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Journal des africanistes

De l'esclavage et du daltonisme dans les sciences sociales. Avant-


propos
Roger Botte

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Botte Roger. De l'esclavage et du daltonisme dans les sciences sociales. Avant-propos. In: Journal des africanistes, 2000,
tome 70, fascicule 1-2. L'ombre portée de l'esclavage. Avatars contemporains de l'oppression sociale. pp. 7-42;

doi : https://doi.org/10.3406/jafr.2000.1218

https://www.persee.fr/doc/jafr_0399-0346_2000_num_70_1_1218

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Roger BOTTE

De l'esclavage et du daltonisme
dans les sciences sociales

Avant-propos

Plus peut-être qu'en n'importe quel autre domaine, l'historiographie de


l'esclavage (ou son occultation) se présente comme la manifestation
persistante et souvent explicite des opinions politiques et sociales
contemporaines. Voici trois exemples de ces a priori.
En 1847, Henri Wallon, pieux catholique, publie L'esclavage dans
l'Antiquité, première analyse d'envergure sur l'esclavage antique qui
demeure un travail impressionnant d'érudition. L'élément moteur de son
argumentation réside dans sa sympathie totale avec le mouvement aboli-
tionniste dont il est l'un des principaux animateurs (son ouvrage paraît juste
avant l'abolition de 1848). Or pour Wallon, convaincu des vertus morales de
la religion, c'est le rôle salutaire du christianisme qui met un terme à
l'esclavage antique. Si Wallon reconnaît la longue persistance de l'esclavage
en Europe bien après le triomphe du christianisme 1t il ne propose aucune
explication probante à ce phénomène.
En 1951, l'académie de Mayence, sous l'impulsion de Joseph Vogt,
lance un vaste programme d'enquête sur l'esclavage antique pour répondre
aux recherches, souvent dogmatiques, entreprises en URSS et dans les pays
de l'Est à partir de la théorie du matérialisme historique sur l'État «
esclavagiste » antique. En ces temps de guerre froide, un tel programme n'est que
la poursuite sur le plan culturel du conflit germano-soviétique : le souci de
propagande et de contre-feu idéologique l'emporte sur l'esprit scientifique.
Vogt, principal promoteur de ce programme, a d'ailleurs déjà dirigé, en

1 L'esclavage perdure en effet jusqu'au début du xixe siècle dans le sud de l'Espagne et du
Portugal, en Sicile et dans les Pouilles.

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1943, un travail collectif sur les guerres puniques destiné à fournir une
explication raciale à l'antagonisme de Rome et de Carthage 2.
Le dernier exemple concerne l'Afrique. Parmi les Africains, les
Africains-Américains et les Antillais, des voix dénoncent la manipulation
dont les Africains seraient l'objet pour leur faire endosser une part de
responsabilité dans la traite négrière transatlantique. Certaines de ces voix
contestent même l'existence d'un esclavage interne à l'Afrique — et de ses
avatars contemporains — et dénient en outre aux Européens le droit de
l'évoquer, disqualifiés qu'ils seraient par l'ampleur de leur responsabilité
dans la traite transatlantique et l'esclavage colonial 3. S'ils s'y risquaient
malgré tout, leur parti pris supposé les disqualifierait car il ne pourrait que
conduire à leur déculpabilisation collective et, en tout cas, à une falsification
de l'histoire : en somme, à un complot contre l'Afrique. C'est ainsi que
prévaut un mode de « raisonnement sentimentalise » — pour parler comme
Achille Mbembe — où des Africains ne se présentent jamais que sous la
figure de la victime du monde (en tant que sujet victimise) et jamais en tant
que sujet à part entière de leur destin 4. D'une certaine manière, c'est à
démentir cette vision manichéenne de l'histoire, où la victimisation
immuniserait l'Afrique de toute « critique », que s'attache ce numéro.
Les textes réunis ici ont d'abord pour ambition de dresser un état des
lieux. On part du constat que l'esclave ou l'ancien esclave est un acteur
quasiment invisible dans le paysage africain contemporain, un impensé ou
un « point aveugle » de la recherche en sciences sociales. Il s'agit donc de le
rendre visible à la manière des gender studies puisque la présence dans de très
nombreuses sociétés d'importantes communautés — parfois majoritaires
dans l'espace national (c'est le cas de la Mauritanie) — formées des anciens
esclaves est une donnée fondamentale. Pourtant, la reconnaissance de
l'esclavage se heurte soit au déni officiel soit à l'occultation de la part des États, des
organisations internationales de développement, et des chercheurs.

2 Sur les débats suscités par le programme de Mayence, voir Moses I. Finley, Esclavage antique
et idéologie moderne, Paris, Les Éditions de Minuit, 1981, p. 15-21,42-43,72-82 ;YvonGarlan,
Les esclaves en Grèce ancienne, Paris, François Maspero, 1982, p. 25-26 ; Jean Christian
Dumont, Servus. Rome et l'esclavage sous la République, Rome, Ecole française de Rome, 1987,
p. 6-9. On trouvera détaillées en notes infrapaginales les références générales qui ont nourri
cette étude et de façon abrégée (ex. : Baldus 1969) les travaux concernant en totalité ou en
grande partie les avatars postcoloniaux de l'esclavage africain. Ces derniers sont réunis en
bibliographie.
3 En France, l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité, le jeudi 6 avril 2000, la proposition de
loi présentée par la députée de Guyane Christiane Taubira-Delannon reconnaissant que
l'esclavage et la traite des Noirs constituent des « crimes contre l'humanité ». Ce texte appelle
à un « devoir de mémoire ».
4 Achille Mbembe, « À propos des écritures africaines de soi », Politique africaine, 77, 2000,
p. 16-43.

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De l'esclavage 9

L'occultation du phénomène, si l'on fait le bilan des études qui


s'attachent à la question, semble d'abord une spécialité française. Mais, au total,
l'historiographie demeure squelettique, faite d'articles épars, d'études
brèves, de propos convenus ou d'appendices à des travaux dont l'essentiel
concerne d'autres problématiques. La première étude entièrement consacrée
à l'esclavage ou à ses séquelles dans un contexte postcolonial est effectuée
par Bernd Baldus, un chercheur allemand, qui en 1969 soutient une thèse
sur les anciens esclaves des Peuls du Nord-Bénin 5. En France, la question
retient l'intérêt de Guy Nicolas dès 1962 puis de certains géographes :
Hubert Fréchou (1965), Henri Barrai (1977), Jérôme Marie (1993) ; on
compte peu d'études anthropologiques consacrées aux manifestations
actuelles du phénomène : Jean- Pierre Olivier de Sardan (1976), Ariane
Deluz (1981), Olivier Leservoisier (1987), Aline Tauzin (1989), Roger Botte
(1994), Benjamin Acloque (1995). Les autres travaux sont le fait de
chercheurs étrangers : William Derman (1973) sur les riimaybe du Fuuta Jaloo,
Clare Oxby (1978) et Lina Brock (1983) sur les iklan des Touaregs, Christine
Hardung (1991) sur les riimaybe du Nord-Bénin, Catherine VerEcke (1994)
sur ceux de l'Adamawa (Nigeria). Meskerem Brhane (1997) et Urs Peter Ruf
(1998) s'intéressent aux harâtîn de Mauritanie. À l'exception du Sénégal
(Abdarahmane N'Gaide 1999, sur les riimaybe du Fuladu) et du Niger à
propos des anciens esclaves des Touaregs (Mahaman Tidjani Alou 1997), la
Mauritanie est le seul pays — la présence de l'esclavage y est il est vrai
manifeste — où des chercheurs africains se sont préoccupés de la question :
Mohamed Lemine Ould Ahmed (1983), Abdel Wedoud Ould Cheick
(1993), El Arby Ould Saleck (1994), Ba Boubakar Moussa & Mohamed
Ould Maouloud (1997), à propos des harâtîn ; Ousmane Kamara (1993) en
ce qui concerne les riimaybe. Le colloque sur l'esclavage à Madagascar,
organisé à Antananarivo (1996), dont un sous-thème était consacré aux
« résurgences et [aux] séquelles » du phénomène, reste à ce jour une initiative
scientifique unique. Au Maghreb, l'article de Geneviève Bédoucha sur les
dépendants (shwâshîn) dans une oasis du Sud-tunisien (1984) apparaît
également singulier alors même que l'étude de l'esclavage historique
demeure délicate en terre d'islam, où il est « difficile [...] et même risqué sur
le plan professionnel, de porter son attention dans cette direction » 6. Enfin,
il faut signaler le travail à l'intitulé explicite et resté totalement isolé de

56 Bernard
Toutes lesLewis,
étudesRace
citéeseticiesclavage
sont données
au Proche-Orient,
en bibliographie.
Paris, Gallimard, 1993 (lre éd. 1990),
p. 8-9. Voir cependant dans le domaine des pratiques cultuelles le travail récent d'Ahmed Rahal
(La communauté noire de Tunis. Thérapie initiatique et rite de possession, Paris, L'Harmattan,
2000, 158 p.) sur le culte bilalien (stambali ou bor i en Tunisie, diwan en Algérie, derdeba au
Maroc).

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Michel Samuel — « Les contradictions internes à la paysannerie continuent


à agir au sein de la migration en France» (1976) — , qui examine des
pratiques discriminatoires à l'égard des anciens esclaves au sein même de
l'immigration.
À partir d'une large variété de cas empiriques 7, l'objectif visé ici est de
déconstruire dans le champ scientifique l'unité imaginaire d'un « monde
servile » supposé soumis à des règles d'identité et d'homogénéité. Dans la
très grande majorité des cas, le point de vue africain ou malgache est
privilégié pour mieux capter les « logiques du dedans » (Georges Balan-
dier), tout en évitant les effets d'aveuglement et les analogies hâtives. L'un
des points forts de ce numéro réside probablement dans l'association, en
une dynamique d'échange inhabituel, de chercheurs institutionnels et de
membres de la société civile militants des droits humains.
Il a semblé utile d'inclure dans la réflexion une approche comparative
sur les castes (ou catégories socioprofessionnelles) dans la mesure où
celles-ci se trouvent à la croisée de différentes interrogations sur le statut
normatif des énoncés fondateurs (« nos ancêtres faisaient ainsi »), sur la
pertinence des anciennes stratifications pour juger de l'éligibilité à certains
postes de responsabilité et sur l'idée assez communément partagée que
l'esclave, après affranchissement, deviendrait d'une certaine manière une
espèce de « caste », au même titre que le griot ou le forgeron (Penda Mbow
71) 8.
Enfin, pour un même espace étatique, la Mauritanie, plusieurs études
ont été sollicitées. Elles permettent, à travers un dossier spécifique
comprenant les sociétés haalpulaar et soninké, de remettre dans son contexte global
l'habituel et réducteur face à face Maures/ Harâtîn.
Ce numéro du Journal des Africanistes tente de répondre au paradoxe
suivant : alors que depuis le début du siècle les pouvoirs coloniaux
annoncent l'abolition de l'esclavage et l'éradication des multiples rapports de
dépendance, pourquoi des catégories comme celles de maître et d'esclave,
qui sont pourtant des constructions historiques arbitraires, résistent-elles à
l'acte juridique et politique que représente la suppression de l'esclavage ? En
quoi les stigmates attachés aux caractères sociaux permettent-ils de
reproduire les inégalités sociales, même là où la législation formelle les a abolies ?
Pourquoi ni la période coloniale ni le temps des indépendances n'ont-ils suffi
à dissoudre tous les effets de l'esclavage et à transformer le statut social des

7 Mis à part le Soudan, la recherche de contributeurs dans la zone anglophone (Nigeria,


Ghana) s'est révélée infructueuse. Pourtant, le phénomène y est tout aussi pregnant
qu'ailleurs : voir par exemple, pour le Nigeria, « Slavery in Igboland », Newswatch, January 10,
2000, p. 23-26.
8 Sur les castes, voir le travail exhaustif de Tal Tamari (1997).

