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Revue des mondes musulmans et de la

Méditerranée
135 | 2014
Sociétés de montagne et réforme religieuse en terre
d'Islam

Retour sur les sociétés de montagne au Maghreb :


fuqahā’ et soufis du Bilād Ghumāra (XIe-XVIIe
siècles) à l’épreuve des réformes de la pratique
religieuse
Back on the mountain societies in the Maghreb: fuqahā’ and sufis of the Bilād
Ghumāra (XIth-XVIIth centuries), and the challenge of religious practice reform

Mohamed Mezzine et Jacques/Jawhar Vignet-Zunz

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/remmm/8732
DOI : 10.4000/remmm.8732
ISSN : 2105-2271

Éditeur
Publications de l’Université de Provence

Édition imprimée
Date de publication : 30 juillet 2014
Pagination : 77-98
ISBN : 978-2-85399-935-9
ISSN : 0997-1327

Référence électronique
Mohamed Mezzine et Jacques/Jawhar Vignet-Zunz, « Retour sur les sociétés de montagne au
Maghreb :fuqahā’ et soufis du Bilād Ghumāra (XIe-XVIIe siècles) à l’épreuve des réformes de la pratique
religieuse », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], 135 | juillet 2014, mis en
ligne le 01 septembre 2014, consulté le 03 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/
remmm/8732 ; DOI : 10.4000/remmm.8732

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Mohamed Mezzine*
Jacques/Jawhar Vignet‑Zunz**

Retour sur les sociétés de montagne


au Maghreb
fuqahā’ et souis du Bilād Ghumāra (xie-xviie siècles)
à l’épreuve des réformes de la pratique religieuse

Résumé. La montagne du Rif au Maroc occupe dans les livres d’histoire, voire chez les
ʿulḤmā’ de la Qaraw1yīn, à Fès, une 8lace de cho1x. Des noms comme Ibn Mashīsh, al-Habtī et
Ibn ʿArdūn cont1nuent d’an1mer une trad1t1on h1stor19ue méd1évale encore v1vante au2ourd’hu1.
Ces noms nous ramènent à une é8o9ue où le 8ays Ghmara, comme on l’a88ela1t à l’é8o9ue,
const1tua1t un 8ôle culturel 9u1 r1val1sa1t avec la v1lle de Fès. Ibn Mashīsh et son d1sc18le,
al-Shādh1lī, 1n1t1ateurs de la fameuse ṭḤrīqḤ shādhiliyyḤ, vont, à 8art1r de cette montagne,
lancer un mouvement de réforme rel1g1euse 9u1 a connu une extraord1na1re aud1ence au8rès
des 8o8ulat1ons de la montagne, comme de celles de l’ensemble du Maroc. D’autre 8art, les
fuqḤhā’ des Ghmara, 1nterméd1a1res obl1gés entre les ʿulḤmā’ et le commun des gens, tentent
d’ex8l19uer la norme 1slam19ue à des 8o8ulat1ons conna1ssant à 8e1ne la langue arabe. Les
ʿulḤmā’ du jḥel, mo1ns nombreux, 8lus versés dans le savo1r 2ur1d1co-rel1g1eux, 8artagés entre
le réseau du savo1r andalou, avant 1492, et celu1 de Fès, vont trava1ller à modeler le malék1sme
et à le constru1re selon les ex1gences de leur m1l1eu montagnard d1fic1le. Pour com8rendre
ce 8hénomène, l’art1cle se 8ro8ose de su1vre les tra2ecto1res des 8r1nc18aux réformateurs, des
Ḥwliyā’ souis et des 8r1nc18aux 8orteurs de savo1r (les ʿulḤmā’), et tenter de mesurer l’impact
de ces tentat1ves de réforme sur la soc1été des Ghmara.
Mots-clés : JḥḤlḤ, montagne, souisme, lettrés, 2ur1s8rudence

* Un1vers1té de Fès (USMBA)


** IREMAM (A1x-en-Provence)

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Abstract. BḤck on the mountḤin societies in the MḤghreḥ: fuqḤhā’ Ḥnd suis of the Bilād
GhumārḤ (XIth-XVIIth centuries), Ḥnd the chḤllenge of religious prḤctice reform
The R1f mounta1ns of Morocco st1ll occu81es a 8lace of cho1ce 1n the h1story books and even
in theʿulḤmā’ m1l1eu of the Qaraw1y1n 1n Fez. Names l1ke those of Ibn Mashīsh, al-Habtī and
Ibn ʿArdūn cont1nue to feed a med1eval h1stor1cal trad1t1on st1ll al1ve today. These names
br1ng us back to a t1me when the Ghmara country, as 1t was called at the t1me, was a cultural
center that r1valed the c1ty of Fez. Ibn Mashīsh and h1s d1sc18le al-Shādh1lī, both 1n1t1ators of
the famous ṭḤrīqḤ shādhiliyyḤ, started from this mountain a religious reform movement that
had a tremendous following among mountain populations, such as those of the throughout
Morocco. On the other hand, the Ghmara fuqḤhā’ , gatekee8ers between ulḤmā’ and the
common 8eo8le, were try1ng to ex8la1n the Islam1c standards to 8eo8le who barely knew
Arab1c. The fewer ʿulḤmā’ of the Jbel, more versed 1n legal and rel1g1ous knowledge, shared
between the network of the Andalus1an rel1g1ous sc1ence before 1492 and that of Fez, worked
to sha8e the Mal1k1 thought and to bu1ld 1t accord1ng to the re9u1rements of the1r mouta1nous
env1ronment. To understand th1s 8henomenon, th1s 8a8er a1ms to follow the tra2ector1es of the
main reformers of Ḥwliyā’ Suis and 8r1nc18al holders of knowledge (ʿulḤmā’ ), and to measure
the 1m8act of these attem8ts to reform Ghmara soc1ety.

Keywords: JḥḤlḤ, mounta1n, Suism, scholars, 2ur1s8rudence

Adossée à une trad1t1on tenace 9u1 relégua1t les montagnes dans un ensemble
de rég1ons s1tuées aux l1m1tes du Bilād Ḥl-Islām, 8ar o88os1t1on aux rég1ons
d1rectement sous 1nluence des grandes c1tés de l’Islam, l’h1stor1ogra8h1e class19ue
au Maghreb a longtem8s 1m8osé dans les études des soc1étés une v1s1on négat1ve
de la montagne, souvent ass1m1lée au ḥled siḥḤ1, au « Maroc 1nut1le », au 8ays des
d1ss1dences, au « refuge » 8our les 8ersécutés. L’h1sto1re de la montagne maroca1ne
a été constru1te sur des sources arabes et andalouses la1ssées 8ar les grands maîtres
comme al-Yaʿ9ūbī, Ibn Ḥaw9al, al-Idrīsī et même Ibn Khaldūn. Le chant1er a été
re8r1s au début du xxe s1ècle 8ar un or1ental1sme alors con9uérant 9u1 en a fa1t
l’histoire de la lutte entre coutumes et traditions, d’une part, et droit musulman,
šḤriʿḤ2, d’autre 8art. L’h1sto1re des montagnes n’aura1t été, selon cette a88roche,
9u’une su1te de tentat1ves d’ada8tat1on des trad1t1ons locales à la norme orthodoxe
de l’1slam.
L’évocat1on d’un éventuel rôle culturel de la montagne, au Maghreb, et de sa
contr1but1on à l’1slam1sat1on du 8ays ou aux réformes rel1g1euses 9u’1l a connues,
releva1t d’une gageure, vo1re, selon la l1ttérature h1stor19ue class19ue, d’un non-sens
év1dent : la montagne est ma1ntenue dans sa marg1nal1té et sa d1ss1dence. L’ob2ect1f
de cet essa1 est de tenter de contr1buer au débat sur l’h1sto1re de ces montagnes à

1 Les notions relevant, comme ḥled siḥḤ, d’une certa1ne construct1on h1stor1ogra8h19ue, ont été la1ssées dans
la forme transl1ttérée s1m8l1iée 9u1 est celle de leur contexte d’occurrence. Il en va de même 8our certa1ns
noms (notamment ceux de tr1bus, à l’1nstar de JḥḤlḤ ou GhmḤrḤ, ou d’autres, comme Moulay et Jbel) dont
la forme s1m8l1iée a été consacrée 8ar l’usage dans la l1ttérature sc1ent1i9ue contem8ora1ne.
2 Toute une l1ttérature a été dévelo88ée autour de cette thémat19ue à l’é8o9ue colon1ale et même 8ostcolon1ale.
Notamment 8ar des or1ental1stes chevronnés comme G. Marça1s, 1946 ; M1chaux-Bella1re,  1931 ;
L. Provençal, 1922 ; J. Idr1ss, H.R., 1962 ; J. Ber9ue, 1974 et 1978.
Retour sur les sociétés de montḤgne Ḥu MḤghreḥ / 79

8art1r d’une relecture des sources locales. Il s’ag1ra de d1scuter du statut de « ḥled siḥḤ
culturel » souvent assoc1é à la montagne, de recons1dérer la contr1but1on des fuqḤhā’
et des soui en tant 9u’él1te savante dans l’1slam1sat1on de la soc1été de ces montagnes
et dans l’élaborat1on d’un savo1r 2ur1d1co-rel1g1eux 9u1 les rattache au ʿḤmḤl malék1te.

