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Roumain : grammaire

Propriétés contrastives roumain/français et difficultés possibles pour les élèves ayant le roumain pour L1

Contenu

1. Introduction

1.1. Informations générales

1.2. Ecriture

1.3. Le roumain et le français

2. Lexique : formation des mots et faux-amis

3. Morpho-syntaxe

3.1. Le nom

3.1.1. Noms nus

3.1.2. Flexion nominale. Cas morphologique

3.1.3. Grammaire des articles

3.1.4. Ordre Nom – Adjectif

3.1.5. Fonctionnement des pronoms

3.1.6. Genre, nombre et accord

3.1.7. L'expression de la quantité dans le groupe nominal

3.1.8. Constructions relatives

3.2. Flexion et constructions verbales

3.2.1.       Valence verbale

3.2.2. Actif et passif

3.2.3. Forme pronominale

3.2.4. Passé narratif

3.2.5. Futur et conditionnel

3.2.6. Auxiliaires aspectuels

3.2.7.  Constructions à "verbes légers"

3.2.8. La flexion verbale en subordonnée (subjonctif, infinitifs, participes)

3.2.9. Choix du subjonctif dans la subordonnée en fonction de l’évaluation du contenu propositionnel (possible
etc)
3.3. Circonstants

3.3.1. Interférences concernant les prépositions

3.3.2. Adverbes

3.3.3. Marqueurs de degré.

4. Phrase

4.1. Sujet implicite.

4.2. Ordre des mots.

4.3. Négation et mots négatifs

4.4. Interrogatives

REFERENCES

1. Introduction

1.1. Informations générales

Le roumain (româna) est une langue indo-européenne de la famille des langues romanes, représentant la
branche orientale de cette famille, parlée par environ 24 millions de locuteurs (Roumanie et République de
Moldavie). Le roumain standard parlé en Roumanie est relativement homogène ; le roumain parlé en
République de Moldavie présente certaines caractéristiques dialectales, mais ne se distingue pas
fondamentalement du roumain de Roumanie. En revanche, les dialectes parlés essentiellement dans des
régions au sud du Danube, en Bulgarie et ex-Yougoslavie (l’aroumain, parlé aussi dans la communauté
aroumaine de Roumanie, le mégléno-roumain et l’istro-roumain) sont des dialectes bien distincts de celui
parlé en Roumanie, aussi nommé daco-roumain.

Cette présentation concerne le roumain standard parlé en Roumanie.

Le vocabulaire de la langue est en grande partie d’origine latine, surtout pour le fonds principal, mais le
roumain est la langue romane qui a été le plus enrichie d’emprunts, étant donné sa situation géographique
(une enclave latine entourée par des langues slaves et le hongrois). Quelques centaines de mots
proviendraient du substrat thrace ; l’apport slave se situerait à 30-35% du vocabulaire, et on identifie
également un apport hongrois, allemand, grec, turc, français, allemand et anglais à différentes moments
de l’évolution de la langue. L’influence romane (et plus particulièrement celle du français partir du XIXème
siècle) est notable, et a eu pour effet une « relatinisation » du vocabulaire. On peut ainsi noter des
doublons dans lesquels un terme est hérité du latin et en conséquence affecté par les changements
phonétiques, l’autre est emprunté par la voie du vocabulaire savant.
Tableau 1 Doublons populaire/savant dans les termes dérivés du latin

Terme courant / populaire Terme savant

înger ‘ange’ / îngeresc ‘angélique’ angelic ‘angélique’

bou ‘bœuf’ bovin ‘bovin’

columnă 'colonne' coloană ‘colonne’

martor 'témoin’ martir 'martyr’

mormânt 'tombeau' monument 'monument'

vână 'veine’ venă 'veine’

1.2. Ecriture

Le roumain est écrit avec l’alphabet latin depuis la fin du XIXème siècle (moment où l’alphabet latin a été
adopté à la place de l’alphabet cyrillique), et il y a eu des réformes qui ont successivement simplifié
l’orthographe, qui se heurtait à la difficulté des sons spécifiques au roumain. L’orthographe de la langue
se base essentiellement sur le principe phonétique : un son/une graphie.

Tableau 2.

Diacritiques  et conventions orthographiques pour certains sons ou groupes de sons

ț 

ă 

ce

ci
ge 

gi

[ke] che 

[ki] chi 

ghe

ghi

 1.3. Le roumain et le français

La Roumanie a une longue tradition d’enseignement du français (moins intense tout de même depuis
1989), et les relations culturelles entre la France et la Roumanie ont une longue histoire. Beaucoup de
Roumains parlent couramment français (même si cela semble changer avec la forte influence de l’anglais
dans les dernières décennies) ; et il y a une immigration roumaine importante en direction de la France.

Le roumain est également une langue migrante, surtout à commencer par les années ’90, et développe des
variétés qui subissent l’influence des langues secondes acquises dans le processus de l’immigration
(l’anglais, les langues romanes – surtout l’italien, l’espagnol et le français).

On peut supposer qu’une certaine facilité des Roumains pour l’apprentissage du français pourrait venir de
l’origine commune des deux langues. Il existe cependant beaucoup de différences entre les deux systèmes
linguistiques (domaine nominal et verbal, flexion, structure de la phrase) ainsi que des faux amis au niveau
du vocabulaire d’origine latine; beaucoup de termes qui existent dans les deux langues ont eu en effet des
évolutions sémantiques différentes.

2. Lexique : formation des mots et faux-amis

En tant que langue romane, le roumain partage un lexique latin avec le français, mais aussi des patrons de
dérivation aussi bien nominale que verbale.

Le roumain présente deux types de dérivés très productifs, à savoir ce qu’on appelle ‘infinitif nominal’
(base verbale + suffixe féminin –re) et ‘supin nominal’ (base participiale nominalisée) qui sont des mots
abstraits dérivés de verbes et exprimant des événements. Le français ne dispose pas de ce système de
dérivation mais d’un système varié basé sur des suffixes comme –tion,-ment,-age. En revanche, le
roumain présente également des noms en –țiune/-ție/-siune/-sie empruntés du français ou hérités du
latin.

L’impression d’être en terre connue peut donner lieu à un certain nombre de « faux amis » ou bien peut
amener le locuteur roumanophone à produire des mots français qui n’existent pas.  Le locuteur
roumanophone peut comprendre assez vite que beaucoup de noms d’événement en français sont dérivés
par l’ajout du suffixe –tion,  et peut généraliser ce patron de dérivation ; de surcroît, on peut généraliser
également le thème –at–  (>-ation) qui n’est pas toujours présent dans les dérivés du français. D’autres
patrons de dérivation propres au roumain peuvent également être prêtés au français, comme par exemple
le suffixe adjectival –ic ‘-ique’, ou la dérivation sur une base nominale ou verbale sans ajout de suffixe,
patrons qui existent également en roumain qu’en français mais sur des bases qui ne sont pas toujours les
mêmes. Un certain nombre de telles formations sont attestées et sont illustrés dans le tableau ci-dessous.

Tableau 3. Fausses dérivations « romanes »

Forme roumaine Forme française Création

exprimare expression *exprimati

combinație combinaison *combinati

inversare inversion *inversatio

acceptare acception *acceptatio

claritate clarté *clarité

protest protestation *proteste

promisiune promesse *promissio

seriozitate sérieux *sériosité

contura tracer le contour *contourer

atonic atone *atonique

romanic roman *romaniqu

condus conduite *conduit

cules cueillette *cueilli

 
On peut également s’attendre à des transferts lexicaux dans certains cas où un verbe construit sur une
base latine n’a pas le même sens en roumain qu’en français, comme par exemple le verbe a ajuta ‘aider’,
formé sur une base existant aussi en français ; un locuteur roumanophone pourra donc produire des
phrases mal formées comme (1) :

(1)       *Je vais vous ajouter pour Je vais vous aider

Dans le tableau ci-dessous, quelques exemples supplémentaires de faux amis franco-roumains :

Anticar ‘bouquiniste’ Antiquaire ‘negustor de obiecte de

Aperitiv ‘hors d’œuvre’ Apéritif ‘bautura alcoolica’

A articula ‘joindre un article à un nom’ Articuler ‘a rosti’

Artizanat ‘boutique d’objets d’art faits par un artizan’ Artisanat ‘conditia, starea de meser

Azil ‘hospice et asile’ Asile ‘adapost, refugiu’

Benzina ‘essence’ Benzine ‘amestec de hidrocarburi’

Bloc aussi ‘immeuble, bâtiment’ Bloc ‘bloc’

Bluza ‘chemisier, corsage’ Blouse ‘halat de lucru, de protectie’

Bulion ‘coulis de tomates’ Bouillon ‘supa de carne, zarzavatur

Cabana ‘chalet’ Cabane ‘coliba’

Candelabru ‘lustre’ Candélabre ‘sfesnic’

Cantina ‘restaurant’ Cantine aussi ‘cufar, geamantan’

Capot ‘robe de chambre’ Capote ‘manta militara’

Carnet aussi ‘carte’ Carnet ‘carnet’


Carte ‘livre’ Carte ‘harta’

Cauciuc ‘pneu’ Caoutchouc ‘impermeabil’

Chilot ‘caleçon’ Culotte ‘sort barbatesc ; pantaloni’

Chiuveta ‘évier’ Cuvette ‘vas de WC’

A consuma aussi ‘consommer’ Se consumer ‘a consuma’

Cordon ‘ceinture’ Cordon ‘snur, sfoara, cordon’

Costum (de baie) ‘maillot’ Costume ‘costum’

Crema (de ghete) ‘cirage’ Crème ‘smântâna’

Creta ‘craie’ Crête ‘creasta’

Culoar aussi ‘voie d’une autoroute’ Couloir ‘culoar’

Drogherie ‘parfumerie’ Droguerie ‘magazin cu articole de m

Formal ‘superficiel’ Formel ‘categoric’

Furou ‘combinaison’ Fourreau ‘teaca, toc’

Galos ‘chaussure de caoutchouc’ Galoche ‘încaltaminte cu talpa de le

Garderoba aussi ‘vestiaire’ Garde-robe ‘garderoba’

Garnitura aussi ‘parure de lit ; joint’ Garniture ‘garnitura’

