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Lavoisier | « Psychiatrie »
2013 | pages 65 à 73
ISBN 9782257205407
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Ce type de classification a généralement la faveur porté (patients « sous le seuil diagnostique »), fidélité
des médecins habitués à ces modèles diagnostiques. interjuges des diagnostics insuffisante, même avec
Néanmoins, dès la publication du DSM-III en 1980 l’emploi des entretiens semi-structurés ou structu-
qui pérennise le modèle médical en psychiatrie et rés, et enfin, utilité clinique discutable des catégories
inaugure l’axe II distinct de l’axe I où figurent les isolées.
troubles mentaux, des voix se sont élevées pour sug- Le groupe de travail chargé de soumettre des pro-
gérer, défendre ou préconiser plutôt des modèles positions pour l’élaboration du DSM-IV avait déjà
alternatifs fondés notamment sur des dimensions prévu, à l’époque, d’adopter un modèle dimensionnel
psychologiques en matière de personnalité. pour les troubles de la personnalité. Néanmoins, dans
Cela a été le cas, entre autres, de A. Frances (futur la version finale des recommandations, la position des
directeur de la task force du DSM-IV), de J.S. Wiggins experts avait été tempérée, avec quelques phrases de
et al. ; de T.A. Widiger, un psychologue américain ; principe suggérant le développement souhaitable d’un
d’un autre psychologue de renom, H.J. Eysenck en modèle dimensionnel mais surtout appelant de leurs
1987 ; mais aussi de psychiatres comme W.J. Livesley vœux des études destinées à justifier scientifiquement
ou C.R. Cloninger [25, 26]. une telle évolution et le choix définitif des principales
dimensions retenues.
Après la publication du DSM-IV, ce mouvement
vers le dimensionnel s’est poursuivi avec les publi-
L’ insatisfaction croissante liée cations de T.A. Widiger et P.T. Costa Jr en 1994,
P. Tyrer et T. Johnson en 1996, C.R. Cloninger et
aux systèmes catégoriels
D.M. Svrakic en 1997, L.A. Clark, W.J. Livesley et
L.C. Morey en 1997.
Les principaux inconvénients du système catégoriel Toutefois, bien que le passage au modèle dimen-
ont déjà été évoqués précédemment : trop nombreux sionnel soit défendu par un nombre croissant de
diagnostics co-morbides, trop nombreux patients psychologues spécialisés dans le champ de la psycho-
classés dans une catégorie résiduelle, celle des troubles pathologie, il existe aussi des arguments contre une
non spécifiés, limites diagnostiques arbitraires et ins- telle évolution.
tables dans le temps, validité même des catégories Ce passage représenterait en effet une rupture avec
établies incertaine, perte totale de l’information pour la tradition médicale, avec les habitudes des pratiques
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des médecins et avec la littérature psychiatrique pour Un premier procédé – le plus simple – consiste à la
laquelle troubles de la personnalité et pathologie men- dimensionnalisation des catégories diagnostiques d’ores
tale sont intimement liés. et déjà individualisées. Cette solution déjà imaginée par
Enfin, de nombreux doutes subsistent encore sur le T.A. Widiger avec C.J. Sanderson en 1995 a été propo-
choix du « meilleur » système dimensionnel à retenir sée par P. Tyrer et T. Johnson (modèle 1) en Angleterre,
du point de vue de sa validité, des preuves de son inté- mais aussi par J.M. Oldham et A.E. Skodol (modèle 2)
rêt clinique pour la pratique médicale et de sa faisabi- aux États-Unis, qui sont tous deux psychiatres
lité clinique. En effet, comme nous allons le détailler (Encadré 9-1), et par D. Westen et J. Shedler (modèle 3,
ci-dessous, plusieurs systèmes dimensionnels existent. 2000), qui sont psychologues (référencés dans [25]).
