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Paul-Laurent Assoun
2010/1 n° 19 | pages 19 à 25
ISSN 1623-3883
ISBN 9782749212388
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-figures-de-la-psy-2010-1-page-19.htm
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1 La présente contribution s’appuie sur les éléments de notre recherche antérieure. Sur
la base métapsychologique de la question de l’écriture inconsciente et la question de la
question de l’écriture clinique, voir P.-L. Assoun, Introduction à la métapsychologie
freudienne, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 1993 ; Psychanalyse,
Quadrige, 2e éd., 2007 ; P.-L. Assoun, Lacan, PUF, Que sais-je ?, 2e éd., 2008. Sur le lien
entre symptôme et écriture littéraire, nous renvoyons à notre Littérature et
psychanalyse. Freud et la création littéraire, Editions Ellipses/Marketing, 1995. Sur les
autres points métapsychologiques évoqués, cf. nos Leçons psychanalytiques sur
L’angoisse, Le fantasme et Le transfert (Editions Economica/ Anthropos). On y trouvera
commentés les textes de Freud et Lacan mentionnés ici.
20 • FIGURES DE LA PSYCHANALYSE 19 •
Le symptôme dit donc un paradoxe : d’une part, le sujet le produit à son insu
et depuis son insu ; d’autre part, il le sait assez, cet in-su, pour porter à l’expres-
sion le refoulé avec une rigueur surprenante, voire admirable lorsqu’on en
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démonte les rouages. « Retour » – aussi bien – « de la vérité dans les failles du
savoir ». Or, c’est au moment de l’écrire, cette « histoire de malade » (Kranken-
geschichte), que l’écrivain Freud s’en avise le mieux : quelle pitié, dit-il à Jung en
rédigeant le cas de l’Homme aux rats, de transformer en « bousillage » (Pfusche-
rei) cette « œuvre d’art de la nature psychique » qu’est la névrose ! Œuvre d’écri-
ture, faut-il préciser, qui met ce que l’on appelle « écriture de cas » en état de
dérision (malgré les prodiges de l’écriture freudienne des Cinq psychanalyses) –
ce qui trouve dans la « vignette clinique » son état le plus misérable (ce qui ne
justifie pas forcément qu’on y renonce).
Le bénéfice du symptôme
sance. C’est le « chocolat » du pain que l’enfant, on le sait, aspire à déguster seul
– tandis que l’obsessionnel se gave de pain pour mieux isoler la jouissance (quitte
à être « chocolat »).
Bref, le sujet menant, dans et par son symptôme, une véritable vie de plaisir
dont la clinique de l’inconscient est tout entière le déchiffrement, il se fait un gîte
et une forteresse de ce symptôme dont il défend le droit de jouissance.
C’est aussi pourquoi les symptômes sont « ce que beaucoup de gens ont de
plus réel ». Car le symptôme, cette « parole enclose » qu’il faut « entendre et
déchiffrer », message énigmatique adressé à l’autre, n’a pas vocation à être inter-
prété – le passage à l’acte cherchant l’interprétation, ce qui permet de s’aviser de
la désinvolture du symptôme à son interprétation, alors même que celle-ci se
trouve branchée sur la jouissance du symptôme 2. Il y faut un certain forcing, ne
serait-ce que par l’art de la coupure qui coupe court au bon moment aux délices
d’une interprétation qui fait prospérer en sous-main la jouissance du propriétaire
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Lacan, dans son propre acte d’écriture, cherchera dans la topologie le moyen
de situer le symptôme dans cet espace (ce « n’espace ») offrant une déprise à
l’imaginaire. Ce qui émerge, au-delà de la fonction du symptôme articulée à la
fonction paternelle, c’est ce « sinthome » qui fait tenir, comme quart élément, le
réel, l’imaginaire et le symbolique. « Symptôme » à réécrire en sa littéralité
médiévale (« sinthome ») pour indiquer qu’il est à localiser autant qu’à écrire. Ou,
plutôt, écrire le symptôme revient-il à situer sa suppléance – Joyce se chargeant
d’en tirer une œuvre absolument singulière… jusqu’à l’illisible.
RÉSUMÉ
Comment s’écrit le symptôme depuis sa fonction inconsciente ? Il s’agit de délimiter avec
précision les contours de cette écriture du symptôme, par le trajet qui va de la (dé)construc-
tion métapsychologique du symptôme et sa mise en écriture clinique chez Freud à l’isole-
ment du symptôme comme formation de l’inconscient chez Lacan. Déchiffrable selon
l’ordre du signifiant, il est pris dans le pouvoir de la lettre, à ce titre inscriptible. « Ecrire le
symptôme » suppose de saisir ce qui résiste à son écriture, soit le reliquat de jouissance
dont il institue la répétition – ce qui formate la « vie de plaisir inconsciente » névrotique.
C’est cette « satisfaction restée en dessous » qui donne à penser la structure en gaufre du
symptôme : le symptôme est ce texte gaufré de jouissance, à quoi le sujet s’accroche « bec
et ongles ». Cette « cryptographie » permet de dégager la fonction du symptôme, de soute-
nir le réel. Soit, au-delà de la dysfonction, ce que, entre souffrance et jouissance, le sujet a
de plus réel.
MOTS-CLÉS
Symptôme, formation, conflit, substitut, signifiant, lettre, savoir, réel, jouissance.
SUMMARY
How is the symptom written, as it proceeds from its unconscious function ? The task is to
delimit precisely the contours of this writing of the symptom, via the trajectory from the
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KEY-WORDS
Symptom, formation, conflict, substitute, signifier, letter, knowledge, real, jouissance.
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