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L a rémunération du capital
en Islam

Lahsen Sbai El Idrissi Les systèmes financiers islamiques se générale, Keynes écrit : « Il se peut
Chef de Division à la fondent sur l’interdiction absolue de que les méthodes des pionniers de la
Trésorerie Générale du toute forme de rentabilité prédéter- pensée économique des seizième et
Royaume, Ministère des minée. L’interdiction de l’usure se dix-septième siècle aient abouti à
Finances, Rabat, Maroc trouve au cœur de ces systèmes. certains fragments de sagesse pra-
Néanmoins, et tout en étant la carac- tique. Il y avait de la sagesse dans
téristique principale, cette interdic- leur extrême préoccupation de main-
tion n’est pas la seule particularité de tenir un faible taux d’intérêt par les
la finance islamique. Celle-ci s’ap- lois contre l’usure » (Allais 1977,
puie sur d’autres principes tels que le 61).
partage des risques, le droit de pro- Pour l’examen de la rémunération du
priété, le caractère sacré des contrats, capital dans l’optique islamique, le
et le respect non seulement des présent article se propose de présen-
droits, mais également des devoirs ter les objectifs de la finance isla-
des particuliers. Et l’interdiction de mique avant de situer cette dernière
Islamic financial l’usure vise à encourager l’investisse- dans une rétrospective historique.
systems are based on ment et à assurer une circulation Les formes de rémunération du capi-
the absolute saine des signes monétaires et des tal en Islam seront ensuite présen-
interdiction of all capitaux ; car elle a pour corollaire tées pour en saisir la spécificité. Puis
forms of predetermined une lutte sans faille contre la thésau- il sera procédé à la présentation des
gain. The ban on usury risation. banques islamiques, car c’est essen-
is at the heart of these De plus, l’Islam n’est pas la seule tiellement dans le cadre de ces
systems. croyance qui a proscrit l’usure. Le banques que la finance islamique se
prix Nobel d’économie, Maurice pratique aujourd’hui. L'article tente
Allais, nous rappelle ainsi que « sous de conclure par un essai d’évaluation
des formes diverses, le prélèvement de l’expérience de ces banques et de
Under Islam, economic réflexion sur les perspectives de leur
activities in general and de l’intérêt a toujours été combattu
par les réformateurs sociaux : par évolution.
financial activities in
particular are subject to l’église catholique jusqu’à la Renais- La finance islamique:
the restrictions set out sance, par les socialistes libéraux
in the Koran. In comme Proudhon, par les marxistes, des objectifs séculaires
Islamic States, the holy et dans des temps plus récents et L’Islam soumet les activités écono-
book takes precedence sous une forme plus habile, par des miques en général, et financières en
over all other judicial hommes comme Silvio Gesell et John particulier, à des restrictions prévues
norms. Maynard Keynes ». Dans sa Théorie par le Coran, livre saint qui est placé,

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dans les Etats musulmans, au som- règles claires, autorisant ou interdi-
met de la hiérarchie des normes juri- sant tel ou tel acte ou activité. Ainsi
diques. Et s’il en est ainsi, c’est parce en est-il de l’interdiction du Riba,
que cette religion contient à la fois usure, assimilé par certains auteurs à
une méthode de réalisation spirituel- l’intérêt, et du paiement de la Zakat,
le et un corpus de règles applicables ou aumône légale. Celle-ci constitue
aux sociétés musulmanes, règles l’un des cinq piliers de l’Islam, les
Islamic finance dont l’observance n’est toutefois pas quatre autres piliers étant : (a) la pro-
includes all the modes antinomique de l’ouverture sur l’ex- fession de foi, consistant à attester
of finance and térieur et de l’intégration des innova- qu’il n’y a d’autre Dieu qu’Allah et
investment practiced tions de nature à améliorer le niveau que Mohammed est son Prophète et
by Muslims that de développement desdites sociétés, Envoyé; (b) les cinq prières quoti-
respect the strictures of comme ce fut le cas lors de l’apogée diennes, espacées tout au long de la
the Koran and the du monde musulman. Les Oulémas, journée, afin que le croyant se sou-
Tradition of the vienne tout le temps du Créateur; (c)
jurisconsultes de l’Islam, par leur
Prophet. le jeûne pendant le mois du Rama-
effort d’interprétation et leur ouver-
ture d’esprit, avaient accompagné, dan, consistant à s’abstenir de man-
voire impulsé l’élan qui permit au ger, de boire, et d’avoir un rapport
monde musulman d’atteindre des sexuel, c'est-à-dire de se priver de
However, the Koran is
niveaux de civilisation inégalés avant toutes les activités « animales » de
not a civil code; it is a
collection of moral, son avènement. l’être humain, et ce du lever jusqu’au
ethical and religious coucher du soleil ; (d) le pèlerinage à
La finance islamique, pratiquée à
principles. The Koran la Mecque, lorsque l’on dispose des
l’époque, est constituée de l’en-
established some of the moyens de se payer le voyage vers les
semble des modes de financement et
principles as clear lieux saints de l’Islam.
d’investissement qui ont été adoptés
rules, authorising or alors par les musulmans, dans le res- Le paiement de la Zakat, qui porte
forbidding specific acts sur les biens du musulman, a la
pect des prescriptions du Coran et de
and activities. This is même connotation spirituelle que
la Tradition du Prophète.
true of the ban on Riba ces quatre piliers, lesquels visent la
- usury - that some L'apport du Coran purification de l‘individu, dans sa
authors equate with personne, dans son être ; la Zakat
interest, and of the Toutefois, et comme le souligne, Vol-
ker Nienhaus (1997), « le Coran assurant sa purification dans son
payment of Zakat, the
n’est pas un code civil, mais une col- avoir.
Islamic wealth tax.
This constitutes one of lection de principes moraux, La Zakat frappe aussi bien le capital
the five pillars of Islam. éthiques et religieux qui -tout en circulant que l’argent thésaurisé, de
réclamant une validité éternelle- ne telle sorte que ce dernier, s’il demeu-
deviennent le droit applicable qu’en re sans emploi, risque d’être complè-
considérant les circonstances tement absorbé par son prélèvement.
concrètes d’un lieu et d’un temps L’emploi en question ne peut être fait
précis » (Nienhaus 1998, 27). Il faut que sous des formes excluant la réa-
souligner, cependant, que le Coran a lisation de tout revenu fixe, garanti à
érigé certains de ces principes en l’avance. Le Coran est très clair là-

LA RÉMUNÉRATION DU CAPITAL EN ISLAM


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dessus : « Ce que vous prêtez à usure La base de calcul de la Zakat est
(Riba) pour accroître vos biens au constituée du capital détenu, des
détriment du prochain ne vous sera investissements, des animaux que
de nul profit auprès de Dieu. Ce que l’on possède, des revenus de l’agri-
vous donnez en aumônes (Zakat), en culture, du commerce et des affaires ;
quête de la grâce de Dieu, voilà qui son taux varie selon le type d’activité
vous sera porté plusieurs fois sa économique (Traimond 1995, 62 et
valeur. » (Al-Roum, 39). ss.).

