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Coopérer dans un contexte de diversité de cultures : Une étude au

sein de multinationales françaises au Cameroun

Suzanne Marie APITSA


Docteur en Sciences de Gestion
de l’Université de Rouen - Nimec

E-mail : Suzanne.apitsa@orange.fr

Résumé :
La mondialisation a provoqué de nombreux flux d’échanges et d’investissements directs
étrangers (IDE) dans l’économie mondiale. En Afrique, cette mutation a entrainé une
croissance économique soutenue pour une grande part par les IDE venus des pays émergents.
Ce dynamisme économique en Afrique renforce les importants défis managériaux auxquels
font face les pays africains dont celui de la gestion de la diversité culturelle qui intéresse cet
article. L’Afrique est un creuset de cultures et d’ethnies. Cela autorise à questionner cette
diversité au sein des firmes en Afrique. De nombreuses recherches en management en Afrique
ont montré que les traits culturels africains avaient un impact sur les pratiques managériales. Il
nous a semblé pertinent de nous préoccuper de la coopération interculturelle à travers le cas
de deux multinationales françaises implantées au Cameroun, « Afrique en miniature ».
L’objectif est de comprendre les sources de ruptures, de tensions et de conflits qui peuvent
naître des contacts interculturels dans le contexte d’étude. Les résultats montrent un ensemble
d’éléments culturels qui interagissent dans les multinationales étudiées. L’analyse des
attitudes et comportements des individus, dans le cadre de leurs interactions, suggère de les
mobiliser pour définir les outils de synergie interculturelle, utiles pour coopérer, échanger
avec succès et motiver les équipes multiculturelles en Afrique.
Mots clés : diversité, management interculturel, multinationales, Cameroun/Afrique.

Introduction

La création de filiales à l’étranger, les rapprochements inter-firmes ou tout autre accord


contractuel international supposent un contact permanent avec des personnes de cultures
différentes ou tout au moins la constitution d’équipes multiculturelles. Cette perspective
traverse les problématiques de gestion des entreprises tant au niveau international que national
et est une préoccupation dans la réflexion stratégique des entreprises. L’idée sous-jacente est
celle de savoir comment gérer la diversité qui compose l’entreprise ou encore comment
permettre de faire travailler ensemble des personnes de cultures différentes. De nombreux
travaux dans le champ du management interculturel et de la gestion de la diversité se sont
penchés sur la question (D’Iribarne, 2008a, 2009 ; Shore et al., 2009 ; Peretti, 2012 ; Dupuis,
2013 ; Pichault et Nizet, 2013 ; Guénette et al., 2014). En management interculturel, les
recherches ont montré l’importance de la prise en compte des différences culturelles pour le
développement des pratiques de gestion des ressources humaines (GRH) et ont souligné que
le potentiel des synergies culturelles des individus peut être à l’origine d’un avantage
concurrentiel (Hofstede, 2001 ; Adler, 2002 ; Chevrier, 2003, 2009 ; Mutabazi, 2004 ; Davel
et al., 2009). Dans le domaine de la gestion de la diversité, les travaux définissent la diversité,
identifient ses caractéristiques et présentent ses enjeux et ses défis (Kochan, 2003 ; Thomas,
2004 ; Point, 2007 ; Bruna et Chauvet, 2013 ; Kamdem, 2014). Ils montrent que la diversité a
des effets positifs mais qu’elle peut être aussi source de tensions voire de frustrations (Prasad
et Mills, 1997 ; Robert-Demontrond et Joyeu, 2006).

Cette contribution s’inscrit dans cette perspective et dévoilent quelques éléments culturels qui
peuvent nuire aux contacts interculturels dans un contexte de diversité. Comment coopérer
efficacement dans un contexte de diversité de cultures ? En effet, la rencontre des individus de
cultures différentes ne se fait pas sans heurts. Comme le souligne Chevrier (2009), lorsque les
clivages culturels s’opposent à d’autres clivages, la culture est parfois instrumentalisée par les
groupes en présence et sert de masque aux jeux d’intérêts. Cela peut rendre la collaboration
difficile, dégrader le climat social et in fine entraver la productivité de l’entreprise. Parler de
diversité signifie prendre en considération les différences et les similitudes qui forment un
ensemble (Thomas, 2004). Le problème, tel que le stipulent Prasad et Mills (1997), est que les
travaux sur la diversité ne dévoilent que très peu les conflits et ruptures qui naissent des
rapports interculturels.

Ainsi, quelles sont les sources de ruptures et de tensions qui naissent des contacts
interculturels ? Pour répondre à cette interrogation, nous nous appuyons sur le cas de deux
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multinationales françaises implantées au Cameroun. L’analyse porte sur les attitudes et les
comportements des acteurs sociaux dans le cadre de leurs interactions culturelles et sociales
en milieu professionnel. Les interactions entre les acteurs en milieu de travail constituent
l’essence des rationalités des individus (Crozier et Friedberg, 1977).

