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La théorie de l’humaindevenant: De la théorie vers la pratique

Chapter · January 2013

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Diane Tapp Mireille Lavoie


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L’Humaindevenant en action : de la théorie vers la pratique

Diane Tapp et Mireille Lavoie

Introduction

Qu’est-ce que soigner? Que vise le soin? Qu’est-ce qu’une infirmière qui prend soin?
Voilà quelques-unes des questions ayant jalonné l’évolution de la discipline infirmière
depuis des centaines d’années. En effet, malgré l’existence très ancienne du soin dans nos
sociétés et ce, sous des formes plus ou moins organisées ou complexes (Nadot, 2008), ce
n’est qu’au cours des deux derniers siècles que les questions majeures au sujet de la
discipline infirmière se sont posées. C’est d’ailleurs à cette période que Nightingale, et
bien d’autres infirmières par la suite, ont tenté de situer le phénomène d’intérêt du soin
infirmier et ses problèmes spécifiques (Meleis, 2007). Pour s’identifier et se distinguer
des autres champs disciplinaires, les infirmières ont notamment tâché de clarifier les
constituants propres au soin infirmier. Malgré ces efforts, de nombreux débats perdurent
dans la discipline quant à la nature de son statut et de son savoir spécifique (Risjord,
2010). En effet, la discipline infirmière demeure éprise d’une équivocité surtout en raison
de l’évolution constante des contextes scientifique, politique et économique (Dallaire et
Aubin, 2008; Kikuchi, 2009).

Bien qu’il existe des dissidences de points de vue associées à ce que signifie la notion de
« prendre soin » ou le rôle de l’infirmière, tous admettrons d’un commun accord la place
fondamentale qu’occupe le patient dans l’art du soin infirmier (Blondeau, 2002). En effet,
l’individu et sa santé constituent l’objet de la pratique infirmière et même sa raison
d’être. Afin de considérer la personne qu’elle soigne et ses besoins uniques, l’infirmière
adopte une attitude ainsi que des comportements relationnels qui favorisent l’expression
de ses perspectives de sorte à respecter au mieux celle-ci. Ces éléments seront d’ailleurs
déterminants de sa satisfaction à l’égard des soins qu’elle aura reçus.

Afin de guider la pratique des infirmières en ce sens, des théories et des modèles
conceptuels ont été développés par plusieurs infirmières théoriciennes. Le but de cet
article est d’abord de préciser brièvement en quoi consistent ces théories et ces modèles
en présentant un bref historique de leur émergence et de leurs principales fonctions. Nous
verrons ensuite la façon dont ces approches, plus particulièrement celle de
l’humaindevenant (Parse, 2003), peuvent nous informer sur les individus et les relations
qu’il est possible d’entretenir avec ceux-ci à partir des principaux thèmes et assomptions
de la théorie. Nous présenterons également certains des concepts propres à l’application
de cette approche dans la pratique, notamment celui la présence vraie. L’emphase
accordée à la reconnaissance simultanée du sens que la personne émet au sujet de ses
expériences de santé, de ses relations, ainsi que des objectifs et des rêves qu’elle poursuit
sera par ailleurs explicitée. Par la suite, une synthèse des résultats des programmes
d’évaluation des processus d’implantation sera présentée en s’appuyant sur celle de
Bournes (2002), et en s’attardant plus précisément aux effets relevés chez les patients et
les infirmières. Pour conclure, des enjeux associés à cette approche ainsi qu’aux
intégrations concrètes effectuées seront soulevés.

L’émergence des théories infirmières et les modèles conceptuels.

C’est après s’être intéressées aux soins infirmiers et à sa mise en œuvre, à son
administration, à son éducation et à sa science sous leurs premières formes, que les
pionnières de la discipline infirmière ont voulu formaliser et exposer les savoirs qu’elles
considéraient spécifiques et nécessaires pour la société (Meleis, 2007). Pour atteindre ce
but, elles les ont structurés et schématisés de sorte à proposer les premières conceptions
infirmières. Ces derniers ont par la suite été davantage développés et promus au sein de la
discipline pour constituer désormais une partie intégrante du savoir infirmier
contemporain (Mitchell, 2002).

