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Master
1
d’Esthétique
et
Philosophie
de
l’art
Cours
magistral
de
Mme
Jacqueline
Lichtenstein
Mini-Mémoire
Philosophie
et esthétique de
la danse
selon Michel Bernard
Compte‐rendu
synthétique
de
l’ouvrage
de
Michel
Bernard
De
la
création
chorégraphique,
Centre
National
de
la
Danse,
«
Recherches
»,
2001.
Sommaire :
• Introduction
:
p.
2
• Du
corps
à
la
corporéité
p.
4
• De
la
corporéité
à
la
corporéité
dansante
p.
6
• De
la
corporéité
dansante
à
la
corporéité
spectaculaire
p.
9
• Conclusion
p.
14
• Bibliographie
p.
15
Introduction
La
danse
possède
une
place
particulière
dans
la
philosophie
et
l’esthétique
:
elle
a
souvent
été
délaissée,
considérée
comme
mineure
ou
tout
simplement
oubliée
à
cause
de
son
lien
avec
le
corps.
Toutefois
certains
philosophes
au
XXe
siècle
ont
au
contraire
valorisé
ce
caractère
primitif,
matériel
de
la
danse
dans
la
philosophique
contemporaine.
C’est
notamment
le
cas
pour
la
période
récente
de
Michel
Bernard,
qui
se
consacre
depuis
plus
de
quarante
ans
à
l’étude
philosophique
du
corps
et
de
la
corporéité
artistique,
et
de
ses
conséquences
en
danse
en
particulier.
Professeur
émérite
d’esthétique
théâtrale
et
chorégraphique
à
l’Université
Paris
VIII,
il
y
a
fondé
en
1989
le
département
Danse.
Son
œuvre
subvertit
cette
tradition
philosophique
continentale
qui
depuis
des
siècles
peine
à
penser
la
complexité
du
corps,
et
cherche,
de
manière
postmoderne,
à
dévoiler
les
richesses
et
la
fécondité
d’une
nouvelle
approche
du
corps
:
«
Cette
recherche
aura
pris
l’allure
d’une
quête
obstinée,
radicale,
des
implications
épistémologiques,
ontologiques
et
esthétiques
de
l’expérience
dite
“corporelle“
et,
avant
tout,
de
ce
mot
étranger,
trompeur
même,
de
«
corps
»
qui
prétend
la
désigner.
Mais
quête
aussi
bien
des
modalités
artistiques
qu’une
telle
expérience
revêt
dans
sa
mise
en
jeu
spectaculaire,
théâtrale
et
chorégraphique,
autrement
dit,
des
mécanismes
de
son
pouvoir
créateur.
»1
De
la
création
chorégraphique
résume
le
travail
de
plusieurs
décennies.
Michel
Bernard
y
convoque
aussi
bien
la
phénoménologie,
l’épistémologie,
la
sémiotique,
la
linguistique,
la
psychologie,
la
psychanalyse,
que
l’histoire
culturelle,
la
sociologie
ou
la
biologie,
dans
une
écriture
érudite
parfois
difficile
d’accès
en
raison
de
la
multiplicité
et
de
la
concision
des
références.
A
cela
s’ajoute
le
genre
de
l’ouvrage,
la
compilation
d’articles
et
de
conférences,
qui
donne
souvent
lieu
à
des
répétitions.
Au
moins
ont‐elles
le
mérite
de
souligner
la
cohérence
de
la
recherche
du
philosophe
et
ses
problématiques
récurrentes.
Ses
thèses
philosophiques
sont
exposées
et
démontrées
dans
la
première
partie
de
son
ouvrage,
«
La
corporéité
dansante
»
sur
laquelle
ce
compte‐rendu
se
1
Michel
Bernard,
De
la
création
chorégraphique,
Centre
National
de
la
Danse,
«
Recherches
»,
2
concentrera,
les
parties
suivantes
proposant
une
illustration
des
modalités
de
mise
en
œuvre
de
ces
outils
conceptuels
dans
le
processus
de
création
chorégraphique
contemporain.
A
partir
de
cette
question
de
la
place
singulière
de
la
danse
dans
la
philosophie,
déconsidérée
étant
donné
son
lien
avec
le
corps,
il
était
intéressant
de
se
pencher
précisément
sur
l’œuvre
d’un
penseur
contemporain
qui
fait
du
corps
le
centre
de
tout
son
système
philosophique.
Avant
même
de
s’intéresser
à
ses
implications
artistiques,
Michel
Bernard
s’est
d’abord
penché
exclusivement
sur
le
corps
lui‐même,
sur
son
ontologie,
dans
la
première
phase
de
ses
recherches
dans
les
années
1960.
Il
en
a
tiré
une
conception
dynamique
et
plurielle
du
corps
en
rupture
avec
la
tradition
philosophique
occidentale,
qu’il
rebaptise
«
corporéité
»,
reprenant
ce
terme
de
la
phénoménologie
en
l’amendant
(première
partie
de
ce
compte‐rendu).
C’est
seulement
une
fois
avoir
pensé
les
modalités
d’existence
du
corps
qu’il
va
alors
étudier
l’expressivité
du
corps,
notamment
artistique,
à
travers
une
thèse
d’Etat,
modifiée
puis
publiée
dans
les
années
1970‐1980.
