauter » l’étape nalbuphine
et aller directement à la morphine orale 2) Nalbuphine (Nubain®) intrarectale ou IV
pour les enfants très douloureux d'emblée

ÉVALUATION APRÈS 30 à 60 MIN


Surveiller la sédation et la fréquence respiratoire

SUCCÈS : enfant ÉCHEC : enfant non


soulagé soulagé
Arrêt de la nalbuphine

Poursuivre la nalbuphine Commencer la MORPHINE orale ou IV


IV Sous saturomètre, et surveillance clinique +++ et
naloxone surtout pour la MORPHINE IV

Associer :
paracétamol injectable ou oral
AINS* injectable ou oral
*anti-inflammatoire non stéroïdien

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