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L’être comme amour.

Premières propositions autour de l’acte et de la puissance

Pascal Ide, « L’être comme amour. Premières propositions autour de l’acte et de la


puissance », Blandine Lagrut et Étienne Vetö (éds.), La vérité dans ses éclats. Foi et
raison, Colloque de la Communauté du Chemin Neuf, Tigery, du 8 au 11 décembre
2011, Paris, Parole et Silence, 2014, p. 297-323.

à Emmanuel Tourpe

« Dès le principe, cette métaphysique [de l’acte et de la puissance] saisit l’être


comme surabondant [1] ».

Le propos de cette intervention est de relire le couple catégoriel de l’acte et de la


puissance à partir de l’amour. Cette intervention s’inscrit dans le prolongement
d’autres analyses qui cherchent à ébaucher une métaphysique de l’être comme
amour [2]. Ne pouvant ici en résumer les acquis, je dérogerai à la règle du « De
nobis ipsis silemus » et ferai mémoire de deux moments notables de ma trajectoire
intellectuelle : ma prime formation, notamment philosophique, à l’école de saint
Thomas, m’a enseigné la centralité de l’être ; depuis une vingtaine d’années, la
patiente étude de Hans Urs von Balthasar m’a enseigné la centralité de l’amour ;
ayant appris, parfois à mes dépens, que l’exclusion est toujours stérile, mais que
l’intégration, donc le croisement des pensées, est plus difficile, plus risquée, mais
autrement féconde, je tente, depuis quelques années, avec les ressources qui sont
miennes, de contempler l’amour au cœur de l’être. C’est dire que la perspective
adoptée est résolument métaphysique. C’est dire aussi que mon propos ne se
contentera pas de répéter ce que la tradition aristotélicienne et thomasienne nous a
transmis sur le binôme énergéia-dunamis, mais tentera de montrer que
l’introduction de l’amour permet d’en approfondir la problématique, voire d’en
éclairer certaines apories.

Traiter de l’acte et de la puissance, c’est s’affronter à un certain nombre de


difficultés. Certaines apories touchent la paire acte-puissance elle-même : sa
légitimité, son ordre (primauté de l’effectivité ou de la possibilité), etc. Le
paragraphe suivant, par exemple, s’interrogera par exemple sur l’illimitation de
l’acte. À ceux qui jugeraient d’emblée obsolètes les catégories d’acte et de puissance,
je rappellerai seulement – sans ignorer que argumentum auctoritatis debilissimum
en philosophie – que Paul Ricœur n’a pas dédaigné les convoquer pour prolonger sa
phénoménologie de l’ipséité qui elle-même concrétisait sa philosophie linguistique
[3] – ce qui, soit dit en passant, montre que ces trois perspectives, analytique,
phénoménologique et métaphysique [4], auxquelles on pourrait ajouter
l’herméneutique, loin de s’exclure, peuvent s’enrichir mutuellement [5].

D’autres objections concernent l’amour, et le paragraphe qui lui est consacré


s’ouvrira sur la plus centrale. Enfin, certaines intéressent la connexion entre le
dipôle acte-puissance et l’amour. Nous ne considérerons que ces dernières. Même
alors, il nous faut encore beaucoup trier et n’en retenir que trois.

1. L’amour se distingue adéquatement en amor concupiscentiæ et amor


amicitiæ. Or, Thomas d’Aquin rend compte de ce couple à partir de la
différence acte-puissance [6]. Par conséquent, c’est la distinction acte-
puissance qui doit rendre compte de ce qu’est l’amour et non l’inverse.
2. L’amour unifie des individus, donc des substances ou des ipséités
différentes, alors que l’acte et la puissance unit les co-principes internes à une
même substance. Deux unum hétérogènes sont donc en jeu : l’unio et l’unitas.
Or, l’union (unio) est plus lâche que l’unité (unitas) : « unitas potior est quam
unio [7]». L’amour exprime donc inadéquatement la relation actus-potentia.
3. Si les deux premières difficultés proviennent des Anciens, cette dernière
sonne moderne. Pris dans son sens plénier, l’amour est un acte humain qui se
dit de l’être doué de liberté. Or, l’acte et la puissance est une distinction
première de l’être qui s’étend à toutes choses. Par conséquent, alors que
certains estiment que les catégories métaphysiques sont impropres à signifier
le proprium d’un acte spirituel, l’amour [8], la conclusion est ici inverse, mais
aboutit à la même incompétence : les notions comparées ne présentent pas la
même extension [9].

L’exposé traitera successivement les catégories qui composent l’énoncé – le couple


acte-puissance (1) et l’amour (2) –, leur cherchant un dénominateur commun ; puis
il les nouera (3), avant de conclure en répondant brièvement aux objections
soulevées (4).

1) L’acte et la puissance
Pour approcher le cœur de l’acte, je procéderai en trois étapes qui conduiront à
quelques apories ouvrant à la réflexion sur l’amour.

a) Perfection

Ainsi qu’on le sait, la doctrine de l’acte et de la puissance fut élaborée par Aristote
en réponse aux difficultés posées par les présocratiques, singulièrement dans la
querelle reconstruite entre Héraclite et les Eléates (Parménide, Mégariques, etc.)
relative à l’existence et la nature du devenir, mais aussi à celles du multiple. Dans la
lignée des « grands genres » distingués par le Sophiste de Platon, le Stagirite
propose à son tour une catégorisation ultime : l’être, qui se dit de multiples
manières, se dit aussi de la puissance et de l’acte. Loin d’être déduites, ces notions
sont patiemment induites de l’observation du réel qui, notamment, aboutit à deux
définitions dont la célébrité atteste la génialité : celle du mouvement comme
« entéléchie de ce qui est puissance en tant que telle » et celle de l’âme comme
« entéléchie première d’un corps naturel ayant la vie en puissance [10] ». L’acte –
entéléchéia que, par commodité, nous identifierons à énergéia [11] – dit
détermination, achèvement, perfection, face à la dunamis qui est principe
d’inachèvement mais aussi de continuité dans le devenir. Ces affirmations sont trop
connues pour qu’il vaille la peine d’insister.

b) Communication

Acte dit plus que perfection, il dit perfection qui se communique à la puissance.
Pour le comprendre, il faut maintenant les joindre à un autre couple catégoriel, la
finitude et l’infini. Or, leur relation a connu un stupéfiant renversement dans
l’histoire de la pensée.

Pour un Grec – en tout cas pendant plus de huit siècles –, la clôture est synonyme
de perfection et l’infinité (ou plutôt l’indéfinité) d’imperfection. Cette équivalence
fut thématisée par les Pythagoriciens pour qui la distinction première et décisive est
celle du péras et de l’apéiron. Dès lors, l’acte se trouve du côté de la finitude et la
puissance de l’illimité – même si les notions qui se recouvrent extensivement ne
coïncident pas conceptuellement. Là encore, ces conclusions sont sérieusement
documentées. Pourtant, il n’est pas inutile de le rappeler, tant une relecture
rétrospective du Stagirite à la lumière de saint Thomas a fait croire que le principe «
l’acte n’est pas limité sinon par la puissance [actus non limitatur nisi per
potentiam] [12] » était sinon d’Aristote ou au moins aristotélicien. Non seulement
une lecture attentive du Philosophe ne le rencontre jamais, non seulement ses
premiers commentateurs ne mentionnent nulle limitation de l’acte par la puissance,
mais ce principe est contraire à la mens aristotelica. « Perfection s’égalise avec la
finitude – dit l’aristotélicien Joseph Owens –, l’acte coïncide avec la forme. Cette
philosophie de l’acte ne conduit pas dans la direction du Dieu tout-puissant
chrétien [13] ». Il est d’ailleurs significatif que nulle part, en argumentant sur
l’infinité divine, Thomas ne fasse appel à l’autorité d’Aristote sur ce sujet [14]. On
pourrait le montrer aussi pour Platon, même si sa théorie des relations entre fini et
infini a évolué : « Dans toute idée, il y a du défini relatif à l’être et un infini relatif au
non-être [15] ».