Cet article se construit comme suit. La première partie offre des éclairages théoriques sur le
fondement de la recherche. La deuxième partie présente la démarche méthodologique. Les
différents éléments de l’étude empirique sont exposés et articulent l’objet de la recherche.
Enfin, les résultats sont discutés et la conclusion suggère des éléments d’implication
managériale.

1. Les fondements de la recherche

L’entreprise est le lieu d’intégration de la diversité et d’accomplissement des synergies


culturelles. Parler de la coopération interculturelle en entreprise exige de s’interroger sur la
diversité et sa gestion au sein de l’entreprise. Aujourd’hui, cette question de la diversité
suscite un certain intérêt et alimente les débats contemporains. Cependant, elle semble peu
stabilisée dans les discours managériaux. La diversité est un thème qui a émergé dans un
premier temps dans la littérature anglo-saxonne pour connoter la réalité de la diversité
culturelle humaine.

Dans la littérature francophone, ce sont les travaux de Sainsaulieu (1977) qui vont permettre
de matérialiser la notion de diversité culturelle au sein des entreprises. Pour l’auteur,
l’entreprise est un ensemble de micro-cultures. Celles-ci ont toujours été appréhendées sous
l’angle de métier et de catégorie socioprofessionnelle. Dans ses travaux, il va tenter de
dépasser le cadre d’analyse des cultures professionnelles et prendre conscience de
l’importance et des effets de la diversité culturelle des individus au sein des entreprises. Pour
comprendre le lien qui existe entre la culture des individus et la culture d’entreprise à laquelle
ces individus se réfèrent et à laquelle ils s’identifient collectivement, il analyse leurs attitudes
et leurs comportements au travail. Cela l’amène à préciser que l’entreprise est « une
organisation structurée de représentations, de valeurs, de normes et de symboles dont la
logique interne est suffisamment indépendante d’autres institutions comme la famille, l’Etat,
l’école ou la religion... » (Sainsaulieu, 1987, p.207-208). Puis il montre que les normes de
relations entre collègues de travail et avec les chefs entraînent le développement de quatre
types de culture, qu’il appelle identité, avec des valeurs privilégiées : le retrait, la fusion, les
affinités ou le séparatisme et la négociation. Ces dimensions de Sainsaulieu vont être

validées dans plusieurs de ses travaux effectués tant dans les entreprises publiques que privées
en France. Les travaux de Milliken et Martins (1996) confirment ces identités au travail de
Sainsaulieu. Ces auteurs vont plus loin dans leurs recherches en définissant les
caractéristiques de la diversité au sein de l’organisation : ethnique, âge, valeurs et
personnalités, formations et la diversité fonctionnelle ou occupationnelle. Plusieurs auteurs
vont s’inscrire dans cette perspective et vont définir la diversité à partir de ces caractéristiques
(Shore et al., 2009). Pour Thomas (2004), la diversité est une notion qui va beaucoup plus loin
que la vision traditionnelle que l’on a d’elle. Selon lui, parler de diversité signifie prendre en
considération les différences et les similitudes qui forment un ensemble (« a collective
mixture that is characterized by its similarities and its differences »). Il ajoute que la diversité
culturelle au sein des organisations concerne la main-d’œuvre et recouvre différentes
dimensions : les clients et les fournisseurs, les fonctions occupées au sein de l’entreprise, les
métiers, les âges, le sexe, les statuts, les handicaps, l’origine ethnique, la nationalité, etc.
Cornet et Warland (2011) quant à eux décrivent la diversité en cinq caractéristiques :
physiques visibles (l’âge, le sexe et la race), physiques fonctionnelles (la grossesse, le poids
ou la taille), individuelles (l’histoire de l’individu par exemple les immigrés), sociales
(l’appartenance réelle ou supposée d’un individu à un groupe ou à un environnement social
(le nom et le prénom, la religion, la langue maternelle)) et organisationnelles (groupe
d’appartenance d’un individu dans son métier et son organisation).

L’existence de toute cette diversité dans une organisation peut s’avérer difficile à gérer.

De manière générale, l’examen de la littérature montre que les écrits sur la diversité se
focalisent sur la définition de ses composantes et de ses enjeux (commercial, managérial) (Ely
et Thomas, 2001 ; Hedia et al. 2013). En outre, certaines recherches mobilisent un seul critère
de la diversité pour servir leur objectif de recherche en la matière (Nizet et Pichault, 2007 ;
Peretti, 2012). Peu de travaux s’intéressent à la problématique des rapports et des interactions
entre les salariés porteurs de valeurs et de croyances particulières dans un contexte de
diversité voire dans une démarche de gestion de la diversité.

Dans le contexte africain, des avancées dans ce domaine sont observées et des travaux de
recherches existent et plaident pour un management de la diversité au sein des entreprises en
Afrique (Pierre et al., 2009 ; Peretti, 2012 ; Bentaleb et al., 2012 ; Kamdem, 2012, 2014). En
effet, pendant longtemps, les recherches se sont focalisées à analyser les performances des
organisations au regard des traits culturels africains, concluant sur ses effets négatifs. Or, les
dynamiques d’interactions culturelles entre individus sont très peu mises en lumière en amont
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pour comprendre les effets complémentaires. Ainsi, la question culturelle est analysée au
regard des pratiques managériales étrangères (Mutabazi, 2004). Les sources de ruptures et de
tensions qui naissent des échanges interculturels dans le contexte sont peu connues voire peu
analysées. Dans le contexte africain, creuset de cultures et d’ethnies, les individus possèdent
plusieurs référentiels culturels qui se juxtaposent et interagissent dans les comportements des
individus et qui peuvent les amener à partager plusieurs valeurs (Apitsa et Amine, 2014).