A interna aussi ‘hospitaliser’ Interner ‘a interna’

Jacheta ‘veste, gilet de laine’ Jaquette ‘frac’

Jerseu ‘gilet, pull’ Jersey ‘tricou’


Lanterna ‘lampe de poche’ Lanterne ‘felinar’

Larma ‘vacarme’ Larme ‘lacrima’

Linie aussi ‘règle ; voie de chemin de fer’ Ligne ‘linie’

Local ‘boîte de nuit’ Local ‘local, încapere’

Marmelada ‘compote’ Marmelade ‘dulceata de citrice’

Ordinar ‘abject, ignoble’ Ordinaire ‘obisnuit, firesc, normal’

Ospiciu ‘asile’ Hospice (de vieillards) ‘azil de batr

Palton ‘pardessus’ Paletot ‘jacheta’

Pardesiu ‘manteau léger’ Pardessus ‘palton’

Parter ‘rez-de-chaussée’ Parterre ‘strat, rond de flori’

Pensionar ‘retraité’ Pensionnaire ‘elev, eleva într-un pe

Pom ‘arbre fruitier’ Pomme ‘mar’

Poseta ‘sac à main’ Pochette ‘plic, batista de purtat în b

Racheta aussi ‘fusée’ Raquette ‘racheta de tenis’

Rama ‘cadre’ Rame ‘vâsla’

Reteta aussi ‘ordonnance médicale’ Recette ‘reteta’

Rezerva aussi ‘chambre individuelle dans un hôpital’ Réserve ‘rezerva’

Sacosa ‘sac à provisions’ Sacoche ‘geanta’


Sifon aussi ‘eau gazeuse’ Siphon ‘sifon’

Sonerie aussi ‘sonnette’ Sonnerie ‘sonerie’

Soseta ‘soquette’ Chaussette ‘ciorap’

Soson ‘chaussure en caoutchouc’ Chausson ‘papuc’

Statie aussi ‘gare’ Station ‘statie’

Suc (de fructe) aussi ‘jus de fruit’ Suc ‘suc’

Tabla ‘tôle, fer-blanc ; tableau noir’ Table ‘masa’

Tricou ‘maillot de corps’ Tricot ‘pulover, jerseu’

A turna ‘verser’ Tourner ‘a întoarce’

Tigara ‘cigarrette’ Cigare ‘tigara de foi’

Umbrela ‘parapluie’ Ombrelle ‘umbrela de soare’

Vapor ‘bateau’ Vapeur ‘abur’

Vesta ‘gilet sans manches’ Veste ‘haina,taior’

Veston ‘veste militaire’ Veston ‘haina costumului barbatesc

3. Morpho-syntaxe
 

3.1. Le nom

3.1.1. Noms nus 


Alors que les noms français sont dans une grande majorité de contextes précédés d'un déterminant, le
roumain présente une utilisation plus large des noms sans article (appelés noms nus). En particulier, les
noms roumains précédés d'une préposition sont nus :

(2)       a. Marie est dans la maison.

            b.  *Marie est dans/en maison.

            c. Maria  e          în   casă

                Maria est dans maison

(3)       a. La maison est sur la colline

                      b. *La maison est sur colline.

            c. casa     e   pe  deal

                maison.la est sur colline

               'la maison est sur la colline’

Ce contraste permet de s'attendre à ce que les apprenants roumanophones tendent à produire en français
des formes comme (2b) ou (3b), c'est-à-dire des noms nus en contexte prépositionnel.

Les noms nus sont également utilisés en roumain dans la position d’objet, exprimant une quantité
indéfinie (4), qui en français est rendue par des indéfinis pluriels (5) ou singuliers dans le cas des noms de
substances.

(4)       a. am  cumpărat cărți

                ai   acheté       livres

                'j’ai acheté des livres’

            b. am adus      apă

                ai apporté eau

               'j’ai apporté de l’eau’

(5)       a. j’ai acheté des livres

            b. j’ai apporté de l’eau


Les apprenants roumanophones auront tendance à produire des phrases du type (6), où ils généraliseront
l’usage des noms nus en position d’objet.

(6)       a. *j'ai acheté livres

           b. *j'ai apporté eau

Notons à ce propos l’inexistence en roumain de l’article partitif, dont le fonctionnement est recoupé par
l’utilisation des noms nus ; cela doit donc faire l’objet d’un effort particulier de la part des apprenants
roumanophones.

3.1.2. Flexion nominale. Cas morphologique

Le roumain a encore des cas morphologiques : les noms présentent des formes différentes selon leur
fonction dans la phrase.

On peut observer que lorsque le nom n’a pas d’article, la désinence de cas (lorsqu’elle est présente)
apparaît sur le nom nu ; lorsqu’il a un article, c’est l’article qui prend la marque de cas (qui s’amalgame
avec celles de genre et de nombre).

(7)       Forme nue    N-Accusatif              Oblique

                fată/fete                    fata        /  o fată                        fetei                / unei             fete

          fille/filles         fille-la     une fille        fille-Obl         une-Obl fille-Obl

          ‘fille             / la fille  / une fille      / de la/d’une fille / à la/une fille’

                    om                            /omul/                   un om            omului/                     unui         om

          homme      homme-le      un homme homme-Obl      un-Obl homme

            ‘homme   / l’homme / un homme / de l’/ d’un homme / à l’/un homme’

            Le nom est suivi de l’article défini

(8)       a. Fata        a plecat                                           [sujet : cas Nominatif]

                fille.la a parti

               ‘la fille est partie’

            b. Am văzut fata                                           [cod : cas Accusatif]


                ai     vu      fille.la

                'j’ai vu la fille’

            c. A venit fratele         fetei                                 [cas Oblique]

                a venu frère.le   fille.Obl

                ‘le frère de la fille est venu’

            d. Am dat       o                                     carte fetei                            [cas Oblique]

                ai donné un.Fem.Sg.     livre  fille.Obl

               ‘j’ai donné un livre à la fille’

(9)       a. La  fille est partie.                                       [sujet : cas Nominatif]

            b. J'ai vu  la  fille.                                            [cod : cas Accusatif]

            c. Le frère  de la  fille est arrivé.                       [cas Oblique]

            d. J'ai donné un livre  à la fille.                    [cas Oblique]

            Le nom est précédé d’un déterminant indéfini

(10)     a. O      fată      a plecat                          [sujet : cas Nominatif]

                une fille   a parti

                ‘une fille est partie’

            b. Am văzut  o  fată                                        [cod : cas Accusatif]

                ai     vu      une fille

                'j’ai vu une fille’

            c. A venit fratele  unei            fete                        [cas Oblique]

                a venu frère.le une.Obl fille

               ‘le frère d’une fille est arrivé’

            d. Am dat o carte          unei          fete                                      [cas Oblique]


                ai donné un livre une.Obl fille

               ‘j’ai donné un livre à une fille’

            Le nom est nu

(11)     Primul  meu copil a fost fată

            premier.le mon enfant a été fille

            ‘mon premier enfant a été une fille’       

A la différence du roumain, le français marque l’oblique par des prépositions : de pour le complément du


nom et à  pour l’objet indirect (cf. 8c-d). L’existence de formes spécifiques pour l’oblique en roumain n’est
pas forcément une difficulté pour les apprenants roumanophones, qui auront vite compris que les
fonctions ‘obliques’ en français sont marquées par des prépositions. En revanche, l’existence d’une seule
forme oblique en roumain peut mener à généraliser l’usage de la préposition à pour les formes obliques en
français, menant à des productions comme (12c), également attesté par ailleurs en français colloquial :

(12)     a. J’ai donné à manger aux enfants

            b. Le jouet des enfants

            c. (non-standard) Le jouet aux enfants

Le complément d’objet (à l’accusatif) ‘personnel’ est marqué en roumain par la préposition pe ‘sur’, aussi
appelée marqueur d’« accusatif prépositionnel », lorsque l’objet ‘personnel’ est défini (cf. 14a), et donc
toujours lorsqu’il s’agit d’un nom propre (14b-e) ou d’un pronom (14f).

(13)     a. Am    văzut  mașina / o mașină

                ai      vu      voiture.la / une voiture

               'j’ai vu la voiture/ une voiture'

            b. Am văzut o fată

                ai     vu      une fille

               'j’ai vu une fille'

(14)     a. Am văzut-o pe  fata    vecinului


                ai    vu-la   pe fille.la voisin.le.Obl

               'j’ai vu la fille du voisin'

            b. Am văzut-o pe Maria

                ai    vu-la      pe Marie

               'j’ai vu Marie'

            c. O văd pe Maria

                la vois pe Marie

               'je vois Marie'

            d. Îl văd pe Ion

                le  vois pe Ion

               'je vois Ion’

            e. L-am văzut pe Ion

                le-ai   vu      pe Ion

                'j’ai vu Ion’

            f. Îl prefer pe acesta

               le préfère pe celui-ci

              ‘Je préfère celui-ci’

On peut également voir dans (14) que l’objet prépositionnel est doublé – soit anticipé, comme c’est le cas
toujours avec les noms masculins – soit repris, dans le cas des objets féminins et lorsque le verbe est à un
temps composé – par un pronom faible (o 'la', îl/l- 'le', îi/i- 'les'). Ce phénomène n’existe pas en français
standard :

(15)     a.         Marie a vu le/un garçon.

            b          Marie l'a vu.

            c.         *Marie l'a vu le garçon.


Ce redoublement pronominal s’applique également dans le cas des formes obliques, à savoir des objets
indirects (16), encore une fois, à la différence du français (17) :

(16)     Le-am  dat            de mâncare      copiilor

            leur-ai donné de nourriture enfants-Obl

            ‘j’ai donné à manger aux enfants’

(17)     a. J’ai donné à manger aux enfants

            b. *Je leur ai donné à manger aux enfants

Il est donc possible que les apprenants roumanophones fassent le transfert des formes avec redoublement
pronominal vers le français, produisant des structures comme (15c) ou (17b).

