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Loprieno Antonio. Conférence de M. Antonio Loprieno. In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses.
Annuaire. Tome 108, 1999-2000. 1999. pp. 161-169.
http://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0002_1999_num_112_108_13017
Conférence Directeur
de M. Antonio
d'études
Loprieno
invité
son texte, présente cette phase come une transition entre sa fuite et son retour.
Nous qualifions cette géographie de centripétale.
Une différence importante entre la géographie des autobiographies de la fin
de l'Ancien Empire et celle des textes narratifs du Moyen Empire est
l'importance du passage d'une frontière. Les protagonistes de ces derniers
vivent toujours de façon très personnelle l'expérience du passage d'un espace
à l'autre : pendant son voyage de l'oase (hls.t) à l'Egypte (km.t), au Nord de
Medenyt, l'Oasien rencontre Antynakht, la personification de l'injustice ;
pendant son voyage vers l'Asie, et plus précisément à la limite des champs
cultivés (m *d n sh.t), Sinouhé rencontre un inconnu dont il a peur, ou qui a
peur de lui ; le Naufragé nous informe dès le début de la narration sur le fait
qu'il avait atteint « les derniers coins de Wawat » et passé Senmut. La
représentation de l'opposition entre Egypte et « étranger » est maintenant
accompagnée par la perception subjective, de la part du protagoniste, d'une
frontière entre deux espaces, d'une barrière à franchir sous le profil émotif
plutôt que géographique et qui est associée, selon un paradigme bien connu
de la science de la littérature, à l'expérience du danger, de l'injustice, de la
peur, de l'attente - bref, à une expérience liminale : dp.t mw.t nn, « ceci est
le goût de la mort », comme dit Sinouhé. Il s'agit d'une organisation
hiérarchique de l'espace fondée sur une opposition culturelle rigide entre
« ici » et « là », entre l'au-deçà et l'au-delà de cette frontière qui requiert
une sorte de « rite de passage » pour être franchie.
L'autre grande époque d'épanouissement de la littérature égyptienne,
l'époque ramesside, nous confronte encore une fois avec des changements
radicaux. Dans le conte de la Dispute entre Apopis et Seqnenre, dans Le
Prince Prédestiné, dans La Conquête de Yoppé, c'est à l'étranger que se
situe souvent l'espace fictif. De la géographie centripétale de la littérature
moyen-égyptienne nous arrivons à la géographie centr/fuga/ede la littérature
« prolétaire » ramesside. Dans un certain sens, cette littérature, dans laquelle
on se réfère souvent à des périodes antérieures de l'histoire nationale (la
XVIIe dyn. dans le cas de Apopis et Seqnenre, le temps de Thutmosis III
dans celui de La Prise de Yoppé, etc.) présente des parallèles avec ce qu'on
appelle le « roman historique » dans les littératures européennes du XIXe
siècle, come Scott (Ivanhoe) ou Manzoni (Les fiancés) : les protagonistes
s'éloignent du centre et se dirigent vers une périphérie qui n'est plus marquée
par les traits de la frontière. Un élément fondamental de cette littérature
narrative est une géographie moins précise, moins organisée que celle d'un
Sinouhé ou d'un Oasite : on ne trouve pas de données détaillées sur les
différents lieux de l'Egypte par lesquels passe le protagoniste, mais plutôt
une proximité fictive entre Thèbes et Avaris, dont le prince est dérangé dans
son sommeil par les hippopotames de Thèbes, ou bien un saut ponctuel sans
stations intermédiaires vers Naharina de la part d'un prince prédestiné sans
espace et sans temps. L'Egypte et l'étranger sont traités comme des entités
différentes, mais ils ne sont plus organisés de façon hiérarchique.
Ce tableau change encore à la fin du Nouvel Empire. Dans le conte
d'Ounamon, non seulement l'étranger est devenu représentable, comme il
l'était déjà dans la littérature ramesside, mais il est lui-même le centre de
l'espace fictif. La périphérie est maintenant l'Egypte : si Naharina dans le
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