Le cas des montagnes ghumāra


Communément a88elées Bilād GhumārḤ 3 les montagnes du nord du Maroc,
englobant le 8ays d1t au2ourd’hu1 JḥḤlḤ, ont souvent été ér1gées en exem8le de
montagne pauvre, dissidente, marginale, ayant connu une islamisation longue
et d1fic1le.
Bilād GhumārḤ est une a88ellat1on anc1enne. Elle nous renvo1e aux tem8s des
dynast1es berbères et, au 8lus tard, à la 8ér1ode saad1enne. Chez les auteurs class19ues
arabes, la mo1t1é occ1dentale de la chaîne du R1f est connue, au mo1ns 2us9u’au
xviie s1ècle, sous le nom de « Pays des Ghmara ». En 1672, un ẓāhir porte nomination
d’un « caïd de la rég1on de Jbala et du FḤ ṣ » et mar9ue a1ns1 la in de ʿḤmālḤt Ḥl-HḤḥṭ,
« 8rov1nce du Habt » (Al-F1gu1gu1, 2001). Désorma1s, les Ghmara ne seront 8lus 9u’un
grou8e de neuf 8et1tes tr1bus entre la dorsale r1fa1ne et la Méd1terranée. Ce8endant,
Bilād GhumārḤ – ou 8lus communément Bled GhmḤrḤ – restera en usage b1en a8rès
cette date.
C’est une montagne au rel1ef mo1ns élevé 9u’1l n’est enca1ssé, au cl1mat
caractér1sé 8ar son hum1d1té et la douceur relat1ve des tem8ératures et à la forte
dens1té huma1ne. Ma1s 8lus 1m8ortante est sa 8rox1m1té au détro1t de G1braltar.
Cet étro1t 8assage entre deux 8én1nsules connaîtra, de8u1s la 8lus haute Ant19u1té,
une dens1té 1nhab1tuelle de c1tés 8ortua1res (Gsell, St., 1913–1928). Auss1, la
8résence des v1lles mod1iera-t-elle, dans la longue durée, la vocat1on naturelle de
la rég1on en levant 8our l’essent1el les obstacles à la commun1cat1on nés du rel1ef.
Le Bilād GhumārḤ est a1ns1 rel1é aux ressources t1rées de terres lo1nta1nes et son
franch1ssement dev1ent une o8érat1on rentable dès lors 9u’une route commerc1ale
v1ent t1rer 8roit du contexte géogra8h19ue. Or, tel est b1en le cas 1c1. Le détro1t,
ma1s auss1 la rég1on montagneuse 9u1 le borde, vont être em8runtés 8ar une vo1e
9ue l’arr1vée de l’Islam rend o8érato1re 8u1s9u’elle réun1t la ca81tale d’une nat1on
en construct1on, Fès, soutenue 8ar une c1té 8rest1g1euse, Sabta4, à ce nouvel es8ace
8our l’Islam 9u’est alors al-Andalus. A88réhendée sur la longue durée, l’h1sto1re du
Bilād GhumārḤ semble d’abord l1ée à celle de son 1slam1sat1on, au mo1ns 8endant

3 Selon Ibn Ḫaldūn, c’est le 8ays de la grande confédérat1on des Ghmara. Le ils de Maṣmūd éta1t leur ancêtre
é8onyme. Leur terr1to1re s’étenda1t sur tout le Nord-Ouest du Maroc méd1éval. Ibn Ḫaldūn en a fa1t une l1gue
berbère dans son système d’ex8l1cat1on du 8eu8lement du Maghreb. Ibn Ḫaldūn, 1968 : 176, 317, 675, 680 ;
et surtout 1852-1856. Al-Bakrī, 1911. Al-Idrīsī, vo1r la rééd1t1on Alger, 1983. J. Ber9ue, 1978 : 143, 144.
4 Vo1r Al-Ya’9ūbī (m. a8rès 890), 1937 ; Al-Bakrī, 1911 : 47-78. Surtout au tem8s des Almorav1des et des
Almohades avec le célèbre al-Qāḍī ‘Ayad ; H. Ferhat, 1993 et 2000 : 457-470.

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les 8rem1ers s1ècles de l’1slam au Maroc, 8u1s à celle de l’orthodox1e et des réformes
de la 8rat19ue rel1g1euse.
L’1slam1sat1on de ces contrées, ma1s surtout leur rôle dans les réformes du savo1r
et du myst1c1sme, ont été à l’or1g1ne de nombreuses controverses. L’1slam de la
montagne Ghmara a d’abord été 8résenté 8ar les chron19ueurs5 comme un islam
marg1nal, archaï9ue, s1m8le, 8arfo1s contestata1re, 8ar com8ara1son avec l’1slam des
v1lles, comme celu1 de Fès, 8lus class19ue, garant d’un dogme « orthodoxe » de la
rel1g1on : le malék1sme. Au 8o1nt où les shuyūkh Ḥl-jḤmā‘Ḥ (« les doyens du cha81tre »,
selon J. Ber9ue) en ont fa1t la norme (le ʿḤmḤl) d’un malék1sme d’Occ1dent.
En com8ara1son, l’1slam des Ghmara a88ara1ssa1t dans ces textes comme un
1slam fruste, sans 1n1t1at1ve s1non réfracta1re, un19uement géré 8ar d’obscurs fḤqīh‑s
de v1llages 9u1 se contenta1ent d’a88l19uer les ense1gnements et les 1nter8rétat1ons
des « Grands Ulémas » de la v1lle. L’h1stor1ogra8h1e class19ue 6 a souvent 1ns1sté
sur le fait que les fuqḤhā’ des Ghmara aura1ent été débordés 8ar des hérés1es et
des mouvements secta1res, 8rétendument réform1stes. A1ns1 du mouvement d’Abū
Tawā21n, au xe s1ècle, dont le chef, Hā-Mīm, s’éta1t déclaré 8ro8hète (Zouanat, 1998).
Ces hérés1es et ces rév1s1onn1smes ont été col8ortés 8ar la trad1t1on orale 8endant
longtem8s 8u1s re8r1s 8ar les chron19ues.
De telles hérés1es de la montagne ont été soul1gnées 8ar les sources arabes,
8u1s ont été 8résentées comme des 8reuves de la d1ss1dence des Berbères de la
rég1on 8ar des voyageurs, souvent 8ressés, à la recherche de sensat1ons et d’h1sto1res
extraord1na1res, 9u’1ls 8ro8agent dans leurs ri lḤ-s 7 ou leurs chron19ues. Même
les textes 9u1 semblent les m1eux rense1gnés et les 8lus créd1bles, comme ceux
d’al-Bakrī,Bakrī (1911 : 72), d’al-Idrīsī (1983 : 44–82), d’al-Baydha9 (Ibn Sah1b
al-Salat, 1964) et, 8lus tard, de Léon l’Afr1ca1n (al-Wazzān, 1956 : 270–292), 9uand
1ls évo9uent les montagnes Ghmara, évo9uent souvent des légendes et des h1sto1res
de mouvements secta1res.
Ces textes abordent la montagne comme une rég1on fermée, un 8ays « refuge »
dont les l1ens avec le bas-8ays éta1ent rares, vo1re em8runts d’une host1l1té 9u1
contr1bua1t à 1soler d’autant la montagne et donc sa culture et son 1slam. Pourtant
la l1ttérature hag1ogra8h19ue 8 9u1 a été m1se à 2our et dont on commence à 8e1ne
à évaluer la 8ortée offre une autre 1mage de ce 8ays. Le 8ays Ghmara y est décr1t
comme un « 2ard1n » où leur1ssent les sa1nts et où lesʿulḤmā’ et fuqḤhā’ régna1ent
en maîtres.
Les h1stor1ens d’au2ourd’hu1 9u1 ont, 8endant longtem8s, emboîté le 8as aux
études or1ental1stes, vo1re 8ost-or1ental1stes (Ber9ue, 1978 : 142–190), sont en
tra1n de revo1r leur a88roche grâce notamment aux données 9ue 8ro8osent les

5 Part1cul1èrement : Al-Yafranī al-Saġ1r (m. 1727), 1888 et 1889. Anonyme, 1934. Al-F1štalī ‘Abd al-‘Az1z,
1972.Vo1r également J. Ber9ue, 1978 : 142–148.
6 Établ1e 8art1cul1èrement 8ar Ibn Ḫaldūn, al-Naṣ1rī, l’auteur de l’Ist1s9a (10 volumes).
7 Al-Idrīsī (m. 1166), 1866, 1968. Al-Abdarī (mort in XIIIe s1ècle), 1854/1968. Léon l’Afr1ca1n (al-Wazzan),
(m. 1529), 1956, Tome I.
8 Part1cul1èrement à 8art1r du xvie s1ècle, comme Ibn ‘Askar (m. 1578), 1976. Et Ibn al-Qāḍī, 1973.
Retour sur les sociétés de montḤgne Ḥu MḤghreḥ / 81

l1vres hag1ogra8h19ues et les textes de nḤwāzil (l1ttéralement « cas d’es8èce »,


l1vres de 2ur1s8rudence rel1g1euse), engageant a1ns1 une rév1s1on 8rofonde de cette
a88roche. Parm1 les textes les 8lus ut1l1sés : la DḤw Ḥt Ḥl-Nāshīr d’Ibn ʿAskar, le
Mumtiʿ Ḥl-Ḥsmāʿ de Muḥammad al-Mahdī al-Fāsī, le Miʿyār d’al-Wansharīsī et les
JḤwāhir d’al-Zayātī. Ces textes, et b1en d’autres, 8ermettent au2ourd’hu1 de remettre
8rogress1vement en 9uest1on les nombreux 8résu88osés 9u1 relégua1ent la montagne
au second 8lan.
L’1slam1sat1on et les réformes de la 8rat19ue rel1g1euse dans le Bilād GhumārḤ
semblent avo1r const1tué la base de ce débat.

L’islamisation du Bilād Ghumāra


La vulgate class19ue arabe (Ibn  Ḫurdadhbah, Al-  Ya’9ūbī, Al-  ‘Umarī) de
l’islamisation du Bilād GhumārḤ, a8rès 9uel9ues hés1tat1ons, offre au lecteur un
schéma s1m8le et log19ue, 9u1 fa1t la 8art belle aux con9uérants arabes et aux
ʿulḤmā’ des v1lles. Le 8ays aura1t été 1slam1sé en tro1s grandes éta8es.
Celle de ʿU9ba 1bn Nāiʿ, au 8rem1er s1ècle de l’Hég1re (viie a8. J.C.). Même s1 cette
8rem1ère tentat1ve aura été é8hémère, elle aura au mo1ns contr1bué à lancer un 1slam
de 8ros8ect1on dans l’ensemble de ces montagnes, encore d1fic1lement access1bles 9.
Celle de Mūsā 1bn Nuṣayr, 9uel9ues années 8lus tard. Con9uête 8lus large
et avec plus d’hommes et de moyens, qui laissera son empreinte sur l’islam des
Ghmara et sur la to8onym1e de la rég1on. La 8reuve en sera1t la construct1on de
8lus1eurs 8et1tes mos9uées et la créat1on d’une 8r1nc18auté, celle d’al-Nakūr
(Rosenberger, 1998 : 39–52). Les mos9uées les 8lus célèbres de l’é8o9ue, évo9uées
8ar ces textes, sont d’abord celle de Sabta, celle de Sū9 Kutāma (Qṣar al-Kabīr),
celle du R1baṭ Shāk1r dont 8arle Lév1-Provençal : elle aura1t été constru1te 8ar un
com8agnon de ʿU9ba 1bn Nāiʿ, Shāk1r, 9u1 éta1t resté sur les l1eux 8our y 8rêcher
l’1slam. Al-Bakrī évo9ue les mos9uées de Baṣra, Aṣ1la, Gama ra (?). De cette h1sto1re
émergera l’un des l1eutenants de Mūsā 1bn Nuṣayr, Ṭār19 1bn Z1yād 10, 8robablement
un berbère de la rég1on, 8ersonnage légenda1re 9u1 va 8orter sur ses é8aules
l’h1sto1re de l’1ntroduct1on de l’1slam en al-Andalus. Les h1stor1ens class19ues 11
évo9uent cet é81sode comme un s1gne év1dent de la rel1g1os1té de la rég1on.
A1ns1, selon ces h1stor1ens, l’1slam1sat1on des Ghmara n’aura1t 8as 8osé de
8roblème ma2eur, du mo1ns au début. Et le débat sur le statut légal de ces montagnes,
8our savo1r s1 l’entrée de la rég1on dans l’1slam s’est fa1te 8ar la force (ʿunwḤtḤn) ou

9 Ibn ‘Abd al-Hakam (m. 871), 1948. C’est la 8rem1ère chron19ue arabe d’un égy8t1en 9u1 a relaté la con9uête
de l’Égy8te, de l’Afr19ue du Nord et de l’Es8agne.
10 Mort à Damas en 720. Vo1r Gu1chard, 1974, vol. 29, n° 6 : 1483–1513.
11 A. Larou1, 1970 : « … Le 8r1nc18al défaut (de ces sources) est 1ntr1nsè9ue au genre des documents lu1-même.
Les l1vres des Maghaz1 (con9uêtes musulmanes) sont souvent l’œuvre de 2ur1stes 9u1 veulent 8réc1ser dans
9uelles cond1t1ons les d1fférentes 8rov1nces ont embrassé l’1slam, 8arce 9ue de ces cond1t1ons dé8end le
statut 2ur1d19ue des terres et des hommes », 8. 79.

