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Les porte-monnaie électroniques en danger

Jean-Michel Sahut, Professeur de Finance

Résumé :

Le développement erratique des porte-monnaie électronique montre les difficultés de leur


adoption aussi bien par le grand public que les commerçants. A de rare exception comme
Proton en Europe ou Octopus en Asie, de nombreux porte-monnaie risquent de disparaître
dans les prochaines années. Les facteurs clés de succès sont portant connus des banques qui
les ont souvent ignorés. Le revirement stratégique pris par certaines pour relancer certains
PME comme Monéo pourrait cependant inverser la tendance. Toutefois, il faudra attendre
encore plusieurs années avant de voir des porte-monnaie réellement s’imposer comme une
alternative crédible aux paiements en espèces.

Summary

The erratic development of electronic wallets (EW) shows the difficulties of their adoption by
the general public and shopkeepers. With the exception of Proton in Europe and Octopus in
Asia, a lot of electronic wallets are likely to disappear in the next years. Yet, the key factors of
success are known by banks which often didn’t take care about them. The new strategic
change taken by some to start again EWs like Monéo could however reverse the tendency.
However, it will be necessary to still wait several years before seeing electronic wallets really
imposing themselves like a credible alternative to payments in cash.

Dix ans après leur apparition, peu de porte-monnaie sont des succès. L’objectif de cet article
est d’une part de faire un tour d’horizon des porte-monnaie en activité et des différentes
expériences lancées au travers le monde, d’autre part d’identifier les facteurs clés de succès et
les perspectives de développement de ce moyen de paiement.

Un Porte-monnaie Electronique (PME) est un instrument de paiement de la monnaie


électronique1. Il s’agit d’une carte à microprocesseur dont la mémoire est créditée d’un
pouvoir d’achat constitué par une réserve de fonds préalablement déposée dans un
établissement spécialisé. Cette réserve est débitée à chaque achat indépendamment de la
banque. Les avantages du PME sont multiples : il assure la sécurité des transactions2, il
supporte les micropaiements, il est simple à utiliser, universel (en ce sens qu’il n’a aucun lien
avec un compte bancaire lors du processus de paiement), et ses usages sont divers. Il peut être
utilisé pour des paiements de proximité et pour d’autres applications (carte de sécurité sociale,

1
Rappel : en Europe, la directive 2000/12/CE définit la monnaie électronique de la manière suivante : "Monnaie
électronique": une valeur monétaire représentant une créance sur l'émetteur, qui est: i) stockée sur un support
électronique; ii) émise contre la remise de fonds d'un montant dont la valeur n'est pas inférieure à la valeur
monétaire émise; iii) acceptée comme moyen de paiement par des entreprises autres que l'émetteur.
2
Dans le cadre de l’utilisation d’un support physique, la carte à puce, et son utilisation frauduleuse est limitée au
montant chargé sur la carte.
de fidélité, d’accès à des bâtiments…), ainsi que sur Internet. On peut comparer le PME à la
carte à puce appelée « Télécarte » de France Télécom. Ces systèmes reposent sur du
prépaiement, à la différence près que le PME est crédité d’un pouvoir d’achat libellé en euros,
contre des unités téléphoniques pour la Télécarte. Cet exemple et les divers usages possibles
de la carte à puce montrent que les opportunités d’entrer sur ce marché sont d'autant plus
nombreuses qu'il est possible de croiser les offres (billet de transport plus PME, carte
téléphonique plus PME…). Remarquons que comme ce type de système nécessite l’utilisation
d’un système de lecture (un lecteur de carte (pin-pad), comme par exemple Moneo en France,
ou bien une borne de lecture à distance, comme pour Octopus en Chine, il n’est pas encore
utilisé à grande échelle sur Internet. Les tentatives d'utilisation de ce type de PME sur internet
sont restées soit à un stade expérimental soit à l'état embryonnaire, principalement du fait de
la couteuse nécessité de sponsoriser l'acquisition des lecteurs de cartes, les consommateurs
n'étant pas enclin à supporter ce coût additionnel.

