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Charles de Gaulle, Mémoires, édition de la Pléiade, Paris, NRF-

Gallimard, 2000, p. 71-73, et p. 493-495.

Premier extrait (Mémoires de guerre, L’appel 1940-1942, première


parution, 1954) :

Poursuivre la guerre ? Oui, certes ! Mais pour quel but et dans quelles
limites ? Beaucoup, lors même qu’ils approuvaient l’entreprise, ne voulait
pas qu’elle fû t autre chose qu’un concours donné, par une poignée de
Français, à l’Empire britannique demeuré debout et en ligne. Pas un instant,
je n’envisageai la tentative sur ce plan-là . Pour moi ce qu’il s’agissait de
servir et de sauver, c’était la nation et l’É tat.

Je pensais, en effet, que c’en serait fini de l’honneur, de l’unité, de


l’indépendance, s’il devait être entendu que, dans cette guerre mondiale,
seule la France aurait capitulé et qu’elle en serait restée là . Car, dans ce cas,
quelle que dû t être l’issue du conflit, que le pays, décidément vaincu, fû t un
jour débarrassé de l’envahisseur par les armes étrangères ou qu’il
demeurâ t asservi, le dégoû t qu’il aurait de lui-même et celui qu’il inspirait
aux autres empoisonneraient son â me et sa vie pour de longues
générations. Quant à l’immédiat, au nom de qui mener quelques-uns de ses
fils à un combat qui ne serait plus le sien ? À quoi bon fournir d’auxiliaires
les forces d’une autre puissance ? Non ! Pour que l’effort en valû t la peine, il
fallait aboutir à remettre dans la guerre, non point seulement les Français,
mais la France.

Cela devait comporter : la réapparition de nos armées sur les champs de


bataille, le retour de nos territoires à la belligérance, la participation du
pays lui-même à l’effort de ses combattants, la reconnaissance par les
puissances étrangères du fait que la France, comme telle, aurait continué la
lutte, bref, le transfert de la souveraineté, hors du désastre et de
l’attentisme, du cô té de la guerre et, un jour, de la victoire.

Ce que je savais des hommes et des choses ne me laissait pas d’illusions sur
les obstacles à surmonter. Il y aurait la puissance de l’ennemi, que seule
pourrait briser une longue usure et qui trouverait le concours de l’appareil
officiel français pour s’opposer au redressement guerrier de la France. Il y
aurait les difficultés morales et matérielles qu’une lutte longue et acharnée
comporterait forcément pour ceux qui auraient à la faire comme parias et

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sans moyens. Il y aurait la montagne des objections, imputations, calomnies,
opposées aux combattants par les sceptiques et les peureux pour couvrir
leur passivité. Il y aurait les entreprises dites « parallèles », mais en fait
rivales et opposées, que ne manquerait pas de susciter, parmi les Français,
leur passion de la dispute et que la politique et les services alliés
utiliseraient, suivant la coutume, afin de disposer d’eux. Il y aurait, de la
part de ceux qui visaient à la subversion, la volonté de dévoyer la résistance
nationale vers le chaos révolutionnaire, d’où leur dictature sortirait. Il y
aurait, enfin, la tendance des grands É tats à profiter de notre
affaiblissement pour pousser leurs intérêts au détriment de la France.

Quant à moi, qui prétendais gravir une pareille pente, je n’étais rien, au
départ. À mes cô tés, pas l’ombre d’une force, ni d’une organisation. En
France, aucun répondant et aucune notoriété. À l’étranger, ni crédit, ni
justification. Mais ce dénuement même traçait ma ligne de conduite. C’est
en épousant, sans ménager rien, la cause du salut national que je pourrais
trouver l’autorité. C’est en agissant comme champion inflexible de la nation
et de l’É tat qu’il me serait possible de grouper, parmi les Français, les
consentements, voire les enthousiasmes, et d’obtenir des étrangers respect
et considération. Les gens qui, tout au long du drame, s’offusquèrent de
cette intransigeance ne voulurent pas voir que, pour moi, tendu à refouler
d’innombrables pressions contraires, le moindre fléchissement eû t entraîné
l’effondrement. Bref, tout limité et solitaire que je fusse, et justement parce
que je l’étais, il me fallait gagner les sommets et n’en descendre jamais plus.