Plus exactement, c’est vers la deuxième moitié du 20e siècle que sont apparues les
conceptions infirmières1, telles qu’elles sont connues aujourd’hui, avec les travaux de
Peplau (1952) et de Henderson (1960), ayant par la suite été suivis par exemple par ceux
de Rogers (1970), Roy (1970), Leininger (1978), Watson (1979), et Parse (1981). Ces
conceptions infirmières sont le plus souvent classifiées selon différents paradigmes,
comme ceux de la totalité et de la simultanéité (Parse, 1987), ou de la catégorisation, de
l’intégration et de la transformation (Pépin, Kérouac et Ducharme, 2010), en fonction des
diverses positions ontologiques et épistémologiques adoptées par les théoriciennes. Tout
comme pour la nature de la structure de la discipline, les conceptions infirmières ne
jouissent pas d’une reconnaissance unanime de leur pertinence. Pourtant, on leur attribue
certaines fonctions dont, entre autres, celle d’offrir une orientation philosophique et
pragmatique du soin infirmier à offrir à la clientèle, spécifique à la discipline (Fawcett,
2005).

Une conception particulière du soin infirmier : celle de l’humaindevenant

Les conceptions infirmières permettent par ailleurs de répondre à des questions


fondamentales telles que ce que représente la santé, le soin, l’humain, aidant de ce fait
l’infirmière à conceptualiser davantage son but professionnel. Basée sur les sciences
humaines, la théorie de l’humaindeveant (Parse, 2003, 2007, 2010) se distingue

1
Ce terme tiré de Pépin, Kérouac et Ducharme (2010), désigne indifféremment les théories infirmières et
les modèles conceptuels.
particulièrement par l’emphase qu’elle accorde aux expériences de santé des individus à
travers les sens qu’ils donnent aux situations présentes dans leur vie, ainsi qu’au rôle
privilégié d’accompagnement de l’infirmière, qui se fait dès lors le témoin des
expériences vécues par ces personnes. De manière plus précise, cette théorie permet de
comprendre la santé des individus à partir de leur propre perspective et propose d’être
avec ceux-ci d’une façon qui favorise l’écoute et le respect de leur qualité de vie.

La théorie de l’humaindevenenant a été conçue puis développée par Parse (2003, 2007,
2010) en se basant sur les concepts et les postulats de Rogers (1970) et sur certains des
fondements de la philosophie existentielle-phénoménologique de Sartre (1963),
Heidegger (1972) et autres philosophes. Cette approche, associée au courant
postmoderniste, nous éclaire d’abord sur la richesse, la potentialité et la complexité de
l’humain, de ses choix, de ses relations et de ses aspirations. Partant de cette conception
de l’être humain, elle propose ensuite une façon d’être avec la personne, en relation de
soin, qui représente un guide pour l’infirmière souhaitant les respecter en ce sens.

La théorie

La théorie de l’humaindevenant (Parse, 2003) contient neuf assomptions ayant pour but
d’étayer une vision de la personne dont prend soin l’infirmière. Une version plus récente
de ses écrits (2007, 2010) en propose une synthèse de celles-ci en quatre assomptions. Un
principe vient ensuite mettre en lumière des concepts qui précisent comment l’humain
s’exprime à travers les trois premières assomptions, faisant chacune référence à un thème
particulier, alors que la dernière assomption découle de ces dernières. Par ailleurs, Parse
(2007) a aussi énoncé des postulats qui explicitent les idées fondamentales sous-jacentes
à l’ontologie de l’humaindevenant, qui sont communes et comprises dans les quatre
assomptions. Pour présenter brièvement le contenu de cette structure conceptuelle, les
postulats de base seront énoncés ainsi que les principaux thèmes et assomptions.