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82 / MohḤmed Mezzine et JḤcques/JḤwhḤr Vignet-Zunz

8ar la 8a1x et l’all1ance (ṣul Ḥn) est hab1lement escamoté, 8assé sous s1lence ou, au
m1eux, abordé sous l’angle des débats 8rocéduraux sans réel 1m8act sur l’ex8ans1on
ou le recul de l’1slam dans le 8ays des Ghmara (Larou1, 1970 : 76–80).
A1ns1 les Ghmara n’aura1ent 8as 2oué de rôle 1m8ortant dans le mouvement de
re2et du khar121sme 9u1 ava1t touché d’autres rég1ons du Maroc. Et cela en dé81t du
fa1t 9ue les Barghawāṭa12, qui occupaient les plaines atlantiques et qui n’avaient
8as encore été 1slam1sés, ou 9u1 ava1ent rés1sté à l’1slam, const1tua1ent un danger
8otent1el 8our la rel1g1os1té des Ghmara.
La tro1s1ème éta8e d’1slam1sat1on ofic1elle des Ghmara, m1se en avant 8ar ces
sources, se sera1t réal1sée aux iie et iiie s1ècles de l’Hég1re (ixe et xe J.C.), avec
les Idr1ss1des. C’est 8robablement la 8lus 1m8ortante, selon les sources arabes et
mêmes locales d’a8rès le Qirṭās d’Ibn Abī Zarʿ13. L’h1sto1re des 8r1nces 1dr1ss1des
de8u1s Idrīs Ier est dom1née 8ar les futu āt (« les con9uêtes ») et la lutte contre toute
d1ss1dence des tr1bus. Les Ghmara aura1ent été ré-1slam1sés et rattachés au royaume
1dr1ss1de et a1ns1 déin1t1vement ac9u1s au Bilād Ḥl-Islām. Ibn Khaldūn s8éc1ie 9ue
le 8artage du royaume entre les descendants d’Idrīs II a donné à al-Qās1m les v1lles
de Tanger, Baṣra, Tétouan et la rég1on des tr1bus ṣanhā2a et ghmara ; ʿUmar obtena1t
T1k1sas et Targha. Ce 9u1 a 8erm1s d’encadrer encore m1eux l’1slam1sat1on de la
montagne. La 8reuve avancée 8ar ces textes sera1t l’accue1l chaleureux et 8rotecteur
9ue le 8ays Ghmara a fa1t à l’un des descendants de Moulay Idrīs, S1d1 M1zwār,
9u1 éta1t venu se réfug1er sur le mont d1t ḤjḤr Ḥl-NḤṣr (« le Rocher de l’A1gle »),
célèbre et tou2ours vénéré au2ourd’hu1.
Les hab1tants de la rég1on évo9uent encore l’arr1vée de nombreuses fam1lles
1dr1ss1des, descendantes du Pro8hète, à la in du xe s1ècle, fuyant les exact1ons et les
8ersécut1ons d’Ibn Abī al-ʿĀiya. La légende 9u’1ls se transmettent de l’arr1vée des
Idr1ss1des au Jbel al-ʿAlam est en2ol1vée, enr1ch1e 8u1s ré8ercutée 8ar les d1fférents
écr1ts sous forme de trad1t1on 9ue cha9ue générat1on reconstru1t à sa façon, comme
le soul1gne H.L. Beck dans son l1vre sur « L’1mage des Idr1ss1des à l’é8o9ue des
sultans Mér1n1des » et 9ue re8rend M. García Arenal.
En fa1t, au2ourd’hu1 les h1stor1ens, tout en acce8tant cette ex8l1cat1on, ont
trouvé d’autres ra1sons à cette rel1g1os1té des Ghmara en se référant au contexte
h1stor19ue global de l’Occ1dent musulman. Ils soul1gnent 9ue les Umayyades,
8ar leurs fré9uents allers-retours entre l’al-Andalus et le Maghreb, surtout entre
Cordoue, Sabta et Fès, ava1ent certa1nement eu un 1m8act sér1eux sur l’1slam1sat1on
de ces contrées. Al-Bakrī en a été le témo1n. On 8eut le mesurer à l’aune du nombre
d’oulémas 9u1 grav1ta1t autour de ces v1lles et 9ue les hag1ogra8hes 8ostér1eurs,

12 Nom 9u1 8rov1endra1t, selon Jérôme Carco81no, des Ba9uates. Les Barġawāṭa forma1ent un royaume entre
Sai et Salé, du viiie au xie s1ècles, avec un 8ro8hète, Sal1h Ibn Tar1f, et un « Coran » de 80 sourates.
Leur h1sto1re nous est contée 8ar leur ambassadeur en al-Andalus, Abū Sal1h Zammūr et ra88ortée 8ar
al-Bakrī, Ibn Hazm et Ibn Ḫaldūn. Seuls les Almohades, en 1149, arr1vèrent à mettre in à leur règne
(Iskandar, 2007 ; Larou1, 1970 : 104 et 105).
13 Comme le RḤwd Ḥl-Qirṭās d’Ibn Abī Zar’ al-Fasī ; éd1t. A. Benmansour, 2e éd1t. 1999. La fabr1cat1on d’une
trad1t1on h1stor19ue favorable aux Idr1ss1des a été étud1ée 8ar Arenal, 1995 : 5–34.
Retour sur les sociétés de montḤgne Ḥu MḤghreḥ / 83

comme Ibn Qunfudh ou Ibn ʿAskar, n’ont 8as man9ué de ré8ertor1er.


Les Almorav1des, 9u1 ont souvent traversé le détro1t dans un sens ou dans l’autre,
n’ont certa1nement 8as man9ué de la1sser leurs traces dans ces nombreux centres,
comme Baṣra, Sabta, Tanger, 9u1 ont encadré la montagne Ghmara.
Il en va de même avec la r1gueur almohade dont l’em8re1nte a mar9ué les montagnes
Ghmara comme le reste du 8ays. C’est au tem8s des Almohades 9ue le shādh1l1sme est
né, et 9ue la rég1on ex8orta1t ses fuqḤhā’ vers Fès et même vers le Mashre9.
L’1nstallat1on des Mér1n1des à Fès, au xiiie s1ècle, remetta1t le 8ays Ghmara
au-devant de la scène 8ol1t19ue maroca1ne. Les l1ens des tr1bus de la rég1on avec
la ca81tale se resserra1ent. Les médersas de Fès alla1ent accue1ll1r les nombreux
Ghmara venus à la recherche du savo1r. Le retour de ces nouveaux fuqḤhā’, les
v1s1tes 9ue leurs maîtres effectua1ent dans la montagne, les l1vres 9u1 c1rcula1ent
dans les zaou1as et les mos9uées de la rég1on ava1ent certa1nement 2oué un rôle dans
l’arab1sat1on et l’1slam1sat1on de la montagne. Enin les Andalous, fuyant la 8oussée
de la Recon9u1sta et de l’In9u1s1t1on s’éta1ent, en 8art1e, 1nstallés dans la montagne.
Le danger 8ortuga1s, 8résent de8u1s 1415 à Sabta 8u1s à Tanger, Larache, Aṣ1la,
metta1t le 8ays Ghmara en ébull1t1on, 8rovo9uant la montée d’un souisme engagé
dans l’appel au jihād. Le 8ays Ghmara dev1endra alors et 8endant longtem8s un
refuge 8our les nouveaux m1grants.
Parm1 les 8lus célèbres, Abū al-Mahās1n al-Qaṣr1, arr1vé au xvie s1ècle
d’al-Andalus avec ses 8arents, 1nstallé à al-Qṣar, et 9u1 dev1endra l’un des grands
sa1nts de Fès ; et Moulay Ibrāh1m Ibn Rašīd 9u1 a fondé la v1lle de Chefchaouen…
L’1slam1sat1on des Ghmara va 8rendre d’autres formes et une autre d1mens1on.
Est-ce un s1gne sufisant 8our afirmer l’1slam1sat1on 8rofonde et 1rrévers1ble du
8ays Ghmara 8endant le règne des dynast1es berbères ? Les or1ental1stes du début
du xxe s1ècle14 a1ns1 9ue les h1stor1ens contem8ora1ns (Larou1, 1970 ; A. S1ra2, 1995)
en doutent. La surv1vance de sch1smes, la 8rol1férat1on de sectes « dév1at1onn1stes »
a8rès le règne 1dr1ss1de et tout au long des é8o9ues su1vantes, sont attestées 8ar les
ex8éd1t1ons 8un1t1ves dans la rég1on, condu1tes 8ar les Almorav1des aux xie et xiie
s1ècles, 8u1s 8ar les Almohades aux xii et xiiie s1ècles. L’une des sectes 9u1 ava1t
mar9ué les es8r1ts, aux xe et xie s1ècles, est celle du faux 8ro8hète Hā-Mīm, ils de
Mann Allāh, descendant des Ou Zarwal, l’une des fract1ons des Ghmara à l’é8o9ue,
dans les env1rons de Tétouan, sur le terr1to1re des Med2eska. Prêchant une nouvelle
rel1g1on, 1l changea le nombre des 8r1ères 9uot1d1ennes, réorgan1sa le 2eûne, abol1t le
8èler1nage, la 8ur1icat1on et l’ablut1on, 8erm1t l’usage du 8orc, 1nterd1t le 8o1sson…
Il com8osa un Qur’ān, assass1na le sa1nt Moulay ‘Abd al-Salām 1bn Mashīsh…
Surnommé 8ar les h1stor1ens arabes Ḥl-MuftḤrī (le faussa1re), Hā-Mīm ava1t fa1t de
nombreux d1sc18les. Il 8ér1t vers 937, dans un combat l1vré aux Maṣmūda. La secte
ne d1s8arut 8as com8lètement a8rès sa mort, elle it des émules. Comme ʿĀṣ1m 1bn
2amīl 9u1 re8r1t à son com8te une nouvelle d1ss1dence rel1g1euse et 9u1 s’éta1t auss1
8roclamé 8ro8hète.

