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Quarto n°10

Éditorial .................................................................................................................................................................. 3
La question béotienne RTBF.................................................................................................................................. 4
Présentation Jean-Pierre Dupont ....................................................................................................................... 12
Schizophrénie et paranoïa Jacques-Alain Miller................................................................................................ 13
Une analyse de psychotique : que peut-on espérer Michel Silvestre .................................................................. 32

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Éditorial
"Les espaces infinis ont pâli de derrière les petites lettres, plus sûres à
supporter l’équation de l’univers, et la seule voix au chapitre que nous
puissions y admettre hors nos savants, est celle d’autres habitants qui
pourraient nous en adresser des signes d’intelligence, – en quoi le silence de
ces espaces n’a plus rien d’effrayant.
… Une éthique s’annonce, convertie au silence, par l’avenue non de l’effroi
mais du désir : et la question est de savoir comment la voie de bavardage de
l’expérience analytique y conduit."(Écrits 683 et 684)

La pratique du graphe dans les Écrits de Lacan,


nommément sur les psychoses, fait-elle écho à ce qui
s’indique pour nous comme une réforme de
l’éthique. Le style de chacun n’est pas ce qu’une
pratique du graphe rend possible. Elle est par
ailleurs, plutôt rétive à la moïfication des énoncés et
encourage l’élaboration de ce que Lacan a appelé de
ses vœux, un discours sans paroles, débarrassé si
possible des reliquats du fantasme que chacun ne
peut s’empêcher d’y déposer.
"Quand verra-t-on que ce que je préfère est un
discours sans paroles ?" (note de Jacques Lacan à la
date du 26-9-68 in Spécial Enfance Aliénée II)
Cette préférence trouve illustration dans les
difficultés particulières qu’impose la diffusion des
conférences sur la psychose, du fait de l’importance
de la dite pratique du graphe.
Quarto X présente donc les trois dernières
conférences de l’ECP de l’année 81-82, animées par
J.-A. Miller, M. Silvestre, et G. Miller. Quarto XI
rendra compte de certains travaux de la journée
intercartels de décembre 82. On y trouvera
également quelques textes, produit d’une
interrogation sur les phénomènes psychosomatiques.
Les rédacteurs

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La question béotienne RTBF


Magazine des sciences humaines. 9/1/83. J. laisse en suspens quelques questions. En quoi cette
Baudouin psychanalyse didactique se distingue-t-elle ? Qu’y
"Bonjour. Aujourd’hui un entretien avec trois acquiert donc le psychanalyste ? Qu’en est-il de la
psychanalystes qui adhèrent à l’École de la Cause fin de la didactique, c’est-à-dire de ce moment qui
Freudienne : José Cornet, Jean-Paul Gilson et conduit l’analysant à occuper la place de l’analyste.
Pierre Malengreau. Il y a quelques semaines Le dispositif proposé par Lacan interroge ce
l’attention a été attirée par l’ouverture à Bruxelles, moment critique où l’analysant bascule du côté de la
rue Tenbosch, n°80, d’un local de l’École de la position de l’analyste. La passe est le dispositif par
Cause Freudienne, local qui n’est pas seulement lequel l’analysant rend compte à la communauté des
destiné aux psychanalystes mais qui est aussi à la analystes du savoir qu’il a acquis de son analyse et
disposition du public. L’E.C.F., née en janvier 1981, de la fin de son analyse. Et c’est de cela qu’il sera
est l’institution psychanalytique adoptée par question ce matin. Une question donc centrale dans
Jacques Lacan après la dissolution en janvier 1980 le processus de formation de la nouvelle école. Une
de l’École Freudienne de Paris qu’il avait fondée en question qui est aussi un changement de la question.
1964. D’un point de vue institutionnel, l’E.C.F. Elle n’est plus : qui peut être psychanalyste ? mais :
diffère de l’E.F.P, en ce que les fonctions comment une cure produit-elle un psychanalyste, et
représentatives nécessaires dans tout groupe social cela peut-être pour que le groupe, en décernant le
y sont essentiellement permutatives, et cela afin titre ou en fabriquant des images de l’analyste, fasse
d’éviter les effets de pesanteur du groupe qui croire à l’inconscient avant de faire croire au
avaient mené à l’échec de l’E.F.P. L’E.C.F. vise psychanalyste".
donc à la diffusion des théories de Freud et de JACQUES BAUDOUIN : La dissolution par
Lacan, au fonctionnement de petits groupes de Jacques Lacan de l’École freudienne de Paris au
travail qu’on appelle les cartels, à la mise en place début de 1980 a suscité pas mal de remous et a porté
aussi des enseignements. En Belgique est publié un bien au-delà du milieu analytique, notamment dans
supplément de la lettre mensuelle, des cahiers les médias. Pourquoi ce travail de dissolution opéré
appelés Quarto, qui proposent des travaux de cartel par Lacan a-t-il été jugé par lui nécessaire à un
et d’enseignement. Je propose ce matin un entretien moment donné de l’existence de son groupe ?
avec trois psychanalystes qui adhèrent à cette école, PIERRE MALENGREAU : Je pense qu’il faut
Pierre Malengreau, Jean-Paul Gilson et José d’abord constater une chose : s’il n’y avait pas eu la
Cornet. Il sera notamment question de la passe ; la dissolution, qu’aurions-nous eu ? Maintenant que
passe, une procédure que Lacan avait proposé et Lacan est mort, manifestement, curieusement, tout le
mis au point au sujet de la formation des analystes. monde est d’accord avec lui, tout le monde le cite, et
C’est une question qui est essentielle dans la nous en sommes revenus à un Lacan aseptisé. En
dissolution de l’E.F.P. et qui a été un point dissolvant son école, c’est pourtant quelque chose de
d’achoppement et de controverse persistante. ce genre que Lacan e voulu éviter, je pense qu’on
L’enjeu en est le suivant : il s’agissait avec la passe, peut dire cela en un premier temps.
pour Lacan d’asseoir analytiquement la JACQUES BAUDOUIN : De quoi sa dissolution a-
transmission de l’analyse. Au départ, il y avait la t-elle été le révélateur ?
constatation d’une carence dans la psychanalyse. PIERRE MALENGREAU : De ce que les analystes
Dans l’héritage freudien, le seul précepte laissé sur supportent tellement mal leur propre division
la formation était que l’analyste se soumette lui- interne, qu’ils se sont précipités à la jouer sur la
même à l’expérience où il prétend entrer en scène publique] qu’un analyste, je ne dirais pas renie
fonction, c’est-à-dire à une psychanalyse. On parle mais déchoit de sa position d’analyste, il est certain
alors de psychanalyse didactique. Une procédure que c’est sur l’exercice d’un pouvoir qu’il se rabat,
s’est instaurée qui reste toujours en vigueur dans les toujours c’est à cela qu’il revient. Alors quand Lacan
groupes affiliés à l’Association internationale de a vu comment, dans son école, les choses tournaient
psychanalyse : on devient psychanalyste par une à des questions de groupe, et non plus de travail
psychanalyse didactique dirigée par un didacticien. analytique, il a dit : je me trouve là avec une
Et est didacticien celui qui a été autorisé par ses difficulté ; et, comme toujours, Lacan-analyste, dans
pairs, ce qui signifie qu’on table donc sur ces cas-là, il pose un acte, il a dit : je dissous. Et cet
l’ancienneté, la cooptation, le consensus. Mais cela acte-là, enfin, il n’y a pas de petite histoire à faire

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jouer là, mais vous savez que cela l’a conduit devant peut-être l’école pourrait avoir une fonction de
les tribunaux, simplement de soutenir son acte garantir la formation des gens qui relèvent de cette
d’analyste école, ce qui introduirait éventuellement une
JOSE CORNET : Oui. garantie qui aurait un statut professionnel, il n’est
JACQUES BAUDOUIN : Quand on parle de passe, pas sûr du tout que Lacan ait eu ce souci-là. Par
on parle de formation des analystes. Mais n’y avait- contre, quand on parle de garantie, il y a quand
il pas aussi quelque chose du fonctionnement même même une chose qui importe, il s’agit aussi de se
de l’institution que Lacan révélait en la dissolvant ? soucier de ceci : tout compte fait les analystes, c’est
Le mode de fonctionnement du groupe ? pour les analysants qu’ils existent d’abord.
JOSE CORNET : Vous savez que Lacan était très JACQUES BAUDOUIN : L’association n’est donc
fertile en formules heureuses. Une de ses formules pas une multinationale, mais enfin ce que je voulais
pour la direction de la cure est celle-ci : l’analyste, vous demander plutôt, c’était quant au
dans le transfert, jouit d’un pouvoir énorme et la fonctionnement de l’école, puisque apparemment le
seule condition à laquelle il peut être analyste, c’est fait d’être lacanien n’était pas un viatique, puisque
de ne pas en user ; ce qui décuple encore ce pouvoir Lacan a dissous son école, qu’est-ce que les
(d’avoir en pouvoir total, dont on n’use pas). Chaque propositions qu’il a formulées ensuite concernant
fois l’École Freudienne apportaient de neuf ?
JOSE CORNET : C’est ça. Toujours Lacan a JOSE CORNET : De toute évidence, ce qu’il a
soutenu deux choses. D’abord il a dit que, comme toujours promu, c’est quelque chose du travail. Il a
analyste, il avait toujours été seul, face à son acte, cherché à ce que justement tout exercice de pouvoir
dirons-nous. Mais par ailleurs, il a dit qu’il n’y avait ne vienne pas au premier plan mais à ce que ce soit
de chance à la psychanalyse que de ce qu’il était le travail qui décide de ce que quelqu’un avait sa
suivi par des gens qui travaillaient avec lui, de faire place ou pas dans une école. Concrètement, ça veut
école. Il n’y a de chance à l’analyse que de pouvoir dire que toute hiérarchie était mise par terre, toute.
faire école et de pouvoir asseoir analytiquement la Ça veut dire, puisqu’on parlait de garantie, que
transmission de l’analyse. Ce sont là deux choses Lacan avait dans l’idée, avec la procédure de la
qu’il a toujours tenues. passe, et à un moment avec des analystes qu’on
JACQUES BAUDOUIN : En fondant l’E.F.P., quels appelait A.E., c’étaient des gens qui viendraient
étaient les objectifs qu’il fixait à cette école ? témoigner, analystes, des points cruciaux de
Étaient-ils proches de ceux que Freud attribuait à la l’analyse, là où ils étaient à la tâche d’y être
Société Internationale de Psychanalyse, quand il la affrontés tout le temps et de pouvoir en parler, non
fondait vers 1910 ? pas du tout dans une position de maîtrise, mais
PIERRE MALENGREAU : Alors ça, ça pose justement de ce que là ils se trouvent manquants,
vraiment toute la question : on pourrait la formuler bras ballants.
comme ceci est-ce qu’une école a pour fonction de PIERRE MALENGREAU : Vous parlez de l’École
garantir quelque chose ? et garantir quoi ? Je pense de la cause. Il est évident que nous avons choisi d’y
que là, on pourrait introduire la notion de garantie. travailler. Mais il faut quand même noter que ce que
Je pense qu’il faut être très précis sur cette question. Lacan a fait au moment de la dissolution ; c’est une
Au fond, une école garantit quoi ? qu’il y a de chose qui concerne tout psychanalyste, et pas
l’analyse, tout compte fait. seulement l’école qu’il a "adoptée", comme il dit.
JACQUES BAUDOUIN : Elle soutient l’existence D’ailleurs il l’a dit explicitement, il a dit en fait que
de la psychanalyse ? l’école qu’il mettait en place était ouverte à tous. La
PIERRE MALENGREAU : C’est ça. Alors, ce seule exclusion qui aurait pu jouer, c’était ceux qui
qu’on peut en tout cas éliminer, en peut dire en tout se dédisent, c’est-à-dire ceux qui, dans leurs propres
cas qu’une école n’a pas pour fonction de garantir termes, iraient à l’encontre de ce qu’ils font.
que des gens disent vrai sur la psychanalyse, bien JACQUES BAUDOUIN : Est-ce que les difficultés
entendu, ce n’est pas du tout de cet ordre-là qu’il finalement d’une école ou d’un groupe de
s’agit. Alors la question est de savoir : garantir psychanalystes ne sont pas liées au fait que le savoir
quoi ? On pourrait dire de manière très brève : psychanalytique lui-même est problématique et que
garantir que pour les analystes, ça se poursuive. ce savoir ne se transmet pas comme un savoir
Puisque quand même on sait bien que la tendance à scientifique, ne se transmet pas à l'Universita par
l’endormissement est générale et que les analystes exemple ou en tout cas entretient avec l’Université
n’y échappent pas. Donc une école garantit une lieu des rapports conflictuels ?
où ça se poursuit. D’abord. On peut y ajouter que

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JACQUES BAUDOUIN : Oui, C’est aussi que EINSTEIN d’ailleurs a eu une correspondance avec
l’universitaire, lui, se croit le seul à savoir, il se croit Freud –, il s’est rendu compte que ça n’allait pas
le seul maître de son savoir, du savoir qu’il enseigne. pour un scientifique, de simplement faire son job, de
PIERRE MALENGREAU : Qu’ils ne puissent pas faire de la science, et puis de voir ce à quoi cette
s’entendre ne veut pas dire qu’ils ne fassent pas science aboutissait. Côté gauche, je fais mon travail
ménage. Ça fait mauvais ménage, mais ménage de scientifique, côté droit, j’ai une idée éthique – il
quand même. On ne peut pas en faire l’économie. en avait comme Freud et comme Lacan –. On va
JOSE CORNET : Il y a quand même une chose réunir les gens intelligents. Ce serait quand même
qu’on peut alors peut-être souligner aussi, c’est que peut-être ces gens là qui seraient le mieux à même
c’est évidemment Lacan qui a repéré 4 types de de dire que faire de ce qu’on a mis là en jeu. Lacan
discours. Il a encouragé quiconque vraiment à faire dès le début, et cela il faut bien le dire, plus que
un travail pour savoir s’il y en aurait d’autres. Il ne Freud, e voulu que ces deux choses ne soient pas
le pense pas, mais vraiment il nous met à la tâche. séparées, que ce soit à l’intérieur même du travail de
Quand il dit que le discours analytique, il l’a inventé, l’analyste et de l’école qu’il formait, c’est-à-dire de
quand par exemple il s’adresse aux ondes, – nous la transmission du savoir qu’il produit, que soient à
sommes ici à la radio – et aux analystes qui étaient l’intérieur même respectées les règles mêmes d’une
fort nombreux à l’écouter, il parle vraiment pour le – appelez ça comme vous voulez – d’une nouvelle
monde, et au monde scientifique en tout premier. Il y éthique et d’un nouveau mode de rapport entre les
a vraiment dans l’éthique de son travail quelque humains. L’École de la Cause freudienne tient cette
chose où il pense que le discours analytique introduit gageure de tenter cela, on vient de dire : je ne pense
dans le monde quelque chose de nouveau, qui pas que c’est possible. Cela n’a jamais été une raison
pourrait régir autrement les rapports entre humains pour un analyste de travailler à y changer à cela.
que ce qui a toujours existé jusqu’à maintenant. PIERRE MALENGREAU : Alors, vous dites
Donc là, il introduit quelque chose de nouveau, et ce "parole singulière". Je dis oui, tout à fait, si vous ne
en même temps que, par ses quatre discours, il dites pas "particulière". Je veux dire qu’il ne s’agit
cadre, il analyse tout ce qui a fait lien social entre les pas d’une parole qui serait de telle personne, plus
gens jusqu’à maintenant. telle personne, plus telle personne. Singulière, ça
JACQUES BAUDOUIN : Est-ce que la veut dire que celui qui parle s’engage dans sa parole,
psychanalyse peut déboucher sur un autre lien social prend en compte que ce qu’il dit va beaucoup plus
entre les gens ? loin que ce qu’il ne pense. Ça, c’est "singulière".
PIERRE MALENGREAU : Ça, c’est le pari de JOSE CORNET : OUI. D’ailleurs, chaque fois que
Lacan ! Il faut dire deux choses. Le discours Lacan travaille les questions que vous nous reposez
analytique tel que Lacan en parle, d’abord, ça se à nouveau, toujours il parle des camps de
réduit à ce qui se passe entre un psychanalyste et un concentration, parce qu’il pense, et c’est comme ça,
analysant. Quand Lacan parle du discours que l’univers scientifique, ça mène à ça, ça y mène
psychanalytique, c’est d’abord ça. Ce n’est d’ailleurs nécessairement. On e parlé de multinationale, de
que ça ! Alors, si nous mettons ça en exergue, la supranationale, d’internationale : eh bien en effet,
question est la suivante : lorsque des psychanalystes par rapport à ça, votre question est bien posée. En
se mettent ensemble, ce discours va-t-il les réunir ou effet, c’est une parole singulière, ce qui ne voudrait
pas ? C’est un pari. S’il y a de telles difficultés entre pas dire qu’elle n’aurait aucun effet social. Elle
les écoles, peut-être est-ce parce que ce pari n’est pourrait avoir la fonction de remaniement de
pas tenable. Je veux dire que quand Lacan dit que ce rapports sociaux. Ici nous travaillons en petits
qu’il dit, ça concerne tout psychanalyste, on peut groupes, analystes, analysants, et puis… Dans
penser que si ces analystes se séparent là-dessus, l’Écolo de la Cause freudienne, nous veillons – et ça
c’est peut-être qu’il n’est pas possible de tenir ce a toujours été un souci de Lacan – à ce que les
lien social. Pourtant, c’est un pari que certains analystes ne soient pas en société fermée, close,
tentent de tenir. Je veux dire que ce n’est pas gagné initiatique, mais que celle-ci soit ouverte, que les
d’avance ! analystes disent devant qui veut l’entendre ce qu’ils
J. BAUDOUIN : Cette école, c’est plutôt un espace font, à quoi ils ont affaire, quelles sont les bombes
alors, un espace où pourrait advenir plutôt une atomiques psychiques qu’ils manient. C’est là une
parole singulière ? exigence de Lacan, que chacun dans l’E.C.F. nous
JOSE CORNET : Oui, mais plus que cela. C’est maintenons comme type de travail à produire.
difficile. Mais enfin, prenons l’œuvre d’EINSTEIN. JACQUES BAUDOUIN : Oui. Mais il y a dans le
Vous savez très bien que, à un moment donné, – public quand même un besoin de garantie, un besoin

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d’authentification. Comment éviter d’abord le quand même que les analystes se recrutent sur des
charlatanisme, si, à propos du discours analytique, le modes qui soient autres que des modes
charlatanisme est possible ? Il y a un besoin de professionnels. C’est-à-dire, trouver un mode de
contrôle de la formation, du titre, des pratiques, de la recrutement des analystes qui soit idoine à
théorie. Comment tous ces besoins, toutes ces l’expérience analytique elle-même, et pas sur des
exigences sont-elles rencontrées par l’E.C.F. ? critères qui en seraient extérieurs.
PIERRE MALENGREAU : La réponse la plus JACQUES BAUDOUIN : Qu’est-ce que Lacan a
simple, pour introduire la discussion, est celle-ci : nommé en désignant cette expérience assez
qu’est-ce qu’on attend d’un psychanalyste ? C’est particulière qu’il appelle la passe ?
qu’il y ait de l’analyse. Le minimum qu’on puisse JACQUES BAUDOUIN : Vous avez dit : "un
attendre d’une école, c’est qu’elle interroge ça, c’est- analyste ne s’autorise que de lui-même". Et c’est
à-dire qu’elle interroge des analystes sur ce qu’ils peut-être un des risques que Lacan a pris en allant
font. Ou'ilF, témoignent, qu’ils disent ! C’est le jusqu’au bout en disant cela. Mais à première vue ça
minimum. peut paraître contradictoire justement enfin ce
JOSE CORNET : Chaque analyste qui a voulu principe d’autodétermination de l’analyste avec
inscrire son travail dans un école sait bien comment l’institution elle-même.
ça fonctionne dans toute école, sauf celle que Lacan PIERRE MALENGREAU : Vous dites : "principe
voulait promouvoir. C’est-à-dire que c’est toujours à d’autodétermination" de l’analyste. Alors là, je ne
partir des titres de notoriété, d’honorabilité, de pense pas que c’est ça. L’analyste ne
respectabilité, des titres divers et souvent des titres s’autodétermine pas. Quelqu’un vient le trouver et
hors-analytiques, par exemple : il est médecin, il est lui demande de tenir une place ; alors là, c’est
scientifique, qu’ils disaient : ce type là, il doit être d’abord l’autre qui l’autodétermine, d’une certaine
bon analyste, après x temps. C’est toujours ce qui a manière, quand on dit Mais on pourrait dire aussi
fonctionné. Jamais personne n’a pu dire autre chose seul, mais pas tout seul. C’est-à-dire qu’il y a dans le
que cela sur ce qui était – on appelait ça une fait de poser un acte une ouverture qui, je dirais,
didactique – sur ce qui était quelqu’un qui a fait ses exige qu’il y en ait d’autres, quand je dis "qui exige
preuves. Lacan a voulu interroger ce qui se passe qu’il y en ait d’autres", je veux dire qu’il y ait
quand un analysant – puisque vous savez que pour quelque part dans son acte une inconnue qui lui
être analyste, il faut d’abord faire une analyse soi- viendrait de l’autre, une inconnue je veux dire
même – ce qui se passe quand un analysant a radicale, au sens où il n’en sait rien !
d’abord cette idée et puis décide d’être analyste. JOSE CORNET : Oui, cette formule à nouveau,
C’est pour cela qu’il a instauré la passe, pour que de qu’on a utilisée de toutes les façons, on peut
ce moment de transmission, on puisse dire ce qui se l’amortir en y mettant quelques mots
passe exactement, voire le transmettre. Pour moi on complémentaires. Ça veut dire par exemple qu’il est
aurait là des critères analytiques cette fois, sur ce impossible d’appliquer une analyse, qu’il est
que c’est être analyste. Tout le reste, je sais bien, j’ai impossible de la recevoir comme un savoir qu’on
bien entendu votre question, demande de la société appliquerait à un patient, et qui ferait qu’à la sortie
de garanties, etc…, c’est du beurre ! C’est de la se soit thérapeutique. C’est pas ça du tout une
blague ! Évidemment, si vous avez fait vos preuves analyse ! Ce que Lacan a trouvé assez tût, il faut
à gauche et à droite, au-dessus et en dessous, très bien le dire, c’est ce qu’il a épinglé "le désir de
bien, mais ça ne dit pas encore que vous êtes l’analyste". Comme toujours, il ne le baptise pas
analystes ; pour le dire, Lacan nous a préparé la voie comme ça, il épingle cela d’une lettre, il dit : c’est
d’un lieu et d’un type de fonctionnement pour un x dans une psychanalyse. Il a été jusqu’à dire que
interroger ça, et comme je viens de le dire, pour c’est cet x qui mène toute la menée d’une cure ; c’est
essayer de le mettre à disposition publique, pour bien le désir de l’analyste, qui est bien de l’analyste
qu’il soit transmissible. et de nulle part ailleurs. Il y a là comme une boîte
JACQUES BAUDOUIN : C’est-à-dire qu’un noire qui est comme une preuve de ce qu’un analyste
analyste n’est pas le simple relais d’un pouvoir a fait une analyse jusqu’au bout, et c’est ça qui est
institué par ailleurs ? opérant dans une cure. Alors ça permet peut-être
JOSE CORNET : J’espère bien ! d’éclairer la question du "il ne peut s’autoriser que
PIERRE MALENGREAU : Je voudrais ajouter ceci. de lui-même". C’est ça qui fait qu’avec quelqu’un
Un des soucis majeurs de Lacan, dans l’École venant le trouver, il va se faire une analyse. Tout ce
freudienne et donc dans ce qui se poursuit qu’on pourra dire d’autre va toucher à côté.
maintenant, ce que nous essayons de faire, c’est