Ce type de transfert est également prédit pour les subordonnées relatives, où en roumain il y a reprise du
relatif objet par un pronom (18), à la différence du français (19). L’apprenant roumanophone produira
donc des structures avec reprise pronominale en français, comme en (20) :

(18)     a. cartea pe  care am citit-o

               livre.la pe que ai    lu-la

               'le livre que j’ai lu’

            b. copilul  căruia     i-am     dat             bomboane

               enfant.le à.qui  lui-ai donné bonbons

              'l’enfant à qui j’ai donné des bonbons'

(19)     le livre que j’ai lu

(20)     a. *le livre que je l’ai lu

            b. *L’enfant à qui je lui ai donné des bonbons

3.1.3. Grammaire des articles

En roumain comme en français, les déterminants expriment le genre et le nombre. Il y a cependant


d'autres différences notables entre les déterminants des deux langues.

3.1.3.1. Article défini

L’article défini est suffixé en roumain :


(21)     a. le garçon et la fille sont partis

            b. băiatul        și fata            au plecat

               garçon.le  et fille.la   ont parti

               'le garçon et la fille sont partis'

            c. *garçon-le et fille-là sont partis

On s’attendrait que cette différence soit un problème potentiel pour les apprenants roumanophones qui
les déterminerait à produire des formes comme (21)c ; or, il s’avère que cette distinction est acquise assez
vite et de manière stable. Seulement dans un premier temps il est possible de trouver des formes de type
*femme-la (aussi en association avec cette femme-là)

3.1.3.2.           Indéfini et démonstratif

L’indéfini et le démonstratif précèdent le nom, comme en français :

(22)     a. un băiat          și  o         fată  merg la școală

                un garçon et une   fille  vont   à école

               'un garçon et une fille vont à l’école'

           b. acest            băiat și această fată merg la școală

                ce       garçon et cette fille vont à école

               'ce garçon et cette fille vont à l’école'

En revanche, la morphologie n’est pas parallèle dans les deux langues. A la différence du français qui a
trois formes de démonstratifs pour le singulier (en incluant l’allomorphie devant un masculin commençant
par une voyelle) et une seule forme pour le pluriel (cf. ce, cet, cette – ces), le roumain a deux formes pour
le singulier et deux formes pour le pluriel. Les apprenants roumanophones pourront produire des formes
tendant à régulariser la situation en français, comme par exemple  *cettes roses.

3.1.3.3.           Le possessif

Le possessif roumain est un adjectif qui se combine avec l'article défini, alors qu'en français moderne les
déterminants défini et possessif s'excluent mutuellement :

(23)     a. J’attends toujours mon cadeau

            b. *J'attends toujours le mien/ le mon cadeau.

            c. cadoul            meu          încă        nu a sosit


               cadeau-le mien      encore ne a arrivé

               'mon cadeau n’est pas encore arrivé’

Cette différence entre les deux langues peut être une source de transfert du roumain vers le français,
générant des structures comme (23b).

3.1.3.4.           L'article adjectival

Alors que l'adjectif précède ou suit directement le nom en français, sans marqueur interposé, le roumain
possède un article défini spécial (cel/cea/cei/cele), qui se place entre le nom et l’adjectif épithète. Cette
insertion n’est pas obligatoire ; lorsqu’elle apparaît, elle attire un effet de notoriété ou de contraste :

(24)     a. băiatul cel înalt trece pe stradă

            garçon-le le grand passe sur rue

            ‘le grand garçon [que nous connaissons / et non pas le petit] passe dans la rue’

            b. băiatul înalt trece pe stradă

                garçon.le grand passe sur rue

                'le grand garçon passe dans la rue’

Le français ne possède pas ce type de défini adjectival :

(25)     a. J'ai vu le chat noir

          b.  *J'ai vu le chat le noir.

Afin d’obtenir l’effet illustré en (24)a dans une phrase française, on pourra théoriquement trouver dans les
productions d’apprenants roumanophones des structures comme (25)b.

3.1.3.5.           Morphologie des déterminants

Le roumain ne présente pas les allomorphies des articles (défini et démonstratif) que l'on observe en
français, ce qui est également de nature à poser des difficultés aux apprenants. A la différence du français,
le roumain ne connaît pas la contraction de l’article défini avec la préposition – d’autant moins que l’article
défini est suffixé :

(26)     a. Am nevoie de stiloul    elevului

               ai besoin de stylo.le   élève.le.Obl


                ‘j’ai besoin du stylo de l’élève’

            b. Am ajuns la capătul drumului

                ai    arrivé à bout.le  chemin.le.Obl

               ‘je suis arrivé au bout du chemin’

(27)     a. J’ai besoin du stylo de l’élève

            b. *J’ai besoin de le stylo de l’élève

(28)     a. Je suis arrivé au bout du chemin

            b. *Je suis arrivé à le bout de le chemin

D’autres phénomènes d’allomorphie des articles présents en français par exemple pour l’article
démonstratif, sont également absents en roumain :

(29)     Acest  copil / acest arbust    a crescut

            cet    enfant   cet    arbuste a grandi

            ‘cet enfant / cet arbuste a grandi’

(30)     a. ce livre / cet abricot me tente

          b. *cet livre / *ce abricot me tente

Les apprenants roumanophones auront donc des difficultés à assimiler les cas d’allomorphie et produiront
en un premier temps des formes comme en (27b), (28b) et (30b).

Comme nous l’avons déjà noté, l’article partitif n’existe pas en roumain ; ces formes devront faire l’objet
d’un apprentissage attentif. Une difficulté particulière est représentée par l’alternance entre la
forme du/de la/des  et la forme de, par exemple en contexte négatif, menant à maintenir la forme du/de
la/ des  là où elle devrait être remplacée par de, cf. *je n’ai pas de l’argent  ; ce problème étant d’ailleurs
une difficulté potentielle pour tous les allophones.

3.1.4. Ordre Nom – Adjectif

 
L’ordre canonique dans le groupe nominal en roumain est Nom-Adjectif, pour tous les adjectifs. L’ordre
Adjectif-Nom est hautement marqué et littéraire. Cela peut conduire les roumanophones à généraliser
l’ordre Nom-Adjectif en français et à produire des séquences comme (32b), calquant (31) en roumain :

(31)     Ea  conduce o mașină frumoasă

            elle conduit une voiture belle

             ‘elle conduit une belle voiture’

(32)     a. Elle conduit une belle voiture.

          b. *Elle conduit une voiture belle.

3.1.5. Fonctionnement des pronoms

3.1.5.1. Formes fortes et faibles

Le français a deux formes, fortes et faibles, pour les pronoms sujet, par exemple dans des exemples où le
sujet pronominal est accentué (33a-b) mais aussi dans le contexte d’une coordination (33c). Le roumain en
revanche ne connaît de formes faibles que pour les pronoms objet, et utilise l’intonation pour donner
l’effet d’accentuation ; de plus, le roumain est une langue à sujet implicite, le pronom sujet pouvant être
complètement omis.

(33)     a. Il est arrivé  (neutre)

          b. LUI, il est arrivé  (accentué)

          c. Lui et sa femme sont arrivés.

(34)     a. (El) a sosit (neutre)

               il     a arrive

              ‘Il est arrivé’

           b. EL a sosit (accentué)

               IL a arrivé

              ‘Il est arrivé’


           c. El  și soția               lui au sosit.

               il   et femme.la sa  ont arrivé

              'Lui et sa femme sont arrivés’

Les formes fortes sont également utilisées en français dans les contextes prépositionnels. Dans ce cas
encore, le roumain connaît une seule forme :

(35)     a. Elle est partie avec lui.

            b. A plecat cu el.

               a  parti avec il

            ‘Elle est partie avec lui’

Cette situation de contraste entre les deux langues mènera à des productions mal formées de la part des
locuteurs roumanophones :

(36)     a. *Il et sa femme sont arrivés.

            b. *Elle est partie avec il.

3.1.5.2. L'expression de l'indéfini-humain

Le roumain n’a pas de pronom indéfini analogue au français on, qui, selon les contextes, pourra se
traduire par exemple par les équivalents de 'tu' ou 'nous' :

(37)     a. On a du mal à apprendre le roumain

            b. E greu         să         înveți                   franceza

               est lourd que apprennes français-le   

               'Il est difficile d’apprendre le français’   

Litt: Il est difficile que tu apprennes le français

 (38)    a. On est souvent touché par les compliments.

            b. Suntem  adesea măguliți de complimente.

                sommes souvent flatté de compliments


                'On est souvent flatté par les compliments’

                Litt: Nous sommes souvent flattés par les compliments

Les apprenants roumanophones pourront utiliser donc le pronom tu pour rendre les valeurs de on en
français, produisant des structures du type :

(39)     a. #Tu peux souvent te tromper  pour  'on peut souvent se tromper’

          b. #Nous sommes souvent flattés par les compliments pour 'on est souvent flatté

3.1.5.2.           Combinaisons de pronoms

L’ordre des pronoms compléments n'est pas toujours parallèle dans les deux   langues :

(40)     a. Je le lui donne

          b. i-l        dau

             lui-le donne

            ‘je le lui donne’

          c. *je lui le donne

Les apprenants roumanophones auront des difficultés à produire l’ordre correct des pronoms
compléments en français et feront des transferts comme en (40)c.

Avec le verbe putea ‘pouvoir’ suivi d’une subordonnée infinitive, les pronoms objet du verbe enchâssé vont
se réaliser en roumain sur le verbe principal (41a-b), ce qui n’est pas le cas en français

            Roumain                   Français

(41)     a. Îl pot face                              Je peux le faire

              le peux faire

             'Je peux le faire’

         b. Se poate face                    Cela peut se faire

             se peut faire


            'Cela peut se faire’

Ces contrastes prédisent l’apparition de productions mal formées chez les locuteurs roumanophones, qui
auront tendance à placer le pronom sur le verbe principal en français :

(42)     a. *Je le peux faire

          b. *Cela se peut faire

3.1.5.3.           Possession "inaliénable"

Le roumain et le français disposent d'une syntaxe spéciale connue sous le nom de "Possession Inaliénable"
parce qu'elle met prototypiquement en jeu des noms dénotant des parties inaliénables du corps humain
(ou animé) . En français, la syntaxe de la Possession Inaliénable, qui associe un pronom datif incarnant le
Possesseur à un nominal défini dénotant le Possessum (ex. (44b)), est restreinte à certains noms lexicaux
— canoniquement, les noms de parties du corps (comme cheveux en (44b), mais non chemise en (43b)) :

Possession dite "aliénable" :  possessif + N

(43)     a.         J'ai coupé sa chemise.

          b.         ?Je lui ai coupé la chemise.