Ils ont pu faire la preuve de leur intérêt scientifique
avec, par exemple, une certaine validité prédictive
(prédiction d’attitudes à attendre, risques de compli- Encadré 9-1. – Les propositions
cations ultérieures, etc.) dont l’emploi nécessite, outre de J.M. Oldham et A.E. Skodol.
une longue expérience clinique, un temps d’évalua- Une approche dimensionnelle prototypique des
tion prolongé, incompatible avec une pratique cli- troubles de la personnalité fondée sur des critères suf-
nique habituelle. fisamment homogènes :
– 1 à 2 critères présents : simples traits ;
Il existe de nombreux systèmes dimensionnels de
– 3 critères présents : caractéristiques « sous le seuil
la personnalité. La plupart d’entre eux sont multidi- diagnostique » ;
paratoires au futur DSM-5. Ses conclusions ont été Une deuxième voie consiste à réorganiser les listes
publiées [25]. de critères existants en listes de manifestations plus
Je passerai en revue les principaux modèles pré- utiles sur le plan clinique et retenant des dimensions
sentés et discutés dans cet ouvrage avant de clore ce validées de façon empirique. Cette voie correspond
chapitre en évoquant le cas tout à fait singulier du aux propositions de L.A. Clark, A.R. Harkness et
multiphasic Minnesota personality inventory (MMPI), J.L. McNulty, W.J. Livesley et D. Westen.
questionnaire « multiphasique » initialement déve- –– L.A. Clark (modèle 4) [4, 5] prône l’utilisation de
loppé en 1943, puis révisé en 1989 sous la direction l’outil schedule for nonadaptive and adaptive personality
de J. Butcher. Ce questionnaire qui a connu plusieurs (SNAP) (Encadré 9-2).
décennies de gloire a été utilisé dans l’évaluation mul- –– A.R. Harkness et J.L. McNulty (modèle 5) [12]
tidimensionnelle de la personnalité. J’évoquerai pour défendent l’utilisation du personality psychopathology
terminer les principales raisons de sa tombée en désué- five (PSY-5).
tude malgré les études dont il a fait objet.
Encadré 9-2. – Le SNAP de L.A. Clark.
D ix - huit modèles – 375 items, réponses en vrai/faux.
– Quinze échelles distinctes.
multidimensionnels – Douze dimensions : méfiance, manipulation, agres-
sion, auto-agression, perceptions excentriques,
dépendance, exhibitionnisme, sentiment d’avoir
T.A. Widiger et E. Simonsen ont rédigé une syn- droit, détachement, impulsivité, propriété et
thèse des principaux modèles dimensionnels proposés workaholism ou addiction au travail.
à ce jour, du moins pour ceux qui offrent des garan- – Cinq facteurs de premier ordre : l’affectivité positive,
ties suffisantes d’intérêt scientifique, c’est-à-dire qui l’agressivité, la contrainte, l’émotionnalité négative
ont fait l’objet d’études dites de validation. Cette syn- et le psychoticisme.
thèse publiée en 2006 est en réalité surtout le résumé
d’un article précédemment publié dans le Journal of
Personality Disorders en 2005 par ces deux auteurs [26]. Le PSY-5 comporte cinq facteurs de premier ordre :
Elle concerne 18 modèles dimensionnels. J’ai retenu le agressivité, psychoticisme, contrainte, émotionnalité
plan de leur propre présentation de ces modèles. négative/névrosisme, émotionnalité positive/extraversion.
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retenir trois grandes dimensions correspondant aux ments impulsifs et agressifs n’est pas superposable au
3 clusters des troubles de la personnalité proposés psychoticisme de A.R. Harkness et J.L. McNulty qui
dans le DSM-IV-TR mais les études ayant tenté de se réfère aux perturbations cognitives et perceptuelles
(Encadré 9-5).