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PIERRE MALENGREAU : Faisons un petit détour passe, et ils ne l’avaient pas fait. Et donc ils ont été
tout simple, par exemple par rapport à ce que serait nommés au départ ; il y a eu une assemblée qu’on
l’hystérie. Si on prend cette phrase "l’analyste ne appelait le jury nommé pour pouvoir transmettre ce
s’autorise que de lui-même" au sens où il s’autorise qu’ils avaient entendu des passeurs, qui eux-mêmes
de tout ce qu’il sait, il est évident que lorsqu’il est avaient entendus des passants. Donc, ces gens-là
confronté à cette question "qu’est-ce que c’est que n’avaient pas fait la passe, et ce qui s’est passe, c’est
l’hystérie ?", il va y répondre par un savoir. Mais si qu’ils se sont tus. C’est le seul point qu’on peut
on la prend au sens où l’analyste ne s’autorise que dire : ils se sont tus. La question qui se pose
de lui-même du 'fait de l’autre, alors à la question de maintenant est celle-ci… Bon, pour le dire plus
ce que c’est que l’hystérie, la seule réponse est : une facilement, vous savez que l’École de la Cause
hystérie, c’est où ça le conduit. freudienne que Lacan avait souhaitée et qui
JACQUES BAUDOUIN : Mais qu’est-ce qui fait maintenant existe, a aussitôt recréé un dispositif, une
qu’entre le moment où Lacan a formulé pour la procédure et un travail sur la passe. Duant au jury, il
première fois cette proposition sur la passe, et le est composé de deux cartels dont certains membres
moment de la dissolution de l’École freudienne, il a ont fait la passe. Mais le nerf de ce que je voulais
quand même constaté que cette passe fonctionnait dire est ceci] : que des analystes du jury se soient tus
mal ou était un échec. Ce mauvais fonctionnement sur la passe à l’École freudienne de Paris, on ne sait
de la passe a quand même été un des enjeux de la pas si c’est un fait de structure, ou si c’est un fait
dissolution. Pourquoi ? Est-ce au niveau de d’impuissance. On ne sait pas si cette transmission là
l’authentification de ce moment de la passe par est possible, ou si c’est un fait de structure qu’il n’y
l’institution ? ait rien possible de faire passez là. Ça c’est vraiment
PIERRE MALENGREAU : Une chose que l’on un des enjeux de l’expérience qui se poursuit, de
pourrait dire, c’est que dans la procédure de la passe, savoir si une transmission autre que celle "passeur-
il y a des gens qui s’appellent les passants et qui passant-jury" peut exister.
témoignent de ce qui leur arrive, il y en a d’autres PIERRE MALENGREAU : Dire qu’elle échoue
nommés passeurs et qui en rendent compte, et puis il d’en rendre compte, tout compte fait, c’est déjà ce
y a une troisième "instance" – le mot est délicat – dont fait l’expérience celui qui s’engage dans la
qui, à partir de ce qu’elle entend, va essayer de tenir passe, puisqu’au fond il renonce à défendre lui-
un discours audible, transmissible, comme on dit. Or même ce qui le concerne, puisqu’il en parle à un
une des choses dans l’échec de la passe, c’est que tiers qui va être le témoin pour un autre de ce qu’il a
ces gens là au fait ont eu l’impression de ne pas être entendu. Celui qui fait la passe renonce à soutenir en
à la hauteur de ce qu’ils entendaient ; alors cette personne son affaire. C’est comme si dans la
impression, c’est quoi ? En fait c’est qu’ils n’ont pas procédure que Lacan a mis en place pour interroger
pris en compte que de ne pas être à la hauteur, c’est comment se recrutent des analystes, c’est comme si
justement ce qui était au centre même de l’enjeu de dans la procédure elle-même se retrouvait ce qu’au
la passe. En d’autres termes, de ne pas pouvoir fond interroge un psychanalyste. A savoir, d’être
éventuellement rendre compte par un savoir de ce dépossédé de ce que l’on pense posséder.
qu’ils entendaient, peut-être était-ce là justement ce JACQUES BAUDOUIN : Mais est-ce que je me
qu’ils avaient à dire. Effectivement, dire ça, le trompe ? La passe n’est pas le tout de la garantie,
soutenir, ce n’est pas évident elle ne touche pas au savoir-faire du praticien ?
JOSE CORNET : Je suis d’un avis un peu divergent. PIERRE MALENGREAU : Absolument. Vous ne
C’est une question qui revient plusieurs fois dans vous trompez pas du tout. Je pense que la passe
l’entretien que nous avons avec vous ; je vais interroge autre chose que la garantie professionnelle
essayer de la dire, c’est pas simple ! Donc il y a eu d’un analyste : elle interroge la psychanalyse.
les passants, les passeurs, Lacan dans le jury était JACQUES BAUDOUIN : Mais alors, quelles sont
toujours bien là vivant, et ce jury constitué par des les conditions d’authentification du savoir-faire ?
gens à qui Lacan avait donné gage : il considérait Est-ce qu’il y a d’autres procédures qui existent et
que c’étaient des analystes, souvent des analystes qui sont formalisées dans l’E.C.F. ?
chevronnés, d’un certain âge. Qu’est-ce qui s’est JOSE CORNET : Aucune, hors le sérieux des gens
passé ? Il attendait d’eux… Il les a nommés AE, qui travaillent. Vous savez bien qu’il n’est pas
analyste de l’école, c’est-à-dire pour Lacan, analyste souhaitable pour un analyste d’être ignorant. On sait
qui témoigne des points vraiment cruciaux de la bien qu’il s’attelle à 36 disciplines, Freud en a fait
psychanalyse. Il les a donc nommés AE ; ça veut un catalogue, Lacan l’a élargi vraiment à la
dire qu’il les a nommés comme s’ils avaient fait la dimension d’un "presque tout savoir". Il aurait à tout

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savoir. Le sérieux d’une formation qu’il poursuivrait sens, que dans la analystes et pas pour l’extérieur
comme telle plus son témoignage de clinique du ment à l’idée reçue sur ce point).
travail qu’il opère avec des patients : hors cela, il n’y JACQUES BAUDOUIN : J’aurais voulu que vous
a rien. précisiez, Comment le faire, la description de la
PIERRE MALENGREAU : Aucune mais l’exigence passe les différences entre passeur et passant ?
qu’il dise ce qu’il fait et qu’il se laisse interroger sur PIEWE MALENGREAU : Dans une analyse,
ce qu’il fait. Là, manifestement, la sauvegarde par qu’est-ce qui se passe ? C’est qu’à un moment donné
un savoir n’a plus cours. Il s’agit là vraiment d’un dans la cure de quelqu’un, il y a un mouvement de
engagement dans, ce une exigence que Lacan a discours qui s’opère. C’est ce que Lacan a repéré
toujours mis en avant dans son école, que les comme le moment de la passe, moment où, quelque
psychanalystes disent ce qu’ils font. Manifestement part, le rapport que le psychanalysant a à son
la pente est plutôt de se retirer dans son coin et de ne psychanalyste se modifie radicalement.
pas dire ce qu’on fait. JACQUES BAUDOUIN : C’est un moment de
JACQUES BAUDOUIN : Mais est-ce que ça veut crise ?
dire qu’il y a deux champs ? Un champ qui est celui PIERRE MALENGREAU peut. D’ailleurs, oui, ça
de la clinique psychanalytique et un autre qui serait peut, et donc c’est un moment de crise. Appelons-le
celui de la production du psychanalyste ? comme ça.
PIERRE MALENGREAU : C’est le même. C’est le JACQUES BAUDOUIN : Ce rapport se modifie
même champ ça. Je veux dire que l’analyste, s’il dans quel sens ?
n’use pas de son pouvoir pour lui-même, il produit PIERRE MALENGREAU : Toute l’attente que
quelque chose. Au fond, lorsque Lacan a mis en l’analysant faisait porter par son analyste, on
avant sa topologie par exemple, la façon dont il pourrait dire qu’au fond il y a un moment donné où
travaille la théorie analytique, il ne fait rien d’autre il la fait porter par lui-même. Et cette attente, il se
que de mettre en avant ce qu’il fait dans sa pratique. rend compte que, même à la porter lui-même, ça lui
D’une certaine manière, théoriser la cure, en parler échappe. Il y a donc un moment de bascule dans la
comme Lacan nous invite à en parler, c’est en parler cure qui s’appelle le moment de la passe. Il se fait
tel que ça se passe dans une cure, ça nous engage de qu’un certain nombre de gens arrêtent leur analyse à
la même manière. cet endroit-là. C’est un moment de crise et ça a des
JOSE CORNET : On peut y répondre tas d’effets, des effets de production de symptômes
paradoxalement à votre question. Vous savez sans tout à fait inouïs, nouveaux, des effets de passages à
doute que dans des écoles un des premiers critères l’acte, des effets de fuite. Ça a aussi un certain type
de ce qu’un analyste le soit, c’est qu’il ne soit pas d’effets pour les gens que leur désir mène à vouloir
fou, pervers… on peut allonger la liste. Aujourd’hui aller plus loin. Par exemple, entre autres, pas
encore, vous pouvez lire des livres récents de seulement mais entre autres : devenir psychanalyste.
psychanalyse américaine où le premier devoir du JACQUES BAUDOUIN : qui serait alors le
didacticien, c’est de juger ça. C’est ce préjugé qui contraire de l’oubli ?
prévaut comme jugement de capacité d’un analyste. PIERRE MALENGREAU : Voilà ! On pourrait dire
Lacan a balayé tout ça : un analyste, c’est quelqu’un ça : prendre en compte le contraire de l’oubli : c’est
qui, ayant fait une analyse, étant passé par un certain ce qu’on appelle le moment de passe, ce que Lacan a
moment dans celle-ci et pouvant en témoigner, repéré comme le moment de passe. La passe, c’est
s’autorise de lui-même et puis est responsable de son l’attente qu’a eue Lacan que des psychanalystes qui
acte. Voilà l’écho de Lacan par rapport à votre ont choisi d’occuper cette place témoignent du
question. Maintenant Lacan n’était pas sans penser moment où dans leur propre analyse ils ont choisi de
aux questions que vous posez. C’est vrai qu’il y l’occuper, cette place, que s’est-il passé là pour
avait une catégorie qui demeure de "titres" (peut-être eux ? témoigner de ça c’est s’engager dans la passe.
faudrait-il mettre ce mot en question) ; quand un Quelqu’un qui choisit de témoigner de ça, on le
certain nombre d’analystes reconnaissent leur pair nomme ça un "passant". Participe présent du verbe
comme ayant fait ses preuves, il y a un titre qui est "passer" c’est-à-dire celui qui est dedans et qui dit :
décerné aussi dans l’E.C.F., et qui fonctionne "je vais en parler ailleurs. Alors la passe c’est
comme tel pour le moment, mais qui ne dit rien d’abord un passant qui :. est là où je viens de vous
vraiment par rapport à tout ce dont nous venons de dire, qui va en parler à un autre qui s’appelle le
parler maintenant, qui est ce que c’est que d’être passeur. Le passeur c’est quoi ? c’est un problème
analyste. C’est seulement un acte de reconnaissance difficile, le passeur est quelqu’un qui dans sa cure en
entre pairs :…, Ce serait un titre qui valoir, à mon est au même moment et que son analyste pense

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pouvoir désigner comme tel, c’est-à-dire pense évidemment ce désir et l’a mis en œuvre
pouvoir donner son nom à un jury qui prendra son immédiatement pour que quelque chose en continue
nom en compte. Le passeur n’est pas au courant d’exister. Maintenant je voudrais revenir un instant
qu’il est nommé : pour Lacan c’est quelque chose de sur ce qu’on vient de dire. Chaque analyste sait que
tout à fait important qu’il ne le sache pas. dans une cure, un instant d’ouverture (pour dire vite)
JACQUES BAUDOUIN : Le passeur et le passant de l’inconscient, ça n’a de cesse qu’aussitôt ça se
sont donc égaux ? referme. Lacan, par rapport à ce qu’il en est de
PIERRE MALENGREAU : Ils sont tout à fait égaux l’existence, non pas de l’inconscient, mais de la
quant au moment où ça se passe pour eux. Le psychanalyse comme telle, n’était pas sûr du tout
passeur est donc celui qui est amené à entendre un que ça durerait encore très très longtemps. On peut
passant. Comment cela se passe-t-il concrètement ? même penser que, sans Lacan, il n’y aurait plus de
Le passant dit : j’ai envie de témoigner de ce qui psychanalyse du tout, pour le moment. Donc
m’arrive à moi, dites-moi à qui il faut que je parle, à vraiment, quand Lacan a voulu soutenir quelque
qui puis-je parler, On lui offre de tirer au sort deux chose d’un processus nouveau comme la passe c’est
noms, c’est un tirage au sort, il ne choisit pas, ces pour que la psychanalyse continue à exister. Il a
deux noms sont les témoins, ces témoins sont les parlé de ça de toutes les manières. Par exemple,
passeurs ; puis il va les trouver et leur parle. Les celle-ci : il s’est dit, – Lacan avait près de 50 ans de
passeurs, lorsque les deux estiment que ça suffit, pratique, il s’est mis à écrire après 40 ans, il en avait
sont appelés alors à témoigner, eux, de ce qu’ils ont entendu –, et il s’est dit :"ils disent toujours la même
entendu devant un jury. Et ce jury, de ce qu’il a chose". Pas une seule fois, on entend un analysant
entendu, va essayer de témoigner à son tour. Donc il qui viendrait pour une fois, un nouveau pervers,
y a comme une dépossession, pour celui qui non… toujours : papa, maman, tout ce que Freud a
s’engage dans la passe, une dépossession de ce qui trouvé de l’Œdipe, etc, à tous les coups, ça se
lui arrive, et en même temps quelque chose qui retrouve. Et il s’est mis à penser :"Mais pourquoi n’y
l’implique tout à fait, du fait même d’être dépossédé a-t-il jamais un signifiant nouveau ?" Quand il a
de ce qui lui arrive. instauré la passe, on peut quand même dire, – même
JACQUES BAUDOUIN : ça pose aussi la question s’il ne l’a pas dit lui-même comme ça – qu’il pensait
du jury, de sa constitution. Ce jury, de quoi est-il qu’il y aurait une clinique nouvelle, qui serait tout
composé ? Est-il composé d’analystes confirmés de simplement non plus les psychoses, les névroses, les
l’école ? perversions, mais qu’il y aurait aussi une clinique
JACQUES BAUDOUIN : Et dans un deuxième nouvelle qui serait le produit de cette chose d’une
temps ? analyse, les analystes. C’est comme des psychoses,
JEAN-PAUL GILSON : Dans un deuxième temps, il c’est comme des n… Enfin, il y aurait quelque chose
a été amené en effet à regretter qu’ils se soient tus, là de nouveau. Donc il a voulu, à mon avis, soutenir
qu’ils n’aient rien pu en faire. Ça ne veut pas dire ça. Et je trouvais votre formule heureuse quand vous
qu’ils n’étaient pas à la hauteur. Ils n’ont rien pu en parliez de "la passe contraire à l’oubli". Il y a ça et
*faire. Est-ce un effet de structure ? Est-ce un effet en même temps la promotion de ce qu’il y a quelque
d’impossibilité ? Est-ce dû au fait qu’eux-mêmes ne chose à tenir de l’analyse : que ça demeure.
s’y étaient pas prêtés, à cette expérience ? L’avenir Maintenant j’en viens à votre question précise.
va peut-être nous éclairer sur les raisons de ce Avons-nous l’espoir, dans la façon dont s’est
silence. structurée l’E.C.F., que ce jury tienne davantage les
JACQUES BAUDOUIN : Comment alors est promesses que Lacan espérait ? Lacan a souhaité
composé le jury dans les réflexions que l’École de la pour ce nouveau jury, que chaque membre décide
Cause freudienne a faites à partir de cet échec du par vote de qui il considérait pouvoir entendre,
premier jury ? Est-il composé de la même manière ? parmi des personnes qui sont venues, pour la
Est-ce que ce sont toujours des analystes confirmés plupart, présenter une expérience soit de passeurs,
ou ce sont des analystes qui ont fait cette expérience soit de passants, soit d’un travail théorique sur la
de la passe ? Ça n’a pas encore été défini ? passe. C’est quelque chose qui est toujours en cours
JOSE CORNET : C’est en passe de l’être. Je et qui peut valoir son pesant d’espoir que quelque
voudrais réinsister à partir de ce qu’on vient de dire : chose réussisse là où échoue autrement que
la passe, c’est et ça demeure le désir de Lacan, ça, l’expérience précédente. Processus en cours, le
nous l’avons toujours sur les bras. Il l’a voulue et il a prochain congrès est en janvier 83.
voulu que ça continue quand il savait très bien qu’il JACQUES BAUDOUIN : Je voudrais vous poser
n’était déjà presque plus là. L’E.C.F. a repris une question un peu béotienne : de ce qui vient

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d’être dit, est-ce qu’on peut souhaiter que le destin analyste, mais il passe par ce moment où, en effet,
de tout analysant soit de devenir analyste ? Est-ce d’où qu’il vienne, il pourrait l’être…
que le fait de ne pas le devenir ou de ne pas vivre en JACQUES BAUDOUIN : Il devienne analyste ?
tout cas ce moment signifie q'il y ait eu justement cet JOSE CORNET : Il pourrait le devenir, oui. Enfin, il
oubli dont je parlais tout à l’heure ? (…) Est-ce que se pose cette question-là, oui.
le destin de tout analysant est de devenir analyste ? JACQUES BAUDOUIN Donc, les psychanalystes
Est-ce que cela veut dire que s’il ne le devient pas, seraient les seuls que la psychanalyse ne lâcherait
c’est qu’il a mal vécu ce moment, – à supposer que plus, pour reprendre l’expression de ROUSTANG ?
son analyse ait été bien conduite, bien menée, – et PIERRE MALENGREAU : Non. Parce qu’il y a des
que simplement il s’est plongé dans l’oubli… de ce gens qui ont fait une analyse et qui, curieusement,
qu’il a vécu à ce moment-là… ont fait un chemin tel que la psychanalyse, ça ne les
PIERRE MALENGREAU : Tout à fait d’accord sur intéresse plus, et puis on constate et on apprend
le mot "oubli" et tout à fait d’accord avec ce que comme ça, par des voies tout à fait détournées, que,
vous dites, si je le précise autrement : à savoir qu’un curieusement, des gens viennent leur parler, mais
analysant arrête son analyse lorsqu’il l’arrête, c’est- plus au nom de la psychanalyse.
à-dire lorsqu’il pose l’acte de l’arrêter. Que donc il JACQUES BAUDOUIN : C’est-à-dire ? Leur parler
n’y a aucune gloire à produire en fin d’analyse un de quoi ?
symptôme, qu’il s’appelle psychanalyse ou qu’il PIERRE MALENGREAU : Ils savent que là, ils
s’appelle n’importe quoi d’autre. seront entendus. Enfin, ils s’imaginent, ils pensent
JACQUES BAUDOUIN : C’est quand même une que là ils seront entendus. Et curieusèment, ces gens
vision très différente de la fin de la didactique dans s’y prêtent, mais ils ne s’appellent pas
les associations traditionnelles de psychanalyse. psychanalystes. C’est un destin de l’analysant qui est
JOSE CORNET : Vous savez Freud, il considérait tout à fait… honorable.
qu’un psychanalyste devait passer par une analyse JACQUES BAUDOUIN : Le point d’orgue…]
pour qu’il fasse l’expérience de ce que l’inconscient, 19-12-82
ça existe. Processus suffisant pour lui donc : six JACQUES BAUDOUIN : Question ouverte, donc,
mois d’analyse, un analyste. C’était chez Freud. que celle de la passe, dont nous parlait José Cornet,
Freud a travaillé toute sa vie et vous connaissez son Jean-paul Gilson et Pierre Malengreau
œuvre ; il en est venu, quand il a parlé des fins NDLR Les crochets […] désignent les parties de
d’analyse, des analyses interminables, d’une analyse l’interview non diffusées lors de l’émission à la
qui ne se terminerait pas, à dire qu’il y avait deux RTBF. Les ajoutes en italiques, les interventions
rocs, sur lesquels n’importe qui faisant une analyse après-coup du journaliste de la RTBF.
venait buter : ça s’appelait l’envie de pénis chez la
femme et la castration chez l’homme. Lacan ne s’est
pas arrêté à ce point d’impasse : c’est à ce point
précis qu’il a instauré la passe, pensant qu’il y avait
là quelque chose tout à fait – est-ce que je vais dire
"transgressable" ? traversable en tout cas –, il y avait
là quelque chose où il n’y avait pas lieu de s’arrêter,
mais de continuer. On peut dire simplement que la
passe rend possibles, effectifs, un lieu, un espace et
un temps, où on va parler de :"après ça" ? D’avoir
traversé ça, qu’est-ce que c’est ? Donc, c’est déjà
une première réponse. Il y en a une autre : Lacan,
tout comme Freud, mais surtout Lacan, e toujours
trouvé que c’était plutôt un ratage de plus qu’un
analysant devienne analyste : que c’était pas du tout
ce qu’on pouvait espérer de mieux d’une analyse.
On aurait plutôt pensé que quelqu’un qui aurait fait
une analyse pourrait aller remuer les choses un peu
différemment dans tous les lieux de la vie où ça se
passe, où il se passe des choses. Là, il n’y a en tout
cas aucune poussée de la part de Lacan, ni je
suppose des analystes, à ce que quelqu’un devienne

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Présentation
Jean-Pierre Dupont
(Bruxelles, le 24 avril 1982)
J’ai tenu à vous dire quelques mots d’ouverture à
cette séance consacrée à ce que Jacques-Alain
Miller va nous apporter sur le thème de paranoïa et
schizophrénie, car je dois dire que c’est avec une
certaine impatience que j’attendais son intervention.
Impatience, car, contrairement à la paranoïa, la
schizophrénie n’a pas été et n’est toujours pas un
champ où les analystes lacaniens se sont bousculés.
Pour les autres, ce champ est une plate-bande des
plus propices aux ébats et aux débats. Et, à ce sujet,
il y a un point d’histoire à relever quand même, c’est
que la schizophrénie a systématiquement, on peut
dire, servi de tremplin aux déviations freudiennes. Si
l’on pense à Jung, Tausk, Bleuler et autres
Binswanger. Et jusqu’à la résurgence de ce cheval
de bataille dans le fameux "Anti-Œdipe" que tout le
monde connaît. Un autre point d’histoire est que ce
terme s’est imposé dans le vocabulaire analytique,
et c’est encore celui qu’on utilise couramment,
malgré Freud qui lui préférait le terme de
paraphrénie. Et, d’autre part, si Freud a consacré
quelques chapitres de son œuvre à ce concept, dans
l’enseignement de Lacan, ça se réduit, on peut bien
le dire, à quelques lignes. Et pourtant, j’ai eu la
surprise de lire dans QUARTO ce que Lacan a en
somme articulé de plus consistant sur ce sujet quand
il reprend la critique de Deleuze, je cite :"… Les
plus récentes sorties de la thématique du corps sans
organes, c’est une façon d’éclairer certaines choses
qui s’appelle la schizophrénie. Cela veut dire que là
le langage ne réussit pas à mordre, à savoir que,
tout de même, le corps n’est pas tellement sans
organes ; il y a au moins un qui est le langage parce
que s’il y a quelque chose dans quoi baigne le
schizophrène, c’est devant ce maniement affolé du
langage, simplement il n’arrive pas à le faire
mordre sur un corps". Citation qui m’amène à céder
la parole à Jacques-Alain Miller et lui céder la
parole sur cette question : est-ce que cette
impossibilité pour le schizophrène de différencier le
fond et la forme comme s’exprime Lacan par
ailleurs dans un autre texte, ne pourrait pas
s’expliquer par le fait que l’échec dont témoigne ce
sujet doive se cerner au niveau même, je dirais, de
l’émergence du trait unaire et, pour la forclusion, ce
qui tomberait sous le coup de la forclusion du Nom
du Père, l’effet imaginaire du Nom du Père ?