Toutefois, à partir de Plotin, s’opère une véritable révolution dans la saisie de


l’infini : pour la première fois dans l’histoire d’Occident, le terme d’apéiron est
employé pour exprimer la perfection [16]. À la suite du maître alexandrin, l’école
néoplatonicienne inverse le chiffre de l’infinité pour la qualifier positivement –
prédiquant l’imperfection de la limite [17]. Certes, il existe encore un infini
d’imperfection dans l’ordre la matière ; mais de l’Un est prédiqué un infini de
perfection, dénué de tout inachèvement. La raison ultime ne s’enracine pas
seulement dans l’ontologie de l’esprit et de la matière, mais dans la métaphysique
de la participation : le Principe est conçu comme source dont tout participe ; or, le
sujet participé limite la forme participante à la mesure de ce qu’il reçoit. Ce
renversement ne pouvait pas ne pas retentir sur la manière de comprendre l’acte.
De principe de limitation, il devient principe d’illimitation sans cesser de dire la
perfection ; plus encore, l’acte – ici le Bien qui est aussi l’Un – devient fécond, de
sorte que la causalité tient à la plénitude d’être et non à son défaut. Dès lors, toute
l’imperfection est renvoyée à la finitude et à la puissance – jusqu’à suspecter la
matière de malice. Cette doctrine passera dans le christianisme et se condensera
dans l’axiome dionysien du bonum diffusivum sui [18]. Les grands docteurs
médiévaux convoqueront volontiers le principe de la diffusivité du bien (et de l’acte)
pour rendre compte théologiquement ce qui demeure un mystère révélé : la
fécondité divine – ad intra ou immanente (les processions trinitaires) et ad extra
ou économique (la libre création, voire l’Incarnation) [19].

Cette révolution historique, encore largement énigmatique, met en lumière les


termes d’un débat métaphysique décisif : l’acte est-il par nature fini ou infini ? Frère
Thomas l’a résolu dans le sens de l’infinité. On a habituellement tendance à le
montrer en convoquant la grande nouveauté thomasienne : la doctrine de l’esse qui,
justement, est actus essendi, « acte d’être ». C’est vrai, mais c’est aller trop vite en
besogne. En effet, pour l’aristotélicien qu’est Thomas, l’acte se dit d’abord de la
forme [20] et la forme est communicable. Il demeure que l’acte se dit, par
excellence, de l’esse : « acte de tous les actes [actualitas omnium actum] [21] », il
est à l’essentia qui est déjà principe de détermination et donc d’actuation, ce que
l’acte est à la puissance qu’elle détermine. En effet, l’être est au-delà de tout genre et
donc de tout concept : inaccessible à la première opération de l’esprit qui le réduit à
une notion, il n’est connaissable que par un jugement d’existence [22]. Or, la
définition dit la finitude. Voilà pourquoi, plus clairement que de l’essence ou de la
forme, l’illimitation se prédique de l’acte d’être. L’esse est infini au second degré,
comme il est perfection redoublée, perfection de la perfection qu’est l’essentia.

Or, en étant corrélé non plus à la finitude, mais à l’illimitation, l’acte ne change pas
seulement quant à la propriété, mais quant à l’essence. Désormais la perfection
actuelle ne se comprend plus seulement comme relation à soi – ce qu’elle demeure
– mais comme expansion ; corrélativement, l’inachèvement sera synonyme de
carence en générosité. Autrement dit, la forme, l’essence, l’esse ne diffusent pas
pour trouver en autre qu’eux la perfection qui manquerait en eux, mais par
surabondance, par plénitude débordante. L’infinité de la perfection qu’est l’actus
n’est pas à entendre au seul sens intensif, tournée vers soi, comme une perfection
dans l’auto-possession de soi, comme une capacité à durer toujours, à demeurer
sans nul principe interne de corruption – le conatus spinoziste. Elle doit se
comprendre au sens en quelque sorte expansif, extatique, tournée vers l’autre que
soi, comme diffusion de soi, communication de soi. Finance distingue clairement
ces deux aspects de la perfection caractéristique de l’acte : « La perfection est, selon
saint Thomas, naturellement expansive. Non seulement elle tend à se réaliser elle-
même intégralement, si nulle puissance ne la limite : par delà son propre
accomplissement elle vise au don de soi [23] ».

C’est ce que les sciences de la matière et de la vie nous enseignent massivement


aujourd’hui – retournant, de manière aristotélicienne, à l’humble induction de ce
qui s’appelle au sens étymologique méta-physique (qui est autant méta-
cosmologique que méta-anthropologique), tout en enrichissant l’antique Physique
non seulement d’une connaissance beaucoup plus intime de la structure et du
dynamisme des êtres naturels, mais d’une perception systémique et diachronique :
depuis l’association d’un rayonnement à tout corpuscule (Louis de Broglie) et
l’auto-expansion radiative et isotrope qui est constitutive de l’étoile, jusqu’à la
communication de la vie, aussi interne (les cellules se multiplient tant que
n’intervient pas l’inhibition de contact) qu’externe (une espèce se propage avec
endurance et inventivité tant que n’intervient pas la présence autrement
conflictuelle d’une autre espèce vivante occupant le même biotope [24]),
s’élargissant magnifiquement dans l’élan évolutif qui ne cesse d’inventer de
nouvelles configurations, jusqu’à « faire des dieux » [25].

c) Communication le plus possible

Mais l’acte n’a pas révélé son alcyonienne culminance de perfection. Non seulement
il est autodiffusif, mais il se communique le plus possible. Un passage du De
Potentia, qui introduit un développement sur la génération éternelle du Fils, en
offre l’énoncé le plus limpide : « La nature d’un acte est qu’il se communique lui-
même autant que possible [26] ». L’on peut donc distinguer deux aspects dans le
principe de fécondité : le « principe de communication par nature » lui-même
(« Natura cuiuslibet actus est, quod seipsum communicet ») et sa modalité qui est
le « principe d’intensité » [27] ou de maximalité (« quantum possibile est »).

Par exemple, la forme est non seulement communicable, mais communicable le


plus possible. En effet, seule la matière en limite l’expansivité naturelle. « La
communication suit la raison d’acte [communicatio consequitur rationem actus] ;
donc toute forme, autant que cela dépend d’elle [quantum est de se], est
communicable [28] ». Il en est de même de l’esse : non subsistens [29], il tend à
communiquer la perfection de son actualité (actus essendi) à toute essence
réceptrice.

d) Communication encore mystérieuse

Si enrichie soit la doctrine de l’acte, deux interrogations demeurent ouvertes qui


introduiront la nécessité d’un nouveau concept pour penser adéquatement la
relation acte-puissance.

La première vient de l’axiome lui-même. Pourquoi l’acte ne se limite-t-il pas, ainsi


qu’on le disait, à l’auto-conservation, à la perfection de sa vie propre ? De fait, le
Dieu d’Aristote apparaît tourné vers sa propre félicité ; toute donation ad extra
appauvrirait ou menacerait cette perfection. Certes, le principe d’auto-
communication de l’acte est le fruit d’une patiente induction, notamment auprès
des vivants, que les sciences actuelles confirment ou enrichissent. Mais, d’abord,
dans les passages où Thomas (et cela vaut aussi pour les autres auteurs médiévaux)
emploie le principe de l’actus diffusivus suipsius, ces échaufaudages ont disparu.
Ensuite, demeure la question dans toute sa légitimité : l’auto-diffusion de l’acte est-
elle un principe dernier ou renvoie-t-elle à une explication encore plus ultime ?