On
passe
de
la
«
corporéité
»
à
la
«
corporéité
dansante
»,
autrement
dit
comment
le
geste
devient‐il
danse
?
(deuxième
partie).
Enfin,
les
troisième
et
quatrième
périodes
de
ses
recherches
l’orientent
entièrement
vers
«
l’acte
de
danser
(comme
corporéité
temporalisée),
la
singularité
de
sa
dimension
spectaculaire,
les
nouveaux
codes
corporels
forgés
et
mis
en
œuvre
par
la
danse
contemporaine,
et,
plus
radicalement,
la
dynamique
sensorielle
qui
la
meut
et
constitue
son
pouvoir
“fictionnaire“
».
Ce
passage
du
corps
à
la
scène
et
par
conséquent
la
réception
du
spectacle
par
le
public
l’entraîne
à
penser
une
nouvelle
théorie
de
la
sensorialité
(troisième
partie).
3
Du « corps » à la « corporéité »
Michel
Bernard
est
avant
tout
un
penseur
du
corps.
Dans
la
première
phase
de
ses
trente
années
de
recherches
universitaires,
qu’il
qualifie
de
«
critique
»,
il
a
dressé
un
panorama
critique
de
toutes
les
approches
sur
le
corps
dans
le
but
de
les
déconstruire
et
de
mettre
en
lumière
«
la
signification
et
la
valeur
du
phénomène
corporel
»
dans
la
culture
des
sociétés
industrielles
occidentales.
C’est
dans
cette
optique
qu’il
dirige
la
collection
«
Corps
et
Culture
»
aux
Editions
universitaires
et
qu’il
publie
surtout
Le
Corps2
en
1972,
ouvrage
fondateur.
Ainsi,
selon
Bernard,
le
mot
«
corps
»
n’est
pas
innocent
:
il
prétend
désigner
une
réalité
objective.
Avant
d’étudier
ses
dénotations
et
connotations,
l’auteur
adopte
une
méthode
généalogique,
en
appréhendant
ce
mot
en
tant
que
«
produit
d’un
acte
d’énonciation
»,
c’est‐à‐dire
en
essayant
de
répondre
à
la
question
suivante
:
à
quel
désir,
à
quelle
intentionnalité
l’énoncé
de
ce
mot
répond‐t‐il
?
Ainsi,
Michel
Bernard
fait
appel
à
la
sémiotique
et
à
l’histoire
culturelle
pour
construire
son
approche
du
corps
:
«
Autrement
dit,
le
mot
“corps“
se
présente
comme
auto‐fondateur
de
son
référent
:
il
légitime
a
priori
la
croyance
qui
anime
secrètement
la
démarche
ou
l’approche
par
laquelle
il
appréhende
ce
référent
et
qui
est,
bien
entendu,
l’émanation
d’une
culture
spécifique
et
de
son
histoire.
»3
Il
rappelle
à
juste
titre
que
dans
certaines
langues
orientales
comme
le
chinois,
il
n’existe
pas
de
terme
désignant
un
corps
comme
«
substance
autonome
»,
«
référent
identique
»,
mais
au
contraire
une
pluralité
de
mots
qualifiant
des
postures
ou
des
attitudes
particulières
du
«
corps
».
Notre
emploi
du
mot
«
corps
»
pour
désigner
la
dimension
sensible
et
matérielle
de
notre
vécu
implique
une
dénaturation
:
2
Michel
Bernard,
Le
Corps,
Seuil,
«
Point
Essais
»,
1972.
3
Michel
Bernard,
De
la
création
chorégraphique,
op.
cit.,
2001,
p.
18.
4
«
En
somme,
comme
on
le
voit,
le
modèle
traditionnel
de
“corps“
n’est
pas
exempt
de
présupposés
lourds
de
conséquences.
Héritier
d’une
tradition
théologico‐métaphysique
qui
en
avait
fait
le
support
d’une
vision
ontologique
ordonnée
du
monde,
il
s’est
vu
investi
et
envahi
par
le
projet
technico‐scientifique
d’un
capitalisme
triomphant
:
notre
expérience
quotidienne
se
trouve
a
priori
in‐formée
et
normalisée
par
l’imaginaire
social
et
le
discours
que
ce
modèle
engendre
et
promeut.
»4
Cependant,
l’art
moderne
et
contemporain,
par
le
«
profond
bouleversement
qu’il
a
introduit
dans
la
compréhension
du
processus
de
création
»,
a
contribué
pour
lui
à
remettre
en
cause
cette
appréhension
du
corps
en
nourrissant
la
phénoménologie
(Merleau‐Ponty),
la
psychanalyse
(Ehrenzweig),
la
théorie
«
rhizomatique
»
(Deleuze
et
Guattari).
Tous
ces
philosophes
subvertissent
la
notion
traditionnelle
de
corps
et
proposent
en
proposent
une
vision
plurielle,
dynamique
et
aléatoire
(que
nous
décrirons
tout
au
long
de
ce
compte‐rendu)
que
Michel
Bernard
revendique
et
qu’il
reprend
dans
le
terme
«
corporéité
»
:
«
Il
devait
ressortir
de
ces
recherches
qu’il
n’y
a
pas
d’entité
corporelle,
mais
des
expériences
hybrides,
variables,
instables
et
contingentes.