Taux indicatifs de la ZAKAT

Type d’activité économique Taux en %


- Capital détenu (Or, argent, papier monnaie) 2.5
- Produits des terres non irriguées (pour le paysan) 10
Islam forbids Riba but - Produits des terres irriguées (pour le paysan) 5
encourages trade and - Actifs totaux de l’industriel ou de l’homme d’affaires 2.5
profit, which reward
the entrepreneur’s - Richesses minières 20
success and the - Elevage d’animaux Variable
creation of additional
wealth. In addition, the
annual levying of the
Islamic wealth tax,
payable on capital, Le Riba est littéralement tout est à Dieu, et celui qui récidive fera
incites Muslims to put accroissement du capital par le paie- partie des compagnons de l’enfer,
their money to use. ment d’un revenu fixé à l’avance. pour l’éternité » (Al-Baqara, 275).
Ainsi, tout taux de rémunération Il ressort de ce verset coranique que
préétabli, fixe et positif, lié à l’Islam interdit le Riba, mais qu’il
l’échéance du montant du principal, encourage le commerce et les béné-
et garanti quel que soit le résultat de fices, lesquels rémunèrent la réussite
l’investissement, est assimilable au de l’entrepreneur et la création de
Riba ; et donc interdit. Cette inter- richesses supplémentaires. Et le pré-
diction est édictée, sans équivoque, lèvement annuel de l’aumône légale
par le Coran : « Ceux qui mangent payable sur le capital, incite le
l’argent de l’usure ne se trouvent que musulman à employer son argent qui
dans le cas où se trouvent ceux qui serait, dans le cas contraire, complè-
sont touchés par le diable. Ils ont tement consommé, comme mention-
prétendu que l’usure est comme le né plus haut, par la Zakat.
commerce. Dieu a autorisé le com- Etymologiquement, celle-ci signifie
merce et a interdit l’usure. Celui qui d’ailleurs tout à la fois purification et
se rétracte sera rétribué et sa destinée accroissement.

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Le paiement d’intérêts a, par contre, contournée par le recours à des
des effets nocifs. Il peut ainsi décou- astuces et ruses. La plus subversive
rager l’opération même d’investisse- parmi elles étant une vente à crédit
ment, notamment lorsque le taux de connue sous le nom de Bay al-innan,
profit escompté est peu élevé. Dans double vente ou Moukhatara. L’astu-
ce cas, « même les capitaux propres ce consistait à ne faire jouer au bien
sont détournés de l’investissement échangé qu’un rôle fictif. Le prêteur
pour produire des intérêts... C’est là vendait à l’emprunteur une mar-
aussi une raison de l’interdiction car chandise donnée, à un montant
l’économie islamique est une écono- supérieur à celui dont avait besoin
Conversely, the
mie productiviste où la valorisation l’emprunteur, 215 Francs par
payment of interest has
du capital doit se faire par l’investis- exemple contre 180. Les 215 F
harmful effects. It can
sement et non par le prêt » (Daoudi étaient payables à terme, et le prêteur
thus discourage the
1991, 38). rachetait la marchandise immédiate-
practice of making
investments, notably in ment à l’emprunteur, à 180. Au sens
cases where the
Le paiement à intérêts: strict, il n’y avait donc pas eu prêt à
anticipated profit is des effets nocifs intérêt, mais vente et rachat d’une
small. marchandise. Mais il s’agissait, en
De plus, la multiplication de crédits
fait, de prêts à intérêts à peine dégui-
assortis de Riba entretient les pres-
sés. L’interdiction du Riba fut même
sions inflationnistes, les charges qui violée, par certains musulmans, à
en résultent étant répercutées sur les titre personnel, mais sans toutefois
Furthermore, an prix. Il en résulte que certaines
increase in loans engager, officiellement, la commu-
couches sociales, en l’occurrence les nauté islamique.
coupled with Riba
rentiers et les spéculateurs, mènent
leads to inflationary Pour les autres religions mono-
pressures, since the une vie parasitaire. Elles peuvent
alors gagner des sommes colossales, théistes, et comme le rappelle André
resulting costs are Martens (2001), « la prohibition du
passed on in higher sans prendre de risque, voire en en
créant pour les autres ; ce que l’on tarbit juif tomba rapidement en
prices. This results in désuétude, avec la multiplication de
certain social strata, constate d’ailleurs aujourd’hui avec
l’importance prise par les spécula- clauses échappatoires. Dans la chré-
specifically speculators tienté, des polémiques interminables
and those with private tions sur les marchés des capitaux et
tournèrent autour de la pratique de
means, leading the life la volatilité qui en résulte, sans par-
l’intérêt et de la sévérité avec laquel-
of a parasite. ler des grands déséquilibres dont
le il fallait appliquer son interdiction
continuent de souffrir les pays lour-
entre, d’une part, les thomistes et les
dement endettés. Or, la justice veut
jésuites de tendance rigoriste et
qu’emprunteurs et préteurs parta-
d’autre part, les jansénistes, aux vues
gent équitablement les avantages
plus modérées ; entre les catholiques
aussi bien que les pertes ; et que l’ac-
romains, dans l’ensemble favorables
cumulation et la répartition des à l’interdiction de l’intérêt, et les pro-
richesses soient conformes à la pro- testants, en général ouverts à sa pra-
ductivité véritable. tique. Moralistes et économistes
L’interdiction du Riba fut, toutefois, intervinrent dans le débat. En 1787,