Un autre aspect est que la littérature en management de la diversité prône majoritairement les
vertus de sa prise en compte dans le développement des pratiques et des outils de gestion.
Certains travaux montrent que la diversité participe à la création de la valeur organisationnelle
(Vatteville, 2009 ; Davel et Ghadiri, 2009). Dans le champ des stratégies internationales des
entreprises et de la négociation internationale, les travaux sont unanimes quant à l’impact
positif des différences culturelles sur les pratiques de gestion et d’affaires (Jaussaud et
Schaaper, 2006, Usunier, 2009 ; Barmeyer et Mayrhofer 2009). Pour ces derniers auteurs, la
connaissance de la culture des partenaires et des clients est indispensable pour échanger avec
succès et acquérir des avantages concurrentiels durables. Dans le domaine de la GRH à
l’international, de nombreux travaux concluent que la diversité culturelle des ressources
humaines est source de valeur que l’entreprise doit intégrer et développer pour rester
compétitive sur le marché mondial (Chaouki et al., 2005 ; Cuevas et al. 2007 ; Kamoche et al.,
2012). Pour d’autres encore, la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) doit être un outil
de pilotage et de gestion de la diversité en entreprise (Frimousse et Peretti, 2007, Igalens,
2009). Ce discours humaniste de la diversité est discuté dans la littérature. Prasad et Mills
(1997) indiquent que les discours positifs pour promouvoir la diversité détournent le regard
que l’on doit porter sur les conflits et les ruptures qui naissent des rapports interculturels. En
ce sens, le postulat humaniste de certains discours sur la diversité comme source de richesse
naturelle de l’entreprise reflète les discours politiques sur l’immigration et ne dévoile rien sur
la dynamique ni sur les logiques de fonctionnement internes des entreprises, caractérisées par
des micro-cultures en interaction. Nonobstant ce cadre, l’ensemble de ces débats traduit les
difficultés ressenties pour comprendre et gérer la diversité au sein des entreprises devenues de
plus en plus multiculturelles. Cette diversité incarne le changement que les acteurs de
l’organisation doivent intégrer pour permettre une coopération efficace des personnes
différentes. Ainsi, comment comprendre les phénomènes interculturels qui émergent dans les
organisations et qui peuvent perturber la coopération interculturelle. Nous nous appuyons sur
les approches sociologiques pour saisir ces aspects.

1.1. Lecture sociologique des phénomènes interculturels dans l’organisation

Dans cette partie, nous présenterons les éléments de la littérature en sociologie des
organisations (Crozier et Friedberg, 1977 ; Sainsaulieu, 1977, 1987) qui apportent des
éclairages pour comprendre les interactions culturelles et sociales entre les individus marqués
par des cultures spécifiques. La sociologie différemment de la psychologie1 présente l’intérêt
de situer les individus dans leurs relations avec les autres. Elle permet de comprendre la
complexité culturelle des individus dans l’organisation et peut rendre compte des ruptures et
des tensions qui naissent entre les individus ou groupe d’individus dans un contexte de
diversité de cultures.

L’organisation est un lieu où coexistent de multiples rationalités (Pezet, 2002). C’est au


niveau de l’interprétation des comportements des individus que nous pouvons montrer les
sources de ruptures, de tensions ou de conflits qui naissent des rapports interculturels.
Comment faire coopérer efficacement ces multiples rationalités de façon à satisfaire les
objectifs économiques de la firme ?

Dans cette perspective, plusieurs chercheurs ont pointé les questions de pouvoir, de jeux des
acteurs, de rationalité et d’opportunisme comme facteurs d’influence des comportements des
individus (Pezet, 2002 ; Davel et al, 2009). Une lecture des travaux de Crozier et Friedberg
(1977) et de Sainsaulieu (1977, 1987) nous permet d’apporter des réponses à ces questions.

La logique des jeux des acteurs et des relations de pouvoir dans l’analyse stratégique de
Crozier et Friedberg (1977) dévoile les limites de la rationalité des acteurs qu’ils adossent à
leurs réalités culturelles. Pour comprendre comment se construisent les actions collectives à
partir de comportements et d’intérêts individuels (d’opportunisme), ces auteurs montrent que
l’organisation est un système complexe de relations entre les acteurs (individus et groupes)
impliqués qui, une fois en interaction, vont chercher à tenir le rôle le mieux à même de
répondre à leurs intérêts. Ces actions ne peuvent se faire en dehors d’une action collective qui
met concrètement les acteurs en interrelation. Pour les auteurs, l’un des enjeux majeurs de
l’acteur est sa capacité à découvrir et à créer des opportunités qui lui permettent d’améliorer
sa situation au sein de son organisation : renforcement de sa satisfaction, accroissement de ses


