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doi:10.1016/j.jpp.2005.12.008
72 Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent
Dr A. Tursz, pédiatre, épidémiologiste, Villejuif, France études de moindre niveau de preuve, par exemple étu-
Dr P. Voultoury-Jensen, pédiatre, Paris, France des cas témoin, séries de cas.
Pr C. Weil-Olivier, pédiatre, Colombes, France En l’absence de précision sur le grade, les recommanda-
tions sont fondées sur un accord professionnel au sein du
groupe de travail et du groupe de lecture.
Introduction
Principes généraux de prise en charge
Définitions
La drépanocytose est une maladie génétique de transmis- Il est recommandé qu’un réseau de soins soit organisé
sion autosomique récessive liée à une anomalie de struc- autour de l’enfant. Il comprend, par exemple :
ture de l’hémoglobine qui aboutit à la formation d’hémo- z le médecin et les puéricultrices de PMI, le médecin de
globine S (HbS). crèche, puis le médecin et les infirmiers scolaires ;
Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent 73
z le pédiatre ou le médecin généraliste traitant ; z d’expliquer aux parents les signes cliniques de l’enfant
z le médecin correspondant du centre hospitalier de qui doivent les amener à consulter en urgence (voir
proximité de l’enfant ; « Éducation thérapeutique des parents ») ;
z les médecins et les infirmiers spécialisés, c’est-à-dire z de débuter les vaccinations (voir paragraphe
appartenant aux services hospitaliers prenant en « Calendrier vaccinal ») ;
charge la drépanocytose. z de débuter l’antibioprophylaxie antipneumococcique
Pour les nouveau-nés et les nourrissons, les puéricultri- (voir « Prophylaxie antibactérienne : prévention des
ces de secteur peuvent être les intermédiaires entre les dif- infections à pneumocoque ») ;
z de récupérer les sérologies VIH, VHC et VHB de la
férents membres du réseau et, par leur connaissance des
familles dans leur environnement, être les premiers relais mère.
de cette collaboration. Le bilan recommandé lors de cette première consulta-
Tous les intervenants dans ce réseau doivent assurer la tion comprend :
z un hémogramme ;
continuité de la prise en charge et faire circuler l’informa-
z une numération des réticulocytes ;
tion entre eux, grâce au carnet de santé, avec l’accord des
z un groupe sanguin avec phénotypage étendu, à répéter
parents et dans le respect du secret médical.
entre l’âge de six mois et un an, ou trois mois après une
Il est recommandé que le carnet de santé mentionne :
transfusion pour permettre l’établissement de la carte
z le diagnostic ;
de groupe qui ne sera définitive qu’après l’âge d'un an
z les données de l’hémogramme et la numération des
et dont un exemplaire sera remis aux parents ;
réticulocytes ; z un dosage de G6PD ;
z le groupe sanguin (au mieux, la carte de groupe san- z un dosage de fer sérique et de la capacité totale de
guin est jointe) ; fixation de la transferrine.
z les autres données du bilan annuel ; Ce bilan nécessite un prélèvement de sang volumineux
z le dosage de G6PD ; (5 mL) dont la nécessité doit être expliquée aux parents. Il
z la taille de la rate ; est recommandé de prévenir la douleur liée au prélèvement
z les traitements quotidiens ; par une application de crème associant lidocaïne–prilocaïne
z les coordonnées du médecin spécialisé dans la prise en
sur le site de ponction.
charge de la drépanocytose. Conseil génétique
Consultation de confirmation du diagnostic chez le La possibilité d’un diagnostic prénatal lors des futures gros-
nouveau-né dépisté sesses est à évoquer avec les parents, hors de la présence
de l’enfant, en tenant compte des références culturelles ou
Cette consultation entre les parents du nouveau-né dépisté
religieuses de la famille. Le diagnostic prénatal fait l’objet
et le médecin spécialisé dans la prise en charge de la dré-
d’une consultation de génétique spécifique.
