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COMMENT CONTRER UNE BULLE A2/AD ?

NOTE RENSEIGNEMENT, TECHNOLOGIE ET ARMEMENT N°10 /


AVRIL 2019
OLIVIER DUJARDIN

Les systèmes participant au concept Anti-Access/Area Denialou A2/AD font beaucoup parler
d’eux ces dernières années. Ce dispositif, apparu pour la première fois en 2003 dans un
document publié aux Etats-Unis, s’est vu, assez rapidement, concrétisé par l’entrée en
fonction du système anti-aérien S-300 russe, puis par celle d’autres systèmes longue
portée. La très grande distance d’engagement théorique des missiles amenait à
reconsidérer la superficie des zones défendues. Le concept s’est ensuite étendu à toutes les
capacités ayant pour objectif d’entraver la liberté de manœuvre de l’adversaire que ce soit
sur terre, sur mer ou dans les airs. Vue comme instrument de défense ultime par certains,
considérée par d’autres comme étant très surestimée, cette stratégie divise. Le dernier
rapport du FOI[1]– l’Agence suédoise de recherche pour la Défense – a relancé le débat sur
l’efficacité réelle des systèmes A2/AD russes. Entre surestimation et sous-estimation, il est
nécessaire de prendre un peu de recul et d’analyser ce que cela recouvre afin de trouver la
parade adaptée.

QU’EST-CE QU’UNE BULLE A2/AD ?

Le concept A2/AD a pour objectif de déployer un ou plusieurs systèmes d’armes de grande


portée afin de contenir tout adversaire hors de distance de sécurité du territoire que l’on
souhaite défendre. Aujourd’hui la bulle A2/AD est surtout représentée par les systèmes
antiaériens (S-300, S-400, les futurs S-500, HQ-9, Patriot, etc.) et les batteries de missiles
antinavires de longue portée (K-300P Bastion-P, Hsiung Feng III, YJ-62 etc.) ; mais on peut
aussi y retrouver les techniques de guerre électronique, les mines, le cyber, l’artillerie longue
portée ou des batteries de missiles balistiques tactiques. C’est un ensemble assez large qui
permet d’inclure à peu près tout ce qui peut participer à la défense d’une zone sur de
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grandes distances.

Ces systèmes sont souvent vus comme une barrière ultime à ne pas franchir sous peine de
destruction ; mais la réalité est plus complexe comme leurs détracteurs l’expliquent. En effet,
il n’est pas simple de frapper une cible, qu’elle soit navale, terrestre ou aérienne, à plusieurs
centaines de kilomètres de distance. C’est très bien de pouvoir lancer un missile loin, mais
encore faut-il savoir sur quel objectif. Ainsi, les moyens de détection sont au moins aussi
importants que les armes elles-mêmes ; et il est vrai que les lois de la physique imposent
des limitations en la matière.

Dans le domaine naval, il n’est pas possible de détecter un navire distant de 300 km avec
un radar basé au sol, la rotondité de la terre ne permettant pas aux ondes d’atteindre la
cible. Il existe des radars à ondes de surface mais leur précision est assez faible et ne
permet pas de désigner l’objectif à un missile. Pour avoir une réelle efficacité et profiter de
leur allonge maximale, les batteries de missiles antinavires doivent bénéficier d’une
détection déportée grâce, par exemple, à un navire ou un aéronef pouvant effectuer la
désignation d’objectif. La problématique est ici de disposer d’un capteur à portée de
détection de la cible. On peut voir dans ce capteur le maillon faible de la chaîne mais il faut
avoir conscience qu’il ne sera peut-être pas facile à identifier, car il n’aura peut-être pas
d’apparence militaire (chalutier, navire de commerce, avion léger civil…). Le but de ces
batteries de missiles antinavires est de maintenir les forces navales ennemies à distance et
de les priver de renseignements tactiques ; en effet, si les capteurs à terre ne peuvent pas
détecter les bâtiments à ces distances, l’inverse est vrai aussi.