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Schizophrénie et paranoïa
Jacques-Alain Miller
Eh bien, je vous remercie de nous avoir lu cette psychoses qu’on a, dans les années récentes, – il
citation de Lacan, que je n’avais pas relevée sur le parle des années '50 mais ça ne s’est pas tellement
sujet d’ailleurs, et je vous comprends tout à fait démenti depuis – on a à propos de l’analyse favorisé
quand vous dites que vous aviez envie de la question des schizophrénies au détriment de la
m’entendre sur le sujet. Parce que moi aussi j’avais question de la paranoïa. Et il remarque, il renvoie
envie d’entendre quelqu’un sur le sujet de "Paranoïa aux considérations de Freud – que nous verrons par
et schizophrénie", quelqu’un qui ne serait pas moi. la suite – aux considérations de Freud dans son
Parce que je dois avouer que dans la liste des Schreber comme quoi il importe dans le domaine
intitulés de l’enseignement de clinique des psychoses de pratiquer un partage ; partage entre
psychanalytique cette année à Bruxelles, liste que je paranoïa et schizophrénie. Et Freud propose une
connais pour avoir contribué à l’établir, je dois dire modification de cette terminologie qui n’est fixée
que c’est l’intitulé qui me paraissait le plus qu’à partir de cette date ; il propose d’appeler la
embarrassant. Et si j’ai insisté pour qu’il soit schizophrénie paraphrénie ; en détournant d’ailleurs
introduit dans cette liste c’était pour avoir l’avantage le sens reçu du terme dans la clinique traditionnelle.
d’entendre voire de critiquer quelqu’un d’autre. Et il Alors, je vous renvoie donc puisque je considère
a fallu l’esprit malin de notre ami Di Ciaccia pour toujours malgré l’agrément de la salle et une certaine
me refiler le bébé, si je puis dire. Alors, je ne me solennité des entours que nous sommes dans un
suis pas dérobé bien que je suis à peine plus avancé groupe de travail, je vous renvoie précisément donc
qu’au moment où c’est mon embarras qui m’a fait aux 3-4 premières pages du Séminaire III qui est
proposer ce sujet. Je suis à peine plus avancé et je ne pour moi LA position du problème. Je dirais que
pourrai faire plus aujourd’hui que de vous donner nous avons déjà un début d’explication à ce fait qui
quelques repères avec lesquels j’espère pouvoir frappe tout lecteur de Lacan : la parcimonie de ses
m’orienter dans la question. En effet, comme ça a explications sur la schizophrénie. C’est que pour
été très bien dit dans l’introduction, il faut avouer Lacan, au fond comme pour Freud, ce terme est mis
que les indications de Lacan sur le sujet de la en question. Le terme même de schizophrénie enfin,
schizophrénie sont extrêmement parcimonieuses. Et, au fond, ne fait pas à proprement parler partie du
de plus, enfin, je suis loin d’avoir même fait le vocabulaire clinique de Lacan et des lacaniens. Et
relevé de ces phrases éparses à travers les séminaires c’est même ce qui sans doute impose de donner
ou les conférences, où tout de même le mot figure. toute sa valeur à la mention je crois unique du terme
Alors, je vous demande donc de prendre ça comme de schizophrénie dans l’écrit de Lacan qui s’appelle
je le prends moi-même, comme quelques repères "L’étourdit", où Lacan dit en passant :"le dit-
préliminaires qu’après tout nous pourrions peut-être schizophrène", celui qu’on appelle le schizophrène,
trouver l’an prochain le temps de développer, si nous le dit-schizophrène. Évidemment, c’est une façon de
choisissons comme sujet de l’année ce qui s’est fait parler qui est tout à fait commune à Lacan, dans ses
comme essais de traitement des psychoses. C’est en séminaires, que de faire précéder les termes reçus
tout cas ce qu’à Paris nous envisageons d’étudier en d’un "le dit","le soi-disant" et qui sont justement si
concertation avec nos amis de Bruxelles. Vous savez vous voulez ces guillemets que Lacan nous apprend
que Lacan a écrit un texte qui s’intitule "Question à mettre sur les catégories reçues, sur le catégories
préliminaire à tout traitement possible de la communes. Mais je crois par contre que cette fois, il
psychose", nous pourrions essayer de faire un relevé n’est pas prodigue de cette expression qui suspend la
des traitements essayés qui, à l’occasion, s’avèrent validité du terme qu’on emploie, il n’est pas du tout
être des traitements impossibles. Bon. Ça nous prodigue de cette expression dans ses Écrits. Autant
donnerait donc l’occasion de reprendre le sujet elle lui était familière dans l’expression orale, autant
embarrassant que je vais évoquer. il en est très économe dans l’expression écrite. Et
Alors, premier point, je dirais quel est pour moi le donc, je crois que nous pourrions, sur ce premier
point de départ de ce sujet, paranoïa et point, garder, – puisque nous avons peu de mentions
schizophrénie. C’est une intervention très précise de de Lacan, épinglons soigneusement la moindre de
Lacan que vous trouverez vraiment au tout début de ses indications – nous pourrions garder sur ce
son séminaire sur les psychoses. C’est par cette premier point simplement cette expression : le dit-
remarque qu’il ouvre l’année de son séminaire des

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schizophrène. Ce qui d’emblée suspend évidemment contraire un groupe beaucoup plus étendu et qui
cette catégorie. même inclut les paranoïas considérées comme
Alors, le second point, c’est – je suis bien obligé de insuffisamment systématisées ; parce que les critères
passer par là – c’est l’histoire de cette opposition, de Kraepelin pour la paranoïa sont très stricts alors
l’histoire dans la nosographie de cette opposition. que la démence précoce est un groupe plus vaste qui
Ceux qui parmi vous ont suivi des cours – j’imagine va jusqu’à inclure les paranoïas mal systématisées
qu’il y en e – de l’histoire de la psychiatrie, doivent comme précisément, et ça nous intéresse au premier
déjà âtre au fait de la complexité de cette histoire chef, comme la démence paranoïde qui est
terminologique. Mais enfin il m’a paru tout de même précisément le diagnostic de Schreber. Schreber,
indispensable de faire les rappels qui conviennent quand son texte a été connu, a été épinglé comme
justement pour mettre un petit peu de souplesse dans démence paranoïde au sens de Kraepelin ; et ce
notre terminologie clinique, nous rendre compte terme même figure dans le titre que Freud donne à
qu’elle est effectivement le résultat d’une son écrit sur Schreber. Alors, j’ai fait l’effort
élaboration historique, et ne pas croire que par ces d’apporter pas mal de livres ici à tout hasard puisque
catégories nous désignons les choses mêmes. Alors, c’est un groupe de travail. Je n’ai pas apporté l’écrit
le partage, dont Lacan parle au début de son de Kraepelin sur la dementia praecox ; d’autant que
séminaire, entre paranoïa et schizophrénie, ce pour que ce soit vraiment intéressant, il faudrait
partage est un héritage de la clinique psychiatrique, apporter toutes les éditions du manuel de Kraepelin,
et précisément u n héritage de Kraepelin. Vous savez ce qui est quand même dépasser mes forces et
– c’est une remarque de Lacan – que la clinique d’ailleurs mes possessions à cet égard ; je ne possède
analytique est loin d’avoir pris son indépendance par qu’une partie d’une édition.
rapport à la clinique psychiatrique. La clinique Alors, le terme de paranoïa – je ne vais pas faire un
analytique est encore imprégnée de la clinique cours d’histoire de la psychiatrie, j’en serais
psychiatrique ; elle est formée au cœur de cette d’ailleurs fort incapable dans l’ensemble et je peux
clinique psychiatrique. Et si nous avons – je l’ai déjà vous renvoyer aussi bien au livre de Paul Bercherie
dit je crois – si nous avons appelé section clinique le que vous connaissez qu’à la note fort bien faite par
lieu de confrontation entre clinique psychiatrique et Jacques Postel dans l’Encyclopedia IJniversalis qui,
clinique psychanalytique, ce n’est évidemment pas sous une forme très ramassée, vous donne un
du tout dans l’idée de les confondre, c’est au historique très convaincant. Le terme de paranoïa.
contraire dans l’idée de travailler à sectionner les Là, vous allez voir la dissymétrie éclater avec
adhérences qui retiennent la clinique analytique dans schizophrénie. Le terme de paranoïa, Lacan en
la clinique psychiatrique. Et il faut bien dire que là évoque la naissance au début du XIXème siècle ; le
nous en avons un exemple tout à fait précis puisque terme de paranoïa est précisément de Griesinger et
nous sommes – quand nous utilisons ces termes de date de 1845. C’est un terme qui a été ensuite repris
paranoïa et de schizophrénie – nous sommes dans le – et c’est là qu’il acquit son crédit qui fait
sillon, dans le sillage, dans la veine de la clinique qu’aujourd’hui enfin peu ou prou nous savons ce
psychiatrique telle qu’elle s’est, il faut le dire, dans qu’est la paranoïa, que nous ne tombons pas des
son classicisme enfin fixée à la fin du siècle dernier nues quand on nous en parle – il a été repris par
et au début de ce siècle. Alors, ce partage répartit Kalbaum en 1063. Alors, chez Griesinger, donc au
deux termes qui ne sont pas du tout symétriques. point où la paranoïa émerge comme terme et comme
Paranoïa et schizophrénie n’ont pas la même histoire catégorie, il s’agit d’une affection qu’il appelle
avant de venir se rencontrer dans cette partition. primitive, c’est-à-dire comme telle qui ne dépend
Paranoïa, chez Kraepelin, fait couple avec le concept pas de causes extérieures et qui ne dépend pas d’une
que vous retrouvez utilisé dans Freud et dans la maladie antérieure. Lorsque ce terme est repris par
correspondance de Freud plus encore, fait couple Kalbaum, il est situé dans un cadre de référence
avec la démence précoce. Si nous avions parlé non kantien où on distingue les affections qui touchent
pas aujourd’hui mais dans les années 1905-1900 par aux affects, les affections qui touchent à la volonté,
exemple, notre couple, ce serait paranoïa et démence et les affections qui touchent à l’entendement et au
précoce. La paranoïa a, chez Kraepelin, une place jugement. Et la paranoïa, dans cette tripartition, c’est
très circonscrite et Lacan, dans son premier chapitre précisément une affection qui touche à
de son séminaire, prend soin de rappeler la définition l’entendement et au jugement. Après Kalbaum, on a
relativement étroite que, enfin vous le trouverez effectivement commencé à multiplier les remarques
vous-mêmes dans le premier chapitre, que Kraepelin sur des formes secondaires de la paranoïa ; on y a
donne de la paranoïa. La démence précoce est au inclus sous le nom de paranoïa aiguë ce que dans la

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clinique française on repère comme une bouffée grande synthèse… Le concept donc apparaît en 1893
délirante. Et il a fallu au fond attendre Kraepelin comme un des chapitres de "Processus de
donc pour que de cette histoire il sorte une définition dégradation" et c’est seulement en '96, trois ans
très stricte et étroite de la paranoïa en quelque sorte après, qu’il se substitue même au terme de
primitive, hautement systématisée, et pour qu’on "Processus de dégradation psychique". Et on le
repousse vers la démence précoce la démence retrouve, trois ans plus tard encore, en 1899 ; la
paranoïde dont Schreber reste l’exemple majeur. Le sixième édition définit exactement comme une
terme par contre… alors d’où vient le terme de affection autonome qui implique un affaiblissement
schizophrénie ? Lui n’a pas une si longue histoire. intellectuel global, progressif, et irréversible. Ça,
Le terme de schizophrénie, notez-le, est strictement c’est la définition, disons la grande synthèse de
de Bleuler, et il date à cet égard de 1911, c’est-à-dire Kraepelin en 1899 de la démence précoce : c’est-à-
d’après la psychanalyse. Au fond avec paranoïa, dire 12 ans avant que Bleuler substitue à ce terme, et
nous avons un concept purement psychiatrique, un il faut dire à la conception même, pas au
concept d’avant la psychanalyse, enfin qui a suivi regroupement mais à la conception de la maladie, le
l’impact de la psychanalyse sur la clinique. Alors il terme de schizophrénie…"une affection autonome
faut voir que là nous avons souvent du mal à nous qui implique un affaiblissement intellectuel global,
repérer dans ces répartitions puisque la clinique progressif, et irréversible chez des jeunes ou adultes
française, elle, a toujours eu sa spécificité, elle ne jeunes". Ça, disons, c’est une définition vaut la peine
s’est pas rendue à la grande synthèse et que dans la de mettre en parallèle de la définition de la paranoïa
clinique française on a distingué toujours de la par Kraepelin que vous trouvez au début du
démence précoce les délires chroniques ; c’est-à-dire séminaire de Lacan. Et, dans cette synthèse de '99,
qu’on a pris comme une entité les délires chroniques on trouve au chapitre "Démence précoce" trois
et on les a distingués selon leur structure paranoïde, catégories essentielles : l’hébéphrénie, la catatonie,
paraphrénique ou paranoïaque, ce qui évidemment et la démence paranoïde. Je n’ai pas consulté toutes
déplace un petit peu ces lignes. Alors, je vais pas ces éditions, et je me fie aux indications que j’ai
rentrer dans le détail de cette histoire puisque je suis trouvées dans tel volume sur Kraepelin qui note la
loin d’être un spécialiste et d’avoir lu tous les textes croissance extraordinaire du chapitre "Démence
auxquels je fais là référence. Simplement précoce" qui, dans la cinquième édition compte 31
évidemment, si nous avions à traiter le sujet, il pages ; qui fait plus que doubler dans la sixième, qui
faudrait recomposer cette cartographie au plus près. double encore, fait plus que doubler dans la
Alors la démence précoce, prenons ce versant, c’est septième ; et qui atteint dans la huitième édition 300
l’entité, un regroupement d’entités clinique que pages. Autrement dit, dans l’espace de 10-15 ans, ce
Bleuler va… un regroupement opéré par Kraepelin concept, enfin matériellement, décuple dans le traité
que Bleuler va baptiser schizophrénie. Et même son même de Kraepelin. Et Kraepelin met l’accent sur ce
ouvrage de 1911 qui est toujours un classique, pour qui ferait l’unité de la démence précoce : la perte de
le coup que j’ai ici au moins dans sa traduction l’unité intérieure et la destruction des connexions
anglaise et qui vaut la peine d’être lu, qui est écrit internes de la personnalité psychique, liais
dans un style très pur et avec une grande maîtrise évidemment, lorsqu’il arrive à la huitième édition, il
d’exposition, qui est incomparablement plus clair à a déjà subi l’influence de Bleuler et en partie il
cet égard que Kraepelin il faut le dire, au niveau de recopie Bleuler.
la lecture, l’ouvrage de Bleuler s’appelle "Démence Alors, comment se transforme maintenant le concept
précoce ou le groupe des schizophrénies" ; c’est de démence précoce ? En celui de schizophrénie. Au
donc effectivement un mot à la place d’un autre. fond, on peut dire que le concept de schizophrénie,
Alors prenons le concept de démence précoce. C’est dans la guerre conceptuelle, l’a emporté
un concept qui apparaît exactement à la quatrième complètement sur la démence précoce. Je veux dire
édition du traité de Kraepelin en 1893 et qui vient que le concept de schizophrénie est populaire et
lui-même à la place d’un chapitre qui, dans les celui de démence précoce e été clairement surclassé
éditions précédentes, s’appelait "Processus de par ce concept bleulerien. Or, le concept bleulerien
dégradation psychique" dans lequel Kraepelin de schizophrénie, dont l’invention s’inscrit entre la
rangeait premièrement la démence précoce, septième et la huitième édition de Kraepelin, il faut
deuxièmement la catatonie, et troisièmement les bien dire que c’est une production du discours
démences paranoïdes. Et, à partir de la quatrième analytique. Une production au sens d’un surgeon,
édition, démence précoce au fond devient le terme d’un rejet du discours analytique. Au fond, c’est le
qui englobe cela et qui apparaît donc comme une résultat d’une mise au travail des concepts

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analytiques sur le matériau kraepelinien, par les bons deuxième guerre mondiale que le concept s’est
soins de Bleuler. C’est une reformulation sous vraiment imposé. C’est vraiment à la suite du
influence de la psychanalyse. Cette histoire, disons, déversement des analystes de l’Europe centrale sur
s’est bouclée autour d’une année qui est tout à fait le monde et spécialement sur les Etats-Unis. Par
capitale dans l’histoire de la psychiatrie et de contre, ça vous le savez, ça n’a pas été adopté
l’histoire de la psychanalyse, qui est l’année 1911, comme ça en France. Et précisément, quelqu’un qui
qui voit à la fois sortir le livre de Bleuler sur la a été le patron de Lacan, Claude, conservait, lui, à la
schizophrénie, le livre de Jung sur la libido, et le fois l’idée de démence précoce et l’idée de
texte de Freud sur Schreber. On peut dire que c’est à schizophrénie. Alors qu’une des catégories devait
cette date que se fait le tournant qui aujourd’hui surclasser l’autre, vous avez une sorte de
encore nous occupe dans ce débat paranoïa et syncrétisme de Claude, qui conserve les deux ; qui
schizophrénie. Alors, cette schizophrénie conserve les schizophrénies sous le nom de groupe
bleulérienne est caractérisée, – je ne vais pas des schizoses. Et vous avez des articles du jeune
rappeler le concept puisque c’est celui que vous Lacan psychiatre qui sont encore évidemment situés
connaissez, c’est la base du concept que vous dans cette petite enclave française de Claude, d’où
connaissez – par la dissociation des fonctions, aussi Lacan s’est extrait ensuite grâce à la psychanalyse.
bien concernant l’intelligence, le comportement et Alors, aujourd’hui évidemment on pourrait
les affects. Et c’est ce qui vaut effectivement son reconstituer l’histoire de ce concept, les multiples
fondement au terme de schizophrénie, puisqu’elle acceptions où il a été pris. Je vous fais grâce de ça
implique une scission de l’esprit. Notons que parce que, bien que dans une approche encore une
d’emblée Bleuler en fait un syndrome puisqu’il parle fois des repères de la question paranoïa èt
du groupe des schizophrénies. Au fond un syndrome schizophrénie, il n’y a aucune raison que dans un
caractérisé par un déficit qui donne un processus de enseignement de clinique psychanalytique on ne
dissociation auquel Bleuler continue d’attribuer une suive pas ça au plus près. Mais enfin, je ne serais pas
origine organique, et Freud, dans son écrit de 1916 pour le faire le plus compétent et je voudrais avancer
sur l’histoire du mouvement analytique, ne plutôt dans ce qui concerne dans la schizophrénie la
manquera pas de le relever que Bleuler y attribue psychanalyse. Donc, si vous voulez, le point suivant,
toujours une origine organique, même si, disons, ce je voudrais au fond donner quelques repères et à moi
qui est à l’œuvre dans la schizophrénie, ce sont les aussi à propos de ce chaudron où s’est concocté le
mécanismes freudiens, ce que Bleuler appelle des concept de schizophrénie ; disons un point qu’on
mécanismes freudiens. Mais si vous voulez ce sont peut intituler : Freud, Jung et Bleuler.
des mécanismes qui ne touchent, si on veut, qu’à la Donc, la date essentielle de cette histoire, c’est 1911.
présentation de phénomènes, la causalité de la Pour la recomposer, nous disposons d’un texte
schizophrénie restant au sens de Bleuler d’origine essentiel qui est la correspondance de Freud et de
organique. Le résultat de cette reformulation, c’est Jung, et spécialement de son tome 1. Il est utilement
pas simplement un mot pour un autre. Évidemment, complété de l’étude de la correspondance de Freud
c’est tout de même d’avoir fait basculer la et Abraham, qui est moins ample sur le sujet, mais
schizophrénie dans le registre des maladies de la où évidemment Freud se permet de dire sur Bleuler
personnalité. Et il suffit pour s’en convaincre de voir des choses qu’il retient quand il s’adresse à Jung.
la présentation-même que Bleuler donne de ce Comme vous le savez, Jung était l’assistant de
concept ; il distingue dans son premier chapitre trois Bleuler à la clinique suisse du Burgolzi, où s’est
symptômes primaires, primordiaux de la élaboré effectivement, où Freud a trouvé, en dehors
schizophrénie : le trouble dans l’association des du milieu, il faut dire du milieu juif, il a trouvé ses
idées, l’autisme et ce qu’il appelle l’ambivalence " ; premiers adeptes, et il les a trouvés, comme vous le
c’est d’ailleurs le premier trait qui occupe le centre, savez, avec un enthousiasme tel qu’il a vu pendant
la plus grande partie de cette présentation, et, par là- un temps en Jung celui qui allait pouvoir présider
même, disons, la définition de la schizophrénie l’Association internationale de Psychanalyse. Et
trouve, si je puis dire, une définition intellectuelle : c’est quelques années après cette date de 1911 que
trouble de l’association des idées. Alors, cette s’est produite enfin cette scission qui dure encore
schizophrénie bleulérienne, si elle s’est imposée entre freudiens et jungiens, et sur laquelle Freud
dans la psychiatrie, c’est par le biais, en suivant le s’est expliqué en 1914. Tout ça, ce mouvement, ce
vecteur du discours analytique. Ce sont les analystes point tournant dans l’histoire de la psychanalyse est
qui ont répandu" schizophrénie "et je crois que ce tout à fait corrélé au sujet qui nous occupe
n’est pas un hasard si c’est finalement après la aujourd’hui. Alors, effectivement, à sa surprise,

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Freud rencontre, enfin s’aperçoit qu’il y a des fond que Bleuler, dans l’affaire de la schizophrénie,
psychiatres, des vrais psychiatres, qui ont une en définitive, – qu’il montre à partir donc d’indices
clinique, une clinique importante, et qui sont purement historiques pour l’instant – au fond, a été
respectés, qui accréditent enfin ses idées sur une avant-garde, si vous voulez, dans la… en fait
l’inconscient. C’est précisément d’abord un article dans la résistance de la psychiatrie à la
de Bleuler qui s’appelle "Mécanismes freudiens dans psychanalyse. Je veux dire, c’est une résistance par
la symptomatologie des psychoses", 1900-1907 intégration ; c’est une résistance qui a consisté à
comme date de parution. Et c’est plus encore le livre acclimater un certain nombre des idées de Freud,
de Jung qui s’appelle "Sur la psychogenèse de la tout en dressant autour d’elles, si je puis dire, un nô
démence précoce", qui date de 1907, et la passaran, enfin "ils ne passeront pas", qui,
correspondance de Freud et Jung commence à partir finalement, a effectivement, enfin historiquement,
de l’envoi de cet ouvrage. C’est donc vraiment à joué un certain rôle – si je puis encore m’exprimer
partir de cet ouvrage de Jung que se scelle enfin ce dans une langue étrangère – un certain rôle de
qui va être une alliance : l’entrée de Jung dans le containment, comme on dit, comme on disait dans
discours psychanalytique, et comme vous le savez sa les années '50 aux Etats-Unis. Alors, Freud, quand il
sortie qui sera ensuite fracassante. La première lettre répond à Jung, je, novais pas vous énumérer toutes
de Jung annonce à Freud l’envoi de ce travail qui ses réponses bien que c’est une correspondance
entend appliquer les idées freudiennes à la démence absolument passionnante lorsqu’on en a les repères
précoce qu’on commence déjà, dans l’entourage de principaux et que l’on voit ce qui est en jeu, Freud,
Bleuler, à appeler schizophrénie. Donc là, nous notons-le, encourage Jung à s’occuper des
avons, à défaut de références lacaniennes, une mine psychotiques mais en même temps fait valoir que ce
de références freudiennes sur le sujet de la démence qui reste essentiel pour lui c’est la différence entre
précoce ou schizophrénie. Voilà ce que dit la paranoïa et démence précoce. Voilà. Voilà ce que dit
première lettre que nous avons de Jung à Freud : Freud, c’est dans les années 1906 : "J’espère
"j’espère bientôt vous envoyer un petit livre dans apprendre beaucoup de choses dans cet écrit de vous
lequel je considère de votre point de vue la dementia annoncé depuis longtemps sur la dementia praecox –
praecox et sa psychologie. J’y publie également le c’est page 52 de l’édition française – ; je n’ai pas
premier cas où j’ai rendu Bleuler attentif à encore de position sûre quant à sa distinction d’avec
l’existence de vos principes, ce qui se heurtait la paranoïa ni quant à toutes les dénominations
encore à une vive résistance de sa part. Mais, comme récentes dans ce domaines – les dénominations
vous savez, Bleuler est à présent absolument récentes dans ce domaine, c’est la schizophrénie que
converti". Bon, ça, quand on sait la suite des choses Bleuler est en train de mettre au point – et je
évidemment, c’est savoureux puisque Freud ne confesse une certaine incrédulité à l’égard de la
cessera pas de savoir que ce n’est qu’avec communication de Bleuler selon laquelle les
d’énormes résistances que Bleuler va acclimater les mécanismes de refoulement sont démontrables de la
idées de Freud à sa pratique clinique et, même s’il dementia mais pas dans la paranoïa. Mon
est exact de dire comme Lacan le fait dans son expérience, certes, est plus mince dans ce domaine ;
séminaire que Freud n’a pas cessé de rendre j’essaierai donc là de vous croire". Alors, il nous
hommage à l’École de Zürich, celle de Bleuler, si manque malheureusement la lettre de Freud après
Freud a certainement reconnu, admiré, voire l’envoi du liure de Jung, mais il est sensible à partir
encouragé les travaux de l’École de Zurich et mis la de la réponse qu’y fait Jung que Freud a exprimé
théorie analytique en relation avec ce qui s’édifiait beaucoup de réserves :"… Je comprends
autour de Bleuler, i en est pourtant resté assez parfaitement que vous ne puissiez être rien moins
éloigné. Et je dois dire, je pense qu’à l’époque Lacan que satisfait de mon livre car j’y traite vos
n’avait pas connaissance de ce volume puisqu’il a recherches avec bien trop peu d’égards. 3e suis
été publié bien plus tard, et, au fond, c’est une parfaitement conscient de cela ; mon principe
appréciation assez exacte, mais si vous voulez suprême, au moment de la rédaction, était :" égards
travailler ce séminaire, évidemment aujourd’hui, il envers le public savant allemand ". Et, à cet égard,
faut le compléter de la lecture de cette au fond nous avons déjà là en germe ce qui sera la
correspondance. Alors, dans cette première lettre de grande scission Freud-Jung, c’est-à-dire le désir de
Jung, il y a également une référence intéressante au Jung d’avoir égards comme il dit au public savant,
nommé Aschaffenburg qui sera l’éditeur ensuite du au public en général, et qui contraste effectivement
texte de Bleuler sur la schizophrénie, qu’il présente avec le radicalisme de la position freudienne. La
comme un adversaire de Freud, et qui montre au réponse de Freud peut encore être citée :" Mon