panocytose a pour but :
Il est recommandé d’expliquer aux parents la distinction
z d’expliquer aux parents que leur enfant a été dépisté
entre un enfant porteur du trait S ou porteur sain (hétéro-
comme porteur d’une hémoglobinopathie, mais que zygote AS) et un enfant porteur d’un syndrome drépanocy-
cela demande à être confirmé ; taire majeur, et de ne pas hésiter à répéter ces explications.
z d’expliquer la physiopathologie de la maladie ;
sérique, capacité totale de fixation de la transferrine, z une augmentation brutale du volume de la rate (pour
calcémie, phosphorémie, ionogramme sanguin, bilan les parents qui souhaitent être entraînés à palper la
hépatique (transaminases, gamma GT, bilirubine rate de leur enfant) ou du volume de l’abdomen ;
totale et conjuguée), sérologie érythrovirus (parvo- z et pour les parents de garçons, un priapisme qui ne
virus) B19 jusqu’à positivation, dosage des anticorps cède pas au traitement initial (voir « Priapisme »).
anti-HbS pour vérifier l’efficacité de la vaccination,
Il est recommandé de mettre au point, en accord avec
microalbuminurie ;
les parents, un « circuit d’urgence » et de leur remettre un
z une recherche d’agglutinines irrégulières, des sérolo- document écrit récapitulant ce circuit.
gies VIH et VHC pour les enfants ayant un antécédent
L’importance d’apporter le carnet de santé à chaque
transfusionnel (le bilan annuel permet une réévalua-
consultation ou hospitalisation de l’enfant, et de l’empor-
tion du dossier transfusionnel) ;
ter lors de chaque voyage, est à expliquer et à rappeler aux
z à partir de 12–18 mois : une échographie doppler
parents.
transcrânienne ;
z à partir de trois ans : une échographie abdominale, une Les associations de patients ou de parents d’enfants
radiographie de thorax ; drépanocytaires ont un rôle à jouer dans cette information
z à partir de six ans : une radiographie de bassin, une et cette éducation.
échographie cardiaque ; Éducation thérapeutique des enfants
z à partir de six ans chez les enfants SC et dix ans chez
Une éducation thérapeutique est à proposer à l’enfant. Elle
les enfants SS : un bilan ophtalmologique avec un oph-
a pour but de lui permettre de se familiariser avec la prise
talmologiste expert en pathologie rétinienne.
en charge de sa maladie. Elle est à adapter à l’âge de
Éducation thérapeutique et information de l’enfant et aux caractéristiques cliniques du syndrome
l’entourage drépanocytaire majeur.
Une hydratation abondante est nécessaire. Elle doit être z le rôle des facteurs déclenchant des crises vaso-occlu-
sans restriction et encouragée continuellement. Il est sives tels que les excitants, l’alcool, le tabac ou les
recommandé que les parents, puis l’enfant, soient informés drogues illicites doit être réexpliqué aux adolescents ;
que celui-ci doit boire jusqu’à « garder les urines aussi clai- z les thèmes de la sexualité, de la protection contre les
z la participation du médecin traitant : dans cette z contre l’hépatite A à partir d'un an pour les voyageurs
période « à risque », il peut être le seul élément de en zone d’endémie ;
continuité des soins, et son rôle est alors déterminant. z contre la typhoïde à partir de deux ans pour les voya-
geurs en zone d’endémie.
Aucun vaccin ne dispense de l’antibioprophylaxie.
Prévention des infections
prilocaïne, mélange équimoléculaire d'oxygène et de (kétoprofène en intraveineuse lente, 1 mg/kg, toutes les
protoxyde d'azote, MEOPA) ; huit heures) soit par voie orale (ibuprofène, 10 mg/kg
z de réchauffer l’enfant, de l’installer confortablement,
toutes les six à huit heures, en fonction de la forme galé-
de le réhydrater (voir « Mesures associées ») et de lui nique ou autre anti-inflammatoire non stéroïdien).