Dans le domaine aérien, la problématique est similaire : un radar situé au sol ne peut
détecter ses cibles qu’à partir du moment où elles évoluent à une altitude suffisamment
élevée ; il ne sera pas possible de détecter un avion volant à basse altitude, à une distance
de 400 km, sans disposer, là aussi, d’un capteur déporté. Par contre, les radars longue
portée seront tout à fait en mesure de détecter les aéronefs volant à haute altitude. Là
encore, les détracteurs de ces systèmes font remarquer que, si un missile peut en théorie
parcourir 400 km, personne ne tirera sur une cible à cette distance maximale car elle peut
trop rapidement, en s’éloignant, sortir du volume d’engagement du missile. Selon la vitesse
des missiles utilisés, on peut effectivement considérer une marge en distance de 50 à 100
km à l’intérieur de la portée maximale, c’est-à-dire que, sur un système ayant une portée
maximale de 250 km, l’engagement de la ciblese fera à une distance de 150 à 200 km au
maximum. Cette contrainte est la même pour tout le monde donc, si on doit minorer la
portée de tir d’un système, il faut le faire pour tous les autres. Il en est de même pour les
cibles volant à basse altitude qui ne seront détectées que très tard (environ à 20 ou 40 km
de leurs objectifs), mais là encore, ceci est vrai pour tous les systèmes sol/air, les lois de la
physique s’appliquant à tout le monde.

Ce qui peut apparaître comme une faiblesse des systèmes sol/air longue portée (et comme
une limite au principe A2/AD) n’en est pas vraiment une ; car, contrairement à ce qui est
souvent présenté, une vraie bulle A2/AD n’est pas générée par un seul système : c’est tout
un complexe défensif[2]. Contrairement aux Occidentaux, les Russes ne font pas reposer
leur défense aérienne sur un seul système, aussi performant soit-il. Parfaitement conscients
qu’ils couvrent surtout la « partie haute » avec leurs moyens longue portée, ils y associent

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d’autres de moyenne, courte et très courte portées. Ainsi les S-300 et S-400 n’ont pas été
prévus pour aller détruire des chasseurs à 300 ou 400 km de distance, ils ont été conçus
pour tenir éloignés les avions de détection/renseignement, de ravitaillement en vol ou de
commandement, soit tous les aéronefs qui ont besoin de voler haut. Ces systèmes imposent
aussi aux chasseurs de voler à basse altitude, et de plus en plus bas à mesure qu’ils se
rapprochent des menaces sol/air, ce qui les expose à tous les autres moyens de défense
sol/air[3]. On en revient aux plans tactiques de la Guerre froide, selon lesquels l’OTAN
envisageait d’attaquer le territoire soviétique à basse altitude pour échapper aux systèmes
sol/air longue portée(SA-2 et SA-5), ce qui exposait en revanche les aéronefs occidentaux à
la multitude des canons antiaériens. Les Russes n’ont pas inventé une nouvelle stratégie,
les moyens actuels étant le prolongement de la logique qui a vu naître les SA-2 et SA-5.
Aujourd’hui, la grande différence est que, les pays occidentaux mettant en ligne un nombre
de moins en moins élevé d’appareils ultra perfectionnés et donc très chers, il devient
périlleux d’engager ces appareils à basse altitude contre une défense sol/air diversifiée
(canons, missiles). Qui irait exposer un appareil coûtant près de 100 millions de dollars
contre un canon de 23 mm ? Actuellement très peu d’avions disposent d’un blindage leur
permettant de faire face à cette menace : côté occidental, il reste l’A-10 -il arrive en fin de
carrière, cette capacité disparaîtra donc avec lui – et, côté russe, le SU-25/39 et le récent
SU-34

L’A2/AD vue par les Russes est en réalité une défense multicouche combinant des moyens
de défense sol/air, des moyens antinavires, des moyens de guerre électronique, des
moyens sol/sol (artillerie, missiles), etc. Leur objectif est bien de tenir à distance l’ennemi
potentiel afin de limiter à la fois ses capacités de frappes et le renseignement tactique qu’il
pourrait acquérir sur le théâtre d’opérations[4]. Certains mettent en doute la capacité des
Russes à effectuer des désignations d’objectifs déportées, pourtant nécessaire pour utiliser
pleinement leurs missiles de longue portée, car ils ne disposeraient pas de CEC
(Cooperative Engagement Capability[5]). Mais c’est faire ici une confusion entre un moyen
et une compétence. Ce n’est pas parce que les Russes ne disposent pas de CEC – encore
que cela tend à se corriger – qu’ils ne sont pas capables de transmettre des coordonnées de
cibles à un tireur déporté. Cet argument est d’autant plus étrange que c’est pratiqué depuis
fort longtemps par la plupart des armées ; c’est d’ailleurs une des fonctions des avions de
patrouille maritime ou des AWACS, par exemple. Les Russes se sont fait une spécialité du
développement des missiles à longue portée. Depuis plus de quarante ans, ils ont donc
acquis tous les outils nécessaires à cette pratique (liaisons de données tactiques, relais
radio…) et ils maîtrisent parfaitement cet exercice, même s’il n’est pas totalement
automatisé.