Une autre voie, étant donné le taux d'équipement des ménages en téléphone portable, serait
d'inciter les fabricants de terminaux mobiles à partager les applications sur les cartes SIM.
Notons qu’il existe quelques projets dans ce sens tels que annoncé par DoCoMo le 17 mai
2005, la naissance de la « série portefeuille » de poche de FOMA 901iS avec cinq terminaux
équipés de « porte-monnaie mobile e-money, billetteries et d’autres fonctions mobiles smart
card ».3

En Europe, plus de 10 ans après la première expérience de PME au Danemark, de nombreux


projets ont été abandonnés. Parmi les survivants, seul Proton4 lancé en Belgique par banksys
en 1998 est un succès. Plus de 30% des porteurs ont activé la fonction PME et ont réalisé, en
2005, 102 millions d’opérations ce qui correspond à 486,6 millions d’euro de chiffre d’affaire
(souce : SPF Economie – Direction générale Statistique).

En Allemagne, le PME Geldkarte5 est présent dans plus de 63 millions de cartes de crédit, soit
70% de toutes les cartes en circulation, mais occasionne seulement 4,5 millions d’opérations
de recherche d’un montant moyen de 25 euros pour effectuer un paiement moyen de 2,4
euros. Il s'appuie en particulier sur ses qualités en terme de sécurité (cryptographie de type
"triple DES") pour s'exporter en Europe. Ainsi, la première expérience d'interopérabilité et
d'acceptation réciproque de trois PME (Geldkarte, Moneo6, miniCash7) entre l'Allemagne, la
France et le Luxembourg, mise en oeuvre depuis le 1er janvier 2001, a retenue ses
spécifications techniques.

La situation est similaire en France où le porte-monnaie électronique Monéo a été lancé en


1999. Ce PME est couplé à une carte bancaire, ou se présente sous forme d’une simple carte
autonome. Les rechargements peuvent être réalisés sur les bornes disponibles dans certaines
banques et La Poste jusqu’à un montant de 100 euros et par tranches de 20 euros. Il est aussi
possible d’effectuer des chargements « express » sur les terminaux de paiement des
commerçants d’un montant fixe de 30 euros (ceci est possible, seulement que lorsque le solde
disponible est inférieur à 10 euros).

3
http://www.nttdocomo.com/pr/2005/000664.html
4
http://www.banksys.be/bkscomwt/FR/Index.jsp
5
http://www.geldkarte.de/ww/en/pub/gk_home_en.htm
6
http://www.moneo.net/
7
http://www.minicash.lu

2
En fait, bien qu’il soit présent dans la plupart des cartes bancaires, Monéo est peu activé par
leurs porteurs. Selon les chiffres officiels8 de BMS (Billettique Monétique Services, le
promoteur de Monéo), 1 millions de PME Monéo sont actifs alors que plus de 51,2 millions
de cartes bancaires sont en circulation, et que les prévisions initiales estimaient un potentiel de
35 millions de cartes porte-monnaie en 2003. De plus, le système génère environ 78 millions
de paiements en rythme annuel dans un réseau de 100 000 commerçants affiliés, ce qui
correspond environ au nombre des transactions réalisées par cartes bancaires en une journée
(les cartes bancaires réalisent 6,27 milliards de transactions pour un montant de 325,4
milliards d’euro9). Ces chiffres montrent les difficultés de décollage de ce PME malgré les
tests et les campagnes de publicité réalisés. Quelque 300 millions d’euros ont été investis de
manière directe et indirecte pour lancer ce système.
Destiné à servir les commerces de proximité (restauration rapide, presse), les automates de
distribution (boisson et confiserie, photomaton, titres de transport), de grands réseaux se sont
équipés comme les libraires Relay et les boulangeries Paul lesquelles ont équipé tous leurs
magasins en Ile-de-France au contraire des petits commerçants indépendants qui le délaissent.
On peut s’interroger sur les raisons de cet échec.