Selon Parse (2007) les postulats surplombent chacun des éléments du contenu de sa
théorie. Ceux-ci sont l’illimitabilité, le paradoxe, la liberté et le mystère. Le postulat de
l’illimitabilité désigne les possibilités reliées aux situations de santé qui sont indivisibles,
imprévisibles, toujours changeantes (Parse, 2007). Le postulat du paradoxe représente
quant à lui le rythme vécu « intriqué exprimé comme un pattern de préférence » (Parse,
2007, traduction de Doucet et Maillard-Strüby, 2011, p. 309). Il correspond à la façon de
vivre des éléments d’un même rythme de façon simultanée, en apparence opposés. Parse
mentionne à titre d’exemple qu’« une personne peut choisir de vivre au premier plan la
joie avec un être cher qui est mourant alors que simultanément, elle se sent envahie par
l’inévitable peine » (2003, p.76). Le paradoxe est ainsi la tension fondamentale présente
entre des idées globalement dissonantes (Communication personnelle; Parse 2009). Ce
postulat procure une profondeur supplémentaire à la théorie. En fait, il met de l’avant
l’idée que les choix effectués comportent toujours des opportunités et des restrictions
inhérentes ou encore que les sens donnés aux situations ne sont pas limpides ou clairs.
Dans ce cas-ci, l’utilisation de l’expression « rien n’est blanc ou noir » peut possiblement
faciliter l’expression du sens qui sous-tend la conception du paradoxe et ainsi, en grande
partie, l’essence de la théorie. La liberté, autre postulat, est la libération contextuelle de
moment en moment dans la relation humainunivers (Parse, 2008). En d’autres mots, ce
postulat indique qu’en chaque situation dans la relation humainunivers (prise ici comme
un contexte coconstruit), la personne est libre de choisir et d’être de façon illimitable
(Parse, 2009). Le dernier postulat est celui du « mystère ». Il représente l’inexplicable,
c’est-à-dire ce qui ne peut être connu de façon univoque (Parse, 2008) ou ce qui
transcende le concevable (Parse, 2007). Il indique que les choses ne sont jamais
compréhensibles de façon complète et demeurent essentiellement énigmatiques (Parse,
2007). C’est entre autres pour cette raison que le mystère constitue également aux yeux
de Parse un phénomène central à sa conception théorique.

En bref, ces postulats rendent explicites la complexité ainsi que l’interrelation des
différents éléments qui nous entourent et qui bâtissent, à chaque moment et d’une
manière unique et imprévisible, notre devenir. En effet, de par sa nature essentiellement
libre de choisir et d’être en situation, l’humain se trouve devant des alternatives
illimitables. Ses choix ainsi que les sens en situation ne pourront être tous saisis et
explicités, pas plus que les implications des options rejetées, ce qui constitue
essentiellement un mystère.

À la suite de ces postulats, les fondements de la théorie se révèlent à travers les thèmes et
les assomptions synthétisées. En fait, la première assomption synthétisée indique que
« l’humaindevenant est en choisissant librement un sens personnel en situation, tout en
vivant des valeurs prioritaires » (Parse, 2008, traduction de Doucet et Maillard-Strüby,
2011, p. 372). Le thème mis en valeur dans cette affirmation est celui du sens. Il signifie
que chaque individu conçoit le monde et les situations d’une façon qui lui est propre et
qui est le résultat de toutes les relations simultanées qu’il entretient avec ce qui l’entoure,
c’est-à-dire l’humainunivers. Pour Pilkington et Jonas-Simpson (2009), la cocréation
d’un sens est un processus changeant et continuel à travers l’expérience, dans le moment
présent. En d’autres mots, dans sa relation humainunivers, l’individu est en contact avec
différentes personnes, situations ou croyances. Celles-ci l’amènent simultanément à
choisir, à émettre différents sens et à s’exprimer en langage, en mouvements, et
influencent nécessairement le cours des événements présents et futurs, les éléments
(personnes, objets, souvenirs, rêves) qui constituent sa réalité.
L’assomption associée au thème de la rythmicité précise que « l’humaindevenant est en
configurant des patterns rythmiques de relations avec l’humainunivers » (Parse, 2008,
traduction de Doucet et Maillard-Strüby, 2011, p. 372). En ce sens, c’est dire que la
personne vit sa situation de santé selon différents rythmes et mouvements pouvant
prendre forme dans les relations avec soi-même et autrui, qui peuvent représenter tout
aussi bien des personnes, des objets, des situations et ainsi de suite. Plus spécifiquement,
cette assomption met l’emphase sur l’unicité, l’imprévisibilité et le caractère toujours
changeant de la personne/famille/communauté. La réalité est coconstituée parmi les
éléments qui l’entourent.