assurer un soutien par une présence réconfortante ; Deux options sont proposées pour l’administration de
z d’administrer le traitement antalgique dans les morphine : soit la morphine par voie orale, en l’absence de
30 minutes suivant l’admission, en tenant compte des vomissement, soit la morphine par voie intraveineuse.
médicaments déjà pris à domicile ; le soulagement Un traitement par morphine impose, particulièrement
devant être obtenu après 60 minutes ; en cas d’utilisation de la morphine par voie intraveineuse :
z de surveiller toutes les 20 minutes l’intensité de la z une surveillance clinique constante par une équipe
douleur, la fréquence respiratoire et le degré de séda- entraînée à son maniement ;
tion jusqu’à ce que le traitement antalgique soit z la disponibilité immédiate d’une mesure de la satura-
efficace ; tion artérielle en oxygène (saturomètre) et de
z de rechercher et de traiter le facteur déclenchant de naloxone ;
la douleur. z une réévaluation toutes les 20 à 30 minutes :
{ de la douleur,
Examens complémentaires
{ du degré de sédation,
Les examens complémentaires recommandés sont :
{ de la fréquence respiratoire ;
z un hémogramme ;
z une numération des réticulocytes ;
compte tenu des risques d’hypoventilation en cas de sur-
z une recherche d’agglutinines irrégulières ;
dosage.
z un ionogramme sanguin avec urée et créatinine ; L’association de morphine à d’autres antidépresseurs du
z un dosage de C-reactive protein (CRP). système respiratoire (benzodiazépines) est contre-indiquée.
D’autres examens peuvent être indiqués en fonction du Pour l’utilisation de la morphine par voie orale, il est
contexte clinique (radiographie de thorax, gaz du sang, recommandé :
bilan hépatique, hémoculture, examen cytobactériologique z une dose de charge de 0,4 à 0,5 mg/kg sans dépasser
des urines, échographie abdominale, sérologie érythrovirus 20 mg de morphine à libération immédiate (comprimés
[parvovirus] B19, examen tomodensitométrique cérébral ou ou sirop) ;
IRM cérébrale). z un dosage de 0,2 ou 0,4 mg/kg de morphine à libération
Les examens d’imagerie ostéo-articulaire ne sont pas immédiate toutes les 30 minutes jusqu’au soulagement
indiqués en première intention, sauf en cas d’antécédents de la douleur, sauf en cas de sédation excessive ;
de traumatisme ou de signes locaux persistants. z puis un relais par morphine à libération prolongée, 2 à
Il est recommandé que la réalisation des examens com- 5 mg/kg par 24 heures, avec des interdoses de 0,2 à
plémentaires ne retarde pas la mise en route du traitement 0,3 mg/kg de morphine à libération immédiate toutes
antalgique. les deux à quatre heures si l’enfant n’est pas soulagé.
Traitement antalgique à l’hôpital Pour l’utilisation de la morphine par voie intraveineuse,
Pour la première étape du traitement antalgique à l’hôpi- il est recommandé :
tal, il est proposé l’inhalation de MEOPA dès l’arrivée, asso- z une dose de charge de 0,1 mg/kg en intraveineuse
ciée à la nalbuphine (0,4 à 0,5 mg/kg par voie intrarectale lente (30 secondes minimum) sans dépasser 5 mg ;
78 Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent
z un dosage : 0,025 mg/kg en intraveineuse lente, tou- Les modalités du traitement antalgique à l’hôpital sont
tes les cinq minutes jusqu’au soulagement de la dou- résumées en Annexe 1.
leur, sauf en cas de sédation excessive ;
z puis un relais : Cas particuliers
{ soit par voie intraveineuse continue (1 mg/kg par En cas de douleurs osseuses intenses, il est recommandé
24 heures, posologie moyenne à réévaluer régu- d’emblée l’association paracétamol, anti-inflammatoires
lièrement), non stéroïdiens et morphiniques.