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honoré collègue – c’est le début, c’est une lettre du Et nous avons au fond une déclaration tout à fait
1er janvier 1907 – Mon honoré collègue. essentielle de Freud dans cette correspondance qui
Abandonnez s’il vous plaît 'rapidement cette erreur me semble marquer au fond vraiment sa position
que votre écrit sur la dementia praecox ne m’a pas clinique et je dirais même par extension celle que
extrêmement plu. Le simple fait que j’ai émis des Lacan va adopter et qui explique en définitive qu’on
critiques peut vous le prouver – quand on lit ça de ne trouve pas, qu’on constate qu’on ne trouve pas de
près, on se rend compte déjà que les tensions sont référence à la schizophrénie dans l’enseignement de
présentes –…". Alors, au fond, Freud essaie de le Lacan. Freud dit, donc après le débat dont je vous
convaincre de ce qu’après tout, ce dont nous passe les méandres, cette phrase qui me paraît
sommes aussi persuadés – les grands messieurs de la essentielle : "… il s’agit d’expliquer la partie
psychiatrie, dit-il, ont bien peu d’importance. Et, paranoïaque de la démence". Eh bien, cette
effectivement, Jung restera partagé entre Freud et les déclaration évidemment déjà opère ce partage qui va
grands messieurs de la psychiatrie, jusqu’au moment continuer de différencier, je peux dire jusqu’à nos
oà, comme vous le savez, sur la question de la libido jours, par exemple l’approche de Lacan et celle de
sexuelle, il rendra les armes. Alors, la thèse de Jung ceux qu’on a rappelés là, Deleuze et Guattari. Il
s’exprime au mieux dans une lettre suivante. Au s’agit de savoir quelle est la partie en définitive qui
fond, alors que Freud semble vouloir dresser un est susceptible d’explication. Celle qui est
partage très rigoureux entre paranoïa et susceptible d’explication est celle qui est susceptible
schizophrénie, la thèse de Jung c’est qu’il y a des d’une approche si on peut dire empathique, mais qui,
fluctuations entre les deux :"… la paranoïa est en définitive, se révèle imaginaire. Au fond, on
construite exactement comme la dementia praecox, s’aperçoit ici qu’il n’y a peut-être pas
dit Jung, sauf que la fixation se borne à un petit d’impérialisme analytique dans la clinique, mais, au
nombre d’associations – donc la paranoïa apparaît contraire, qu’il s’agit de prélever sur le champ
comme une démence précoce restreinte – et que la complet des démences la partie susceptible
clarté des notions est en général, avec quelques d’explication qui est ce qu’il y a de paranoïa que
exceptions, conservée. Il y a cependant partout des dans la démence. Alors, ça c’est une question que je
transitions fluctuantes vers ce qu’on dénomme ne considère pas comme tranchée. Et d’ailleurs, il y
dementia praecox. Bon. Et, dans les cas, que je ne a des textes de Freud qui infléchissent – textes que je
vous énumère pas mais que vous pouvez étudier, que vous citerai – qui infléchissent cette déclaration.
Jung envoie à Freud, on s’aperçoit que la question Mais elle me paraît tout de même être l’orientation
du diagnostic, là effectivement, est fluctuante et que majeure de l’approche psychanalytique de la
Jung admet que ce qu’il présente comme une psychose. Alors il faudrait commenter là
démence précoce peut être une paranoïa, etc… C’est précisément la lettre de Freud sur la paranoïa, qui est
alors que se place la première rencontre – je connue, page 86 de cette édition – je passe –, et je
m’excuse de faire un peu d’histoire mais en tout cas vous mentionne, dans le même esprit que la citation
c’est le chemin que moi j’ai suivi aussi pour trouver précédente, une citation de 1908, qui figure page
sur cette affaire quelques repères. Et, à défaut de les 182, qui est la suivante : "j’écris paranoïa, dit Freud,
trouver directement dans Lacan, eh bien, il faut les et non dementia praecox car je tiens la première
trouver dans cette élaboration difficile qui passe pour un bon type clinique, la seconde pour un
entre Freud et Jung – rencontre avec Freud, et nous mauvais terme nosographique". Autrement dit, voilà
avons les lettres qui suivent cette rencontre, et, au une invitation directe à rompre le parallélisme que
fond, qui donnent d’emblée – on l’a à travers les nous établissons entre paranoïa et schizophrénie, qui
lettres de Jung – quelle est la leçon de Freud, qu’est- les dissymétrise complètement. Alors, pour ne pas
ce que Freud refile comme concept à Jung à cette alourdir cet exposé, je saute sur des choses qui sont
rencontre ? Ce serait l’auto-érotisme qui serait dans le détail passionnantes, pour vous donner
l’essence de la dementia praecox. Et il entend simplement ce petit synopsis que Freud dresse en
expliquer également à Bleuler (…) ce qu’il en est de 1908 pour Jung, page 262 ; il propose, pour unifier
la libido et ses déplacements dans la formation de la le problème, un concept essentiel : refoulement par
démence précoce et en même temps ce qui détachement de la libido. Pour expliquer paranoïa et
différencie démence précoce et paranoïa. Là, je schizophrénie. Ça, ça reste la position que vous
passe sur les lettres qui montrent déjà dès ces trouvez ensuite exprimée trois ans après dans son
premiers moments enfin comment le débat sur la texte sur Schreber. Premièrement, s’il y a réussite du
sexualité de la libido se précise. refoulement par détachement de la libido à l’égard
du monde extérieur, nous avons auto-érotisme. Et, à

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ce moment-là, il admet que l’on parle de démence cette histoire, vous pouvez lire le petit écrit très
précoce. Deuxièmement, s’il y a échec du amusant de Freud qui s’appelle "l’histoire du
refoulement de la libido, et s’il y a rétablissements mouvement psychanalytique" qui est paru en 1914,
donc des investissements libidinaux mais après et où Freud se hâte de livrer au public l’étude de ses
transformation de ceux-ci ; c’est-à-dire s’il y a conflits avec Adler et Jung. Et il parle d’ailleurs très
refoulement, détachement de la libido, précisément de ses rapports effectivement au départ
transformation de cette libido et reprojection de cette confiants et admiratifs, mais, finalement, de sa
libido, là c’est la situation de la paranoïa, avec scission avec l’École de Zürich. Encore une fois, je
conservation des relations, enfin conservation du vous dis, complétez ça de la lecture de quelques
sentiment de réalité. Et, troisième possibilité, échec lettres de la correspondance avec Abraham où vous
partiel du refoulement par détachement de la libido, voyez Freud d’emblée faire un portrait de Bleuler
tentative de compensation, combat avec issue dans rien moins que réjouissant, enfin considérant qu’il
un auto-érotisme partiel : forme intermédiaire, est tout entier monté sur des réactions caractérielles,
dementia praecox paranoïdes, c’est-à-dire le et qu’il y a vraiment peu de chances qu’ils fassent
diagnostic schreberien, le diagnostic de Schreber. beaucoup de chemin ensemble. Et Abraham avertit
C’est vraiment dans l’ensemble de ce volume, que d’emblée Freud de ne pas avoir confiance en Jung,
j’ai lu plusieurs fois et avec grande attention, je crois et, ensuite, comme vous le savez, Freud rend
que c’est vraiment la partie qui résume le mieux le hommage au Bleuler de 19061907 d’avoir montré
point où Freud en arrive dans les années 1908. que des cas purement psychiatriques peuvent être
Alors, par la suite, ce qui va l’absorber sur cette éclairés par la psychanalyse dans les rêves et dans
question, c’est l’étude du cas Schreber que, déjà, les névroses. Et c’est d’ailleurs ce que montre Jung
Jung cite dans son livre de 1907 sur la dementia dans son texte enfin, y compris par son test
praecox, et qui sera aussi une des références de d’associations – vous savez qu’il proposait au
Bleuler en 1911. Freud n’est pas le seul, il n’a marne patient un mot et qu’il attendait une association, et
pas été le premier à avoir puisé dans le texte de qu’il vérifiait des temps extrêmement courts
Schreber mais il va évidemment le faire avec un d’association, et qu’il arrivait par là à reconstituer
éclat tout à fait singulier et, quand il étudie le texte enfin une histoire psychique du patient. Ça vaut la
en 1910, il parle du merveilleux Schreber ; et, ce qui peine de suivre ce travail effectivement proprement
est intéressant, c’est que, tout en acceptant le expérimental, injection des concepts freudiens dans
diagnostic de démence paranoïde, au fond il qualifie le champ psychiatrique. Donc, il rend hommage à
essentiellement son travail de travail sur la paranoïa, Bleuler et Jung de ce fait, mais en même temps il
quand il parle de son travail sur Schreber, il dit "mon dit : au fond ce qui m’a toujours intéressé, c’est pas
travail sur la paranoïa". En définitive, il considère simplement l’interprétation des symptômes. Freud le
qu’il travaille essentiellement sur la partie dit en toutes lettres. C’est un point qui me semble
paranoïaque de la démence paranoïde. Et il se tout à fait capital puisque ce qui est en cause, pour
promet en publiant le texte sur Schreber, il l’écrit à Freud, précisément, c’est la causalité, c’est pas
Jung, "cb porter le coup le plus audacieux contre la simplement l’interprétation. Je dois dire que ça me
psychiatrie depuis votre volume de 1907, depuis paraît toujours essentiel pour ce qui est de la lecture
votre dementia praecox". Alors, c’est vraiment en même de Lacan aujourd’hui, un Lacan qu’on a trop
1911 qu’on voit au fond Jung ne pas pouvoir réduit à la métaphore et la métonymie comme
accepter enfin que la mise en cause, voire la rendant compte de la formation et de l’interprétation
suppression de la fonction de la réalité dans la des symptômes. Or, ce qui intéresse précisément
dementia praecox, ne pas pouvoir accepter que cette Freud, c’est pas simplement l’interprétation des
suppression du sentiment du réel tienne au symptômes, c’est le mécanisme psychique du
refoulement de la libido comme sexuelle. Et c’est trouble, entre guillemets "la causalité psychique", si
donc vraiment sur la question, disons, de la vous voulez, et, par dessus tout, l’adéquation de ce
schizophrénie, de la démence précoce ou de la mécanisme avec celui déjà découvert dans l’hystérie.
schizophrénie, que se fera ce partage essentiel sur la A cet égard, il note lui-même qu’il n’avait pas
nature de la libido qui restera une frontière, on peut encore différencié les deux mécanismes en jeu, ce
le dire, du discours psychanalytique à proprement qui sera, ce qui a été le travail de son Schreber en
parler. Alors, si vous voulez mettre ces textes – je 1911. Et ça se vérifie si vous voulez, rien que cette
me permets de vous inviter à lire, je crois pouvoir le notation de 1914 vérifie au fond la reprise par Lacan
faire puisque malgré l’aridité de certains, je les ai de ce second mécanisme différent dans les
lus, ceux-là – si vous voulez mettre en perspective psychoses par rapport à l’hystérie que Lacan a

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prélevé sur Freud dans d’autres textes, et qu’il a à fait précise de la paranoïa et de la schizophrénie.
appelé forclusion. Et qu’au fond, ce qui intéressait Premièrement, – enfin, on peut vraiment mettre
Freud, en 1906-1907, c’était ça. Et il note lui- paranoïa d’un côté, démence précoce –
même : "je n’avais pas encore à l’époque différencié schizophrénie paraphrénie de l’autre –, mécanisme
les deux mécanismes". Ce qui montre enfin à quel essentiel de la paranoïa, dit-il, la projection ; et, par
point Lacan, quand, au fond, il a reconstitué le contre, dans la démence précoce, présence
mécanisme dit de la forclusion comme spécifique essentiellement des hallucinations comme
des psychoses, est bien dans la ligne de ce que mécanisme hystérique, dit-il, c’est-à-dire
Freud, enfin du point que fait Freud en 1914. Bon. interprétables. Quand Freud, à cette époque, dit
Alors, c’est là qu’il note effectivement d’une façon "hystérique", ça veut vraiment dire "c’est
réprobatrice que Bleuler, tout en parlant de interprétable". Et il les différencie ensuite par
mécanismes freudiens dans les psychoses, continuait l’évolution terminale de l’une et de l’autre %la
à leur attribuer une origine organique et que Jung paranoïa se concluant par… volontiers par une
lui-même était prêt à soutenir l’origine toxique dos reconstruction du monde, et c’est ce que nous
psychoses. Ce qui l’a conduit ensuite, d’une part à trouvons dans Schreber ; tandis que dans la démence
désexualiser la libido et, enfin, à la survaloriser, ce précoce, au fond, le "refoulement" entre guillemets
qui est le travail de son livre sur la libido de 1911, s’étend sans limites. Et, à cet égard, il met en cause
dont vous trouvez en passant mais d’une façon très un point de régression différent de la libido dans
précise une critique dans le texte de Lacan "Question l’une et dans l’autre, et là, ce qu’il investit dans cette
préliminaire à tout traitement possible de la étude, c’est sa présentation des "Trois essais sur la
psychose". sexualité" dont vous savez que va sortir, sur les
Alors, nous avons, je pense, un texte fondamental de psychoses, tout le rameau Abraham – Mélanie Klein,
Freud, dont an s’aperçoit surtout qu’il est et la suite. C’est à partir des "Trois essais" plus de
fondamental, je pense, une fois qu’on a cette "Deuil et Mélancolie" que Karl Abraham va
cartographie, aride, je suis d’accord. C’est un texte concevoir effectivement, va mettre au premier plan
qui, au fond, énonce sa clinique de la paranoïa et de cette idée freudienne d’une fixation de la libido à
la schizophrénie dans son texte sur Schreber. Vous certains stades du développement qui permet une
le trouvez dans la troisième partie de son écrit sur clinique différentielle selon le point de fixation
Schreber, et je crois que chacun des termes enfin est, premier de cette libido. Alors, il dit : "… pour la
encore aujourd'hui, pour nous précieux et qui nous paranoïa, la fixation à quoi le patient revient par
permet de savoir dans quel sens réutiliser les régression c’est le stade du narcissisme, et, il faut
indications que je disais parcimonieuses de Lacan mettre en cause pour la démence précoce un stade
sur le sujet. "Le terme de schizophrénie, dit-il, créé antérieur à celui-là qui est celui de l’auto-érotisme, –
par Bleuler pour désigner le même ensemble et il ajoute –, infantile Vous savez que ça peut aller
d’entités morbides que la démence précoce de jusqu’au narcissisme primaire à cet égard, à
Kraepelin, prête à la même critique que cet l’invention de ce concept qui est un des rares
ensemble. Le terme de schizophrénie ne nous paraît concepts freudiens que Lacan rayera purement et
bon qu’aussi longtemps que nous oublions son sens simplement de sa conception. Bon. Autrement dit,
littéral. Mais il importe au fond assez peu que nous différenciation entre paranoïa et démence précoce
appelions d’une façon ou d’une autre les tableaux selon deux points de fixation de la libido, l’un
cliniques. Il me paraît plus essentiel de conserver la premier, le narcissisme, et le second antérieur,
paranoïa comme entité clinique indépendante, en l’auto-érotisme. Alors, voilà au fond, on pourrait
dépit du fait que son tableau clinique se complique si dire, ce qui résume le legs freudien sur la question ;
souvent de traits schizophréniques. Car, du point de c’est cette page, ces deux pages auxquelles je vous
vue de la théorie de la libido, on peut la séparer de la renvoie – je prends l’édition que j’ai, une des
démence précoce par une autre localisation de la éditions des Presses Universitaires, pages 319-320.
formation prédisposante et par un autre mécanisme Et, au fond, elle aboutit à un tableau différentiel tout
du retour du refoulé. J’expliquerai ça par la suite. Je à fait précis, mais, évidemment, qui a deux
crois que le nom le plus approprié à la démence conséquences du point de vue clinique et qui permet
précoce serait celui de paraphrénie, terme d’un sens de rendre compte de ces faits cliniques.
quelque peu indéterminé et qui exprime le rapport Premièrement, dit Freud, un malade peut
existant entre cette affection et la paranoïa dont la commencer par présenter des symptômes
désignation n’est plus à changer". Et, alors, il nous paranoïaques et cependant évoluer jusqu’à la
propose effectivement une clinique comparative tout démence précoce ; première possibilité : une

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évolution de la paranoïa à la schizophrénie. Presses Universitaires de France toujours :"La


Deuxième possibilité : les phénomènes paranoïaques psychologie du Moi et les Psychoses", on peut
et schizophréniques peuvent se combiner dans toutes d’abord cueillir quelques phrases – il était
les proportions possibles – donc, plus une évolution visiblement en contrôle, enfin informel, avec Freud,
mais une combinaison – de telle sorte qu’un tableau et on peut cueillir quelques phrases de Freud sur les
clinique tel que celui offert par Schreber en résulte, psychoses, qui sont toujours précieuses, et on a un
tableau clinique qui mérite le nom de démence aperçu de l’atmosphère de l’époque autour des
paranoïaque. Voilà ce qui me semble être – je prends psychoses, c’est-à-dire effectivement à partir des
vraiment au plus simple – là, notre point de départ thèses freudiennes du retrait des psychanalystes par
freudien. rapport à la psychose. Enfin, Federn était, si vous
Alors, évidemment, il faudrait maintenant faire voulez, le plus prompt à y aller, et ses écrits les plus
beaucoup plus que cela avant de mentionner Lacan ; importants en fait ont été faits pendant et après la
il faudrait d’abord consacrer du temps à l’étude guerre aux Etats-Unis. Au fond, son point essentiel
précise de la description par Bleuler de la de désaccord avec Freud, c’est qu’alors que, comme
schizophrénie dans ses rapports avec celle de vous le savez, Freud considérait que la libido refluait
Kraepelin. Je ne vais pas vous infliger cela ; je ne sur le Moi dans la paranoïa, au contraire, la thèse de
vais pas non plus vous infliger une lecture et une Federn, c’est que le Moi dans la schizophrénie et les
critique de l’ouvrage de Jung sur la libido, bien que, psychoses s’appauvrit de libido. C’est la thèse
enfin, c’est pas du temps perdu que de voir à quoi exactement inverse. Ce qui d’ailleurs donne
peut porter la psychanalyse si on oublie périodiquement lieu à des tentatives de
effectivement ce qui en borne le champ. Et je dirais raccommodage entre les deux thèses, et, par
que tout de même c’est disons effectivement exemple, si vous lisez le livre absolument imbécile
l’attention portée à la partie paranoïaque de la de Monsieur Racamier sur les schizophrènes, vous
démence qui, au fond, a laissé effectivement béant le voyez que lui aussi il s’amuse à essayer de raccorder
champ à toutes les élucubrations, comme cela a été la thèse de Federn à la thèse de Freud. Bon, je passe
très bien dit dans l’introduction, y compris à là-dessus. Mais je conseille la lecture de cet ouvrage,
l’élucubration de je dirais, parce que, au fond, voilà quelqu’un qui a
Deleuze et Guattari. Il faudrait aussi maintenant essayé de penser de façon précise, disons, le déficit,
suivre – je ne vais pas le faire – la filiation Abraham en termes de déficit la psychose, et précisément la
– Mélanie Klein. En effet, on voit à un point très schizophrénie ; en termes de déficit et en termes de
précis de la correspondance de Freud et Abraham, déficit du Moi. Au fond, on voit bien ce qui l’a
Abraham faire l’hypothèse de ce qu’il appelle la conduit dans cette voie ; c’est d’essayer de rendre
mélancolie originaire de tout sujet, et écrire à Freud : compte de ce qu’on appelle dissociation en termes
je viens d’avoir le bonheur qu’une jeune analyste, de déficit, et donc d’un déficit qui touche, qui peut
Madame Mélanie pas toucher autre chose, dans son esprit, que la
Klein, vient de vérifier l’existence de cette fonction de synthèse de la personnalité. Autrement
mélancolie originaire chez un enfant. Et c’est dit, vous avez là une logique enfin de toute réflexion
vraiment le point de départ de la carrière fulgurante possible, je dirais, sur la schizophrénie, même en
de Mélanie Klein, et d’un abord des psy choses qui a général sur les psychoses ; c’est que, en définitive,
vraiment toute son importance encore aujourd’hui, et on est conduit à parler d’une atteinte peu ou prou à
que je vais laisser de côté, et qui tourne donc autour une fonction de synthèse, voire à une armature, à
de deux textes essentiels de Freud : les "Trois essais" l’armature du sujet. Et, au fond, je dirais que – je
et "Deuil et Mélancolie". Alors, si je ne fais pas tout passe malheureusement sur les considérations de
ça, si non plus je n’étudie pas – ce qui vaudrait la Federn – ; elles sont précieuses parce que, au fond,
peine de faire, enfin – le texte de Federn. elles nous obligent à nous repérer dans Lacan à
Vous savez que Paul Federn, qu’on a beaucoup partir de ces concepts.
oublié aujourd’hui, a fait partie du cercle viennois de Alors, évidemment, nous pouvons mettre en
Freud et qu’il s’est spécialisé dans l’étude des exergue, enfin, de quelques repères à prendre chez
psychoses, et spécialement de la schizophrénie. Il en Lacan, cette formule, cette formulation que, au sens
a fait sa spécialité et, dans ses écrits qu’il a publiés de Lacan, nous ne pouvons pas étudier les psychoses
avec réticences parce que justement, sur un point et pas non plus la schizophrénie – et certainement
essentiel, il était en désaccord avec Freud, et que, à pas quand il s’agit de Schreber – sans y introduire la
cet égard, ça a inhibé évidemment sa production, fonction du sujet. Quelles que soient les
dans ce livre enfin qui a été traduit en français, aux considérations que nous pourrons faire par ailleurs

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sur la suppression du sujet, sa disparition, voire sa comme effet du signifiant mais spécialement du
mort – terme que Lacan emploie dans son écrit sur la signifiant qui manque. Alors, évidemment, quels
psychose, et dont le sens n’est pas évident, n’est pas repères nous avons à cet égard ? Nous avons le
univoque en tout cas – dès lors que nous repère de l’Œdipe comme structure signifiante
introduisons la fonction du sujet dans la minimale subissant, faisant preuve, démontrant en
considération des psychoses, que nous ne cas de psychose la forclusion d’un signifiant ; ça
considérons pas qu’il y a là de l’a-sujet, qu’il y e là c’est l’état où nous sommes dans le texte de Lacan,
de l’absence de sujet mais que nous maintenons et je suppose qu’il vous a été commenté plusieurs
ferme qu’il y e langage et qu’il y a sujet comme effet fois cette année, sur son écrit, sa question
de langage, ce que nous devons maintenir dans tous préliminaire. Maintenant, je dirais qu’il faut, si nous
les cas, peu importe que le sujet parle ou pas ; le voulons réactualiser cette thèse, quel est le terme qui
langage au sens de nécessairement se trouve mis en avant ? Eh bien, je
Lacan évidemment n’a rien à faire, enfin n’est pas dirais que le terme où se produit nécessairement le
conditionné par le fait que le sujet parle ou pas. Le déficit dans la conception de Lacan, évidemment ça
langage au sens de Lacan, il est dehors de toute n’est pas le Moi comme fonction interne de synthèse
façon. Ce langage, à cet égard – c’est la valeur de la – dont vous savez que du Moi il fait une fonction
citation qui a été rappelée – ce langage c’est un imaginaire. Mais ce qui apparaît au fond comme la
organe qui préexiste au sujet. Donc, la considération référence pour repérer et mettre en place la
de savoir si le sujet parle ou non est d’un tout autre schizophrénie, c’est spécialement, enfin, ce que
ordre. Bon, dès lors que nous introduisons la Lacan e appelé le discours. Le discours au sens des
fonction du sujet dans notre considération du champ Quatre Discours, c’est-à-dire quatre armatures
des psychoses y compris la schizophrénie, ça veut minimales du sujet, au fond qui sont nécessaires à
dire – c’est une équivalence – ça veut dire au sens de lui éviter d’abord ce que Lacan a appelé la débilité,
Lacan qu’on ne peut pas traiter la question en termes et qui est une catégorie clinique de Lacan – j’ai
de déficit ou de dissociation. C’est exactement ce essayé de le montrer dans un petit article sur sa
que dit Lacan ; qu’introduire le sujet, au fond, c’est présentation de malades ; puisque dans sa
s’interdire de traiter la question des psychoses et du présentation de malades, on m’a posé la question
schizophrène en termes de déficit et de dissociation. avant cette causerie de savoir si Lacan dans sa
Maintenant, évidemment, lorsqu’on est devant cette présentation de malades employait le terme de
déclaration et qu’en même temps on a ses Écrits, on schizophrénie, je peux dire jamais. Par contre, le
est bien forcé de se demander qu’est-ce qui dans son terme de débilité était tout à fait au premier plan de
étude des psychoses, voire ses allusions à la son diagnostic. Alors, le discours est, me semble-t-il,
schizophrénie, en définitive, tient lieu de la fonction la référence à prendre pour ce qui est de mettre en
de synthèse du Moi. Non pas exactement à la même place au sens de Lacan enfin disons le dit-
place, si vous voulez, mais tout de même qui tient schizophrène. Et, à ce égard, je : donne toute sa
lieu à cet égard disons d’une armature du sujet. La valeur au fait que la seule fois où Lacan parle du dit-
question de la forclusion est relative à ça. Quand schizophrène dans son texte, qui est vraiment son
vous lisez le séminaire des psychoses, vous saisissez dernier grand écrit, de l’Étourdit, dans Scilicet n°4, il
que Lacan se croit capable de définir l’armature met en place précisément le dit-schizophrène par
signifiante minimale pour qu’un sentiment de la rapport au discours comme lien social. Et dans un
réalité entre guillemets normale se constitue pour le contexte qui ressemble à cette citation enfin que je
sujet. C’est l’exemple du tabouret. Un tabouret avec n’avais pas relevée de Lacan et qui vous a été
des pieds, eh bien qu’est-ce qui se passe qu’il donnée au début. Alors, le sujet comme schizé, nous
manque un de ses pieds ? Autrement dit, nous pouvons considérer que dans la théorie de Lacan
n’avons pas là, ça n’est pas en ternies de déficit nous l’avons au départ comme sujet du signifiant, ce
effectivement ni de dissociation que Lacan parle, sujet barré. Évidemment, nous sommes habitués à le
mais c’est tout de même en terme de manque de déchiffrer comme le sujet hystérique par excellence.
signifiant. Et donc, si vous voulez, la considération Mais mettons-le en place comme le sujet schizé. On
qui, dans la tradition analytique et psychiatrique se comprend alors que c’est seulement de sa prise dans
parlait en termes de déficit et de dissociation, un discours, au-delà de sa place comme effet du
évidemment se déporte chez Lacan en terme de signifiant, c’est seulement de sa prise dans un
manque de signifiant, et touchant non pas le Moi discours que ce sujet schizé, si on peut dire, se
mais l’armature signifiante du sujet. A cet égard, au normalise. Et, si vous voulez, au fond, en ce sens, on
fond, la forclusion dit ça ; qu’il s’agit d’un sujet est justifié â dire qu’on ne parle pas de déficit ; parce