LA RÉMUNÉRATION DU CAPITAL EN ISLAM


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Jérémie Bentham publia un texte au licite, chose que d’autres ont catégo-
titre évocateur, « Defence of Usury », riquement rejeté. Or, les premiers se
s’opposant à Adam Smith qui, bien basent sur des interprétations d’un
que père du laisser-faire, était en compagnon du Prophète Moham-
faveur d’un plafonnement des taux med (Ibn Abbas) et de successeurs
d’intérêt. L’interdiction du prêt à (Ikrimah et Dahak) (Al-Missry et Al-
intérêt fut finalement abolie du droit Abrach 1999, 22). Les exégèses de
canon en 1830 » (Martens 2001, 7). Mawardi (mort en 1072), de Qortobi
(mort en 1293), Siyoutti (mort en
The debate in the Un vif débat 1533), Al-Aloussy (mort en 1892), et
Muslim world on the dès le XIe siècle d’autres (Al-Missry et Al-Abrach
ban on interest-bearing Dans le monde musulman, et 1999, 22), reprennent également
lending has been very contrairement à l’idée reçue, ce débat cette distinction.
intense, not just a également été très vif, non seule- On trouve même la première utilisa-
subsequent to the ment depuis la généralisation du tion du terme intérêt, pour signifier
spread of the modèle de la banque conventionnel-
conventional banking Riba, chez d’illustres Oulémas du
le moderne, mais très tôt, dès les pre- XIVème siècle de l’ère chrétienne tels
model, but indeed miers siècles de l’Islam. Ainsi, au
since the very early que Ibn Taymiyah, Assoubky, et Al
XIème déjà de l’ère chrétienne, un Assdy (Al-Missry et Al-Abrach 1999,
centuries of Islam, in
débat houleux eut lieu sur la ques- 18), alors que de nos jours certains
the XIth century of the
tion entre les Oulémas (Al-Nabhane auteurs ont défendu la nécessité de
Christian era.
1978 et 1989). Il ressort de ce débat, faire la distinction entre intérêt et
et de ceux qui eurent lieu dans les usure.
siècles qui suivirent : (a) qu’en Islam,
le capital argent ne peut produire de C’est donc une question qui a inté-
From very early times, ressé les penseurs musulmans depuis
Muslim thinkers rémunération préétablie, sous forme
d’intérêt, mais qu’il peut produire un des siècles. Ils ont cherché, lorsque
sought to ensure that le monde musulman était à son apo-
Muslims respected the bénéfice ; (b) que pour cela, son
détenteur doit assumer le risque, car gée, à ce que l’activité du musulman
rules laid down by respecte les règles édictées par sa
their religion whilst le cas échéant, ce serait à celui qui
sera appelé à le faire fructifier, l’en- religion tout en participant active-
still participating
trepreneur investisseur dans notre ment à l’activité économique et com-
actively in everyday
terminologie actuelle, d’assumer, merciale de tous les jours, activité
economic and
commercial activity. seul, ce risque, ce qui serait injuste ; qui a toujours requis innovation,
et (c) que si la rémunération perçue labeur et persévérance.
en contrepartie du temps d’utilisa- Ces exigences sont amplifiées par le
tion de l’argent est illicite s’agissant fait que le niveau de développement
de l’investissement, elle est accep- de la plupart des pays musulmans
table en cas de vente différée. requiert, aujourd’hui, une élévation
Certains Oulémas se sont alors posé continue des taux d’investissement,
la question de savoir si l’on ne pou- et donc un relèvement du niveau de
vait pas dire que l’on est, dans le cas l’épargne et sa canalisation vers des
de la vente différée, en face d’un Riba emplois productifs.

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Toutefois, la question se pose dans monde musulman entra dans une
des termes différents que par le longue traversée du désert, qui freina
passé. Un rapide survol de l’évolu- l’élan des sociétés concernées. Au
tion historique qui donna naissance lieu de s’attacher à l’essence du mes-
By the Xth century of à la situation actuelle permettrait sage coranique, à son esprit, les
the Christian era, trade d’éclairer davantage l’approche de musulmans, y compris certains pen-
and investment cette question. seurs et Oulémas, commencèrent
operations required the alors à s’attacher à la lettre des textes,
use of payment
Décadence du monde voire à tolérer des pratiques qui
instruments that the musulman et essor du étaient parfois franchement
rest of the world was monde occidental contraires aux enseignements de l’Is-
not to adopt for several lam, et que celui-ci avait très tôt
En partant des « Mille et Une Nuits »,
centuries. combattu. Cela fut décrit de manière
livre qui n’a apparemment pas de
rapport avec l’analyse économique, magistrale par le grand Ibn Khal-
doun (1332-1406), dans sa « Muqad-
As religiosity and faith- Omar Akalay, banquier marocain, dima », « Les Prolégomènes », ou
based fervour began to souligne que les échanges commer- « Discours sur l’histoire universelle »
decline, so the Muslim ciaux et les opérations d’investisse-
ment nécessitaient, à l’époque où ce (Khaldoun 1968).
world slipped into a
long period in the recueil de contes fut rédigé, c'est-à- Roger Garaudy n’a pas manqué, pour
wilderness, which in dire au Xème siècle de l’ère chrétien- sa part, de relever cette corrélation
turn limited the ne, des instruments de paiement qui entre la décadence de l’Islam et la
dynamism of their ne seront utilisés dans le reste du diminution de la ferveur religieuse,
societies. Muslims, and monde que quelques siècles plus « l’Islam, écrit-il, a été grand et
Muslim thinkers, began tard. rayonnant lorsqu’il a été fidèle à l’es-
to tolerate practices « Toutes les formes de crédit sont prit du Coran et à l’exemple du Pro-
that were at times utilisées, écrit Omar Akalay, la lettre phète Mohammed, c’est-à-dire
contrary to the de change est connue… le crédit à la lorsqu’il a réalisé à la fois une libéra-
teachings of Islam, tion religieuse, une ouverture à tous
consommation est également utili-
practices discouraged les hommes de foi contre tous les
sé….(tout comme ) l’achat et la
by Islam from very sectarismes et une révolution sociale
vente à terme…. On pratique la com-
early on. contre la conception romaine de la
pensation des créances. Cette fois-ci,
c’est à Damas que ça se passe, à la propriété avec son droit d’user et
mort du père, son fils lui succède, il d’abuser auquel il opposait le princi-
At the same time the
devient marchand. C’est sa mère qui pe coranique : Dieu seul possède et
western world was
undergoing profound lui enseigne les pratiques commer- l’homme n’est que le gérant respon-
changes that were to ciales de son père : Mon fils, ton père sable de la propriété de Dieu »
transform western …avait des correspondants (à Bag- (Garaudy 1996).
society. dad) ; ils échangeaient des ordres de Mais pendant que le monde musul-
négoce et donc des produits. » (Aka- man sombrait dans une période de
lay 1991, 18-19). décadence, le monde occidental
Au fur et à mesure que la religiosité connut de grandes mutations qui
et la ferveur de la foi déclinaient, le générèrent de profondes mutations