Celles‐ci
dessinent
une
sorte
de
réseau
pulsionnel,
sensori‐moteur
et
affectif,
déterminé
par
les
jeux
d’interférences
sauvages
de
deux
trajectoires
historiques
:
celle
de
notre
imaginaire
individuel
(…),
dont
la
configuration
résulte
de
notre
vécu
de
l’enfance,
des
expériences
singulières
et
complexes
tissés
au
sein
du
milieu
familial
et
extra‐familial
;
et
celle
de
notre
imaginaire
“social“,
fruit
des
mœurs,
habitus,
règles,
rites
et
croyances
de
la
société
globales
à
partir
desquels
se
constituent
un
réservoir
de
mythes,
de
symboles,
de
valeurs
qui
régissent
notre
comportement
quotidien.
»5
Ce
tournant
esthético‐philosophique
entraîne
trois
conséquences
sur
l’art
selon
l’auteur.
La
première,
c’est
celle
du
«
statut
même
de
l’art
et
du
rapport
entre
les
arts
»
:
l’art
n’est
plus
le
«
champ
d’une
activité
autonome
et
transcendantale
»
mais
au
contraire
le
résultat
des
divers
sens
de
l’artiste
qui
«
se
répondent
dans
une
polyphonie
toujours
renouvelée
».
Ainsi
la
spécificité
de
tel
ou
tel
art
vole
en
éclat
puisque
«
l’indépendance
et
l’originalité
des
propriétés
matérielles
d’un
organe
sensoriel
pris
en
lui‐même
»
ne
se
justifient
plus
dans
une
4
Ibid,
p.
20.
5
Ibid,
p.
12.
5
conception
plurielle
et
dynamique
du
corps.
La
seconde
conséquence
concerne
plus
particulièrement
la
danse
et
le
théâtre
avec
la
«
mise
en
œuvre
spectaculaire
»
de
la
corporéité
:
on
ne
peut
en
effet
plus
envisager
«
le
corps
de
l’acteur
ou
du
danseur
comme
une
totalité
morphologique,
organisée
et
signifiante
»
mais
plutôt
comme
«
modulation
temporaire
et
rythmique
»,
comme
métamorphoses.
Enfin,
la
troisième
conséquence
concerne
la
nécessité
de
repenser
la
pédagogie
du
corps
qui
est
tributaire
des
présupposés
évoqués
plus
haut
:
le
corps
est
traditionnellement
considéré
comme
«
le
support,
le
véhicule
et
le
terme
de
la
relation
avec
autrui
»
dans
une
logique
de
communication
et
donc
de
pouvoir
qu’on
est
à
même
de
perturber
en
remplaçant
le
«
corps
»
par
la
«
corporéité
».
C’est
par
conséquent
ses
recherches
sur
le
corps
qui
l’amènent
à
en
penser
les
conséquences
pour
les
arts
et
notamment
le
théâtre
et
la
danse.
L’étude
de
cette
dernière
a
donc
comme
point
de
départ
le
corps
organique
(bien
qu’il
prenne
soin
à
travers
étude
critique
approfondie
de
la
notion
d’
«
organisme
»
de
disqualifier
ses
usages
galvaudés)
ou
plutôt
la
corporéité
physiologique
conçue
comme
matrice
de
l’art.
C’est
ce
qui
fait
dire
à
Roland
Huesca
que
Bernard
«
propose
une
vision
essentialiste
de
la
corporéité
»6.
De la « corporéité » à la
« corporéité dansante »
Fort
de
son
concept
de
«
corporéité
»,
Michel
Bernard
s’attèle
ensuite
plus
particulièrement
à
l’esthétique
de
la
danse.
Il
part
pour
cela
d’une
question
triviale
:
à
quel
moment
ou
selon
quels
critères
un
geste
banal,
une
succession
de
mouvements
simples,
peuvent‐ils
évoquer
une
chorégraphie,
en
dehors
de
toute
accompagnement
musical,
en
dehors
du
cadre
du
spectacle
?
Cette
question
de
la
perception
et
de
la
reconnaissance
spontanée
du
corps
dansant,
il
l’introduit
en
se
référant
à
Paul
Valéry,
chez
qui
cette
question
revêt
une
place
importante
6
Roland
Huesca,
«
Vision
essentialiste
de
la
corporéité
:
De
la
création
chorégraphique
»,
in
Jeu
:
revue de théâtre, n°104, (3) 2002, p. 161‐162.
6
dans
son
œuvre.
Bernard
interprète
L’Âme
et
la
Danse7
au
regard
de
sa
réflexion
sur
le
concept
de
«
corporéité
dansante
».
Sous
la
plume
de
Valéry,
la
danseuse
Athikté
apparaît
pour
le
rationnel
Socrate
«
comme
une
démente,
cette
femme
bizarrement
déracinée
et
qui
s’arrache
incessamment
de
sa
propre
forme,
tandis
que
ses
membres
devenus
fous
semblent
se
disputer
la
terre
et
les
airs
;
et
que
sa
tête
se
renverse,
traînant
sur
le
sol
une
chevelure
délié
;
et
que
l’une
de
ses
jambes
est
à
la
place
de
cette
tête
;
et
que
son
doigt
trace
je
ne
sais
quels
signes
dans
la
poussière
?
» 8 .