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que la schize, elle est de départ. Et c’est très signifiant fonctionne comme référent de la
volontiers que Lacan parle du sujet barré comme de représentation du sujet, mais de forclusion dont nous
la schize du sujet. Et que le terme même que Bleuler pouvons ici poser par hypothèse que la forclusion se
employait dans sa conception de la schizophrénie, à définit d’interdire la représentation du sujet, en tout
savoir la Spaltung, terme freudien d’ailleurs, que cas, de la représentation monolithique du sujet, ou
Lacan l'emploie pour qualifier au fond son sujet. de la représentation privilégiée du sujet. Autrement
Ru fond, de la même façon que Lacan, en un temps, dit, c’est spécialement dans la cas de la
a parlé d’hystérie primitive du sujet, ou de paranoïa schizophrénie que nous verrions émerger ce que
primitive du sujet, nous pourrions sous un certain Lacan appelait l’essaim de signifiants, mais cette
angle admettre une schizophrénie primitive du sujet. fois-ci irrémédiablement dispersé. Et, si vous voulez,
En tout cas, c’est une hypothèse que nous ne je pense que cette dispersion des identités que, par
pouvons pas exclure du contexte, là, du texte de exemple, un Klossowsky a analysée dans le cas de
Lacan. Alors, à cet égard, nous sommes conduits Nietszche, trouve à se placer aisément sur le schéma
effectivement à réinclure le psychotique et le du discours du maître, disons, comme une
schizophrène aussi bien dans le langage ; ils ne sont pluralisation du signifiant maître, une pluralisation
pas hors langage. Mais nous leur assignons avec la qui est effectivement équivalente à sa disparition.
théorie de Lacan, nous leur assignons une place qui Nous pourrions, à cet égard, essayer de formuler
est d’être hors discours. Et je dirais que même ce donc disons à proprement parler le phénomène, les
que Deleuze et Guattari ont essayé de penser comme phénomènes schizophréniques comme éparpillement
le corps sans organe, eh bien j’essaierai de montrer et disparition du signifiant maître. Ça ne serait pas
tout à l’heure, rapidement, qu’en définitive ça peut sans conséquences, évidemment, sur les deux autres
être situé, c’est situé par Lacan comme un corps sans termes de l’affaire : le petit a et le %. Et je dirais
discours. Alors, au fond, si nous avons à repérer la même que c’est les termes qui sont au fond tout à
schizophrénie par rapport à un discours, la psychose fait en évidence dans le délire de Schreber. Ils sont
et spécialement la schizophrénie par rapport à un en évidence comme d’une domination – je vais y
discours, par rapport auquel ? Je dirais qu’il n’y a revenir tout à l’heure, je l’évoque déjà – de la
qu’un seul qui se propose comme repère, c’est ce jouissance il faut dire à la place de l’Autre sur le
que Lacan appelle le discours du Maître ou de sujet. Ce qui, évidemment, comme hypothèse
l’inconscient, c’est le même. Et c’est donc par une toujours, nous aiderait à comprendre pourquoi Lacan
modification – si nous voulons nous y essayer – du peut dire, en ne faisant que grossir une proposition
discours du maître, que nous avons une chance de de Freud, que, sans l’Œdipe, c’est-à-dire sans
mettre en place enfin la schizophrénie. 3e vous ferais l’armature signifiante, que Lacan appelle Œdipe
remarquer que c’est exactement la même méthode mais qui est aussi bien le discours et spécialement le
suivie par Lacan dans son écrit sur les psychoses. discours du maître, que, sans l’Œdipe, la
Puisqu’il part d’un schéma d’ailleurs foncièrement psychanalyse est justiciable du délire de Schreber.
en quatre termes, enfin d’un carré en tout cas ; il part C’est une phrase de Lacan dans sa proposition
d’un carré blasonné qui représente entre guillemets d’octobre '67. Je dirais qu’est-ce que ça veut dire
le structure normale voire celle de la névrose, et il d’autre sinon que, d’une façon manifeste et cette
obtient la démence paranoïaque paranoïde de fois-ci réelle, le rapport de Schreber à l’Autre
Schreber, par transformation de ce premier schéma :. reproduit dans le réel la relation de l’analyste à
Donc, comme hypothèse, nous pouvons nous repérer l’analysant. Je le dirais pour une raison tout à fait
sur la structure quadripode du discours du Maître précise, c’est qu’effectivement, et je m’appuierai
pour essayer de suivre les modifications induites par pour ça sur un texte qu’on a négligé de Lacan et que,
la position schizophrénique. je dois dire, j’avais gardé en réserve de l’année de la
Alors, au fond, qu’est-ce que nous pourrions dire Section clinique où nous avons étudié le cas
dans ce cas-là ? Nous pourrions dire que ce qui Schreber, que le délire de Schreber comporte que la
apparaît d’emblée atteint, c’est la représentation du jouissance soit placée au champ de l’Autre, d’une
sujet par le signifiant. C’est que ce qu’on s’épuise à façon tout à fait explicite. Or, c’est, disons, la
décrire par empathie de la schizophrénie, c’est en formule, c’est réaliser la formule que suppose le
fait un éparpillement des signifiants représentant le transfert. Alors, avant d’en revenir à ce point que j’ai
sujet ; et, au fond, que nous pouvons attribuer au un peu évoqué déjà par avance, je dirais que nous
type d’opacité du signifiant binaire. Parce que, an, avons là évidemment les éléments pour essayer de
l’occurrence, ça n’est pas de refoulement qu’il situer à sa place, enfin, les difficultés du
s’agit, le refoulement qui permet que l’autre schizophrène avec son corps. Et, je dirais même que

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si nous avons une chance de donner consistance à à qui on a fini par entrer dans la tête que ce qui est
une théorie lacanienne entre guillemets de la symbolique n’est pas imaginaire et le contraire, et il
schizophrénie, c’est-à-dire de ce champ à côté de la tombe dans l’écrit, on lui parle de ce signifiant
paranoïa, qui peut se croiser avec lui, si nous avons imaginaire ; alors là, il comprend qu’il ne comprend
une chance de donner corps à cette théorie, c’est à plus – ; mais ce terme c’est ce que Lacan utilisera
partir précisément du statut du corps et du statut de plus tard sous les espèces du semblant. Alors, au
l’organisme par rapport au discours. Je dirais que fond, ce qu’on a approché avant, à partir de Freud,
c’est avec les termes de discours, corps et organisme comme narcissisme primaire, et par quoi on e voulu
que nous devons fonctionner. différencier la schizophrénie à proprement parler, ça
Alors, le statut du corps dans l’enseignement de peut avoir une place chez Lacan, mais disons au
Lacan, – je vais pas, on me dit qu’il y a une niveau, je dirais, de la jouissance pure et désarrimée
conférence, enfin, qu’il y a une journée aujourd’hui de l’objet petit a. Au niveau où la jouissance n’est
sur le corps et l’enfant, de l’École belge de pas coordonnée au semblant phallique. Et à
Psychanalyse ; on aura des échos, je suppose –, en l’occasion même s’animer de ce que Lacan appelle
tout cas le statut du corps dans l’enseignement de dans son écrit sur Schreber de la jouissance
Lacan, c’est qu’effectivement enfin c’est pas un transsexualiste où il resterait à retrouver, derrière ce
idéalisme ; le sujet se soutient du vivant, même s’il qui paraît être la jouissance de son image spéculaire,
est l’effet du signifiant. Seulement, il y a entre le l’objet a qui la soutient. On pourrait là d’ailleurs
vivant et le sujet déjà un désaccord, un désaccord essayer d’emblée de reformuler la différence de la
qui tient – je prends celui-là parce que c’est facile à schizophrénie et de la paranoïa en posant que la
comprendre – qui tient à ce que le vivant a une jouissance à proprement parler mise en cause par les
fonction sexuelle déterminée – du point de vue du psychanalystes sous le nom du narcissisme primaire
vivant, il y a différenciation des sexes – alors que ou de l’auto-érotisme infantile – à partir de Freud –,
pour le sujet, c’est ça que Lacan veut dire quand il que cela vise la jouissance comme telle de l’objet
parle de la Chose freudienne, la jouissance est petit a, désarrimée, – c’était l’expression que
foncièrement asexuée. C’est ça qu’il appelle aussi j’employais – alors que dans la paranoïa, cette
bien l’objet petit a ; c’est l’objet a – sexué. Et c’est jouissance reste située au champ de l’Autre. Alors,
toujours disons dans son enseignement et à travers évidemment, ça n’est pas en terme de déficit que
les années par un mouvement second qu’on peut nous nous exprimons là, parce que le déficit
essayer de rendre compte de ce que la jouissance supposerait que nous ayons affaire à un moi, comme
serait sexuelle. Dans l’enseignement de Lacan, dans dit Lacan, un organisme voire une espèce qui aurait
la psychanalyse, la jouissance n’est pas évidemment à s’adapter en tant que supposé dans l’existence. Le
sexuelle ; la jouissance première, celle que Lacan corps schizophrénique, ce sur quoi enfin on écrit des
appelle, celle qu’on peut attraper comme jouissance pages poétiques, lyriques – c’est un exercice, enfin,
du corps, est foncièrement auto-érotique. Et, c’est auquel Lacan ne s’est jamais livré, et je dois dire que
vraiment par un mécanisme de métaphore qui met en l’assèchement de lyrisme auquel je m’efforce dans
jeu le langage et ses mécanismes, qu’on peut rendre cet exposé vous montre que ça n’est pas ma veine
compte de cette extraordinaire, de ce qu’on appelle non plus –, le corps schizophrénique, ça demande
la jouissance (…) d’abord de considérer que, de toute façon, pour tout
C’est de là que vient la promotion de l’objet petit a sujet, c’est le langage qui, dit Lacan, lui décerne son
chez Lacan. Ce qu’on connaît dans la psychanalyse, corps. Et, si vous voulez, il faut là distinguer le
c’est la jouissance de a. Alors il se trouve corps, enfin, que nous croyons bien connaître, le
effectivement qu’elle est reprise, qu’elle peut être corps au sens commun, et qui ne devient son corps,
arrangée, comme dit Lacan, coordonnée au phallus. pour un sujet, qu’à partir de ce que Lacan appelle
Et c’est dans Freud aussi bien. C’est un mécanisme "corps du symbolique", enfin, qui est l’ordre
complexe qui rapporte la jouissance de l’objet petit a symbolique, mais auquel il donne précisément le
comme asexué à la jouissance sexuelle, la jouissance même mot au sens de groupement et d’articulation.
phallique, et la jouissance de l’Autre. Et, à cet égard, Pour le sujet, c’est le corps du symbolique qui fait
l’écart se voit à ce qu’en définitive Lacan n’a jamais d’un organisme un corps, un corps de sujet, parce
placé le phallus autrement que comme un semblant. qu’il s’y incorpore. Vous trouverez ça, précisément,
Même avant d’en avoir inventé le terme. enfin, dans "Radiophonie", texte de Lacan qui
Prenez son écrit sur la psychose, il en parle encore s’appelle "Radiophonie", dont je paraphrase là les
comme d’un signifiant imaginaire – évidemment ce considérations. Et, disons, c’est seulement en retour
qui surprend toujours le lecteur qui est bien habitué, que le symbolique apparaît comme un incorporel.

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Alors, si vous voulez, déjà, le corps peut ici commente avec lyrisme, c’est exactement ça, enfin
apparaître foncièrement comme un système. Et son qu’on peut y mettre tout le lyrisme du monde ; on
statut, enfin, son unification apparaît dépendre de nous commente que la barrière de la jouissance est
l’articulation signifiante et ne pas être un donné. franchie. A cet égard, disons que d’une façon
C’est ce qui permettrait précisément de comprendre générale, dans la psychose, vérité et production ne
comment, en suppléance de cette articulation sont pas disjointes.
symbolique, en suppléance de l’articulation Je dirais que, si j’avais à commenter donc des textes
symbolique langagière, le schizophrène précis, enfin je pourrais le faire chez Schreber voire
effectivement se voue, se machinise. Vous savez le chez Wolfson, on s’aperçoit, enfin, que ce corps
lyrisme qu’on a développé autour du branchement éparpillé, évidemment, est disons branché sur un
machinique du schizophrène. Et, effectivement, à cet autre corps du symbolique. Alors, je ne peux pas, je
égard, lisons les textes des schizophrènes, ne peux pas là m’avancer exagérément, je suis
certainement. Mais Lacan n’est pas loin de décerner toujours plus long que je ne pense, je dirais que nous
le statut de Président Schreber et de "bi-Président avons dans les textes de Lacan de quoi construire –
Schreber" à Deleuze et Guattari. Enfin, il est prêt à enfin, ce qui est nécessaire, ce sur quoi Deleuze et
les élever à cette dignité-là, enfin, de délire Guattari ont bien mis l’accent avec le corps sans
philosophique. Bon. Au fond, ce qu’il s’agit de organes, sauf que précisément cet accent était déjà
saisir, c’est à quelle place vient ce branchement dans Lacan, enfin auparavant – disons une nouvelle
machinique. Or, nous comprenons sa nécessité si théorie de la libido, qui est celle que Lacan a
nous saisissons qu’il vient à la place – exactement à constituée avec l’objet petit a. Et, précisément, cette
la place – du corps symbolique, qu’il est un corps du théorie de la libido, il nous fait voir, par le mythe, le
symbolique de suppléance. Et ça, évidemment, c’est fameux mythe de l’hommelette, de la lamelle, que
très manifeste, je dirais déjà dès l’image que vous trouvez dans le Séminaire XI et dans l’écrit
Kraepelin met dans son traité ; on y voit une sorte de "Positions de]. 'inconscient", que la libido est un
machine influencer effectivement qui est ce soutien organe, qu’elle est un organe irréel mais non
symbolique. C’est à partir de quoi il est légitime de imaginaire, c’est-à-dire qu’elle est exactement à la
dire que le schizophrène se raccorde au corps. Alors, place de l’incorporel qui est ce qui subsiste du corps
ce corps, ce corps quand il est pris dans le du symbolique une fois qu’il a été incorporé. C’est
symbolique, quand il incorpore le symbolique, ça a disons cette conception de la libido-organe, et ce qui
un effet sur sa jouissance au sens de Lacan. C’est nous permet précisément non pas de disqualifier
l’incorporation du symbolique dans le corps, dont mais de reformuler les analyses de Federn par
l’hystérique témoigne à sa façon, – et c’est bien là exemple, sur les frontières du moi. Il était sensible à
que sont les zones qui apparaissent frontières entre ça dans la psychose, c’est que – spécialement dans la
hystérie et folie, entre hystérie et psychose – ; c’est schizophrénie – c’est que les frontières du moi, enfin
au moment où le symbolique cisaille le corps, c’est ce qu’il appelait les frontières du moi, c’est-à-dire
du fait qu’il le cisaille, que, au sens de Lacan, la que ce qui, finalement, enfin c’est par là qu’il
jouissance s’en sépare. La jouissance dont il s’agit pensait qu’il y avait un rétrécissement des idées du
dans l’objet petit a comme dans le phallus, dans tous sujet qui auraient été, pour le sujet normal, conçues
les cas ce sont des jouissances séparées du corps, des comme des représentations, pour le sujet en cause,
jouissances auxquelles le sujet se raccorde comme il en crise, spécialement apparaissaient sur le versant
peut, qui se constituent à partir des chutes. Bon. A de la réalité, il y avait donc une sorte de rétraction
cet égard, disons qu’il y a un statut foncièrement des limites du moi. Et vous savez tous les
hors-corps de la jouissance, spécialement sensible commentaires qui ont pu être faits cette fois-ci par
dans la fonction phallique. Alors, à cet égard, on l’École Kleinienne sur l’identification projective, sur
peut saisir ce que Lacan veut dire dans la citation l’absence des limites entre l’individu, le patient, et le
que Dupont a donnée au début ; c’est que monde extérieur. Or, nous avons une place tout à fait
précisément là, ce qu’on nous commente avec précise pour ça chez Lacan. C’est cette conception
lyrisme, c’est que la jouissance fait retour dans le de la libido-organe qui implique – je le cite page 848
corps. Alors, si vous voulez, c’est pourquoi elle se des Écrits je crois –"la véritable limite de l’être de
laisse placer, cette schizophrénie, par rapport au l’organisme – écrit-il – va plus loin que celle du
discours comme n’y entrant pas. C’est qu’un corps Et il explique que cette Limite de l’être de
discours au sens de Lacan nécessite une l’organisme, donc c’est le champ libidinal à cet
impuissance, comme il le dit,"définie par la barrière égard, est sensible chez l’hystérique. Mais nous
da la jouissance". Et, précisément, ce qu’on nous pourrions ajouter qu’il est sensible justement dans

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ces cas qu’on a rassemblés comme des cas de même. Et disons qu’il y a dans ce texte de Lacan un
schizophrénie, sauf qu’il est pas sûr que là les effort pour situer l’objet petit a à partir de la
limites de l’être de l’organisme n’aillent pas moins dialectique du sujet. Alors, si on ne saisit pas ce
loin que celles du corps. Alors, la question qu’il point – enfin là, vraiment, je suis très allusif, je m’en
formule à cette époque : comment l’organisme vient- excuse – on ne comprend pas ce qu’il écrit à la
il à se prendre dans la dialectique du sujet ? C’est dernière phrase de ce texte, que la métaphore
une phrase capitale que j’ai longuement commentée paternelle est le principe de la séparation, c’est-à-
dans mon cours à Paris, et dont j’ai montré la dire le principe de la localisation de l’organe-libido.
récurrence à des moments tout à fait particuliers de Ce qui nous permet évidemment de conclure que
l’enseignement de Lacan. Comme quoi la l’échec de la métaphore paternelle évidemment se
dialectique du sujet précède, précède à l’occasion la traduit par l’échec de l’opération séparation. Et
relation sexuelle et précède le statut de l’organisme, disons que c’est précisément alors que cette
et qu’il est donc question de captation et de prise par opération séparation est ce qui au sens de Lacan
le symbolique. Au fond, il apparaît, avec restaure la perte originelle du sujet, c’est-à-dire
précisément ce corps schizophrénique qui a inspiré restaure sa schize, ce qui là me, enfin, il me semble,
tant de lyrisme, que, précisément, il faut, enfin, le possible de conclure, je dirais, c’est que l’échec de la
corps schizophrénique apparaît comme une séparation au contraire laisse le sujet, enfin, laisse le
conséquence d’une dialectique biaisée du sujet, si je sujet schizé. C’est-à-dire hors-normes. C’est le
puis dire ; d’une dialectique précisément où un terme que vous trouvez dans ce texte mémo. A cet
signifiant essentiel est forclos. Alors, la question est égard, disons que Lacan, avec la métaphore
de savoir, évidemment, que doit être cette forclusion paternelle, nous donne le principe d’une
pour qu’elle se répercute précisément sur le normalisation de la jouissance, c’est-à-dire le
sentiment de l’organisme. Non pas : qu’on n’ait pas principe de la normalisation phallique de la
ça dans la para-noie, non, mais spécialement dans la jouissance d’objet. Ce fameux schéma que vous
schizophrénie. Autrement dit, de la même façon que avez dû voir reproduit plusieurs fois. Enfin, essayons
Lacan dans" Télévision "oppose obsession et de le commenter un petit peu d’autre façon. Je dis
hystérie en disant que l’obsession témoigne de la que cette émergence phallique dans la métaphore
cisaille symbolique dans la pensée, qui, dans paternelle, c’est une normalisation de la jouissance
l’hystérie, se manifeste dans le corps, nous pourrions asexuée par coordination avec le semblant phallique.
construire la même opposition entre paranoïa et Et dès lors que cette métaphore paternelle fait
schizophrénie. défaut, restons là-dessus classique, précisément la
Alors, là, je suis obligé d’abréger un commentaire jouissance s’en trouve, enfin, désarrimée. Et la
long sur cette partie, puisque c’est la conception de conséquence, c’est celle que les termes de Lacan
la libido-organe qui, au fond, est la clé de l’opération permettent de prévoir : le sujet n’a pas d’état-civil.
que Lacan appelle la séparation dans cet écrit, et Alors, à cet égard, le schizophrène, dans sa difficulté
qu’on a très peu commenté à côté de l’autre, avec ses organes, il témoigne effectivement d’un état
l’aliénation. Lacan dit pourtant précisément que cet natif du sujet. Relisez le début du texte de
organe irréel, cet organe dit libido, c’est précisément Lacan qui s’appelle l’Étourdit : c’est pour tout sujet
cette partie, c’est une partie de l’organisme dont qu’il dit que le corps est sujet à se diviser de ses
l’organisme se dessaisit au temps où le sujet opère sa organes, et que c’est seulement par après que le sujet
séparation. Et que c’est à cette place précisément essaie de leur trouver fonction. Le sujet qui parle,
que viennent les objets petit a. Bon, tout ça c’est seulement par après, à partir de cette donne
demanderait une mise en place précise que je d’organes, qu’il leur invente une fonction
pourrais faire, une mise en place de sa fonction dans signifiante. Et ce que nous connaissons,
l’enseignement de Lacan à cette date, et je vais me effectivement, c’est l’organe qui se significantise
contenter là de vous montrer comment (…) on dans le discours analytique, le phallus, et qui, en se
pourrait l’utiliser. Au fond, ce dont Lacan essaie de significantisant, se sépare de la réalité corporelle ;
rendre compte par là, c’est de ce qui est la régulation c’est ça que veut dire la castration. C’est pas la
de la libido, y compris de ses transferts de la libido. castration réelle de l’organe ; c’est la castration de
La séparation dont il s’agit, c’est pas la séparation l’organe fait signifiant. Alors, on peut donc, à cet
d’avec l’objet. Ce que Lacan appelle séparation – égard, poser que le passage des organes au signifiant
lisez le texte – c’est au contraire la fonction par est ce qui, au fond, faute de se localiser comme
laquelle le sujet opérant avec son propre manque se castration sur le phallus, se généralise dans ce que
procure un état-civil. C’est-à-dire s’engendre soi- nous désignons approximativement comme

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schizophrénie. Je veux dire qu’on pourrait parler, me Jacques-Alain Miller : Je suis tout à fait d’accord
semble-t-il, d’une signification généralisée du corps. avec votre façon de lire. Il me parait en tout cas
A cet égard, je dois dire là qu’au niveau déductif, qu’on peut retenir que le sujet fondamental au sens
c’est assez concluant, parce que, au fond, si on de Lacan, le sujet obtenu à partir du signifiant, c’est
admet que la significantisation d’un organe, dont un sujet que lui-même appelle schisé, et nous
nous avons l’exemple dans l’organe pénien, conduit pouvons au moins par hypothèse considérer sous un
à le placer en quelque sorte hors-corps, si nous certain aspect enfin ce sujet schisé, nous pouvons
posons une significantisation généralisée des considérer sa parenté, au moins par hypothèse, avec
organes, effectivement nous pouvons dire : tous les le sujet schizophrénique. Ça ne peut pas être un
organes sont hors-corps. Et si vous voulez, je vois là point de vue exhaustif. Mais disons que les
la racine de l’illusion qui conduit Deleuze et mathèmes do Lacan, selon son propre avis, sont faits
Guattari à parler d’un corps sans organes. pour fournir mille et une lectures différentes et, au
Évidemment, au fond, ça n’est pas loin de ça. Je moins à titre de préliminaire, c’est une hypothèse
n’avais pas relevé la citation de tout à l’heure mais que j’ai soutenue ici. Et, à cet égard, effectivement
je vous renvoie à la page 30 de l’Étourdit où Lacan ça implique tout à fait directement la lecture que
aussi qualifie le langage d’organe. Disons qu’il vous en faites pour ce qui est de l’histoire de la
n’entend pas là organe du langage au sens où notion… J’ajouterais un mot parce qu’enfin, moi ça
Chomsky fait du langage un organe, enfin bon ; il m’intéresse, l’histoire psychiatrique de cette notion
entend par là organe en tant que corps du et le diagnostic. Mais je crois qu’il est essentiel
symbolique qui précède et préexiste au sujet. Alors, d’apercevoir que le cas de Schreber reste notre
la formule là de Lacan est précise : le sujet n’est pas repère essentiel dans ce champ (…).
sans autre organe que le langage. Autrement dit, ces Qu’est-ce que Freud voulait dire quand il admettait
organes hors-corps, il a à s’arranger avec. Et c’est là le diagnostic kraepelinien de Schreber ? L’avantage
que vient cette citation le dit-schizophrène a à du cas Schreber, c’est qu’il présente ce mixte
s’arranger avec ses organes hors de toute référence à paranoïa et schizophrénie. Or, évidemment, ce qui a
un discours établi. Enfin, je vais vous le citer intéressé Freud d’abord, c’est ce qu’il appelle, enfin
exactement puisque c’est le seule phrase de Lacan cette partie qu’on peut expliquer, qui est la partie
de toute cette soirée où je vous citerai où figure pour paranoïaque. Bon. Mais, avec Lacan, il y va tout de
moi le terme de schizophrénie – tout le reste est une même un peu différemment puisque justement il
laborieuse construction à partir de Freud et d’autres réinterprète la théorie de la paranoïa, la théorie
textes de Lacan – ; alors ça vaut la peine que je vous freudienne de la paranoïa à partir de
le lise : "… donc, il n’y a pas de rapport sexuel du l’homosexualité. Et, finalement chez Lacan, il y a
fait que le sujet, qu’un animal habite le langage, et tout de même un intérêt beaucoup plus grand pour,
que de l’habiter c’est ce qui pour son corps fait disons, les aspects entre guillemets les aspects
organe, organe qui le détermine de sa fonction dès schizophréniques du cas Schreber. Et n’oublions pas
avant qu’il la trouve ; c’est même de là qu’il est que lui-même, Lacan, dans le service de Claude,
réduit à trouver que son corps n’est pas sans autre jeune psychiatre, avait étudié le langage
organe et que leur for ion à chacun lui fait problème, schizophrénique. Il y a un article de Lacan, je ne sais
ce dont le dit-schizophrène se spécifie d’être pris plus si je l’ai emmené, je crois que je ne l’ai pas mis
sans le secours d’aucun discours établi". Je dirais dans le volume, dans les écrits comme premiers
que c’est la seule citation de Lacan où figure le mot écrits sur la paranoïa, de Lacan, et donc tout cet
schizophrène que je vous donnerai ce soir. Alors, je aspect est valorisé. Alors, je pense que – ça, nous ne
crois que j’ai été déjà beaucoup plus long que je ne l’avons pas fait à la Section clinique quand nous
le voulais, et je crois que maintenant, j’avais quand avions parlé du cas Schreber – il y aurait une lecture
même une petite opposition plus précise à faire entre à refaire de Schreber : disons la schizophrénie chez
paranoïa et schizophrénie, je crois que je la laisserai Schreber. Alors schizophrénie, nous garderions les
pour une autre fois. guillemets : le dit-schizophrène Schreber. Ça, ça n’a
Vereecken interroge le succès social de la notion pas été fait, et ce serait une contribution importante à
bleulerienne de schizophrénie, succès dû à la réactualisation de la théorie des psychoses. Disons
l’utilisation de la notion de Spaltung par les que c’est l’intérêt de bien cerner la valeur du
psychiatres depuis 1945. Il y a là une diffusion du diagnostic de Schreber.
message psychanalytique et une distorsion de celui- Krajzman réinterroge Miller sur la schizophrénie
ci, ce qui a pour effet de refermer l’accès que cette comme maladie sociale. Dans son adresse aux
diffusion prétend ouvrir. étudiants en philosophie, Lacan posait l’ironie