•• P.T. Costa Jr et R.R. McCrae (modèle 12, 1990)
Encadré 9-4. – Le SWAP 200 avec le modèle à cinq facteurs (five factor model [FFM]).
de J. Shedler et D. Westen. Ce modèle est celui qui a fait l’objet du plus grand
nombre d’études. Il est à ce jour le plus populaire. Il est
• Cette approche a été développée depuis 1998-1999
développé dans le chapitre 10 de cet ouvrage, avec un
et permet d’évaluer le degré de ressemblance d’une
personne avec des prototypes spécifiques (prototype outil spécifique d’évaluation, le neuroticism extraver-
matching). sion openness personality inventory revised (NEO-PI-R).
• La cotation relève de la technique du Q-sort et com- Il est actuellement en cours de révision sous l’appel-
porte 8 catégories qui vont de (hautement caractéris- lation : NEO-PI-3. Ce questionnaire de 240 items,
tique du sujet) à 0 (ne décrit absolument pas le sujet). cotés en 5 points, explore les cinq dimensions sui-
• Douze dimensions de personnalité cliniquement vantes, désignées par l’acronyme OCEAN :
cohérentes ont été mises en évidence par les auteurs :
1. santé psychologique, force, ressources internes ;
O pour ouverture aux expériences (openness),
2. psychopathie, impulsivité, absence de remords ; C pour caractère consciencieux (conscientiousness),
3. hostilité ; E pour extraversion versus introversion,
4. narcissisme ; A pour agréabilité (agreableness),
5. dysrégulation émotionnelle ; N pour névrosisme (neuroticism), autre dimension
6. dysphorie, dépression, anhédonie, humiliation ; fondamentale en psychopathologie, faite d’instabilité
7. orientation schizoïde ;
émotionnelle, de tendances à l’anxiété, à la colère, à
8. obsessionnalité ;
9. trouble de la pensée, schizotypie ; la nervosité et à la dépressivité de l’humeur. Certains
10. conflit œdipien, séduction inappropriée ; auteurs parlent plus simplement du « NEO » au sujet
11. dissociation, discordance entre affects, cogni- de ce questionnaire.
tions, mémoire ; •• L.S. Benjamin (modèle 13), en 1996 [1], puis
12. sexualité conflictuelle. avec J.S. Wiggins en 2003 [29] a proposé un modèle
• L’analyse factorielle retrouve une structure à 7 facteurs. original, le Interpersonal Circumplex (référencé dans
[25]) peu connu en France.
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•• T. Millon (modèle 14), dont les travaux sont •• Enfin, M. Zuckerman (modèle 18) a développé le
aussi surtout connus aux États-Unis (Encadré 9-6). zuckerman-kuhlman-aluja personality questionnaire 2
•• A. Tellegen (modèle 15) utilise le multidimen- (ZKA-PQ) (référencé dans [25]).
sional personality questionnaire (MPQ) de D. Watson Ce questionnaire a été développé à partir des tra-
(référencé dans [25]). vaux initiaux de M. Zuckerman [29]. Il comprend
•• C.R. Cloninger (modèle 16) utilise le tempe 200 items. Cinq facteurs ont été identifiés : névro-
rament and character inventory (TCI) à partir de 1993 sisme-anxiété, sociabilité, agression-hostilité, impulsi-
(Encadré 9-7). vité-recherche de sensations et activité.
L e « meilleur » système
Encadré 9-6. – La théorie de T. Millon. dimensionnel ou un modèle
La théorie biosociale de T. Millon, d’inspiration hiérarchique intégratif ?
comportementale, s’est développée depuis la fin des
années 1960. La troisième édition de son traité, disor-
ders of personality, a été publiée en 2011. Le choix d’un présumé meilleur système dimen-
Le principal outil d’évaluation est le millon clinical sionnel est-il possible ? Et est-il envisageable d’inté-
multiaxial inventory (MCMI) (cité dans [25]). Il a décrit grer plusieurs modèles proposés dans un modèle
des styles de personnalité à l’aide du millon index of per- hiérarchique unique ?
sonality styles (MIPS) (cité dans [25]). Quinze styles de
personnalité sont ainsi répertoriés, répartis en 4 catégo-
Il n’existe pas de véritable consensus pour les
ries. L’analyse factorielle des données plaide en faveur réponses à ces deux questions.