Possession dite "inaliénable" : pronom datif + article défini

(44)     a. J'ai coupé ses cheveux.

          b. Je lui ai coupé les cheveux.

En roumain, la syntaxe de la Possession Inalianéble, illustrée par le patron (44b), a une extension
beaucoup plus large que son homologue en français : elle est compatible non seulement avec les noms de
parties du corps comme 'cheveux', mais avec quasiment n'importe quel substantif — comme 'chemise', par
exemple (cf. (45b)), ou 'soupe' en (46) :

(45)     a. I-am  tăiat        părul

              lui-ai coupé cheveu.le

              'je lui ai coupé les cheveux’


            b. I-am tăiat           cămașa

               lui-ai coupé chemise.la

               'je lui ai coupé la chemise’

(46)     Mănâncă-ţi supa!

           mange-toi soupe-la

           Lit. 'Mange-toi la soupe !'

Il s'ensuit une difficulté potentielle pour les roumanophones, qui tendront à produire la syntaxe Inaliénable
là où on ne l'attend pas en français standard, comme en (47), exemple attesté faisant écho au roumain (46)
:

(47)        *Mange-toi la soupe !

3.1.6. Genre, nombre et accord

3.1.6.1.           Discordance de genre roumain/français

Les noms roumains peuvent avoir trois genres – Masculin, Féminin et Neutre (cf. section suivante). En soi,
cela ne pose cependant pas de difficulté particulière aux apprenants. En revanche des problèmes de
confusion de genre apparaissent étant donné le fait que les deux langues ont une distribution arbitraire
des genres pour les noms inanimés.

Notamment, les différences de genre entre des mots roumains et français similaires par le sens ou ayant
une étymologie commune sont une source prévisible de difficultés :

            Roumain                                          Français

(48)     a. țara mea                                                                               mon pays

              pays ma

              'mon pays’


            b. televizorul                                                                         la télévision

                télévision.le

                'la télévision’

            c. un chibrit                                                                            une allumette

               un allumette

               'une allumette’

            d. o îndoială                                                                            un doute        

                une doute

               ‘un doute’

            e. un dinte                                                                                une dent

                            un dent

              'une dent'

Les apprenants roumanophones se tromperont donc sur le genre de certains noms inanimés comme en
(49). La confusion en (49b) est d’autant plus plausible que le mot télévision  existe en roumain, et veut dire
‘(chaîne de) télévision’.

(49)     a.  *ma pays 

          b.  *le télévision

          c. *la doute

          d. *le  dent

Plus particulièrement, les noms roumains terminés par –a ou –é (dont un bon nombre sont des emprunts
du français) sont masculins en français mais féminins en roumain et donc représentent une source de
confusions, cf. (50):

(50)     o pijama                                          o canapea

                    camelia                                            dalia                                                     

(51)     un pyjama                                  un canapé


                      le camélia                                      le dahlia

(52)     *ma pyjama, *la canapé

Pour les apprenants d’un niveau plus avancé, des interférences peuvent encore se faire sentir dans l’accord
à distance des pronoms anaphoriques :

(53)     j’ai pris mon pyjama… mais *elle était trouée

3.1.6.2.           « Neutres »

Ce que l’on appelle ‘neutre’ en roumain (voir aussi section précédente) est majoritairement un ‘faux’ genre
qui emprunte ses formes au masculin pour le singulier et au féminin pour le pluriel. Cependant, comme il
ne s’agit pas de noms qui changent de genre mais qui prennent le masculin au singulier et le féminin au
pluriel, et comme ces noms sont très nombreux dans la langue, on considère cela comme un genre à part.

(54)     a.  un                       chibrit,             două chibrituri

                 un.Masc allumette, deux.Fém allumettes

            b. un                    tren,        două trenuri

                un.Masc train   deux.Fém trains

L’accord au féminin pluriel en roumain peut générer des accords fautifs pour certains noms en
français: ces trains… *elles etc.

On peut s’attendre aussi à des situations d’accord partiel dû aux hésitations de genre, comme en (55) où
seul l’un des mots accompagnant le nom s’accordent

(55)     a. *son belle bijou

          b. *un petit allumette

3.1.6.3.           Pluriel des adjectifs français en -al

La morphologie des adjectifs français en –al /-aux (ex. l'exercice final/les exercices finaux ) risque d'être
difficile à assimiler pour un roumanophone, étant donné l’existence en roumain d'une classe d'adjectifs
en –al, présentant dans cette langue une flexion régulière: final, finală, finali, finale. Il est donc certain que
l’apprenant roumanophone produira en français des formes comme finals  :

(56)     *les exercices finals, *les moyens lexicals, *les compléments adverbials


 

3.1.7. L'expression de la quantité dans le groupe nominal

Les indéfinis ont des propriétés syntaxiques particulières qui peuvent poser des problèmes
d’apprentissage du français.

Les quantificateurs comme 'beaucoup' - mult/multă/mulți/multe – ou 'peu' puțin/puțini/puțină/puține  ont


en roumain un usage adjectival, précédant directement le nom et s’accordant en genre et en nombre. En
français, ces quantificateurs ont une origine nominale et ont gardé une syntaxe nominale, tout comme les
noms quantitatifs million, millier, tas, tonne etc (cf. 58). A côté de ceux-là, le français a également des
quantifieurs adjectivaux comme en (59).

(57)     mulți/puțini                                        copii

            beaucoup.M.Pl./peu    enfants

            'beacoup/peu d’enfants’

(58)     a. beaucoup/peu d’enfants

            b. *beaucoup/peu enfants

(59)     a. plusieurs enfants

            b. quelques enfants

On prédit donc l’apparition de formes comme (58b), où le statut adjectival des


quantifieurs peu et beaucoup  est généralisé au français.

En revanche, le fonctionnement des nombres à commencer par vingt est nominal en roumain, et demande


l’insertion de la préposition de,  à la différence du français (cf. Fiche Numération):

(60)     a. douăzeci de copii

                vingt      de enfants

                 'vingt enfants'

            b. o        sută de copii

               une cent de enfants


               'cent enfants'

(61)     a. vingt enfants

          b. *vingt d’enfants

En un premier temps, il est donc possible d’avoir des productions du type (61)b avec l’insertion de la
préposition. Par ailleurs, on peut signaler l’existence en français des nominaux dizaine, centaine et leur
inexistence en roumain, qui utilise les numéraux respectifs, déjà de nature nominale.

            Lorsqu’un numéral cardinal et un numéral ordinal comme premier, dernier  se combinent, le


roumain impose l’ordre ordinal>cardinal (62), à la différence du français (63):

(62)     ultimele            trei    locuri    au    fost ocupate

            dernier.les trois places ont été occupées           

            'les trois dernières places ont été occupées'

(63)     a. les trois dernières places ont été occupées

          b. *les dernières trois places ont été occupées

Ce contraste prédit l’apparition de transferts de la part des locuteurs roumanophones, sous la forme de
productions mal formées comme (63)b.

Il existe en roumain une forme plurielle et définie du cardinal un, unii/unele  'les uns/les unes' qui
fonctionne comme un déterminant indéfini (cf.64), étant donc suivi du nom indéfini. En français, un  ne se
pluralise que dans l’expression les uns / les autres. L’interprétation de cet indéfini en français peut être
rendu par l’indéfini certains  ou quelques, selon le contexte. Ces contrastes et la coïncidence de forme
avec les uns... les autres en français peut mener chez les apprenants roumanophones à des productions
comme (65b), qui fait écho au roumain (64):

(64)     unii  copii nu  știu lecția

            uns enfants ne savent leçon-la     

            ‘certains/quelques enfants ne savent pas la leçon’

(65)     a. certains enfants ne savent pas la leçon

           b. *les uns enfants ne savent pas la leçon

3.1.8. Constructions relatives


Les relatives ont une structure assez semblable dans les deux langues, mais le roumain est plus complexe
dans la mesure où les pronoms relatifs ont une morphologie qui tient compte de la variation de cas
(Nominatif/Accusatif vs. Oblique).

La forme de base du système relatif roumain est le pronom care  :

(66)     Nominatif         Oblique                                                                      Acc

                    care ‘qui’ – (al/a/ai/ale) căruia/căreia/cărora  ‘de qui’, dont    pe  care ‘qui ou que’

                                                                                                                                                                                              cu care  ’avec qui’

                                                                                                                                                                                              pentru care  ’pour


qui’…

Le fonctionnement de ce pronom est assez parallèle des pronoms relatifs lequel, laquelle, duquel, de
laquelle  etc ; le roumain n’a pas de formes courtes comme dont, qui et que qui devront être apprises telles
quelles par les apprenants roumanophones. Les difficultés que peuvent poser les relatives françaises à un
locuteur roumanophone sont donc notamment de nature morphologique (la forme des pronoms relatifs).

            Roumain                                                      Français

(67)     a. fata      care            a cumpărat câinele                        b. la fille qui a acheté le chien

               fille.la laquelle    a acheté chien.le

               'la fille qui a acheté le chien'

(68)     a. câinele    pe care   l-a cumpărat fata                  b. le  chien que la fille a acheté

               chien.le pe lequel le-a acheté fille.la

               'le chien que la fille a acheté'

On observe que le relatif à l’Accusatif est précédé par la marque d’accusatif prépositionnel pe. L’apprenant
roumanophone devra donc acquérir le système des pronoms relatifs courts en français. On observe
également le redoublement pronominal que nous avons mentionné plus haut et qui peut être généralisé
dans les relatives en français (cf. plus haut section 3.1.2).

Dans les relatives prépositionnelles (où le pronom relatif est précédé d’une préposition), le roumain et le
français sont assez parallèles, sauf pour la contraction qui n’existe pas en roumain, et qui prédit
l’apparition chez les apprenants roumanophones de formes comme à lequel, de lequel, etc. Là encore,
donc, la difficulté est de nature morphologique.