14 Les or1ental1stes comme Marça1s, 1947. Vo1r également Laoust, 1966 ; Terrasse, 1930.

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84 / MohḤmed Mezzine et JḤcques/JḤwhḤr Vignet-Zunz

S’1l est donc hors de 9uest1on de contester la 8ers1stance de sectes 9u1 défenda1ent
des doctr1nes « hétérodoxes » dans la montagne, non 8lus 9ue le 8ays Ghmara n’a1t
2ama1s cessé de défendre farouchement certa1ns sch1smes et un certa1n 1solement
8our garant1r la sécur1té de ses hab1tants, la conv1ct1on est au2ourd’hu1 ac9u1se
9ue ce ne sont là 9ue des 8hénomènes l1m1tés, vo1re é8hémères, dans une h1sto1re
longue et com8lexe.

Le débat sur l’islamisation du Bilād Ghumāra


Même s1 des h1stor1ens comme al-Bakrī ou al-Idrīsī 8assent sous s1lence la
frag1l1té de l’1slam1sat1on des Ghmara durant les 8rem1ers s1ècles, l’1slam 1nstallé
8ar les Idr1ss1des dans ces contrées resta1t certa1nement vulnérable. Néanmo1ns,
l’an1mat1on culturelle et rel1g1euse des 8et1ts centres ruraux et le dévelo88ement
8récoce d’une 1nfrastructure rel1g1euse (mos9uées, zaou1as...) a, 8our l’essent1el,
sauvegardé l’1slam1sat1on des Ghmara. Encadrée d’un côté 8ar une al-Andalus
fraîchement 1slam1sée et de l’autre 8ar une v1lle, ca81tale de l’Islam d’Occ1dent,
Fès, secondée 8ar une c1té connue grâce à l’un des grands ʿulḤmā’ malék1tes,
al-Qāḍī ʿIyād (mort en 1149), Sabta, elle-même centre d’un malék1sme lor1ssant,
la montagne du Bilād GhumārḤ sembla1t 8ouvo1r fa1re face à toutes les é8reuves.
Il est vra1 9ue les 8assages vers al-Andalus, 8lus ou mo1ns fré9uents selon les
é8o9ues et les con2onctures, des armées almorav1des 8u1s almohades et enin
mér1n1des, ava1ent contr1bué, d’une man1ère ou d’une autre, à réve1ller la ferveur de
l’islam par les appels au jihād dans ces contrées 15. Ce sont 8robablement auss1 les
échanges entre Fès et Sabta, d’une 8art, les v1lles d’al-Andalus, Grenade, Sév1lle,
Cordoue et Murc1e, 8our ne c1ter 9ue celles-là, longtem8s 8ros8ères, d’autre 8art,
9u1 ont 8erm1s à l’1slam des Ghmara de se consol1der et, contre toute attente, de
8rodu1re des savants 9u1 ont la1ssé leur em8re1nte sur le savo1r au Maroc. D. Urvoy
le montre cla1rement dans son étude sur les ulémas andalous.
Pourtant un autre facteur éta1t entré en 2eu dans cette s1tuat1on com8lexe des
Ghmara : l’arr1vée cont1nue de nouvelles tr1bus dans la rég1on. Le renouvellement des
8o8ulat1ons 8ar le cycle des grands mouvements de tr1bus, tout au long des s1ècles
9u1 ont su1v1 l’1slam1sat1on 1dr1ss1de, surtout à 8art1r du xie s1ècle, a 8robablement
la1ssé des traces. En effet, le 8ays Ghmara a sub1 les consé9uences des nombreux
dé8lacements de tr1bus 9u’a connus le nord du 8ays (Lazarev, 2011). Il a été touché
8ar la lente remontée des grandes confédérat1ons berbères : les Ṣanhā2a au xie s1ècle,
les Maṣmūda (avec les Almohades) au xiie, les Zanāta aux xiiie et xive. Les grandes
tr1bus arabes, Banū H1lāl et Maʿ91l, 9uant à elles, aura1ent 8eu ou très 8eu 8énétré
les Ghmara, seulement 8ar 1nterm1ttence et selon les con2onctures 8ol1t19ues.
Les  sources ne nous donnent 8as d’1nd1cat1ons ex8lo1tables 8our com8rendre

15 Al-Zayātī ‘A., B.G. Rabat, 66 et 1694. Vo1r auss1 Mezz1ne, 2003 : 483–577, sur le ğihād en 8ays ghmara ;
Ber9ue, 1978 : 142-190.
Retour sur les sociétés de montḤgne Ḥu MḤghreḥ / 85

comment les tr1bus arabes ont 1nluencé les Ghmara. Seules 9uel9ues 1nformat1ons
nous sont 8arvenues sur les mouvances arabes dans les coll1nes 8rér1fa1nes 2us9u’à
l’Ouergha. S1 les tr1bus arabes sont arr1vées très tôt sur les 8la1nes 8ér18hér19ues
aux Ghmara du Tangéro1s et du Prér1f, vers le xiiie s1ècle, avec les 8rem1ères tr1bus
« gu1ch » almohades, les autres tr1bus ne seront 1nstallées dans la rég1on 9u’au
xvie s1ècle avec les Saad1ens.
Quelle ont été les consé9uences de l’arr1vée de ces nouvelles 8o8ulat1ons, surtout
aux xie xiie, xiiie et xive s1ècles, sur la soc1été, sur la langue et donc sur la rel1g1os1té
des Ghmara ? Sans voulo1r trancher dans un dél1cat débat d’1dent1té, 1l semblera1t 9ue
les 1ncurs1ons des Banū H1lāl et des Maʿ91l durant cette 8ér1ode a1ent eu un 1m8act
1m8ortant sur l’arab1sat1on et 8robablement auss1 sur les ré1slam1sat1ons des Ghmara.
Les l1ngu1stes, comme W. Marça1s ou A. Gu1ga, ont évo9ué, dès le début du s1ècle
8récédent (1925), en étud1ant le 8arler Takrouna de Tun1s1e, les 8arlers 9u1 aura1ent
survécu des 8rem1ers tem8s de l’arab1sat1on (du xie s1ècle) : 1l s’ag1ra1t des 8arlers
montagnards 9u1 concerna1ent l’ensemble du nord de l’Afr19ue, à D21lel, Tlemcen,
chez les Trara et dans les 8arlers Ghmara. D. Cohen a élarg1 l’es8ace de ce 8arler aux
v1lles comme Fès, Sefrou, Alger… Avec l’arr1vée des H1lāl1ens au Maroc, dans les
8la1nes du Gharb, surtout aux xiie et xiiie s1ècles, de nouvelles modal1tés d1alectales
a88ara1ssent. Il s’ag1t de l’arabe bédou1n, 9u1 aura1t 8robablement 8énétré les vallées
du 8ays Ghmara, accom8agné d’un nouveau mouvement d’1slam1sat1on.
Ce renouvellement des grandes tr1bus, même 8art1el, sur les marges du 8ays
Ghmara, deva1t forcément se ré8ercuter sur la com8os1t1on des 8o8ulat1ons et sur
leur culture et leur rel1g1os1té. Pourtant 1l faut reconnaître 9ue nous ne d1s8osons
8as d’1nformat1ons 8réc1ses, n1 même a88rox1mat1ves. La rel1g1os1té de ces rég1ons
ne nous est ra88ortée 8ar les sources 9u’1nd1rectement. De fa1t, nous ne d1s8osons
malheureusement d’aucune source d1recte sur ce 8hénomène. En 8arler, ou s1m8lement
y fa1re allus1on, deva1t 8robablement s1gn1ier une forme de doute. Ce 9u1 n’a 8eut-être
8as encouragé les h1stor1ens à chercher à remettre en 9uest1on l’hy8othèse class19ue
9u1 a fa1t des montagnes des rég1ons où la rel1g1os1té aura1t 8eu 8énétré.
Pourtant l’une des cert1tudes 9u1 encourage à reven1r sur ce su2et est le rôle 9ue
le souisme a 2oué dans la lutte contre les dév1at1onn1smes dans la rég1on, à l’é8o9ue
des dynast1es berbères ma1s surtout 8lus tard avec les chorfas saad1ens aux xvie
et xviie s1ècles.

Souisme réformiste au pays Ghmara 


S1 l’on cons1dère 9ue l’exacerbat1on du 8hénomène myst19ue (Rosenberger, 1998)
est un s1gne de 8rofonde rel1g1os1té, les nombreuses ṭḤrīqḤ-s 9u’a connues la rég1on
de8u1s le xiiie s1ècle, avec le shādh1l1sme 8rolongé 8ar le 2azūl1sme au xve s1ècle et
8ar la lora1son de nouvelles vo1es myst19ues comme la ṭḤrīqḤ wḤzzāniyyḤ, puis la
rḤysūniyyḤ, au xviie, le 8ays Ghmara sera1t 1ncontestablement une rég1on de grande
ferveur rel1g1euse.