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Si les recherches des causes inconscientes enfouies dans le psychisme du sujet peuvent s’avérer intéressantes à
l’échelle individuelle, elles n’apportent qu’une faible contribution à l’explication et à la compréhension des
comportements collectifs au travail (Sainsaulieu, 1977).

marges de manœuvres, augmentation de ses degrés de liberté, capacité d’exercer une


influence. Ces acteurs les utilisent pour orienter leurs conduites. La mise en évidence des
situations des acteurs (imprévus, risques encourus, rationalité limitée et opportunisme) permet
ainsi de révéler des zones d’ombres ou d’incertitudes existantes tant à l’intérieur qu’à côté de
l’organisation formelle.

Cette logique d’action des acteurs dans l’analyse stratégique est appréhendée différemment
par Sainsaulieu (1977, 1987) qui montre qu’on ne peut pas les comprendre à partir des
relations de pouvoir mais plutôt à partir de la temporalité car le temps induit des valeurs qui
déterminent les comportements. En observant les attitudes des salariés au sein de plusieurs
entreprises, Sainsaulieu cherche à comprendre le lien qui existe entre la culture des individus
et la culture d’entreprise à laquelle les individus sont rattachés et à laquelle ils s’identifient
mutuellement. Son raisonnement l’amène à catégoriser les individus au sein de l’ensemble
selon quatre groupes qu’il nomme les identités au travail. Il souligne que les cultures forgées
au travail ne se développent pas forcément en conformité avec les normes et les procédures
officiellement mises en place par les dirigeants des entreprises mais par l’intermédiaire de
mécanismes informels plutôt que formels.

Dans le contexte africain, Mutabazi (2004, 2006) mobilise ce champ théorique proposé par
Sainsaulieu pour appréhender les rapports des équipes de travail au sein des entreprises en
France et en Afrique (expatriés et membres issus des régions et de communautés différentes).
Les résultats de sa recherche dans les entreprises en Afrique confirment les travaux pionniers
de Sainsaulieu. Son analyse comparative avec le modèle français de Sainsaulieu démontre
l’importance des valeurs culturelles africaines dans les comportements des individus au
travail.

Ces deux approches sociologiques (Crozier et Friedberg, 1977 ; Sainsaulieu, 1977, 1987) se
complètent et permettent d’offrir une vision culturelle éclairée des phénomènes interculturels
entre les acteurs sociaux. Ce cadre d’analyse est relativement peu mobilisé dans les
recherches en sciences de gestion à cause du concept de culture d’entreprise qui lui est très
mobilisé dans une perspective d’interventions dans l’organisation.

Le paragraphe suivant propose de développer et de justifier nos choix méthodologiques.

2. L’étude empirique : éléments de méthode et résultats


2.1. Eléments méthodologiques de la recherche

En amont de notre recherche, plusieurs critères ont orienté notre choix du terrain d’étude.
Nous avons opté pour deux multinationales françaises implantées au Cameroun. La
multinationale constitue un lieu de confrontation et d’intégration socioculturelle, puisqu’elle
accueille en son sein des hommes et des femmes porteurs de valeurs et de croyances
différentes sur le plan social, ethnique, linguistique, religieux, idéologique, générationnel, etc.
En outre, le Cameroun, encore appelé Afrique en miniature, est un véritable melting pot de
plusieurs cultures avec de nombreux métissages. Une multinationale implantée dans ce pays
est le lieu de rencontre de ces sensibilités culturelles.

Notre recherche repose sur une démarche qualitative par étude de cas (Yin, 2009). Les deux
multinationales évoluent dans des secteurs d’activité différents (Banque, Assurance). Les
investigations empiriques sont menées en 2008 et 2015. Les différentes sources de données
concernent les entretiens semi-directifs, l’observation non participante et les sources
documentaires. Les entretiens semi-directifs, d’une durée moyenne de 1h30, ont été auprès de
trente huit acteurs du terrain aux fonctions et positions hiérarchiques différentes (dirigeants
expatriés, cadres supérieurs et intermédiaires autochtones, agents de maîtrise et subalternes).
Les entretiens sont réalisés dans un premier temps à l’intérieur de l’entreprise et aux heures de
travail et puis par téléphone. Les différents services des multinationales sont représentés dans
l’échantillon. Les entretiens individuels sont menés sur la base de questions ouvertes liées à la
thématique de la diversité culturelle, de la GRH, des relations au travail, de la réalisation des
tâches et des comportements en milieu de travail. L’objectif est de libérer les discours pour
mieux saisir les sources de ruptures, de conflits et de tensions qui naissent dans la
confrontation interculturelle.