On
retrouve
donc
chez
Valéry
une
illustration
pertinente
du
concept
de
corporéité
en
tant
qu’éclatement
de
l’unicité
du
«
corps
»
:
«
La
danse
d’Athikté,
comme
toute
danse,
ne
serait,
en
ce
sens,
que
l’ivresse
du
mouvement
pour
son
propre
changement,
la
folle
quête
d’un
corps
qui
tente
vainement,
mais
indéfiniment,
de
nier
son
apparence
unité
et
identité
dans
la
multiplicité,
la
diversité
et
la
disparité
de
ses
actes
:
“étant
chose
il
éclate
en
événements“.
»9
Valéry
propose
lui‐même
une
analyse
de
ce
phénomène
dans
sa
Philosophie
de
la
danse10.
Ce
qui
est
essentiel
dans
la
danse,
c’est
l’
«
espace‐
temps
»
original
dans
laquelle
elle
nous
projette,
distinct
de
celui
de
la
vie
pratique
:
la
danse
constitue
une
dépense
motrice
et
sensorielle
inutile
et
autodestructrice
puisqu’elle
tend
à
l’épuisement.
Cependant
cette
inutilité
crée
son
propre
besoin
:
«
la
personne
qui
danse
s’enferme
dans
une
durée
qu’elle
engendre,
une
durée
toute
faite
d’énergie
actuelle,
toute
faite
de
rien
qui
puisse
durer
» 11 .
Cet
espace‐temps
semble
également
autonome
de
celui
de
la
vie
pratique,
le
corps
dansant
se
détache
de
ce
qui
l’entoure,
l’ignore
et
se
suffit
à
lui‐
même.
Valéry
en
vient
à
définir
la
danse
comme
«
une
poésie
générale
de
l’action
des
êtres
vivants
:
elle
isole
et
développe
les
caractères
essentiels
de
cette
action,
la
détache,
la
déploie
et
fait
du
corps
qu’elle
possède
un
objet
dont
les
transformations,
la
succession
des
aspects,
la
recherche
des
limites
des
puissances
instantanées
de
l’être
»12.
7
Paul
Valéry,
L’Âme
et
la
Danse,
in
Œuvres,
Gallimard,
«
Bibliothèque
de
la
Pléiade
»,
1960,
tome
II,
p.
160‐172.
8
Ibid.
9
Michel
Bernard,
De
la
création
chorégraphique,
op.
cit.,
2001,
p.
80.
10
Paul
Valéry,
Philosophie
de
la
danse,
in
Œuvres,
op.
cit.,
p.
1392‐1403.
11
Ibid.
12
Ibid.
7
A
partir
de
Valéry,
Michel
Bernard
identifie
la
spécificité
de
l’art
de
la
danse
qu’il
nomme
«
l’orchésalité
»
à
travers
«
quatre
caractéristiques
majeures
qui
permettent
la
détermination
esthétique
de
l’acte
de
danser
»
:
‐ «
Sa
dynamique
corporelle
de
métamorphose
indéfinie,
l’ivresse
du
mouvement
pour
son
propre
changement
»
:
c’est
la
quête
du
corps
individuel
qui
tente
de
«
nier
son
apparente
unité
dans
la
multiplicité,
la
diversité
et
la
disparité
de
ses
actes
».
‐ «
Son
jeu
aléatoire
et
paradoxal
de
construction
et
destruction
»
de
la
temporalité
:
c’est
dans
le
flux
temporel
que
la
corporéité
évolue
en
une
«
irruption
brutale
d’événements
».
‐ «
Son
dialogue
incessant
et
conflictuel
avec
la
pesanteur
»
:
la
corporéité
ne
devient
dansante
que
lorsqu’elle
joue
avec
cette
force
qui
la
traverse.
‐ «
Sa
pulsion
auto‐affective
ou
autoréflexive
»
:
c’est
ce
cocon,
cette
«
bulle
fictive
»
dans
laquelle
semble
s’enfermer
le
danseur
pour
«
mieux
jouir
des
ressources
motrices
indéfinies
de
sa
corporéité
».
Ce
quatrième
élément
sera
longuement
repris
et
décortiqué
dans
la
suite
de
l’ouvrage.
Toutefois,
une
condition
elle
aussi
signalée
par
Valéry
est
requise
pour
que
ces
quatre
traits
puissent
surgir
:
c’est
celle
de
l’inutilité
de
l’acte
danser,
de
la
libération
du
mouvement
«
de
sa
subordination
à
l’urgence
des
besoins
immédiats
et,
par
conséquent,
du
poids
de
ses
chaînes
instrumentales
qui
l’aliènent
aux
impératifs
économiques
et
techniques
».
Ainsi
Michel
Bernard
est
en
mesure
de
proposer
une
réponse
à
la
question
initiale
du
surgissement
de
la
danse
dans
la
corporéité
:
«
Le
corps
n’advient
à
la
danse
et
ne
peut
être
dit
dansant
qu’à
partir
du
moment
où
son
mouvement
banal
et
quotidien
se
détachant,
s’arrachant,
de
l’attraction
impérieuse
de
son
but
utilitaire
et
de
sa
fonction
économique
et
technique,
s’émancipe
et
s’autonomise.