Une seconde difficulté naît d’une exégèse fine des textes de saint Thomas. Le
principe de maximalité qualifie-t-il l’acte lui-même ou la proportion de l’acte à la
puissance ? [30] Autrement dit, l’acte s’épanche-t-il autant qu’il le peut, simpliciter,
ou bien autant que le peut la puissance réceptrice, donc secundum quid ? Certains
textes de l’Aquinate penchent vers la première hypothèse [31], d’autres vers la
seconde [32]. Or, derrière les questions herméneutiques surgissent des
interrogations métaphysique (« expliquer plus pour comprendre mieux »). D’un
côté, l’auto-communication simpliciter fait intervenir la liberté : autant elle est
concevable pour les êtres dénués de raison, autant elle pose problème pour les êtres
libres, a fortiori en Dieu. La question ne concerne pas le fait de l’auto-
détermination, supposé acquis, mais celui de sa modalité : toute communication se
doit-elle d’atteindre son maximum ? Le donateur (Dieu, l’homme, etc.) doit-il se
communiquer le plus intensément possible ? De l’autre côté, un acte qui ne
diffuserait pas le plus possible ferait migrer la finitude du côté de la cause elle-
même ; de plus, elle placerait paradoxalement la générosité toujours expansive de la
nature au-dessus de la parcimonie possible et parfois réalisée de la liberté.

Avec cette deuxième interrogation, nous avons quitté la seule considération de


l’acte pour introduire, à nouveau, son vis-à-vis qu’est la puissance. De fait, on
n’aura pas manqué de remarquer la pauvreté de la réflexion sur la puissance qui
n’est apparue qu’au titre de l’autre de l’acte et comme principe de limitation. Nous
avons aussi introduit un élément qui demeure l’un des grands non-dits de
l’élaboration aristotélico-thomasienne de la doctrine de l’acte et de la puissance, et
qui a fait l’objet d’une difficulté : la place de la liberté renouvelle-t-elle cette
différence, non pas de l’extérieur, comme l’est par exemple la différence entre
puissances rationnelles et irrationnelles déjà traitées par Aristote [33], mais de
l’intérieur, c’est-à-dire au ras même de la distinction dunamis-énergéia, qui en
recevrait une structuration différente ?
2) L’amour
C’est à ce point qu’intervient un troisième terme, non pas tant médiateur
qu’illuminateur : l’amour [34]. Mais aussitôt se pose à nous une aporie, et non des
moindres : la coexistence de deux conceptions incompatibles de l’amour humain
[35].

a) Aporie

Au sens le plus courant, l’amour est un sentiment qui naît de l’attrait d’un bien –
celui-ci devant s’entendre au sens ontologique et non moral comme ce qui plaît,
suscite une inclination. Ce bien peut non seulement être éprouvé comme aimable,
mais choisi. Dès lors, l’amour apparaît non plus comme une passion, mais comme
un acte de la volonté. C’est ainsi que, en italien, « ti voglio bene » est presque
synonyme de « ti amo ». Par conséquent, aimer, c’est vouloir le bien de l’être aimé
– telle sera la première définition de l’amour [36]. L’amour est une bienveillance,
au sens étymologique du terme.

Toutefois une telle approche ne dit pas tout. D’abord, Aristote, et S. Thomas à sa
suite, répètent souvent que le sommet de l’amour (par exemple de l’amitié) consiste
à aimer son ami comme un autre soi-même. Mais cette continuité honore-t-elle
suffisamment l’altérité d’autrui et l’expérience d’arrachement qu’implique l’amour
dans sa radicalité ? Ensuite, l’amour s’inscrit-il seulement dans le prolongement du
bien qu’est l’autre ? N’est-il pas une réponse inédite et irréductible à ce seul bien ?
Ainsi, face au bien d’une même personne, l’un réagira par la gratitude ou
l’admiration, alors que l’autre répondra, de manière totale, par l’amour.

Aussi une seconde approche semble-t-elle nécessaire qui souligne d’une part
l’irruption de l’altérité, d’autre part l’originalité de la réponse. Celle-ci réside par
conséquent en un don de soi incommensurable au bien qui a suscité l’amour. Dès
lors, l’amour se définit comme un don de soi [37]. Mais, à son tour, cette seconde
définition ne dit pas tout : elle n’exprime plus l’appel premier du bien et manque
l’enracinement de l’amour de l’autre dans le moi.

Si ces deux approches ont en commun d’être structurées à partir d’une même
tripolarité – d’un côté, l’aimant, l’aimé, le bien à communiquer ; de l’autre, le
donateur, le récepteur et le don (cadeau) –, elles s’opposent donc sur de multiples
points, notamment deux qui sont essentiels : l’amour-bienveillance valorise la
tension vers un terme tandis que l’amour-don, valorise l’origine ou le jaillissement ;
l’amour-bienveillance souligne la continuité ou le même entre le je aimant et le tu
aimé, l’amour-don la rupture ou l’altérité. « La communication suit la raison d’acte
[communicatio consequitur rationem actus] ; donc toute forme, autant que cela
dépend d’elle [quantum est de se], est communicable [38] ».

Doit-on se résigner à une bipolarité irréductible, comme le demande Romano


Guardini [39] ? Saint Thomas lit l’Écriture trop attentivement pour ignorer que
l’amour est extase de soi [40], don de soi [41] et autocommunication [42].
Toutefois, il ne définit jamais l’amour comme une auto-communication ; encore
moins explicite-t-il l’auto-communication dans le lexique de la donation. Il ne
propose donc pas de synthèse des deux définitions de l’amour. Ou bien peut-on
réconcilier ces deux pôles ? L’expérience montre qu’une même personne peut vivre
des deux formes d’amour (vouloir le bien et se donner). Se complétant, elles se
compensent mutuellement. Comme si l’amour-bienveillance et l’amour-don
rendaient compte des deux aspects constitutifs du mystère de l’amour, entrelaçant
finalité et efficience, achèvement de soi et sortie de soi, même et autre, continuité et
nouveauté, etc. Comment penser de manière réconciliée ce que la vie de l’amour,
qui nous précède, se charge d’unir ?

b) Réponse insuffisante

L’expérience dévoile aussi une évolution chronologique et plus encore ontologique,


d’une forme d’amour à l’autre. C’est elle que décrit avec minutie et profondeur
Karol Wojtyla, dans la section intitulée « Analyse générale de l’amour » – analyse
qui « a un caractère surtout métaphysique », versus les analyses psychologique et
morale – de son livre Amour et responsabilité [43]. Cette métaphysique de l’amour
s’avère être le passage progressif de l’attrait à « l’amour sponsal », autrement dit
l’amour de don, en passant par la concupiscence, la bienveillance et l’amitié (qui
implique réciprocité). Nous observons donc un progrès depuis ce que j’ai appelé
l’amour-bienveillance – inclination passive vers le bien ou les valeurs qui, passant
de la sphère sensible à la sphère spirituelle, devient volonté active de bien – à
l’amour-don : « ‘Se donner’, c’est plus que ‘vouloir du bien’ [44] ».

Cette fine analyse – la plus fine que j’ai trouvée sur l’entrelacement des deux formes
d’amour – les réconcilie-t-elle ? Il ne me semble pas. D’un côté, le futur pape fait de
l’amour sponsal l’achèvement de l’amour-bienveillance et donc le
« perfectionnement » de soi. De l’autre, il souligne la rupture : le don fait « sortir de
son propre ‘moi’ ». En proposant une vision évolutive, Wojtyla a, en réalité, et quoi
qu’il s’en défende, opté pour la perspective continuiste de l’amour-bienveillance,
contre la perspective discontinuiste de l’amour-don. Il ne peut donc dépasser le
« profond paradoxe […] de l’amour sponsal ». [45]

c) Autre proposition

Si la démarche – en quelque sorte ascendante – qui passe de l’amour-bienveillance


à l’amour-don ne tient pas ses promesses, pourquoi ne pas tenter la démarche
inverse – en quelque sorte descendante – : passer de l’amour-don à l’amour-
bienveillance ?