de l’existence de quatre larges dimensions : la dysré- Le modèle à cinq facteurs est celui qui a fait l’objet
gulation émotionnelle versus la stabilité émotionnelle, du plus grand nombre d’études, surtout quant à la sta-
la contrainte versus l’impulsivité, l’extraversion versus bilité de sa structure factorielle selon les échantillons
l’introversion et l’antagonisme versus la compliance. et dans le temps. Cependant, son utilité clinique pour
des médecins et sa faisabilité pratique dans l’exercice
de la médecine ne sont pas solidement établies.
L’intégration de plusieurs modèles alternatifs en un
•• P. Tyrer (modèle 17) a développé le personality modèle hiérarchique unique a été préconisée par plu-
assessment schedule (PAS) à partir de la fin des années sieurs auteurs dont R.F. Krueger depuis le courant des
1970 (référencé dans [25]) (Encadré 9-8). années 1990.
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dimension de la recherche de la nouveauté serait liée au témoignent les échanges publiés dans psychological assess-
fonctionnement du système dopaminergique, l’évitement ment en 2008 entre R.F. Farmer et L.R. Goldberg et les
du danger au système sérotoninergique et la dépendance à réponses de C.R. Cloninger.
la récompense au système noradrénergique.
Farmer et Goldberg ont publié [10] un article sur
À la suite d’un questionnaire expérimental que
l’évaluation psychométrique de la forme révisée du TCI,
C.R. Cloninger avait précédemment développé explorant
uniquement le tempérament sur trois dimensions, le tri- TCI-R, et une forme abrégée, le TCI-140 qui met en doute
dimensional personality questionnaire (TPQ), cet auteur la distinction entre tempérament et caractère et met en évi-
a élaboré un questionnaire adapté à l’évaluation des sept dence des difficultés pour différencier l’évitement du dan-
dimensions imaginées. ger, la recherche de la nouveauté et la détermination.
Le temperament and character inventory (TCI) était ini- La revue générale des auteurs rappelle aussi les faiblesses
tialement constitué de 226 questions auxquelles le sujet de la version originale du TCI : consistance interne insuffi-
devait répondre par vrai ou faux et nécessitait environ sante pour certains items et instabilité de la structure facto-
40 minutes pour être complété. rielle. La réponse de C.R. Cloninger, la même année, dans
Le TCI a été traduit en français et étudié par A. Pelissolo la même revue [7], conteste la technique d’analyse statis-
(référencé dans [20]). tique retenue par R.F. Farmer et L.R. Goldberg.
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de type bipolaire : dysrégulation émotionnelle versus Une autre donnée de plus en plus assurée est
stabilité émotionnelle, contrainte versus impulsivité, la continuité entre l’axe I des syndromes psychia-
extraversion versus introversion et antagonisme versus triques et l’axe II des troubles de la personnalité [13].
compliance. W.J. Livesley, T.A. Widiger et R.F. Krueger, entre
La synthèse de T.A. Widiger et al. précise enfin autres, pensent en effet que la distinction des deux
qu’il n’existe, à ce jour, que trop peu de données de axes n’est pas scientifiquement justifiée en termes de
génétique comportementale et moléculaire en faveur stabilité temporelle, d’âge de survenue, de réponse
d’une relation entre les polymorphismes génétiques et thérapeutique ou de cooccurrences diagnostiques.