Si l'on se place du point de vu du consommateur deux dimensions sont à considérer avec


attention pour évaluer les PME : L'utilité perçue par le consommateur, et le coût supporté par
le consommateur :

A B

Succès possible Incertitude

C D

Incertitude Échec probable

Alors que les solutions ayant peu d'utilité aux yeux du consommateur (D) seront sans conteste
rejetées et conduiront à l'échec du PME, une solution jugée utile et peu couteuse pour le
consommateur sera potentiellement acceptable(A). En l'état actuel des choses, la plus part des
PME se trouvent dans la situation de rejet absolu (D) : En effet, l'utilité perçue par le
consommateur pour les PME est souvent quasiment nulle en présence de coûts que le
consommateur ne veut pas supporter puisqu'il existe un substitut presque parfait et gratuit : les
espèces.

8
http://www.moneo.net/pages/infos/coinpresse.asp
9
http://www.cartes-bancaires.com/

3
Les politiques à mettre en oeuvre par les promoteurs des PME consistent donc à augmenter
l'utilité perçue par les consommateurs ou à diminuer les coûts qu'ils supportent :
Plusieurs études montrent que le PME est considéré par les consommateurs comme un
substitut à la monnaie traditionnelle10. L'utilité d'un PME réside donc dans sa faculté à remplir
plus efficacement les fonctions traditionnelles de la monnaie et éventuellement à en remplir
d'autres.
Par exemple, il a été clairement identifié qu'il existe un avantage dans l'esprit des
consommateurs à posséder un PME dans des situations où un micro paiement doit être
effectué et où l'utilisateur peut difficilement se procurer la monnaie divisionnaire nécessaire
pour ce paiement. Ainsi, une des conclusions de l'analyse de l'échec relatif du test
d'introduction de Mondex à New-York11 (s'étendant sur tout Manhattan Upper West Side) a
été de souligner la nécessité de proposer les PME, la ou ils sont les plus utiles, c'est-à-dire
pour les paiements automatisés (Distributeurs automatiques, laveries…).
Le PME peut également avoir une utilité aux yeux du consommateur s'il rend le processus de
paiement en lui-même plus simple ou plus rapide pour le consommateur. C'est en effet une
des justifications de l'adjonction de services au PME. Ainsi, pour emprunter un transport en
commun, l'utilisateur doit normalement attendre au guichet, payer, puis présenter son billet au
point de control, et enfin conserver son titre de transport. Avec le PME, toutes ces étapes
peuvent être regroupées en une seule: L'utilisateur en présentant son PME au point de contrôle
déclenche le paiement qui est enregistré (l'enregistrement permet de prouver la possession
d'un titre de transport, mais aussi la tenue d'une comptabilité avec le PME). Le processus est
donc bien simplifié et rendu plus rapide par le PME.
D'autres avantages comparatifs du PME, réels ou supposés sont souvent cités pour
l'accomplissement des fonctions traditionnelles de la monnaie :
Le PME est par exemple censé faciliter l'accomplissement de la fonction de conservation et de
transport de valeur en évitant le transport de monnaie lourde ou encombrante. Il est censé
faciliter les paiements en supprimant le besoin de compter les pièces et la difficulté de les
reconnaître et rendre le paiement plus rapide. Il est supposé sécuriser la valeur : en limitant les
risques en cas de perte ou de vol et garantir l'anonymat des paiements.
Ces fonctions sont cependant plus ou moins bien remplies par les différents PME. En ce qui
concerne la sécurité par exemple, le système Monéo n’offre guère plus de garantie qu’un
billet de banque. Afin de réduire les coûts d’investissement, ses créateurs l’ont équipé d’une
puce beaucoup moins sécurisée (et beaucoup moins chère) que celle d’une carte bancaire. En
cas de rechargement frauduleux (qui selon l’Union Fédérale des Consommateurs est un jeu
d’enfant), le client est exposé à une perte de 100 euros correspondant au montant maximum
de stockage plus une franchise qui peut s’élève à 275 euros auxquels il faut ajouter une
franchise de 275 euros si le rechargement a été effectué via une carte bancaire, soit un total de
650 euros. De plus, Monéo n’est pas un instrument anonyme de paiement puisque le banquier
peut facilement tracer les habitudes de consommation des utilisateurs.