Il
tend
alors
à
se
réfléchir
comme
dans
un
miroir,
à
se
spéculariser,
jouant
innocemment
avec
les
contraintes
simultanées
de
la
force
gravitaire
et
de
l’ordre
rationnel
:
ainsi
déconstruit‐il
et
pervertit‐il
à
plaisir
le
flux
temporel,
selon
les
fantaisies
de
son
imaginaire
sensoriel,
tout
en
le
convertissant
spatialement,
en
le
rendant
visible
et
figural.
(…)
Autrement
dit,
la
transitivité
fonctionnelle
du
mouvement
utilitaire
s’efface
8
totalement
devant
son
expressivité
unique
qui
en
absorbe
toutes
les
composantes
en
les
dénaturant.
»13
De la « corporéité dansante » à
la « corporéité spectaculaire »
De
l’identification
du
geste
dansé
par
rapport
au
geste,
Michel
Bernard
en
arrive
au
spectacle
proprement
dit,
au
«
corps
spectaculaire
»,
ce
qui
l’introduit
dans
le
champ
du
rapport
acteurs/spectateurs
et
donc
celui
expression/perception.
On
entre
aussi
dans
une
dimension
politique
au
sens
de
communautés
d’individus
avec
une
culture,
une
histoire
particulières.
Michel
Bernard
va
faire
résonner
ces
différentes
problématiques
entre
elle
pour
dessiner
sa
propre
conception
de
la
«
corporéité
spectaculaire
».
Il
remarque
que
depuis
plusieurs
décennies,
le
corps
est
omniprésent
dans
la
culture
des
sociétés
occidentales.
Ce
phénomène
a
depuis
longtemps
été
mis
à
jour
par
les
sciences
humaines,
notamment
Guy
Debord
dans
La
Société
du
spectacle14
(p.85)
:
le
corps
s’expose
de
plus
en
plus,
ce
qui
pose
de
nombreuses
questions
derrière
cette
évidence
historique.
Quel
corps
est
exhibé
?
A
quel
besoin
répond‐il
?
Qu’est‐ce
que
le
spectateur
perçoit
réellement
?
En
effet,
ce
constat
historique
de
la
valorisation
du
corps
est
porteur
de
trois
présupposés
:
l’identification
du
corps
comme
une
réalité
autonome,
indivisible,
distincte
;
l’assimilation
de
la
scène
à
«
un
lieu
matériel
neutre
»
;
enfin
la
réduction
de
la
relation
spectaculaire
à
une
relation
perceptive.
A
travers
l’analyse
du
corps
spectaculaire
et
du
«
fonctionnement
sensoriel
qui
prétend
l’appréhender
»,
l’auteur
soutient
que
la
perception
du
corps
et
le
besoin
de
spectacularité
auquel
il
répond
«
subvertissent
l’approche
habituelle
de
l’entité
désignée
comme
“corps“
et
la
conception
du
processus
perceptif
».
Il
réfute
les
trois
présupposés
énoncés
plus
haut
en
recourant
de
nouveau
à
son
concept
13
Michel
Bernard,
De
la
création
chorégraphique,
op.
cit.,
2001,
p.
83.
14
Guy
Debord,
La
Société
du
spectacle,
Champ
libre,
1983.
9
de
«
corporéité
»
qui
ne
désigne
que
«
le
fonctionnement
matériel
et
réticulaire
de
notre
système
sensoriel
»,
le
corps
étant
«
un
réseau
sensori‐moteur
instable
d’intensités
».
Dès
lors,
ce
qui
s’expose
dans
un
spectacle,
«
ce
n’est
plus
la
prétendue
réalité
anatomique
du
corps
(…)
mais
une
constellation
d’apparences
mobiles
et
multi‐sensorielles
».
En
effet,
le
spectacle
opère
une
déconstruction
du
corps
à
travers
un
quadruple
processus
qu’il
explique
méthodiquement.
Premièrement,
reprenant
Brecht
et
Castoriadis,
l’auteur
montre
que
la
scène
détruit
l’essence
au
sens
strict
du
corps,
«
le
poids
d’être
qu’on
lui
affecte
»
:
en
théâtralisant
ce
dernier,
elle
le
convertit
en
fiction
«
en
l’inscrivant
dans
la
trame
singulière
et
fluctuante
de
l’imaginaire
collectif
et
individuel
»
du
spectateur.
Ce
dernier
subit
à
son
tour
un
phénomène
qui
paraît
similaire
à
la
transfiguration
nietzschéenne 15
:
«
le
spectateur
qui
croit
spontanément
à
la
réalité
offerte
par
la
vision
du
fait
scénique
est
à
son
tour
déréalisé
par
celui‐ci
»,
théâtralisé.
Deuxièmement
et
simultanément,
le
corps
perd
sa
forme
et
donc
son
identité
en
se
transformant
«
en
image
dont
il
hérite
la
fragilité
constitutive
».
L’image
scénique
de
la
corporéité
semble
«
vouloir
se
dérober
à
une
reconnaissance
éventuelle
de
son
être
propre
».
Michel
Bernard
cite
l’exemple
du
chorégraphe
Raimund
Hoghe,
qui
exhibait
aux
spectateurs
les
effets
insolites
de
la
difformité
de
son
dos
balayé
par
un
faisceau
lumineux,
et
qui
parvenait
ainsi
à
«
annuler
cette
configuration
anatomique
en
la
transmutant
en
un
réseau
pictural
kaléidoscopique
».