COMMENT LOCALISER LES SYSTÈMES ?

La question est rarement abordée car, souvent, cette information est considérée comme
connue, ou alors la question est vite éludée par l’invariable réponse : « il suffit de détecter
les émissions de son radar pour le localiser ». C’est, en réalité, loin d’être aussi évident.

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– Premièrement, détecter le fonctionnement du radar de conduite de tir d’un système
comme les S-300/400 implique que celui-ci émette, ce qui n’est pas forcément le cas. En
effet, pourquoi la conduite de tir du S-300/400 fonctionnerait-elle en permanence si les
radars de veille associés (qui ne sont pas forcément positionnés au même endroit) ne
détectent rien de menaçant ? Et c’est bien le cas, les radars de conduite de tir ne sont mis
en fonction que s’il y a eu détection préalable par un radar de veille lointaine, ou pour un
test de bon fonctionnement, mais celui-ci sera relativement bref.

– Deuxièmement, même si on est en position d’intercepter ce signal, la localisation n’a rien


de simple. La géolocalisation par goniométrie reste encore très imprécise, générant une
ellipse de plusieurs kilomètres de rayon, très insuffisante pour effectuer une désignation
d’objectif. De plus, comme ces systèmes maintiennent à distance les avions et les drones de
reconnaissance et de renseignement, il sera bien difficile d’obtenir une information précise
et encore moins une image. Même la géolocalisation par satellite ROEM (renseignement
d’origine électromagnétique), bien que souvent meilleure, nécessite une confirmation par
imagerie pour déterminer la position exacte.

– Troisièmement, ces systèmes sont mobiles ; ils peuvent changer de position relativement
rapidement. Un S-300/400 peut se déployer entre 5 à 10 minutes en mode rapide (liaison
entre les éléments par radio) ou en 30 minutes environ en mode « discret » (liaison filaire
entre les éléments). Il est donc tout à fait envisageable de voir ces batteries changer de
position tous les jours et même plusieurs fois par jour. Or, compte tenu du taux de revisite
des satellites ROEM et d’imagerie pour confirmer leur position, il sera difficile d’être certain
de la position des batteries.

Concernant les batteries de missiles antinavires, ce n’est pas plus facile, étant donné
qu’elles sont extrêmement mobiles, que leur radar de recherche peut être confondu avec un
radar de navigation (s’il fonctionne) et que les liaisons radio ne peuvent aisément être
localisées avec précision.

Comme on peut le voir, localiser ces systèmes n’a, en réalité, absolument rien d’évident et
nécessite des renseignements croisés (renseignement image, électromagnétique, humain)
qui ne sont eux-mêmes difficiles à obtenir quand on est contraint de rester à distance de
sécurité.

COMMENT LES CONTRER ?

Pouvoir pénétrer et détruire les éléments constitutifs d’une bulle A2/AD est un problème
complexe. On pourrait le résumer ainsi : la mission, est de pénétrer une combinaison de
défenses sol/air, terre/mer et sol/sol dont on ignore les positions exactes, dont les éléments
sont susceptibles de se déplacer et d’être camouflés, le tout dans un environnement de
guerre électronique intense, avec la présence probable de leurres.

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Présentée ainsi, la mission a de quoi donner des sueurs froides, surtout quand on ne peut
plus se permettre économiquement de perdre des avions de combat et que, de toute façon,
il n’existe plus de volonté politique pour risquer la vie de pilotes. Il devient alors hors de
question d’imaginer des raids d’aéronefs volant à basse altitude comme on l’envisageait du
temps de la Guerre froide. Si un tel scénario peut paraître hypothétique, c’est pourtant bien
celui qui prévaudrait en cas d’opérations contre la Russie en Baltique ou en mer Noire, et
probablement aussi face à la Chine. Face à une menace protéiforme, la réponse devra l’être
aussi. Percer ce type de défense nécessitera d’agir dans plusieurs domaines
simultanément.