Le PME sera donc jugé utile s'il est disponible dans les situations ou il présente un avantage
réel et reconnut par le consommateur, lorsqu'il est comparé aux espèces, et s'il permet de
remplir certaines fonctions de la monnaie mieux que les espèces ou encore s'il est associé à
des services complémentaires eux même jugés utiles par les consommateurs.

10
A ce propos, lire en particulier, Isabelle SZMIGIN, Humphrey BOURNE, "Electronic cash : a qualitative assessment of
its adoption", in International Journal of Bank Marketing, 1999, p. 192-202
11
Leo VAN HOVE, "The New-York City Smart Card Trial in Perspective : A Research Note", in International Journal of Electronic Commerce,
Vol.5, Num.2, Winter 2000-2001, p. 119-131

4
La reconnaissance d'une certaine utilité du PME par les consommateurs est une condition
nécessaire mais cependant pas suffisante pour garantir le succès du PME, notamment en
présence de coûts liés à son utilisation (C).
La question de la charge du coût du PME est capitale. Dès lors que les avantages procurés par
le PME à l'une des parties prenantes ne compensent pas la part du coût supporté, le PME a
peu de chances de rencontrer le succès.
Pour le moment en France, le système est cher pour les deux parties de la transaction. Les
commerçants doivent assumer le coût de l’installation d’un terminal de paiement ainsi que le
coût des transactions tout au long de l’utilisation du système. Actuellement, les banques leur
proposent deux tarifs : un forfait mensuel d’environ 5 euros ou une commission qui peut
varier de 0,3 % à 0,9 % sur chaque transaction. Les porteurs des cartes payent quant à eux un
forfait annuel entre 7 et 12 euros alors que ce service est gratuit dans la plupart des pays
européens (Espagne, Pays-Bas, Autriche, Norvège, Suisse).
L'interrogation des utilisateurs de PME12 montre qu'en présence d'une solution alternative
gratuite, les consommateurs préfèrent utiliser cette solution gratuite si elle est facilement
accessible. En effet, dès lors que les bénéfices procurés par les services fournis par le PME
sont jugés faibles par le consommateur, celui-ci n'est pas prêt à en supporter le coût. Ainsi, le
système testé gratuitement en province en 2000, avait rencontré un vrai succès. En Bretagne,
la gratuité du service pendant les premiers mois a permis de conquérir 300 000 porteurs qui
continuent de l’utiliser.

Enfin, l’utilisation d’un moyen de paiement est fondée sur la confiance laquelle elle même
dépend de notre expérience sociale. Si nous employons massivement des pièces et des billets
pour régler des achats, c’est parce que nous avons l’expérience qu’ils sont universellement
acceptés. Pour que le consommateur considère le PME comme un instrument de paiement
crédible, celui-ci doit donc garantir une certaine universalité d'usages. Hors, comme nous
l'avons vu, lorsque son utilité devient faible, un coût trop élevé du PME lui fait préférer
l'usage des espèces. Ainsi, pour son utilisation la plus courante, les paiements en point de
vente, le PME présente une utilité souvent perçue comme limitée par le consommateur en
échange de laquelle celui-ci n'est pas prêt à payer. Le consommateur ne considèrera donc pas
le PME comme universelle, puisque dans la plupart des cas sont coût le rend inutile. De plus,
les PME n'étant pas facturés au paiement mais généralement forfaitairement, le consommateur
a l'impression de payer pour tous les paiements qu'il effectue, alors que le PME n'est utile que
pour une petite fraction de tous ces paiements. L'adoption d'une tarification discriminante qui
consisterait à faire payer uniquement certaines utilisations semble actuellement irréalisable
pour la plupart des PME car elle nécessiterait des dispositions techniques et donc une
structure de coûts proches de celles des cartes de crédit.
Afin de distinguer leurs offres de celles des concurrents, les banques BNP Paribas et Crédit
Lyonnais incitent leurs clients à s’équiper de cartes bancaires dotées de la fonction Monéo en
leur proposant des tarifs beaucoup plus intéressants. Les banques se demandent s’il n’aurait
pas fallu lancer Monéo comme un service gratuit pour les porteurs et imposer une tarification
beaucoup plus souple aux commerçants. Le modèle d’activité économique choisi par les
banques consistant à faire subir aux commerçants et utilisateurs des cartes le coût du système
est difficilement justifiable d’un point de vue économique car à l’inverse des espèces qui ne
rapportent rien aux banques, les sommes mises en réserve dans les PME (système de
prépaiement) peuvent être investies et générer des revenus d’intérêt aux banques. Les revenus
ainsi dégagés peuvent leur permettre à l'image des fournisseurs d'accès à Internet gratuits,
d’envisager d’autres modèles d'activité économique. Par exemple, le modèle de Free repose à