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De l'esclavage 1 1

anciens esclaves, puisque des incapacités sociales irréductibles manifestent


toujours leur infériorité statutaire dans différents domaines ? Bref, à quoi
tient la pérennité de l'empreinte servile alors même que les conditions socio-
économiques qui avaient produit l'esclavage ont progressivement disparu ?
Dans un contexte africain marqué depuis quelques années par les
conférences nationales souveraines, les débats sur l'avènement d'un ordre
démocratique, la bonne gouvernance et la décentralisation, on s'est attaché
à repérer les formes contemporaines de l'esclavage ou de la dépendance,
leurs séquelles, ou leur résurgence sous diverses variantes, la persistance de
phénomènes insidieux d'assujettissement ou d'agissements
discriminatoires, souvent sous des formes inédites, à l'égard des groupes sociaux d'origine
servile. De fait — et la plupart des textes le mettent bien en évidence — , des
représentations stéréotypées alimentent une forme de racisme ordinaire à
l'égard de l'ancien esclave ou de ses descendants. Surtout, la quasi-totalité
des articles montre que des identités s'héritent d'une génération à l'autre et
que, malgré l'affranchissement, des subordinations ou des allégeances
sociales se transmettent à la descendance et servent toujours de cadre à la
régulation, désormais de plus en plus conflictuelle, des rapports sociaux.
Certaines sociétés semblent d'ailleurs totalement incapables de
réformer leurs vues traditionnelles en y intégrant des valeurs sociales
nouvelles. Yaya Sy (43) enquête sur des aspects peu étudiés au sein des
travailleurs émigrés en France. C'est ainsi qu'une émigration massive a
bouleversé les fondements économiques et idéologiques de la société soninké tout
en provoquant chez les émigrés une forte résistance culturelle. Celle-ci se
traduit principalement par la cristallisation de certaines pratiques sociales
dont le mariage endogame est la plus notoire ; ce système d'« apartheid
social » ne se limite d'ailleurs pas aux personnes d'origine servile mais
affecte également celles d'origine libre. Les échanges matrimoniaux
obéissent toujours aux mêmes prescriptions, dans une recomposition perpétuelle
du lien social : union isogamique exclusive, stigmatisation de l'hétérogamie.
Gare aux dissidents, même lorsqu'ils appartiennent à la deuxième ou à la
troisième génération 9 ! C'est que la remanence du stigmate 10 est fondée sur

9 Ces enfants de migrants, qui ne sont plus juridiquement étrangers puisqu'ils sont français,
continuent d'être marqués d'un double stigmate d'extranéité : victimes de discriminations dans
la société française, ils le sont également dans leur milieu d'origine en raison de pratiques
sociales qui consacrent la polygamie, le mariage ou le divorce sans leur consentement et qui font
obstacle à l'accès au droit commun français. C'est ainsi que des milliers de mariages forcés
déchirent des familles issues de l'immigration (d'origine turque, africaine et maghrébine).
Fatoumata Konta, élève de terminale au lycée Colbert (Paris Xe), est l'exemple médiatisé de ce
déchirement entre deux cultures.
1 ° J'emprunte la notion au monde caribéen : voir Jean-Luc Bonniol, La couleur comme maléfice.
Une illustration créole de la généalogie des blancs et des noirs, Paris, Albin Michel, 1992, p. 12.

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le préjugé biologique — l'enquête matrimoniale préalable au mariage vise


avant tout à éviter le mélange des sangs — selon lequel l'individu reçoit de
ses ascendants les caractères qui le discriminent et qu'il transmet à son tour
à ses descendants. Et puisque la construction des identités sociales relève
d'une rhétorique du sang et de la filiation n, à travers le refus de la
miscegenation, c'est moins l'accès aux femmes qui est sanctionné que l'ouverture
possible vers un nouveau statut : ce jus sanguinis permet de reproduire les
inégalités de naissance et interdit leur remise en cause. D'où, pour les
descendants d'esclaves, la difficulté insurmontable à dépasser la mort
sociale originelle et à se faire reconnaître comme personne à part entière.
On se propose donc d'analyser la projection de systèmes historiques
d'inégalité et de domination, l'ombre portée de l'esclavage, au cœur même de
l'État contemporain. La question décisive est finalement celle du statut de
l'individu : une rédemption est-elle possible ? Pour les descendants
d'esclaves existe-t-il ou non la possibilité de sortir de leur état ou sont-ils
condamnés à le transmettre continûment ? En Mauritanie, Boubacar Messaoud
(291) considère que même l'affranchissement n'est pas une dimension de la
liberté mais au contraire une dimension de l'esclavage. Ainsi, des affranchis
depuis des générations ne sont toujours pas considérés comme des ingénus,
tels les descendants d'anciens esclaves (nânma) du temps de l'imam almo-
ravide Abu Bekr ibn Umar (mort en 1676) qui ne voient toujours pas leur
état antérieur entièrement oblitéré.
Dans ce pays, d'ailleurs, les notions de maître et d'esclave ne ressortis-
sent pas seulement à des catégories idéologiques : en plusieurs régions, où
l'on peut les étudier in vivo, elles fonctionnent encore selon leurs règles
canoniques les plus brutales. Certes, l'esclavage sous toutes ses formes a été
aboli en Mauritanie en 1981 mais il continue d'être reconnu par des agents
de l'État, notamment du ministère de la Justice. Devant le vide juridique, les
tribunaux de droit moderne se déclarent incompétents, se dessaisissent des
cas qui leur sont soumis ou les renvoient auprès des tribunaux de droit
musulman. Ainsi les cadis, pourtant fonctionnaires de l'État, continuent-ils,
sous couvert d'une interprétation très discutable des prescriptions
islamiques, de tenir compte des pratiques esclavagistes. Sur les questions
d'héritage comme à propos de la valeur des témoignages, ils tranchent presque
toujours en faveur des maîtres d'esclaves et trouvent des subterfuges dans la
tradition pour légaliser confiscation des biens et maintien en servitude. Ils

1 ' Comment pourrait-il en être autrement alors même que dans certaines sociétés, comme le
constate au Nord-Bénin Christine Hardung (1998 : 213) pour les Peuls et leurs anciens esclaves
(gannunkeefie ) , « le mélange de leurs animaux apparaît sur le plan idéologique aussi aberrant
qu'une liaison matrimoniale » entre eux. On relève par ailleurs dans de nombreuses sociétés des
maladies qui sont directement imputées à la miscegenation.

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De l'esclavage 13

profitent de l'ambiguïté du préambule de la Constitution qui vise l'islam


comme « unique source de droit » dans le pays. En fait, si les
proclamations légales sont claires et ne prêtent pas à contestation, il apparaît que la
société « traditionnelle » a su récupérer ce que l'État moderne a voulu
concéder.
Or, si la figure de l'esclave ou ses avatars contrarie de manière
incongrue, voire obscène, une certaine image de la modernité africaine, elle est
simultanément l'expression des turbulences, des mouvements sociaux et des
recompositions identitaires qui ébranlent partout les vieilles sociétés arché-
typales. En effet, nombre de groupes d'origine servile redessinent
aujourd'hui de nouvelles légitimités sociales, tissent des dynamiques
institutionnelles sans précédent, renversent ou tentent de renverser ce qui
auparavant les stigmatisait à travers des procédures spectaculaires et
conflictuel es. Cet essai de redéfinition des espaces publics, ce retournement de valeurs
et ce rejet du discrédit se traduisent par l'apparition de mouvements
spécifiques — partis politiques (Mauritanie, Madagascar, Mali) 12, ONG (Timi-
dria au Niger, SOS-esclaves en Mauritanie), associations culturelles (Bénin,
Sénégal, France) — ou de contestations plus informelles : boycott électoral
des anciens maîtres qui n'expriment pas de repentance (Guinée),
démantèlement du bloc du pouvoir régional (Cameroun), etc. Ces nouveaux acteurs
se fixent comme objectif explicite la lutte contre les inégalités économiques
(notamment dans l'accès à la terre et au travail salarié) et politiques, contre
la violence sociale et la marginalisation civile. Quels que soient les succès, les
revers ou les reflux de ces manifestations visant à la conquête d'un espace
propre de liberté, leur émergence sur les scènes nationales — à l'occasion
principalement des processus démocratiques enclenchés au début des
années 1990 — pose en définitive un débat résolument subversif : comment
concilier l'exigence fondamentale de la citoyenneté et la pérennité de
logiques sociales antérieures ? Comment pour les hommes et les femmes
d'origine servile qui occupent aujourd'hui des fonctions administratives et
politiques, rendre compatible l'ancienne position d'impuissance avec l'autorité
légitimée par l'exercice d'un emploi public 13 ? Comment, sans discréditer
certains dogmes, sans contester les préjugés, l'arbitraire, les archaïsmes
sociaux, produire une réflexion sur l'État de droit et le développement ?
12 Le précurseur de ces mouvements est sans aucun doute le PASDEM (Parti des déshérités de
Madagascar) fondé le 27 juin 1946 par des mainty et andevo. Un descendant d'esclaves
(andevo), Ramambason, en était le secrétaire général et les andevo dominaient le Bureau
politique de même que le Comité central. Voir Randriamaro (1997 : 357). El Hor (« L'Homme
libre »), créé clandestinement en Mauritanie (5 mars 1978), anticipe lui aussi les processus
démocratiques.
13 Christine Hardung (1997 : 120).

