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Dieu que je n'ai jamais aimé les histoires de chevaux.

C'est pas que j'aime pas les chevaux,


attention. J'aime pas beaucoup les chevaux, c'est vrai. Mais j'aime pas plus les humains que les
chevaux.

Je répète, j'aime pas plus les chevaux que les humains. Je suis comme ça. Je ne prends pas parti,
pour rien ni pour personne. Si les hommes sont souvent de belles raclures, les chevaux ne sont pas
en reste. Notre penchant dégoûtant pour la soumission. Et puis entre chevaux, c'est la course, c'est la
guerre aussi, et la guerre fait peu de héros et beaucoup d'infâmes. Mais s'il est quelque chose qui me
révulse bien plus que les chevaux ou les humains, qui me tord les boyaux, qui me remplit à ras-bord
de brûlante indignation, c'est quand on parle à ma place. Mettons quand un homme ou une gamine
me parlent comme on parle à un enfant, à un qui ne parle pas, et qu'en plus ils se mettent à faire les
réponses. Et par extension, les films ou les récits dont le narrateur est un cheval. Où l'on fait parler
un cheval. Ca je ne peux pas, non. C'est pas une question de vraisemblance. Je me fous de la
vraisemblance. La vie n'est qu'une somme d'artifices au fond, un grand feu d'artifices tous plus
grotesques les uns que les autres, tantôt bouleversants tantôt humiliants. Alors le naturel, la
vraisemblance, c'est pas le problème. Non, ce qui me dérange profondément dans le fait de faire
parler les chevaux, c'est qu'on me considère, je veux dire le cheval, comme affublé d'un défaut. Le
défaut de ne pas savoir articuler des mots comme ceux des hommes. Le défaut de ne pas savoir
parler. Le défaut d'être un enfant. Merde alors. Et qu'on considère qu'il faut m'aider, qu'il faut parler
à ma place, me ventriloquer, me rendre ridicule, puisque je ne peux pas apprendre.

Mais quoi, c'est un handicap de ne pas savoir parler ? Je m'en accommode bien. Ça n'empêche pas
des mots, des mots de chevaux, des influx sémantiques de chevaux de fuser dans ma caboche de
cheval, ça n'empêche pas les mots de chevaux de ruer, de couler, de sauter, de rebondir dans ma
longue tête de canasson, avec tous les synonymes et tout. Pouah, qu'est-ce que je déteste qu'on fasse
parler les chevaux ! Quelle honte !

Il est inconcevable pour un cheval valide, pour un cheval qui n'est pas affublé d'un autre handicap
que celui d'être un enfant, il est inconcevable dis-je de refuser de prendre le départ d'une course. J'ai
l'air de passer du coq à l'âne mais c'est la suite logique de ce que j'ai développé avant. Il y a des
mots de cheval, il y a aussi une logique de cheval. Faite de coqs, d'ânes, d'usurpations, de naïveté
acritique. Une imposture totale, si vous voulez. Mais une imposture plus honnête en tout cas que les
tours qu'on nous joue, que les hommes nous jouent avec leur sémantique à la con. À nous la fourrer
dans le crâne pour que, quoiqu'il arrive, quoiqu'il en coûte et quoiqu'on en pense par ailleurs dans le
silence écumant de nos têtes, on prenne le départ de cette putain de course.
C'est cette histoire de handicap. Pris la main dans le chapeau d'une sémantique de trou du cul
parlant, l'homme ! Avec cette histoire de handicap. Qu'est-ce que c'est, ce défaut, ce déficit, ce
manque qu'il faut combler, faire oublier, soutenir, aider ? A la limite, aider pourquoi pas, c'est
défendable évidemment, mais pourquoi donc partir du principe qu'un tel cheval défectueux veuille
plus que tout prendre le départ de la course ? Quid du cheval défectueux qui veut prendre la
tangente, brouter loin des barrières ? De celui qui veut faire l'école du buisson ? Quid du cheval
défectueux qui veut habiter son défaut, son sabot trop bas ou trop haut, son goût pour les lanternes ?
Quid ?