des traits spécifiques de personnalité (W.J. Livesley). Le travail de K.E. Markon, R.F. Krueger et
Malgré une association trouvée entre le gêne du trans- D. Watson en 2005 [18] est en faveur d’un modèle
porteur de la sérotonine et le névrosisme, l’insuffi- hiérarchique qui intègre la structure d’une person-
sance des résultats des études visant à répliquer ces nalité normale et anormale. La méta-analyse de
résultats interdit toute conclusion définitive. Il en est 52 études antérieures ayant utilisé 44 échelles ou
de même des travaux concernant les mécanismes neu- questionnaires distincts destinés à explorer la person-
robiologiques synthétisés par J. Paris [25]. nalité identifie bien cinq facteurs qui sont ceux du
Une classification fondée sur des mécanismes neu- modèle à cinq facteurs. Une solution factorielle limi-
robiologiques paraît donc aujourd’hui « à tout le tée à trois facteurs fait apparaître les trois dimensions
moins prématurée ». Cette réserve s’applique aussi isolées par L.A. Clark et D. Watson, H.J. Eysenck
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Il existe encore des incertitudes sur ce que l’on que celle de l’auto-évaluation, celle d’une observa-
entend par une altération « cliniquement signifi- tion attentive à l’aide d’entretiens semi-structurés
cative » du fonctionnement. Ce sujet de recherche certes, mais aussi celle fournie par l’évaluation par
a été abordé dans plusieurs articles publiés soit par des tiers proches du sujet et si possible d’une obser-
J.C. Wakefield, soit par M.B. First (référencé dans vation longitudinale.
[25]).
Cela nous amène tout naturellement à conclure sur
le problème de l’utilité clinique de la classification des
troubles de la personnalité. Sur ce point, il existe dans
C onclusion
la littérature internationale un constat qui fait consen-
sus : les critères diagnostiques actuels des troubles de La littérature internationale sur les modèles dimen-
la personnalité restent peu utilisés, qu’il s’agisse de sionnels a été très foisonnante au cours des 30 der-
faire le diagnostic lui-même, ou de proposer une thé- nières années.
rapeutique a priori adaptée. Par ailleurs — toujours à Les exemples choisis montrent que les principaux
propos des critères diagnostiques — des concordances modèles proposés ont, entre eux, plus de points com-
interjuges suffisantes ne sont atteintes qu’avec l’em- muns que de divergences. Ainsi, plusieurs dimen-
ploi d’entretiens semi-structurés qui nécessitent un sions fondamentales se dégagent et se retrouvent avec
temps prolongé, incompatible donc avec une pratique régularité malgré la diversité des outils d’évaluation
dsm5.org/). De nombreuses critiques ont été immé- Parmi les modèles existants, le modèle à cinq fac-
diatement formulées dans la mesure où le nouveau teurs, très largement étudié, a de nombreuses quali-
système proposé, beaucoup plus complexe que celui tés. Il reste toutefois d’utilisation délicate en pratique
retenu dans le DSM-IV, aussi bien en ce qui concerne médicale courante et il couvre mal certains champs
la définition même d’un trouble de la personnalité psychopathologiques comme les aberrations percep-
que les modalités retenues pour aboutir au diagnostic, tuelles et cognitives ainsi que la pensée schizotypique.
a paru sans réelle justification empirique, et sa faisabi- Le monde médical ne paraît pas prêt à abandonner
lité a paru médiocre. le modèle catégoriel. La critériologie du DSM-IV est
Une nouvelle définition générale d’un trouble de susceptible d’être améliorée. Des critères plus homo-
la personnalité a été proposée par W.J. Livesley. Les gènes rendraient une dimensionnalisation de ceux-
critères généraux du diagnostic figureraient désormais ci possible. Il est aussi souhaitable de ne pas perdre
sur l’axe I tandis que les traits de personnalité feraient l’ensemble des informations pour les sujets « sous le
l’objet d’une description dimensionnelle dans une seuil diagnostique ».
section particulière du DSM-5, la section 3. La sévérité globale d’un trouble de la personnalité
Après de nombreuses discussions, les catégo- a une signification pronostique ; elle peut faire l’objet
ries diagnostiques isolées dans le DSM-IV ont été d’une cotation en cinq points à l’aide d’une échelle
maintenues. globale du fonctionnement (le soi et les interrelations).
