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Parler « tronqué »

De vive(s) voix du 19 novembre 2019.

Bernard Cerquiglini :
Tout le monde pratique l'abrègement.

Pascal Paradoux :
Et vous avez donc constaté ce phénomène dans ce livre consacré à l'art de faire court
baptisé Parlez-vous tronqué ? avec cette citation célébrissime de Marcel Proust,
célébrissime car c'est la première phrase de La recherche du temps perdu : "Lont je me suis
couch de bonne". Faut pas exagérer non plus !
Rires

Bernard Cerquiglini :
Non, il y a un côté provocation : je suis membre de l'Oulipo. Et vous savez, Perec avait
beaucoup travaillé sur cette première phrase, donc je me suis permis de l'apocoper : "Lont je
me suis couch de bonne". Je pense que Proust aujourd'hui pratiquerait, familièrement sans
doute, l'apocope puisque tout le monde la pratique, tous les milieux la pratiquent. C'était la
première constatation. Et la seconde, qui a vraiment suscité ce livre, c'est qu'il y a au sein de
la pratique de l'apocope un changement. Jusqu'ici on coupait le mot en respectant la coupe
syllabique : ci-né-ma, ciné ; vé-lo-ci-pède, vélo.

Pascal Paradoux :
Etc., etc.

Bernard Cerquiglini :
Etc. Donc la plupart des mots abrégés se terminaient par une voyelle. Et depuis quelques
temps, on ne respecte pas la coupe syllabique, on récupère la consonne qui suit. Un
exemple tout simple : les amphétamines ont été longtemps des amphés. Ce sont maintenant
des amphèts. Am-phé-ta-mine, amphèt. Et j'en ai trouvé énormément. La plus récente n'est
pas dans le livre car je viens de l'entendre. Vous et mois nous sommes allés en bibliothèque
quand nous étions étudiants, il y a peu d'années, n'est-ce pas ?

Pascal Paradoux :
Oh hier.

Bernard Cerquiglini :
Nous allions en bibli.

Pascal Paradoux :
Ah non en biblio !

Bernard Cerquiglini :
En biblio ?

Pascal Paradoux :
Enfin moi, j'allais en biblio, vous j'sais pas !

Extrait de De vive(s) voix du 29/11/2019


Rédactrice : Julie Fournier
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Bernard Cerquiglini :
Très bien. Moi c'était en bibli. Mais en tout les cas, c'est une coupure vocalique. Et bien les
écoliers maintenant, j'en ai le témoignage, vont à la bib.

Pascal Paradoux :
À la bib ?

Bernard Cerquiglini :
Bien sûr. À la bib.

Pascal Paradoux :
Mais alors comment se comprendre ? Si moi je vais en biblio, vous en bibli et notre petit là
en bib !

Bernard Cerquiglini :
C'est un phénomène, qui prouve - alors on peut le voir d'une façon péjorative ou inquiétante.
Inquiétée plutôt. C'est que les mots sont tellement courts qu'ils sont polysémiques. Prenez
un exemple : Com. Com' est l'abréviation de communication, de commandant, de
communion, de commerce - le petit com du coin, ainsi de suite. C'est à dire qu'on ne
comprend le mot que dans son contexte.

Pascal Paradoux :
Et dans son milieu.

Bernard Cerquiglini :
Et dans son milieu. Un autre exemple.

Pascal Paradoux :
Parce que com, par exemple pour moi, c'est plus communication que commerce.

Bernard Cerquiglini :
Bien sûr. Vous seriez militaire. Euh, " j'ai vu le com", c'est le commandant. Prenez un
exemple. J'ai entendu sur une chaine de télévision qui nous est chère, TV5 : "monte la cam".

Pascal Paradoux : Rires

Bernard Cerquiglini :
Je me suis dit, si on était dans un autre milieu... (Rires)

Pascal Paradoux :
Monte la cam ! Euh... (Rires)

Bernard Cerquiglini :
Monte la cam ! Vous voyez. Ça veut dire aussi que cet abrègement est lié à une certaine
communautarisation de la langue.

Pascal Paradoux :
La cam, c'est la caméra dans ce cas là. C’est TV5 monde, rassurez-moi !

Bernard Cerquiglini :
Mais naturellement, c’était naturellement, bien sûr, c’était la caméra qu'il fallait monter un
peu disait le réalisateur au cadreur. Il y a là un aspect de communautarisation de la langue,
c'est à dire qu'il faut être du milieu pour comprendre.

Extrait de De vive(s) voix du 29/11/2019


Rédactrice : Julie Fournier

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