Quid encore du cheval valide qui refuse la validation, qui veut prendre la tangente, brouter loin des
barrières ? Quid du cheval soi-disant bon pour la course qui refuse de prendre le départ de la
course ? Quid du cheval soi-disant valide qui reconnaît un frère dans le cheval invalide refusant
d'être inclus dans la course ? Quid du cheval valide pour qui ce frère est un modèle à suivre, pour
qui le défaut de ce frère, et la somme incalculable de tous les défauts possibles et imaginables, sont
la norme ?

C'est tout à fait mon cas. Le défaut c'est la norme. C'est mon défaut de voir dans la variété infinie
des soi-disant défauts, une norme possible. Voilà mon handicap. Pris la main dans la culotte de
cheval sémantique. Tout ce qui remet en doute la participation du cheval à la course, à la sacro-
sainte putain de course à la mort, voilà ma norme possible. Je vois dans le cheval invalide qui refuse
la validation par la course, qui mord la main que le propriétaire ou son putain de jockey lui tendent,
un modèle à suivre, un phare dans la nuit du mensonge,.

Évidemment, le cheval invalide qui persiste et signe, avec la fermeté de son infirmité, son refus
d'être validé pour la course, of course, on lui trouve une excuse dans le handicap même, on lui
pardonne. Il s'exclue, pense-t-on, parce qu'il a honte. C'est pas facile pour lui, se dit-on, et ça
arrange bien le proprio, le jockey, les parieurs et le public, de penser ça. Le genre de pensée qui
sauve la course. L'argent continue de circuler et les canassons de finir à l'abattoir tout pareil, fut-il
de luxe. Mais la course c'est la course, et c'est la seule chose qui compte, en fin de compte.

Par contre, le cheval valide qui refuse de prendre le départ, et part brouter avec son fier infirme,
celui-là n'a pas d'excuse. On lui bottera la croupe jusqu'à ce qu'il dévore le mors et insère son gros
cul de fainéant dans la stalle de départ. La course c'est la course, bordel.

Une anecdote pour finir, mais après c'est fini hein, cette simagrée de faire parler un cheval. Mon
premier contact avec un enfant c'était un dimanche d'été dans le pré où l'on me mettait
habituellement, celui du fond, attenant à plusieurs jardins. Il fallait pas s'électrocuter au ruban qui le
délimitait. Je sais plus comment ils ont fait pour le lever, mais ils ont pénétré dans le pré, alors je me
suis approché d'eux. Les grands me flattaient l'encolure, je soufflais. Et puis il s'est passé quelque
chose. Ma queue, on l'a tirée. Alors j'ai rué, un petit coup comme ça, sec, pour manifester ma
mauvaise humeur. Manque de pot, l'un des deux gamins qui étaient avec eux, le plus petit, a pris
mon sabot en pleine gueule. C'était lui certainement le tireur de queue. Quand je me suis retourné, il
avait disparu dans les herbes qui étaient hautes et blondes cet été-là, un été brûlant. Un été énervant.
Il y a eu un beau tohu-bohu, ils ont ramassé le petit et sont partis en courant vers la maison. L'un des
grands s'est retourné, l'air mauvais, et avant de disparaître dans la haie il s'est baissé et j'ai reçu une
pierre sous l'oeil gauche. Le salaud.

Engels Cheval.
Bibliographie :

https://www.cnrtl.fr/definition/handicap (focus sur l'étymologie)

Victor Klemperer, LTI, la langue du Troisième Reich, carnets d'un philologue.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Capacitisme

http://www.zinzinzine.net/elle-doit-etre-folle.html

http://benoitbohybunel.over-blog.com/2018/01/la-dissociation-rationaliste-validiste-de-la-valeur.l-
assignation-au-handicap-dans-la-modernite-capitaliste.html

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