Autrement
dit,
sa
corporéité
se
transforme
en
images,
s’autodétruit
et
échappe
à
toute
identification.
Troisièmement,
ce
processus
est
renforcé
lorsque
la
corporéité
est
en
mouvement,
«
animée
par
une
pulsion
motrice
ininterrompue
qui
la
métamorphose
en
une
diversité
infinie
de
déplacements,
mouvements,
gestes
(…)
qui
nous
interdisent
toute
tentative
d’en
cerner
l’hypothétique
unité
annoncée
par
la
désignation
trompeuse
du
mot
“corps“
».
Le
spectacle
chorégraphique
joue
avec
la
temporalité
qu’il
construit
et
détruit
à
travers
l’éclatement
de
la
corporéité
en
événements.
15
Friedrich
Nietzsche,
La
Naissance
de
la
tragédie
(1972),
Gallimard,
«
Folio
Essais
»,
1986.
10
«
Ainsi
le
spectacle
de
danse
nous
confirme
que,
par‐delà
la
déréalisation
ontologique
de
la
corporéité
opérée
par
le
lieu
scénique,
la
dissolution
de
sa
forme
et
de
son
identité
produite
par
sa
mutation
imagée,
elle
subit
conjointement
la
désintégration
temporelle
de
son
apparente
unité.
»16
Quatrièmement,
une
dernière
modalité
limite
du
processus
de
déconstruction
de
la
corporéité
s’ajoute
parfois
et
affecte
le
pouvoir
signifiant
du
corps,
son
statut
de
référent
privilégié
de
tous
les
signes,
de
«
véhicule
primordial
du
sens
».
Il
s’en
réfère
à
un
spectacle
du
chorégraphe
Jérôme
Bel
mettant
en
scène
une
danseuse
assise
de
dos
qui
se
dissout
dans
la
mare
d’urine
qu’elle
produit
:
la
dimension
de
«
blason
de
l’humanité
»
du
corps
est
ici
réduite
à
«
sa
seul
matérialité
biologique
»,
«
à
son
statut
primitif
de
pulsion
animale
».
«
La
corporéité
perçue
par
le
spectateur
n’est
jamais
que
la
chaîne
de
fantasmagories,
au
sens
étymologique
du
mot,
c’est‐à‐dire
le
cortège
de
fantômes
illusoires
secrété
implicitement
et
paradoxalement
par
la
volonté
même
de
la
présentation
scénique.
»17
Pour
expliquer
comme
le
spectateur
«
reçoit
»
le
spectacle,
Bernard
revient
sur
la
perception
elle‐même
indépendamment
de
tout
spectacle.
Le
processus
de
déconstruction
de
la
corporéité
spectaculaire
est
selon
lui
«
le
révélateur
indirect
et
réciproque
du
processus
plus
radical
de
simulation
immanent
à
la
vision
elle‐même,
et,
plus
généralement,
à
tout
acte
perceptif
».
Notre
perception
n’est
en
réalité
pas
un
phénomène
homogène
et
unilatéral,
«
d’impression
statique
d’un
organe
sensoriel
»
mais
au
contraire
«
un
processus
ambivalent,
instable
»
qui
a
«
un
fonctionnement
chiasmatique
qui
régit
la
totalité
du
système
sensoriel
et
par
lequel
se
révèle
précisément
un
jeu
ininterrompu
d’interférences
croisées
».
L’auteur
reprend
à
son
compte
et
développe
la
théorie
du
chiasme
de
Merleau‐Ponty 18 ,
figure
de
style
qui
consiste
en
une
correspondance
croisée
de
termes
dans
une
phrase
ou
dans
deux
phrases
distinctes.
Selon
ce
dernier,
cette
figure
ne
s’applique
pas
qu’au
discours
mais
au
corps
tout
entier
et
notamment
«
la
complexité
de
notre
système
sensoriel
».
A
partir
de
Merleau‐Ponty,
Michel
Bernard
identifie
quatre
chiasmes
principaux.
16
Michel
Bernard,
De
la
création
chorégraphique,
op.
cit.,
2001,
p.
89.
17
Ibid.
18
Maurice
Merleau‐Ponty,
Le
Visible
et
l’Invisible,
Gallimard,
1964,
p.
172‐204.
11
Un
premier
chiasme
«
intrasensoriel
»
réside
dans
«
la
double
dimension
simultanée
active
et
passive
de
tout
sentir
»
:
chaque
«
événement
sensoriel
»
est
une
«
rencontre
»
vécue
à
la
fois
activement
et
passivement.
Cette
«
auto‐
affection
»
immanente
à
toute
sensation
imprime
une
altérité
dans
chaque
corporéité.
Un
second
chiasme
«
intersensoriel
»
plus
classique,
consiste
en
«
la
correspondance
croisée
des
sens
entre
eux
»
(vision
et
audition
par
exemple),
comme
l’a
montré
Nietzsche19
au
sujet
de
la
musique
et
de
la
danse,
de
l’audition
et
du
toucher
:
les
impressions
sensorielles
résonnent
donc
entre
elles,
produisant
une
«
immense
intercorporéité
».
Un
troisième
chiasme
«
parasensoriel
»
méconnu
réside
quant
à
lui
dans
«
la
connexion
étroite
et
même
de
l’homologie
entre
l’acte
de
sentir
et
l’acte
d’énonciation,
(…)
entre
le
percevoir
et
le
dire
au
sens
générique
».