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comme fonction sociale. L’ironie est l’arme du effectivement, il y a beaucoup à dire, c’était même,
schizophrène, alors qu’elle est une fonction c’était mon point de départ, pour rectifier la lecture
manquée dans les névroses. La restauration de de Lacan, de considérer que tout Lacan a été
l’ironie viendrait se donner comme guérison des réinterprété par ses lecteurs, par son auditoire, par
névroses. ses élèves, par l’École Freudienne de Paris, par le
Jacques-Alain Miller : Oui, je n’ai pas du tout fait le public en général, a été interprété à partir de
compendium des quelques références l’Instance de la lettre. Et c’est ma thèse que c’est une
parcimonieuses de Lacan sur la schizophrénie, erreur considérable, que tout l’effort de Lacan, à un
vraiment par manque de temps puisque je fais cours moment même, est allé contre cette interprétation-là.
par ailleurs et que… enfin, disons, j’ai vraiment C’est vrai que Métaphore et Métonymie, ça a
repris la question spécialement ici un peu fonctionné extrêmement bien, que ça a donné à
laborieusement, c’est-à-dire pour l’occasion. Alors, manger et à boire à des cohortes de sémiologues
je n’ai pas du tout fait ce compendium et je n’avais enfin dans toutes les universités du monde ; que,
pas en tête cette référence que me rappelait aussi avec cette petite machine-là, vous pouvez passer,
Dupont. Sur ce qui est de la fonction sociale du engouffrer la littérature universelle et il en sort des
schizophrène, précisément, dire maintenant, notre thèses bien rangées. Mais enfin Lacan a pris tout à
référence pour parler de la schizophrénie c’est le fait ses… non seulement ses distances du point de
discours, d’emblée, au fond, comme vous le voyez vue idéologique avec ces facilités, mais même je
vous-mêmes, situe la question. Puisque le discours crois que c’est… enfin c’était la thèse que j’ai
au sens de Lacan c’est le fondement du lien social. défendue et argumentée longuement cette année, que
Et donc obtenir Lue formule de la schizophrénie le champ de l’expérience analytique n’est nullement
comme transformation et annulation de la structure réductible au champ de l’Instance de la lettre dans
de discours nous situe très bien entre guillemets l’inconscient, et que c’est même enfin un effort
"l’asocialité" du schizophrène, si c’est ça que vous constant de l’enseignement de Lacan que de le
voulez dire. Maintenant, pour l’ironie, je ne la démontrer. Alors, maintenant effectivement enfin il
commenterai pas immédiatement, je dirais que, à est difficile de rentrer dans la démonstration, je peux
mon avis, opposons ironie et humour. Opposons la vous dire j’ai essayé de le faire longuement ailleurs.
fonction surmoique dans l’humour et disons son Et c’est ce qui explique, je dirais, que Lacan ait pu
absence précisément dans l’ironie. Vous savez que dire que sa découverte à lui, c’était la théorie de
c’est un thème philosophique classique, ça, l’objet petit a. Ce n’est pas l’Instance de la lettre, sa
qu’opposer l’allure de l’ironie et celle de l’humour. découverte. C’est la formulation de la théorie de
Et, effectivement, il faudrait partir de là… l’objet petit e… Alors, j’ai quand même expliqué
Maintenant, quand Lacan évoque l’ironie du pourquoi, les raisons pour lesquelles cette Instance
schizophrène, est-ce qu’il a une référence spéciale de la lettre avait pu avoir cette fonction. C’est
en tête, est-ce que Schreber, par exemple, dans sa qu’elle a effectivement connoté, enfin bouclé un
partie schizophrénique, serait ironique ? C’est pas virage très important de l’enseignement de Lacan,
absolument sensible. Je trouve au contraire que les qu’on peut suivre,… je ne vais pas m’étendre là-
Mémoires d’un névropathe brillent par l’absence dessus parce qu’alors là on n’en finirait certainement
d’ironie. Alors, il faudrait sans doute trouver pas à 8 heures.
d’autres références plus probantes. Malengreau fait état de sa curiosité quant à l’usage
Krajzman persiste dans son interrogation sur du mot "précoce" dans "démence précoce". On a
l’ironie, et évoque à ce propos un certain décalage souvent défini celle-ci comme schizophrénie de
par rapport à la visée du sens. Il relance en l’homme jeune.
questionnant l’accent mis exagérément sur Jacques-Alain Miller : Écoutez, je vais vous dire
l’instance de la lettre par rapport à la causalité là… il semble donc que chez Kraepelin il n’a pas
psychique. cessé d’accentuer précisément ce caractère…, ce
Jacques-Alain Miller : Sur la causalité entre caractère juvénile de l’affection. Je crois – il faudrait
guillemets psychique puisque sa formulation, la vérifier ça dans le manuel, dans le livre de Bleuler –
causalité psychique est devenue la causalité que Bleuler ne met pas le même accent sur ce trait.
signifiante chez Lacan… Bon, là, c’était une Bon.
allusion. Ça, pour le coupe, j’ai fait cours plusieurs Alors, maintenant, il y a une étude – alors je me suis
fois là-dessus, enfin je veux dire c’était le thème de tapé à propos de cet exposé dont heureusement je ne
départ de mon cours de cette année, et donc j’ai fait vous ai pas parlé et qui… – il y a aux Etats-Unis, il y
là que l’évoquer en une phrase. Là-dessus, a un type qui fait tous les dix ans une énorme somme

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sur la schizophrénie, le Dr Belak, je crois. Pas faut rentrer… c’est très très long. Parce que je crois
l’Apollon, mais le docteur… qui fait des énormes qu’on n’a jamais bien compris ce que Lacan voulait
volumes. faire avec ce concept de séparation. Bon. D’abord
Ça fait 40 ans qu’il fait ça. Alors, on est à la dans le séminaire qui recouvre l’écrit, le Séminaire
quatrième somme… donc, j’ai lu la dernière un XI, qui est le premier que j’ai publié, il n’y a presque
énorme pavé qui est sorti en 1979 où, c’est très rien sur la séparation. Et, dans le texte même de
intéressant, il y a un panorama de toutes les Lacan, finalement on attrape des phrases, puis on a
recherches actuelles sur la schizophrénie. Donc, il y du mal à saisir enfin après quoi il en a. D’ailleurs je
a les recherches biochimiques, il y a les recherches crois que pour saisir après quoi il en a, il faut
génétiques, il y a les recherches neurologiques, il y a d’abord voir qu’il polémique avec l’Instance de la
enfin… vrai ment enfin les études sur les familles, la lettre. Enfin, en tout cas, qu’il complète l’Instance de
psychothérapie individuelle comme ils disent, sur les la lettre, que c’est par 'rapport à ça… au fond, je
enfants… enfin, c’est vraiment, bon. Alors, il y a veux dire…, je suis parti même dans mon cours de
toutes les études, d’énormes statistiques, et, cette année de ça : que Lacan dit explicitement de ce
effectivement, il doit y en avoir une sur la précocité texte "Positions de l’inconscient" et donc de son
de l’affection. Alors, évidemment, celui qui rédige Séminaire XI, mais enfin du texte "Positions de
cela, je ne vois pas très bien sa position dans le l’inconscient", qu’on mesure les difficultés qu’il a
champ psychiatrique. C’est aussi pour ça que je n’en eues au fait qu’il a dû attendre toutes ces années
ai pas parlé parce que, visiblement, il se plaint des pour donner sa suite au Rapport de Rome. C’est-à-
termes qui ont été adoptés par le D.S.M. 3 dont dire que, d’une certaine façon, il nous invite à lire ce
Bercherie a très bien parlé dans le numéro de l’Âne, texte comme le temps essentiel d’après le Rapport
cette grande classification américaine des maladies de Rame. Ce qui, pendant des années, m’est apparu,
mentales. Il regrette qu’on parle de schizophrénie et enfin quand je pensais à ça vraiment je n’arrivais pas
pas de syndrome schizophrénique. Alors, c’est vrai à situer cette phrase et à saisir en quoi, par rapport à
qu’il y a des tables très intéressantes oè on compare des textes très importants qu’il avait pu écrire
les définitions du syndrome dans tous les ouvrages auparavant, c’était vraiment celui-là qu’il
parus depuis dix ans ; et on voit d’une façon singularisait de toute façon. Et je crois que donc
intéressante des recouvrements, enfin finalement c’est vraiment là qu’on saisit son effort pour
comment on s’égare dans ces mots du langage dépasser, enfin avancer par rapport à la
courant qui essaient de préciser les symptômes et problématique de ses dix années précédentes
comme finalement, c’est encore, c’est fou de dire ça, d’enseignement, au moment où il change de public.
c’est encore le plus instructif de lire Schreber que de Bon. Alors, je crois qu’on a mal saisi cette affaire de
lire cette littérature. Alors, je peux pas vous séparation justement si… la séparation dont il s’agit
répondre précisément sur cette précocité, je suis, dans ce texte n’a rien à voir avec celle, que, à mon
persuadé qu’il y a une étude statistique là-dessus. avis, vous évoquez, cette séparation de l’objet petit a
Malengreau rétorque que la question n’est pas par rapport à la castration. Au contraire, c’est pas
d’ordre statistique, et s’interroge sur la portée une séparation, ce qu’il essaie de saisir. C’est pas
actuelle de cette référence à l’âge. Vereecken une séparation d’avec le sujet ; c’est pas une
rappelle qu’on utilisait "démence précoce" par séparation du sujet. C’est-à-dire, c’est le sujet qui se
opposition aux autres démences, qui n’ont en fait sépare. Si vous voulez… je ne sais pas si… je
rien à voir avec la schizophrénie, puisque ce sont suppose là que je parle à des gens qui ont lu le
des états déficitaires, pour la plupart, d’origine Séminaire XI et qui ont une idée au moins de l’écrit
organique. A quoi Miller répond que chez dont il s’agit… Mais pourquoi est-ce qu’aliénation,
Kraepelin, la démence est bien quelque chose qui ça fait couple avec séparation ? Parce que dans
touche les jeunes. aliénation, il s’agit d’une inscription du sujet dans
Partant de la citation de Lacan "le corps est sujet à l’Autre, donc comme lieu du signifiant, il s’agit de
se diviser de ses organes", Malengreau interroge le savoir comment l’Autre y est pris, et il s’agit, dans la
rapport possible entre ce qui dit Lacan sur la fin de séparation, de savoir comment le sujet, au fond, se
l’analyse quant à la séparation de a et de – phi, et sépare – ce qui comporte certainement une forme
l’avancée de Miller concernant le moment de d’inscription – mais se sépare par rapport à
schizophrénie initiale. l’aliénation. Pour comprendre les choses, il faut
Jacques-Alain Miller : Di Ciaccia ç'a fait remarquer d’abord saisir comment ces deux concepts font
que j’avais été allusif sur des points importants, c’est couple, en quoi l’un représente le retour de l’autre. A
vrai ; bon, si on n’est pas allusif là-dessus, alors il cet égard, c’est le sujet qui s’aliène et c’est le sujet

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qui se sépare. Et quel est l’effort, là, de Lacan ? Parce que précisément, ils ne sont pas tombés sur le
C’est au fond – je crois que… si on voulait formuler psychanalyste poète, il l’est à l’occasion, et encore il
le problème – c’est d’arriver à situer la fonction de n’abuse pas de cela, dans ses écrits ; mais, dans sa
l’objet à partir de la dialectique du sujet-même. pratique, il n’interprétait pas à partit de l’Instance de
C’est pas d’engendrer l’objet à partir du sujet – il n’a la lettre. Il interprétait essentiellement à partir de la
pas ces idées, je ne sais pas fichtéennes – c’est pas position de l’objet. Et il l’a dit : l’interprétation doit
d’engendrer l’objet, mais de saisir à quelle place porter sur l’objet petit a. Et, au fond, il interprète à
dans la dialectique ou la logique du sujet vient partir de l’objet petit a. Alors, c’est dans ce texte,
s’inscrire l’objet. Et, au fond, il y a… c’est très disons, qu’il essaie d’articuler précisément, disons,
laborieux. Il faut qu’il démontre une fonction de l’analyse faite dans ce texte sur la métaphore et la
perte dans la dialectique même du sujet. Alors, il métonymie et qui est sensiblement… au fond le
endonne des images, par exemple l’acte suicide. Il texte de l’Instance de la lettre est en quelque sorte
dit : à ce moment-là, au fond, le sujet se montre unilatéralement du côté de l’aliénation ; c’est-à-dire,
comment… au fond il met en jeu sa vie-même qui c’est une analyse du mécanisme signifiant des
fait perte par rapport à l’Autre. Donc voilà, il formations de l’inconscient. Et, dans ce texte, vous
démontre par là, au fond, globalement, même d’une voyez que c’est ce que Lacan thématise comme
façon presque imaginaire, presque, en tout cas par l’aliénation. Et il articule à ce niveau-là, et ça sera
un exemple, cette fonction de perte dans la un effort qu’il va répéter parce que ça s’arrête pas du
dialectique du sujet, qui est tout à fait différente, tout avec ce texte ; il reprend continuellement et
distincte de son inscription aliénante. Bon. Ensuite, c’est un problème théorique. Lacan n’a jamais
il met en jeu l’organe-libido, qu’il essaie de divagué dans son enseignement. Il faut reconstituer
retrouver même au niveau… enfin du vivant. Et le problème sous-jacent qu’il posait, et qui, parfois,
c’est ensuite, troisièmement, qu’il dit : au fond, les est explicite, d’ailleurs tout à fait : comment articuler
objets petit a, ils viennent à cette même place. C’est- à ce qu’il a d’abord mis en valeur, qui est
à-dire que, au fond, il essaie de saisir à quelle place l’aliénation signifiante du sujet, comment situer la
dans la dialectique du sujet viennent ces objets petit fonction de l’objet et le fantasme au fond comme
a. Alors là, évidemment, disons cette séparation du autre chose que situé sur une voie de retour
sujet, ça comporte au contraire la coalescence de d’énonciation. Comment situer le fantasme à partir
petit a et de moins phi. Au contraire, ce moment de du moment où ce qui apparaît comme essentiel dans
séparation est constitutif si je puis dire exactement le fantasme, ce n’est pas simplement le scénario
même du fantasme aussi bien. Et, au contraire, ce imaginaire du fantasme – ça aussi les analystes s’en
que Lacan appelle, pour la fin de l’analyse, la sont depuis longtemps aperçu qu’il y avait là le
traversée du fantasme, comporte la séparation cette sujet, que ça pouvait être difficile à dire – la chose la
fois-ci de ces éléments qui sont, dans la séparation, plus difficile à dire, comme disait Théodore Reik,
collés si vous voulez. Bon, alors évidemment, si même si elle est niaise –, un scénario imaginaire qui
vous n’avez pas le texte en tête, je comprends que soutient le désir. Mais à partir d’un moment, Lacan a
vous nagiez. Enfin, c’est pas votre cas bien sûr, mais qualifié le fantasme tout à fait autrement : pas à
peut-être pour certains ici, ça peut paraître un peu partir du scénario imaginaire, et des personnages
ésotérique. Ça recouvre des phénomènes cliniques imaginaires de ce scénario, mais à partir d’un objet
tout à fait détaillés de façon concrète, enfin. L’effort réel qui le soutient, et de l’objet entre guillemets
de Lacan, dans ces textes sur l’aliénation et la partiel qui est présent. Et, à ce moment-là,
séparation, c’est de rendre compte, enfin d’arriver à évidemment, la fonction du fantasme change du tout
conjuguer – il le dit d’ailleurs au début : la au tout, et devient beaucoup… alors Lacan a tenté,
synchronie et la diachronie, les effets de langage et en a donné du fantasme au premier sens, il en a
les effets de parole – mais précisément de conjuguer donné une articulation dans son graphe, mais à partir
la dialectique signifiante du sujet, qui est ce qu’on a du moment où il a mis l’accent sur la fonction réelle
popularisé sous le nom d’Instance de la lettre, – c’est du fantasme, évidemment, ça a commencé à
ce que tout le monde a trouvé tellement drôle, désorganiser sa précédente construction. Et il s’est
tellement bien que la psychanalyse, ce soit une efforcé là de lui trouver une place dans cet écrit. Et
fonction primordiale du jeu de mots ; et que tout son effort d’après est vraiment issu de cette
l’interprétation, et les gens allaient chez Lacan en première construction… Oui, enfin, je ne peux pas
pensant qu’il faisait des jeux de mots à tire-larigot et répondre plus complètement…
qu’avec lui vraiment on se bidonnait… plein de M. Liart rappelle le rapport que Lacan fait entre la
gens. Bon, ils ont été ; ils sont tombés sur un os. psychose et l’analyste. Il a dit de lui-même qu’il

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était psychotique, quelques fois aussi qu’il ne l’était


pas assez. Il semble à M. Liart que cette phrase peut
être entendue seulement par rapport à la
schizophrénie ; celle-ci concerne un sujet lorsqu’il
se trouve être au bord de la question du langage. On
voit certains schizophrènes hésiter à se laisser
incorporer par cet organe. Il semble que c’est
seulement par cette dimension qu’on peut aborder le
schizophrène à partir des indications de Lacan.
Jacques-Alain Miller : Si vous voulez, Lacan s’est
dit psychotique ; il s’est dit aussi hystérique à
l’occasion ; à l’occasion, il ne se cachait pas de
ruminer comme un obsessionnel – d’ailleurs il y a un
style obsessionnel même dans son enseignement,
enfin accompagné toujours de sa petite cohorte de
mathèmes enfin repris, malaxés. Bon, il a vécu, ça a
été son entourage, il faut dire ; il en a soutenu
l’existence enfin de sa voix, de son attention.
Alors,… il a dit aussi qu’il était psychotique, qu’il
avait la rigueur du psychotique. On peut l’entendre,
pourquoi pas, comme vous le faites. Il n’aurait
certainement pas reculé à dire qu’il était
schizophrène… Mais, si vous voulez, il a occupé un
peu 'toutes les places. C’est-à-dire, il s’est dit
analysant aussi bien qu’analyste. Il y a une
circulation à cet égard de la fonction de sujet qui
faisait partie de son jeu.
M. Liart : Oui… mais je ne parle pas tellement de
Lacan en tant que personne, mais je veux dire en
tant que la place qu’il donnait à l’analyste.
Jacques-Alain Miller : Si vous voulez sa place
d’énonciation, il a joué à la placer à beaucoup
d’endroits. Puisqu’il s’est dit à l’occasion qu’il
s’inscrivait comme mystique, au moment où il disait
que c’était la position féminine par excellence –
donc, il s’est en quelque sorte fait femme d’honneur,
si je puis dire –, le 24 avril 1982
Une psychanalyse de psychotique : Que peut-on en
espérer ?

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Une analyse de psychotique : que peut-on espérer


Michel Silvestre
cette époque, Lacan ne reprendra la psychose
POUR INTRODUIRE LA QUESTION : 20 ANS DE explicitement que de manière sporadique. Il est clair
PARCOURS pourtant pour tout le monde que c’est toujours
présent, ne serait-ce d’ailleurs que parce qu’il fait
Que peut-on espérer de la psychanalyse à partir du volontiers référence à ce qu’il poursuivait par
moment où nous aurions à en appliquer les ailleurs, à savoir sa présentation de malades, mais ça
conséquences pratiques sur des sujets que l’on n’est que de loin en loin qu’il donne des indications.
désigne habituellement comme psychotiques ? C’est Malgré tout, en 76, Lacan reprendra de front cette
une question tout à fait centrale mais il faut bien question, sous un angle somme toute très distinct,
convenir qu’il y a peu de psychanalystes qui s’en sinon éloigné de ce qu’était son Séminaire III
préoccupent. L’an dernier lorsqu’il était question de consacré aux psychoses. En 76, je vous le rappelle, il
la psychanalyse avec des enfants, j’avais choisi le reprend la question de la psychose à partir de
même abord : que font les psychanalystes de ce qui JOYCE dont on peut se demander si ce texte
se profile comme étant aux confins de leur pratique ? n’occupe pas pour Lacan la même place que les
Parce que la psychose, il faut bien le dire, c’est ce écrits de SCHREBER pour Freud. Autrement dit,
qu’on pourrait appeler… un mauvais souvenir. C’est nous sommes là devant une tâche que nous ne
une épine plantée dans le flanc des psychanalystes. faisons que commencer à aborder, qui serait de
Alors, si pour certains il suffit de retirer cette épine mettre à jour le travail souterrain qui conduit du
et de se mettre un peu de pommade, pour d’autres, Séminaire III sur les psychoses à l’ouverture
quand même, cela semble les irriter. Et les réponses éventuelle que constitue le Séminaire sur JOYCE.
qu’ils s’efforcent de produire à la suite de cette Loin de cette ouverture, en quelque sorte distante de
irritation sont diverses au point que jusqu’à présent, presque 20 années, le texte de 58 nous donne
face à la psychose, on est encore démuni. Je serais cependant une indication, dans les phrases
plutôt de ceux qui s’en irritent, qui pensent que c’est conclusives, où il est question de la manœuvre du
une question qui reste ouverte et c’est bien à partir transfert :
de là que je vais essayer de vous faire part de mes "La conception à se former, dit Lacan, de la
réflexions et je suppose après tout que si vous êtes manœuvre du transfert".
ici, c’est un peu aussi votre cas. Dans ce cycle de Il ajoute que, sur ce terrain, ce sera aller au-delà de
conférences, les bases ont été posées, semble-t-il, Freud. Et c’est pour ça qu’il s’arrête là. Je ne sais
pour que soit abordé de front la question du pas s’il s’agit pour nous d’aller au-delà de Freud ou
traitement. Cela dit, je vous ferais remarquer que au-delà de Lacan, mais simplement, à partir de ces
mon titre est une question redoublée. C’est une indications, de voir ce qu’on peut en tirer.
question redoublée parce que, dans un premier
temps, on peut se contenter de situer la psychose AU-DELÀ DE FREUD ?
comme source d’enseignement pour le
psychanalyste… et je vais reprendre en quoi il s’agit Alors, que veut dire cet au-delà de Freud, je dirais
là d’un enseignement car c’est clair maintenant pour indépendamment de toute considération de progrès,
tout le monde, le profit qu’on peut tirer des car il ne s’agit pas de voir dans cet au-delà un
psychotiques. Mais évidemment lorsqu’il s’agit, progrès mais bien plutôt une question de champ, de
dans un deuxième temps, d’essayer de tirer de cet champ délimité. Eh bien, il me semble qu’a
enseignement des conséquences pratiques, cela ne contrario, en creux si vous voulez, le texte de 58
fait que redoubler la difficulté. délimite, lui, effectivement, un champ qui serait le
Vous savez que, dans son texte de 58, Lacan pose le champ freudien. Le champ freudien ou le champ de
problème de cette façon-là, c’est-à-dire qu’il achève la psychanalyse freudienne. L’exploration, non pas
son texte sur l’ouverture d’une possibilité de ce tellement de ce champ, mais de ce qui en fait limite
traitement, sans nous dire laquelle ! Je me propose nous permettrait de voir en quoi on peut tenter de
de vous dire aujourd’hui en quoi il y a là, dans ce mettre, je dirais, pas un pas, mais un demi pied au-
texte, apparemment un paradoxe, puisque, malgré delà. J’essaierai donc de répartir ce questionnement
tout, une des conclusions de ce texte est précisément sous trois aspects, sous trois questions.
d’une impossibilité de ce traitement. A partir de