LA RÉMUNÉRATION DU CAPITAL EN ISLAM


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sociétales. L’essor du commerce, des que si le façonnement des sociétés
The colonisation of échanges et de la production a néces- colonisées a été quasi total dans plu-
much of the Islamic sité l’intégration de techniques nou- sieurs contrées, il n’en fut pas de
world and the fall of velles de paiement et d’instruments même dans le monde musulman, et
the Ottoman empire financiers nouveaux. La décadence notamment dans les régions qui
led to the installation et le recul du monde musulman ont, connurent, très tôt, l’existence d’une
of new turnkey par contre, donné lieu à un blocage organisation sociale avancée, et dont
institutions. New types du développement des forces pro- certaines, comme le Maroc, l’Egypte,
of societal structures ductives et, subséquemment, de la Syrie et l’Irak s’étaient constitué,
and new methods for celui des techniques d’échange, de très tôt, en Etats - nations.
producing wealth and paiement et des mécanismes et cir- Dans ces pays, on assista au début de
providing services were cuits financiers. l’ère coloniale, à la coexistence de
put in place.
Les effets de deux secteurs d’activité économique,
moderne et traditionnel. Plus tard, le
At the inception of the la colonisation en Islam secteur moderne sera lui-même tra-
colonial era these
La colonisation d’une grande partie versé par un secteur informel créatif
countries were witness
des terres de l’Islam, et la chute de certes, mais qui échappait aux règles
to the coexistence of
two sectors of l’empire ottoman entraînèrent non et aux contrôles auxquels le secteur
economic activity: seulement l’ouverture, voire le régi- moderne était soumis. Sur le plan
modern and me de la porte ouverte, comme ce fut juridique, deux systèmes devaient
traditional. Similarly, le cas au Maroc après l’acte d’Algeri- dès lors coexister: un système
two judicial systems sas de 1906, mais aussi l’installation, moderne, régi par les règles de droit
also coexisted: a clés en mains, d’institutions nou- positif, et un système traditionnel
modern system, velles. De nouveaux types d’organi- dont les normes demeuraient celles
governed by positive sation sociale, de nouvelles édictées par la Charria et le Fikh,
laws, and a traditional méthodes de production des droit musulman, qui en est tiré.
system whose rules richesses et de prestations des ser-
remained those set by vices furent mises en place. Après l'accès
the Charia and the Cette superstructure, selon la termi- à l'indépendance
Fikh, the Muslim law nologie marxiste, qui fut le produit Après les indépendances, les codes
derived from it.
d’une longue évolution historique juridiques durent être révisés dans le
dans les pays occidentaux, a été gref- but de permettre la prise en charge
Post-independence, the
fée dans les pays musulmans. Elle n’a des exigences nouvelles. Et dans
legal codes needed to
be revised in order to pas été la résultante d’une matura- beaucoup de pays musulmans, ce fut
take account of the tion de l’évolution de ces sociétés qui également l’occasion de s’assurer de
new realities. In many furent, au contraire, appelées à s’y la prise en compte des commande-
Muslim countries this adapter, au prix de changements ments de l’Islam.
was also the occasion brutaux dans les mœurs, dans les S’agissant du secteur bancaire et
to incorporate the rapports de production et d’échange, financier, la réglementation est
commandments of et jusque dans le système des demeurée, pour l’essentiel, la même
Islam. valeurs. que celles des anciennes puissances
Néanmoins, il faut bien souligner colonisatrices. Et l’intégration des

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The regulations pays musulmans dans le marché rer des placements conformes aux
governing the banking mondial a nécessité le recours aux croyances des épargnants et per-
and finance sector mêmes techniques de paiement que mettre, ce faisant, une élévation des
remained essentially les pays tiers, partenaires et concur- taux d’épargne dans les pays musul-
unchanged, identical to rents. mans.
those imposed by the
Les banques de la plupart de ces pays L’argent ne devient capital en Islam
former colonial
powers. In addition, sont restées dépendantes de celles qu’à partir du moment où son asso-
the incorporation of des anciens colonisateurs, et ce d’au- ciation avec d’autres ressources per-
Muslim countries into tant plus, faut-il le rappeler, qu’elles met une activité productive (Al-Haq
the world trading furent, à l’origine, créées par des 1988). Cette association s’effectue au
system demanded that banquiers desdits pays. Leurs capi- moyen d’instruments financiers dont
the same payment taux étaient détenus par des investis- certains sont d’ailleurs tout à fait
systems be used as seurs originaires de ces pays. Aussi, identiques aux instruments financiers
those employed by les épargnants ont-ils longtemps conventionnels. Ces instruments
third countries, both boudé ce système qui leur semblait assurent des emplois à court, moyen
partners and contraire à leur croyance, sans et long terme (Iqbal 1997, 40).
competitors. oublier les pratiques d’épargne déve-
loppées au sein de ces sociétés, et qui Les formes de
Banks in most of these n’empruntaient pas toujours la voie rémunération
countries remained de la bancarisation, voire de la du capital en Islam
dependent on the monétisation.
former coloniser’s Le financement à long terme est
banks. For this reason, Les politiques de mobilisation de assuré essentiellement par les tech-
for a long period savers l’épargne, mises en œuvre depuis niques de partage des bénéfices
spurned a system that lors, dans les pays concernés, ont (Mudarabah), et de prise de partici-
they felt to be contrary certes permis la mobilisation d’une pation (Musharaka).
to their beliefs. grande partie de l’épargne potentiel-
le, mais le lancement de produits La Mudarabah consiste dans le finan-
financiers conformes à la Charria cement de projets d’investissements
Under Islam, money
aurait permis de mobiliser davantage sur la base d’une entente entre le
only becomes capital
once combining it with de ressources, comme il ressort d’une propriétaire, bailleur de fonds, et le
other resources results étude empirique portant sur Bahreïn, bénéficiaire, lequel contribue uni-
in a productive activity. entreprise en 1988. Cette étude a quement par son travail. Cette for-
This combination is conclu que l’observance de la reli- mule est identique à celle des
achieved using gion avait été le facteur déterminant sociétés d’investissement. Elle
financial instruments, de l’augmentation des fonds déposés s’adapte particulièrement pour le
some of which are dans les banques islamiques de ce financement de projets d’artisanat,
wholly identical to pays (Martens 2001). Aussi, est-il d’ateliers de confection et de petits
their conventional désormais nécessaire de connaître les commerces. Elle peut également
counterparts. These spécificités des produits financiers concerner toutes les formes de socié-
instruments cover té de capitaux et s’adapte aux formes
islamiques dont le lancement et le
short-, medium- and multiples de gestion.
développement permettraient de
long-term uses.
répondre à un objectif double : assu- La technique de la Musharakah est