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86 / MohḤmed Mezzine et JḤcques/JḤwhḤr Vignet-Zunz

Le 8ays Ghmara a connu tro1s générat1ons success1ves de myst19ues réformateurs :


la 8rem1ère aux xiie et xiiie s1ècles, la deux1ème au xive s1ècle, la tro1s1ème aux
xvie et xviie s1ècles.
Aux xiie et xiiie s1ècles, donc, l’1slam1sat1on des Ghmara, b1en 9ue frag1le,
sembla1t avo1r touché, au mo1ns, les rég1ons access1bles au commerce, grâce aux
voyageurs et aux futū āt, ma1s auss1 à la na1ssance d’un mouvement myst19ue 9u1
s’est ra81dement rendu 8o8ula1re.
C’est, en effet, dans ces terr1to1res 9ue le myst1c1sme alla1t leur1r a8rès Tlemcen
et les Dukkāla. L’un des grands myst19ues des Ghmara, Moulay ʿAbd al-Salām 1bn
Mashīsh (1140-1223 J.C.), est le 8rodu1t de ce contexte. Son a88el à l’ado8t1on d’un
myst1c1sme rural, b1en 9u’or1g1nal, s’éta1t 1ns81ré des nombreux courants myst19ues
de l’é8o9ue. Deux courants 8r1nc18aux l’ont certa1nement 1nluencé : celu1 d’Abū
Madyān al-Ghawt (xe‑xie s1ècles) de Tlemcen et celu1 d’Abū Muḥammad Ṣāl1ḥ
al-Mā21rī (1155-1234 J.C.) des Amghār de Sai. Les deux 8ôles s’éta1ent rendus
célèbres 8endant la même 8ér1ode et ava1ent dé2à ouvert les 8ortes du Maroc au
myst1c1sme or1ental et à ses var1antes locales, à 8art1r des théor1es d’al-Ġazālī (et de
son l1vre I yā’ ʿulūm Ḥl-dīn, « la rev1v1icat1on des sc1ences de la rel1g1on »).
Néanmo1ns, l’or1g1nal1té de l’a88el de Moulay ʿAbd al-Salām (« l’esclave de la
8a1x ») 1bn Mashīsh (1140-1223), descendant des chér1fs 1dr1ss1des 9u1 s’éta1ent
réfug1és au Jbel al-ʿAlam, s8éc1i9uement à ḤjḤr Ḥl-NḤṣr, rés1de dans la s8ontané1té
de son message, dans sa s1m8l1c1té… C’est 8robablement la fac1l1té de com8réhens1on
de ce message de réforme 9u1 lu1 a 8erm1s d’être ra81dement relayé, vo1re am8l1ié,
8ar son d1sc18le Abū al-Ḥasan Shādh1lī (1197-1258), né sur un sommet vo1s1n, dont
la ṭḤrīqḤ 8ortera désorma1s le nom : la ShādhiliyyḤ. Nom 9u1 garant1ra sa réuss1te et
la fac1l1té de sa d1ffus1on. Les 8r1nc18es mêmes 9u1 ont 8rés1dé à la réuss1te de cette
vo1e souie sont 8robablement à rechercher dans l’état de dégradat1on dans le9uel se
trouva1t la rel1g1os1té des Ghmara aux xie et xiie s1ècles, s1tuat1on 9u1 aura1t créé un
beso1n de réforme s81r1tuelle (Al-Bad1sī, 1926 et ‘Askar, 1976).
L’1slam des Ghmara aura1t-1l commencé à se détér1orer, vo1re à régresser ? En tout
cas, les conl1ts s81r1tuels 9u1 alla1ent secouer la rég1on, les trad1t1ons locales 9u1
revena1ent en force dans les 8rat19ues soc1ales 9uot1d1ennes, les 8olém19ues entre
fuqḤhā’ locaux sur l’1nter8rétat1on des textes et de la Sunna, vont const1tuer un
terreau fert1le 8our les nombreuses tentat1ves de réformes aux9uelles vont a88eler
les myst19ues de la montagne.
Cette s1tuat1on ex8l19ue 8robablement la surv1vance dans ces contrées du
shādh1l1sme, au xiiie s1ècle 8u1s au xive. La ṭḤrīqḤ shādhiliyyḤ a 2oué le rôle de
boucl1er s81r1tuel face à ces 8rat19ues. Surtout 9ue le shādh1l1sme a88ela1t à un retour
aux « sources vra1es » de l’1slam, vo1re à une réforme 9u1 remettra1t les 8salmod1es,
les 8r1ères et les 8rat19ues rel1g1euses au centre des 8réoccu8at1ons 9uot1d1ennes des
hab1tants de la montagne.
La réuss1te du shādh1l1sme redorera le blason non seulement des souis de la
montagne Ghmara ma1s auss1 des fuqḤhā’. Un 8eu 8artout, comme le s1gnalent
Ibn ʿAskar (1529-1579) dans sa DḤw Ḥt, et 8lus tard Ibn al-Qāḍī (m. 1025/1616) dans
Retour sur les sociétés de montḤgne Ḥu MḤghreḥ / 87

sa JḤdhwḤt Ḥl-iqtiḥās, a88araît la touche shādh1l1te, la mar9ue du souisme né dans


la montagne Ghmara. À Fès comme à Tétouan, à Marrakech comme dans le Sūs
al-A9ṣā, des Ḥwliyā’, des extat19ues (mḤjādīḥ), des exotér19ues et des fuqḤhā’ vont
adopter la ṭḤrīqḤ et const1tuer un vér1table réseau de sa1nts 9u1 se reconna1ssa1ent
dans le message d’Ibn Mashīsh et dans celu1 de son d1sc18le al-Shādh1lī.
Al-Andalus, très 8roche 8hys19uement et s81r1tuellement, n’éta1t 8as en reste.
De nombreux myst19ues et fuqḤhā’ y dev1ennent les d1sc18les de cette vo1e souie,
comme Ibn ʿAbbād al-Fāsī (m. 1390), l’auteur d’Ḥl- ikḤm, cons1déré comme l’un des
grands shādh1l1tes d’al-Andalus de son é8o9ue, a1ns1 9ue Abū Zakaryā’ al-Sarrā2
(Meftah, 1981 : 162-191) dont l’1nluence sur les souis des Ghmara éta1t 1nd1scutable.
La montagne Ghmara a88araît alors dans les textes comme un 1mmense
terra1n où 8oussent les sa1nts et la sa1nteté, comme le d1ra 8lus tard Muḥammad
al-Mahdī al-Fāsī (1896/1994). Le tombeau de Moulay ʿAbd al-Salām 1bn Mashīsh,
9ue la trad1t1on orale n’arr1va1t 8as à s1tuer, dev1ent, un s1ècle 8lus tard, un l1eu
de 8èler1nage, a8rès sa « découverte » au début du xvie s1ècle 8ar al-Ghazwānī,
le d1sc18le d’al-Tabbāʿ, lu1-même d1sc18le du réformateur du shādh1l1sme, Abū
Muḥammad 1bn Sulaymān al-Jazūlī (m. 1465).
Pourtant, et malgré son vaste rayonnement, le shādh1l1sme n’a la1ssé 9ue 8eu de
traces scr18tura1res. Il faut d1re 9u’al-Shādh1lī 8rôna1t 8lus la mujāhḤdḤ (« dom8ter
l’âme ») 9ue le com8agnonnage, l’écr1t ou la zaou1a. On ne lu1 connaît effect1vement
aucun écr1t. En 8lus, le l1eu de sé8ulture (dḤri ) du shḤykh fondateur, Ibn Mashīsh,
n’a 8as const1tué, dans la 9uête shādh1l1te des 8rem1ers s1ècles, avant al-Ghazwānī,
un l1eu symbol19ue de 8èler1nage.
La seconde générat1on de réformateurs du myst1c1sme shādh1l1te 9u’a connue le
8ays Ghmara est celle du xve s1ècle, 8ortée 8ar les réform1stes de l’é8o9ue, al-Jazūlī
et Zarrū9. S1 Ibn Mashīsh et Shādh1lī éta1ent des locaux, des Ghmara, al-Jazūlī
(m. 1465 J.C.) et Zarrū9 (1442-1493 J.C.) ne le sont 8o1nt : le 8rem1er est or1g1na1re
des Haha, dans la rég1on de Sai, et le second des Branès, dans la rég1on de Taza.
Lorsque la shādhiliyyḤ ava1t commencé lentement à se désagréger, à s’é8ar81ller dans
des pratiques de ṭḤwā’if, le mythe d’Ibn Mashīsh et de sa ṭḤrīqḤ s’éta1t ma1ntenu.
La 8rat19ue du shādh1l1sme, affa1bl1e 8ar des usages 9u1 s’élo1gnent des règles de la
ṭḤrīqḤ, à un moment ou l’1slam ava1t 8rat19uement 8erdu al-Andalus, et où le 8ays
éta1t menacé 8ar une Recon9u1sta ram8ante. Sabta ava1t dé2à été occu8ée en 1415,
Tanger le sera en 1467. ʿAbd al-Ḥa99 al-Marīnī, le dern1er souvera1n mér1n1de, ava1t
été assass1né, de nombreux 8rétendants, dont al-Jutī al-Idrīsī à Fès, ava1ent 8rovo9ué
des révoltes un 8eu 8artout dans le 8ays. L’1nsécur1té dans les 8orts, sur les routes, les
é81dém1es 8ortées 8ar des fam1nes 9u1 sembla1ent éternelles, fa1sa1ent 9ue la soc1été
Ghmara, comme le reste de la soc1été maroca1ne, éta1t désem8arée. Les fuqḤhā’
éta1ent dé8assés, les souis redevena1ent les recours de toute une 8o8ulat1on. Ma1s la
8rat19ue souie construct1ve s’éta1t d1ssoute dans des trad1t1ons d’1solement, élo1gnée
des 8réoccu8at1ons des gens. Le beso1n d’une réforme du souisme s’est donc fa1t
sent1r. Les gens voula1ent un souisme 8roche de leurs 8réoccu8at1ons et de leurs
8roblèmes. C’est cet a88el 9u1 a certa1nement mot1vé un étud1ant de la Qaraw1yīn,