{ soit par PCA (Patient Controlled Analgesia) : bolus En cas de douleurs abdominales qui peuvent entraîner un
de 0,03 à 0,05 mg/kg avec un intervalle minimal de iléus réflexe :
sept minutes, avec un débit de base à discuter z l’indication des morphiniques est à discuter et le débit
d’environ 0,02 mg/kg par heure, ou en l’absence de continu n’est pas recommandé ;
débit de base, bolus d’au moins 0,04 mg/kg. z les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont à utiliser
avec prudence ;
En cas d’absence de soulagement sous morphine, il est
z le phloroglucinol en lyophilisat oral ou le tiémonium
proposé :
sont recommandés.
z l’inhalation de MEOPA 20 à 30 minutes, qui soulage
temporairement, sans dépasser trois inhalations par Une atteinte neurologique aiguë évolutive contre-
jour, associée éventuellement à de petites doses de indique l’usage de la morphine.
kétamine ; En cas de douleurs abdominales ou de diarrhées chez un
z une analgésie locorégionale ;
enfant sous traitement chélateur du fer, il est recom-
mandé de suspecter une infection à Yersinia enterolitica
z plus rarement, le recours à une transfusion (ou à un
et de demander en urgence l’avis d’un infectiologue
échange transfusionnel en cas de taux d’hémoglobine
pédiatre.
supérieur à 9 g/dL) (voir « Transfusion sanguine »).
La nécessité de recourir à de fortes doses de morphine Mesures associées
(> 1,5 mg/kg par jour) nécessite de réévaluer la cause de la
Un échange transfusionnel (ou une transfusion en cas
douleur et de prendre un avis auprès du service spécialisé
d’anémie mal tolérée) est rarement indiqué. Il est à discu-
dans la prise en charge de la drépanocytose.
ter si la douleur est mal soulagée par la morphine (voir
Une fois la douleur contrôlée, il est recommandé d’éva- « Transfusion sanguine »).
luer dans les jours qui suivent :
Une hyperhydratation est recommandée à raison de
z toutes les deux heures : la douleur, le degré de séda-
2,5 l/m2 par 24 heures sans dépasser 3 l/24 h. Si l’enfant
tion, la fréquence respiratoire et la saturation arté- est incapable de boire suffisamment, une hydratation par
rielle en oxygène ; voie veineuse ou nasogastrique est recommandée, à la
z toutes les quatre heures : la température et la fré-
même quantité. Le capital veineux est à préserver à chaque
quence cardiaque. étape de la prise en charge. La mise en place d’une voie
Les effets indésirables de la morphine sont traités et pré- d’abord centrale doit être évitée et réservée aux situations
venus par : où le pronostic vital est en jeu.
z l’administration systématique de laxatifs ; L’oxygénation n’est pas systématiquement recomman-
z l’utilisation, en cas de prurit, de rétention d’urine, de dée dans la crise douloureuse vaso-occlusive. Elle peut être
nausées ou de vomissements, de nalbuphine (0,05 à proposée en cas de désaturation pour maintenir une satura-
0,1 mg/kg en intraveineuse lente), ou de naloxone : tion artérielle en oxygène supérieure ou égale à 95 %.
{ par voie intraveineuse continue sur 24 heures à la La spirométrie incitative, pratiquée toutes les deux heu-
dose de 0,5 à 1 µg/kg par heure, res, peut être recommandée dans les douleurs thoraco-
{ soit en injection unique à la dose de 1 µg/kg en abdominales. La kinésithérapie pourrait jouer un rôle béné-
bolus, par exemple en cas de rétention d’urine, à fique en cas d’infection respiratoire en permettant une
renouveler si besoin toutes les cinq minutes jusqu’à mobilisation dès la sédation de la douleur obtenue.
miction ; L’antibioprophylaxie quotidienne doit être poursuivie.
z la spirométrie incitative pour éviter l’hypoventilation Une antibiothérapie à large spectre est à débuter sur cer-
alvéolaire qui peut favoriser l’apparition d’un syn- tains critères (voir « Crise douloureuse vaso-occlusive »).