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D’abord, première question : de quoi pâtit le symbolique, ce manque radical d’un signifiant qui,
psychotique ? Ensuite, comment l’analyste peut-il se en quelque sorte, éponge l’événement lui-même.
lier à un psychotique de façon à ce que de leur lien C’est une des fonctions du signifiant d’éponger le
puisse résulter une psychanalyse ? Enfin, peut-on réel. Habituellement, nous ne sommes pas sensibles
envisager, à cette psychanalyse, une visée adéquate à au réel, c’est ce qu’on appelle la symbolisation. Si,
son point de départ, c’est-à-dire adéquate à la habituellement, pour les névrosés, ça marche tout
psychose ? seul, par contre, ce que le psychotique révèle est
justement par défaut. Autrement dit, il s’agit de voir
DE QUOI PÂTIT LE PSYCHOTIQUE ? quelles sont les conséquences de cette forclusion.
Les conséquences, on pourrait les répartir sous trois
Je pense que cette année, cette question a pu être registres.
pour vous soulignée, explorée largement et pourtant, Tout d’abord, la conséquence directe, c’est que ça
on a pu me dire que je pouvais apporter quelques intervient au niveau du procès de signification.
précisions qui… qui en tout cas seront nécessaires à Ensuite, c’est que les effets – je reviendrai sur ces
ce que je vous dirai par la suite. Vous savez que aspects – les effets de cette première conséquence,
Lacan a répondu à la question de Freud sur la sont des effets essentiellement imaginaires. Ce n’est
psychose. Cette question se trouve dans un texte de pas tellement de ses voix que le psychotique souffre,
Freud, bien connu, qui est "L’introduction au ce n’est pas tellement de ce qu’il entende des voix
narcissisme". Dans ce texte, Freud qui débat avec ou de ce qu’on lui parle, c’est plutôt de ce qu’il fait
JUNG s’étonne de ceci : que, puisque JUNG a l’air avec ces phénomènes justement réels. Il faut garder
si malin, comment se fait-il qu’il n’aie même pas ça à l’esprit, je veux dire : ce à quoi on a affaire,
éclairé ce qui est, dit-il, l’entrée dans la psychose, le c’est pas aux voix comme telles, c’est à leurs
début de la psychose. Freud, lui, ne répond pas à conséquences imaginaires, ce que Lacan appelle les
cette question, simplement il la pose. remaniements imaginaires.
Ce qui permet à Lacan, 40 ans plus tard, d’y Enfin, la troisième conséquence de la forclusion qui
répondre. En effet, Lacan, dans son Séminaire sur est une conséquence que j’accentuerai du fait qu’elle
les psychoses et dans son texte sur le "traitement se situe directement dans notre pratique, à savoir
préliminaire" répond essentiellement à cette c’est la manière dont cela hypothèque
question : comment une psychose se dé clenche-t- l’interprétation, c’est-à-dire l’action que le
elle ? Et il donne cette réponse : parce qu’il y a une psychanalyste peut supporter auprès de son
forclusion d’un signifiant particulier qui est le analysant. Et ça hypothèque évidemment d’autant
signifiant du nom du Père. Ur ce déclenchement plus que cette interprétation sera conçue comme
dépend d’une conjoncture particulière, à savoir une relevant essentiellement du signifiant.
conjoncture réelle, c’est-à-dire que pour que ce Je voudrais d’abord vous faire remarquer un
manque d’un signifiant apparaisse, il faut une paradoxe, puisque le Séminaire III est maintenant
circonstance précise, qui est ce qui habituellement paru, je pense que vous l’avez tous eu entre les
pour les névrosés justement répond au réel, c’est-à- mains, un paradoxe qu’il y a dans le Séminaire, que
dire la confrontation avec un élément du réel et la psychose, à savoir une folie, ça nous montre à ciel
d’autre part l’appel au niveau du symbolique du ouvert la structure du signifiant. Ça ne nous montre
signifiant qui en quelque sorte va colmater cette pas à ciel ouvert l’inconscient mais comment
brèche. Ce que Lacan repère, c’est ce qui apparaît fonctionne le signifiant. C’est un paradoxe parce que
dans le réel, c’est un père. Un père qui peut être évidemment, on se dit que c’est le psychotique qui
beaucoup de choses, on en trouve dans la clinique est en accord avec le signifiant et que le névrosé, lui,
des manifestations extrêmement diverses. Ça peut par rapport au signifiant, est plutôt anormal. Je peux
aussi être le père comme tel dans une circonstance vous donner quelques idées de son anormalité : c’est
particulière par laquelle le sujet est affronté à cette d’abord qu’il croit, le névrosé, qu’il est l’émetteur de
personne qui, là, doit particulièrement supporter ses paroles, et surtout il croit qu’il communique, et
cette fonction de père, comme d’autres pire encore, lorsque quelqu’un lui parle, il croit qu’il
circonstances… Après tout, il suffirait d’évoquer des comprend, et après tout il a raison, il e raison parce
accouchements, des paternités, effectivement où là que finalement il manque de rigueur, c’est-à-dire
le un père peut aussi bien être l’accoucheur. Voire qu’il s’en tient à une approximation suffisante pour
dans d’autres contextes, l’amant. Cette circonstance que, l’un dans l’autre, on puisse à peu près
que la clinique ne nous apporte que de manière s’entendre. C’est de l’un dans l’autre enfin, après
imprécise nous amène à justement préciser à la fois tout, c’est là-dessus que se fonde toute une série de
cet élément réel et cette absence au niveau du

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pratiques, et pas seulement avec les psychotiques. ça dans un film, et évidement, il jouait le râle-là
Par exemple, les pratiques de psychothérapies d’être celui qui vient d’être choisi, et, au fond, avec
familiales qui s’imaginent qu’on peut arriver à une certaine perspicacité, il montrait bien que c’était
rétablir la communication, qu’il suffit de voir là où il pas un rôle facile à jouer. Mais enfin, en tout état de
y a secret, là où il y a malentendu pour que, de le cause, justement, nul n’a à jouer ce rôle. C’est le
dire, ça se lève. Parfois, semble-t-il, enfin si j’en signifiant qui a à le jouer. Et n’importe lequel
crois ce que je peux lire, parfois il semble que ça convient, n’importe lequel pourvu que pour le sujet,
marche et parfois pas. Mais enfin, il faut bien dire il puisse prendre cette fonction. D’ailleurs, il n’est
que le départ de ces pratiques de psychothérapies pas prouvé qu’il n’y en ait qu’un seul. Non
familiales est complètement à l’inverse finalement seulement du point de vue de la conception
de la conception lacanienne du signifiant qui fait au théorique du Nom du Père, Lacan e pu en nommer
contraire du malentendu la normalité du signifiant et plusieurs – je crois qu’on vous a fait, ici, conférence
de l’accord sur le signifiant, de l’accord sur le non- là-dessus – mais évidement, aussi bien pour chacun
équivoque d’un énoncé, en fait plutôt l’exception. de nous, je ne vois pas pourquoi il n’y en aurait
Alors, au fond, il s’agit de voir à quelles conditions qu’un, qu’il n’y en aurait pas de rechange comme
il y e une signification. Autrement dit, quelle serait pour les roues de voiture. Seulement, inversement, si
la clef, la voie de passage qui permettrait de on peut dire que pour chacun, s’il est névrosé, au
concilier imaginaire et symbolique et en quelque fond, il a le choix, inversement vous voyez bien
sorte de pacifier leurs relations ; puisque, à l’état qu’il y a une sorte de précarité dans ce choix, qu’il y
naturel si je puis dire, c’est-à-dire à l’état de la e non seulement un certain arbitraire, mais quelque
psychose, ces relations entre imaginaire et chose d’un peu aléatoire. C’est les aléas de l’histoire
symbolique sont désordonnées. Cette pacification après tout, les aléas de l’histoire de chacun qui fait
entre l’imaginaire et le symbolique, c’est ce que chacun peut s’imaginer, à certains temps de son
qu’opère le Nom du Père, le signifiant du Nom du analyse, qu’il peut s’expliquer sa vie. Sur le plan
Père, à savoir la métaphore paternelle. Là il faut conceptuel, cela pose quelques problèmes logiques.
distinguer deux choses. Comment, dès lors qu’un signifiant, du fait de
D’une part, la métaphore (en général) qui est une substituable à tout autre, est-il possible d’en
fonction du signifiant, une fonction d’agencement du distinguer un qui, lui, ait une fonction particulière ?
signifiant, des chaînes signifiantes, – ces fonctions, C’est sous cette forme-là qu’au fond il est plus facile
vous savez que Lacan en oppose deux et deux de repérer le fil souterrain de la psychose dans
seules, la métaphore d’une part et la métonymie l’enseignement de Lacan. Autrement dit, comment
d’autre part. faire tenir en quelque sorte le signifiant du Nom du
Et d’autre part, cette métaphore particulière dans Père par rapport à la conception même du signifiant
laquelle intervient le Nom du Père, et qui a nom : comme tel ?
métaphore paternelle. Pour le psychotique donc, ce qui manque, c’est cet
Alors là, au fond, l’énigme n’est pas tellement la opérateur de la métaphore, mais c’est pas l’opération
métaphore, puisque si la métaphore se définit elle-même. En effet, le psychotique est tout à fait
comme substitution signifiante, après tout c’est en accessible à la métaphore, se définit justement en
effet un mécanisme de base, de fond, du signifiant. négatif à partir de ce qui serait les effets particuliers
Ça entre dans la définition même du signifiant que de la métaphore paternel le, c’est-à-dire la
d’être substituable. L’énigme qui en quelque sorte signification phallique. Il faut se reporter page 557
départage, clive radicalement névrosés et des Écrits où cette métaphore paternelle est en
psychotiques, c’est le Nom du Père, c’est-à-dire quelque sorte associée, comparée à la formule
l’énigme de ce qu’un signifiant soit distingué de ses générale de la métaphore, pour y voir que ce
congénères, en quelque sorte. C’est pas le mot père qu’introduit le Nom du Père dans cette métaphore,
bien sûr. C’est pas non plus le patronyme du père, c’est que le phallus soit donné comme signifié au
pas plus que celui du sujet, c’est le signifiant… a
sujet sous la barre en quelque sorte (NDP( )) en
En tout cas, pour la névrose, on peut dire ceci, c’est ϕ
le signifiant qui supporte le meurtre du père. C’est support du désir de la mère, de la mère qui serait là
l’effet de la symbolisation du père. Du père en tant comme incarnant le grand Autre. Autrement dit, la
que réel. Si vous y réfléchissez, le père en tant que métaphore paternelle, c’est le lien de la loi au désir,
réel, c’est évidement impalpable, c’est c’est-à-dire la de s’appuyer sur le phallus, le désir,
microscopique, c’est un spermatozoïde. Il n’y a que loin d’être voué au caprice de l’Autre, caprice de la
WOODY ALLEN qui a un jour essayé d’imaginer mère, où il prend son origine néanmoins, en vient à

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se réguler, se régler. Le phallus, c’est le fondement maintiennent comme créés :


de la loi du désir, le fait que ce désir n’obéisse pas à M
un caprice mais au contraire soit, au fond, une
boussole possible pour le sujet, car sans ce
médiateur phallique, le sujet n’a qu’un accès R
S
totalement déréglé à son désir. On pourrait même J
dire que pour le psychotique, cet accès est
habituellement opaque, barré, et c’est pourquoi le Sch I
psychotique est avant tout directement confronté à la
jouissance. Le rapport du psychotique à la ce qui nous donnerait :
signification phallique est justement anormal, c’est- NDP DM A
→ NDP( )
à-dire qu’il est sans norme, ce qui fait DM Φ
qu’habituellement le signifiant lui apparaît plutôt
sous la forme énigmatique de l’allusion. Ceci veut L’écriture par Lacan de la métaphore paternelle nous
dire que le bouclage de la signification, le retour de permettrait, me semble-t-il, d’écrire la métaphore
la signification comme scansion, est remis dans les délirante. Puisqu’après tout l’idéal du Moi qui est un
mains de l’Autre. Une patiente me disait l’autre jour élément bâtard, c’est aussi une barrière désirante. Ça
que dans le métro un monsieur lui a demandé pardon expliquerait aussi ce curieux appel à l’identification
pour passer près d’elle, et alors elle l’a injurié, parce qu’on trouve chez les psychotiques, disons,
qu’évidemment il lui demandait pardon parce qu’il relativement amarrés au monde, c’est-à-dire là où il
voulait la violer. On appelle ça (je ne vois pas est tout a fait perceptible que l’identification leur est
pourquoi) la projection. Dans les mots de la langue armure en quelque sorte. Non pas ossature, mais
quotidienne (à la différence du névrosé qui se met le plutôt armure à l’intérieur de laquelle ils sont plutôt
plus le psychotique, lui, se sent contraint d’apporter mous. C’est pourquoi, par exemple, certaines formes
une réponse, une réponse que justement l’autre, en d’ergothérapie fonctionnent bien. Non pas parce que
quelque sorte, laisserait en suspens. Souvenez-vous c’est une occupation, c’est pas une thérapeutique
des phrases interrompues, nous allons les reprendre occupationnelle, mais c’est une thérapeutique
tout à l’heure, d’une façon que je trouve assez identificatoire, identificatoire au personnage
comique, chez un dénommé ROSENFELD. C’est-à- prévalent de notre discours commun, à savoir au
dire que le psychotique s’efforce au sens, il s’efforce prolétaire. Je parle du discours du Maître bien sûr
à construire un système d’interprétation qui est où, au fond, cette figure du prolétaire est après tout
évidemment un travail de titan car il doit à chaque ce qui unit les hommes. En effet, il me semble qu’il
fois, comme disait le poète, créer las mots de la est très fréquent qu’un travail assure un psychotique.
langue, des mots nouveaux pour la tribu (quelques- Parce que le travail, c’est ce par quoi il y a de
uns se sont même demandé si MALLARME n’avait l’échange, c’est-à-dire il y a discours. Alors si le
pas été un peu psychotique). Ceci conduit les Nom du Père manque, ce qui manque avec lui, c’est
psychotiques qui en ont les moyens à la mise en la barrière du désir. Pourquoi la barrière ? Parce que
place d’une métaphore délirante, interprétation le désir peut paraître au névrosé un souci qu’il croit
délirante qui, en tant qu’efficace, met un certain pouvoir maîtriser ou que ça serait son idéal. En fait,
temps à se constituer, a plutôt affaire à la perplexité, c’est une barrière en tant que cela le protège de la
perplexité devant les énigmes que l’autre lui jouissance. Le désir, disons, dans sa forme la plus
adresse ! La métaphore délirante, c’est donc la pure, c’est-à-dire la forme hystérique, est
tentative parfaitement soutenu de ne pas être satisfait. C’est-à-
dire qu’on peut se reposer sur ses lauriers tout en
Il y voyait même Le narcissisme à l’œuvre, c’est-à- restant désirant. Il n’en est évidemment pas de même
dire qu’il nous disait que le psychotique aime son de la jouissance. C’est pourquoi l’affrontement à la
délire comme lui-même. Ça nous donne comme jouissance, habituellement, pour le névrosé, est
indication que probablement cet effort du plutôt générateur d’angoisse ; pour le psychotique,
psychotique vise à pallier à la carence du Nom du c’est une autre affaire, que nous allons reprendre.
Père, c’est-à-dire à bricoler à la place de ce trou Mais enfin, disons que la question essentielle de ce
quelque chose sur quoi fonder une signification qui point de vue, c’est justement comment écarter le
n’est qu’un élément de soutien du narcissisme, c’est- psychotique de son affrontement immédiat à la
à-dire (je n’y vois que l’idéal du Moi) qui tient mal jouissance. C’est donc à partir de là que vont
le rôle du Nom du Père : ce que vous retrouvez dans s’ensuivre ces remaniements imaginaires. Il faut
le schéma, là où les mots de la langue se garder ça à l’esprit parce que c’est vrai qu’on agit

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avec le symbolique, qu’on agit avec le signifiant ; impossibilité, sur cette limite, la limite y compris des
néanmoins les effets, les effets de l’action sont aussi cures de névrosés, ce qu’il appelait le roc de la
bien des effets imaginaires. C’est d’ailleurs à oublier castration. Si Lacan a été plus réservé quant à cette
ça qu’on s’aperçoit de la prévalence de l’imaginaire impossibilité, c’est pour plusieurs raisons : d’abord,
chez un certain nombre de névrosés après des années il n’a jamais découragé personne de s’occuper des
d’analyse. C’est-à-dire la prévalence maque, bien psychotiques, il a même plusieurs fois dit qu’il
sûr. Et, au fond, il y a tout un temps de s’agissait pour un psychanalyste de ne pas reculer
l’enseignement de Lacan où l’accent était mis sur devant la psychose (éventuellement lorsqu’elle lui
cette question : comment par le symbolique peut-on sautait à la figure, c’est-à-dire lorsqu’il pouvait faire
traiter l’imaginaire ? Évidemment, à mesure que une erreur de diagnostic dans ses entretiens
l’accent s’est déplacé sur le réel, c’est de ce côté que préliminaires). Mais d’autre part, c’est parce qu’il a
les effets ont été à rechercher. Seulement, il va constamment fait jouer' cette limite qu’il a pu, pour
falloir pour en arriver là que Lacan élabore l’objet dégager une ouverture, interroger le réel, c’est-à-dire
petit a, ce qui n’est pas complètement fait au ce qui fait échec au symbolique. Conception dans la
moment du texte sur les psychoses. Autrement dit, pratique qui implique un élément hétérogène au
pour conclure sur la métaphore délirante, la signifiant, le "a", dès lors qu’il serait dégagé de la
métaphore délirante suppose un raboutage qui, en gangue imaginaire qui était la sienne. J’en arrive
quelque sorte, pallie à l’absence ou à l’échec de la donc à ma deuxième question.
métaphore paternelle. C’est-à-dire qu’elle suppose
une réparation au niveau de la cause de ce ratage. COMMENT FAIRE LIEN AVEC LE
Voilà ce qui amène à cette question : la forclusion PSYCHOTIQUE ?
est-elle réversible, ou non ? Et Lacan a plutôt conclu
(et cela me semble justement logique par rapport au Le terme de lien, enfin, c’est explicitement allusion
développement de son enseignement) a plutôt conclu à la définition lacanienne du discours en tant que
qu’il n’y avait pas réversibilité ; c’est-à-dire que lien social. Évidemment, c’est ce qui est tout à fait
c’était pas dans le registre d’une substitution à la problématique avec le psychotique. C’est que si,
métaphore paternelle que se trouvait l’issue possible d’une part il nous révèle la structure du signifiant,
d’un traitement des psychoses. inversement quant au discours, il en est plus souvent
Ceci a une portée évidemment tout à fait concrète marginal, sinon exclu.
dans notre pratique. Avec le névrosé, au fond, il Alors, que l’analyste puisse se situer, disons dans le
s’agit toujours d’avoir pour visée le désir, pour visée champ défini par la signification phallique, revient
de la cure. C'est-à-dire que ce qui est signifié au donc à le situer comme représentant de cette
sujet sous l’enseigne du phallus est le ressort de fonction de signification. Et donc, ça explique une
l’interprétation et se trouve tout à fait conséquent chose en ce qui concerne le psychotique, ça le faisait
avec la mise en jeu du Nom du Père. Avec le décompenser. Il est clair que si l’analyste se met en
névrosé, on peut tout à fait interpréter au Nom du cette place, en quelque sorte centrale, de la
Père, en maintenant d’ailleurs l’ambiguïté de cette métaphore paternelle, il est tout prêt pour, face au
phrase. psycho tique, incarner cet Un-Père. Pas étonnant que
D’une part on peut tout à fait interpréter avec le celui dont on ne savait pas encore qu’il était
Nom du Père comme outil, c’est-à-dire en faisant psychotique le devienne, que l’analyste vienne à
jouer par exemple, le ressort oedipien et pourquoi cette place, en ce cas, est évidemment patent, et en
pas même le familialisme ; on peut en penser ce même temps l’amène à voir qu’avec le psychotique,
qu’on veut mais tout psychanalyste non lacanien le placage œdipien n’était pas la meilleure des
travaille dedans et sans avoir l’air de s’en plaindre. choses. Le plus drôle, c’est qu’on retrouve ça
Et d’autre part, sous son nom, comme représentant maintenant en psychiatrie. C’est-à-dire que les
de son nom, sous son autorité. Et au fond, vous psychiatres se gobergent avec des explications
voyez que nous avons là la limite d’un champ à génétiques fondées sur un effacement du père. C’est-
l’intérieur duquel peut fonctionner une pratique de la à-dire qu’ils ne comprennent rien évidemment : ils
psychanalyse, limitée en quelque sorte par l’empan confondent le père réel et le père imaginaire. Sous
de la signification phallique, évidemment excluant prétexte que le père imaginaire serait falot dans une
l’abord des psychoses, puisque ce seul outil auquel famille, ils pensent que ça veut dire qu’il y a une
on aie recours dans la névrose est justement celui qui forclusion du signifiant du Nom du Père. Un père
est inadéquat à la psychose. C’est pourquoi Freud, falot en tant qu’il est imaginaire, n’est pas pire qu’un
en bonne logique, concluait plutôt sur cette père terroriste, ou tyran domestique. C’est ni pire ni
mieux. Ça dépend des gens. Ça dépend des cas.

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Voilà les effets de la psychanalyse sur les métaphore paternelle, c’est-à-dire qu’au fond, ce que
psychiatres, mais c’est un autre problème. Mais le Nom du Père vient signifier, c’est le désir de la
enfin, inversement, vous savez que Lacan pouvait Mère évidemment, le désir de l’Autre. Mais
répéter que "n’était pas fou qui veut". Ça veut dire supposer qu’on peut le faire à la place du sujet, là
que c’est pas une question de volonté, la psychose. évidemment, c’est un peu excessif, tandis que le
Ça ne veut pas dire non plus que quiconque soit faire avec le sujet n’est pas forcément faux. Il faut
préservé de la psychose, c’est une autre affaire. Car avoir un sacré culot, mais ça se peut ! Au fond, il
ceci se comprend de ce fait, que le Nom du Père, il s’agit de voir comment les parents ont failli à
n’y a rien de plus précaire l’Au fond, le névrosé pacifier leur désir, à faire entrer leur désir en accord,
témoigne d’une crédulité étonnante à l’égard de la à accorder leur désir à la loi. Évidemment le culot de
mythologie paternelle. C’est-à-dire qu’il croit au DOLTO repose sur un certain nombre de
père et cela renforce cette précarité signifiante. Cette présupposés, que l’amour est universel et que le
impasse, du côté de la métaphore paternelle, désir aussi. Par conséquent que leur propre désir est
explique aussi pourquoi beaucoup d’analystes qui forcément de l’amour. Le désir de l’autre, c’est
eux se sont préoccupés sérieusement et quand même autre chose. Habituellement, le désir de
respectablement de la psychose, ont pensé tout l’Autre, c’est quand même inquiétant pour le sujet.
naturel de se mettre à la place de la mère. C’est C’est-à-dire qu’au fond, si on est suffisamment
plutôt une bonne astuce, après tout. A cette place du convaincant, ça peut marcher. Après tout, mettre le
grand Autre. Et au fond se mettre à cette place Nom du Père en 51, c’est-à-dire comme signifiant
revient en effet à aider le sujet à construire une [paître, c’est en tout cas une façon d’attraper le
métaphore délirante. Et moi je me demande si c’est psychotique qui trouve là un Autre imaginaire, un
évitable, si c’est évitable dans tous les cas. Le grand grand Autre qui peut lui adresser autre chose que des
Autre se passe fort bien qu’un signifiant soit énigmes. Ça l’aide à reconstruire un monde.
singularisé. Je veux dire que dans tous les cas, peut- Fondamentalement, cette position s’appuie sur le
être, ce n’est pas évitable. Qu’on y est fantasme, c’est-à-dire produit une métaphore
nécessairement amené, le tout est de savoir si on délirante comme équivalent du fantasme ; c’est-à-
peut s’en sortir. Je veux dire que peut-être on na peut dire que cela la substitue, cette métaphore, au
pas éviter, dès lors qu’on aurait à s’occuper d’un fantasme comme incarnant l’autre comme désirant.
psychotique, à supporter la position d’analyste, on Comme incarnant le désir de l’autre. Le problème,
peut peut-être ne pas éviter d’être inclus dans le c’est que cet autre n’est désirant qu’à partir du
délire, c’est ça que ça veut dire. A savoir que, tant moment oà il se tait en quelque sorte, où il manque,
bien que mal, on aboutisse à une paranoïa justement où il manifeste sa faillite, la faillite de sa maîtrise.
pas si bien dirigée que ne le proposait Lacan. Tout le C’est pourquoi le grand Autre intervient comme tiers
problème sera de savoir comment, dès lors que dans la relation entre l’analysant et l’analyste, c’est-
l’analyste serait inclus dans le délire, savoir à-dire que ce n’est pas le désir qui est comme tiers.
comment manœuvrer avec cette inclusion. Alors que pour DOLTO par exemple, on voit bien
Evidemment, ce n’est pas forcément une raison pour que justement elle amplifie le désir ou elle
en rajouter. Il est clair pourtant que les analystes de l’universalise pour en faire un tiers pacifiant.
psychotiques montrent ici parfois un savoir-faire D’ailleurs PANKOV, c’est du même ordre. Car
étonnant – ça impressionne inévitablement le lecteur lorsque l’analyste parle, justement là où le névrosé
– et qui prend d’ailleurs plusieurs formes, je dirais, serait confronté plutôt aux insuffisances de cet
de métaphores délirantes ! Par exemple, construire analyste, c’est-à-dire là où il parle à côté, le
un roman familial, un avatar du roman œdipien ! ça psychotique, lui, est affronté directement à un autre,
c’est typiquement la position de DOLTO. Il y a une qui jouit de son savoir. Et en même temps, c’est là
vérité profonde là-dedans. A savoir qu’il s’agit où le psychotique est plongé au fond dans sa propre
d’interpréter uniquement le désir des parents. jouissance. Lorsque l’autre lui parle et qu’il se fait
Évidemment, ce désir des parents, ça l’amène à le muet. En tout cas, c’est ce que décrit fort bien
supposer. Elle n’en sait rien évidemment, mais elle SCHREBER. Au fond, tout le travail de certains
se fie seulement à ses dons de divination. Cela va analystes est de faire cet Autre de la jouissance,
tellement loin que cela peut se passer de la présence complaisant au sujet. Par exemple ROSENFELD
des gens, puisque ça, DOLTO peut le faire à la dans un livre paru en français et qui s’appelle "États
radio. Mais enfin, il ne s’agit pas de rejeter cela psychotiques". Il nous relate la psychanalyse d’un
comme ça, sous prétexte que cela serait un peu trop schizophrène qui a une particularité qui est de
pittoresque. C’est fondé sur cette affaire de formuler des mots isolés, de s’exprimer par des mots