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88 / MohḤmed Mezzine et JḤcques/JḤwhḤr Vignet-Zunz

au m1l1eu du s1ècle, 8our revo1r les AwrḤd d’al-Shādh1lī et, davantage encore, 8our
écr1re des 8salmod1es et des 8r1ères ada8tées à l’é8o9ue et 9u1 8rôna1ent le jihād
ma1s surtout le retour à un 1slam orthodoxe, engagé, et à des 8rat19ues rel1g1euses
8lus 8roches de la Sunna. Al-Jazūlī, Sulaymān 1bn Muḥammad (mort en 1465 J.C.),
9u1 conna1ssa1t b1en les 8roblèmes de son é8o9ue, 8ro8ose donc une réforme du
shādh1l1sme. Très ra81dement, de nombreux souis a1ns1 9ue de nombreux fuqḤhā’,
dans le 8ays Ghmara é8ousent les 1dées d’al-Jazūlī. Le nouveau shādh1l1sme éta1t
a1ns1 né au Maroc, sous une nouvelle a88ellat1on : le 2azūl1sme.
Portés 8ar les réformateurs du xve s1ècle, à 8art1r de 1465, le nouveau mouvement
se restructure. Soutenu 8ar un autre shādh1l1te réform1ste, Zarrū9, le mouvement
restaure et réforme une myst19ue tombée, de8u1s un moment, dans les travers du
souisme ésotér19ue.
Parm1 les 8r1nc18aux a88orts au shādh1l1sme des deux réformateurs sont la l1cé1té
du recours et du sout1en des com8agnons et l’ut1l1sat1on de la documentat1on écr1te.
Al-Jazūlī dev1ent célèbre avec son DḤlā’il Ḥl-khḤyrāt 16 et Zarrū9 avec son exégèse
de la RisālḤ d’Ibn Abī Zayd al-Qayrawānī  17. Leurs nombreux d1sc18les dans la
montagne des Ghmara vont réformer le myst1c1sme ghmarī et lu1 donner son style
sunn1te. Il faut d1re 9u’1l n’y ava1t 8lus dans le 8ays 9ue ces 8orteurs de char1smes,
ces « fous de D1eu », ces Ḥwliyā’ 9u1 n’obé1ssa1ent 8as aux règles déontolog19ues
des souis class19ues. Plus s8ontanés 9ue réléch1s, 8lus 8ragmat19ues 9u’1déal1stes,
comme les décr1t J. Ber9ue (1978, 155-166), 1ls ava1ent souvent des att1tudes 9ue
désavouent les fuqḤhā’ et, en général, les sunn1tes.
Les consé9uences de cette réforme n’alla1ent 8as tarder à a88araître dans
la soc1été. La lutte sera résolument engagée contre les dév1at1onn1smes et les
sectar1smes. De nombreux exem8les sont 8ro8osés 8ar les écr1ts de l’é8o9ue.
Ils concernent les Ghmara, ma1s auss1 les autres rég1ons du 8ays. Ibn ‘Askar montre
b1en dans sa DḤw Ḥt les 8rogrès accom8l1s dans le retour à un 1slam orthodoxe, avec
le retour de la lutte contre les sectes dév1at1onn1stes.
Les fuqḤhā’ ce8endant éta1ent 8artagés sur la 8os1t1on à 8rendre v1s-à-v1s de ces
8hénomènes, cons1dérés 8ar les uns comme dév1at1onn1stes et 8ar d’autres comme de
s1m8les croyances sans grande 1m8ortance. Certa1ns fuqḤhā’ 8rôna1ent même une
certa1ne d1stance v1s à v1s des sa1nts 9u1 éta1ent 1m8l19ués dans ces mouvements, ou
avec leurs chefs, ou 9u1 les toléra1ent seulement, les cons1dérant avec méiance. Ma1s,
dans l’ensemble, les myst19ues sunn1tes des montagnes Ghmara, 9uel 9ue so1t leur
maître ou leur ṭḤrīqḤ, a88ara1ssent souvent dans les textes hag1ogra8h19ues comme
ceux 9u1 ava1ent largement contr1bué à lutter contre ces dév1at1ons et à nourr1r une
rel1g1os1té myst19ue dans la soc1été, entraînant dans leur s1llage le iqh et les fuqḤhā’,
leur fa1sant sub1r l’1nluence de ce myst1c1sme amb1ant. Au 8o1nt où les fuqḤhā’

16 DḤlḤy’l Ḥl-ḪḤyrḤt, fac-s1m1lé du manuscr1t no G 356 de la BNRM (anc1enne BG), éd1t. d’Ahmad Taoui9
et M.G. Guesdon, 2003.
17 La RisḤlḤ’ est un ex8osé des obl1gat1ons de l’1slam, avec des rud1ments de 2ur1s8rudence et de dogme de la
Sunna, écr1t 8ar Ibn Ab1 Zayd al-Qayrawānī avant 996, date de sa mort.
Retour sur les sociétés de montḤgne Ḥu MḤghreḥ / 89

ne refusa1ent 2ama1s le 9ual1icat1f de soui 9u’on leur attr1bua1t. Le lettré le 8lus


a88réc1é, chez les Ghmara, éta1t souvent le  fḤqīh ṣūfī ou le ṣūfī fḤqīh (Ḥl-ZḤyḤtī,
op. cit. : 67-68 ; HḤjji, 1977-78 : 290 ; Mezzine, 2003 : 170-171).
La tro1s1ème générat1on en 8ays Ghmara des réformateurs du v1eux shādh1l1sme,
8assé à un 2azūl1sme con9uérant aux xvie et xviie s1ècles, sera assurée 8ar les
nouvelles 1nter8rétat1ons rég1onales du souisme : la ṭḤrīqḤ wḤzzāniyyḤ, à Wazzān,
et la ṭḤrīqḤ rḤysūniyyḤ, à Chefchaouen. L’une et l’autre se garda1ent b1en de
rom8re les l1ens 9u1 les rattacha1ent au shādh1l1sme / 2azūl1sme 9ue les fuqḤhā’
des montagnes des Ghmara ava1ent globalement su1v1. Ma1s l’une et l’autre des
deux ṭḤrīqḤ-s cont1nua1ent à se 8ro2eter dé2à dans un souisme « dynast19ue » 18.
Les maîtres de ces ṭḤrīqḤ-s, comme al-ʿAyyāshī, ou Abū Bakr al-D1lā’ī, et mêmes
certa1ns de leurs d1sc18les tendent à s’all1er aux él1tes c1tad1nes. Leurs 8rétent1ons
tem8orelles dev1ennent év1dentes. Tout en gardant leur  wird, leur izḥ et leurs
d1sc18les, les zaou1as 9u’1ls mettent en 8lace vont const1tuer des a88u1s symbol19ues
8our rassembler les idèles et les d1sc18les, sous le 8rétexte du jihād dans une rég1on
menacée 8ar les 1ncurs1ons des Portuga1s et des Es8agnols 1nstallés dans les thughūr,
comme Sabta, Tanger, Aṣ1la. Les fuqḤhā’ vont deven1r leurs all1és 9uand 1ls ne sont
8as, eux-mêmes, des souis savants.

Fuqahā’ et ṣūfī-s Ghmara, la réforme de la montagne


S1 la contr1but1on des souis et des fuqḤhā’ aux d1fférentes réformes 9u’a connues la
montagne Ghmara est une donnée 9ue les textes (xie‑xviie) conirment19, il reste que
la 9uest1on 9u1 sous-tend les écr1ts de l’é8o9ue est celle de savo1r 9u1 des fuqḤhā’ ou
des souis aura1ent mar9ué la réforme de la soc1été de la montagne. Derr1ère cette
9uest1on 8o1nte celle d’établ1r la nature de la culture de la montagne des Ghmara.
Ma1s ex1sta1t-1l vra1ment une d1fférence entre un ṣūfī (sunn1te) et un fḤqīh, à
l’é8o9ue ? En réal1té, s1 l’on s’en t1ent aux textes hag1ogra8h19ues de la rég1on 20,
1l devena1t de 8lus en 8lus d1fic1le de d1fférenc1er un ṣūfī d’un fḤqīh. Au xvie s1ècle,
pratiquement tout fḤqīh éta1t, d’une man1ère ou d’une autre, un myst19ue. Ibn ʿAskar,
dans sa DḤw Ḥt, a souvent hés1té, à 8ro8os des ʿulḤmā’ dont il rapportait la
b1ogra8h1e, à les déin1r dans les t1tres 9u’1l leur attr1bua1t. Il s’en sorta1t en les
9ual1iant tous de Ḥl-fḤqīh Ḥl-ṣūfī, et en ado8tant des formules convenues : « … dont
les demandes n’ont 2ama1s été re2etées, …9u1 célébra1ent D1eu...».
L’un des 8ersonnages, haut en couleurs, dont la renommée a traversé les
montagnes et les s1ècles, et 9u’Ibn ʿAskar n’a 8as hés1té à 9ual1ier de fḤqīh et de ṣūfī,

18 Trad1t1on 9u1 a commencé avec la « dynast1e » d1laïte (vo1r Ha221, 1966), 9u1 s’est 8oursu1v1e avec celle
d’Ill1gh, 8u1s avec la wḤzzāniyyḤ et la rḤysūniyyḤ.
19 Comme la DḤwhḤt d’Ibn ‘Askar, la JḤdwḤ d’Ibn al-Qāḍī, la NuzhḤt d’al-Yafranī.
20 Vo1r ce 9u’en d1t Ha221, 1977-78, vol. 2 : 452-494. Il c1te 8lus de 60 fḤqih-s (souvent auss1 souis) dans les
rég1ons de Battuya, Ben1 Zyat, Ben1 Ze22al, Ben1 Hassan, Jbal al-‘Alam, Jbal al-Ach1bat, Ghaçawa, Ben1
Zeroual, Ben1 Dergul, Talughlass.

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90 / MohḤmed Mezzine et JḤcques/JḤwhḤr Vignet-Zunz