La première chose à faire était de hisser les couleurs. La radio s’offrait pour
cela. Dès l’après-midi du 17 juin, j’exposai mes intentions à M. Winston
Churchill. Naufragé de la désolation sur les rivages de l’Angleterre,
qu’aurais-je pu faire sans son concours ? Il me le donna tout de suite et mit,
pour commencer, la BBC à ma disposition. Nous convînmes que je
l’utiliserais lorsque le gouvernement Pétain aurait demandé l’armistice. Or,
dans la soirée même, on apprit qu’il l’avait fait. Le lendemain, 18 heures, je
lus au micro le texte que l’on connaît. À mesure que s’envolaient les mots
irrévocables, je sentais moi-même se terminer une vie, celle que j’avais
menée dans le cadre d’une France solide et d’une indivisible armée. À
quarante-neuf ans, j’entrais dans l’aventure comme un homme que le destin
jetait hors de toutes les séries.

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Second extrait (Mémoires de guerre. L’Unité 1942-1944, première
parution 1956) :

Le 13 juin, en effet, je pars pour visiter la tête de pont. Depuis plusieurs


jours, j’étais prêt pour ce voyage. Mais les Alliés ne s’empressaient pas de
me le faciliter. Même, la veille, comme je dînais au Foreign Office en
compagnie des ministres anglais, à l’exception du Premier, et qu’on m’y
complimentait de pouvoir prendre pied sur le sol de la métropole française,
une lettre de M. Churchill, remise au cours du repas à M. Eden, soulevait des
objections ultimes contre mon projet. Mais Eden, ayant consulté ses
collègues autour de la table, notamment Clement Atlee, m’annonçait que
l’ensemble du Cabinet décidait de maintenir les dispositions arrêtées du
cô té britannique. Aussi le brave contre-torpilleur La Combattante, que
commande le capitaine de Corvette Patout et qui vient de se signaler au
cours des opérations, peut-il, comme prévu, toucher Portsmouth et m’y
prendre à son bord. J’emmène Viénot, d’Argenlieu, Béthouard, Palewski,
Billotte, Coulet, Chevigné, Courcel, Boislambert, Teyssot. Le 14 juin au
matin, nous jetons l’ancre au plus près de la cô te française et prenons pied
sur la plage à la limite des communes de Courseulles et de Saint-Mère-
Eglise au milieu d’un régiment canadien qui débarque au même moment.

Le général Montgomery, commandant les forces alliées dans la tête de pont,


prévenu depuis une heure, a mis gracieusement à notre disposition des
voitures et des guides. Le commandant Chandon, officier de liaison français,
est accouru avec son équipe. J’envoie tout de suite à Bayeux François Coulet
nommé, séance tenante, commissaire de la République pour le territoire
normand libéré et le colonel de Chevigné chargé, à l’instant même, des
subdivisions militaires. Puis, je me rends au Quartier Général. Montgomery
m’accueille dans la roulotte où il travaille devant le portrait de Rommel qu’il
a vaincu à El-Alamein mais pour qui il n’en éprouve que plus de
considération. Chez le grand chef britannique, la prudence et la rigueur vont
de pair avec l’ardeur et l’humour. Ses opérations vont leur train comme
prévu. Vers le sud, le premier objectif est atteint. Il s’agit, maintenant, qu’à
l’ouest les Américains s’emparent de Cherbourg et qu’à l’est les
britanniques prennent Caen, ce qui comporte, dit le général, l’engagement
de nouvelles unités et des renforts de matériel. À l’entendre, je me
convaincs que, sous ses ordres, les choses iront vigoureusement, mais sans
hâ te ni témérité. Lui ayant exprimé ma confiance, je le laisse à ses affaires et
m’en vais aux miennes, à Bayeux.

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Coulet y a pris ses fonctions. En effet, Bourdeau de Fontenay, commissaire
politique pour la Normandie, n’a pu sortir de Rouen, ni de la clandestinité.
En attendant qu’il puisse apparaître, je tiens à marquer sans délai, qu’en
tout point d’où l’ennemi a fui, l’autorité relève de mon gouvernement.
Quand j’arrive à l’entrée de la ville, Coulet est là avec le maire Dodeman et
son conseil municipal.