12
Voir par exemple l'étude qualitative menée par Szmigin.

5
40 % sur le commerce électronique, à 40 % sur le reversement par les opérateurs de
télécommunication d'une partie des communications téléphoniques liées à l'accès à Internet, et
à 20 % sur la publicité.
Ces modèles sont en amont de l'analyse concurrentielle. Ils décrivent les conditions
nécessaires, mais non suffisantes, pour qu'une activité soit profitable durablement. L'analyse
de l'avantage concurrentiel vient ensuite. Bien sûr, si une entreprise met en place un modèle
économique particulièrement original et efficace, elle en tirera d'importants avantages
concurrentiels. Mais, ces derniers sont souvent de courte durée, car les modèles d'activité
économiques se diffusent rapidement et sont difficilement protégeables.

La situation de Monéo devient de plus en plus grave. Les commerçants qui ont déjà investi
dans le système attendent que les banques résolvent les problèmes qui l’empêchent de se
développer et souhaitent qu’elles donnent une impulsion positive pour accélérer sa diffusion.
Les commerçants qui se sont abstenus d’adopter Monéo observent patiemment la situation et
ne s’équiperont que si le nombre de paiement par Monéo s’accroît fortement.

En fait, Monéo rencontre en plus des problèmes précédemment évoqués, celui des externalités
de réseau qui se pose lors de l’émergence de toute nouvelle solution de paiement. En effet,
tant qu’une solution de paiement n’a pas été adoptée par de nombreux clients, il y a peu
d’intérêt pour les commerçants de la choisir. Et inversement, si elle est proposée par un faible
nombre de commerçants, les clients sont peu enclins à utiliser ce moyen de paiement d’autant
plus si respectivement son coût et son niveau de sécurité apparaissent prohibitif et insuffisant
par rapport aux avantages perçus.
La nécessité d'établir une base d'utilisateurs importante est un impératif pour les biens
réseaux, quelque soit leur nature. Un moyen d'atteindre cet objectif est de profiter de la
tendance à la concentration des fonctions dans un même objet, rendue possible par les
avancées technologiques.
Cette idée vient confirmer celle précédemment évoquée selon laquelle il est nécessaire
d'enrichir les fonctions du PME.
D'autres industries commencent à mettre ce type stratégies en place :
Dans la guerre qui oppose les fabricants de consoles de jeux vidéos par exemple, Sony a
retardé la sortie de sa console nouvelle génération (Playstation 3) afin d'y intégrer de
nouvelles technologies. Se faisant, Sony a considérablement accru son coût de production et
son prix de vente. Sony ne répercutera certainement pas l'intégralité de ce coût, afin que la
console reste abordable, et garantisse une base d'utilisateurs suffisamment importante pour
inciter les développeurs à acheter des licences. Cependant, si l'on s'en tient au marché des
consoles vidéo, cette stratégie ne semble pas la plus pertinente, et les analystes s'accordent à
dire que la stratégie du concurrent Nintendo, qui consiste à proposer une console beaucoup
moins chère à produire, mais moins aboutie techniquement sera sans doute la plus rentable, et
de loin. L'explication de ce choix de stratégie est cependant plus complexe qu'il n'y parait, et
réside dans une vision élargie des marchés de la part de Sony. La PS3 intègre en effet la
technologie Blue Ray que la marque tante d'imposer comme standard, avec à la clé des
perspectives de profits très importants. Ainsi, Sony tente d'imposer une nouvelle technologie
en bénéficiant de la base installée d'une autre technologie. Les 71 millions d'acheteurs attendu
de la PS3, console de jeux, se transformeront en 71 millions de processeurs de lecteurs blue-
ray, constituant ainsi une base installée sur laquelle Sony compte bien s'appuyer pour imposer
sa technologie face aux autres technologies concurrentes et incompatibles.