est S1d1 ʿAbdallah al-Habtī 21. Il éta1t cons1déré grâce à ses écr1ts comme l’exem8le
même du fḤqīh des Ghmara de l’é8o9ue, et du ṣūfī sunnī grâce à son char1sme.
Il ava1t notamment écr1t une AliyyḤ22, sorte de 8oème d1dact19ue de m1lle vers dans
le9uel 1l cr1t19ua1t sévèrement la soc1été des Ghmara. Il y re8roche aux hab1tants
de sa rég1on la 8auvreté de leur 1slam et l’1gnorance de ses 8réce8tes. Il décr1t une
soc1été revenue à ses trad1t1ons 8aïennes et à ses travers. Les tombeaux des sa1nts
anormalement vénérés y éta1ent devenus de vér1tables l1eux de sorceller1e et de
8rat19ues 8aïennes. Peu de gens, fa1t-1l remar9uer, fa1sa1ent la 8r1ère, les mos9uées
éta1ent abandonnées ; dans les c1met1ères les tombes éta1ent 8rofanées.
Mettant en garde contre le recours aux ésotér19ues (ḥḤhālīl), aux extat19ues
(mḤjādiḥ) et aux obscurs fuqḤhā’ 9u1 se 8rétenda1ent 1nvest1s d’une m1ss1on
d1v1ne, al-Habtī ne re2eta1t 8as les 9ual1icat1fs de sa1nteté 9u’on lu1 reconna1ssa1t.
Néanmo1ns 1l faudra1t 8eut-être vo1r dans le d1scours d’al-Habtī une volonté de
réguler un 8hénomène myst19ue 9u1 ava1t 8r1s des 8ro8ort1ons 1m8ortantes et des
d1rect1ons dév1at1onn1stes. S1 le myst1c1sme des Ghmara, au début, a re8résenté
8our la rég1on un moyen de lutte contre les sch1smes et les d1fférentes tentat1ves
dév1at1onn1stes, 9uel9ues s1ècles 8lus tard 1l s’éta1t lu1-même transformé en un
8hénomène com8lexe 9u1 n’ava1t 8rat19uement 8lus r1en à vo1r avec le shādh1l1sme.
Les 8r1nc18es mêmes 9u1 ava1ent 8rés1dé à la m1se en 8lace de la ṭḤrīqḤ
shādhiliyyḤ, et 9u1 se résuma1ent dans la volonté de restaurer une 8rat19ue rel1g1euse
9u1 commença1t à se d1ssoudre dans des conl1ts de 8rocédures, de coutumes et de
trad1t1ons, ont été transgressés, 8arfo1s déformés, engendrant une soc1été en 8le1n
désarro1. C’est ce 8hénomène 9u1 a 8robablement susc1té les cr1t19ues d’al-Habtī
dans sa AliyyḤ. Phénomène 9ue les débats entre fuqḤhā’, 8lus tard, vont re8rendre à
leur compte dans les nḤwāzil (Al-Zayatī, no 66 et no 1694 ; Mezz1ne, 2003).
Al-Habtī ne la1sse 8asser aucune de ce 9u’1l cons1dère comme les « mauva1ses
act1ons  » ré8andues alors dans la soc1été des Ghmara. A8rès les avo1r
scru8uleusement décr1tes Al-Habtī les dénonce. Son ob2ect1f éta1t de réformer
la soc1été en 1ntrodu1sant d’autres 8ro8os1t1ons 8lus conformes aux trad1t1ons
vertueuses. Le l1vre se com8ose de 8lus1eurs cha81tres, avec chacun de nombreuses
sect1ons. Le hu1t1ème cha81tre y est consacré aux « changements o8érés 8ar le
8eu8le dans la rel1g1on 1slam19ue » : « L’homme accom8agne son é8ouse 8our
danser avec les femmes et les hommes… ». Ensu1te 1l décr1t la 8arure de la mar1ée,
son ma9u1llage, ses b12oux. Pu1s 1l évo9ue les mouvements suggest1fs des danseurs
et danseuses avant de soul1gner le mélange des hommes et des femmes.
Al-Habtī cont1nue en 8arlant du mélange des hommes et des femmes dans les
marchés et les r1v1ères, où 1ls nagent tout nus, se débattant dans l’eau (un 2eu a88elé
Ḥl-rḤẖlḤ).

21 Al-Habtī, ‘Abd Allah 1bn Muḥammad (m. 1556), fa91h et soui, a8rès avo1r étud1é le coran dans les écoles
de la montagne (Jbal Lachab), 1l 1ra à Fès 8oursu1vre ses études et rencontrer le grand soui de l’é8o9ue
‘Abd Allah Ġazwanī en 1529. Il rev1ent alors dans les Ġhmara 8our fonder une zaou1a. Vo1r la Mir’Ḥt
d’al-Arbī al-Fāsī, Ḥl-IstiqsḤ d’al-Nas1rī, volume 5 : 87, 88 ; a1ns1 9ue Ha221, 1977-78 : 466, 467, 468
22 Al-Habtī, no 2808, s.d.
Retour sur les sociétés de montḤgne Ḥu MḤghreḥ / 91

Des gens dé8ourvus d’amour-8ro8re n’ont comme tu le vo1s aucune valeur. […] 9ue de
conse1ls nous leur avons donnés et de choses cachées nous leur avons dévo1lées. Lors9ue la
mar1ée arr1ve à dest1nat1on, 8ortée 8ar un 2eune homme robuste sur le dos, […] au m1l1eu
d’une foule de 2eunes, chantant, dansant et fra88ant des ma1ns et 2ouant des lûtes. Arr1vée
à dest1nat1on alors 9ue le mar1é est entouré de ses « v1z1rs » 9u1 s’em8ressent d’ôter à la
mar1ée ses vêtements et ses b12oux, la malmenant, lu1 caressant la 8o1tr1ne et l’embrassant,
à la sat1sfact1on du mar1 9u1 observe la scène, les ma1ns te1ntées de henné et 8ortant des
bracelets. Les ‘’v1z1rs’’ rev1ennent chez les mar1és 8our ag1r de même 8endant se8t 2ours.

Il a2oute alors en gu1se de morale et de conse1l :


Ils ne savent 8as 9ue c’est là un gros 8éché 8our ceux 9u1 conna1ssent l’1slam ; 9uant aux
embrassades 9u’1ls se donnent naturellement, elles ne sont même 8as tolérées 8ar les mages.

V1ent ensu1te au cha81tre 9 une descr18t1on des tatouages :


[…] Cons1stant à changer l’as8ect d’une créature de D1eu 8ar le tatouage » « ou1, le malheur
est général, ne ménageant n1 l’Écr1ture n1 le fḤqīh… 

Al-Habtī consacre le cha81tre 11 à la consommat1on du v1n :


Hab1tude à la9uelle s’adonnent les r1fa1ns (!) sans d1scrét1on n1 8udeur, dans les fêtes
grou8ant des centa1nes de m1ll1ers de gens de toutes sortes et de toute classe. S1 l’un
des fuqḤhā leur ra88ela1t un verset ou un had1th dénonçant l’1nterd1ct1on du v1n, 1ls s’en
mo9uera1ent et s’en détournera1ent…

Al-Habtī n’éta1t 8as le seul réformateur ghmarī du xvie s1ècle à cr1t19uer la soc1été dans
la9uelle 1l v1va1t. De nombreux autres 8ersonnages, les uns souis, les autres fuqḤhā’,
ex8r1ma1ent les 8réoccu8at1ons d’al-Habtī à leur façon et les 8rolongea1ent. L’un de
ces personnages, qui portait la nisḥḤ de Fès ma1s 9u1 n’en éta1t 8as mo1ns ġmarī 8ar
ses 8arents, éta1t l’auteur du Mumtiʿ Ḥl-Ḥsmāʿ (« l’enchantement des sens », al-Fāsī
al-Mahdī, 1994 : 17, 18), Muḥammad al-Mahdī al-Fāsī (m. 1109/1698), Muḥammad
al-Mahdī al-Fāsī (m. 1109/1698). Sa fam1lle v1va1t entre Tétouan, Fès et Chefchaouen.
On lu1 do1t une fres9ue 1ncontournable sur la soc1été Ghmara, sur ses fuqḤhā’ et sur
ses souis, aux xvie et xviie s1ècles, 9u1 s’éta1ent 1nsurgés contre ce 9u’1ls cons1déra1ent
comme la décadence de la soc1été montagnarde.
Le Mumtiʿ est constru1t selon la il1at1on de maître à d1sc18le et s’1ns81re des
8anégyr19ues des sa1nts. Son auteur tente d’établ1r ce ty8e de l1ens chez tous les
shuyūkh ayant hér1té de la ṭḤrīqḤ jḤzūliyyḤ, et de la ṭḤrīqḤ zḤrrūqiyyḤ. Il commence
8ar al-Jazūlī et ses d1sc18les, ensu1te su1vent les d1sc18les de son élève d1rect, al-Tabbāʿ.
Et, au 8assage, al-Mahdī al-Fāsī établ1t la b1ogra8h1e de cha9ue sa1nt et de cha9ue
fḤqīh, 8our l’ensemble du Maroc. Les fuqḤhā’ ghmara 9u’1ls évo9uent sont nombreux.
Les Habtī, al-Ghaṣawī, al-Yaslutī, Ibn ʿArdūn – le 8ère 8u1s le frère – et b1en d’autres
y occu8ent une 8lace de cho1x. Ibn ʿAskar en a dénombré une c1n9uanta1ne dans sa
DḤw Ḥt, al-Mahdī al-Fāsī en c1te 8lus d’une centa1ne. Les 8r1nc18aux s’éta1ent rendus
célèbres en contestant les 8ouvo1rs en 8lace et en cr1t19uant l’état de la soc1été ġmar1yya,
ma1s auss1 en défendant les 8rat19ues 8arfo1s d1scutables des fuqḤhā’ de la montagne

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92 / MohḤmed Mezzine et JḤcques/JḤwhḤr Vignet-Zunz

Parm1 les 9uest1ons 9u1 ava1ent 2ustement engagé la créd1b1l1té de ces fuqḤhā’
souis au xviie s1ècle, la 9uest1on de l’hér1tage de la femme a8rès le décès de son
mar1 semble avo1r occu8é une 8lace 1m8ortante. L’un des fuqḤhā’ qui avait pris la
tête de ce mouvement de réforme est Ibn ʿArdūn Aḥmad 1bn al-Ḥasan (m. 992/1584).
Ibn ʿArdūn s’éta1t rendu célèbre 8ar son l1vre Muqniʿ Ḥl-mu tāj i ḤdḤḥ Ḥl-Ḥzwāj et
8ar la ré8onse 9u’1l ava1t fa1te aux ʿulḤmā’ de Fès, au nom de ceux de la montagne.
Elle cons1sta1t à cons1dérer le mar1age comme une assoc1at1on entre un homme et
une femme, mettant en commun leurs b1ens. En cas de décès de l’un ou l’autre des
contractants, avant d’a88l19uer le 8artage de l’hér1tage selon la lo1 1slam19ue 1l falla1t
d’abord 8artager les b1ens entre les deux assoc1és. La ré8onse d’Ibn ʿArdūn ne fa1sa1t
que rapporter ce que les fuqḤhā’ des Ghmara a88l19ua1ent dé2à de8u1s un moment.
Et tous ava1ent tranché dans le sens d’Ibn ʿArdūn.
Dans son l1vre Ḥl‑JḤwāhir, ʿAbd al-ʿAzīz al-Zayātī ra88orte ces débats sous
forme de 9uest1ons-ré8onses, montrant cla1rement la contr1but1on des fuqḤhā’ des
Ghmara aux réformes du savo1r rel1g1eux. Le l1vre Ḥl-JḤwāhir (« Les Émeraudes »)
est une com81lat1on de cas d’es8èces (nḤwāzil) résolus 8ar les fuqḤhā’ des Ghmara.
ʿAbd al-ʿAzīz al-Zayātī les a rassemblés. Ces nḤwāzil montrent une soc1été 9u1
se veut 81euse, ma1s 9u1 se révèle largement 1gnorante des règles des ʿiḥḤdāt
(modal1tés d’accom8l1ssement du culte) et des muʿāmḤlāt (règles devant rég1r les
relat1ons soc1ales).
S1 la soc1été 9u’on entrevo1t dans ces nḤwāzil pratiquait un islam rudimentaire,
les fuqḤhā’ 2ur1stes des Ghmara éta1ent très act1fs et au courant de la norme
orthodoxe de l’1slam. Ils éta1ent au mo1ns auss1 1nstru1ts 9ue les ʿulḤmā’ fāsī-s,
comme ʿAbd al-Qād1r et ʿAbd al-Raḥmān al-Fāsī, shḤykh Ḥl‑jḤmāʿḤ « doyen du
cha81tre » à la Qaraw1yīn au xviie s1ècle. Les ré8onses (ḤjwiḥḤ) des ʿulḤmā’ du pays
Ghmara, comme Abū al-Qās1m 1bn Ḫa22ū (m. 1549), Muḥammad 1bn al-Ḥusayn
– 9u1 a été cad1 –, Abū al-‘Abbās al-Bʿal et les Uryaghlī (Aḥmad 1bn al-Ḥusayn mort
en 1590), Zerwālī, F1štālī (A. 1bn ‘Al1 mort en 1607), al-Ghaṣāwī (mort en 1680),
Yaslūtī, La2ī, Zayyātī, montrent le savo1r 8rofond et 8réc1s de ces fuqḤhā’ dont le
8atronyme ne la1sse aucun doute sur leur or1g1ne.
La ma2or1té des cas d’es8èces 8ro8osés 8ar al-Zayātī est em8runtée à Muḥammad
al-ʿArbī al-Fāsī auteur de la Mir’Ḥt Ḥl-mḤ āsin (mort en 1642), son oncle maternel, à
partir de ses tḤqāyid. Celu1-c1, 8ourtant 8lus c1tad1n 8u1s9u’1l v1va1t à Fès, reconnaît
la 9ual1té du savo1r de ces fuqḤhā’. Ses références, 8our étayer ses ré8onses, sont 8our
la plupart ghmariyya puisque les nḤwāzil qu’il propose ne concernent pratiquement
9ue le 8ays Ghmara dans son acce8t1on la 8lus large. La lecture de ces textes offre
une fres9ue d’où se dégage un fo1sonnement d’1dées, une r1chesse de savo1rs, une
culture en constants changements et ada8tat1ons à une 8ensée musulmane en 8le1ne
construct1on aux xive, xve et xvie s1ècles, dans une rég1on dont l’h1sto1re ne se borne
8as à être cette « h1sto1re s1ngul1ère, où n’ont fa1t défaut n1 l’hérés1e, n1 la sécess1on
(Ber9ue, 1978 : 143-190).
A1ns1 donc, les nombreuses nḤwāzil enreg1strées 8our la 8ostér1té dans des
com8end1ums encore manuscr1ts, font a88araître une mult1tude de sa1nts, de
Retour sur les sociétés de montḤgne Ḥu MḤghreḥ / 93