            Roumain                                                      Français


(69)     a. fata  pentru care am  cumpărat flori        b. la fille pour qui j’ai acheté des fleurs

            fille.la pour laquelle ai acheté fleurs

            'la fille pour laquelle/qui j’ai acheté des fleurs'

(70)     a. exemplul      la care am    făcut aluzie       b. l’exemple auquel j’ai fait allusion

              exemple.le à lequel ai fait allusion

            'l’exemple auquel j’ai fait allusion’

Lorsque l’élément relativisé est oblique, le roumain n’a pas non plus de formes contractées :

(71)     a. Vecinii      cu           ai                   căror        copii         am plecat în vacanță

                voisins avec  D-Gen    qui-Gen enfants   ai parti     en vacances

               'Les voisins avec les enfants de qui je suis parti en vacances...’

            b. Fata        ai                  cărei              ochi au fost remarcați de        toată lumea

                fille-la D-Gen qui-Gen      yeux ont été remarqués de    tout monde-la

                lit. 'la fille de laquelle (les) yeux ont été remarqués par tout le monde'

               ‘La fille dont les yeux ont été remarqués par tout le monde’

On peut donc prévoir des difficultés à mettre en place la distribution des formes courtes et contractées des
pronoms relatifs. Les apprenants roumanophones pourront produire en un premier temps des phrases
comme (72)a, où l’usage des formes complexes est généralisé, ou bien des exemples où l’usage
de dont n’exclut pas la présence d’un possessif dans la phrase relative :

(72)     a. *La fille de laquelle les yeux ont été remarqués par tout le monde.

            b. *La maison dont son toit a été réparé.

3.2. Flexion et constructions verbales

3.2.1.      Valence verbale


Il existe des verbes qui ne se situent pas dans la même classe en ce qui concerne le régime des
compléments (transitif direct ou indirect, par exemple) dans les deux langues. L’acquisition de la
construction verbale devra donc faire l’objet d’un apprentissage particulier pour les locuteurs
roumanophones. Des cas particuliers qui peuvent être signalés sont par exemple le
verbe ierta  'pardonner', qui en roumain, à la différence du français, peut apparaître comme transitif direct
dans une construction comme (73). En français en revanche, ce verbe apparaît avec un complément
indirect personnel dans une construction prépositionnelle, et respectivement oblique lorsque le
complément indirect est un pronom (74):

(73)     Am iertat-o              (pe Maria)

            ai    pardonné-la pe Maria

            'j’ai pardonné à Marie'

(74)     J’ai pardonné à Marie. Je lui ai pardonné.

Ce même verbe aura en roumain une construction différente si les deux compléments sont réalisés,
comme en (75) avec une construction oblique pour l’objet personnel, ou bien en (76) avec un objet direct
et un complément prépositionnel inanimé.

(75)     I-am  iertat                greșeala lui Ion

            lui-ai pardonné faute.la Det.Obl Ion

            'J’ai pardonné à Ion sa faute'

(76)     L-am iertat pe Ion de greșeli

            le-ai pardonné pe Ion de fautes

            'J’ai pardonné à Ion pour ses fautes'

Un locuteur roumanophone pourra donc produire la construction mal formée en   (77) :

(77)     *Je l’ai pardonné(e).

En revanche, pour un apprentissage raisonné, on peut se baser sur la construction en (75), avec où le
bénéficiaire du pardon est exprimé par un oblique, et qui est parallèle au français.

Le roumain, à la différence du français, présente dans le cas de certains verbes une construction avec deux
objets accusatifs. Par exemple, le verbe a învăța, qui se traduit par ‘enseigner’ ou ‘apprendre’, selon le
contexte. Ce verbe peut avoir deux objets directs, une propriété inexistante en français (78b) et que les
locuteurs roumanophones seraient susceptibles de produire:

(78)     a. Maria îl  învață          franceza      pe Ion


               Maria le enseigne français.le pe Ion   

               ‘Maria enseigne le français à Ion’

            b. *Marie apprend Ion le français.

            c. *Elle l’a appris les maths.

Une autre construction de nature à poser des difficultés est celle du verbe changer. Ce verbe ( a schimba)
en roumain a une construction directe, à la différence du français (79)a-b:

(79)     a. Mi-am schimbat cămașa

          b. J’ai changé  de  chemise

L’apprenant roumanophone pourra donc produire des phrases mal formées comme (80), où le complément
du verbe changer est en régime direct :

(80)     *J’ai changé la voiture/la chemise

Des contrastes de même type concernent des constructions avec verbe être + adjectif qui n’ont pas les
mêmes prépositions dans les deux langues, comme străin de  ‘étranger à’ Litt. « étranger de» ou îmbrăcat
în  'vêtu de', Litt. "vêtu en", qui peuvent donner des interférences du type *étranger de, *vêtu en noir. Pour
d’autres interférences concernant les prépositions, voir aussi plus bas, section 3.4.

3.2.2. Actif et passif

Les formes actives et passives sont construite de la même façon en roumain et en français (verbe être +
participe passé accordé en genre et en nombre) :

                        Roumain                                                      Français

(81)     a. copilul          a cules       florile                                b. l’enfant a cueilli les fleurs

               enfant.le a cueilli fleurs.les

               'l’enfant a cueilli les fleurs’

(82)     a. florile              au fost culese      de  (către) copil              b. les fleurs ont été cueillies par l’enfant

                fleurs.les ont été cueillies de (vers) enfant

               'les fleurs ont été cueillies par l’enfant’


En français standard, le complément d’agent est introduit le plus souvent par la préposition par  (cf. 82.b),
mais dans certains contextes (comme les verbes d’état) la préposition de  peut apparaître :

(83)     ce professeur est très aimé des enfants

Le roumain utilise de manière généralisée un complément d’agent en de (suivi en roumain standard de la


préposition către 'vers'). Les apprenants roumanophones pourront généraliser l’usage de la préposition de,
comme en (84) :

(84)     *il a été interrogé du professeur

3.2.3. Forme pronominale

Les verbes roumains peuvent, comme ceux du français, apparaître à ce qu'on appelle traditionnellement
la forme pronominale, caractérisée par l'occurrence du pronom se à la troisième personne :

            Français                                                                   

(85)     a. Il se regarde dans le miroir. (sens réfléchi)

          b. Ils s'aiment. (sens réciproque)

          c. La branche s'est cassée en deux (sens anticausatif)

          d. Le saucisson se mange avec du pain. (sens passif)

          e. Ce bébé se sert déjà d'une cuiller.  (forme pronominale lexicalisée)

            Roumain

(86)     a. Se privește în oglindă

               se regarde en miroir

              'Il se regarde dans le miroir’

            b. Se iubesc

               se aiment

              'Ils s’aiment’

            c. Ramura s-a rupt în două


              branche.la se-a rompu en deux

              'La branche s’est cassée en deux’

            d. Salamul se mănâncă cu pâine

               salami.le se mange avec pain

            'Le salami se mange avec du pain’

            e. Acest copil se folosește deja de lingură

              cet enfant se sert déjà de cuiller

            'Cet enfant se sert déjà d’une cuiller’

En revanche, les formes pronominales lexicalisées ne correspondent pas toujours dans les deux langues.
Certains verbes pronominaux en roumain peuvent correspondre à des verbes non-pronominaux en
français :

            Roumain                                                      Français

(87)     a. se joacă                                                       ils jouent

               se jouent

               'ils jouent’ 

         b. se gândesc                                                  ils pensent

            se pensent

            'ils pensent’

         c. se tem                                                         ils craignent

            se craignent

              'ils craignent’

(88)     evadează                                                                                                                ils s’évadent

            évadent
            'ils s’évadent'

Les apprenants roumanophones pourront produire des formes pronominales là où en français elles
n’existent pas (cf.89a-c) et l’inverse (cf.89d) :

(89)     a. *ils se jouent

          b. *ils se pensent

          c. *ils se craignent

          d. *ils évadent

A noter enfin le cas des verbes pronominaux réciproques, qui en roumain admettent aussi bien la forme
purement réciproque comme (90)a, que la forme N1 se V avec N2, qui n’existe pas en français. En
conséquence, on s’attend à ce que les roumanophones produisent des énoncés français mal formés
comme (90)c :

            Roumain                                          Français

(90)     a. Ion și Maria se sărută                                      Jean et Marie s’embrassent

               Ion  et Marie se embrassent

            b. Ion se sărută cu Maria                                    *?Jean s’embrasse avec Marie

               Ion se embrasse avec Marie

            c. S-a  sărutat          cu ea                                            *Il s’est embrassé avec elle

                s’a embrassé avec elle

3.2.4. Passé narratif

En roumain comme en français, la forme du passé simple a disparu  de la langue courante. Elle reste
vivante seulement dans certains dialectes et dans un style littéraire archaïque (contes). Même dans la
langue écrite, le temps standard du récit au passé est le passé composé, construit sur le même modèle
qu'en français (v.auxiliaire + participe passé).

Contrairement à ce qu'on observe en français, toutefois, les temps composés du roumain n'utilisent qu'un
seul auxiliaire à la voix active — 'avoir :

(91)     a. j’ai  chanté; je  suis  tombé; je me  suis  cassé la jambe
            b. am  cântat;  am  căzut; mi-am  rupt piciorul

                ai chanté    ai tombé  me-ai cassé jambe.la

Les contextes requérant en français l'auxiliaire être  à la voix active nécessiteront donc un apprentissage
attentif de la part des roumanophones, qui risquent de généraliser l'auxiliaire avoir en français en
produisant des suites comme (926a), au lieu de (92b) :

(92)     a.         * J’ai tombé, *J'ai parti, Je m’ai cassé la jambe

            b.         Je suis tombé, Je suis parti(e), Je me suis cassé la jambe.

3.2.5. Futur et conditionnel

Le futur s'exprime en roumain standard au moyen du verbe 'vouloir' employé comme auxiliaire :

(93)     voi                              cânta         vei cânta                va cânta

         vouloir1.Sg     chanter etc

Lit. 'Je veux chanter, tu veux chanter, il veut chanter.'

            = 'Je vais chanter, tu vas chanter, il va chanter’

En français, il existe deux formes, l’une périphrastique (aller + infinitif) et l’autre flexionnelle (basée sur
des désinences: -erai, -eras, -era etc).

En revanche, en roumain familier, d’autres formes basées sur la forme de subjonctif précédée de la marque
de futur o  sont beaucoup plus vivantes :

(94)     o          să          cânt,                                 o să cânți,                     o să cânte

          Fut que chanter.Subj.1Sg...