Le nombre de facettes cliniques caractérisant les Le diagnostic d’un trouble de la personnalité béné-
cinq dimensions ont aussi fait l’objet de vives contro- ficie en règle générale d’une approche longitudinale
verses. Elles étaient initialement au nombre de 37, et d’une évaluation provenant de plusieurs sources
elles ne sont plus aujourd’hui que 25. Ce nombre distinctes : le sujet, les proches de l’entourage et des
n’est pas le fruit de résultats statistiques d’études mais évaluateurs professionnels.
plutôt celui d’opinions d’experts. Les questionnaires d’auto-évaluation gardent tout
L’idée d’utiliser une échelle globale en cinq leur intérêt pour le screening. Certains, comme le
points pour qualifier le type de fonctionnement PID-5 de R.F. Krueger et al., sont en cours de déve-
global de la personnalité parait en revanche acquise loppement. Les modalités optimales d’enregistrement
(L.A. Clark). Il en est de même de l’enregistrement des traits de personnalité sont encore discutées. Les
de la sévérité d’ensemble du tableau clinique et de approches prototypiques et les entretiens semi-struc-
l’intérêt d’utiliser d’autres sources d’information turés sont sans doute appelés à se développer au cours
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des prochaines années, surtout pour la recherche cli- 18. Markon KE, Krueger RF, Watson D. Delineating the
nique. Pour la pratique médicale courante, une mul- structure of normal and abnormal personality : an integra-
tive hierarchical approach. J Pers Soc Psychol, 2005, 88 :
tiplication d’échelles globales en cinq points, faciles à
139-157.
cocher, est sans doute une solution plus réaliste. 19. Oldham JM, Skodol AE. Charting the future of axis II.
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Les échelles d’attitudes de réponse, dites de validité, per- Les principales études initiales internationales et la pre-
mettent de pondérer, corriger ou invalider les résultats obtenus mière application française réalisées avec le MMPI-2 ont
dans les échelles cliniques : échelle ? (nombre de réponses : « je été résumées par J.D. Guelfi, M. Simon et I. Gillet dans
ne sais pas ») ; échelle L « mensonge » ; échelle F dite d’« ano- Psychopathologie quantitative en 1995 (Paris, Masson).
malie psychique » ; échelle K, indiquant soit la surestimation, Une recherche systématique effectuée sur PubMed pour les
soit la sous-estimation systématique des symptômes. années 2010 et 2011 montre la persistance d’une littérature
Dix échelles cliniques de base évaluent des « dimensions » consacrée au MMPI-2 : 48 citations mais ce nombre est consi-
provenant de la nosologie psychiatrique : échelles Hs (hypo- dérablement moindre que les centaines de citations annuelles
condrie), D (dépression), Hy (hystérie), Pd (déviation psy- relevées au cours des années 1990 et 2000. Aucune étude
chopathique), Mf (masculinité- féminité), Pa (paranoia), d’envergure avec de larges échantillons n’a été publiée ; aucune
Pt (psychasthénie), Sc (schizophrénie), Ma (hypomanie), et application spécifique dans le domaine des troubles de la per-
Si (introversion sociale). sonnalité n’est signalée au cours des deux dernières années.
La version française en a été publiée en 1959 par le Centre La majorité des études publiées porte sur la validation appro-
de psychologie appliquée (Paris). fondie des nouvelles échelles d’attitudes (N : 15), et sur la vali-
Les notations ont été élaborées de manière à ce que la dité de nouvelles échelles psychopathologiques plus homogènes,
moyenne, pour chaque échelle, soit de 50 et l’écart-type de dites échelles restructurées (N : 7). Les autres travaux portent
10. Les notes au-delà de deux écarts-types par rapport à la sur une forme abrégée du questionnaire (N : 3), des versions
moyenne sont dans une zone pathologique. informatisées (N : 2), des versions en langue étrangère coréenne
Le MMPI a fait l’objet d’innombrables études cliniques (N : 2), des études dans des pathologies thymiques et névro-
et a longtemps été le questionnaire de personnalité le plus tiques (N : 2), addictives et sexuelles (N : 3), en population
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