D’abord, il faudra être en mesure de s’approcher de la zone pour recueillir du


renseignement tactique et essayer de mieux évaluer l’ordre de bataille ennemi. Le recours à
des plateformes « furtives » pour se rapprocher n’est pas forcément le plus pertinent et
apparaît aujourd’hui trop risqué compte tenu des moyens de détection associés à ces
systèmes[6]. Cette étape peut être réalisée grâce au brouillage des radars de longue portée
ainsi que des communications des plateformes éventuellement déployées en tant que
capteurs déportés. Les actions de brouillage peuvent aussi affecter la mobilité des batteries
S-300 et S-400 en leur imposant de relier les différents éléments par des communications
filaires en lieu et place des liaisons radio, ce qui rallonge leurs temps de déploiement et de
repli.

Cela nécessite toutefois de réacquérir des compétences et des équipements en matière de


guerre électronique sur une large gamme de fréquences, en renseignement et en brouillage.
Seulement c’est un domaine qui a été délaissé pratiquement pendant 30 ans, cela demande
donc du temps, de l’argent et de la volonté. Il peut aussi être envisagé de lancer des
attaques de saturation avec des missiles antiradars, sachant qu’une partie sera interceptée
par les systèmes antiaériens de courte et très courte portées, que d’autres seront victimes
de leurres et de brouillage. Cela nécessite donc de lancer un grand nombre de missiles, ce
qui représente un coût et un déploiement de moyens importants.

Une fois que les capteurs sont en mesure de s’approcher de la zone, il faut encore s’assurer
qu’ils puissent remplir leur mission alors qu’ils auront toutes les chances d’être, eux aussi,
soumis à des actions de guerre électronique intenses pouvant entraver le fonctionnement
des radars, des liaisons de communication et des moyens de navigation (GNSS).

Les cibles identifiées pourront être traitées par des missiles hypersoniques (les plus
susceptibles de pouvoir pénétrer la défense antiaérienne) à la condition, bien entendu, d’en
posséder et de pouvoir transmettre les coordonnées.

Une attaque de saturation par missiles de croisière peut aussi être envisagée mais, comme
pour les missiles antiradars, le coût risque d’être important compte tenu du taux d’attrition
élevé à prévoir.

Une solution pourrait être, comme le font les Israéliens, d’utiliser des drones suicides en
grand nombre afin de cibler et saturer les différentes batteries sol/air. Ces dispositifs ont
l’avantage de chercher et de trouver leurs cibles tout seuls, ce qui permet de les engager
même si le renseignement est incomplet. Le drone le plus imposant, le Harop, est trop
vulnérable aux défenses sol/air de courte et très courte portées (3 m d’envergure pour 185
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km/h) bien que son endurance conséquente (1000 km et 6 heures en vol) soit appréciable.
D’autres modèles beaucoup plus petits (Mini Harpy, Green Dragon, Rotem 1200…) ont
l’avantage de la lenteur, ce qui fait que leur signature radar (SER) et leur cinématique
peuvent facilement être confondues avec celles des oiseaux. C’était d’ailleurs une source
d’insatisfaction des Russes envers leur système de défense Pantsir. Il semble qu’ils aient eu
des difficultés à traiter les attaques de drones sur leur base syrienne de Hmeimim.
Toutefois, ayant été confrontés au problème, ils tentent de le résoudre et il n’est pas certain
que cette faiblesse perdure longtemps. A noter que ce problème se pose pour beaucoup de
radars de détection. Malgré tout, ces drones sont lents et ont une autonomie limitée. Si les
Israéliens bénéficient du fait d’êre situés à proximité géographique de la Syrie, ce ne sera
pas forcément le cas sur d’autres théâtres d’opérations ; il faut donc être en mesure
d’amener ces drones au plus près de leurs objectifs.Mais cela implique d’exposer le porteur.
Si l’on exclut l’utilisation de plateformes pilotées, il reste les drones et les missiles.

Dans le premier cas, il est possible d’envisager l’utilisation d’un drone de combat emportant
les drones suicides ; si cette plateforme reste de dimension raisonnable, dispose de
caractéristiques de furtivité et adopte un profil de vol bas, elle peut effectivement
s’approcher suffisamment pour larguer ses drones et retourner à sa base. Toutefois,
compte-tenu des dimensions d’un tel drone, celui-ci restera une cible assez visible pour les
systèmes de courte et très courte portées et il faudra accepter la potentialité d’un taux
d’attrition élevé. Dans ce cas, c’est le coût du drone de combat qui déterminera le rapport
coût/efficacité de cette approche.