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isolés. Et il lui dit par exemple un jour "poulet – l’ordonnance. C’est une antinomie parce
chaleur – diarrhée". ROSENFELD lui répond qu’il qu’évidemment, l’Autre du signifiant n’est comme
aimait le poulet et qu’il avait l’impression d’avoir tel que parce que justement ce dont il manque, c’est
mangé son analyste comme un poulet, sa diarrhée lui de la jouissance, la jouissance qui, elle, ne concerne
faisant sentir qu’en le mangeant, il l’avait détruit en pas le signifiant. L’Autre du signifiant est déserté de
tant qu’objet interne. SCHREBER mettait très bien la jouissance. Et, au fond, la voie de passage entre
en lumière que, face aux énigmes que lui envoie les deux, la voie de passage freudienne, c’est la
Dieu, lui, il complète les phrases, il s’efforce de les castration, c’est-à-dire le fait que soit produit le
compléter. Ce qui est extraordinaire avec signifiant dont l’effet est de régler le névrosé à son
ROSENFELD, c’est qu’on a exactement l’inverse. désir. Au fond, on pourrait écrire cela ainsi pour le
C’est-à-dire que ROSENFELD fait plutôt de ce névrosé. Pour le psychotique, ce lien n’existe pas. Et
patient son Dieu schréberien et se fait lui le c’est là, me semble-t-il, la valeur de l’indication que
Schreber. Et au fond, quand je vous parlais tout à donne Lacan, à savoir cette manœuvre du transfert,
l’heure d’un Autre imaginaire, il ne s’agit pas d’un parce qu’en 50, l’analyste est formalisé comme
petit autre finalement, il s’agit véritablement d’un garant de la loi de l’Autre. Seulement, semble-t-il,
Grand Autre de la parole, du signifiant, mais qui, là, cette indication de Lacan nous donne l’idée que le
est avec le sujet dans une relation duelle, c’est-à-dire transfert, lui, ne repose pas uniquement sur le
intervertible. Chacun peut dire : au coup de sonnette, recours au seul signifiant et qu’en quelque sorte,
on va changer de place. C’est-à-dire qu’à d’autres l’objet y aurait sa part. Le désir, ce que (-ϕ) écrit,
passages, ROSENFELD fait le contraire. Lorsque c’est l’effet du manque d’objet. Seulement le petit a,
son patient se met à parler un peu plus, c’est alors lui lui, est la cause du désir. Et au fond, l’effort de
qui lui envoie un certain nombre d’énigmes. Et Lacan, me semble-t-il, a été de formaliser le lien
d’ailleurs ces affaires d’explication du poulet analytique, c’est-à-dire le discours analytique,
comme objet interne, on peut aussi bien les entendre comme incluant cette cause, non seulement en la
comme des énigmes à quoi le sujet lui-même aurait à faisant jouer comme manque, c’est-à-dire comme
donner une signification. Je ne fais pas là de la cause du désir, objet manquant comme cause du
caricature facile, parce que finalement je dirais désir, mais surtout en trouvant le ressort d’une
qu’on est toujours plus ou moins amené à ce genre positivité de ce manque. Évidemment, c’est
de jeu. Un patient me disait en arrivant à une séance paradoxal. Comment faire jouer positivement un
que les Arabes avaient recommencé à lui pomper le manque ? C’est le passage de ce que vous trouvez
cerveau et je me suis entendu lui dire de façon formulé comme petit a cause-du-désir à ce qui se
maligne que probablement ça voulait dire que son trouve ensuite formulé comme petit a plus-de-jouir,
frère était de retour, son frère qui travaillait en Iran et au fond la question pour le psychotique serait de
et dont il m’avait déjà parlé, justement craignant que savoir en quoi le lien de la jouissance au grand Autre
ce frère allait en quelque sorte prendre sur lui tous est-il soutenable du seul objet petit a. Le rapport du
les attributs maléfiques des Arabes. Donc j’ai sujet au grand Autre, ça ne fait pas de discours. Au
déchiffré effectivement, peut-être pas de manière contraire, c’est même ce qu’on appelle l’autisme.
aussi pittoresque que ROSENFELD, mais enfin j’ai Vous savez que Lacan, jusque dans ses tout derniers
déchiffré ce qu’il m’a dit. Cela ne lui a fait ni chaud séminaires, a pu se demander si la psychanalyse
ni froid. Ce dont on peut toujours s’étonner n’était pas un autisme à deux. Et il me semble que
lorsqu’on lit cas textes, c’est que ça puisse avoir des cela recouvre tout à fait cette question-là, c’est-à-
effets qui, eux, sont pour nous une énigme. Au fond, dire est-ce que dans notre pratique, nous parvenons à
là, je suis plutôt en train d’aller a contrario de mon utiliser l’objet petite, est-ce que nous ne sommes pas
titre, parce que je suis plutôt en train de passer en toujours dans le délire œdipien ? C’est-à-dire
revue les impasses de la psychanalyse avec les qu’avec le signifiant on jouit de l’un, pas de l’autre,
psychotiques. A ceci près que, évidemment, ce sont c’est la jouissance phallique, ce que Lacan a pu
des impasses relatives et que l’on peut toujours se appeler la masturbation de l’idiot. Pour faire
faufiler. On pourrait dire que ces impasses se situent discours, il faut évidemment une altérité. C’est donc
toutes en quelque sorte dans une antinomie qui serait pas l’Autre du signifiant, mais ce qui est en soi,
délimitée par, d’une part, ce qu’il en est de la c’est-à-dire ce qui résulte de ce que la jouissance ait
jouissance, en tant justement que l’effacement du déserté l’Autre, c’est-à-dire le petit a. Ce qui fait que
désir la rend prévalente pour le psychotique et, vous avez là les quatre éléments de ce qui permit à
d’autre parti le dérèglement du signifiant ", en tant Lacan d’écrire les discours, trois éléments, disons,
que là encore ce serait le phallus qui en serait qui se réfèrent au signifiant S1, S2, S, et le petit a.

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Mais, comme vous pouvez voir, ça ne se met pas en avec l’analyste lien social dans le discours
place tout seul. C’est seulement lorsque, je dirais, analytique, c’est la distinction entre le grand Autre
c’est mis en place et lorsqu’on mesure en quoi ça ne qui supporte la jouissance et seulement le signifiant
se fait pas tout seul qu’on peut penser du savoir qui supporte la jouissance. Et c’est peut-
qu’effectivement il y aurait une issue pour les être ça un tournant possible qui permet d’écarter le
psychotiques. On peut penser qu’on peut psychotique de sa métaphore délirante, à savoir le
effectivement se faufiler, disons, à côté de la moment où il viendrait à distinguer que ce savoir
forclusion. qu’il attribue à l’autre n’est pas pour cet autre sa
jouissance. Je dirais que les analystes qui nous
VISÉE ADÉQUATE A LA PSYCHOSE écrivent sur la psychose maintiennent cette
superposition, cette confusion, puisque justement
Alors donc, comment envisager l’usage du petit a c’est par elle que l’analyste en quelque sorte en
dans l’analyse ? Le problème, c’est évidemment ne profite pour imposer au sujet son savoir, c’est-à-dire
pas savoir l’utiliser, ça ne veut pas dire que cela ne pour aider à la constitution de la métaphore
fonctionne pas. Il est clair qu’il y a une jouissance de délirante, et cela pour faire poids de ce que
la séance, jouissance de la séance qui ne repose pas l’analyste dit et pour que le psychotique soit
seulement sur le fait qu’on peut y parler librement et suffisamment crédule pour y croire. Il y a là
qui ne repose pas non plus seulement sur le fait confusion entre jouissance de l’Autre et son savoir et
qu’on est écouté, et je dirais que cela ne repose pas probablement que la distinction provient là
non plus sur le fait qu’on peut entendre des effectivement du maniement du transfert, de la
interprétations, tout cela est évidemment très manœuvre du transfert. C’est-à-dire quoi ? C’est-à-
contingent. Il est clair qu’il y a une jouissance de dire du passage d’un discours à l’autre, pour que
l’analyste en tant que présent, en tant que présence l’interprétation puisse s’appuyer sur cette altérité,
amorphe, et c’est même ce qu’il est d’abord, puisse s’appuyer sur l’objet, et non plus sur le Nom
amorphe, ou plus exactement animé d’une vie du Père. Donc, il faut d’une part que le savoir soit
indépendante, mystérieuse, en tout cas pour distingué de la jouissance de l’Autre et d’autre part
l’entendement de l’analysant. Et bien sûr, ça c’est à que cette fonction de jouissance ne soit plus
l’œuvre du fait même du dispositif analytique. Ça va l’exclusivité de l’Autre, c’est-à-dire que le sujet ait
bien au-delà de l’interprétation et de l’interprétation un autre accès à cette jouissance que de se faire
phallique si vous voulez. Tout le problème, c’est que l’objet de la jouissance de l’Autre. C’est
ce fonctionnement en quelque sorte insensé (il probablement ça, me semble-t-il, la direction que
satisfait le névrosé puisqu’il revient, même si on ne nous indique Lacan avec JOYCE, soit concevoir
lui dit rien, même s’il ne parle pas et même s’il n’est comme une visée possible de la cure, la constitution
pas sûr d’être entendu) ne suffit pas au psychotique. de quoi, eh bien, ce que j’appellerais un appareil à
C’est en quoi je pouvais vous dire en commençant langage, ce que Lacan appelle ego, un appareillage
qu’évidemment la psychose, ça intéresse qui permette que se constitue une formation
nécessairement. Parce que le névrosé est plutôt imaginaire telle que le langage puisse être outil. Et
facile, plutôt pépère. Est-ce que ça suffirait de se très explicitement la référence se fait sur le modèle
contenter de le faire délirer, sciemment ce coup-ci, du moi obsessionnel. Alors ce qui, pour
le psychotique ? C’est-à-dire après tout d’être l’objet l’obsessionnel, est habituellement un handicap, le
de son délire, comme Rome pourrait être l’objet psychotique moyen en ferait bien, de ce handicap,
d’un ressentiment par exemple, c’est-à-dire la ses choux gras. Pour le sujet obsessionnel, son moi,
cause ? C’est évidemment par là qu’il y a jouissance, c’est strictement un gadget qui d’ailleurs peut lui-
qu’il y a jouissance de l’analyste par le psychotique, même s’appareiller d’un certain nombre de gadgets.
encore une fois par le biais de ce délire. Mais là C’est ce par quoi il se met à l’écart tout en restant
aussi on retrouve le problème, comment faire avec et acteur du monde, mais lui, en quelque sorte, se retire
comment surtout en sortir. Savoir y faire, ça de la scène. Disons qu’atteindre ça, pour un
implique qu’on puisse en faire semblant. Lacan psychotique, c’est-à-dire lui permettre, non pas de se
pouvait énoncer comme ça :"faire semblant de retirer de la scène, comme l’obsessionnel, mais au
l’objet", il énonçait ça comme paradoxe contraire d’y monter, je dirai que ça serait déjà pas
évidemment, puisque ce qu’il y a de plus opposé au mal. Mais pour ça évidemment, il faudrait qu’il
semblant, c’est aussi l’objet ! Mais la question renonce à constituer l’Autre comme jouissance. Et
demeure. En quoi ça ne conduit pas à cette demie au fond je conclus par ceci : c’est peut-être cela
impasse qu’est la métaphore délirante. Autrement l’écueil majeur de la manœuvre du transfert, c’est-à-
dit, ce qui s’oppose à ce que le psychotique fasse

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dire qu’évidemment l’Autre qui jouit là, c’est que là, c’est une direction possible de la cure du
l’analyste, qu’on le veuille ou non, et c’est peut-être psychotique, mais c’est une direction qui contient en
là que le forçage est à opérer. elle-même sa propre limitation, y a une vingtaine
d’années, il s’agissait d’oedipianiser le psychotique,
de lui greffer une histoire œdipienne. Il me semble
KRAJMAN : En guise d’ouverture au débat et aux en effet que là une illusion est tombée. Il faut
questions, je voudrais remercier Michel Silvestre remarquer là que les kleiniens précisément ont
d’avoir si bien dégagé ce que Lacan ouvre d’au-delà devancé un peu ce mouvement puisque la cure que
de Freud, c’est-à-dire d’au-delà de la question du je vous proposais tout à l’heure de ROSENFELD
pare, puisqu’on se trouve avec Lacan au-delà de ce date do 52. Les kleiniens ont eu cet accès direct à
qu’on pouvait formuler de cette question. Falot une sorte d’imaginarisation de l’objet du fantasme.
effectivement, ou phallocrate ne change rien à Et pour ça, ils étaient en quelque sorte de plain-pied
l’affaire. Je voudrais remercier aussi M. Silvestre avec une sorte de maniement imaginaire du
d’avoir montré que ce que Lacan ouvre de nouveau fantasme. C’est une hypothèse, c’est pourquoi il me
dans ce champ, c’est le NOM, pas comme semble que dans ces cures déjà anciennes de
patronyme comme il l’a souligné, mais comme kleiniens, on peut voir à l’œuvre certains types de
marque ouverte à la lecture, donc aussi à la mise en maniements de l’objet, mais en tant que justement ils
jeu avec les implications et les incidences cliniques explorent le fantasme. Mais lorsqu’il s’agit de
que ça peut avoir. Et enfin je voudrais aussi le psychotiques, ça aide en quelque sorte à la
remercier d’avoir montré que le progrès constitution par le biais d’une métaphore délirante,
qu’implique cet au-delà de la question du père se ça aide à la constitution d’un substitut de fantasme,
situait donc dans les trois termes, qui ont été où là on peut dire que l’autre est dépossédé du petit
évoqués et largement développés devant vous, de la a, mais encore une fois sur son bon vouloir. C’est-à-
jouissance, du désir et de l’objet. dire il y a une ambiguïté qui est tout à fait nette chez
ANDRE : Détacher l’enfant de sa mère où il est pris cet auteur, mais qui est assez sensible aussi dans une
comme (a), pour qu’il constitue son objet à lui, clinique quotidienne. Il arrive en effet qu’une sorte
comment le faire ? Comment, pratiquement bien sûr, de délire se construise ou se modèle sur une cure ; il
mais aussi comment théoriquement articuler ce arrive que les psychotiques ne se mettent pas à
passage sans devoir immédiatement faire recours à délirer quand ils commencent une analyse, qu’ils
la métaphore paternelle, puisque cela a les effets délirent avant ou aussi qu’ils ne délirent pas
délirants que vous avez dits. explicitement. Par exemple, quelqu’un dont le délire
Deuxième question : vous avez articulé le Nom du se réduit à ce qu’il pense qu’il a en quelque sorte à
Père comme le signifiant qui a cet effet d’introduire surveiller ma pratique d’analyste, et à ce qu’au fond
le sujet à la signification phallique. Je voudrais il est mon contrôleur, et même peut-être,
demander pourquoi Lacan ne dit pas le signifiant du probablement même, il est mon analyste. C’est
père, mais le Nom du Père. Qu’y a-t-il de particulier évidemment une analyse un peu particulière parce
dans un nord ? Est-ce que le nom est une variété de que c’est lui qui vient me voir mais il est patent que
signifiant comme un autre ? c’est quand même autour de ça que ça tourne depuis
SILVESTRE : Signifiant du Nom du Père et non pas un certain nombre d’années et que, évidemment, il y
signifiant du père s’explique par cette remarque a là une sorte d’impasse. On peut rester longtemps
relativement récente dans les derniers séminaires de dans cette impasse et je dois dire que j’ai toujours eu
Lacan : réduire la fonction du Père à celle de la tort lorsque j’ai essayé de toucher à ça. Par contre, à
nomination. Lacan semble dire que le signifiant du propose d’un certain nombre d’autres choses que j’ai
Nom du Père renforce la fonction de ce signifiant pu éventuellement lui faire remarquer, il m’a
particulier qui est de servir à la fonction de toujours félicité parce que j’étais un bon élève et que
nomination de tous les autres signifiants. je faisais bien mon travail. D’ailleurs, ça lui servait,
Pour votre première question, il me semble qu’on ne c’est-à-dire qu’il arrêtait de déconner quand même à
peut pas se donner la même visée en ce qui concerne l’extérieur. Mais enfin je ne crois pas qu’il délirait
les psychotiques ou les névrosés puis – qu’il me quand il est venu me voir. Je n’ai pas fait d’erreur
semble que précisément pour le psychotique la visée diagnostique et j’ai quand même parié qu’on
ne peut être la traversée du fantasme. Et que même, pourrait faire quelque chose ensemble. Je dois dire
je ne suis même pas certain qu’il s’agirait de le qu’il s’agit là d’une métaphore délirante tout à fait
constituer, le fantasme puisqu’il me semble qu’on ne particulière puisque son point central, c’est la
le constitue que grâce à la métaphore substitutive, et technique de la psychanalyse, la nôtre en quelque

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sorte que nous avons en commun et que c’est à partir autonome, absolument indécrottable. Il a façon,
de là qu’il se tient à peu près dans sa profession, jusqu’à présent, de comprendre l’apparition plutôt
dans sa famille et dans son réseau d’amitiés. Cette surprenante dans l’enseignement de Lacan de cet
visée, c’est effectivement la visée du fantasme. Le ego qui est explicitement, pour JOYCE, un appareil
séminaire sur JOYCE est une indication distincte qui à langage, robot en quelque sorte, car si le lecteur
distinguerait ce qu’on pourrait donner comme peut éventuellement en tirer une jouissance, il est
direction : à une cure de psychotique. En même clair que pour JOYCE, ce n’était pas le cas. Un moi
temps cela implique évidemment que le terme même obsessionnel peut-il arranger en particulier le
de symptôme ait deux sens différents, c’est-à-dire schizophrène ? Toute la question est là, y aurait-il
que cela impliquerait au fond que le symptôme du possibilité pour les analystes d’acquérir un savoir y
psychotique ne soit pas le symptôme du névrosé. Le faire avec ça ? C’est autre chose qu’en publier un
symptôme du névrosé, c’est sa façon de s’arranger livre à gros tirage, moyennant quoi, à l’enquête, on
avec les ratages de la jouissance phallique, c’est très pourrait constater dans l’histoire des cas publiés que
limité. Parce que le névrosé, habituellement, a des les rechutes n’ont pas été rares. Enfin, tout ça, c’était
difficultés avec sa castration, c’est-à-dire avec le bon pour distinguer ce qui serait la voie du symptôme et
usage du phallus, et qu’à ce niveau-là, le symptôme la voie du fantasme, qui est a contrario parce qu’il
est là pour essayer de rattraper ce qu’il peut perdre faut remarquer que pendant longtemps on – a plutôt
de jouissance. Ce rattrapage peut éventuellement pensé qu’avec les névrosés, c’était justement la voie
être douloureux, mais après tout ça colle comme ça. du symptôme qu’il fallait choisir, c’est-à-dire qu’il
C’est sa façon de s’arranger avec le fait qui est réel : fallait viser à dissoudre le symptôme. Et qu’au
qu’il y a deux sexes. Et que le signifiant, lui, en contraire, dans les dernières années du séminaire,
quelque sorte, ne rencontre qu’une unicité sexuelle. Lacan en venait plutôt à dire que chez le névrosé, le
De cette problématique-là, le psychotique n’a pas symptôme, finalement, il fallait sans doute en
grand ‘chose à faire, l’autre sexe ne le préoccupe éliminer les excroissances gênantes, mais qu’il
pas, au même titre que le névrosé. Définir un restait toujours un os qui, lui, était à respecter. Et
symptôme chez lui doit se faire d’ailleurs. Il ne que, par contre, ce qu’il fallait viser, c’était plutôt à
s’agit pas en quelque sorte, comme pour le névrosé cette traversée du fantasme. Donc, en quelque sorte,
avec le symptôme, d’agencer la jonction entre le il s’agirait de retourner les choses pour les
symbolique et le réel, mais bel et bien d’agencer la psychotiques, mais voilà…
jonction du symbolique et de l’imaginaire (pour le P. VIGNALO SALES : Comment concilier
psychotique). C’est-à-dire après tout, on tourne l’obsessionalisation de la schizophrénie avec le
toujours autour de la même question, c’est-à-dire problème que nous pose la structure ?
comment le psychotique s’arrange-t-il pour produire SILVESTRE : Un schizophrène qui se construit un
à partir du signifiant, qui comme tel est hors sens, moi obsessionnel est quand même tout à fait distinct
pour produire une signification. Il semble que d’un obsessionnel. 3e pense aussi qu’il y a des
l’agencement entre le symbolique et l’imaginaire ne erreurs possibles de diagnostic au départ, et je serais
se fait pas en passant par le phallus. Je comprends plutôt tenté de penser qu’on prend pour une
cette histoire d’ego de JOYCE par le biais justement psychose ce qui n’en est pas. Ensuite, il y a un gros
du moi obsessionnel. Voilà qui ressemble plus chez effort à faire du côté de cette catégorie envahissante
l’obsessionnel à un trait psychotique, c’est-à-dire des borderlines.
cette façon dont au fond il peut être, en tant que M. LIART : Je voudrais poursuivre la question des
sujet, complètement dissocié, c’est le cas de le dire, border-line qui est le problème inverse. La difficulté
des actions, voire des exactions de son moi. Il est provient du recouvrement drôlement bien fait du
dissocié au sens où, dans les romans, on parle de la côté de la névrose, notamment de la névrose
dissociation schizophrénique. Mais évidemment, il obsessionnelle, et qu’il me semble qu’une indication
ne s’agit pas d’une structure psychotique. Mais intéressante pour ce repérage est la jouissance
néanmoins, en quelque sorte, les rapports de justement. Lin obsessionnel qui se constitue une
l’obsessionnel à son moi ont cet aspect d’altérité tout couverture, une prothèse réparatrice, sa faille se
à fait étrange, qui dans les cas rétifs à l’analyse peut marque du côté de l’organisation de sa jouissance.
opposer un obstacle considérable. Car les choses Et justement là où sa jouissance est livrée à la
peuvent s’arranger du côté de l’agencement en jouissance de l’autre, ce qui n’est pas toujours
quelque sorte symbolique, du côté de l’accord entre apparent immédiatement. Mais il me semble que
le désir et le Nom du Père, si vous voulez, et c’est là qu’on repère la chose.
néanmoins maintenir la persistance d’un moi

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SILVESTRE : C’est vrai qu’on peut se poser la ils sont en analyse qui n’en est pas moins une
question du rapport entre la forclusion du signifiant montagne à déplacer ; mais c’est pas un élément de
du Nom du Père et le type de ratage de la fonction la structure entendue comme le référent symbolique.
paternelle dans la phobie. Il me semble qu’il y a une Le moi de l’obsessionnel n’est pas un élément
distinction à faire. Il faut situer la phobie dans un structural, mais néanmoins il a ce rapport de
rapport aux Noms du Père – au pluriel –, c’est-à-dire dissociation ou de distanciation au sujet lui-même
quand même déjà dans l’instauration d’un signifiant qui donne une explication à ce pourquoi les
dont les conséquences pathogènes sont liées à une psychotiques qui arrivent à s’en sortir
trop facile substitutivité du signifiant du Nom du habituellement, c’est par cette voie.
Père à un autre. Il y a comme, une série de Transcrit par Murielle Briot. Non revu par l’auteur.

signifiants qui vont être essayés, plus ou moins


soutenus par des objets, mais en quelque sorte ces
objets sont toujours connectés directement au
signifiant. Pour le petit Hans, par exemple, bien sûr
qu’il y a des chevaux dans les rues, mais, en même
temps, il y a le signifiant, et ces signifiants, il y en a
eu plusieurs. Autrement dit, la phobie quand même
surviendrait en tant que possibilité plutôt dans le
maniement symbolique de signifiants particuliers et
ferait appel à cette fonction de nomination liée au
signifiant du Nom du Père.
Pour la psychose, c’est radicalement que le
signifiant du Nom du Père est carent, exclu, forclos
et qu’aucun, en quelque sorte, ne peut en faire
office. C’est en tant que matrice que ça manque, en
tant que matrice des Noms du Père. Ce qui fait que
si la phobie peut être considérée comme une sorte de
plaque tournante névrotique, c’est en effet parce que,
disons, chaque névrose a un rapport tout à fait
particulier avec la fonction symbolique du Nom du
Père. On voit bien que pour l’obsessionnel, c’est pas
la même chose que pour l’hystérique. Pour
l’obsessionnel, cette fonction symbolique est plutôt
amplifiée par l’imaginaire. Il lui faut le père
imaginaire pour être sûr qu’il ne va pas y avoir
carence du Père. Alors que l’hystérique, son père
tient d’autant mieux qu’il est suspecté d’être un peu
falot donc il y e une sorte de jeu contrasté entre les
deux, et où on voit bien qu’avec la phobie ça tourne
un petit peu comme ça suivant que la pacification du
symbolique par le signifiant du Nom du Père sera
négociée par le sujet.
Pour la psychose par contre, il me semble qu’il n’y a
pas de voie de passage. Elle ne serait pas plus
privilégiée pour la phobie que pour les autres
névroses et au fond si je faisais allusion à la névrose
obsessionnelle par rapport au moi, c’est parce que le
moi pour le névrosé obsessionnel a une position tout
à fait particulière qui en quelque sorte n’est pas un
élément structural. Ce n’est pas sur le moi
obsessionnel qu’on fera le diagnostic de névrose
obsessionnelle car le moi de l’obsessionnel est une
formation imaginaire. Il n’est pas un élément de la
structure. C’est un élément auquel on a affaire quand

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