Afin d’affiner le phénomène étudié, les entretiens ont été menés conjointement avec
l’observation non participante opérée lors de notre présence dans les filiales. Notre immersion
directe dans l’entreprise, inspirée de l’approche ethnologique (D’Iribarne, 2004), nous a
permis de partager de visu la vie des salariés des différents services et d’accéder directement
aux interactions des salariés dans leur milieu de travail. Les sources documentaires formelles
et informelles consultées ont complété les données. L’analyse de contenu est faite par
codification a posteriori afin de pouvoir faire émerger des catégories de sens nouvelles et
inattendues (Glaser et Strauss, 1967). Celle-ci est manuelle (choix délibéré et privilégié) parce
qu’elle permet de capturer des sensibilités et des nuances fines à partir des données collectées
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et d’aboutir à une description et à une explication qui donne sens aux éléments de l’étude.
Pour fiabiliser les résultats, un double codage a été réalisé.

Le tableau ci-dessous récapitule quelques éléments sur l’identité des deux multinationales.

Terrain d’investigation
Caractéristiques Cas 1 Cas 2
Secteur d’activité Banque Assurance
Effectifs des salariés 660 85
Nombre d’agences 29 agences 2 agences
Nombre d’entretiens 22 16
réalisés = 38
Traitement des Analyse de contenu avec double codage et catégorisation a posteriori
données

Nous allons par la suite présenter et discuter les résultats de notre recherche.
2.2. Résultats

La diversité culturelle dans les deux cas de multinationales au Cameroun est caractérisée par :
la nationalité, les ethnies, l’âge, la fonction, le métier, la religion (musulmane, catholique,
protestante, et celle appartenant relevant d’autres communautés évangéliques), les langues, les
valeurs et les croyances, etc. Nous allons analyser quelques uns de ces éléments compte tenu
du format de l’article.

2.2.1. L’usage des langues vernaculaires, source de ruptures et de tensions dans les
relations interprofessionnelles
Les résultats indiquent que l’usage des langues vernaculaires dans la communication en
entreprise est interdit et que cette restriction n’est pas forcément respectée dans les faits.

« Quand j’ai pris mes fonctions, on m’a dit que ce n’est pas toujours indiqué de parler sa langue
dialectale dans la société» (Cas 1).
«On aimerait bien lorsque l’on arrive dans un service et que l’on a la chance de tomber avec un frère
du village, l’on parle le patois à nos petites heures creuses en faisant de petites anecdotes » (Cas 2).

Cependant, les résultats montrent que dans les équipes de travail, marquées par un fort lien
linguistique, le responsable de l’équipe a tendance à confier les tâches importantes aux
collaborateurs avec lesquels il partage le même dialecte mettant ainsi en retrait et discriminant
de ce fait les autres membres de l’équipe ou du groupe de travail.

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«Comme dans toutes les entreprises africaines, évidemment il y a des gens qui expriment leur affinité
vis-à-vis des uns et des autres en leur parlant le patois. On ne peut pas empêcher les gens dans une
entreprise, dans un contexte africain de parler leur patois » (Cas 1).
« J’ai eu un bon Eton comme chef. Quand il arrivait dans la salle, il y en a à qui il donnait le travail en
patois. Du coup, les ethnies autres que bétis qui étaient dans la salle, vous n’êtes pas pris en compte ;
vous vous sentez pratiquement exclus de l’équipe de travail » (Cas 2).

Ces verbatim révèlent que dans les contacts interculturels, le français ou l’anglais ne sont pas
les seuls recours linguistiques dans la communication interculturelle. Les jeux d’acteurs,
dévoilés par ce résultat, montrent à quel point le responsable crée, opportunément, autour de
soi, un climat qualifié de confiance avec les personnes parlant sa propre langue et avec
lesquelles il est à même de mieux faire respecter les contrats. Le responsable, qui détient le
pouvoir, engendre, par ce jeu d’intérêt, un groupe coopératif et affinitaire (Sainsaulieu, 1977,
1987). Ce type de comportement peut générer des tensions et des conflits. Il pourrait
constituer un frein à la productivité de l’entreprise puisqu’il démotive les autres membres du
groupe qui se considèrent, selon Sainsaulieu, séparatistes.

2.2.2. L’âge, un élément de conflit dans les échanges interculturels


Traiter la question de l’âge présente un grand intérêt dans l’analyse des sources de ruptures et
de tensions dans un contexte de diversité culturelle. Dans les deux multinationales, le taux de
personnel vieillissant est élevé. La pyramide des âges s’apparente à une « toupie »,
caractérisée par une moyenne d’âge à 40 ans.

« J’ai un collaborateur qui est âgé. Il n’a pas la volonté d’apprendre aux nouveaux venus, aux jeunes
ce qu’il fait. Il préfère traiter tous ses dossiers lui-même. Il peut rester au bureau jusqu’à 23h et venir
travailler le samedi et dimanche ça ne le dérange pas. L’essentiel c’est qu’il soit le seul capable à
exécuter certaines tâches dans le département. Il ne veut pas partager» (Cas 2).
« Il y a des tensions entre jeunes et vieux. Les aînés disent que les jeunes ne les respectent pas même
lorsqu’ils sont leur supérieur hiérarchique » (Cas 1).