Une telle proposition paraît redoubler le paradoxe en invitant à comprendre le plus


imparfait à partir du plus parfait. Elle me semble pourtant détenir la clé. En voici le
cœur : l’amour doit se comprendre avant tout comme donation de soi ; en aimant,
non seulement celui qui aime sort de lui, mais il veut se communiquer le plus
possible. Il se heurte alors aussitôt au paradoxe du don de soi : en suivant sa propre
logique datrice, le moi qui se donne ne peut que se perdre. Comment le « soi » qui
est le sujet, c’est-à-dire la source du don peut-il en être aussi l’objet, c’est-à-dire ce
qui est aban-donné ? Faut-il renoncer au principe d’identité pour penser le
phénomène érotique ? Le sacrifice me semble trop grand et contient en germe
toutes les tentations mortifères d’abolition sacrificielle du moi, dont l’histoire
propose un échantillon parfois édifiant, souvent inquiétant – depuis la dissolution
des « je » dans l’amour-passion narré par la littérature, jusqu’aux spiritualités
victimales qui pullulent de la seconde moitié du dix-neuvième siècle à la moitié du
siècle suivant, en passant par les multiples variantes de la thématique toujours
renaissante de l’amour pur [46]. La seule solution est la suivante : à défaut de
pouvoir donner son ipséité, de se donner, l’aimant donnera de multiples dons qui
sont autant de biens. Ce faisant, l’amour de don devient amour comme volonté de
bien. Mais tout hiatus, a fortiori toute tension dialectique, a disparu. En effet,
l’amour authentique ne consiste pas à donner des biens ou à pouvoir le bien de
l’autre, mais à se donner dans ces biens, à travers la médiation de ces biens.
L’amour de bienveillance n’est pas une forme amoindrie de l’amour de don, une
solution de remplacement – opposée à la vision évolutive et ascendante où le
premier prépare le second, l’appelle et le promet –, mais il en est l’expression, la
manifestation efficace. Le néoplatonisme pourrait subtilement investir la relation
processuelle entre les conceptions de l’amour en la comprenant comme une chute
(à la chute ontologique dans la matière et à la chute noétique dans la représentation
s’ajouterait donc une chute éthique dans l’amour de bienveillance ou de
complaisance). Je lui oppose une conception néguentropique, sans dénivelation,
mais non sans asymétrie, de type ontophanique, faisant de l’amour de bienveillance
l’expression nécessaire mais toujours en-deçà, de l’amour sponsal. Aussi, pour se
dire et même pour exister, la richesse de l’amour ne possède-t-elle que la pauvreté
des signes.

Une confirmation peut se tirer d’une observation passionnante que l’on doit à saint
Thomas : « Les autres opérations de l’âme ne portent que sur un seul objet [unum
solum obiectum], l’amour seul semble se porter vers deux objets [solus amor ad
duo obiecta ferri videtur] ». En effet, « l’amour, lui, veut quelque chose pour
quelqu’un, car nous disons que nous aimons celui à qui nous voulons du bien ». En
revanche, « en pensant ou en nous réjouissant, il faut que nous nous portions d’une
certaine manière vers un objet [47] ». Notre auteur donne d’ailleurs un nom
différent à chacun de ces amours : amor concupiscentiæ et amor amicitiæ.
Toutefois il en demeure à ce fait très remarquable, sans en donner nulle explication
[48]. Pourquoi l’amour constitue-t-il un hapax parmi les sentiments ? Et si la
réponse était justement celle-ci : l’amour ne constitue pas un sentiment à part ?
Source des différentes passions, il ne peut que partager leur commune essence. Or,
les dix autres affects sont spécifiés par un unique objet. Ainsi, don de soi et don des
biens doivent s’unifier dans un unique dynamisme affectif hiérarchisé. Précisément,
pour éviter toute juxtaposition, le don de soi enveloppe et engendre la circulation
des dons qui, en retour, l’incarne et le révèle.

Quoi qu’il en soit du détail qui requerrait des développements beaucoup plus
amples et argumentés, concluons que l’amour est, en son essence, communication
de soi et que cet amour contient, de manière non déductive, l’amour de
bienveillance comme son expression effective.

L’on objectera que, au moins pour la créature, l’amour présuppose toujours le bien
aimé. En effet, si performative soit la parole de l’aimant (« Je t’aime »), jamais elle
ne crée son ‘objet’ – à moins de sombrer dans l’illusion romantique [49]. Loin de
précéder l’amour comme bienveillance (et l’attrait vis-à-vis du bien), le don de soi le
suit.

Il est impossible de répondre en détail à cette difficulté qui renoue avec la démarche
ascendante décrite par Karol Wojtyla. Je renverrai aux études lumineuses de
Dietrich von Hildebrand qui montre que si l’amour présuppose toujours l’appel né
de la valeur (le bien) de l’être aimé, il est aussi une réponse et, à ce titre, est un don
sans proportion avec cet appel ou attrait : le signe en est que certains sentiments
comme l’admiration ou la vénération sont proportionnés à ce bien, alors que
l’amour inclut un don que rien, dans cette valeur, ne peut nécessiter [50].

Enfin, la loi du don d’amour n’est pas seulement celle de la générosité, mais de la
générosité maximale. En effet, compris en sa logique fontale, l’amour est avant tout
don de soi ; or, l’aimant n’a pas plus grand à donner que lui-même ; par
conséquent, en se donnant, il donne le plus possible. S. Thomas l’affirme en
commentant cette autobiographie spirituelle de saint Paul qu’est le passage de Ga
2,20 « Ce n’est plus moi qui vis, pour moi vivre, c’est le Christ ») : « L’amour induit
l’union aux choses, autant qu’il est possible [quantum possibile est] ; voilà pourquoi
l’amour divin fait que l’homme, autant qu’il est possible [secundum quod possibile
est], vit non pas de sa propre vie, mais de celle de Dieu [51] ». L’on pourrait aussi
convoquer les développements de Maurice Blondel qui trouve leur aboutissement
dans une formule décisive de son dernier opus : « L’amour est par excellence ce qui
se répand, ce qui fait être, ce qui élève en donnant le plus possible de soi [52] ».

Une confirmation de cette loi d’intensité pourrait venir d’une hypothèse historique.
L’affirmation si nette de l’illimitation de l’acte n’a-t-elle pas bénéficié de la
révélation biblique et chrétienne [53] – même si on peut trouver des pierres
d’attente, notamment dans le démiurge « exempt de jalousie » du Timée [54] ? « Le
cours de l’histoire se transforme – écrit Léon Brunschvicg – lorsque, dès les
premiers siècles du christianisme, l’infini cesse décidément d’être l’imparfait et
l’inachevé, principe de désordre et de mal qu’il faut dompter et limiter pour le
soumettre à la loi de la mesure et de l’harmonie. Le Divin change de camp : il passe
du fini à l’infini [55] ». Or, l’on sait combien centrale est la révélation de l’amour de
Jésus « jusqu’au bout [éis télos] » (Jn 13,1), cet amour filial manifestant lui-même
« la trop grande charité [nimiam caritatem] » du Père (Ép 2,4. Trad. de la Vulgate).
Ainsi, la modalité maximale serait, une nouvelle fois, corrélée à l’amour : la mesure
d’aimer (Dieu, mais aussi toute créature, voire à l’intime de celle-ci) est d’aimer
sans mesure.