Nous allons à pied, de rue en rue. À la vue du général de Gaulle, une espèce
de stupeur saisit les habitants, qui ensuite éclatent en vivats ou bien
fondent en larmes. Sortant des maisons, ils me font cortège au milieu d’une
extraordinaire émotion. Les enfants m’entourent. Les femmes sourient et
sanglotent. Les hommes me tendent les mains. Nous allons ainsi, tous
ensemble, bouleversés et fraternels, sentant la joie, la fierté, l’espérance
nationales remonter du fond des abîmes. À la sous-préfecture, dans le salon
où , une heure plus tô t, était encore suspendu le portrait du Maréchal, le
sous-préfet Rochat se met à mes ordres, en attendant d’être relevé par
Raymond Triboulet. Tout ce qui exerce une fonction accourt pour me
saluer. La première visite que je reçois est celle de Mgr Picaud, évêque de
Bayeux et de Lisieux. Comme la population s’est rassemblée sur la place du
Châ teau, je m’y rends pour lui parler. Maurice Schumann annonce mon
discours par les mots habituels : « Honneur et patrie ! Voici le général de
Gaulle ! » Alors, pour la première fois depuis ces quatre affreuses années,
cette foule française entend un chef français dire devant elle que l’ennemi
est l’ennemi, que le devoir est de le combattre, que la France, elle aussi,
remportera la victoire. En vérité, n’est-ce pas cela la « révolution
nationale » ?

Isigny, cruellement détruit et d’où l’on tire encore des cadavres de dessous
les décombres, me fait les honneurs de ses ruines. Devant le monument aux
morts, que les bombes ont mutilé, je m’adresse aux habitants. D’un seul
cœur, nous élevons notre foi et notre espoir au-dessus des débris fumants.
Le bourg des pêcheurs, Grandcamp, lui aussi ravagé, a pour finir ma visite.
En chemin, je salue des détachements de troupes alliées qui gagnent le front
ou en reviennent et quelques escouades de nos forces de l’intérieur.
Certaines d’entre elles ont efficacement aidé au débarquement. La nuit
tombée, nous regagnons Courseulles, puis la mer et notre bord. Plusieurs
heures s’écoulent avant que nous prenions le large, car les avions et les
vedettes lance-torpilles des Allemands attaquent dans l’obscurité les

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navires ancrés les uns auprès des autres et qui ont pour consigne de rester
là où ils sont. Le 15 juin au matin, revenu à Portsmouth, je quitte La
Combattante. La veille, au moment où nous abordions la France, j’ai remis la
croix de guerre à ce vaillant navire qui sera coulé peu après.

La preuve est faite. Dans la Métropole, aussi bien que dans l’Empire, le
peuple français a montré à qui il remet le devoir de le conduire. Dans
l’après-midi du 15 juin, M. Eden vient me voir à Carlton Gardens. Il est au
courant de ce qui s’est passé à Bayeux et qu’annoncent déjà les agences.
Suivant lui, Roosevelt n’attend plus que mon voyage à Washington pour
réviser sa position. Tout en regrettant que le gouvernement français n’ait
pas adopté la procédure suggérée par celui de Londres, Eden propose,
maintenant, d’établir avec Viénot un projet qui sera communiqué par lui-
même à Washington et, il y compte bien, signé à la fois par les Français, les
Anglais et les Américains. C’est là une voie qui me semble acceptable. Je le
dis à Anthony Eden. Puis, j’écris à M. Churchill pour verser du baume sur les
blessures qu’il s’est faites à lui-même. Il me répond aussitô t, « déplorant
que la coopération franco-britannique n’ait pu être placée sur des bases
meilleures, lui qui a fourni la preuve, dans les bons et les mauvais jours,
qu’il est un ami sincère de la France ». Il avait cru « que mon voyage à
Londres pourrait offrir la chance d’un arrangement. Il ne lui reste plus qu’à
espérer que ce n’ait pas été la dernière chance ». Cependant, le Premier
Ministre termine sa lettre en souhaitant que mes prochains contacts avec le
président Roosevelt permettent à la France d’établir avec les Etats-Unis
« ces bonnes relations qui sont une part de son héritage ». Lui-même m’y
aidera, assure-t-il. Le 16 au soir, je m’envole pour Alger, où j’arrive le
lendemain.

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