Notre immersion dans la multinationale (Cas 2), nous a permis d’observer que même
lorsqu’un objectif de GRH consiste à assigner à un salarié senior une formation ou un
apprentissage en direction des jeunes, si au cours de la réalisation de cet objectif fixé survient
un dilemme entre les jeunes et le senior, sur un motif qualifié de "manque de respect au
senior", cela met prématurément fin à la formation mais aussi à tout projet de développement
de la formation ou de coaching impliquant cette catégorie de personnel.

« L’année dernière, j’ai décidé de fixer à un collaborateur âgé, dans les objectifs de l’année, comme
objectif majeur la formation des collaborateurs jeunes. Il y a eu des tensions à ce niveau » (Cas 2).

Si les relations professionnelles entre les jeunes et les plus âgés sont tendues, c’est parce
qu’elles reposent sur des clivages culturels forts. En Afrique et au Cameroun en particulier,
les Anciens détiennent les clés de la transmission de la mémoire culturelle et ce quel que soit

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leur niveau social ou hiérarchique. Or, en milieu professionnel, les seniors ne font pas
toujours confiance aux jeunes et ceux-ci ne manifestent plus le respect attendu de leur part,
compte tenu du système des valeurs culturelles africaines. On en déduit une difficulté
d’accepter les différences liées à l’âge et aux valeurs ; d’où un objectif de formation des
jeunes par les Anciens, confié par le responsable, qui peut s’avérer difficile à tenir et créer des
tensions qui in fine ne permettront pas l’atteinte des résultats de productivité visés.

2.2.3. L’intégration des éléments culturels dans les pratiques de GRH, une source
de tensions interculturelles
Les résultats révèlent que les éléments culturels qui interfèrent de manière informelle dans les
dispositifs de GRH peuvent faire l’objet de suspicion, de discrimination et générer des
tensions et des frustrations.

- La discrimination selon l’origine ethnique dans le recrutement


Dans les deux multinationales, le discours clair est celui de recruter en respectant le profil de
poste et en prenant en compte la compétence du candidat.

« Mais tous les collaborateurs le savent, je ne veux pas dans cette société qu’il y ait de discriminations
ethniques. Je ne veux pas qu’on recrute parce que c’est le frère du village, parce que c’est le copain de
machin…» (Cas 2).

Dans la réalité des faits, on observe des recrutements en lien avec l’ethnie. Les résultats
montrent que le lien familial est ici prégnant. Les responsables locaux chargés de recruter le personnel
peuvent décider de recruter la personne de leur choix selon des critères liés ou non à la compétence.

« Si en tenant compte de l’ethnie, on tenait compte un peu de la compétence, on ne va pas le


ressentir. Si on ne tient pas compte des compétences, on choisit l’ethnie sans compétence, alors ça se
répercute dans l’évolution de l’entreprise automatiquement » (Cas 1).

Les résultats démontrent que les liens familiaux, affinitaires ou ethniques entre les individus au sein de
l’entreprise sont souvent mal perçus par les autres collaborateurs ; ce qui alimente les soupçons
(D’Iribarne, 2008b ; Henry, 2009).

«Dès qu’on le recrute, le premier réflexe, les premières informations qui nous parviennent, c’est que ce
candidat a été porté à ce poste par le Directeur Général Adjoint, parce qu’il est de son ethnie et c’est
comme ça les gens ici. On est arrivé à des situations tellement difficiles que la personne n’en pouvant
plus de l’étiquette qui lui était collée, du préjudice qui était porté à ses compétences, qu’il a décidé de
démissionner : «Je pense que je préfère faire valoir mes compétences ailleurs que de vivre un climat de
cette ampleur ». (Cas 2)

Cette situation mal acceptée crée un climat de frustrations et de tensions. L’ethnie qui apparait
au premier abord comme un critère fort de la diversité devient paradoxalement un élément
perturbateur du climat social et de l’ambiance au travail. Le fait de privilégier le critère de

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recours à l’ethnie dans le cadre du recrutement nourrit les suspicions qui sont liées à
l’incompétence supposée du candidat au seul critère de son appartenance ethnique.

- Le recours aux affinités dans la pratique d’évaluation


Les discours remontés du terrain montrent que les traits culturels peuvent s’insérer dans les
pratiques d’évaluation.

«Un monsieur qui a fait peut-être 25 ans (il y a des gens ici qui ont fait 25, 27 ans) qui n’évolue pas et
puis il y a ceux qui avancent dans leur carrière. On peut juger ça normal et puis toute de suite on peut
faire un lien avec celui qui a évolué : c’est un Bamoun et puis celui qui dirige c’est un Bamoun donc
peut-être que c’est pour ça qu’il évolue » (Cas 1).
«Alors ce qui se passe généralement ici chez nous en Afrique, on fonctionne beaucoup plus avec des
clans » (Cas 2).
« Il y en a qui ont l’estime de leur patron. Ils peuvent évoluer comme ça. Toujours est-il que les gens ne
sont pas contents dans cette circonstance là » (Cas 1).