Une autre solution, moins onéreuse, serait d’utiliser un missile de croisière dont la charge
militaire serait remplacée par l’emport de petits drones suicides. Un tel missile, adoptant un
profil « furtif », relativement compact, aurait de bonnes chances de s’approcher à quelques
dizaines de kilomètres des objectifs et de larguer ses mini drones. Compte tenu du
caractère relativement autonome des drones suicides, la navigation du missile n’aurait pas
besoin d’être extrêmement précise et pourrait donc se passer de navigation par GNSS, le
rendant résistant au brouillage. Cela permettrait de créer ainsi un missile porteur à coût
maîtrisé car il serait relativement simple de conception (pas d’autodirecteur).

Concernant les drones suicides, si aujourd’hui les systèmes d’armes éprouvent des
difficultés à discriminer un petit drone d’un oiseau, il n’est pas certain que ce soit toujours le
cas. Afin d’augmenter au maximum leur probabilité de réussite, les doter de caractéristiques
de furtivité diminuerait grandement la probabilité qu’ils soient détectés. Il resterait le
problème de protéger les liaisons entre les drones et les stations de contrôle contre les
actions de guerre électronique, mais des astuces existent pour permettre de diminuer cette
vulnérabilité.

Si les missiles de croisière ayant des caractéristiques de furtivité existent, ce n’est pas le cas
de mini drones suicides ; là encore cela demandera du temps et des moyens.

POURQUOI LE CAS SYRIEN N’EST PAS REPRÉSENTATIF

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La guerre en Syrie est pour beaucoup d’observateurs l’occasion d’évaluer le fonctionnement
d’une bulle A2/AD. Ils voient, à travers les opérations israéliennes, les limites et les
faiblesses des systèmes russes. En effet, malgré le déploiement par les Russes de deux
ensembles S-400 et d’un S-300, ainsi que la fourniture aux forces syriennes de PantsirS-1,
BUK-M2 et d’un S-300, les frappes israéliennes se poursuivent avec succès et rien ne
semble en mesure de les arrêter. Ce sentiment de supériorité a été accentué par les images
diffusées montrant la destruction de systèmes Pantsir[7]et d’un radar chinois JY-27[8].
Certains analystes n’hésitent pas à y voir la totale inefficacité des systèmes de défense
sol/air russes. Par rapport à ces faits et par extrapolation, certains sont tentés de relativiser
la dangerosité des bulles A2/AD russes.

Pourtant, tous les faits doivent être étudiés au regard de leur contexte et, dans le cas syrien,
il est bon de rappeler certains éléments.

– Premièrement, si les Russes ont déployé deux S-400 et un S-300, associés à plusieurs
Pantsir, c’est afin de garantir leur liberté de manœuvre pour de mener des opérations
aériennes et pour protéger leurs implantations sur le territoire syrien, la base maritime de
Tartous et la base aérienne de Hmeimim. Ceci signifie que leurs systèmes ne rentreront en
fonction que si eux-mêmes sont attaqués, mais pas pour servir de complément de protection
au gouvernement syrien.

– Deuxièmement, Israéliens et Russes coordonnent leurs opérations en Syrie. Les deux


parties ont intérêt à voir diminuer l’influence de l’Iran dans la région. Les Russes laissent
donc les Israéliens opérer à leur guise.

– Troisièmement, Israël partage une frontière commune avec la Syrie et Damas est à moins
de 80 km du territoire israélien, ce qui signifie que, pour l’Etat hébreu, obtenir du
renseignement image, ROEM ou humain est de qualité est chose assez facile étant donné la
proximité géographique. Celle-ci leur permet aussi d’effectuer des frappes aériennes en
restant le plus souvent dans leur espace aérien.

– Quatrièmement, certains sites attaqués par les Israéliens sont connus depuis longtemps.
Par exemple, le JY-27 de l’aéroport de Damas, détruit en début d’année, était en position
depuis au moins 2017, et les Pantsirchargés de la protection de l’aéroport étaient assez peu
mobiles.