Le dernier thème, celui de la transcendance, provient de l’assomption synthétisée


« l’humaindevenant est en cotranscendant illimitablement avec des possibles
émergeants » (Parse, 2008, traduction de Doucet et Maillard-Strüby, 2011, p. 372). Il
signifie que l’humain avance au-delà du moment présent avec ce qui n’est pas encore, en
choisissant à partir des possibles illimitables de la relation humainunivers (Pilkington et
Jonas-Simpson, 2009). Essentiellement, cette assomption témoigne de la nature
imprévisible et unique du futur de l’individu, qu’il crée au gré des situations contextuelles
avec les possibles qui se présentent à lui et qui peuvent prendre la forme de rêves, de
projets, d’espoirs. Ces derniers correspondent aux options infinies d’être et de devenir
dans la situation (Pilkington et Jonas-Simpson, 2009).

Enfin, Parse (2010) précise une quatrième et dernière assomption inextricablement reliée
aux assomptions et postulats précédents. Cette assomption permet de préciser que
l’humaindevenant cocrée de la sorte, et sans interruption, sa propre symphonie, c’est-à-
dire son histoire personnelle et unique (Parse, 1996).

En résumé, cette théorie propose une conception où l’humain coconstruit sa propre


histoire en choisissant constamment un sens en situation, en configurant des patterns
rythmiques de relations « humainunivers », et en se projettant de moment en moment
avec les possibles émergeants. De plus, elle propose une façon d’être avec les personnes
qui permettent essentiellement de respecter celles-ci et de favoriser leur qualité de vie,
telle qu’elles la conçoivent.

La méthodologie de pratique.

L’infirmière qui adopte la perspective de la théorie de l’humaindevenant choisit d’être en


relation avec la personne-famille-communauté avec le but de respecter la qualité de vie et
la santé des personnes à partir de leur propre perspective (Pilkington et Jonas-Simpson,
2009). La qualité de vie correspond à ce que les personnes indiquent qu’elle est en
décrivant les sens vécus, leurs plans et leurs priorités. Par conséquent, il convient de
considérer que l’individu est le mieux placé pour savoir et ainsi choisir ce qui est bon
pour lui et déterminer sa qualité de vie. Dans ce sens, l’infirmière ne cherche pas à
évaluer ni à témoigner de la conformité de l’individu et de ses comportements. Au
contraire, elle s’attarde plutôt à être avec la personne qui vit et exprime ses valeurs et ses
croyances, et qui fait ses propres choix conformément à ses espoirs, ses projets, etc.
Ceux-ci représentent les éléments constitutifs de ses décisions et de ses actions qui la
mènent à devenir, c’est-à-dire à incarner son futur de moment en moment. L’infirmière,
en étant ainsi attentive à la personne, coparticipe à ce « devenir » et soutient par le fait
même l’expression de la qualité de vie telle que définit par celle-ci.

L’élément fondamental de la relation de soin selon l’humaindevenant est d’être en


présence vraie avec chacune des personnes, alors qu’elles vivent leur santé qui, selon
cette perspective, correspond à une synthèse de croyances et de valeurs priorisées qui
tendent à changer selon les évènements composant sa réalité. Concevoir l’humain comme
un « mystère » (fondamentalement libre) qui cocrée sa santé, aide l’infirmière à
considérer ce qui est important pour l'individu, les relations qu’il entretient, ainsi que les
espoirs et les rêves qu’il projette. Cela nécessite une attention qui consiste à se focaliser
en se concentrant sur l’instant présent. L’infirmière demeure attentive aux changements
de sens qui se produisent d’instant-en-instant à mesure qu’elle est témoin de la façon
particulière dont la personne ou le groupe vit ses valeurs prioritaires (Pilkington et Jonas-
Simpson, 2009). Parse (2003) décrit trois dimensions découlant directement des
assomptions et des principes de la théorie.

L’illumination du sens, la première dimension, a lieu par le processus de « l’explication