Ces résultats corroborent les recherches empiriques qui ont identifié ce type de comportement
au sein des entreprises africaines (Henry, 2009 ; Hernandez, 2007 ; Mutabazi, 2006).
Cependant, au sein du groupe, les promotions internes accordées par les responsables
hiérarchiques, qui sont liées aux affinités, privilégient la personne. Ces promotions internes
influencent les relations au sein du groupe parce que l’origine ethnique (clan) et les jeux
d’acteurs entrent en jeu et bousculent le fonctionnement du groupe. On en déduit une
rationalité limitée des responsables opérationnels dans leurs logiques d’actions (Crozier et
Friedberg, 1977 ; Sainsaulieu, 1977, 1987).

2.2.4. L’application de la charte de la diversité : source de synergie interculturelle


ou de rupture et de tension ?
Dans un premier temps, les données issues des sources documentaires dévoilent les éléments de la
charte de la diversité.

« La perspective du défi est celui de devenir « société préférée » en plaçant les hommes et les femmes
du groupe au centre de la préparation et de l’atteinte de cette ambition. Elle montre l’extraordinaire
richesse de nos collaborateurs. Leur diversité est un élément clé de la stratégie en matière de
ressources du groupe » (Cas 2).

Mais les résultats montrent que l’application de la charte de la diversité proposée par les
multinationales peut engendrer des ruptures et des tensions. En effet, le personnel local ne perçoit pas
l’atteinte de l’objectif déclaré dans la charte de la diversité de créer une synergie interculturelle au sein
du groupe. Nous avons voulu comprendre comment elle était perçue au niveau local car les résultats
révèlent une réalité plus complexe de la politique de diversité dans les multinationales.

« De même, maintenant qu’on a eu un camerounais, DRH, qui a pu s’exporter au Sénégal, Je trouve ça


d’abord génial. Et demain, il faudra qu’on accueille des sénégalais, des ivoiriens et d’autres
nationalités au sein de la banque pour faire un brassage plus fort, et pour moi ça me semble tellement
évident » (Cas1).

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«L’affectation de notre DRH au Sénégal n’est qu’une punition pour lui avec tout ce qu’il faisait (…), je
n’en dis pas plus, (…), j’espère qu’on chemine vers une bonne direction » (Cas 1).

«Alors, ils prônent la diversité culturelle sans nous associer parce qu’en réalité s’ils ne nous
interrogent pas, s’ils ne nous associent pas, si on ne fait pas des forums d’échanges, comment sauront-
ils ce que nous pouvons leur apporter ? (Cas 2).

Finalement, l’application de la charte de la diversité stricto sensu voulue par le groupe entre en porte à
faux avec le contexte culturel local qui ne perçoit pas l’intérêt de cette politique de diversité (Cas1).
Ce cas montre à l’évidence que des sources de ruptures et de tensions peuvent aussi naître d’une
application de la charte de la diversité parce que les systèmes culturels locaux entrent en jeu : ils
alimentent une ambiance de suspicions qui affecte le bien fondé de la mobilité internationale.
Paradoxalement, dans le Cas 1, la valeur positive de cette politique de mobilité internationale est bien
perçue (« j’espère qu’on chemine vers une bonne direction »).

Dans le Cas 2, les cadres locaux ont l’impression qu’ils ne contribuent pas à la synergie
interculturelle voulue par la politique de mobilité internationale du groupe.

Discussion

Au cœur de cette recherche, il est question de comprendre comment coopérer dans un


contexte de diversité de cultures. De ce fait, nous nous sommes intéressés aux sources de
ruptures, de tensions et de conflits qui peuvent naître des échanges interculturels. La
recherche s’est appuyée sur le cas de deux multinationales françaises implantées au Cameroun
et a analysé certains éléments culturels et caractéristiques de la diversité : la langue, l’âge,
l’origine ethnique et les pratiques de GRH (recrutement, évaluation et mobilité
internationale). Les résultats que nous avons présentés permettent de saisir ces éléments de
ruptures, de conflits et de tensions.

Les résultats indiquent que les relations au sein d’un groupe de travail caractérisées par une
forte diversité de langues génèrent des frustrations lorsqu’il semble que les intérêts
individuels ont prévalu du fait du choix privilégié d’une langue. Les résultats montrent qu’en
situation d’interactions culturelles et sociales, la langue vernaculaire interagit et intervient
négativement dans l’attribution des tâches au sein d’un groupe de travail. Cela constitue un
frein à l’entente et à l’interaction au sein du groupe, puisqu’elle discrimine et empêche les
autres groupes linguistiques de s’épanouir. Le recours au français et à l’anglais, utilisés
comme langues de communication officielles dans l’entreprise, ne suffit pas à garantir
manifestement une meilleure ambiance dans les contacts interculturels car des jeux d’acteurs
interfèrent et révèlent des intérêts individuels à satisfaire.