drome thoracique aigu. L’hydroxyurée n’est pas recommandée dans le traite-
En cas de surdosage morphinique (enfant difficile à ment en urgence de la crise douloureuse vaso-occlusive. Le
réveiller, bradypnée), il est recommandé : rôle de la méthylprednisolone n’est pas prouvé.
z d’arrêter temporairement la morphine et de reprendre
à posologie moindre selon l’évolution de la douleur ; Complications aiguës
z de stimuler l’enfant ; Toute crise douloureuse vaso-occlusive peut précéder ou
z si l’enfant ne se réveille pas à la stimulation, de l’oxy- être révélatrice des complications suivantes qui sont à
géner et de recourir à la naloxone, 2 à 4 µg/kg en intra- rechercher systématiquement :
veineuse lente à renouveler si besoin jusqu’au réveil. z syndrome thoracique aigu, avant tout (voir
Il est recommandé d’expliquer à l’enfant et à sa famille « Syndrome thoracique aigu ») ;
le rôle et les modalités d’utilisation des antalgiques et, en z anémie sévère, dont la séquestration splénique aiguë
son efficacité (grade B). 39,5 °C, sans altération de l’état général ou de la cons-
cience et sans intolérance digestive ;
Infection z sans antécédent de septicémie, sans anomalie à la
radiographie de thorax ou à la mesure de la saturation
Principes généraux artérielle en oxygène ;
Devant une suspicion d’infection, il est recommandé de z avec des taux de polynucléaires neutrophiles, d’hémo-
débuter un traitement antibiotique de manière empirique globine et de plaquettes proches des taux habituels.
sans attendre les résultats des cultures bactériologiques.
L’antibiothérapie probabiliste doit être : Ils pourront être traités et surveillés en ambulatoire à
z bactéricide et adaptée au site infectieux suspecté ou condition :
identifié (choisir un antibiotique avec un passage z qu’un site infectieux ait été identifié ;
méningé efficace, à la moindre suspicion de méningite z que les parents soient éduqués et fiables, qu’ils fassent
ou en l’absence de site infectieux identifié) ; preuve d’une bonne compliance vis-à-vis de l’antibio-
z active sur les pneumocoques de sensibilité diminuée prophylaxie par la pénicilline V, et qu’ils puissent avoir
compte tenu du risque élevé d’infection fulminante à un accès facile aux urgences ;
pneumocoque chez l’enfant drépanocytaire ; z qu’une réévaluation de l’état de l’enfant puisse être
z large pour être également efficace sur H. influenzae faite au cours des 24 heures suivantes ;
de type B et les salmonelles. z que l’antibiotique prescrit :
Pour l’enfant drépanocytaire, les modalités du traite- { soit bactéricide et actif sur les pneumocoques de
ment antibiotique (posologie, durée) sont les mêmes que sensibilité diminuée à la pénicilline et soit bien
pour la population pédiatrique générale. absorbé par voie orale (l’amoxicilline ou l’associa-
tion amoxicilline–acide clavulanique peuvent donc
Conduite à tenir devant une fièvre isolée être recommandées),
Toute fièvre supérieure à 38,5 °C chez un enfant drépano- { soit adapté au site infectieux identifié et à l’âge de
cytaire impose une consultation médicale urgente et la réa- l’enfant,
lisation des examens complémentaires suivants : { ait été bien supporté lors d’une première prise à
z un hémogramme ; l’hôpital.
z une numération des réticulocytes ;
z un dosage de CRP ; Cas particuliers de la douleur osseuse fébrile (voir
z une radiographie de thorax ou un examen des gaz du « Complications osseuses et artéroarticulaires »)
sang ;
Syndrome thoracique aigu
z une hémoculture, une bandelette urinaire avec, en cas
de positivité, un examen cytobactériologique des urines. Le syndrome thoracique aigu associe, de façon variable :
Une ponction lombaire est indiquée chez les enfants se z les signes cliniques suivants : signes respiratoires
présentant avec une altération de l’état général ou un (tachypnée, anomalies à l’auscultation pulmonaire,
tableau clinique de méningite. hypoxie), fièvre, douleur thoraco-abdominale ;
Une hospitalisation s’impose pour un traitement en z un foyer pulmonaire de novo à la radiographie de
urgence par céfotaxime ou ceftriaxone par voie parentérale : thorax.