L’apprenant roumanophone devra apprendre à maîtriser en français les formes temporelles avec leurs
valeurs respectives et le registre où elles fonctionnent, et comprendre par exemple que la forme
périphrastique avec vouloir n’a pas pour correspondant exact en français la forme périphrastique
avec aller.

Le français et le roumain utilisent tous les deux des formes appelées "conditionnel" pour l’expression des
valeurs hypothétiques:

(95)     Je prendrais bien un peu de viande.


(96)     Aș                  mânca    puțină carne.

            COND manger peu    viande

            'Je mangerais un peu de viande'

Le conditionnel en roumain n’a que des valeurs hypothétiques et n'exprime jamais le 'futur du passé',
comme en français.

(97)     Știam că va veni aseară

            savais que FUT venir hier soir

            'Je savais qu’il viendrait hier soir’

(98)     Je savais qu'il  viendrait hier soir.

L’apprenant roumanophone aura donc besoin d’un effort pour maîtriser la distribution des formes de futur
et de conditionnel en français. En particulier, il pourra produire des phrases comme (99) sans faire ce
qu’on appelle la concordance des temps:

(99)     a. *Je savais qu’il viendra

          b. *Si je descendrai en enfer,…

Contrairement au français standard, le roumain n'interdit pas les temps Futur et Conditionnel dans les
subordonnées conditionnelles en 'si' :

(100)   a.         Si je pourrai, je ferai.

          b.         Dacă aș                            putea,      aș                              face

                        si   Cond.1Sg.   pouvoir, Cond.1Sg.      faire

                        Litt : si je pourrais, je ferais

                        = ‘si je pouvais, je ferais’

Les apprenants roumanophones risquent donc de produire en français des phrases mal formées comme en
(101), sur le modèle roumain illustré en (100b) :

(101)   a.                *Si j'aurais su, j'aurais chanté.

            b.                *Si je mourrai, tu pourras partir.

 
3.2.6. Auxiliaires aspectuels

3.2.6.1.           Aspect inchoatif (procès qui commence)

Le roumain, comme le français, utilise certains verbes pour signaler le commencement d'un procès
(l'"aspect inchoatif"). Mais les verbes utilisés dans cette fonction ne se correspondent que partiellement,
comme illustré dans le tableau en (102) :

(102)

Roumain Exemples Analogue français Exemple

     Începe acest roman


Il comme
  '(Il) commence ce roman.'  
 
începe 'commencer'      Începe să plouă commencer
Il comme
 '(Il) commence à pleuvoir.'

       
 
'a se pune pe'     A pus cartea pe    masă mettre
Il a mis l
  'Il a mis le livre sur la table.'  
 
     S-a pus pe cântat  
'Il s'est m
lit. 'se mettre sur'  Lit.  'Il s'est mis sur chanter." se mettre à

    A pornit în călătorie

porni    'Il est parti en voyage.'    

'partir'   partir Il part en

      Se pornește să plouă      

Lit. 'partir à' Lit. 'Il part à pleuvoir.' se mettre à Il se met

A se apuca      
  'Se apucă de roman.'
'prendre' prendre Il prend s
   Se apucă de citit
     
  Lit. 'Il se prend de fumer.'
Lit. 'se prendre de' se mettre à Il se met
  

On peut donc s'attendre à certains transferts de la part des apprenants roumanophones, produisant en
français des suites mal formées telles que (97) :

(103)   a.         *Il {est parti/s'est parti/a parti} à pleuvoir.

            b.         *Il s'est/s'a pris de/à fumer.

            c.         *Il s'est/s'a mis sur/de chanter.

3.2.6.2.           L'aspect progressif (procès en cours) ou répétitif

En roumain standard ou courant, il n'existe pas de locutions verbales pour signaler le procès en cours de
déroulement ou de répétition, analogues à être en train de, ne pas arrêter de, ne pas cesser de : l'effet
progressif ou répétitif est signalé dans cette langue par des adverbes (par exemple tocmai'justement').
L'apprentissage des locutions verbales du français dans des phrases telles que (104) pourra donc présenter
une certaine difficulté :

(104)   a.         Il est en train de dormir.

            b.         Il n'arrête/ne cesse pas de dormir.

Dans le but d’exprimer le sens d’un procès qui commence, le locuteur roumanophone pourra faire appel à
des adverbes, ce qui peut mener à des productions comme en (105), qui ne sont pas l’équivalent de (104) :

(105)   a.         #Il travaille justement (pour Il est en train de travailler)

          b.         #Elle chante justement (pour Elle est en train de chanter)

3.2.7.  Constructions à "verbes légers"

On appelle ainsi de "petits" verbes à sens assez abstrait qui, en combinaison avec certains compléments
d'objet, forment des locutions verbales dénotant des  types d'événements ou d'activités — cf. en
français donner dans  donner une gifle à quelqu'un (= 'gifler'), prendre dans prendre racine  (=
's'enraciner'), faire dans faire les  courses (= 's'approvisionner'), etc. Il existe en roumain, comme en
français, des constructions à verbe léger, mais elles ne se correspondent pas terme à terme, ce qui peut
être une source de difficulté dans l'apprentissage de l'autre langue. Ceci est illustré dans le tableau en
(106).

(106)

  ROUMAIN   FRANCAIS

Verbe léger Objet Exemples Verbe Exemples

Ion face o baie


Jean prend un bain.
prendre
    Lit. 'Ion fait un bain'
 
 
    Ion face o baie
 
bebelusului  
Faire Bain
Jean donne un bain au
Lit. 'Ion fait un bain donner
bébé.
au bébé.'

passer Jean a passé un savon à


Ion a tras o Marie.
sapuneala Mariei  
savon (=
Tirer  
râclée)
Lit. 'Ion a tiré un  
savon à Marie.' Jean a mis une râclée à
mettre Marie

         

On peut donc s’attendre à trouver des interférences dans le choix des verbes supports pour les
périphrases du français :

(107)   a. *Marie fait un bain (au bébé)

          b. *Jean a tiré un savon à Marie

 
3.2.8. La flexion verbale en subordonnée (subjonctif, infinitifs, participes)

En français comme en roumain, il existe des phrases subordonnées qui utilisent soit des verbes avec une
flexion complète (indicatif), soit des verbes à flexion appauvrie (subjonctif, qui présente toutefois des
formes conjuguées, ou infinitif, qui n’en présente pas).

Toutefois, les deux langues n’utilisent pas de la même façon les formes verbales dans la subordonnée. En
français, dans une phrase comme (108a) on utilise l’infinitif, alors qu’en roumain on utilise une forme
fléchie qui est proche du subjonctif français:

(108)   a. je veux chanter

            b. vreau să             cânt

                veux que (je) chante.Subj

               ‘je veux chanter’

En français la forme de subjonctif est utilisée dans les contextes où le sujet du verbe principal et celui de la
subordonnée ne renvoient pas à la même personne ; ici, le français et le roumain correspondent :

(109)   a. je veux qu’il chante

            b. vreau  să cânte

               veux que (il)chante.Subj

              ‘je veux qu’il chante’

En raison de ce contraste entre le français et le roumain, on s’attend à ce que les locuteurs


roumanophones produisent des phrases mal formées en français comme (110), où la forme subordonnée
conjuguée est transférée au contexte où les sujets des deux verbes ne renvoient pas à la même personne :

(110)   *Je veux que je chante.

Le même contraste concerne les phrases causatives en 'faire-laisser'  :

(111)   a. Je l’ai fait attendre

          b. Je l’ai laissé partir

(112)   a. L-am făcut să aștepte

              le-ai fait    que attende

               ‘Je l’ai fait attendre’


            b. L-am lăsat să plece

               le-ai laissé que parte

               ‘Je l’ai laissé partir’

Ces contrastes laissent attendre de la part des locuteurs roumanophones des structures mal formées
comme (113)a-b :

(113)   a. *J’ai fait/ je l’ai fait qu’il attende

            b.  *J’ai laissé / je l’ai laissé qu’il parte

Dans certains contextes, lorsque le verbe subordonné et laisser/faire ont un sujet qui renvoient à la même
personne, la forme du verbe subordonné en roumain peut être le participe, alors que le français utilise
l’infinitif :

            Roumain                                          Français

(114)   a. Se face  înțeles                                                                Il se fait comprendre

                se  fait compris

               'Il se fait comprendre’ 

            b. Se lasă așteptat                                                            Il se laisse attendre

                se laisse attendu     

               'Il se laisse attendre’

En vue de ces contrastes, les locuteurs roumanophones produiront des phrases mal formées comme (115),
où le participe remplace l’infinitif attendu en français. La difficulté est d’autant plus grande que dans
certains contextes, le français aussi peut utiliser le participe, comme dans le cas des verbes d’état comme
en (116), où il y a correspondance entre les deux langues:

(115)   a. *Il se fait compris

            b. *Il se laisse attendu

            Roumain                                          Français

(116)   a. Se simte iubită                                Elle se sent aimée

                se sent aimée


               ‘Elle se sent aimée’

            b. S-a văzut încununat de succes          Il s’est vu couronné de succès

               se-a vu     couronné de succès

               ‘Il s’est vu couronné de succès’

3.2.9. Choix du subjonctif dans la subordonnée en fonction de l’évaluation du


contenu propositionnel (possible  etc)

Avec un prédicat évaluatif et un verbe subordonné qui exprime un événement non encore réalisé, en règle
générale les deux langues utilisent le subjonctif (la forme en que pour le français et en sa  pour le roumain)

               Roumain                                                               Français

(117)   a. E      mai bine  să plece                                                                                          Il vaut mieux qu’il parte

               est plus bien que parte

               'Il vaut mieux qu’elle parte’

            b. E preferabil să fii mai prevăzător                              Il est préférable que tu fasses attention

                est préférable que sois plus prévoyant

               ‘Il est préférable d’être plus prévoyant’

En revanche les deux langues divergent lorsque le prédicat de la subordonnée dénote un fait accompli. En
roumain, c'est l’indicatif (passé) qui est utilisé, même quand le verbe principal est évaluatif.