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Les résultats ont aussi révélé une difficulté liée au critère de l’âge dans les relations
interprofessionnelles entre les salariés jeunes et aînés. La tradition culturelle africaine du
respect dû aux Anciens est souvent difficile à concilier avec le milieu de travail. Les jeunes
rechignent au respect des valeurs et les seniors imposent ce respect, ce qui génère frustration,
démotivation, tensions, animosité, méfiance, etc. Cette confrontation est une pierre
d’achoppement dans le traitement de la problématique du management interculturel en
Afrique. Toutefois, l’on peut comparer cette question de l’âge en Afrique avec son approche
dans les modèles occidentaux du dispositif de la GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois
et des Compétences) qui consiste à recruter des jeunes pour renouveler les effectifs. Dans la
culture africaine, le statut de senior est valorisé. Les personnes âgées sont jugées ayant plus
d’expérience et de connaissances. Il faut les respecter (Hernandez, 2000 ; Kamdem, 2002 ;
Mutabazi, 2006).

Les résultats indiquent aussi que les acteurs sociaux suspectent tout recrutement et font
toujours le lien entre le candidat recruté et l’ethnie du recruteur. Cette attitude des individus
dans ce contexte se justifie dans l’expression de la culture mentale locale des groupes
ethniques qui les amènent toujours à soupçonner tous les actes de la vie professionnelle ou
privée, qu’ils soient bons ou mauvais. Ce mode de fonctionnement a été identifié comme
problématique dans la plupart des recherches en Afrique (D’Iribarne, 2008b ; Henry, 2009).
De même dans la pratique d’évaluation qui constitue le socle des leviers de la GRH, les
résultats montrent des sources de frustrations liées aux affinités culturelles. Les responsables
autochtones qui sont chargés d’évaluer leurs collaborateurs jouissent d’une certaine liberté ou
autonomie leur permettant d’apprécier leur performance et de mesurer les écarts par rapport
aux objectifs individuels fixés (Crozier et Friedberg, 1977 ; Sainsaulieu, 1977, 1987). C’est à
ce niveau d’interaction (responsable opérationnel face à son subalterne) et par le double
champ des relations professionnelles et interpersonnelles qu’on observe ces tensions. Ces jeux
d’acteurs génèrent un climat social négatif au sein des multinationales étudiées.

Conclusion et propositions managériales

Les entreprises sont nombreuses de nos jours à rechercher des avantages concurrentiels par
extension de leurs activités au-delà des frontières nationales. Face à ces mutations, la question
de la gestion des diversités culturelles dans la composition des effectifs de ces firmes se pose
avec acuité. Cet article s’est fixé pour objectif de comprendre les sources de ruptures et de
tensions qui peuvent naître des contacts interculturels afin de permettre de créer les conditions
d’une coopération interculturelle efficace dans le contexte d’étude. Le recours à l’approche
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qualitative et aux approches sociologiques nous a permis de comprendre les phénomènes


interculturels qui émergent dans les organisations et qui peuvent perturber la coopération
interculturelle.

Dans un environnement de diversité de cultures, les multinationales gagneraient à mettre en


place des outils de communication transparents pour lever tout soupçon à connotation
affinitaire ou identitaire. Cela permettrait à chaque salarié de connaître ses droits et devoirs
(récompensés en fonction des objectifs atteints) et d’éviter ainsi les interférences avec les
pratiques informelles ou les stratégies individuelles. Cette transparence dans les outils de
GRH garantirait d’autant plus la motivation des salariés et serait bénéfique pour la gestion du
climat social. Les multinationales renforceraient leurs outils et procédures formalisés pour
mieux encadrer les dispositifs de GRH.

Pour créer un climat intergénérationnel favorable, il faudrait proposer au senior un statut qui
l’autoriserait à promouvoir la valeur mémorielle de l’entreprise conjuguée avec la culture
mémorielle locale qui fait de l’aîné le dépositaire de la sagesse, source de productivité et
d’apprentissage intergénérationnel et interculturel. Ce dispositif devrait entraver tout
comportement d’opportunisme et serait une barrière aux jeux d’intérêts individuels.

Les résultats ont également montré une réalité complexe de la politique de diversité culturelle
dans les deux multinationales. Nous préconisons aux multinationales de mieux appliquer leur
charte de la diversité pour garantir une certaine éthique et renforcer leur responsabilité
sociale.

Cette recherche s’inscrit dans la lignée des travaux en contexte africain (Kamdem, 2002,
2012, 2014 ; Mutabazi, 2004, 2006 ; D’Iribarne, 2008b ; Henry 2009 ; Pichault et Nizet,
2013) sur les problématiques interculturelles qui nourrissent nos connaissances sur la
coopération dans des contextes de diversité de cultures. En revanche, elle se distingue de ces
travaux parce qu’elle pointe quelques questions auxquelles se trouvent confrontés les
dirigeants et les responsables dans le cadre de la gestion de la diversité culturelle. Nos
résultats proposent d’amener le cadre expatrié à développer une capacité à comprendre les
attitudes et comportements des Africains pour coopérer efficacement. En outre, la
connaissance et la parfaite maîtrise des systèmes culturels présentés peuvent servir à
appréhender les sources de ruptures, de tensions et de conflits qui naissent lors de rapports
interculturels. Ces éléments peuvent être mobilisés pour définir les outils de synergie

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interculturelle, utiles pour coopérer, échanger avec succès et motiver les équipes
multiculturelles. Ils sont in fine source de synergies potentielles et de valeur productive.

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