Mais
contrairement
à
Merleau‐Ponty
qui
pense
ce
chiasme
comme
«
avènement
du
sens
dans
les
sens
»,
comme
«
transmutation
de
la
corporéité
en
langage
»,
Michel
Bernard
l’envisage
sur
le
mode
de
l’énonciation
«
en
tant
que
processus
de
projection
d’un
monde
prétendu
réel,
soit
sensible,
soit
intelligible
»,
«
acte
fondateur
à
la
fois
de
ce
visible
et
de
cet
invisible,
de
la
sensation
et
du
langage
»,
sans
établir
une
priorité
de
l’un
sur
l’autre.
Un
quatrième
chiasme
concerne
enfin
«
l’intercoporéité
»,
le
rapport
des
corporéités
entre
elles,
et
notamment
«
la
manière
dont
elles
se
rendent
visible
les
unes
aux
autres
»
et
s’exposent
sur
scène.
Ce
chiasme‐ci
présuppose
les
trois
précédents
et
les
parachève
en
quelque
sorte.
Il
constitue
le
cœur
de
la
danse
puisqu’il
«
détermine
à
la
fois
le
l’expressivité
corporelle
d’autrui
et
le
regard
qui
la
découvre
»
:
«
Autrement
dit,
le
désir
de
se
projeter
dans
une
fiction
gratifiante,
anime
simultanément
mes
manières
de
sentir,
de
dire
et
d’exprimer
».
«
Toute
spectacularisation
scénique
de
la
corporéité
ne
peut
qu’être
piégée
par
la
dynamique
simulatrice
qui
métamorphose
son
objet
».
«
Ainsi,
peut‐on
avancer
que
si
la
scène
déconstruit
a
priori
ce
qu’elle
montre
et,
en
premier
lieu,
les
corps
des
acteurs
ou
danseurs
qui
évoluent
devant
nous,
la
perception
19
Friedrich
Nietzsche,
Ainsi
parlait
Zarathoustra,
Aubier,
1946,
3e
partie,
p.
443.
12
en
elle‐même
et
par
elle‐même
de
ces
corporéités
ne
peut
que
les
transmuter
en
les
soumettant
aux
effets
imprévisibles
du
jeu
chiasmatique
du
pouvoir
fictionnaire
conjoint
de
notre
sensorialité,
de
notre
énonciation
et
de
notre
expressivité.
»20
Ce
chiasme
«
souterrain
»
révèle
une
articulation
subtile
du
sentir
et
de
l’imaginaire,
et
en
cela
il
est
le
moteur
de
la
danse.
Toute
sensation
induit
un
mécanisme
de
projection,
de
«
dédoublement
fictif
»
opérant
à
tous
les
niveaux
du
système
sensoriel.
On
retrouve
en
effet
ce
mécanisme
à
l’œuvre
dans
tous
les
chiasmes.
En
ce
qui
concerne
le
premier,
«
l’auto‐affection
inhérente
à
chaque
sensation
(…)
est
toujours
une
manière
de
faire
surgir
un
reflet
virtuel,
un
simulacre
d’elle‐même
porteur
d’une
certaines
jouissance
».
Il
recourt
à
un
exemple
concret
:
«
Chaque
fois
que
ma
main
parcourt
une
surface
matérielle
quelle
qu’elle
soit,
organique
ou
non,
d’un
autre
corps
étranger
ou
de
mon
propre
corps,
qu’elle
croit
par
là
même,
grâce
à
son
exploration,
découvrir
et
faire
connaître
comme
telle,
elle
produit
et
dessine
simultanément
l’esquisse
en
filigrane
d’une
autre
main
imaginaire
qui
est,
elle,
“ressentie“
affectivement
et
non
plus
seulement
cognitive
ou
révélatrices
d’objets
identifiés.
»21
A
l’œuvre
également
dans
le
second
chiasme,
le
mécanisme
de
dédoublement
fictif
se
trouve
intensifié
par
la
correspondance
croisée
entre
nos
différents
sens.
Bernard
reprend
ici
l’exemple
de
«
l’œil
écoute
»
de
Paul
Claudel
:
plus
qu’une
simple
interférence
de
la
vision
par
l’audition,
il
s’agit
«
de
la
production,
au
sein
de
la
sensation
visuelle,
d’un
simulacre
autre,
hybride
et
singulier,
déterminé
par
le
processus
imaginaire
de
la
réception
auditive
à
la
fois
plus
diffuse
et
fugace,
plus
subtile
et
surtout
entièrement
temporalisée
».
L’oreille
virtuelle
impose
une
nouvelle
fiction
à
l’œil.
C’est
précisément
cette
«
mécanique
fictionnaire
secrète
de
la
sensation
»
qui
anime
la
corporéité
dansante
(la
kinesphère
désignant
l’espace
directement
accessible
au
corps
du
danseur)
:
20
Michel
Bernard,
De
la
création
chorégraphique,
op.
cit.,
2001,
p.
94.
21
Ibid,
p.
99.