3) L’union amative de l’acte et de la puissance

a) L’acte

Résumons le chemin parcouru. Nous avons d’abord établi que, en son essence,
l’acte n’est pas d’abord une perfection close reposant en elle-même, mais se
communique et que cette générosité obéit à une loi du maximum. Nous avons
ensuite montré que, là encore en son noyau brûlant, l’amour n’est pas d’abord un
attrait (passif) du bien ou un vouloir (actif) du bien de l’aimé, mais auto-donation et
auto-donation régie par la plus haute générosité possible.

Puisque l’amour, comme l’acte, non seulement se communique, mais se


communique « quantum est possibile », nous pouvons maintenant affirmer que
l’amour est la raison ultime de la loi d’illimitation de l’acte autant que de sa
modalité intensive. Autrement dit, l’union si étroite de l’acte et de la puissance
s’éclaire à la lumière de l’amour, est un lien de nature amative. Dit encore
autrement, par amour, l’énergéia se communique – et se communique le plus
possible – à la dunamis.

Le logicien objectera que les deux prémisses ont même prédicat et donc que, sans
proposition négative, le syllogisme ne conclut pas. Répondre qu’il s’agit de deux
définitions, donc d’énoncés permutables, ne suffit pas : la symétrie demeure.
Qu’est-ce qui nous assure de la précédence de l’amour sur l’acte ?

D’abord, l’amour qui unit l’acte à la puissance est un amour de don et le don est
corrélatif à la réception ; la puissance est donc à l’acte comme son récepteur. De
fait, s. Thomas identifie parfois puissance à réceptivité : « Nul acte n’est fini que par
la puissance qui est une aptitude réceptive [potentiam, quæ est vis receptiva] [56]
». Or, les notions de donation et réception expliquent d’autres couples
métaphysiques, comme la substance et l’accident, le participant et le participé [57],
voire les transcendantaux comme le vrai, le bien ou le beau [58]. Plus universels
que l’acte et la puissance, ils sont donc antérieurs. Claude Bruaire, dans son
ontodologie, accordait au don la même extension que l’être.

Ensuite, les commentateurs de l’Aquinate emploient volontiers le vocabulaire du


don pour interpréter les relations entre acte et puissance. Nous avons noté ci-
dessus que le père de Finance parle de la diffusion de l’acte en terme de donation
(« La perfection […] par delà son propre accomplissement vise au don de soi »). De
même, le père Dewan relit le rôle respectif de la forme et de l’être dans les termes de
la dynamique du don : « La forme est une potentialité réceptive de l’esse [59] ». On
se souvient du texte justement célèbre d’Aristote traitant de la matière, principe
potentiel : « Mais le sujet du désir, c’est la matière, comme une femelle désire un
mâle, et le laid le beau [60] ».

Enfin, nous avons noté ci-dessus la tension entre deux séries d’affirmations
relatives à l’illimitation de l’acte : les premières renvoient au seul acte (la puissance
active), c’est-à-dire au donateur, les secondes à la puissance passive, c’est-à-dire au
récepteur. Or, la réception, plus que la puissance, exprime une logique propre que
la logique d’épanchement généreux se doit d’honorer. Cette patience respectueuse
se retrouve dans l’adage scolastique qui convoque, avec une insistance qui est plus
que pédagogique, la catégorie amative de réception et non celle de potentialité :
« Omne quod recipitur ad modum recipientis recipitur ». Dès lors, la puissance
(potentia passiva) se comprend comme le principe limitatif de cette expansion de
soi infinie [61] ; mais cette determinatio, loin d’être seulement une negatio, un
interdit à l’épanchement (qui, repris au plan anthropologique, la psychanalyse
aidant, sera suspecté de toute-puissance), doit être réinterprétée positivement
comme une réception, donc relue dans le cadre d’une métaphysique du don, c’est-
à-dire de l’être comme amour.

Concluons donc que la propension la plus intime et la plus radicale de l’acte est –
comme l’amour et surtout par amour – de se donner « quantum possibile est »,
c’est-à-dire autant que lui permet son actualité.

b) La puissance

La véhémence ontologique pour laquelle plaide Paul Ricœur est d’abord une
véhémence de l’acte. Pour autant, elle n’est pas absente du deuxième pôle, c’est-
à-dire la puissance. Celle-ci est liée à l’acte comme ce qui la reçoit. Si l’acte est ce
qui, par amour, se communique le plus possible, la même loi d’intensification vaut
du côté de la puissance. Il faut donc comprendre, en vis-à-vis, la dunamis comme ce
qui reçoit le plus possible. De fait, saint Thomas n’hésite pas à contempler un infini
(certes, d’imperfection, mais bien réel) du côté de la puissance, de la matière et de
la réceptivité [62].

Cette dynamique, voire cette méta-loi de réceptivité et de potentialité maximale se


déploie en au moins quatre lois que je me contenterai d’énoncer :

1. La loi d’étalement maximal : l’acte se donne d’autant plus qu’il est reçu dans
des sujets potentiels qui le multiplient et remplissent ainsi le milieu
disponible, non sans une réelle diversification et inventivité qui, à la mesure
de la perfection, résorbe toute altérité individuelle dans une différence
spécifique.
2. La loi de stratification maximale : l’acte se communique le plus possible s’il
suscite aussi une hiérarchie non plus seulement individuelle, mais spécifique
et générique, selon une combinatoire qui, si elle ne saurait épuiser le double
infini de l’acte et de la puissance, tend à la plus haute créativité. Cette loi se
manifeste aussi dans une richesse plurale et ordonnée de configuration qui
joint à la sagesse de l’harmonie et de la finalité orientatrice, le jeu léger et
gratuit, confinant parfois au grotesque.
3. La loi d’attente maximale : le don s’offre d’autant plus qu’il est davantage
désiré et qu’il désire davantage. La nature aspire à l’homme et même à Dieu
(omnia appetunt a Deo) [63]. La largeur qui est buissonnement horizontal se
double d’une hauteur qui est élévation scalaire et se triple d’une profondeur
d’attente qui introduit, sans nulle rupture, le don jusque dans l’intimité. Si
saint Thomas contemple cet universel appetitus dans son paisible mouvement
ascendant, la Naturphilosophie fut aussi fascinée par les ténèbres de l’abîme
qui résiste à cette ascension, leur accordant un poids qui peut aller jusqu’à la
chute, comme une attirance négative à laquelle il faut s’arracher pour
conquérir l’acte comme une victoire. Cet agonie (au sens étymologique)
radicale se retrouve a minima dans la lutte horizontale plus encore que
verticale entre espèces ou individus, pour peu que son interprétation la
circonscrive dans le cadre enveloppant et bénéfique de la généreuse fécondité.
4. La loi de progressivité maximale. Les trois premières lois, synchroniques,
épousaient la tridimensionnalité de l’espace ; la quatrième les historicise dans
l’épaisseur de la diachronie. L’acte se donne d’autant plus qu’il se déploie dans
la patience du temps, à la fois continue et saltatoire. L’évolution progressive et
créatrice couvre désormais l’entièreté des êtres cosmiques.

4) Conclusion
Je répondrai d’abord très succinctement aux trois objections soulevées dans
l’introduction, avant de proposer une ouverture en direction de la foi, selon la
perspective de ce colloque.

À la première difficulté, le corps du texte a déjà répondu, montrant que désormais


l’union d’amour et la distinction don-réception sont les notions premières à partir
desquelles toute autre concept, différence doit être pensé – ce qui ne signifie pas
déduit, surtout en régime amatif.

À la deuxième difficulté, je réponds que, de prime abord, l’amour ou le couple


donation-réception semble desserrer l’unité entre les co-principes essentiels ; il
reviendra à une métaphysique de l’unum compris à partir de la centralité de l’être
comme amour de conjurer le risque d’une unité seulement terminale face à une
multiplicité principielle [64].