6
On retrouve donc ici la nécessité d'adjoindre au PME des services complémentaires, soit pour
augmenter son utilité comme évoqué précédemment, mais aussi dans le but de profiter d'une
base d'utilisateurs déjà existante.
Au Japon un premier pas a été fait dans ce sens et a été couronné de succès : NTT DoCoMo a
intégré la technologie sans contact Felica de Sony à ses mobiles depuis juillet 2004 (avant
d'être suivit par les opérateurs concurrents KDDI et Vodafone en 2005). La principale
fonction utilisée, le PME EDY tire profit de cette technologie en permettant d'accélérer le
temps de transaction pour les micro-paiements. Le service se trouve ainsi non seulement
amélioré, mais profite également de la base installée d'utilisateurs d'EDY qui existait sous
forme de carte. Parallèlement, d'autres applications, notamment de billetteries permettent de
diversifier l'offre, augmentant ainsi l'utilité du système. La solution SUICA à l'origine
uniquement destinée au paiement de transport, s'est dans un premier temps invitée sur les
portables, avant de proposer également un porte monnaie électronique venant concurrencer
EDY. Ce nouveau concurrent a l'avantage de disposer d'une large base installé du côté des
consommateurs, puisque 12 millions d'entre eux l'utilisaient déjà pour la billetterie. Ces deux
stratégies semblent en passe d'être imitées en France par Orange et Bouygues (avec Navigo)

On peut dire que le moment est décisif pour Monéo. Soit ses créateurs réussiront à surmonter
les obstacles existants et Monéo rencontrera finalement le succès escompté, soit sa chute
définitive surviendra dans les mois à venir. En réponse à ces inquiétudes, les huit principales
banques françaises actionnaires de BMS se sont réunis plusieurs fois en 2003 afin d’examiner
tous les scénarios d’avenir pour Monéo, y compris « l’arrêt pur et simple ». Après avoir
identifié les erreurs initiales de stratégie de BMS, consistant notamment à signer quelques
gros contrats avec de grandes enseignes en négligeant de petits commerces et les utilisateurs
potentiels, les banques ont suggéré de réorienter la carte vers des besoins spécifiques non
satisfaits par le système de cartes bancaires : les moins de 18 ans, les publics exclus du
système bancaire, etc.
Mais c’est réellement en septembre 2003 que les principaux actionnaires ont pris la décision
de sauver Monéo. Ils se sont lancés dans des concertations et négociations qui ont abouti le 17
décembre 2003 à un renouvellement de la confiance des actionnaires dans le projet pour les
trois prochaines années. Parmi les principales orientations stratégiques prises figure
l'accélération du déploiement du porte-monnaie dans la distribution automatique et les cartes
partenaires, notamment avec les collectivités locales afin d’ajouter des services à ce PME
(paiement des horodateurs et parking municipaux, carte de cantine, carte de piscine, etc.).
Pour les porteurs particuliers, plusieurs établissements se sont engagés à lancer des offres
tarifaires promotionnelles. Cependant, le budget voté pour 2004 est en légère baisse par
rapport à 2003, environ 20 millions d’euros, ce qui semble insuffisant pour couvrir les besoins
financiers du projet. En effet, les deux principales sociétés porteuses du projet, BMS
Exploitation et BMS Développement, ont déjà dû procéder chacune à deux augmentations de
capital en janvier et en mars 2004, pour un total d’environ 18 millions d'euros, soit le niveau
de pertes constaté par l'ensemble des sociétés fin 2002. De plus, BMS doit encore plus de 14
millions d'euros aux anciennes sociétés créatrices des porte-monnaie Seme et Modeus, qui ont
donné naissance à l'actuel Monéo.
Est-ce que Monéo sera sauvé et les acteurs concernés renouvelleront leur confiance au
système ? La réponse à cette question pourra être donnée dans quelques mois. L’essentiel est
que les démarches afin de sauver ce porte-monnaie électronique aient été prises. Maintenant,
il faut croire que la nouvelle stratégie amènera Monéo au succès, lequel est attendu déjà
depuis longtemps.