13
«
La
diversité
et
l’intensité
des
sensations
produites
»
par
la
mobilité
du
danseur,
les
multiples
formes
posturales
et
gestuelles
de
sa
lutte
avec
les
forces
gravitaires,
les
fluctuations
de
ses
pulsions
et
de
ses
affects
constituent
la
source
d’
“une
kinesphère
fictive“
qui
surdétermine
la
kinesphère
visible
par
toute
sa
force
énonciatrice
:
elle
lui
confère
par
là
même
cette
“aura“
poétique
qui
émane
de
la
danse
des
meilleurs
artistes
interprétants
les
écritures
chorégraphiques
les
plus
riches
ou
les
plus
variées
et
qui
touche
les
imaginaires
des
spectateurs
attentifs.
Autrement
dit,
le
travail
sensoriel
complexe
du
danseur
porte
en
lui‐même
une
fiction
originaire
qu’il
exhibe,
déploie
et
véhicule
par
sa
seule
performance
scénique.
»22
Conclusion
Ainsi,
Michel
Bernard
pense
la
danse
à
partir
du
corps.
La
généalogie
de
ce
dernier
l’amène
à
en
redéfinir
les
contours
:
la
nouvelle
«
corporéité
»
qu’il
propose
transforme
le
corps,
entité
indivisible
et
autonome,
référent
identique,
en
«
corporéité
»
plurielle,
dynamique,
réseau
pulsionnel,
sensori‐moteur
et
affectif
déterminé
par
notre
imaginaire
personnel
et
collectif.
Dès
lors,
on
pressent
sa
fécondité
pour
penser
la
production
artistique
:
le
geste
devient
dansé
dans
la
mesure
ou
il
exemplifie
les
propriétés
de
la
corporéité,
le
corps
niant
son
apparente
unité
pour
au
contraire
exposer
une
succession
de
métamorphoses
indéfinies
qui
construit
et
déconstruit
dans
une
sorte
de
jeu
la
temporalité,
qui
dialogue
avec
la
pesanteur
et
qui
ne
se
réfère
qu’à
lui‐même.
Mais
en
s’exhibant
sur
scène,
le
corps
dansant
acquiert
de
nouvelles
propriétés,
notamment
sur
le
spectateur
qui,
par
le
jeu
de
la
dynamique
des
multiples
sensations
produites,
projette
son
imaginaire
personnel
et
collectif
sur
le
corps
dansant
et
crée
en
celui‐ci
une
fiction
qui
constitue
la
caractéristique
de
la
poétique
de
la
danse.
22
Ibid,
p.
100.
14
Bibliographie
BERNARD
Michel,
De
la
création
chorégraphique,
Centre
National
de
la
Danse,
«
Recherches
»,
2001.
Ouvrages et article spécifiques
BERNARD,
Michel,
Le
Corps,
Seuil,
«
Point
Essais
»,
1972.
BERNARD,
Michel,
L’Expressivité
du
corps.
Recherches
sur
les
fondements
de
la
théâtralité,
Chiron,
«
La
recherche
en
Danse
»,
1986.
BERNARD,
Michel,
Généalogie
du
jugement
artistique,
Beauchesne,
2011.
HUESCA,
Roland,
«
Vision
essentialiste
de
la
corporéité
:
De
la
création
chorégraphique
»,
in
Jeu
:
revue
de
théâtre,
n°104,
(3)
2002,
p.
161‐162.
Ouvrages généraux
BACHELARD,
Gaston,
L’Eau
et
les
Rêves,
José
Corti,
1970.
BACHELARD
Gaston,
Le
Rationalisme
appliqué,
PUF,
1949.
BRECHT,
Bertolt,
Ecrits
sur
le
théâtre,
L’Arche,
1972.
DEBORD,
Guy,
La
Société
du
spectacle,
Champ
libre,
1983.
DELEUZE,
Gilles,
&
GUATTARI,
Félix,
Milles
plateaux
:
capitalisme
et
schizophrénie,
Minuit,
1980.
DELEUZE,
Gilles,
Critique
et
clinique,
Minuit,
1993.
DUFRENNE,
Mikel,
Vers
une
esthétique
sans
entraves,
10/18,
1975.
ECO,
Umberto,
Sémiotique
et
philosophie
du
langage,
PUF,
1988.
EHRENZWEIG,
Anton,
L’Ordre
caché
de
l’art,
Gallimard,
1976.
HUSSERL,
Edmond,
Idées
directrices
pour
une
phénoménologie,
Gallimard,
1950.
HUSSERL,
Edmond,
Méditations
cartésiennes
:
introduction
à
la
phénoménologie,
Vrin,
1969.
LYOTARD,
Jean‐François,
Economie
libidinale,
Minuit,
1974.
MERLEAU‐PONTY,
Maurice,
Le
Visible
et
l’Invisible,
Gallimard,
1964.
NIETZSCHE,
Friedrich,
Ainsi
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Zarathoustra,
Aubier,
1946.
NIETZSCHE
Friedrich,
La
Naissance
de
la
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Gallimard,
«
Folio
Essais
»,
1986.
15
NIETZSCHE
Friedrich,
Considérations
inactuelles,
PUF,
1949.
STRAUS,
Erwin,
Du
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des
sens.
Contribution
à
l’étude
des
fondements
de
la
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Jérôme
Millon,
1989.
VALERY,
Paul,
Œuvres,
Gallimard,
«
Bibliothèque
de
la
Pléiade
»,
1960.
16