– Cinquièmement, le S-300 livré aux Syriens, bien que déployé, n’est pas encore totalement
opérationnel et est sans doute encore mis en œuvre avec le soutien russe. Il est à noter que
le site de déploiement se situe à proximité du deuxième site S-400 russe.

– Sixièmement, et en dépit des éléments ci-dessus, il semblerait bien que la défense anti
aérienne syrienne s’améliore et que les frappes coûtent de plus en plus cher à l’Etat hébreu.
En effet, pour que leurs frappes réussissent, les Israéliens doivent, au préalable, neutraliser
un certain nombre de systèmes sol/air, surtout les Pantsiret les BUK-M2 qui seraient les
moyens de protection rapprochée les plus efficaces de l’arsenal syrien. Pour cela, les
Israéliens utiliseraient massivement leurs drones suicides (Harop/Harpy 2) via des attaques

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de saturation contre les batteries de missiles jusqu’à ce que celles-ci n’aient plus de
munitions[9]. Si cette tactique fonctionne, elle nécessite l’emploi d’un nombre important de
munitions, augmentant d’autant le coût de chaque opération.

Tous ces éléments tendent, contrairement à ce qu’une lecture sommaire des évènements
laisserait penser, à montrer l’efficacité des systèmes qui sont intégrés dans les bulles A2/AD
russes. Transposer ce qui se passe en Syrie à une autre région du monde se révèlerait, au
regard des éléments évoqués ci-dessus, très dangereux.

Une bulle A2/AD ne peut pas être réduite à son système le plus performant, cela fausse la
perception de la menace en occultant le fait que les limitations de certains éléments sont
couvertes par d’autres moyens. Si l’on peut pointer du doigt les limites physiques qui
s’appliquent à ces dispositifs, il ne faut pas oublier que les mêmes s’imposent à tous. Pour
faire simple, il faut garder à l’esprit que si physiquement l’adversaire ne peut pas vous voir,
l’inverse est aussi souvent vrai.

Au final, le concept A2/AD n’en est pas réellement un ; il révèle surtout nos propres
carences. Les systèmes de longue portée ne datent pas d’hier et, si leurs performances
s’améliorent, ils ne font qu’agrandir des bulles existantes. Le problème qui se pose aux
forces occidentales aujourd’hui ressemble à celui qui s’est posé lors de l’apparition du
système SA-2 à la fin des années 1950. Les distances en jeu posent néanmoins de graves
problèmes car cela limite de facto les capacités de détection sur un territoire en éloignant un
peu plus les capteurs de la zone à surveiller. Les bulles A2/AD ne sont pas impénétrables,
mais elles nécessitent de mettre en action des capacités dont les armées occidentales ne
disposent plus forcément. Qu’il s’agisse de retrouver des compétences perdues ou de
concevoir des équipements adaptés à cette tâche, cela demandera du temps et des
moyens. Il convient de reconnaître qu’aujourd’hui, avec les moyens existants, percer ces
bulles A2/AD présenterait un coût financier, matériel et humain que même les forces
américaines ne sont pas forcément prêtes à payer.

Au final, les bulles A2/AD, telles que créées par les Russes, mêmes si elles sont loin d’être
imperméables, remplissent parfaitement leur fonction : elles obligent les attaquants
potentiels à augmenter suffisamment la mise afin de les dissuader d’agir.

[1]https://www.foi.se/rapportsammanfattning?reportNo=FOI-R–4651–SE

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[2]https://analysedefense.fr/blogs/articles/analyse-le-s-400-russe-est-il-vraiment-surevalue-
militairement-et-mediatiquement

[3]https://analysedefense.fr/blogs/articles/breve-les-forces-russes-n-abandonnent-pas-leur-
artillerie-anti-aerienne

[4]https://cf2r.org/rta/deni-dacces-brouillard-de-guerre/

[5]https://foreignpolicy.com/2019/03/07/dont-believe-the-russian-hype-a2-ad-missiles-
sweden-kaliningrad-baltic-states-annexation-nato/

[6]https://cf2r.org/rta/quel-avenir-pour-la-furtivite/

[7]https://www.youtube.com/watch?time_continue=27&v=dPOb9CO3aWI

[8]https://twitter.com/ImageSatIntl/status/1087795248762441728/photo/1

[9]https://nationalinterest.org/blog/buzz/israel-kamikaze-drones-are-destroying-
syria%E2%80%99s-air-defenses-42592

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