LA RÉMUNÉRATION DU CAPITAL EN ISLAM


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analogue à celle des coentreprises ments à temps et s’il respecte
classiques. L’entrepreneur et l’inves- l’échéancier convenu.
tisseur contribuent tous deux, à des L’Istisna’a est un contrat en vertu
degrés variables, au capital (actifs, duquel une partie s’engage à produi-
savoir-faire en matière de technique re un bien spécifique à un délai, à un
et de gestion, fonds de roulement, prix et selon des spécifications
etc.). Ils s’accordent sur le partage convenues. Ce contrat couvre tout
According to the des bénéfices (et des risques) dans processus de fabrication, construc-
definition formulated des proportions convenues à l’avan- tion, assemblage ou emballage. En
during the 1979 ce. C'est une technique utilisée tradi- matière d’Istisna’a, le travail n’est pas
International Congress tionnellement pour le financement nécessairement accompli par la par-
of Islamic Banks: ‘The de biens fixes et de fonds de roule- tie au contrat et peut être confié en
Islamic Bank is a ment. tout ou en partie à d’autres exécu-
banking institution Le financement à moyen terme est tants sous le contrôle et la responsa-
that collects funds and bilité de ladite personne.
assuré essentiellement par l’Ijara
uses them in
(crédit-bail) et l’Istisna’a. Le financement à court terme est
accordance with
Islamic Charia law, La vente de l’usufruit assuré par les contrats de vente et la
with the purpose of Murabaha (marge bénéficiaire ou
L’Ijara correspond, du point de vue coût majoré).
building a society
founded on solidarity juridique, à une vente de l’usufruit
(Manfàa). Cette technique permet le Les contrats de vente sont des ventes
and achieving a avec paiement différé (Bay’mu’ajjal)
measure of justice in financement de l’équipement, de
l’agro industrie, des machines, des ou avec livraison différée (Bay’
the distribution of salam). Dans la vente avec paiement
wealth.’ infrastructures, des véhicules et du
matériel de transport. Le bailleur de différé, la livraison du produit est
fonds finance normalement le coût immédiate, mais le paiement s’effec-
total des machines et des équipe- tue à une date ultérieure convenue.
ments et les fournit à bail pour une Le paiement peut se faire en une fois
In order to ensure
période donnée, contre paiement de ou en plusieurs versements, sans
conformity with the
loyers fixes périodiques, suivant des pour autant qu’il n’entraîne de com-
requirements of the
Charia, Islamic banks échéances convenues à l’avance. mission supplémentaire. La vente
submit all their L’Ijara peut prendre différentes avec livraison différée est analogue
operations for approval formes, et notamment prévoir que aux contrats à terme, prévoyant la
by an in-house les acomptes seront en partie déduits livraison ultérieure et le règlement
religious advisory du prix d’achat final (lorsqu’il y a immédiat.
board. transfert de la propriété au preneur). La Murabaha est la notion tradition-
Le bailleur de fonds demeure pro- nelle de financement de l’achat à
priétaire des biens donnés à bail tempérament. L’investisseur s’engage
durant toute la période du bail. Les à fournir des biens ou des produits
loyers sont calculés sur la base d’un de base déterminés, l’opération s’ac-
taux de rendement annuel, le bénéfi- compagnant d’un contrat de gré à gré
ciaire pouvant obtenir des remises prévoyant la revente au client ainsi
sur les loyers, s’il effectue les paie- qu’une marge négociée. Cette opéra-