7
Le retard des USA et du Canada dans l’utilisation des cartes à puce explique le
développement plus lent des PME. Plusieurs projets sont en cours d’expérimentation
notamment dans les transports mais aucune volonté d’harmonisation ne semble apparaître.
En particulier au Canada, il n’y a pas actuellement de PME en exploitation malgré les deux
expérimentations du PME Mondex qui ont été lancé entre 1997 et 2001 à Guelph (Ontario), et
Sherbrooke (Québec). Elles ont été des échecs cuisants malgré le soutien des principales
banques et une campagne de publicité massive et étendue car ces expériences devaient servir
d’exemple pour un déploiement en Amérique du Nord.
Dès les premières utilisations, ce PME a généré de nombreuses polémiques dans des secteurs
aussi divers que la sécurité, le respect de la vie privée et la politique monétaire.
Si lors du deuxième lancement en 1999, des améliorations techniques ont été apportées (le
système d’exploitation est devenu multi-applications, et le processeur de la puce a gagné en
puissance), le projet n’a été soutenu que par une minorité de banques. Finalement,
l’expérience a été arrêtée en 2001.

En revanche, l’Asie est la zone la plus dynamique dans ce domaine des paiements
électroniques avec nouveaux projets de PME multi-applications. Le PME Octopus (carte sans
contact) est le plus utilisé au monde avec 13 millions cartes en circulation et dont 95%
utilisées régulièrement dans les transports en commun, les boutiques, les restaurants, etc.
Le succès est principalement dû a une adoption par les sociétés de transport dès 1997 et à la
densité de la population qui facilite la couverture du territoire tant au niveau des commerces
que des automates de rechargement. Une autre fonctionnalité de ce PME est le contrôle
d’accès aux immeubles résidentiels.

Les nombreux échecs et les quelques succès observés lors du lancement des PME permettent
de tirer plusieurs leçons. Tout d’abord, mettre en place une nouvelle solution de paiement est
un lent processus dans lequel les acteurs technologiques et sociaux doivent s’adapter l’un à
l’autre.
Ensuite, les effets de réseaux jouent un rôle crucial dans l’adoption d’un PME ; plus le
nombre de personnes l’utilisant augmente, plus il devient utile.
Le degré d’acceptation d’une monnaie dépend étroitement de son nombre de détenteurs. C’est
en définitive le nombre de connexions possibles entre détenteurs d’une monnaie qui font son
utilité. C’est dans sa fonction de règlement que les effets de réseau de la monnaie sont les plus
perceptibles. En effet, une transaction doit obligatoirement réunir le moyen de paiement
proprement dit et son acceptation par le bénéficiaire de la transaction. Ce phénomène que
Katz et Shapiro, appellent le "paradigme hardware/software" s'applique à de nombreux
marché et notamment aux réseaux de cartes de crédit, pour lesquels la carte constitue le
hardware et l'acceptation par les marchands le software (Katz et Shapiro).
Si on prend l’exemple de la carte bancaire à puce en France, on a observé que plus les
porteurs de cartes ont été nombreux plus les commerçants se sont équipés de terminaux.
Ainsi, la décision d'adopter un PME par un consommateur n'a pas ou peu d'effet direct sur la
décision des autres consommateurs. L'effet de cette décision ne se fait ressentir
qu'indirectement et dans le temps, à travers la décision des marchands de proposer cette
solution de paiement. Dans ce marché, ou les deux composantes sont offertes par un unique
fournisseur, la question est alors de déterminer "ce que l'entreprise peu faire pour influencer
les attentes de l'acheteur" (Katz et Shapiro)
En présence d’effets de réseau, les consommateurs ne prennent pas en compte les effets de
réseau qu’ils occasionnent ce qui peut conduire à un blocage sur une technologie peu efficace.
Les consommateurs font leur choix de consommation non pas sur la base des qualités
intrinsèques de chaque technologie mais en fonction du nombre de personnes qui ont choisi