z pour tout enfant de moins de trois ans avec une fièvre Il peut être isolé ou secondaire à une crise vaso-occlusive.
supérieure à 38,5 °C ;
z pour tout enfant, quel que soit son âge, se présentant Traitement en urgence
avec une altération de l’état général ou de la cons- Le traitement recommandé comprend :
cience, ou une fièvre supérieure à 39,5 °C. Dans ce z une transfusion simple (ou un échange transfusionnel
cas, l’administration de céfotaxime ou de ceftriaxone en cas de taux plasmatique d’hémoglobine > 9 g/dL ou
est recommandée avant la réalisation des examens de défaillance viscérale). La transfusion doit être
complémentaires, s’ils risquent de retarder le lente, par exemple 2 à 3 mL/kg par heure ;
traitement ; z un traitement antalgique (voir « Traitement antalgi-
z pour tout enfant, quel que soit son âge, ayant une tem- que à l’hôpital ») ;
pérature inférieure à 39,5 °C sans altération de l’état z une hydratation, en tenant compte des besoins de
général mais avec un antécédent de septicémie ou pré- l’enfant et des risques de surcharge pulmonaire (soit
sentant l’une des anomalies suivantes : 1,5 à 2 L/m2 par 24 heures sans dépasser 3 L/24 h) ;
80 Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent
z une antibiothérapie à large spectre active sur les ger- Érythroblastopénie aiguë transitoire liée à l’infec-
mes intracellulaires et le pneumocoque (macrolides et tion à érythrovirus (parvovirus) B19
céfotaxime ou ceftriaxone) ; L’infection à érythrovirus B19 entraîne une réticulopénie
z une oxygénothérapie pour maintenir une saturation (réticulocytes < 100 000 µL).
artérielle en oxygène > 95 % ; La transfusion sanguine est indiquée dans la majorité des
z une spirométrie incitative. cas (voir « Transfusion sanguine »). Le volume transfusé
Le recours aux β2-mimétiques est à évaluer au cas par cas. doit tenir compte de la durée de l’infection (sept à dix
En cas d’échec du traitement et d’aggravation de jours). La très forte contagiosité de l’infection à érythrovi-
l’hypoxémie, une prise en charge en unité de soins intensifs rus B19 impose une surveillance de l’entourage de l’enfant
est recommandée pour une assistance cardiorespiratoire infecté (patients drépanocytaires séronégatifs pour
adaptée. l’érythrovirus B19) pendant une quinzaine de jours.
Prévention de la survenue de l’accident vasculaire sommeil, coucher tardif, infection, traumatisme, prise
cérébral ischémique d’alcool, de drogues illicites, de testostérone ou de
Il est recommandé d’évaluer annuellement le risque d’acci- psychotropes).
dent vasculaire cérébral grâce à l’échographie doppler Traitement initial
transcrânienne à partir de l’âge de 12 à 18 mois. En cas de Il est recommandé que l’enfant :
vitesse moyenne du flux sanguin cérébral > 200 cm/s con-
z boive abondamment ;
firmée lors d’un deuxième examen, une prévention de
z prenne des antalgiques (paracétamol par voie orale,
l’accident vasculaire cérébral par programme transfu-
voir « Traitement antalgique à domicile ») ;
sionnel (voir « Transfusion sanguine ») est recommandée
z tente d’uriner.
(grade B).