À la troisième difficulté, je réponds que cette extension de l’amour à tout l’être


embarrasse ni le grec ni le médiéval [65], mais le moderne pour qui l’esprit
s’arrache à la nature. L’idéalisme allemand ne manque pas de ressource en ce sens.
Ne faudrait-il pas opérer pour l’amour ce que Hegel a fait pour la pensée qui,
partant du sens courant l’identifiant à une « activité subjective » [66], l’a étendu à
l’ensemble de l’être – mais la dialectique en moins ? S’il convient d’honorer l’inédit
introduit par la liberté, la relecture de la différence acte-puissance en clé de
donation-réception permet de mieux percevoir la continuité. Il demeure que le
travail est encore à faire pour montrer, de l’intérieur, combien la liberté configure
de manière nouvelle l’autocommunication propre à l’être d’esprit. Citons à ce sujet
le raisonnement d’un philosophe québecois qui était aussi un observateur attentif
du cosmos : « l’amour » est « l’aptitude ou la proportion d’une chose à l’égard d’une
autre chose » ; or, « la puissance » est « aptitude à l’acte » ; par conséquent, non
seulement l’amour lie l’acte à la puissance, mais il s’étend à tout le cosmos : « il y a
de l’amour dans l’inanimé et le végétal aussi bien dans le connaissant [67] ».

Les deux méta-lois de communication maximale et de réception maximale en


appellent une troisième, l’unité – une unité sponsale analogiquement graduée – elle
aussi de plus haute intensité, voire elles se dépassent toutes en un excès qui n’est
pas hubris, dans une dernière méta-loi, de fécondité maximale.

Comment, dans un regard de foi, ne pas lire ici une trace, un vestigium – qui ne
sera jamais un signe propre et un effet nécessaire [68] – du mystère tripersonnel du
Dieu unique, mais aussi de sa manifestation économique dans l’Incarnation ? En
ces jours d’Avent où notre méditation va vers une femme dont le sein caché – qui
prolonge et révèle la profondeur d’attente de tout le peuple élu [69] et l’espace
d’obéissance offert par une âme qui n’est que Fiat (prius concepit in mente) –
accueille le Désiré des nations qui est le don le plus sublime offert par le Père des
lumières (cf. Jc 1,17) à la création tout entière (cf. Rm 8,19 s), je propose de laisser
la parole à un penseur allemand malheureusement presque inconnu en France,
Hans André – précisément en citant la fin d’un opuscule de Gustav Siewerth qui lui
est dédié. Croisant le plus ajusté et stimulant de la Naturphilosophie avec le plus
actualisable de la cosmologie aristotélico-thomiste, le botaniste-philosophe propose
une vision du cosmos centrée sur l’union sponsale de l’acte et de la puissance relue
dans leur concrétude comme les noces de la terre et du ciel, de la hauteur généreuse
de la donation céleste venant à la rencontre de la profondeur d’attente surgissant de
la pauvreté réceptive de la terre.

« Un tel accueil [André parle de l’Incarnation] ne lui est donné que sur la Terre, au
‘lieu du pain’ ou au ‘Bethléem de ce monde’, comme Schelling l’a appelé. C’est que
tout étant est fondé en lui de manière substantielle, intime, enracinée par le cœur et
la terre – ne s’ouvant ainsi au mystère divin que dans la mesure où il est conduit à
un ébranlement qui force à l’accueil du fondement radical, aimant et générateur, de
la nature. C’est pourquoi la Terre est pour André ‘vraiment et effectivement le lieu
de la grandeur comme par petitesse, de la richesse comme par pauvreté, de
l’accomplissement comme par manque, du retour comme par exil, de la montée
comme par déclin, de la fruition comme par enracinement’ [autant de manières de
dire le nœud intime de l’acte et de la puissance]. C’est pourquoi l’enfant dans la
crèche est la marque par excellence de l’impuissance de la créature, revenu de soi-
même au commencement dont la fin est la fin sans fin dans la jeunesse sans
vieillesse – dans ‘le maintenant verdissant et fleurissant éternellement de la vie
triuni-tripersonnelle de Dieu’ [70] ».

Pascal Ide, 20 décembre 2011

[1] Jacques Maritain, Court traité de l’existence et de l’existant, Paris, Paul


Hartmann et Flammarion, 21964, p. 73.

[2] Cf., notamment : P. Ide, « Une métaphysique de l’être comme amour : relation
ou substance ? », II Journées internationales Philosophie et culture.
Fenomenologia i ontologia, avui: Esser, amor, do, Barcelone, Université Ramon
Llull, Faculté de philosophie, 9 mars 2011, Comprendre. Revista catalana de
filosofia, 13/2 (2011), p. 19-54 ; « ‘Velut magnum carmen ineffabilis modulatoris’.
Bellezza, splendore dell’amore », « Attirami dietro a te » (Ct 1,4). La bellezza luce
della verità, Roma, Pontificio Istituto di Spiritualità del Teresianum, Ed. OCD,
2012, p. 71-127 ; Une théo-logique du don. Le don dans la Trilogie de Hans Urs von
Balthasar, coll. « Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium » n° 256,
Leuven, Peeters, 2013, p. 600-618 et 700-704 ; La triple apparition de la beauté, à
paraître.

[3] Cf. Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, coll. « L’ordre philosophique »,
Paris, Seuil, 1990, dixième étude, p. 351-367 ; cf. la synthèse dans Id.,
« L’attestation : entre phénoménologie et ontologie », Paul Ricœur. Les
métamorphoses de la raison herméneutique. Actes du colloque de Cerisy-la-Salle,
Jean Greisch et Richard Kearney (éd.), coll. « Passages », Paris, Le Cerf, 1991, p.
381-403.

[4] Pour une première confrontation entre phénoménologie et métaphysique à


propos de ce thème, cf. Edith Stein, Potenz und Akt. Studien zu einer Philosophie
des Seins, Werke, Hans Rainer Sepp (éd.), Freiburg im Breisgau-Basel-Wien,
Herder, tome 18, 1998.

[5] J’ajouterai seulement qu’il ne me semble pas nécessaire d’écarter la substance


pour lui préférer l’acte, ainsi que le fait Ricœur au nom de la supériorité de l’ipséité
sur la mêmeté (cf. Pascal Ide, « Une métaphysique de l’être comme amour : relation
ou substance ? », art. cité).

[6] Cf. ST, Ia-IIæ, q. 27, a. 3.

[7] ST, IIa-IIæ, q. 26, a. 4.

[8] Cf. les critiques de Josef Seifert, Essere e persona. Verso una fondazione
fenomenologica di una metafisica classica e personalistica, trad. Rocco Buttiglione,
Milano, Vita e Pensiero, 1989, chap. 9 ; Jean-Luc Marion, Le phénomène érotique,
Paris, Grasset, 2003.

[9] Dans un registre plus noétique et plus formel, on pourrait dire que, dans l’ordo
determinandi autant que dans l’ordo demonstrandi, l’universel précède le moins
universel ; or, les catégories acte-puissance qui font partie des primes notions
indéductibles en métaphysique sont plus universelles que la notion d’amour ; donc,
là encore, le dipôle acte-puissance explique l’amour au lieu d’être expliqué par lui.

[10] Aristote, Physiques, Gamma, 1, 201 a 10-11 De l’âme, B, 1, 412 a 28-29.

[11] Aristote, qui est l’inventeur du terme énergéia, l’autorise en posant une
équivalence entre « kata entéléchéian » et « kata to ergon » (Métaphysique, Théta,
1, 1045 b 33-34), même s’il introduit une différence en d’autres passages (par
exemple, Ibid., 8, 1050 a 21-23). Cf. George Alfred Blair, Energeia and Entelecheia.
« Act » in Aristotle, Ottawa, University of Ottawa Press, 1992.