            Roumain                                                      Français

(118)   a. Ești dezamăgită că am venit?                                      Tu es déçue que je sois venu?

                es    déçue          que ai venu

               ‘Tu es déçue que je sois venu ?’

            b. Îți pare rău că n-am plecat?                                            Tu regrettes que je ne sois pas parti?
                te paraît mal que ne ai parti

                ‘Tu regrettes que je ne sois pas parti ?’

Ces contrastes sont de nature à prédire des transferts comme celui qui est illustré en (119), où l’indicatif
prend la place du subjonctif en français :

(119)   a. *Tu es déçue que je suis venu  ?

            b. *Tu regrettes que je ne suis pas parti  ?

Un contraste du même type concernant le choix du mode est représenté par le comportement des noms
comme fait, qui attirent le choix du subjonctif en français standard mais de l’indicatif en roumain :

(120)   a. Faptul că a venit mă deranjează

              fait-le que a venu me dérange

          b. Le fait qu’il soit venu me dérange

Là encore, on s’attend à des productions mal formées comme en (121), issu d’un transfert à partir de
(120)a :

(121) *Le fait qu’il est venu me dérange

Le contexte négatif dans la principale influence le choix du mode en français mais pas en roumain, où
nous trouvons jusqu’à un certain point la variation libre, à moins que le verbe principal n’exprime une
hypothèse (conditionnel):

(122)   a. Nu cred că vine.

             ne crois que vient

             'Je ne crois pas qu’il vienne’

            b. Je ne crois pas qu’il vienne

(123)   N-aș crede să vină

            ne-Cond.1.Sg. croire que vienne

            'Je ne croirais pas qu’il vienne’


Les locuteurs roumanophones pourraient donc produire des constructions mal formées comme (124). La
comparaison des exemples français avec des exemples comme (123) serait une modalité de favoriser
l’apprentissage du subjonctif en français en contexte négatif.

(124)   *Je ne crois pas qu’il vient.

Avec les verbes impersonnels à interprétation générique comme il faut, il suffit de, le roumain utilise le
subjonctif conjugué à la deuxième personne du singulier, alors que le français utilise l’infinitif :

            Roumain                                                                  Français

(125)   a. Trebuie    să       citeşti toate lucrările       recente.    Il faut lire  tous les travaux récents.

                          faut       que   lises tous travaux-les récents

               ‘Il faut lire tous les travaux récents’

            b.  E de-ajuns       să-ţi faci            liniştit datoria.           Il suffit de faire tranquillement son travail.

                            est suffisant que-te fasses tranquille devoir-le

               ‘Il suffit de faire tranquillement son devoir’

Ces contrastes sont de nature à prédire en français des roumanophones des constructions comme en
(126), qui font écho au roumain :

(126)   a. #Il faut que tu lises tous les travaux récents.

          b. #Il suffit que tu fasses tranquillement ton devoir.

Beaucoup de différences se présentent également dans le choix du mode dans les diverses subordonnées.
En subordonnée concessive, par exemple, le roumain n’utilisera pas le subjonctif mais l’indicatif, alors que
le français impose le subjonctif (127a). Les locuteurs roumanophones produiront donc des exemples mal
formés du type (127b) avec l’indicatif.

            Roumain                                                      Français

(127)   a. Deși nu e de acord, nu spune nimic        Bien qu’il ne soit pas d’accord, il ne dit rien

                quoique ne était de accord, ne a dit rien

              ‘Bien qu’il ne soit pas d’accord, il ne dit rien’

            b. *Quoiqu’il pleut,… *Bien qu’il n’est pas d’accord,…


 

Le conditionnel en alternance avec l’indicatif est utilisé en roumain dans des concessives comportant une
idée de choix possible, alors que le français  utilise le subjonctif:

            Roumain                                                                                         Français

(128)   Oricare  ar                              fi        /este jocul, regulile      sunt aceleași        Quel que  soit  le jeu...

          quel.que Cond3Sg être / est jeu-le, règles-les sont mêmes.F.Pl.

          ‘Quel que soit le jeu, les règles sont les mêmes’

Ce contraste est à nouveau source de transfert possible, donnant des structures mal formées comme
(129) :

(129)   *Quel que serait / est le jeu, les règles sont les mêmes.

Le subjonctif roumain n’est jamais sélectionné dans la relative, à la différence du français (130a-b), sauf
dans le cas d’une interprétation claire de but poursuivi, auquel cas les deux langues sont parallèles (131a-
b) :

(130)      a. Este  cartea cea mai interesantă pe care am publicat-o                            anul acesta

                est   livre-le le plus intéressant  pe-que avons publié-3SgFém année ce

               ‘C’est le livre le plus intéressant que nous ayons publié cette année’

               b. C’est le livre le plus intéressant que nous  ayons  publié cette année

(131)   a. Caut                              o         secretară care să       știe       procesare de text.

                cherche.1Sg. une secrétaire qui que sache traitement de texte

               ‘Je cherche une secrétaire qui sache le traitement de texte’

            b. Je cherche une secrétaire qui sache taper à la machine.

Le contraste illustré en (130) est une source potentielle de difficultés. On s’attend à des productions
comme (132) où l’indicatif remplace le subjonctif attendu en français :

(132)   *C’est le livre le plus intéressant que nous avons publié cette année
 

3.3. Circonstants

3.3.1. Interférences concernant les prépositions

Les découpages différents dans l’usage de diverses prépositions sont des sources possibles de difficultés
pour les apprenants roumanophones. Vu qu’il existe une certaine similarité au sein des éléments marquant
la relation spatio-temporelle, mais que les combinaisons dans les cas complexes ne sont pas forcément
les mêmes, on s’attend à des interférences comme dans le cas de depuis  vs. de  et leurs formes
composées: >*de quand  pour depuis quand, de  pour depuis  :

            Roumain                                          Français

(133)   a. De când e aici ?                              Depuis quand est-il là ?

               de quand est ici

               'Depuis quand est-il ici ?’

            b. De azi                                   dimineață                   Depuis ce matin

                de aujourd’hui matin

               ‘Depuis ce matin’

L’existence de ce contraste prédit l’apparition de phrases mal formées comme () chez les locuteurs
roumanophones :

(134)   *Il est là de ce matin

Le roumain utilise beaucoup de prépositions complexes formées sur de, qui n’existent pas en français :
par exemple de+en=din ‘en, provenant de’, de pe ‘de sur’, de sub ‘de sous’ – pour exprimer la source, la
provenance, ou bien le contenu – d’où possibilités d’interférences avec utilisation d’une forme complexe
pour une forme simple:

            Roumain                                                      Français

(135)   a. o cană din ceramică                                                                    une tasse en céramique

               une tasse de+en céramique

               ‘une tasse en céramique’


            b. casa                  de pe deal                                                                  la maison sur la colline

               maison-la de sur colline

              ‘la maison sur la colline’

En général, vu que dans beaucoup de cas la préposition de en roumain a un correspondant spécifique en


français, on s’attend à observer chez les apprenants roumanophones un usage élargi de de en français,
sous la forme de productions mal formées comme en (136) :

(136)   *la maison de sur la colline

En revanche, dans d’autres contextes le roumain n’insère pas de préposition (cf. de en 137) là où le
français le fait. De ce pas, on peut s’attendre chez les roumanophones à des productions comme (138) :

            Roumain                               Français

(137)   nimic  bun                                                            rien de bon

            rien bon

            ‘rien de bon’

(138)   *Il n’y avait rien bon

           

3.3.2. Adverbes

Certains adverbes roumains ont la même forme que les adjectifs correspondants (absence de morphologie
correspondant au suffixe adverbial –ment). Par exemple :

(139)   a. cunosc        perfect         franceza

                connais parfait français-Det

               ‘je connais parfaitement le français’

            b. un accent perfect

                un accent parfait

Les apprenants roumanophones peuvent donc avoir des difficultés à maîtriser les adverbes français en -
ment, risquant de produire des formes inacceptables telles que (140) a. On peut également mentionner la
confusion possible chez les roumanophones entre l’adverbe comment   et la conjonction comme, qui en
roumain ont la même forme, ce qui peut mener à des phrases mal formées comme (140b) :

(140)   a.         *je connais parfait le français  ; *parler mauvais  ; *se débrouiller difficile

            b.         *Je ne sais pas comme il a réussi à faire ça.

La place des adverbes représente une autre propriété distinctive des deux langues. Le roumain, à la
différence du français, place les adverbes à la suite du complexe verbal y compris aux temps composés:

(141)   a. am  (*deja) mâncat  deja

                ai mangé  déjà

               'J’ai déjà mangé’

            b. mâncasem                      deja

                manger.pqp.1sg.  déjà

               'J’avais déjà mangé’

Cette propriété est de nature a poser uné légère difficulté aux apprenants roumains qui devront apprendre
l’ordre auxiliaire-adverbe-participe passé qui est standard français, et pourront en un premier temps
produire des constructions mal formées comme (142) qui ne sont pas standard en français:

(142)   #J’ai mangé déjà

           

Les adverbes ici  et là  ont des propriétés différentes dans les deux langues. Ainsi, là  en français est non
spécifié pour l’opposition proche/lointain, à la différence du roumain où les adverbes aici  - ici  et acolo  –
là apparaissent en contraste pour marquer cette opposition. De telles nuances peuvent poser des
problèmes de traitement aux apprenants roumanophones.

(143)   a. Reste là  !

            b. Rămâi aici!

On peut noter l’absence en roumain d’équivalent pour les proformes adverbiales y et en, propres au
français (cf. 144). Le fonctionnement de ces « pronoms adverbiaux » doit donc faire l’objet d’un effort pour
les L1roumains. L’effet est la production de phrases elliptiques dans une étape initiale de l’acquisition de
la langue, comme en (144b) :

            Roumain                   Français


(144)   a. Mă  duc                                    J’y vais

               me vais

               ‘J’y vais’

            b. Je vais. Je viens.

On peut aussi s’attendre à l’utilisation généralisée de l’adverbe là dans les contextes où l’on attend y  : 

(145)   ?Je  vais là.

Le roumain présente une homonymie entre l’adverbe și 'aussi' et la conjonction și 'et', comme illustré en


(146)a-b. Cela peut aussi mener à des productions mal formées comme (146)b :

                        Roumain                               Français

(146)   a.         A venit și Maria.                                      Maria aussi est venue.