de ce qui est par le langage ». L’infirmière favorise ici l’émergence de nouveaux
éclairages sur les situations (Parse, 2003) où les échanges révèlent des pensées et des
sentiments qui étaient restés sous-jacents depuis un certain temps. La deuxième
dimension, la synchronisation des rythmes, a lieu par « l’imprégnation avec les hauts et
les bas de la lutte de la conjonction-séparation » (traduction libre, Pilkington et Jonas-
Simpson, 2009, p. 35). En d’autres mots, c’est dire que l’infirmière tente de respecter le
rythme du patient au fur et à mesure que les situations changent. La mobilisation de la
transcendance, troisième dimension, consiste en l’avancement au-delà, dans la
transformation, avec ce qui n’est pas encore (Pilkington et Jonas-Simpson, 2009) et qui
consiste à se projeter avec les possibilités de changements qui sont envisagés par la
personne (Parse, 2003). En résumé, l’infirmière est présente avec l’individu qui exprime
le sens des différentes situations, qui vit ses rythmes de relation et qui cotranscende avec
les possibles. Cela transparait et se traduit notamment dans l’attitude de l’infirmière qui
accompagne la personne sans la freiner ou la pousser tout en tentant de saisir les sens
qu’elle attribue aux situations, les relations qu’elle entretient ainsi que les espoirs qu’elle
nourrit.
En somme, Parse propose un guide conceptuel pour nous aider à être avec les individus
sans les juger, pour considérer ce qui est vraiment important pour eux et pour les
accompagner dans leurs propres démarches, projets et rêves en ce qui a trait à leur
devenir. Il est clair que cette approche se distingue des perspectives biomédicale ou
institutionnelle habituelles auxquelles les soins infirmiers sont souvent associés (Parse,
2003). En fait, cette conception infirmière rappelle la place fondamentale qu’occupe le
patient au sein de notre discipline en définissant au premier plan « qui » est la personne
dont nous prenons soin. Elle propose ensuite une façon d’être en relation avec cette
dernière afin de s’assurer que celle-ci se sente respectée et qu’elle représente réellement,
et non seulement théoriquement, « le centre de notre intérêt » en tant que professionnel.

Il faut néanmoins admettre, comme plusieurs l’ont fait bien avant, qu’il s’agit d’une
approche à première vue abstraite. Il est donc possible de se questionner sur son
incarnation réelle et ses effets, particulièrement dans la pratique des infirmières dans
divers milieux de soins. Or, comme nous le verrons dans ce qui suit, quelques
programmes de recherche ont déjà évalué et démontré ces impacts auprès des infirmières
ainsi que des personnes et leurs proches.

Impacts de l’approche de l’humaindevenant dans la pratique quotidienne

En fait, plusieurs écrits dans la littérature décrivent les changements observés suite à
l’implantation de la théorie de l’humaindevenant dans la pratique. Cinq d’entre eux
s’inscrivent dans le cadre de projets de recherche ayant pour but d’évaluer son intégration
récente comme philosophie de soins (Bournes et Ferguson-Paré, 2007; Jonas, 1999;
Mitchell, 1999; Northrup et Cody, 1998; Santopinto et Smith, 1999). Ces études
comprennent des programmes structurés de formation destinés à l'apprentissage et
l'utilisation de l'approche en pratique et une méthode qualitative d’évaluation. Dans le
cadre de ce texte, seuls les résultats découlant des témoignages des infirmières et des
patients ont été considérés.

Chez les infirmières.

En ce qui concerne l’ensemble des résultats au sujet des infirmières, il semble que les
thèmes majoritairement identifiés concernent la croissance personnelle et professionnelle,
la découverte d’un sens, la possibilité de renouveler la pratique infirmière ainsi que
l’appréciation et l’enrichissement des relations infirmières-patients. En effet, le fait de
percevoir une transformation dans sa présence à l’autre, de ressentir davantage de plaisir,
de satisfaction et de fierté sont récurrents lors de l’intégration d’une théorie infirmière
(Bournes et Ferguson-Paré, 2007; Jonas, 1999; Mitchell, 1999; Northrup et Cody, 1998;
Santopinto et Smith, 1999). Selon Bournes (2002), il est possible de regrouper les
différents résultats de ces études sous trois thèmes qui consistent en la transformation de
l’intention, la joie vivifiante et la lutte avec le changement. La transformation de
l’intention correspond au changement radical du sens donné à leur rôle dans leurs
interactions avec les patients et les familles. La joie vivifiante est l’expérience d’une
pratique plus significative et gratifiante. Finalement, la lutte avec le changement
correspond aux difficultés associées au choix de vivre selon les valeurs de
l’humaindevenant, et exigeant parfois de devoir lâcher prise, de vivre un sentiment
d’inadéquation, voire de résistance de la part de collègues. En ce sens, Mitchell (1999) a
mentionné que quelques infirmières avaient exprimé avoir vécu du rejet de la part de
leurs pairs n’ayant pas procédé à l’apprentissage de la nouvelle approche.