[12] Cf., par exemple, Iohannes Gredt, « Doctrina thomistica de actu et potentia
contra recentes impugnationes vindicatur », Acta Pontificiæ Academiæ Romanæ S.
Thomæ Aquinatis, I, 1934, p. 35 ; Id., Doctrina thomistica de potentia et actu
contra recentes impugnationes vindicatur, Torino-Roma, Marietti, 1935 ; Lorenz
Fuetscher, Akt und Potenz, Innsbrück, Rauch, 1933, p. 68 ; Réginald Garrigou-
Lagrange, Reality : A Synthesis of Thomistic Thought, St. Louis (Mo.), Herder,
1950, p. 43-44 ; Carlo Giacon, Atto e Potenza, Brescia, La Scuola, 1947, p. 46.

[13] The Doctrine of Being in the Aristotelian Metaphysics, Toronto, Pontifical


Institute of Medieval Studies, 1951, p. 297.

[14] Cf. particulièrement Contra Gentiles, L. I, ch. 43, n. 17.

[15] Sophiste, 256 e. Sur la théorie plus ancienne, cf. Philèbe, 16-18 ; 23 c-30 ; 61-67
; Politique, 283 c-285 a ; Lois, L. IV, 716 c. L’un des meilleurs exposés demeure
celui de Léon Robin, Platon, coll. « Grands Philosophes », Paris, Alcan, 1934, ch. 4.

[16] Cf. Plotin, Ennéades, V, 3, 12 ; V, 5, 6 et 10-11 ; VI, 7, 18 et 32 etc. ; En fait,


l’Un-Bien plotinien ne se donne pas comme le Dieu biblique (cf. l’article éclairant
de Jean-Louis Chrétien, « Le Bien donne ce qu’il n’a pas », La voix nue.
Phénoménologie de la promesse, coll. « Philosophie », Paris, Minuit, 1990, p.
259-274 ; cf. aussi Agnès Pigler, Plotin une métaphysique de l’amour. L’amour
comme structure du monde intelligible, coll. « Tradition de la pensée classique »,
Paris, Vrin, 2002, 1ère partie).

[17] Cf. Proclus, Institution théologique, XXV, etc. ; De Causis, Prop. iv, xix, etc.

[18] Sur l’évolution qui part de Platon, passe par le moyen platonisme et l’école
néoplatonicienne d’Alexandrie, pour aboutir au néo-platonisme chrétien, cf.
Ambroise Gardeil, art. « Bien », Dictionnaire de Théologie Catholique, Paris,
Letouzey & Ané, tome 2/1, 1905, col. 825-843, ici col. 827 s.

[19] Cela est bien connu pour saint Bonaventure et l’école franciscaine ; cela est
plus ignoré pour saint Thomas d’Aquin qui a évolué, ainsi que le montre la
différence d’exposé du mystère trinitaire entre le De potentia et la Summa
theologiæ, mais n’a jamais renié la portée du principe de diffusivité de l’acte et du
bien dans l’intelligence du mystère trinitaire (cf., notamment, Emmanuel Perrier,
La fécondité en Dieu. La puissance notionnelle dans la Trinité selon saint Thomas
d’Aquin, coll. « Bibliothèque de la Revue thomiste », Paris, Parole et Silence, 2009).

[20] D’où l’importance d’expressions comme « forma dat esse » sur laquelle
Cornelio Fabro a justement attiré l’attention. Cf. aussi les travaux de Lawrence
Dewan, notamment Form and Being. Studies in Thomistic Metaphysics, coll.
« Studies in Philosophy and the History of Philosophy » n° 45, Washington DC, The
Catholic University of America Press, 2006.

[21] ST, Ia, q. 4, a. 3, ad 3um. Cf. De pot., q. 7, a. 2, ad 9um.

[22] Cf. Pascal Ide, Introduction à la métaphysique. I. Vers les sommets, coll. « Les
cahiers de l’École cathédrale » 8, Paris, Mame, 1994, chap. 1.

[23] Joseph de Finance, Être et agir dans la philosophie de saint Thomas, coll.
« Bibliothèque des Archives de philosophie », Paris, Beauchesne, 1955, p. 67. Cf.
chap. 2, notamment « L’illimitation de l’acte », p. 54-59 et « La fécondité de
l’acte », p. 63-77.

[24] Cf. la suggestive illustration fournie par Philippe Jamet, La quatrième feuille.
Trois études naturelles sur le développement durable, Paris, Presses de l’Ecole des
Mines, 2004.
[25] L’on pourrait poursuivre l’induction au plan anthropologique et faire observer
que Freud et, plus encore, Lacan, ont trop identifié la toute-puissance infantile,
donc régressive, à l’indéfini, et l’accès au symbolique, au consentement à la finitude,
voire à la mort. Sans nier d’autres influences comme celle de Hegel (relu
anthropologiquement) via Kojève, nous trouvons ici une trace du débat grec et une
problématique qui n’a pas bénéficié des progrès dus au néoplatonisme grec puis
médiéval. Les actuels débats sur la vulnérabilité sont aussi sigillés par cette
ambiguïté (cf. Pascal Ide, « L’homme vulnérable et capable. Une alternative au
dilemme puissance-fragilité », Bernard Ars (éd.), Fragilité, dis-nous ta grandeur !
Un maillon clé au sein d’une anthropologie postmoderne, coll. « Recherches
morales », Paris, Le Cerf, 2013, p. 31-88).

[26] De pot., q. 2, a. 1. L’ajout « quantum possibile est » semble provenir de la


traduction latine du texte dionysien sur la Hiérarchie céleste, ch. 4 : « Hierarchia
est divinus ordo et scientia et actio, deiforme, quantum possibile est, similans, ad
inditas ei divinitus illuminationes proportionabiliter in Dei similitudinem
conscendens » (Hypothèse communiquée par Emmanuel Perrier que je remercie).

[27] Sur la distinction de ces « deux éléments indissociables », mais « non


réductibles l’un à l’autre », cf. le précieux commentaire d’Emmanuel Perrier, La
fécondité en Dieu. La puissance notionnelle dans la Trinité selon saint Thomas
d’Aquin, coll. « Bibliothèque de la Revue thomiste », Paris, Parole et Silence, 2009,
p. 90-93. Je remercie aussi l’auteur pour certaines références ci-dessous.

[28] In I Sent., d. 4, q. 1, a. 1. Cf. ST, Ia, q. 7, a. 1.

[29] « Esse significat aliquid completum et simplex, sed non subsistens » (De pot.,
q. 1, a. 1).

[30] Joseph de Finance a déjà noté cette difficulté d’interprétation (cf. Être et
agir…, p. 57 s).

[31] Cf., par exemple : In III Sent., d. 22, q. 3, a. 3, qc. 2, resp. ; In IV Sent., d. 24, q.
1, a. 1, qc. 1, resp.

[32] Cf., par exemple : ST, Ia, q. 19, a. 2

[33] Cf. Métaphysique, Théta, 2.

[34] Un des rares ouvrages contemporains traitant de l’amour au sens


métaphysique est celui de Frederick D. Wilhelmsen, La metafisica del amor,
Madrid, Rialp, 1964.

[35] La distinction qui va être élaborée de l’amour-attrait et de l’amour-don se


rapproche du binome de l’amour « extatique » et de l’amour « physique » élaboré
par Pierre Rousselot, voire du couple agapè-éros tel qu’il est dialectisé par Anders
Nygren. Pour la bibliographie et certains développements, je renvoie à Pascal Ide,
« Le corps et l’âme humains sont-ils unis par amour ? », Pedro Barrajón (éd.), La
teologia del corpo di Giovanni Paolo II. Atti del Convegno internazionale, 9-11
novembre 2011, Roma, Ateneo Pontificio Regina Apostolorum, 2012, p. 143-184.