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tion peut également se faire soit au études, Ahmed Al Najjar implante
comptant, ou à terme, entre les par- les premières caisses d’épargne isla-
ties concernées. miques qui, d’emblée, remportent un
grand succès. Cela facilita la créa-
La banque islamique au tion, en 1963, en Egypte, de la pre-
cœur des systèmes mière banque islamique. De
financiers modernes dimension modeste, cette première
expérience a été relayée, à partir de
The first Islamic bank Selon la définition formulée lors du 1975, par les premières banques pri-
was established in Congrès international des banques vées islamiques.
Egypt in 1963. This islamiques en 1979 : « La banque
initial experiment was islamique est une institution bancai- Le Pakistan fut le premier pays à
followed, from 1975 re qui collecte des fonds et les utilise franchir le pas de la généralisation de
onwards, by the sur la base de la Charria islamique, la législation inspirée de l’Islam à
emergence of the first dans le but de fonder une société l’ensemble de son système financier.
private Islamic banks. solidaire et de réaliser une certaine En 1977, une commission d’écono-
justice dans la répartition des mistes et de religieux pakistanais
richesses ». conclut à la nécessité de supprimer
Pakistan was the first progressivement l’intérêt. Et à partir
country to move Pour assurer la conformité de leurs de 1979, les banques pakistanaises
towards the general opérations avec la Charria, les furent tenues d’ouvrir des comptes
application of Islamic- banques islamiques soumettent sans intérêt, mais sans pour autant
inspired legislation toutes leurs opérations à l’approba- supprimer les anciens comptes. En
across its entire tion d’un conseil religieux, intégré à Iran, une loi interdisant de verser ou
financial system. l’établissement. de percevoir des intérêts a été votée
Ces banques n’ont cessé, selon l’En- en 1983. Elle a été appliquée après
cyclopédie Universalis, « d’intriguer un délai de transition de trois ans.
Islamic financial
institutions have also les financiers internationaux, car Depuis les années 80 les pratiques
begun to appear in elles respectent à la lettre ce qu’inter- bancaires islamiques ont été inté-
non-Muslim countries dit l’islam sous le terme générique de grées, dans d’autres pays, à savoir
that have a resident Riba, à savoir la combinaison de trois l’Arabie saoudite, le Bahreïn, le Ban-
Muslim population. éléments : l’engagement à terme, la gladesh, l’Egypte, les Emirat Arabes
Western banks have condition aléatoire et la rémunéra- Unis, la Jordanie, la Malaisie, le
also begun to offer tion prédéterminée du capital, com- Koweït, le Sénégal, le Soudan, la
Islamic services in binaison que le mot intérêt ne Tunisie, la Turquie et le Yémen. Dans
Muslim countries. traduit qu’imparfaitement ». tous ces pays musulmans, et à l’ex-
Dès 1930, un savant religieux syrien, ception de l’Iran et du Pakistan, la
du nom de Marouf al-Doulabi, banque islamique cohabite avec la
recommande de limiter l’interdiction finance conventionnelle.
de l’intérêt aux prêts à la consomma- Des institutions financières isla-
tion. Plus tard, et inspiré par le miques ont également fait leur appa-
réseau d’épargne qu’il avait vu en rition dans des pays non musulmans,
Allemagne fédérale pendant ses où réside une minorité musulmane

LA RÉMUNÉRATION DU CAPITAL EN ISLAM


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tels que le Danemark, les Etats Unis, les pertes essuyées par la banque isla-
la Grande Bretagne, l’Allemagne et le mique. Le seul engagement contrac-
Canada. Et des guichets islamiques tuel passé entre le déposant et ladite
ont été ouverts, par des banques banque porte sur la proportion dans
occidentales, dans des pays musul- laquelle les profits et les pertes doi-
At the time of writing, mans. vent être répartis. Ainsi, « le ratio de
the value of Islamic Actuellement, la valeur des actifs des partage des profits ou des pertes doit
finance institutions’ institutions de financement islamique être convenu avant la transaction
assets amounts to est de quelque 120 milliards de $. entre la banque et les déposants, et ne
approximately $120 Cette valeur n’a été que de 5 milliards peut être modifié au cours de la durée
billion; in 1985 this de $ en 1985. de vie du contrat, sauf par consente-
figure was a mere $5 ment mutuel » (Khan et Mirakhor
billion. Outre leur capital et leurs fonds 1986, 33).
propres, ces banques trouvent leurs
principales sources de fonds dans Les banques islamiques appliquent
deux formes de dépôts, les et les ces mêmes principes de partage des
In addition to their
dépôts à des fins d’investissement profits et des pertes dans leurs opéra-
own funds and equity
(Khan et Mirakhor 1986, 33). tions de prêts. Les deux méthodes qui
capital, the primary
source of these banks’ répondent pleinement aux exigences
Les dépôts à des fins de transaction de la loi islamique dans ce domaine
funds lies in two forms sont directement liés à des transac-
of deposit: deposits sont les contrats, présentés plus haut,
tions et à des paiements. Ils sont assi- de Mudarabah et Musharakah.
made for transactional milables aux dépôts à vue des
purposes and those systèmes bancaires modernes. Les Evaluation et perspectives
made for investment fonds mobilisés par ce biais ne peu-
reasons. d’évolution de la finance
vent être employés en investissements
par les banques islamiques. Celles-ci
islamique
peuvent même faire payer des frais de En dépit de la masse, de plus en plus
Notwithstanding the grande, de fonds drainés et gérés par
fonctionnement aux déposants pour
ever larger flows of
couvrir le coût de gestion de ce type les banques islamiques, celles-ci ne
funds towards Islamic
de dépôts. mobilisent encore qu’une faible part
banks, they currently
Les dépôts à des fins d’investisse- des dépôts gérés dans les pays
only account for a
ments constituent la principale sour- musulmans ; sans parler des sommes
small proportion of
deposits managed in ce de fonds pour les banques colossales placées à l’étranger,
Muslim countries, not islamiques, et s’apparentent davanta- notamment par les pays pétroliers.
to mention the colossal ge à des actions d’une entreprise De plus, faute d’unification des inter-
sums deposited abroad, qu’aux dépôts à terme ou d’épargne prétations des différents rites, il
notably by the oil- des autres banques. Aucune garantie n’existe pas de code unique indi-
producing nations. quant à leur valeur nominale ou à leur quant quelles opérations bancaires
rendement n’est donnée aux dépo- sont licites ou non. Aussi, « chaque
sants, lesquels sont traités comme de banque établit sa propre déontologie
véritables actionnaires. Et ils ont avec l’aide de son conseil religieux.
droit, à ce titre, à une part des profits. Certaines sont très strictes, d’autres
Tout comme ils sont appelés à subir n’hésitent pas à facturer des commis-