8
l’une ou l’autre des solutions concurrentes dans le passé. C’est cela qui rend une technologie
plus attractive et augmente ses chances de s’imposer dans le futur. Le lancement d’un moyen
de paiement doit se faire dans une logique économique, et plus particulièrement dans une
logique de « bien réseau ». Les effets de réseau sont donc à l’origine de rendements croissants
d’adoption. De la même manière, les moyens de paiement sur Internet s’inscrivent dans cette
problématique de « bien réseau », ce qui permet de comprendre pourquoi le marché est
dominé par SSL13 en dépit de sa sécurité précaire14. Sa facilité d’utilisation et son intégration
aux deux principaux butineurs, « Internet Explorer » et « Netscape Navigator », lui procure
une base installée d’utilisateurs avec laquelle d’autres systèmes comme SET15 ne peuvent pas
rivaliser, malgré leur supériorité en terme de sécurité. SHAPIRO & VARIAN (99) suggèrent
d’ailleurs de subventionner le développement au démarrage de la technologie la plus efficace,
de manière à engendrer une base installée importante, puis à augmenter son prix. En outre, les
recherches de Chakravarti et Xie16 sur l'impact d'une guerre des standards sur l'adoption d'une
nouvelle technologie par les consommateurs souligne la nécessité de communiquer sur les
avantages relatifs du PME face au standard en place, c'est-à-dire les espèces.

En conclusion, les facteurs de succès de ce moyen de paiement sont la sécurité, l’anonymat


des transactions, les coûts de transaction ainsi que le cumul de plusieurs fonctions (paiement,
titre de transport, accès à un immeuble, etc.). Ces facteurs connus des banques de part leur
expérience dans les cartes bancaires ont souvent été négligés et expliquent les problèmes de
développement de nombreux PME. Il faudra donc attendre encore plusieurs années avant de
voir des PME réellement s’imposer comme une alternative crédible aux paiements en espèces
pour les règlements de proximité, et encore beaucoup plus de temps pour qu’ils puissent
concurrencer les solutions de micropaiement sur Internet.

13
Sur Internet, la plupart des transactions sont actuellement réglées par carte bancaire, moyen de paiement
traditionnel utilisé dans la vente à distance. Il existe deux catégories d'utilisation de SSL, avec ou sans
intermédiaire. Dans sa version standard, c'est-à-dire sans intermédiaire, le consommateur communique le numéro
et la date d'expiration de sa carte bancaire, au marchand, cryptés par le protocole SSL (Secure Socket Layer).
Afin d'éviter que les numéros de carte bancaire soient stockés par le commerçant, des intermédiaires ont créé des
solutions de paiements, fondées sur ce protocole, dont l'objectif est de gérer le règlement entre le client et le
commerçant (Payline, SIPS et Télécommerce de France Télécom).
14
Voir "Les paiements électroniques sur Internet", SAHUT JM, Gestion 2000, n°2, mars-avril 2001
15
Comme le système SSL n'offre aucune assurance quant à l'identité du commerçant et du client, les deux grands
opérateurs de carte de crédit (Visa et Mastercard) et plusieurs sociétés américaines (Microsoft, IBM, Netscape..)
ont développé le protocole SET (Secure Electronique Transaction) afin de sécuriser à moindre coût les
transactions par carte bancaire sur Internet. Le système repose sur le chiffrement des informations transmises
(comme SSL), mais il délivre également des certificats d'authenticité des transactions électroniques.
16
Amitav CHAKRAVARTI, Jinhong XIE, "The impact of standards Competition on Consumers : Effectiveness
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