Si le priapisme ne cède pas, une hospitalisation en
Une greffe de moelle osseuse peut être proposée en cas
urgence est recommandée.
de donneur HLA compatible dans la fratrie. L’indication est
posée par un service spécialisé dans la prise en charge de la Évaluation et conduite à tenir lors de l’admission à
drépanocytose. l’hôpital
Traitement de l’accident vasculaire cérébral isché- Dès l’admission, il est recommandé :
z un traitement antalgique (inhalation de MEOPA puis
mique constitué
relais éventuel par d’autres antalgiques, voir
En cas de suspicion d’accident vasculaire cérébral, il est
« Traitement antalgique à l’hôpital ») ;
recommandé de pratiquer en urgence un examen tomoden-
z une mise en confiance de l’enfant pour débuter le trai-
sitométrique cérébral sans injection ou une IRM cérébrale
pour éliminer une origine hémorragique ou une étiologie non tement spécialisé en milieu chirurgical pédiatrique.
ischémique. Une cause infectieuse, traumatique (hématome Il est impératif de préciser l’heure de début de l’épisode
sous-dural) ou toxique est toujours à évoquer, particulière- ainsi que les éventuels facteurs déclenchants.
ment s’il n’y a pas de signes focaux en premier plan. Les examens complémentaires recommandés sont ceux
Un échange transfusionnel associé au traitement symp- prescrits devant une crise vaso-occlusive (voir « Examens
tomatique est recommandé en urgence pour diminuer le complémentaires »). Leur réalisation ne doit pas retarder la
taux d’hémoglobine S à moins de 30 %. mise en route d’un traitement spécialisé.
Accident ischémique transitoire (AIT) l’injection seule est inefficace, il est recommandé un
En cas d’accident ischémique transitoire avéré ou forte- drainage sans lavage sous anesthésie locale, jusqu’à
ment suspecté, si l’imagerie révèle une vasculopathie céré- obtention de sang rouge associé, après un garrot à la
brale significative (vitesse moyenne du flux sanguin racine de la verge, à une injection intracaverneuse
cérébral > 200 cm/s à l’échographie doppler transcrâ- d’étiléfrine (10 mg) ; si la détumescence n’est pas
nienne), un programme transfusionnel est recommandé. obtenue au bout de 20 minutes, une seconde injection
peut être faite.
Hémorragies intracérébrales En cas de détumescence partielle ou de récidive du
Une suspicion d’hémorragie intracérébrale impose une éva- priapisme dans les heures ou les jours qui suivent, il peut
luation en milieu neurochirurgical. être proposé des injections intracaverneuses d’étiléfrine (3
Outre le traitement neurochirurgical, il est recommandé ou 4 par jour), voire une perfusion intracaverneuse continue
une hydratation et un échange transfusionnel ou une trans- à faible débit et faible volume (inférieur à 20 mL/24 h) sans
fusion (voir « Transfusion sanguine »). dépasser 1 mg/kg par jour.
82 Prise en charge de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent
Un échange transfusionnel peut être proposé, surtout en Dans le cas de maladie rétinienne non proliférative, les
cas d’échec du drainage. indications de traitement sont plus variables du fait du taux
élevé de régressions spontanées et de l’absence de progres-
Traitement et prévention des récidives du priapisme sion dans certains cas.
En cas de récidive du priapisme, malgré un drainage des En cas d’hémorragie vitréenne persistante ou de décol-
corps caverneux et des injections intracaverneuses d’étilé- lement de rétine, une intervention chirurgicale est à discu-
frine répétées, une anastomose chirurgicale est à discuter ter. Cette chirurgie est à haut risque de complications
en milieu urologique. périopératoires. Pour minimiser ces risques, il est
Un traitement préventif par étiléfrine par voie orale est recommandé de pratiquer un échange transfusionnel pré-
recommandé (0,5 mg/kg par jour). Il est à poursuivre au opératoire.
moins un mois et peut être arrêté en l’absence de récidive.