En résumé, les infirmières constatent des changements dans leur conception de la réalité
et des individus qui influencent leur façon d’être avec les autres et de soigner. Celles-ci
émettent de nouveaux sens au sujet de leur travail et de leur pratique qui relèvent
principalement d’un sentiment de fierté et de transformation. De plus, ces différences se
font sentir chez les patients qui constatent une plus grande écoute et un respect à leur
égard.

Chez les patients.

Chez les patients et les familles, les informations colligées et rapportées par les
chercheurs indiquent que ceux-ci ont perçu favorablement le changement d’attitude
qu’avaient les infirmières qui utilisaient la théorie de l’humaindevenant. En effet, ceux-ci
ont témoigné qu’elles étaient davantage présentes, prenaient plus de temps pour discuter
des choses qui importaient pour eux et qu’elles leur donnaient l’impression d’être une
personne à part entière et non une « maladie » (Bournes, 2002). Certains ont même
affirmé que les infirmières avaient fait une différence dans leur expérience de santé et au
niveau de leur qualité de vie.

Enjeux et questionnements émergeants

Par ailleurs, malgré les effets positifs mentionnés lors des études précédentes, certains des
auteurs, dont notamment Mitchell (1999) et Bournes (2002), décrivent certaines
difficultés associées à l’apprentissage et à l’intégration de cette approche. On retrouve
entre autres le langage abstrait et difficile à saisir ainsi que l’écart entre cette approche et
les valeurs liées au mode de pratique antérieur.

Il existe également certaines limites au niveau scientifique qui restreignent


l’interprétation à donner aux résultats présentés. Par exemple, alors que certains affirment
qu’il existe une persistance des effets positifs associés à l’utilisation de la théorie de
l’humaindevenant dans la pratique (Mitchell, 2001), il n’existe à ce jour aucune
information au sujet des impacts à plus long terme de son apprentissage. Aussi, comment
peut-on s’assurer que cette approche soit un mode de pratique réaliste ou encore
souhaitable à long terme? Il serait fort intéressant de mieux connaître l’expérience de ces
infirmières au sujet des possibilités et des défis reliés à leur pratique quotidienne
quelques années après l’apprentissage de cette théorie.

Conclusion

En résumé, nous avons mis en perspective la contribution potentielle d'une approche de


soins spécifique à la conceptualisation de la relation de l'infirmière avec les patients et
leurs proches. Après avoir discuté des principaux thèmes et assomptions de la théorie et
de sa méthodologie de pratique, nous avons exposé les effets possiblement associés à son
intégration dans la pratique des infirmières. En accordant une importance fondamentale et
une place centrale à l’individu, à ses expériences et ses espoirs, l’infirmière adopte une
conception de la santé qui permet à celui-ci de se sentir considéré.

Malgré son caractère abstrait, parfois même considéré élusif pour certains, cette approche
a néanmoins été mise en pratique par de nombreuses infirmières et évaluée
favorablement. Bien qu’il faille reconnaitre des lacunes dans les connaissances au sujet
des processus d’intégration, les infirmières ont généralement exprimé des changements
positifs dans leur façon de concevoir et d’être en relation avec leurs patients et leurs
collègues. Ces changements se traduisent chez les infirmières par une volonté d’être
davantage présentes et à l’écoute ainsi que par une appréciation et une fierté accrue au
sujet de leur profession. Les patients et leurs proches ont constaté une différence marquée
dans l’attitude des infirmières utilisant l’approche de l’humaindevenant et ont indiqué
s’être sentis davantage écoutés, ce qui pour certains représente une différence notable
dans leur expérience de santé.

Compte tenu des valeurs et de l’objet de notre discipline, ce résultat n’est pas sans
importance. Bien qu’apprendre et intégrer cette approche ne consiste pas en une mince
tâche, les objectifs qu’elle permet d’atteindre en valent probablement l’effort. Aussi, il
semble que celle-ci puisse offrir d’intéressantes pistes pour aider les infirmières à
améliorer leur satisfaction à l’égard de leur profession, mais surtout, puisse contribuer à
la qualité de vie et au bien-être des individus, tels que définis selon leur propre
perspective.
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