[36] Cf. Aristote, Rhétorique, B, 3, 1380 b 35-37. Repris dans Summa contra
gentiles, L. III, ch. 90, n. 6 ; etc.
[37] Cette conception est par exemple développée en détail par le théologien suisse
von Balthasar. Sur la comparaison avec la conception thomasienne, cf. Pascal Ide,
Une théologie de l’amour. L’amour, centre de la Trilogie de Hans Urs von
Balthasar, Bruxelles, Lessius, 2012, 2012, p. 219-242 ; Id., Une théo-logique du don,
p. 681-704.

[38] In I Sent., d. 4, q. 1, a. 1. Cf. ST, Ia, q. 7, a. 1.

[39] Cf. Romano Guardini, La polarité. Essai d’une philosophie du vivant concret,
trad. Jean Greisch et Françoise Todorovitch, coll. « La nuit surveillée », Paris, Le
Cerf, 2010.

[40] Cf. ST, Ia-IIæ, q. 28, a. 3.

[41] Cf. Super Ioannem, ch. 3, l. 3, n. 480.

[42] Cf. Ibid., ch. 15, l. 2, n. 2036.

[43] Cf. Karol Wojtyla, Amour et responsabilité. Étude de morale sexuelle, trad.
Thérèse Sas revue par Marie-Andrée Bouchaud-Kalinowska, Paris, Éd. du Dialogue
et Stock, 1978, p. 63-91, ici p. 86.

[44] Ibid., p. 87.

[45] Ibid., p. 88.

[46] Cf. Jacques Le Brun, Le Pur Amour de Platon à Lacan, coll. « La librairie du
xxie siècle », Paris, Seuil, 2002.

[47] Summa contra gentiles, L. III, ch. 91, n. 10. Cf. Alphonse Wohlman, « Amour
du bien propre et amour de soi dans la doctrine thomiste de l’amour », Revue
thomiste, 81 (1981), p. 205-234.

[48] Citant ce constat, Livio Melina, José Noriega et Juan José Perez-Soba,
l’enrôlent dans une compréhension intersubjective de l’amour par la médiation
objective du bien, mais n’interrogent pas plus la situation unique de l’amour parmi
les passions et les actes de l’homme (Camminare nella luce dell’amore. I
fondamenti della morale cristiana, Siena, Cantagalli, 2008, p. 130).

[49] Cf. Josef Pieper, De l’amour, trad. Jean Granier, coll. « Josef Pieper », Genève,
Ad Solem, 2010, chap. 2, § 6.

[50] Cf. Dietrich von Hildebrand, Das Wesen der Liebe, Ratisbonne, Josef Habbel,
1971, notamment le chap. 4.

[51] In III Sent., d. 29, q. 1, a. 3, ad 1um.

[52] Exigences philosophiques du christianisme, coll. « Bibliothèque de philosophie


contemporaine », Paris, p.u.f., 1950, p. 241. C’est moi qui souligne.

[53] Norris W. Clarke (« The Limitation of Act by Potency Aristotelianism or


Neoplatonism », The New Scholasticism, XXVI [1952], p. 167-194) estime que le
renversement spectaculaire de la relation entre acte et infini n’est pas lié à une
évolution interne de la philosophie, mais à l’impact des religions : d’abord, les
religions à mystère venues de l’Est ; mais aussi la Bible : Philon, en effet, semble
être le premier penseur à avoir appliqué à Dieu l’attribut d’infini (cf. De opificio
mundi, VI, 23 ; cf. aussi De sacrificiis Abelis et Caini, XV, 59).

[54] Platon, Timée, 29 e ; cf. aussi Lois, 715 e – 716 a.

[55] Le rôle du pythagorisme dans l’évolution des idées, Paris, Hermann, 1937, p.
23.

[56] Compendium Theologiæ, I, ch. 18. Cf. aussi Contra Gentiles, I, ch. 43.

[57] Cf., à ce sujet, Quodl. III, q. 8, a. 20.

[58] Cf. la relecture de Hans Urs von Balthasar, dans Epilog, Einsiedeln, Johannes,
1987, II, 5-7.

[59] Liliana Beatriz Irizar, « Form and Being in Thomas Aquinas. A Study of
Lawrence Dewan’s Metaphysical Proposal », Science et Esprit, 62/1 (2010), p.
39-59, ici p. 51. Souligné dans le texte.

[60] Physiques, A, 9, 192 a 22 ; cf. Plotin, Ennéades, II, 4, 16, 13-15

[61] Ce n’est pas un hasard si S. Thomas énonce ce principe dans le cadre d’un
article tentant de rendre compte théologiquement de la génération intratrinitaire.

[62] « La puissance a l’infinité de par son essence [quamvis potentia habeat


infinitatem ex essentia] » (De Pot., q. 1, a. 2) ; « La matière première est infinie
dans sa potentialité [materia prima sit infinita in sua potentialitate] » (Contra
Gentiles, L. I, ch. 43, n. 6) ; « La matière première a une vertu infinie pour recevoir
[virtutem infinitam ad recipiendum] » (Compendium Theologiæ, I, ch. 19).

[63] « Non seulement l’homme ou l’ange, mais toute créature aime Dieu plus
qu’elle-même [quælibet creatura plus amat Deum quam seipsam] » (Quodl. I, q. 4,
a. 3). Cf. Luis-Beltrán Gillon, « Primacía del apetito universal de Dios según Santo
Tomás », La ciencia Tomista, 63 (1942), p. 329-342.

[64] Pour un premier essai en ce sens, mais appliqué à la seule unité à la relation
entre le corps et l’âme, cf. Pascal Ide, « Le corps et l’âme humains sont-ils unis par
amour ? », art. cité.

[65] Sur l’amour au sens métaphysique qui embrasse tout le cosmos, cf. Julio Raúl
Méndez, El amor fundamento de la participatión metafisica. Hermenéutica de la
« Summa contra Gentiles », Buenos Aires, Ed. Sudamericana, 1990.

[66] Encyclopédie des sciences philosophiques. I. Science de la logique, Add., § 20.

[67] Le cosmos, in Œuvres de Charles De Koninck. Tome 1. Philosophie de la


nature et des sciences, éd. Yves Larochelle, Laval, Presses de l’Université Laval, 2
vol., vol. 1, 2009, p. 98. L’ancien recteur de l’Université Laval en tire aussi une
conséquence heureuse : comme « il y a de l’amour dans la plante, mais il n’y a point
de connaissance » (p. 100), donc « l’amour précède la connaissance dans l’évolution
de la nature » (p. 101). Cf. Pascal Ide, « La philosophie de la nature de Charles de
Koninck », Laval théologique et philosophique, 66 (2010), p. 459-601, 3e partie.

[68] Cf. ST, Ia, q. 32, a. 1, ad 2um.


[69] Pour Thomas, les catégories explicatives ultimes de la relation entre Ancienne
et Nouvelle Alliance sont celles d’acte et de puissance, car elles incluent toutes les
autres (cf. ST, Ia-IIæ, q. 91, a. 5, c. ; q. 107, a. 1, ad 2um).

[70] Gustav Siewerth, André’s Philosophie des Lebens (mit einem General-Register
zu dem dreibändigen Hauptwerk Vom Sinnreich des Lebens – Wunderbare
Wirklichkeit – Majestät des Seins -Annäherung durch Abstand), coll. « Wort und
Antwort » n° 22, Salzburg, Otto Müller, 1959, p. 64. Une traduction d’Emmanuel
Tourpe et un commentaire détaillé de Pascal Ide paraîtra chez Ad Solem, 2014.

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