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sions, fixes ou en pourcentage, sur différentes, dont les unes étaient
les prêts, ou à rémunérer leurs épar- frappées en or, les autres en argent
gnants avec des cadeaux qui sont ou en bronze. Le dénouement des
autant d’intérêts déguisés » (Piquard échanges et le règlement des dettes
1988, 34). et créances nécessitant une monnaie
D’autre part, les chercheurs ne sont de référence, les Oulémas avaient
Furthermore, in the pas tous d’accord sur l’assimilation alors recommandé d’exprimer les
absence of any unified des intérêts versés par les banques montants concernés en quantité de
interpretation of the conventionnelles au Riba, et ce d’au- blé, ou de toute autre denrée conve-
various texts, there is tant plus qu’il est nécessaire de diffé- nue entre les parties, de sorte que la
no one code to indicate rencier les intérêts nominaux des valeur réelle des créances soit
whether any particular intérêts réels. Cette différenciation conservée.
banking operation is, est, en effet, essentielle, car elle per-
or is not, permissible. Les défis de la finance
met de sauvegarder la valeur réelle
des dettes et créances, et donc d’évi- islamique
ter de faire perdre à l’épargnant une Hormis cet épineux problème de l’in-
Nor do all academics
partie de son épargne, celle qui est dexation, la finance islamique doit
agree that the interest
érodée par l’inflation, quelque soit le affronter d’autres défis, dont en par-
paid by conventional
niveau de cette dernière. ticulier ceux (Iqbal 1997) :
banks can be classed as
Riba, all the more so as S’adressant à ceux qui sont prêts à se (a) de l’instrument de politique du
a distinction has to be repentir de la pratique du Riba, le crédit, en l’occurrence le taux d’inté-
drawn between livre saint de l’Islam souligne avec rêt, jusqu’à quelle limite la banque
nominal interest and force qu’ils ne doivent pas subir de centrale islamique pourrait-elle y
actual interest. perte, et qu’ils doivent recevoir leur recourir ? Et comment pourrait-elle,
capital dans sa totalité, sans diminu- le cas échéant, discipliner le système
tion ni ajout. « Et si vous vous ? La conduite de la politique moné-
There are challenges to repentez, alors à vous vos capitaux : taire pourrait-elle se suffire des coef-
be faced by the Islamic et point ne léserez, ni ne serez lésés » ficients de réserve et de la persuasion
finance sector, (Al-Baqara, 279). morale ?
especially indexation,
credit policy as an Le capital doit donc être automati- (b) de la nécessité d’un marché
instrument, the quement augmenté d’un taux nomi- secondaire : les titres islamiques
necessity of secondary nal constituant la limite dans étant essentiellement des titres pri-
markets, and the laquelle le taux d’intérêt réel est nul. maires, liés à une entreprise ou à une
existence of the money La justice veut que l’on ne considère activité particulière, l’existence d’un
market, with an donc comme Riba que le taux d’inté- tel marché, dont les produits et les
interbank portion. rêt réel positif. modes de fonctionnement devraient,
Les spécialistes musulmans avaient naturellement, respecter l’obligation
affronté ce problème dans un contex- d’interdiction de l’usure, encourage-
te différent. L’ouverture du monde rait grandement les placements à
musulman et l’islamisation de long terme. De plus, l’épargnant
contrées nouvelles avaient alors musulman, comme la plupart des
entraîné la circulation de monnaies épargnants du monde, est réticent au

LA RÉMUNÉRATION DU CAPITAL EN ISLAM


28
risque. Il a une préférence pour la financement de la trésorerie des
liquidité. D’où la nécessité de lui entreprises, des banques et de l’Etat.
donner la possibilité de vendre rapi- Comment seront rémunérés les cré-
dement, quand il le désire, les titres dits nécessaires à cette fin ? Le gou-
qu’il possède (Iqbal et Mirakhor vernement peut-il tolérer l’existence
1987). Or, pour ne pas rémunérer d’un déficit budgétaire ? Et jusqu’à
les transactions à un intérêt fixe, les quel niveau ? Bien plus, même en
intervenants sur ce marché sont situation d’équilibre budgétaire,
appelés à réaliser l’évaluation précise quels seraient les modes de couver-
des profits et pertes consécutifs aux ture des besoins intra-annuels du
Islamic finance cannot titres à échanger. Cette évaluation Trésor, résultant des différences
be practiced in pose déjà problème au niveau des entre les cycles et rythmes d’exécu-
isolation. For this banques islamiques dont la faible tion des recettes et des dépenses ?
reason, it is important technicité ne facilite pas toujours
to study ways and l’évaluation précise des risques Vers une meilleure
means of interacting encourus dans les projets financés intégration de la finance
with international (Iqbal et Mirakhor 1987). En effet, islamique dans la finance
finance and define the l’évaluation et l’appréciation des pro-
standards to follow in jets, la détermination des ratios de
internationale
this domain. partage des profits et la création d’un La finance islamique ne pourra pas
cadre de procédure pour l’exécution, être pratiquée en autarcie. D’où la
la surveillance, le pilotage et la véri- nécessité d’étudier ses modes d’inser-
Internally, the fication de divers projets font peser tion dans la finance internationale, et
construction of Islamic des exigences nouvelles sur les de définir les normes devant être res-
financial systems banques islamiques. Le manque de pectées dans ce cadre, normes qu’il
requires far-reaching transparence des entreprises des n’est, naturellement, ni possible, ni
reforms not merely of pays dans lesquels ces banques exer- normal, d’imposer aux partenaires
the financial non musulmans.
cent leur activité amplifiant le pro-
institutions, but also,
blème, comment ce dernier Le respect des exigences de la finan-
and most importantly,
pourrait-il trouver sa solution à un ce islamique ne posait guère de pro-
at the legislative,
échelon plus élevé, celui du marché blèmes dans le passé, lorsque les
judicial and regulatory
levels. dans son ensemble ? musulmans étaient parmi les acteurs
(c) de l’existence d’un marché moné- principaux du commerce lointain, et
taire, avec un compartiment inter- il en pose à plus forte raison aujour-
bancaire. La nécessité de ce marché d’hui, où les moyens de communica-
n’est pas à démontrer. Les mêmes tion facilitent les contacts, et où les
difficultés quant aux bases de rému- esprits sont plus réceptifs aux idées
nération soulevées ci-dessus, s’agis- et aux pratiques de l’autre. Plus que
sant du marché secondaire, par le passé, et n’en déplaise aux pro-
rejoignent celles du marché monétai- tagonistes du prétendu choc des civi-
re. Et, d’une manière plus générale, lisations, les hommes sont plus
la finance islamique est appelée à ouverts à la concertation, dans le res-
trouver des solutions appropriées au pect des croyances et des intérêts,