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14 Roger Botte

En effet, remarque Mahaman Tidjani Alou (173), le processus de


construction de la citoyenneté dans les nouvelles sociétés démocratiques en
Afrique fait surgir des dynamiques tellement paradoxales et ambivalentes
qu'il est permis de s'interroger sur leur durée. C'est ainsi que la « nouvelle
citoyenneté démocratique » côtoie des loyautés concurrentes et très
difficilement conciliables avec elle : le principe de séniorité, la subordination des
jeunes et des femmes à l'autorité patriarcale ou encore la permanence des
ordres sociaux, en dépit de l'institutionnalisation d'un État à prétention
républicaine où théoriquement tous les citoyens sont égaux en droit. Dès
lors, les processus démocratiques doivent cohabiter et composer avec des
idiomes antérieurs, et c'est cet entre-deux qui finalement permet d'évaluer
l'espace réel où peut s'exercer la citoyenneté.
En réalité, comme le constate Christiane Rafidinarivo Rakotolahy
(123) à Madagascar, s'opère une sédimentation des représentations issues de
contextes économiques et politiques divers (colonisation, post-colonisation,
mondialisation) et de celles nées à l'époque de l'esclavage. S'il faut distinguer
l'esclavage comme fait historique, les représentations qui lui sont attachées
restent, on l'a vu, toujours actives dans l'imaginaire social, les relations
interpersonnelles et les rapports sociaux, notamment dans la sphère
marchande à l'occasion d'enjeux transactionnels monétisables comme le travail,
le commerce, la fiscalité. C'est ainsi que le statut d'une activité
professionnelle est aujourd'hui un critère social déterminant : travailler pour soi est
considéré comme un travail libre ; être salarié — donc recevoir des ordres
d'un patron — est considéré comme un état à fort potentiel de servilité.
Déni officiel ou occultation de la part des États, parce que la logique de
construction d'un véritable État de droit aurait dû s'opposer à ces idiomes
antérieurs ; mais aussi parce que la classe des anciens maîtres se maintient
au pouvoir (par exemple, en Mauritanie), ou bien parce que, comme au Mali
et au Niger, ils contestent (les Touaregs) l'arrivée aux affaires lors des
indépendances d'un personnel politique issu de populations qui leur
servaient autrefois de garenne à esclaves. Aujourd'hui, les situations
d'exclusion sont révélatrices des paradoxes et des hybridations qui caractérisent les
constructions démocratiques en Afrique. L'État édicté de grands principes
républicains sous la pression des forces sociales intérieures et de ses
partenaires extérieurs et, dans le même temps, il tolère des pratiques contraires à
ces principes.
L'enjeu historiographique, à l'égard d'un phénomène largement
occulté, au mieux édulcoré, est d'autant plus important que l'on assiste,
dans la plupart de ces sociétés, à des manipulations intéressées de la mémoire
par les groupes dirigeants ou bien à de véhéments réaménagements de celle-ci

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De l'esclavage 15

de la part des anciens esclaves. C'est dans ce contexte qu'au Hayre (Mali) 14,
les riimaybe contestent désormais la version « officielle » de l'histoire établie
par l'élite politique (les weheebé) et qu'ils en proposent leur
réinterprétation. De même, au Niger, l'association Timidria, qui regrouperait près de
200 000 anciens esclaves des Touaregs, tient pour partiales les connaissances
produites à ce jour sur les sociétés touarègues. Timidria affirme que ceux
qu'elle appelle des « Touaregs noirs » (en opposition aux « Touaregs
blancs », généralement dits « bleus », d'ailleurs, dans l'imaginaire colonial)
ont été à l'avant-garde du combat anticolonial. C'est ainsi qu'elle regarde
comme emblématiques de la communauté touarègue noire les héros
nationaux, bien connus pour leur résistance à la colonisation, que sont Kaocen 15,
Tegama, Almoctar Kodogo et Fihroun. Du coup, la prise de parole suscitée
par l'ouverture démocratique s'avère singulièrement iconoclaste.
Au Soudan encore, deux personnalités d'origine servile, Ali Abdallatif
et Abdel Fadiyl Almaz, sont reconnues parmi les plus éminentes du
mouvement de libération nationale, l'un en tant que dirigeant politique du
Mouvement du drapeau blanc, l'autre pour en avoir été le chef militaire lors
de l'insurrection de 1924. Ahmed Bachir (197) explicite comment la
réapparition de l'esclavage, dans la zone frontalière entre les tribus Baggara du
Sud-Kordofan et leurs voisins Dinka du Bahr al-Ghazal, est l'objet d'une
triple instrumentalisation : le gouvernement islamiste utilise les milices
impliquées dans l'asservissement de sudistes ; de leur côté, les hommes
politiques du Sud-Soudan se servent du thème de l'esclavage comme moyen
d'une politique ; certaines organisations étrangères (en particulier celles qui
se réclament du christianisme évangélique militant), enfin, dénoncent à
l'échelle internationale cette question dans des termes qui évoquent
curieusement les thèmes et les méthodes de la croisade anti-esclavagiste du
cardinal Lavigerie à la fin du xixe siècle. En réalité, ici, l'esclavage est un « sous-
produit » de la guerre civile et le rachat de captifs par ces organisations
humanitaires, dans un contexte de quasi-légalisation des activités
économiques parasitaires, peut aboutir, en offrant un débouché au rapt, à un
véritable trafic de « marchandises vivantes », l'inverse du but censément
poursuivi.
La décentralisation met en évidence une autre face de l'occultation. La
notion de « bonne gouvernance » — qui, faut-il le rappeler, est une
invention de la Banque mondiale — évoque un régime politique qui respecterait
les droits civiques et les droits de l'homme tandis que la lutte contre la

15 Parce
14 De Bruijn,
que Kaocen
Mirjam était
& vannéDijk,
de père
Hanlibre
(1995).
et de mère esclave, certains Touaregs furent très
réticents à le soutenir dans son combat ou même lui refusèrent toute aide (1916-1918).

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16 Roger Botte

corruption politico-administrative et la promotion de la participation des


citoyens à la gestion publique formeraient l'axe d'orientation des politiques
de développement 16. En fait, cette notion permet de masquer les
responsabilités des politiques d'ajustement structurel dans l'amplification de la crise
de l'État en Afrique. Ainsi, partout, le développement se trouve soumis aux
contraintes de l'économie de marché. En Côte-d' Ivoire ou au Ghana, où
sévissent les politiques d'ajustement structurel (conjoncture ou
redeployment), la confrontation de l'économie domestique avec le marché conduit à
la dérégulation de ces unités. En réalité, les politiques de libéralisation ont
relancé les luttes autour de l'inégalité. Mélanie Jacquemin (105) constate
que si le travail des enfants est omniprésent dans le secteur informel, les
finalités de ce travail précoce — dans un contexte de mondialisation —
diffèrent de celles d'autrefois : elles passent de relations familiales d'échange
à une logique salariale (rarement assumée) où l'exploitation de l'« enfant
ajusté » relève souvent de pratiques proches de l'esclavage. Du reste,
l'exploitation de la main-d'œuvre infantile n'est pas cantonnée à la seule
sphère domestique, comme le montre le cas de garçons sud-africains vendus
comme bergers aux fermiers du Lesotho ou celui des milliers d'enfants
maliens ou burkinabé trimant sur des plantations en Côte-d' Ivoire.
En France même, les condamnations récentes par la justice de
l'exploitation du travail clandestin lèvent un tabou. Dans cette perspective, Céline
Manceau (93) analyse les cas aujourd'hui répertoriés de personnes en
situation d'esclavage sur le territoire français tandis que les affaires surgies
dans la presse ces derniers mois et impliquant un couple de
fonctionnaires des Renseignements généraux (novembre 1999), le fils de l'un des
fondateurs des éditions du Seuil (juin 1999), un écrivain « imprécateur du
racisme ordinaire en France » (septembre 2000), exposent au grand jour
ceux que Libération appelle des « esclavagistes bon chic bon genre » 17. Déjà
dans La Noire de... 18, dont il fit son premier long métrage (1966), Sembène
Ousmane stigmatisait l'esclavage néocolonial qui, à Antibes, pousse au
suicide une jeune Sénégalaise exploitée par ses patrons, « expatriés »
français.

16 Voir Jean-Philippe Peemans et Pierre- Joseph Laurent, « Pratiques identitaires,


décentralisation et gouvernance locale », in P. Mathieu, P.-J. Laurent & J.-C. Willame, éds, Démocratie,
enjeux fonciers et pratiques locales en Afrique. Conflits, gouvernance et turbulences en Afrique de
l'Ouest et centrale, Cahiers africains/ Afrika Studies, 23-24, 1996, p. 226-247.
17 Sur ces différentes affaires voir notamment : Le Canard enchaîné, 24 novembre 1999 (Louis-
Marie Horeau, « Une esclave marocaine avait des protecteurs aux RG ») ; Le Monde, 21 mai
1999 (Nathaniel Herzberg, « Un couple parisien jugé pour atteinte à la dignité de sa
domestique togolaise ») ; Libération, 20 mai 1999 (Françoise-Marie Santucci, « Des esclavagistes bon
chic bon genre »), 10 septembre 2000 (Stephen Smith, « L'écrivain, la bonne et le roi »).
18 in Voltaïque, Paris, Présence africaine, 1962, p. 157-184.

Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 7-42


De l'esclavage 17

Si les figures de l'oppression sociale sont multiples autant que les


formes de travail involontaire accompli sous divers statuts — l'esclavage,
l'ilotisme, le servage, le peonage, l'esclavage pour dettes, le travail forcé dans
les systèmes concentrationnaires, le travail contraint par condamnation
pénale, le système de marché du travail dépendant sud-africain (en vigueur
jusqu'en 1994), etc. — , l'élargissement de la notion, comme dans Г«
esclavage moderne », ne contribue probablement pas à la clarifier sauf à
l'interpréter comme un simple retour du même 19. Or, si l'on reprend la distinction
de Claude Meillassoux entre état et condition 20, on voit bien comment dans
tous les cas africains étudiés ici l'état se transmet d'une génération à l'autre.
En revanche, dans l'« esclavage moderne », qui n'est pas un système social
spécifique mais un sous-produit du capitalisme, la condition reste purement
individuelle 21, même si les filières mises au jour en France (avec Madagascar
notamment) révèlent souvent l'origine servile dans le pays d'origine. Au
demeurant, la mise au travail des enfants, puisque c'est de cela dont rend
compte principalement la notion, est une pratique banale en Europe jusqu'à
la deuxième moitié du xxe siècle. Les petites fileuses et tisseuses déjà
présentes dans les gynécées grecs se retrouvent dans les villas romaines et
carolingiennes et jusqu'aux ateliers des monastères médiévaux : « elles cumulent là
dépendance servile, dépendance sexuelle et dépendance liée à la
minorité » 22.
En Afrique, allant de pair avec la bonne gouvernance, une autre notion
politique prospère : celle de décentralisation et de dévolution des pouvoirs à
l'échelon local fondée sur deux présupposés, l'apolitisme du développement
et la disparition des groupes sociaux. En fait, dans de très nombreux pays,
on assiste à un retour en force spectaculaire des autorités dites «
traditionnelles » (les royautés et les chefferies... de canton), un temps marginalisées, et
qui profitent du multipartisme — Pierre Nzinzi parle d'une « falsification

19 La Convention supplémentaire des Nations Unies relative à l'abolition de l'esclavage, de la


traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage (7 décembre 1956)
définit cinq catégories principales d'esclavage : l'esclavage « classique » ; la servitude pour
dettes ; le servage ; toute pratique en vertu de laquelle une femme est, sans qu'elle ait le droit de
refuser, promise ou donnée en mariage, moyennant contrepartie versée à un tiers [...], cédée à un
tiers, à titre onéreux ou autrement, transmise par succession à la mort de son mari ;
l'exploitation du travail des enfants.
20 Meillassoux (1986, notamment p. 11, 326 et 327).
21 II est évidemment impossible dans ce cadre d'aller au fond de la question. Les articles de
Mélanie Jacquemin et de Céline Manceau Rabarijaona permettent cependant d'engager le
débat comparatiste. Voir également Florence Massias, « L'esclavage contemporain : les
réponses du droit », Droit et Cultures, 39, 2000/1, p. 101-124. On se reportera par ailleurs à : Finley,
« La naissance d'une société esclavagiste», in Esclavage antique..., p. 87-121 ; Meillassoux
(1986) ; Bernard Schlemmer (1996 : 7-27) ; et Yann Moulier Boutang (1998).
22 Alessandro Stella, « Pour une histoire de l'enfant exploité — du Moyen Age à la révolution
industrielle », in Schlemmer (1996 : 44).

Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 7-42


18 Roger Botte

du pluralisme » 23 — pour se repositionner dans l'espace public, restaurer


leur pouvoir, renégocier leur rapport à l'État, notamment en s'impliquant
fortement dans les processus électoraux (Ghana, Nigeria, Togo, Bénin,
Niger, Ouganda...). On observe donc à la fois une « traditionnalisation » de
l'arène politique et une modernisation « démocratique » du champ de la
« tradition » 24. Bref, les « anciennes » catégories sociales dirigeantes
s'adaptent et investissent dans l'espace public pluraliste. Toutefois la
question des clivages sociaux et de l'inégalité de la « capacité politique » (Pierre
Bourdieu) des différents acteurs reste entière : ces catégories (les « forces
féodales », pour utiliser un terme impropre mais pratique) repeintes aux
couleurs de la démocratie sont-elles capables de faire la différence entre
l'électeur et l'obligé, entre le citoyen et le sujet ?
Certains gouvernements (en Mauritanie, par exemple) favorisent
l'ascension sociale de quelques représentants des catégories jadis exclues des
cercles du pouvoir, en les propulsant dans différentes instances de décision
pour faire la preuve de la fin même de l'exclusion. Bien entendu, la
nomination de harâtîn à des postes ministériels, au-delà de ses effets symboliques, ne
règle pas le problème de la représentation de leur catégorie sociale
d'origine 25. Même dans ce cas, « les individus, de par leur naissance,
appartiennent à des groupes statutaires et continuent d'être comptés parmi ces
derniers quels que soient les changements qui s'opèrent dans leurs
conditions d'existence. On naît et on meurt " esclave ", même si on est professeur
d'université, officier supérieur, administrateur civil, ouvrier spécialisé,
etc. » 26 C'est pourquoi « il faut cesser de croire que des processus
d'intégration et d'égalisation des conditions sociales [...] aient pu être accélérés ou
précipités et accomplis, comme par enchantement, par la "
démocratisation " » 27.
Les stratégies développées par les groupes socialement dévalués pour
tenter d'échapper à la discrimination et au désavantage économique
qu'implique leur statut relèvent parfois plus de la voie exit (la réponse par
défection) que de la voie voice (la prise de parole) 28. Ainsi au Fuuta Tooroo
(Ousmane Kamara 265), des membres des groupes serviles, plutôt que de

23 pjerre Nairn, « La démocratie en Afrique : l'ascendant platonicien », Politique africaine,


11, 2000, p. 73.
24 Richard Banégas, La démocratie « à pas de caméléon ». Transition et consolidation
démocratique au Bénin, Paris, Institut d'études politiques, thèse de doctorat, 1998, p. 448. Voir
l'ensemble du chap. VII consacré à la réinvention de la tradition.
25 Zekeria Ould Ahmed Salem, « Sur la formation des élites politiques et la mobilité sociale en
Mauritanie », Nomadic Peoples, 2 (1-2), 1998, p. 253, 260.
26 Boubakar Moussa Ba & Mohamed Ould Maouloud, Le Calame, 178, 1997.
27 Pour
28 Zekeriareprendre
Ould Ahmed
la distinction
Salem, «d'Albert
Sur la formation
O. Hirschmann.
des élites... », p. 261.

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De l'esclavage 19

subvenir la catégorie esclave dans leur propre société (les Haalpulaar'eri),


préfèrent échapper aux subordinations en revendiquant délibérément un
statut lui-même inférieur dans la société maure voisine 29. Leur défection
vise à introduire une ambiguïté, une équivoque, par l'adoption de ce
nouveau statut. Certes, les maîtres ne sont pas dupes de cette ruse ; pourtant, sur
la durée, après un changement de patronyme et de résidence, le déguisement
social a quelque chance de réussir.
Mais la frontière entre le faux-semblant et le double jeu est parfois
imperceptible. Depuis l'organisation d'élections législatives et municipales
pluralistes, le « label » esclave permet de capter l'électorat d'origine servile et
facilite une élection à un conseil municipal ou une nomination à une
commission de distribution de vivres (d'où avantages personnels et réseau
d'obligés). Du coup, certains jeunes cadres ou commerçants opportunistes
font de nouveau valoir une identité sociale en laquelle pourtant ils ne
voulaient plus être reconnus et qui se trouve de la sorte validée 30.
Au Mali, à l'occasion de la décentralisation et de la formation des
communes rurales, on a constaté une nette tendance à la reconstitution
d'entités décalquées des aires précoloniales, sur la base d'une représentation
« communautaire ». Mais, dès qu'il s'est agi de négocier les pouvoirs
communaux, la représentation « impériale » — les hiérarchies coutumières, les
prérogatives d'hier, le stock symbolique historique, etc. — a immédiatement
été réactivée non pas tant comme une remanence passéiste mais sous des
temporalités multiples et paradoxales 31.
En fait, derrière l'apparence de la légitimité électorale et de la
métonymie des pouvoirs se profile l'arrogance des logiques du passé, ravivant les
vieilles taxinomies et rappelant une fois encore les enjeux du statut de
l'individu : citoyen ou sujet ? Dans la commune de Youri (arrondissement
de Gavinané, cercle de Nioro), une alliance entre l'ADEMA-PASJ et l'UDD
gagne les élections communales de mai-juin 1999. Le candidat UDD qui
aurait dû être élu maire — son parti remporte le plus grand nombre de sièges
de conseiller — doit, parce que d'origine servile, céder sa place au candidat

29 Le même processus existe en sens inverse, de nombreux hâratîn ayant rejoint la société
haalpulaar. Beaucoup d'entre eux se sont « dévoilés » en 1989, revendiquant leur ancienne
identité, pour échapper aux massacres qui frappaient alors les Haalpulaar' en.
30 « Ne disaient-ils pas qu'ils n'étaient pas des esclaves ? Ils sont pourtant à leur tête. Cela
voudrait-il dire qu'être esclave actuellement est une bonne chose ? Esclaves à cause de la
politique... », propos recueillis par Ousmane Kamara à Kaëdi, novembre 1999.
31 Voir Claude Fay, « La décentralisation dans un cercle (Tenenkou, Mali) », in M.-J. Jolivet,
éd., Logiques identitaires, logiques territoriales, Autrepart, 14, 2000, p. 121-142. Sur le
renforcement du communautarisme et du clientélisme au détriment du civisme et de la citoyenneté,
voir Jacky Bouju, « Clientélisme, corruption et gouvernance locale à Mopti (Mali) », ibid.,
p. 143-163.

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20 Roger Botte

d'origine « noble » de l'ADEMA. Par contre, à Ménaka (région de Gao), les


luttes autour de l'inégalité amènent à la création d'un parti politique,
l'UMADD, pour défendre les intérêts spécifiques des anciens esclaves (les
Bella) face aux anciens maîtres touaregs, regroupés au sein de l'ADEMA 32.
Il existe aussi des exemples où la chefferie (au sens large) ne réussit pas
à s'inscrire dans les nouveaux processus politiques. C'est le cas au Nord-
Cameroun 33. Avec le multipartisme puis l'arrivée de Paul Biya au pouvoir,
on y assiste à l'instauration d'un ordre politique inédit visant à la
déconstruction du bloc du pouvoir régional mis en place par Ahmadou Ahidjo, à
une espèce de démaillage des liens de domination et d'assujettissement et à
une recomposition de la classe politique nordiste. Jusqu'en 1984 (départ
ď Ahidjo) et même au-delà (vers 1990), les Peuls et leurs alliés politiques
occupent une place centrale dans les appareils étatiques. La dissociation
affecte d'abord les Arabes Choa puis (pour simplifier) les populations
connues sous l'appellation de Kirdi. Pour ces populations, leur ascension
sociale et politique, historiquement sous la domination peule puis sous
Ahidjo, était conditionnée à leur islamisation et leur adoption d'un code de
valeurs peules. En bref, on a assisté dans le Nord à un vaste mouvement
d'islamisation et de « foulbéisation » 34 des modes de vie. Les
recompositions politiques actuelles, défavorables aux Peuls, entraînent une véritable
« défoulbéisation » des populations autrefois dominées dès lors que
l'intégration dans la catégorie peule n'est plus un facteur de mobilité sociale. Et
puisque le critère religieux ne favorise plus les promotions professionnelles,
les recrutements aux concours administratifs ou les activités commerciales,
on assiste dans le même temps à une reviviscence des cultures locales et au
déclin de l'islamisation. Depuis l'avènement du processus démocratique, un
mouvement pan-ethnique s'est même manifesté par un « Mémorandum de
la majorité opprimée du « " Grand " Nord-Cameroun » 35 pour dénoncer
son exclusion.
Les formes d'énonciation du politique par des acteurs subordonnés, les
« modes populaires d'action politique » (Jean-François Bayard-Leguil),
32 En 1994 {Le Républicain, 90, 1er juin) était créé le Mouvement pour l'éveil du monde bella :
« Nous, cadres bella, commerçants bella, paysans bella, leaders d'opinion bella avons décidé de
créer ... » ADEMA-PASJ : Alliance pour la démocratie au Mali, Parti africain pour la justice
et la solidarité ; UDD : Union pour la démocratie et le développement ; UMADD : Union
malienne pour la démocratie et le développement.
33 Voir par exemple, Antoine Socpa, « L'hégémonie ethnique cyclique au Nord-Cameroun »,
Afrique et développement, XXIV (1-2), 1999, 57-8 1 ; Daniel Abwa, La revanche des maccube au
Cameroun, Yaounde, 1999, 20 p. multigr. ; Gilbert L. Taguem Fah, Le facteur peul, l'islam et le
processus
34 Defulbe politique
(sing, pullo),
au Cameroun
nom qued'hier
se donnent
à demain,
les Ngaoundéré,
Peuls. 1999, 15 p. multigr.
35 Reproduit (annexe I) dans Z. Ngniman, Cameroun : la démocratie emballée, Yaounde, Éd.
Clé, 1993.

Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 7-42


De l'esclavage 21

trouvent également leur inspiration dans l'univers musical. La chanteuse


d'origine servile Gole Nyambaka (initiatrice du rythme ndabjah) se présente
ainsi comme la « voix des sans-voix », la porte-parole des opprimés, des
« sans-histoire ». Protestation contre l'ancien ordre social répressif, les
chansons de Gole Nyambaka mettent à nu les frustrations sociales et fustigent un
système politique régi par l'inégalité et la domination tout en tentant,
prémisses d'un dépassement, de pacifier la dialectique maître/esclave 36.
Le langage musical comme moyen d'identification collective des « gens
d'en-bas » s'est aussi exprimé en Mauritanie de manière pour le moins
inattendue et hétérodoxe. Pour proclamer et faire mémoriser leur droit à
l'existence sociale, les harâtîn des villages agricoles de la région de M' Bout
détournèrent, dans les années 1970, un genre musical à la gloire du Prophète
(medh annabi) : ils lui substituèrent des paroles révolutionnaires inspirées
du Petit Livre rouge de Mao, les accompagnant en outre d'instruments
(tambour, flûte) associés au groupe servile 37.
À l'inverse, chez les Gouro de Côte-d'Ivoire, des chants et des contes
allégoriques, interprétés nuitamment, sont maniés comme une arme
symbolique pour ranimer le spectre de l'esclavage et contester les logiques
d'intégration lignagère, rappeler l'indélébile, dévoiler des filiations enfouies,
honnir les anciens esclaves et finalement les instituer en paradigme du mal.
Ces représentations, qui jettent le discrédit sur les descendants d'esclaves au
cœur même de la société contemporaine, ne ressortissent pas seulement
d'allusions infamantes à leur égard mais valent aussi « comme des
métaphores des maux néo-coloniaux que sont l'emprise de l'argent, l'inflation des
compensations matrimoniales, les maladies, l'égoïsme généralisé... » 38 et
dont sont rendus comptables les descendants d'esclaves.
Examinons maintenant l'occultation du phénomène de l'esclavage par
les anthropologues, de ce qu'ils donnent à voir et de ce qu'ils gardent in
petto. Ce non-dit tient principalement au fait qu'un grand nombre de
chercheurs analysent généralement une société à partir d'une histoire quasi
exclusivement fondée sur les représentations et les récits des producteurs
patentés de la mémoire sociale — groupes dominants, légataires de la
tradition, « spécialistes », « ceux qui savent » et autres ayants droit au
savoir. Ce faisant, ils disqualifient d'emblée les acteurs subordonnés et
écartent délibérément, pour certains, les anciens esclaves au prétexte qu'ils

36 Le travail de recherche sur Gole Nyambaka est effectué par Hamid Oumar Malik, in Gilbert
Taguem Fah, Question démocratique, créativité artistique et modes politiques clandestins,
Ngaoundéré,
37 Meski Brhane2000,
(1997
p. 2-4.
: 268-269).
(multigr.)
38 Ariane Deluz (1981 : 40).

Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 7-42


22 Roger Botte

seraient inaptes à transmettre la moindre vision de l'histoire 39.


Simultanément à cet ancrage social orienté de la mémoire, existe souvent une forte
empathie à l'égard de la société étudiée, et cette identification de
l'ethnologue à son objet empêche d'évoquer explicitement l'indignité supposée du
statut en posant les questions dont on présume qu'elles vont déranger. C'est
ainsi qu'Ariane Deluz, en 1981, lors d'un retour exigeant sur une enquête
commencée en 1956 chez les Gouro, note à propos des descendants
d'esclaves : l'« étiquette m'interdisait alors [en 1956] d'en demander plus sur leur
cheminement ». Or, l'analyse reprise en 1981 de la condition des uns et des
autres permet cette fois de mettre au jour l'indicible d'hier : « une idéologie
latente de type inégalitaire, en contradiction avec l'idéologie égalitaire
patente affirmée par les Gouro » 40.
Le réfèrent épistémologique de l'esclave, c'est l'Europe. Dès lors, on
doit redouter l'à-peu-près des définitions tout comme les analogies
qu'entraîne la catégorie générique « esclave » avec les sociétés antiques
ou l'économie coloniale de plantation. Certes, en Afrique de l'Ouest,
l'institution a souvent été un élément fondamental des systèmes de
production. Mais il faut se méfier de toute généralisation et bien distinguer
la diversité des situations locales 4l : des sociétés où l'asservissement
constitue un principe structurant, d'autres où les esclaves jouent un rôle moins
décisif dans la production, d'autres enfin où les esclaves interviennent pour
une part négligeable dans la production. Rares cependant sont les sociétés
qui, à l'instar des Sérères Nones, des Balantes ou des Bagas, demeurèrent
réfractaires à la servitude ou à ses formes dérivées 42. Il convient donc
chaque fois de déterminer à quels types de rapports sociaux pouvait
correspondre le statut d'esclave. D'autant qu'au-delà des statuts officiels,
juridiquement définis, existaient des écarts entre la norme et la réalité des
comportements sociaux. S'agissant malgré tout d'un rapport d'homme à
homme, il se tissait entre le maître et l'esclave des liens autrement plus

39 Certes, comme l'expérimente Geneviève Bédoucha (1984 : 82) à propos des shwâshin, « il est
difficile de percer leur silence, de rejoindre les destins, discrets parce qu'individuels, de ces
hommes sans lignage, sans terre, sans eau, qui ont assumé pourtant jusqu'à peu l'essentiel des
tâches productives dans l'oasis ». Sur la manière dont « chacun, compte tenu de son
appartenance sociale et politique, élabore une histoire différente de celle des autres, à partir des mêmes
données, dans un contexte de compétition inégale entre groupes dominants et dominés », voir
le travail exemplaire de Mamadou Diawara (1990 : 17).
40 Ariane Deluz (1981 : 25-26).
41 Voir à ce sujet la synthèse proposée pour le Sahel par Claude Raynaut et Philippe Lavigne
Delville au chap. 1 1 (« L'émancipation de la force de travail »), in C. Raynaut (1997).
42 Jusqu'à preuve du contraire. Il existe en effet, comme le démontre Gilles Holder, des sociétés
lignagères où l'existence autrefois de l'esclavage « est si bien dissimulée que les observateurs
divers, ethnologues en tête, n'en ont guère pris la mesure » : cf. « Esclaves et captifs au pays
dogon. La société esclavagiste sama », L'Homme, 145, 1998, p. 76.

Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 7-42


De l'esclavage 23

complexes que le jeu des obligations réciproques fixées par la loi ou par la
coutume. Lina Brock 43 montre ainsi que la société esclavagiste touarègue
était plus complexe que ce qu'en donne à penser les représentations de l'élite
et qu'en raison du paternalisme des maîtres, les statuts intermédiaires
proliféraient.
Je n'insiste pas non plus sur la manière dont nombre de sociétés
africaines se livrèrent à un véritable travail d'ajustement structurel avant la
lettre, avec l'appui ou non du pouvoir colonial : transformation de la
dépendance personnelle en asservissement contractuel (fermage, métayage),
renforcement du contrôle sur le foncier, etc. Tandis qu'à l'inverse les anciens
groupes serviles accompagnaient les mutations avec des succès divers :
autonomisation par rapport aux cadres tribaux, possession du bétail,
obtention de droits fonciers, etc. **
D'ailleurs, ici même, Urs Peter Ruf (239) analyse comment en
Mauritanie, où l'on note une adaptation et un regain remarquable du fait tribal en
relation avec le processus de décentralisation — alors même que des
éléments essentiels du système tribal domanial (le nomadisme, la violence
guerrière...) ont cessé d'opérer — , la lutte pour l'émancipation sociale et
économique en milieu rural passe par des tentatives d'accès à la terre. Dans
un système foncier qui traduit l'inscription spatiale des rapports sociaux, la
capacité des harâtîn à contrôler une partie du territoire tribal remet en cause
les relations de pouvoir au sein de la société rurale. Pour autant, les relations
esclavagistes n'ont pas disparu mais font preuve, au contraire, d'une belle
vigueur : loin de la duplication pure et simple de l'esclavage d'antan, ces
relations « modernisées » sont à l'œuvre dans maints conflits sociaux,
économiques et symboliques. Par ailleurs, les données démographiques et
l'évolution des affiliations statutaires mettent en évidence une nette
différence entre le nombre de femmes et d'hommes ayant acquis le statut de
manumis (harâtîn) : ainsi les pratiques esclavagistes persistent-elles
davantage aux dépens des femmes.
Le fait que chez les esclaves, les hommes soient de simples géniteurs et
que leur progéniture revienne au propriétaire de la mère incite celui-ci à ne
pas la libérer. Ainsi, mieux que les hommes, les femmes gardent-elles la
mémoire de leur lignée. Mamadou Diawara, enquêtant en milieu soninké,
relève que les femmes d'origine servile sont les historiennes par excellence de
leur communauté où elles jouent un rôle prépondérant dans la production,
la transmission et la diffusion des traditions orales 45.

43 Mamadou
44
45 Lina Brock
Roger BotteDiawara
(1983
(1999).
: 10,
(1990
120).: 127 sq).

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24 Roger Botte

Pourtant, les esclaves sont habituellement assignés à un statut universel


et inaltérable sans considération des situations objectives, des groupes
disparates et fragmentés, des situations d'oppression extrêmement diverses, de
la mobilité des statuts, des circonstances historiques, des vies quotidiennes,
etc. Aussi la priorité consiste-t-elle à déconstruire les discours dominants
— ce qui est évidemment difficile si les enquêtes se limitent aux accointances
avec les maîtres. Aujourd'hui, la dissolution de la relation maître/esclave
s'inscrit bien entendu dans un processus plus général : mutations sociales,
exode rural, scolarisation, constitution d'un marché du travail officiel et
informel, etc. Étant entendu que ni la scolarisation, ni l'existence d'un
marché du travail salarié ne sont incompatibles avec la persistance de formes
rénovées de dépendance.
Dans le modèle de relations asymétriques maître/esclave, le discours
scientifique a construit l'un des groupes comme norme, comme repère par
rapport à l'autre. Le patron originel de cette construction se trouve dans
l'ouvrage — devenu un classique — de Paul Riesman sur les Peuls Djel-
gobe 46 : la catégorie des esclaves (ou des anciens esclaves) y est
constamment traitée en référence à l'échelle de valeur des maîtres. Ici les catégories
ne sont pas seulement mentales mais linguistiques : dans l'énoncé, la
domination et la dénégation s'affichent dans le choix des mots et des formules
syntaxiques. Les maîtres, et eux seuls, manient les valeurs qui fondent les
codes relationnels et identitaires (l'honneur, le contrôle de soi, la pudeur, la
bienséance, le quant-à-soi, etc.) — codes qui, évidemment, distinguent le
libre de l'esclave. À ce registre, la mesure et la retenue des uns, s'opposent
l'indignité et la noirceur des autres : l'esclave est un être « grossier »,
« sale », « cupide », « malhonnête », « obscène », « dépourvu de sens
moral », il se complaît dans le domaine scatologique et la sexualité ; et
surtout, il est « sans honte » et « sans vergogne » car il ne maîtrise ni ses
besoins ni ses émotions. Ces traits méprisables sont innés : ils manifestent
la condition servile. Bref, l'esclave, moralement laid et physiquement
vigoureux, utilise tout un répertoire de conduites que les normes du
comportement social proscrivent justement chez les maîtres : le pulaaku
chez les Peuls, le dambe chez les Soninkés, le tangâlt chez les Touaregs,
le sahwa chez les Maures, etc. Ces stéréotypes, ces logiques de distinction,
ce déni d'humanité cherchent à fonder les différences sociales sur le
biologique pour les rendre « naturelles » 47. Les représentations que les maîtres se
sont données de l'esclave, la mise en scène de son altérité postulent son

47
46 Philippe
Paul RiesmanLavigne
(1974:
Delville,
119-121).
Migrations internationales, restructurations agraires et
dynamiques associatives en pays soninké et haalpulaar (1975-1990). Essai d'anthropologie du
changement social et du développement, Marseille, EHESS, 1994, thèse de doctorat, p. 77, note 34.

Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 7-42


De l'esclavage 25

infériorité radicale, justifient son exploitation et le disqualifient comme être


historique.
Et voilà pourquoi la figure de l'esclave est muette... et que le discours
académique méconnaît totalement le caractère autonome de l'ordre social
que la communauté servile ou l'ancienne communauté servile pouvait ou
peut revêtir ; méconnaît le fait que l'esclave ou l'ancien esclave, qui n'est pas
véritablement en position de choisir, assume dans ses relations avec les
maîtres ou les anciens maîtres le rôle même que ceux-ci lui ont attribué, ce
qui suppose une certaine ambivalence, un certain nombre de compromis,
d'accommodements, d'attitudes conformistes et attendues ; et, finalement,
méconnaît aussi les dissonances, les résistances improbables et les itinéraires
silencieux pour tourner l'iniquité 48.
En outre, à s'en tenir trop souvent aux statuts prescrits et aux discours
convenus, et sous prétexte que la langue des maîtres a été imposée aux
esclaves, ceux-ci sont généralement tenus pour « culturellement assimilés ».
Or, aujourd'hui, les anciens esclaves constatent à quel point l'assimilation
est improbable, même si l'on peut repérer ici ou là quelques mariages
hypogamiques féminins — d'ailleurs consentis pour des raisons
économiques. Mais la possibilité d'avoir un accès réciproque aux filles et sœurs des
anciens maîtres, l'acceptation de l'idée d'une promiscuité sexuelle ne
pourraient s'envisager qu'au prix d'une subversion complète de l'ordre social.
C'est bien parce que l'assimilation est un leurre que les anciens groupes
serviles ont de plus en plus tendance à se constituer en groupe ethnique à
part entière 49. Dans les sociétés musulmanes, le malentendu le plus profond
concerne à l'évidence la monopolisation de la parole religieuse, la gestion du
capital symbolique alors qu'hier la mise en dépendance prétendait tirer sa
légitimité de l'islam : les cas d'anciens esclaves autorisés à diriger la prière de
la communauté, même lorsqu'ils sont parfaitement experts en religion, sont
exceptionnels et marquent les limites de la mobilité sociale. C'est la raison
pour laquelle on s'achemine, ici ou là, vers un « chacun chez soi » religieux
comme on a pu le voir au Fuuta Jaloo avec l'érection de mosquées
séparées 50.

48 C'est Christine Hardung (1998) qui, la première, renverse la perspective de l'échelle des
valeurs. Je reprends également ici des analyses subtiles effectuées sur d'autres objets,
notamment à propos de la construction sociale de la catégorie « femmes », par Zekeria Ould Ahmed
Salem, Retour sur le politique par le bas. De quelques modes populaires d'énonciation du politique
en Mauritanie, Lyon, Université Lumière Lyon-II, Institut d'études politiques, 1996.
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50 Roger Botte (1994). En Mauritanie, faut-il voir dans la percée spectaculaire du
néofondamentalisme auprès des couches populaires les plus déshéritées, constituées de la masse des

Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 7-42


26 Roger Botte

En Mauritanie, où le débat politique s'inscrit dans une bipolarisation


entre deux nationalismes — les Négro-Africains (principalement les Haal-
pulaar'eri) et les Maures arabophones 51 — , El Arby Ould Saleck (255) met
en évidence l'enjeu que constituent les anciens esclaves ou harâtîn. Les
Maures, qui ont longtemps oscillé entre africanité ou arabité, racines
maghrébines ou soudanaises, font montre aujourd'hui d'une intense volonté
de se trouver une légitimité arabe et islamique. C'est dans ce contexte que les
harâtîn sont sommés par les uns de se déclarer noirs et de rejoindre les
« Négro-Mauritaniens opprimés » (puisque d'origine bambara ou de tout
autre ethnie naguère razziée et asservie), et par les autres de s'affirmer blancs
et Arabes (puisqu'ils parlent la langue des anciens maîtres). Quoi qu'il en
soit, ils sont devenus le principal enjeu de la lutte entre les différents partis et
mouvements politiques — au détriment de leurs revendications propres —
car ils représentent démographiquement près de 45 % de la population
totale.
Il existe encore d'autres obstacles à l'étude du monde servile. Si l'un
d'entre eux repose sur les limites monographiques de maintes enquêtes, le
plus insidieux tient sans doute à l'efficacité subreptice de la notion de « bon
sauvage » (initiée en Afrique par Mungo Park). Ainsi la recherche
reste-telle discrète sur un certain nombre d'institutions qui demeurent, dans les
esprits occidental et africain contemporains 52, comme les manifestations
par excellence du primitivisme 53 : l'esclavage certes, mais aussi les sacrifices
humains, le cannibalisme rituel, l'abandon des vieillards, etc. — sans oublier
la sexualité qui, en raison des fantasmes coloniaux, a été construite en terme
d'altérité radicale. L'exemple du cannibalisme est intéressant parce qu'« il se
situe au-delà de l'extrême limite de tolérance à l'égard de l'exotisme et aucun

harâtîn, les effets de leur désaffection à l'égard d'une autorité religieuse officielle au service des
maîtres ? Sur ce néofondamentalisme : Zekeria Ould Ahmed Salem, Prêcher dans le désert.
L'univers du Cheikh Sidi Yahya et l'évolution de l'islamisme mauritanien, Journée d'études Islam
et politique en Afrique, Paris, CERI, 9 juin 2000, 28 p. multigr.
51 Les bidân, litt. « les blancs ».
52 La circonspection des informateurs, lorsqu'ils ne sont pas d'origine servile, est désormais
réelle. Il s'agit, par exemple, d'« occulter les traitements anciens infligés aux captifs et aux
délinquants, parce que l'opinion publique contemporaine les juge barbares et parce que cette
barbarie jette l'infamie sur le village et l'ethnie », Harris Memel-Fotê, L'esclavage dans les
sociétés lignagères d'Afrique noire. Exemple de la Côte-d 'Ivoire précoloniale : 1700-1920, Paris,
EHESS, 1988, thèse d'État, p. 377. Cette thèse substantielle (919 p.) expose, a contrario des
idées reçues sur les sociétés lignagères, une théorie scientifique de l'esclavage dans ce type de
sociétés. Je suis redevable à ce travail de plusieurs des idées reprises ici, notamment sur
Nkrumah et à propos du rapport colonisé/colonisateur.
53 Meillassoux (1975 : 14). Hegel y voyait, avec sa constance habituelle à se fourvoyer sur
l'Afrique, la manifestation d'un « principe africain » qui fonde l'esclavage.

Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 7-42


1


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28 Roger Botte

où se mêlent traite négrière, esclavage aux îles d'Amérique, colonisation,


décolonisation. C'est ainsi que l'historiographie française 59 chargée de
construire la mémoire hexagonale sur la Révolution fait silence, à
l'exception notable de Jaurès, sur les colonies, la traite, l'esclavage : voir Michelet,
Mathiez, Lefevre, Soboul 60. Dernier exemple en date de ces réticences de la
mémoire, le Dictionnaire critique de la Révolution française, édité par
François Furet et Mona Ozouf, dont il fallut attendre la réédition de 1992 pour
qu'enfin soit rétablie l'omission de Saint-Domingue.
Depuis l'abolition de l'esclavage en 1848, remarque Serge Mam Lam
Fouck (145), l'appartenance à la nation française des sociétés créoles de la
Guyane et des Antilles a été fondée sur le pacte de l'assimilation politique et
culturelle avec pour conséquence l'oubli de leur propre histoire. Ainsi, dans
cette entreprise de refoulement, Gaston Monnerville, l'un des fondateurs du
régime départemental, va jusqu'à concevoir l'abolition comme la réparation
de cette injustice qu'a été l'esclavage colonial. Aujourd'hui, le mouvement
politique et littéraire de la créolité, dont Y Éloge de la créolité de Jean
Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant (1989) se veut le
manifeste, est la dernière des expressions de cette réappropriation de soi qui s'est
amorcée avec l'affirmation de la négritude. Ce processus de reconquête de la
mémoire va de pair avec une autre représentation de l'histoire de l'esclavage
où le nègre marron figure en héros de la liberté et symbolise, pour le
mouvement nationaliste, le devenir guyanais et antillais hors de la nation
française. Dans le même temps, ces nouvelles revendications identitaires se
heurtent à de fortes résistances, principalement dues au fait que les dures
nécessités de la dépendance économique ne favorisent guère une
émancipation des représentations et des pratiques sociales que génère l'idéologie de
l'assimilation 61.
Cette mémoire récalcitrante à l'égard du fait esclavagiste joue de même
à l'égard de l'Afrique. Énonçons un lieu commun : l'anti-esclavagisme du
xviiie siècle contient en germe la colonisation européenne de l'Afrique
au XIXe siècle puisque celle-ci trouvera sa justification dans la défense
des droits de l'homme contre la barbarie esclavagiste ou le primitivisme.
Du coup, il s'agit de solder le malaise lié à la situation coloniale ;
notamment la contradiction entre l'émancipation des esclaves (1848) et les néces-

60 Yves
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de la Découverte, 1987,
p. 10.
61 Déjà, Marie-José Jolivet s'était interrogée pareillement, à propos du schœlchérisme, sur les
représentations dont le passé peut faire l'objet et sur leurs modifications au fil des temps : « La
construction d'une mémoire historique à la Martinique : du schœlchérisme au marronisme »,
Cahiers d'Études africaines, 107-108, XXVII (3-4), 1987, p. 287-309.

Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 7-42


De l'esclavage 29

sites économiques de la colonisation et de l'alliance politique avec les


chefs. C'est-à-dire rien de moins que le passage de l'humanisme à
l'impérialisme.
La colonisation en son temps avait résolu le dilemme à sa manière. En
substituant les termes « captif », « non-libre » ou « serviteur » à celui d'«
esclave », en euphémisant le terme même d'esclave, elle avait réalisé
fictivement l'abolition. Cette abolition sémantique s'achève quand le passage au
terme « serviteur » permet finalement d'introduire une relation domestique
qui suggère faussement un presque-rien entre le maître et son serviteur. Ce
qui aboutit à masquer le rapport esclavagiste tout en avançant l'idée que
l'esclavage africain serait une institution bénigne, sans les cruautés de
l'esclavage américain.
C'est pourquoi tout travail de recherche sur l'esclavage africain
s'effectue dans un contexte de rapports Nord-Sud singulièrement compliqué. Il
l'est d'autant plus que la suppression de la traite négrière, en 1807, comme
l'abolition de l'esclavage en 1848 sont des décisions du Nord, unilatérales,
sans concertation avec le Sud.
En réalité, pour ne prendre que le seul cas de l'abolition de l'esclavage
(mais il en va de même pour l'arrêt de la traite), aucune société africaine à
l'époque — le milieu du xixe siècle — n'est convaincue de son bien-fondé.
Aucune de ces sociétés ne s'interroge pas même sur la licéité du principe de
l'esclavage, et d'ailleurs les esclaves eux-mêmes partagent largement
l'idéologie dominante et consentent à leur subordination. Nous sommes
désormais très loin des préoccupations d'un Ahmed Baba de Tombouctou (1 556-
1627) qui, s'il ne doutait pas de la légitimité de l'institution, admettait
cependant que certains individus, lorsqu'ils étaient musulmans, subissaient
injustement l'esclavage.
L'abolition de l'esclavage et sa disparition progressive en tant
qu'institution ou système s'effectuent donc sous une action exogène, celle de l'État
colonial 62. C'est le pouvoir colonial qui, par l'émancipation sociale,
transforme, en principe, les esclaves en égaux de leurs anciens maîtres. Or cette
émancipation se réalise non seulement dans une société politiquement
assujettie, la société colonisée, mais les Africains n'en sont nullement les
acteurs 63.
62 Ce qui n'a pas empêché, jusqu'à la loi du 1 1 avril 1946 portant suppression du travail forcé,
le colonialisme d'inventer de nouvelles formes coercitives de travail comme substituts à
l'esclavage : Babacar Fall, Le travailforcé en Afrique occidentale française (1900-1945), Paris,
Karthala, 1993.
63 À Madagascar, chez les Antemoro, on constate une différence très nette entre les esclaves
émancipés par les roturiers lors de la guerre de 1 883- 1 884 et totalement intégrés par ceux-ci et
les esclaves libérés le 27 septembre 1896 par le décret du pouvoir colonial (500 000 à un million

Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 7-42


30 Roger Botte

De sorte que cette absence de l'Afrique dans le débat concernant


l'abolition a des effets cruciaux sur la recherche d'une identité niée par le
colonisateur et sur les combats qui sont menés pour la décolonisation. C'est
ainsi que certains (cf. l'intelligentsia d'expression française autour de la
revue Présence africaine) proposent une vision idyllique de la civilisation
africaine, une sorte de fétichisme autour de l'unité culturelle, afin de montrer
que l'Afrique participe au mouvement général de l'histoire universelle. Dans
ce discours, l'esclavage ne peut avoir de place puisqu'il renvoie à la barbarie,
c'est-à-dire au contraire de la civilisation ; et, ici, le primat du culturel
implique une conception élitiste de la lutte contre la domination coloniale.
D'autres, comme dans le modèle du consciencisme de Kwame Nkrumah,
préconisent un retour aux sources, la reconstitution d'une société fondée sur
le présupposé d'une idéologie commune à tous les Africains ; cette vision
exprime une idéalisation de la société précoloniale, une négation de
l'hétérogénéité des groupes sociaux et de leurs antagonismes dans une société
africaine présumée communautaire et égalitaire 64. Senghor et Nyerere
prônent de même ce retour aux sources. C'est avec raison que Paulin
J. Hountondji note que Nkrumah « participe aussi, malheureusement, du
préjugé ethnologique d'une philosophie collective » ; et c'est en ce sens qu'il
relève, dans le même ouvrage, l'obstination de Griaule à refuser d'admettre
« qu'il puisse exister dans une société non occidentale une pluralité
d'opinions éventuellement divergentes » et même irréductibles les unes aux
autres. Ainsi, « le discours d'un Ogotemmêli [dans Dieu d'eau], dans la
mesure où il prétend énoncer une sagesse éternitaire, intangible, un savoir
clos issu du fond des âges et excluant toute discussion, s'exclut de lui-même
de l'histoire... » 65. Qui s'étonnera alors de constater que Griaule est l'un des
rares auteurs européens à se voir agréé par les afrocentristes ? 66

selon les estimations). Ces derniers, appelés « libérés par les Blancs » (velombazaha), vivent en
marge de la société : « pour qu'une abolition soit efficace, il faut que l'idée et la décision
émanent des maîtres », voir Philippe Beaujard et Jean Tsaboto (1997 : 397).
64 Ce n'est pas le lieu de discuter ici de l'évolution conceptuelle de Nkrumah et de son
renoncement in fine à l'illusion unanimiste (la négation de conflits idéologiques dans l'Afrique
précoloniale). Sur l'utilisation de l'idéologie lignagère en tant qu'idéologie de la négation des
inégalités, se reporter à Harris Memel-Fotê, L'esclavage dans les sociétés lignagère s..., p. 2Asq.,
89sq.
65 Paulin J. Hountondji, Sur la «philosophie africaine », Paris, Maspero, 1977, p. 68, 93, 101,
203. Voir également la dernière critique en date, celle du philosophe kenyan Dismas A. Masolo,
African Philosophy in Search of Identity, Bloomington, Indiana University Press/Édimbourg,
66
Edinburgh
La variante
University
vulgairePress,
de ces 1994,
mythesp. unanimistes,
68-83. c'est l'image d'Épinal et toujours actuelle de
l'« arbre à palabre », arbre autour duquel pourtant les esclaves (tout comme les femmes, autre
catégorie dominée, et tous les « cadets sociaux ») étaient interdits de parole. Or, à Ourossogui
(Sénégal), le 25 novembre 1990, le jour même où les électeurs choisirent d'élire pour la première
fois un maire non issu du lignage des Diallo (c'est-à-dire des « nobles ») — « victoire de la

Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 7-42


De l'esclavage 31

Quoi qu'il en soit, la référence aux valeurs communautaires, c'est-à-


dire l'illusion d'une réversibilité possible de l'histoire 67 ou le
ré-enchantement de la tradition 68, était dans les années soixante nécessaire à l'unité
des fronts anticolonialiste et anti-impérialiste afin de rallier toutes les classes
à la lutte et à l'idéologie de la Nation, puis à l'unité africaine. Au fond, il
fallait réunir de manière parfaitement indifférenciée, dans la lutte pour
l'indépendance et la décolonisation, le bourgeois et le paysan, le maître et
l'esclave, le vendeur et le vendu.
Aujourd'hui, Molefi K. Asante (né Arthur Smith) 69, le plus influent et
le plus prolixe des auteurs américains afrocentristes, très loin du légitime
combat anti-impérialiste d'hier, développe une autre variante de la
spécificité socio-culturelle : un a-historicisme sans aucun projet politique ou
économique qui décline exclusivement un essentialisme ignorant toute
oppression interne et donc toute forme d'esclavage : « L'Afrique d'Asante est
comme le jardin d'Éden. Dans l'Afrique afrocentriste, les classes et les luttes
de classes sont absentes. L'Afrique est dépeinte comme une utopie noire
sans lutte ni discorde [...] Cette interprétation [...] ne fournit pas
d'explication satisfaisante à la traite atlantique des esclaves. Comment est-il possible
que quelque dix millions d'Africains aient été vendus comme esclaves sans la
complaisance d'autres Africains ? » 70.
Et en effet, quelle est la fonction assignée aujourd'hui à la mémoire de
la traite transatlantique dans les identités africaines, s'interroge Nassirou
Bako-Arifari (221) ? Quels en sont les impacts locaux et quel sens prend cet

démocratie à l'occidentale » — l'« arbre à palabre » fut symboliquement abattu en signe de


rupture avec l'arbitraire de la « coutume », le poids de la religion et l'exclusion des catégories
dominées du politique (Dianka 1993 : 63-64).
67 Massaer Diallo, Idéologies biologiques et ethnologiques dans la formation de la «pensée
négro-africaine » contemporaine, Amiens, Université de Picardie, 1980, thèse de 3e cycle, p. 75.
68 Achille Mbembe, « À propos des écritures africaines de soi », p. 37. Au sujet des afrocen-
trismes et d'une « mythographie alternative de l'histoire qui nie et défie les valeurs de
l'histoire », voir l'analyse de Stephen Howe, Afrocentrism. Mythical Pasts and Imagined Homes,
Londres-New York, Verso, 1998, XII-337 p.
69 Sur la naissance d'Asante en Géorgie en 1942 et le choix de son patronyme africain, voir
Molefi K. Asante, « Racism, Consciousness, and Afrocentricity », in G. Early, éd., Lure and
Loathing. Essays on Race, Identity, and the Ambivalence of Assimilation, New York, Allen Lane,
1993, p. 127 sq.
70 Clarence Walker, « Les a posteriori de Molefi K. Asante », in F.-X. Fauvelle-Aymar,
J.-P. Chrétien & C.-H. Perrot, eds, Afrocentrismes. L'histoire des Africains entre Egypte et
Amérique, Paris, Karthala, 2000, p. 65-77. Un autre versant de cette « angoisse de l'identité »
dans les études afro-américaines est la mise en valeur, sur la base d'une supériorité culturelle
supposée, de l'origine yoruba par rapport aux autres : « Dans un processus d'invention d'un
passé qui effacerait la marque infamante de l'esclavage, les Yoruba héritent de l'esprit guerrier
musulman et deviennent l'incarnation de la résistance noire », Stephana Capone, « Entre
Yoruba et Bantou : l'influence des stéréotypes raciaux dans les études afro-américaines »,
Cahiers d'Études africaines, 157, XL (1), 2000, p. 72.

Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 7-42


32 Roger Botte

événement historique dans le débat politique national au Bénin à partir des


positions actuelles, des convictions religieuses et des ambitions des différents
acteurs impliqués ? Quel usage de la mémoire font des groupes impliqués
dans le commerce transatlantique, les uns comme descendants de «
bourreaux », les autres comme descendants de « victimes », pour repenser des
situations controversées et temporellement distantes ? Si, lorsque le discours
évoque la traite transatlantique en général, les uns et les autres sont
unanimes pour condamner l'Européen et l'amener à se racheter par le versement
d'une indemnisation compensatoire et expiatoire, il n'en va plus de même
quand le débat se fixe sur le Bénin, lorsqu'il se « nationalise ». Il devient dès
lors impossible de faire croire à une Afrique indemne de toute
compromission et il faut bien se résoudre à vivre avec le traumatisme infligé aux
relations inter-ethniques 71 pour, finalement, « transcender les méchancetés
du passé ».
Au Togo voisin, Kodjo Kofïï (233) décèle comment des cultes rendus à
des vodun, qui ne sont autres que les mânes des ancêtres jadis esclaves,
mettent en scène des rituels très complexes où s'articulent sans cesse des jeux
d'oppositions binaires : masculin/féminin, Nord/Sud, maître/esclave,
sauvage/civilisé, etc., s'inversant constamment pour atteindre à la fusion des
contraires et faire savoir que ceux-ci sont en réalité des semblables puisque
fondamentalement interchangeables. Faut-il y voir une allégorie apaisée du
champ politique ? Car là, en revanche, la même chaîne de contraires, avec
toutefois quelques adjonctions perfides, se déroule entre achetés et
acheteurs, « authenticité africaine » 72 et « Brésiliens », Gnassingbé Eyadèma et
Gilchrist Olympio, pouvoir et opposition, et alimente des campagnes
apologétiques au profit d'un pouvoir fondamentalement sans alternance depuis
1967.
Avec l'opposition colonisé/colonisateur, s'est donc établie une analogie
entre inégalité de l'esclavage et sujétion politique. D'où la vision de la
domination coloniale comme métaphore de l'esclavage — ce qui, du même
coup, évacue toute possibilité de penser l'esclavage réel 73. Est-ce la raison

71 Par exemple aux populations victimes des guerres d'Abomey : Ketu, Sabe, Idaisa et Mahi.
Voir Elisée Soumonni, « De l'intérieur à la côte : des lacunes à combler dans l'étude de la traite
négrière au Dahomey », Cahiers des Anneaux de la Mémoire, 1999, 1, p. 207-217. Voir
également Andrzej Krasnowolski, Les Afro-Brésiliens dans les processus de changement de la Côte
des
72 L'unicité
Esclaves, Wroclaw,
culturelle,Académie
dont on polonaise
a vu les des
méfaits
sciences,
sous1987,
sa forme
200 p. ethnologique (l'ethno-
philosophie), se métamorphose ici en « authenticité » et contribue, notamment pour les
groupes dirigeants, à « asseoir idéologiquement leur domination nationale », Jean-François
Bayart, « Le politique par le bas en Afrique noire. Questions de méthode », in J.-F. Bayard,
A. Mbembe, С Toulabor, Le politique par le bas, Paris, Karthala, 1992, p. 33.
73 Harris Memel-Fotê, L'esclavage dans les sociétés lignagères..., p. 116.

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De l'esclavage 33

du singulier manque de curiosité des créateurs africains (écrivains,


dramaturges, plasticiens, cinéastes) à l'égard de la violence esclavagiste sur le
continent — à quelques exceptions près, comme le Malien Yambo Ouolo-
guem, le Congolais Zamenga Batukezanga, lui-même descendant
d'esclaves, l'Ivoirien Roger Gnoan M'Bala 74... Jean-Norbert Vignondé remarque
à propos de l'écrivain béninois Félix Couchero qu'il n'est jamais présenté
dans l'historiographie dominante comme un pionnier de la littérature
négro-africaine francophone alors que L'esclave, paru en 1929, est
chronologiquement le troisième titre des lettres africaines : « il fallait que le genre
poétique fût la première manifestation de la littérature africaine
commençante ; ensuite que cette littérature, née dans un contexte colonial, fût une
littérature de contestation engagée dans le combat anti-colonial » 75.
Tout ceci a évidemment des conséquences sur la recherche. Du côté
européen, parce qu'à une certaine époque africanisme et tiers-mondisme,
s'ils n'étaient pas purement et simplement superposables, entretenaient des
rapports évidents qui infléchissaient parfois la réflexion en positions
idéologiques 76. Du côté africain, où les réponses sont multiples, certains, et c'est
là une attitude de plus en plus répandue, nient catégoriquement l'existence
d'un esclavage africain endogène. D'autres érigent en vérités apodictiques
des traditions orales anti-esclavagistes inventées de toutes pièces, comme
celle où l'on voit un almami du Fuuta Tooroo supprimer l'esclavage à la fin
du xviiie siècle alors qu'il ne s'agissait en réalité que d'interdire la vente des
esclaves aux Européens pour mieux se les réserver 77. D'autres encore

74 Yambo Ouologuem, Le devoir de violence, Paris, Seuil, 1968 ; Zamenga Batukezanga, La


terre des ancêtres, Kinshasa, Éd. Basenzi, 1974 ; Roger Gnoan M'Bala, Adangamman (long
métrage, 1999). Voir sur ce sujet Marie-José Hoyet, « Écriture et esclavage dans la littérature
africaine et antillaise d'expression française », Mémoire spiritaine, 9, 1999, p. 103-126. On lira
également avec intérêt les entretiens avec des créateurs dans le numéro spécial ďAfricultures
(20, 1999), La traite : un tabou en Afrique ? Sauf exception (le Nigérien Alfred Dogbé : « le type
d'esclavage qui m'intéresse dans mon écriture actuelle, ce sont les vestiges de l'esclavage local »,
p. 16), il n'y est nullement question de l'esclavage interne, le terme esclavage renvoyant
exclusivement à la traite négrière et à l'esclavage colonial.
75 Jean-Norbert Vignondé, « Les précurseurs : Félix Couchero, Paul Hazoumé », Notre
Librairie, 1995, 124, p. 66-75, 92-93. Félix Couchero, L'esclave, Paris, Éd. de la Dépêche
africaine, 1929, 304 p. (rééd. 1962, 1983). L'esclave, qui se situe dans la région du Mono
(Bas-Dahomey), est l'histoire de Mawoulawoe, « esclave par ses origines et son statut social,
mais surtout personnage esclave de ses passions ». Alain Ricard (Naissance du roman africain :
Félix Couchero, 1900-1968, Paris, Présence africaine, 1987, 228 p.) est l'un des rares auteurs à
rendre justice à Couchero. Il voit dans L'esclave une parabole du conflit entre le Nord
(représenté par Mawoulawoe) et le Sud (du Togo) pour le contrôle de la richesse du pays (cf.
p. 197-199).
Voir par exemple François de Meideros, « Africanisme et historiographie africaine »,
Bulletin del'IFAN, sér. В, 1996, 47 (2), p. 85.
77 Voici un autre exemple de ces appréciations modernistes. Dans l'exposé des motifs de la loi
déclarant justement la traite et l'esclavage crimes contre l'humanité (cf. supra note 3), il est

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34 Roger Botte

refusent d'analyser le colonialisme comme une conséquence de la traite


négrière (à laquelle l'Afrique a participé) pour mieux surévaluer la
résistance à l'envahisseur. En fait, le refus de l'abolition, dans la deuxième moitié
du xixe siècle, par les pouvoirs locaux (esclavagistes) a d'autant facilité leur
mobilisation contre l'impérialisme.
La glorification des héros nationaux 78 et de leur résistance à la
conquête coloniale, la construction de mythologies nationales en vue de
réhabiliter le passé africain et remettre en mémoire des faits dépréciés par
l'africanisme colonial, les formidables élisions sociales que cette
construction discursive suppose ont longtemps verrouillé l'accès à toute autre
problématique historique. C'est ainsi que l'analyse des mouvements de
renouveau islamique (Umar Taal et ses successeurs, Sokoto, Samori, etc.) a
privilégié, au détriment d'autres aspects, l'angle des révolutions
musulmanes. Or, une relecture critique est possible. Ces mouvements peuvent être lus
aussi comme des mouvements de conquête et d'hégémonie politique — à
l'instar de l'impérialisme français ou anglais — et comme de profitables
entreprises négrières et esclavagistes ayant suscité, dans toute l'Afrique de
l'Ouest, un boom négrier et une extension de l'esclavage sans précédent 79.
Le fait que ce soit l'État colonial qui ait réalisé l'émancipation a un
autre effet pervers : du côté des anciens maîtres, l'histoire de la promotion
sociale de l'esclave est bien souvent reçue comme une dégénérescence de
l'ethnie, de la société et de la culture 80. L'ethnicité sociale comme forme
dévoyée de l'affirmation politique est d'autant plus exacerbée que les
anciens maîtres se trouvent en compétition avec les descendants d'esclaves.
L'irruption de ces derniers sur la scène politique est ressentie d'une façon
traumatique et peut susciter de violentes réactions, tel l'assassinat,
probablement dû au seul fait qu'il était d'origine servile, de Richard Ratsiman-
drava le 11 février 1975 à Antananarivo, quinze jours après son élection
comme président de la République. Plus récemment, dans les années 1990,
est apparu à Madagascar un courant ethnonationaliste merina qui
développe (notamment via l'Internet) un discours raciste à rencontre des mainty,

affirmé de manière extravagante que « Soundjata, fondateur de l'empire du Mali, [...] combattit
sans répit le système esclavagiste ». Sur les réécritures idéologisées de Sunjata, voir Seydou
Camara, « La tradition orale en question », Cahiers ď Études africaines, 144, XXXVI (4), 1996,
p. 763-790.
78 On peut en dresser la liste à partir de la collection « Grandes figures africaines » (Paris-
Dakar-Abidjan, ABC/NEA), initiée par l'historien guinéen Ibrahima Baba Kaké, qui choisit le
thème des grands personnages car, « en Afrique, l'histoire est avant tout le récit de la vie des
héros, bâtisseurs de royaumes et d'empires ».
79 Roger Botte, « L'esclavage africain après l'abolition de 1848. Servitude et droit du sol »,
Annales, HSS, 2000, 5, p. 1009-1037.
80 Harris Memel-Fotê, L'esclavage dans les sociétés lignagères..., p. 670.

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De l'esclavage 35

ngita volo (« peau noire, cheveux crépus »), représentation stéréotypée de


l'africanité et donc de l'origine forcément servile de ces populations. Ce
courant de droite extrême, qui s'oppose à l'État-nation, prône ouvertement
un système fédéraliste fondé sur une partition ethnique à partir d'une série
d'oppositions blancs/noirs (en d'autres termes, libres/esclaves, Merina/
côtiers, Asie/Afrique, etc.). Simultanément, descendants d'esclaves libérés,
déshérités, prolétaires ruraux, sous-prolétariat urbain, mainty et andevo sont
les premières victimes de la crise économique tandis que, depuis la défaite
électorale du MFM (« Militants pour le pouvoir des petits ») en 1977,
s'amorce le reflux de la scène politique de ces damnés de la terre 81.

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