En cas de récidives fréquentes, le recours à un pro- Ulcères de jambe
gramme transfusionnel est controversé et sera discuté dans
Il n’existe pas de recommandations spécifiques pour la prise
un service spécialisé dans la prise en charge de la drépano-
en charge d’un ulcère de jambe chez l’enfant drépanocy-
cytose.
taire. Il est proposé :
Traitement des priapismes intermittents z le repos au lit et la surélévation du membre atteint ;
À partir de deux accès de priapisme intermittents par mois, z l’application de pansements humidifiés par du sérum
un traitement par étiléfrine orale ou plus rarement par physiologique, appliqués deux ou trois fois par jour
injections intracaverneuses est à discuter après avis spécia- (aucun pansement spécifique à la drépanocytose ne
lisé. peut être recommandé) ;
z l’application d’antiseptiques locaux (les antibiotiques
Complications hépato-biliaires locaux ne sont pas recommandés) ;
Lithiase biliaire et boue biliaire (biliary sludge) z un traitement antibiotique par voie générale, adapté
La présence de boue biliaire doit conduire à une sur- au germe retrouvé en cas de surinfection aiguë.
veillance échographique semestrielle.
Complications rénales
Une cholécystectomie par voie laparoscopique est pro-
posée en cas de lithiase biliaire, même asymptomatique, a Hyposthénurie, énurésie
fortiori si l’enfant ou l’adolescent a déjà présenté une com- La diminution du pouvoir de concentration maximale des
plication de migration calculeuse dans la voie biliaire prin- urines (hyposthénurie) est constante chez l’enfant drépano-
cipale (cholécystite, pancréatite). Toute anesthésie géné- cytaire. Elle est responsable :
rale prolongée nécessite une préparation transfusionnelle, z d’un risque de déshydratation, à prévenir par des bois-
à discuter avec le médecin spécialiste de la drépanocytose. sons abondantes jusqu’à obtention « d’urines aussi
Hépatites virales et auto-immunes claires que possible » ;
z d’une énurésie, souvent prolongée jusqu’à l’adoles-
Il n’existe pas de recommandations spécifiques pour la prise
en charge d’une hépatite virale ou auto-immune chez cence, pour laquelle il n’existe pas de modalités de
l’enfant drépanocytaire. En cas de difficultés, un avis hépato- traitement spécifique à la drépanocytose, en dehors du
logique est recommandé. En cas d’augmentation persis- fait que la desmopressine est inefficace et la restric-
tante des transaminases, les indications de la ponction– tion hydrique contre-indiquée.
biopsie hépatique, les indications et les modalités du trai-
Hématurie
tement d’une hépatite chronique sont à discuter avec les
hépatologues. Les risques de complications de la ponction– En cas d’hématurie macroscopique, il est recommandé de
biopsie hépatique sont accrus chez l’enfant drépanocytaire. réaliser un bilan comportant une échographie rénale avec
doppler. Le traitement recommandé associe repos au lit et
Crise vaso-occlusive hépatique maintien d’un débit urinaire élevé. Les étiologies possibles
Il est recommandé de traiter la crise vaso-occlusive hépati- sont :
que par échange transfusionnel. z une nécrose papillaire ;
z une meilleure connaissance de la maladie hors des z des actions structurées d’éducation thérapeutique de
zones de France de forte prévalence ; l’enfant et de sa famille ;
z une meilleure collaboration ville–santé scolaire–hôpital z une évaluation sociale plus systématisée ;
avec la constitution de réseaux ; z une information auprès des acteurs du milieu de vie de
z une meilleure collaboration entre services spécialisés l’enfant (crèche, école, centres de loisirs) pour lutter
(chirurgie, anesthésie, radiologie, obstétrie), entre contre la stigmatisation et l’isolement des enfants
pédiatres et médecins adultes ; atteints et de leur famille.
Annexe 1. Prise en charge de la douleur intense lors des crises vaso-occlusives drépanocytaires sévères.
ì
PRESCRIPTION INITIALE
1) Mélange équimolécolaire d'oxygène
AUX URGENCES
et de protoxyte d'azote (MEOPA)
On peut « sauter » l’étape nalbuphine
et aller directement à la morphine orale 2) Nalbuphine (Nubain®) intrarectale ou IV
pour les enfants très douloureux d'emblée
Associer :
paracétamol injectable ou oral
AINS* injectable ou oral
*anti-inflammatoire non stéroïdien