FINANCE & THE COMMON GOOD/BIEN COMMUN - AUTUMN 2003


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des uns et des autres. financiers islamiques ne devraient
Sur le plan interne, l’édification de plus être l’apanage des seules banques
systèmes financiers islamiques islamiques, mais également des autres
requiert de profondes réformes non banques conventionnelles, où l’ouver-
seulement dans les institutions ture de guichets islamiques devrait
financières, mais également et sur- être généralisée.
tout aux niveaux législatif, judiciaire Par ailleurs, les actions de promotion
et réglementaire ; réformes touchant et la politique de commercialisation
également les modes de gestion des de ces instruments ne doit désormais
It is of the utmost entreprises et de production des plus viser la seule clientèle islamique,
urgency that work informations relatives à leurs opéra- mais également les épargnants non
begins now on tions. musulmans qui seraient intéressés par
improving the current ces produits, soit parce qu’ils sont à la
range of Islamic
Une action sur le long
recherche de placements éthiques, ou
financial products on terme à entreprendre qu’ils veulent être associés aux résul-
offer as well as the très rapidement tats de projets donnés. Mais, une telle
institutions responsible politique ne peut être mise en œuvre
Il s’agit, en somme, d’actions de gran-
for their sale and sans l’amélioration de la compétitivité
de envergure, qui ne peuvent donc
management.
être entreprises que dans le long des banques islamiques qui devraient
terme. Cela est normal, l’édification être outillées, et qui sont appelées à
de systèmes nouveaux, pour être développer leurs capacités d’évalua-
Islamic finance also has durable, doit être basée sur une vision tion, de choix et de gestion des pro-
a role to play in closing claire de la situation désirée, et sur la jets.
the gap between the mobilisation des acteurs et des res- Dans le contexte actuel de financiari-
centres of financial sources nécessaires à cette fin. sation accrue des sociétés modernes,
decision-making and Mais, comme disait John M. Keynes, de complexification des instruments
the demands of the « dans le long terme, on sera tous financiers, la frontière entre monnaie
economy in the real morts ! ». Aussi est-il de la plus haute et finance n’est plus aussi tranchée
world. urgence de commencer déjà par que par le passé, d’où les risques de
l’amélioration des produits financiers crises systémiques et de désordre
islamiques actuellement offerts, et des monétaire. En offrant des produits où
institutions qui en assurent la com- cette frontière est on ne peut plus clai-
mercialisation et la gestion. re, et en assurant leur « connexion »
Le bon sens, l’esprit d’ouverture, et le à l’économie réelle, la finance isla-
respect de la volonté des épargnants mique peut également participer à
militent en faveur de la mise en place l’effort de rapprochement des centres
de tels produits là où une demande de décision financière avec les exi-
existe. Et, ce faisant, les instruments gences de l’économie réelle.

LA RÉMUNÉRATION DU CAPITAL EN ISLAM


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Références
Akalay, Omar, 1991, « Visages de Martens, André, 2001, La finance
l’entrepreneur musulman », in islamique : Fondements, théorie et
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traduction de Vincent Monteil, Al-Nabhane, Mohammed F., 1978,
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routh. contemporaines, en arabe, Ed. Bara-
Khan, Moshin S., Mirakhor, Abbas, da, Rabat.
1986, « Les pratiques bancaires Al-Nabhane, Mohammed F., 1989,
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ment, Revue de la Banque Mondiale et perspective islamique, en arabe, Dar
du FMI, septembre 1986, vol.23, n°3. al bouhouth al Ilmya, Koweït.

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CONTENTS/SOMMAIRE

Editorial/Éditorial
Interest Rate: a Moral and Technical Issue 3-7
Le taux d’intérêt, une question de morale et de technique

News Monitor
Portrait robot du cupide vu d’Antioche au IVe siècle 8-9
Nicoleta Acatrinei
Banana Skins Survey 2003/04 10
Andrew Hilton
‘Catastrophes Bond’ - The Cirio Finanziaria Default 11-13
Alessandro Pietrogiacomi and Fernando Paganelli
Building 360° Financial Services Initiatives for the Poor 13-15
Venkataraman Satyamurti

Feature: Interest Rates and Moral - Religious Perspectives


La rémunération du capital en Islam 16-30
Lahsen Sbai el Idrissi
Islamic Finance’s Glossary of Terms / Glossaire de la finance islamique 31-36

Interview with Waleed Abdulla Rashdan


Bahrain, a Center of Islamic Finance in the Gulf 37-41

Calvin et le prêt à intérêt 42-58


Edouard Dommen
Antonin des conseils, un théologien de l’usure au XV° siècle 59-67
Jean-Claude Lavigne
La prohibition de l’usure et la naissance de l’assurance 68-74
Jean Halpérin

Book Reviews/Comptes rendus de lecture


Diana Wood - Medieval Economic Thought 75
Michel Aglietta, André Orléan - La monnaie entre violence et confiance 76-77
Past Issues / Anciens numéros
1998 1 Finance & the Common Good / What are the issues?
1999 2 Why Common Good Matters?
2000 3 Ethical Issues in Financial Activities
4 The Break-up of Money
2001 5 Financial Exclusion
6/7 International Meeting “Finance & the Common Good”
8 Socially Responsible Investment
2002 9 Will the Euro Shape Europe?
10/11 Economic and Financial Globalization. What the Numbers Say?
12 Ethics of Taxation and Banking Secrecy
2003 13/14 Conflicts of Interest and the Structures of Trust
15 Globalization in Crossfire
16 Interest Rates and Moral, Religious Perspectives
2004 17 Capital Remuneration, Contemporary Practices
18/19 Enron and the World of Finance: A Case Study in Ethics
20 Solidarity-based Economy and Finance: Mirage or Challenge?
2005 21 From Bretton Woods to Basel II
22 “Homo Oeconomicus”, Le mal-compris et le mal-aimé
23 The Enterprise. Matter and Form(s)
2006 24 Ethical Underpinnings of Financial Theory
25 Europe: la microfinance se fait une place
26 La finance joue avec le sport

¤ Ordinary Subscription (3 issues) : 75 €, 110 CHF


¤ 1 issue for : 26 €, 40 CHF

Finance & the Common Good/Bien Commun


(Financial Ethics Review - Revue d’éthique financière)
http://www.obsfin.ch/finance&thecommongood-biencommun.htm
is a publication of the Observatoire de la Finance
32, rue de l’Athénée, 1206 Geneva, Switzerland, Phone +41 (0)22 346 30 35, Fax +41 (0)22 789 14 60,
Email office@obsfin.ch, Website: www.obsfin.ch
ISSN 1422-4658

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