                        a venu et Maria

                        'Maria aussi est venue’

            b.         Maria  și Ion au venit                        Marie et Jean sont venus

                                              Maria et Ion ont venu

                        'Maria et Ion sont venus'

            c.         *Et Marie est venue.

3.3.3. Marqueurs de degré.

Pour exprimer les degrés de signification en roumain, on utilise en roumain des constructions complexes
qui sont complètement différentes de celles du français. Plus précisément, on se sert de
l’adverbe mai ‘plus’ pour la forme de comparatif de supériorité, et la forme complexe mai puțin ‘plus
moins’ pour le comparatif d’infériorité.

            Roumain                                          Français

(147)   a. mai frumos                                                                        plus beau

                plus beau


            b. mai puțin important                                          moins important

                plus moins important

               ‘moins important’

Il est donc possible de trouver chez les locuteurs roumanophones des constructions qui généralisent la
construction complexe en français :

(148)   *plus moins important

Pour les adjectifs exprimant la quantité la comparaison implique plus de termes termes qu’en français:

            Roumain                                                      Français

(149)   a. mai  mulți                oameni                                                          plus de gens

             plus beaucoup hommes

            b. mai puțini copii                                                                                moins d’enfants

                plus moins d’enfants

(150)   lucrez                        mai  mult                  decât el                   je travaille plus que lui

            travaille.1Sg. plus beaucoup que lui

            'Je travaille plus que lui’

On s’attend donc à voir apparaître des  constructions mal formées affectant la syntaxe de beaucoup   et
des autres quantifieurs dans des constructions comparatives, telles (151) :

(151)   a. *Il a plus beaucoup d’argent.

            b. *Il a plus moins d’enfants.

            c. *Je travaille plus beaucoup que lui.

L’expression de l’intensité pour les adjectifs qualificatifs utilise en roumain la forme atât ‘tant’ qui est par
ailleurs un quantifieur, suivie de la préposition de  – alors que le français utilise simplement la construction
si+adjectif:

(152)   Era  atât de  frumoasă


            était tant de belle

            ‘Elle était si belle’

L’existence de la construction proche tant de en français peut amener les locuteurs roumanophones à
produire des constructions comme (153) en calquant la construction roumaine de degré en (152) :

(153)   *Elle était tant (de) belle.

4. Phrase
4.1. Sujet implicite.

Le pronom sujet, qui est obligatoirement présent en français, est implicite ou absent en roumain (153,
154b). On dit que le roumain est une langue "à pronom sujet implicite."

(153)   a. Il  pleut/*Pleut.

          b. Plouă.

              pleut

(154)   a. Je  mange / tu manges / il mange …

            b. Mănânc.

                mange1sg 

On peut s’attendre donc, en un premier temps, de trouver des productions mal formées en français des
roumanophones, avec l’omission du pronom sujet comme en (155) :

(155)   a. *Pleut.

          b. *Mange.

          c. *Est tard

La présence du pronom sujet en roumain produit un effet d'emphase rendu en français par un pronom fort
accentué :
(156)   a. LUI, il  a fait ça

          b. EL a făcut asta

             LUI a fait ça

Les contreparties roumaines des formes impersonnelles du français comme il y a, il est bon, il est
important apparaissent sans pronom sujet apparent en roumain. Certains prédicats impersonnels prennent
la forme réfléchie: se poate 'il se peut’, se cuvine 'il convient’. En raison de ces contrastes, on peut
s’attendre à trouver chez les roumanophones des phrases mal formées comme (158):

               Roumain                                       Français

(157)   a. Se poate să plecăm mâine                              Il se peut que nous partions demain

                se peut que partions demain

               'Il se peut que nous partions demain’

            b. Nu se cuvine să vorbești așa

               ne se convient que parles ainsi

              ‘Il ne convient pas de parler ainsi’

(158)   a. *Se peut que nous partions demain.

          b. *Ne se convient que tu parles ainsi.

4.2. Ordre des mots.

L’Ordre VS est possible dans le cas des verbes intransitifs non-agentifs comme arriver, venir, tomber. La
phrase (159)b est possible en tant que réponse à la question « Que se passe-t-il ? » et met l’accent sur
l’événement. En (159c), on observe le même ordre des mots dans un contexte où l’on veut faire ressortir le
sujet :

(159)   a.  Ion a venit.

                            Ion a venu

               'Ion est venu.'


          b. A venit Ion

             a venu Ion

             'Ion est venu.'

          c. A venit  Ion [nu Maria]

                a venu Ion (pas Maria)

               ‘Ion est venu (pas Marie)’

Le français n’admet pas cet ordre des mots :

(160)   a.         Jean est venu.

          b.         C'est  Jean qui est venu (pas  Marie).

          c.         *Est venu  Jean (pas  Marie).

          d.        *Est parti ton frère  ?

Les apprenants roumanophones risquent donc de produire en français des formes comme (160c). Notons
également que le roumain ne dispose que de l’intonation pour mettre en relief des constituants de la
phrase, et que donc des exemples de phrases dites ‘clivées’ comme (160b) sont inexistants.

4.3. Négation et mots négatifs

Le système de la négation est différent dans les deux langues. Alors qu’en français standard la négation de
phrase comporte deux constituants, le roumain n'utilise qu'un seul marqueur :

(161)   a. Je  ne  mange  pas.

            b. Nu  mănânc.

                ne mange

Le contraste illustré en (161) conduit l'apprenant roumanophone à établir un parallèle entre un morphème
négatif (nu) en roumain et deux morphèmes (ne...pas) en français. Toutefois, en présence de mots
comme rien, personne, jamais (mots dits à polarité négative), le roumain nu semble avoir pour contrepartie
le seul morphème ne en français :
 (162)  a. Je ne mange rien

            b. Nu  mănânc nimic

                 ne mange     rien

(163)   a. Personne n’est venu

            b. Nimeni nu a venit

                personne ne a venu

On s'attend donc à ce que les apprenants roumanophones hésitent sur l'identification du/des marqueur(s)
de négation en français en produisant des formes comme (9) ou (164) :

(164)   a. *Je ne mange pas rien

          b. *Personne n’est pas venu

          c. *Aucun ne sait pas…

(165)   a. *Il n’est venu

          b. *Elle n’a compris

En (164), l'apprenant aura incorrectement généralisé que nu = ne...pas à partir d'exemples comme (162b) ;
en (165) il aura incorrectement généralisé que nu = ne à partir d'exemples comme (161).

Des problèmes spécifiques concernent aussi la conjonction de négation ni – nici  en roumain, sa position et
ses combinaisons avec d’autres mots négatifs dans la phrase. Cette conjonction négative a deux usages en
roumain; elle peut mettre en contraste un constituant sur lequel elle fait porter la négation, auquel cas elle
correspond en français à ... non plus (166); ou bien elle sert à la coordination négative, comme ni  en
français cf. (167) :

            Roumain                                          Français

(166)   Nici el nu a dormit.                                                      Lui non plus n’a pas dormi.

            ni    il  ne a dormi

            'Lui non plus n’a pas dormi’

(167)   Nici Ion, nici Maria nu au venit              Ni Jean, ni Marie ne sont venus

            ni    Ion  ni   Marie ne ont venu


            'Ni Jean, ni Marie ne sont venus’

(168)   *Ni lui n’a (pas) dormi.

Cette situation peut engendrer des structures mal formées comme en (168), dans lesquelles la conjonction
française ni se voit attribuer le rôle d’élément marquant en même temps le contraste et la négation de
constituant.

Un contraste entre les deux langues peut être observé en ce qui concerne l’ordre des constituants de la
phrase négative contenant un quantifieur comme tous. En roumain, c’est la négation nu qui apparaît en
première position, alors qu’en français on a l’ordre inverse (169):

                        Roumain                                    Français

(169)   Nu toți          copiii    au venit                               Tous les enfants ne sont pas venus.

            non tous enfants.les ont venu

            'Tous les enfants ne sont pas venus’

Les locuteurs roumanophones produiront, comme conséquence de ce contraste entre les deux langues,
des phrases mal formées comme (170) :

(170)   *Pas tous les enfants sont venus.

Comme noté précédemment, le roumain n’a pas de structures clivées du type c’est... que. Une
conséquence de ce fait dans la phrase négative est que la négation va occuper la première place, et sera
focalisée tout comme le constituant qui la suit. Cela donne en roumain des constructions comme (171), qui
sont l’équivalent de clivées négatives en français :

            Roumain                                                      Français

(171)   Nu atunci a început              catastrofa                            Ce n’est pas à cette époque-là que...

          pas alors a commencé catastrophe.la

          'Ce n’est pas à ce moment-là qu’a commencé la catastrophe’

Les difficultés des locuteurs roumanophones portant sur ces constructions donneront des constructions
mal formées en (172) proches du roumain (171) :

(172)   *Pas alors a commencé la catastrophe.

4.4. Interrogatives
La différence la plus notable entre les deux langues concernant les structures interrogatives est
représentée par la construction est-ce que/ inversion du sujet qui apparaît en français, et qui est une
source de difficultés pour tous les locuteurs allophones. Pour les roumanophones, il est difficile de faire la
différence entre les phrases interrogatives en qui  et en que, et les structures en est-ce que et inversion du
sujet sont difficiles à maîtriser, pouvant mener à des productions mal formées diverses, comme par
exemple celles en (174).

            Roumain                                                                  Français

(173)   Ce se întâmpla  ?                                          Que se passe-t-il  ? Qu’est-ce qui se passe  ?

            que se passe

            ‘Que se passe-t-il/ Qu’est-ce qui se passe ?’

(174)   a. *Que se passe  ?

                  b. *Qui se passe  ?

REFERENCES
Câșlaru, Mariana-Diana. 2013. L’interlangue des apprenants roumains de FLE au carrefour des langues
romanes. Thèse de doctorat, Université d’Avignon et Université Alexandru Ioan Cuza de Iasi.

Cristea, Teodora. 1977. Eléments de grammaire contrastive, domaine français-roumain,  Bucureşti. Editura


didactică şi pedagogică.

Mollaert, Céline. 2002. Les erreurs de français des roumanophones : essai de typologie. Buletinul Științific
al Universității Politehnica – Timișoara.

Țenchea, Maria. 1999. Etudes contrastives (Français-Roumain),  Timişoara : Hestia.

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