lettrés et de muftī-s 9u1 s’acharnent à 1nscr1re le 8ays Ghmara dans la cont1nu1té


de la construct1on d’un 1slam 8rat19ue, en concordance avec la norme class19ue.
Ces textes 8ermettent de vo1r sous une nouvelle 8ers8ect1ve le rôle de la montagne
des Ghmara sur 8lus de se8t s1ècles, dans la construct1on et la m1se en 8lace des
réformes rel1g1euses du 8ays, celle du myst1c1sme et celle du savo1r rel1g1eux.
Néanmo1ns 1l sera1t d1fic1le de trancher un débat auss1 anc1en sur la montagne
en 8ays d’Islam. Les textes de nḤwāzil aux9uels nous nous sommes référés et
les livres de tḤrājim 9u1 nous ont serv1 d’a88u1s, mêmes écla1rés 8ar d’autres
documents, n’autor1sera1ent 8as à clore la controverse, n1 à balayer des hy8othèses
auss1 enrac1nées dans l’h1stor1ogra8h1e de la montagne en 8ays d’1slam. Néanmo1ns,
les éléments 9ue nous offrent ces sources, a1ns1 9ue leur relecture, 8euvent contr1buer
à consol1der la défense, dans un débat encore désé9u1l1bré, du rôle des él1tes lettrées
de la montagne dans les réformes de l’1slam. On 8ourra1t alors acce8ter de 8arler de
« montagne savante », au mo1ns 8our le Bilād GhumārḤ. Partant de cette hy8othèse,
la 9uest1on de déterm1ner le 8our9uo1 de ce 8hénomène dev1ent a1ns1 lég1t1me.
L’ex8l1cat1on avancée au2ourd’hu1, 8our com8rendre la r1chesse culturelle de cette
rég1on, sera1t sa 8rox1m1té à Fès et à Sabta, ma1s auss1 à la mer (la Méd1terranée),
au détro1t de G1braltar, enin à al-Andalus. Cette 8os1t1on au m1l1eu d’un tr1angle
naturel, huma1n et culturel sera1t l’ex8l1cat1on de l’enrac1nement d’une culture 9u1
embrassera1t myst1c1sme et savo1r rel1g1eux class19ue.
Les montagnes des Ghmara ne sera1ent 8as un cas 1solé. D’autres montagnes du
Maghreb ont vécu des 8hénomènes s1m1la1res, ou au mo1ns com8arables.

Les cas des Trara, de la Kabylie, du Jbal Oueslat


et du Jbal Nafūsa 
La conf1gurat1on «  Fès / Bilād Ḥl-Rif / détro1t / al-Andalus  » évo9uée 8our
ex8l19uer la r1chesse culturelle du Bilād GhumārḤ sera1t-elle s8éc1i9ue à cette
seule montagne ? N’est-ce 8as là 8lutôt un modèle 9u1 ex8l19uera1t des 8hénomènes
récurrents 8erce8t1bles en d’autres rég1ons du nord de l’Afr19ue ? Le 8o1nt de dé8art
des 1slam1sat1ons n’a-t-1l 8as été, en effet, les grandes c1tés, Ka1rouan, Constant1ne,
Tlemcen comme ce fut le cas avec Fès ? La con9uête musulmane ne s’est-elle 8as
d’abord attelée à bât1r des v1lles, 9u’elle aura élevées en vér1tables ca81tales, 8our
a88uyer son 1m8lantat1on dans les montagnes 9u1 les avo1s1nent ?
Certes les tro1s v1lles sont, comme Fès encore, à d1stance de la côte, en moyenne à
100 km. Deux sont cou8ées de leurs 8orts 8ar les chaînes de l’Atlas l1ttoral : Tlemcen,
9ue le bloc des Trara sé8are de Honayn, son 8ort méd1éval ; Constant1ne, 9ue la
Grande Kabyl1e cou8e de Boug1e ; Constant1ne encore, 9ue la Pet1te Kabyl1e sé8are
des 8orts de J12el et d’el-Qel (Collo), mass1f dont on 9ual1ie la 8o8ulat1on de QḥḤyl
HḤḍer, « c1v1l1sés », car leur 8arler n’y est 8lus l’amaz1gh. Reste Ka1rouan. Aucun
rel1ef ne cou8e cette fo1s la v1e1lle ca81tale de ses 8orts, Sousse, Monast1r, Mahdya.
Le modèle sera1t-1l 8r1s en défaut ? Pas s1 on ret1ent le mass1f montagneux 9u1, tout de

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su1te à l’ouest, s’1nter8ose entre Ka1rouan et la vo1e stratég19ue vers Constant1ne, le


Maghreb central et le Maghreb extrême. Ce Jbal Oueslat a été autrefo1s très 8eu8lé
et 1ntensément m1s en valeur, notamment grâce à une 1rr1gat1on dont témo1gnent,
8arm1 les ru1nes des v1llages désertés, les nombreuses c1ternes. Souvent entrés en
d1ss1dence, les Oueslat1s furent l’ob2et de 8lus1eurs ex8éd1t1ons 8un1t1ves de Tun1s, et
la dern1ère, en 1762, acheva leur défa1te, les contra1gnant à une d1s8ers1on déin1t1ve.
Ma1s Trara, Kabyl1es, Oueslat ont davantage de choses en commun, entre elles
et avec les Ghmara. Ces soc1étés de montagne, traversées 8ar des routes sécula1res,
offrent un tra1t s1ngul1er : la dens1té du scr18tura1re. Les nombreux fuqḤhā’
9u1 ont encadré les soc1étés dans ces contrées ont été très 8rol1f19ues. L1vres
hag1ogra8h19ues, textes de iqh, de nḤwāzil et d’ḤjwiḥḤ, la 8roduct1on des lettrés de
ces montagnes reste encore au2ourd’hu1 sous sa forme d’or1g1ne, manuscr1te.
Ce 9u1 a été d1t des Ghmara, cette abondance de l’écr1t et de la s81r1tual1té, se
retrouve dans les monts du Trara, 9u1 ont donné la 8et1te c1té de Nedroma, encore
ré8utée dans l’Algér1e contem8ora1ne 8our ses 1ntellectuels, ma1s auss1 8our son rôle
dans l’h1sto1re 8ol1t19ue de la rég1on au tem8s des Almohades, avec ʿAbd al-Mu’m1n.
Le même 8hénomène se retrouve chez les Kabyles de l’Algér1e centrale. Un rel1ef
d1fic1le, un 8eu8lement dense, la 8rédom1nance de l’arbor1culture, une act1v1té
art1sanale 9u1 f1t leur ré8utat1on  (la1nages et 8oter1e, armurer1e, b12outer1e et
orfèvrer1e) ; un hab1tat en gros v1llages (« 9u1 ressemblent à nos v1lles », H. Khod2a,
1985), les tu1les rondes des to1ts à double 8ente… Ic1 le v1llage n’est 8as l’envers de
la v1lle, l’1m8ortance du 8eu8lement est seulement commandée 8ar la d1s8os1t1on
dans le réseau des vo1es de c1rculat1on. Et la c1rculat1on est 1ntense avec Ach1r, la
Qalʿa des Ben1 Hammad, Boug1e – la « Pet1te Mec9ue »- Alger, Dellys, J12el, Tun1s,
Mahdya... Tout cela encadré 8ar les lettrés.
La démonstrat1on 8ourra1t se 8oursu1vre encore 8lus à l’est avec le Jbel Nafūsa
tr18ol1ta1n. Traversé 8ar la vo1e transsahar1enne 9u1, 8ar Ghat, atte1nt Ghadamès où
elle se sc1nde en une route vers le nord (Ka1rouan et Tun1s) et une autre au nord-est,
vers Tr18ol1, le Jbel Nafūsa 8résente tous les caractères d’une « montagne heureuse » :
grand nombre de v1llages é8ar81llés le long de l’énorme fala1se 9u1 dom1ne la 8la1ne
côt1ère, 8our la 8lu8art 8erchés sur des em8lacements escar8és, au-dessus des sources
et des fonds de vallées 8ro81ces à l’arbor1culture (ol1v1ers, igu1ers, 8alm1ers datt1ers)
et à la culture sèche des 2ard1ns. Au2ourd’hu1, 1ls se révèlent b1en souvent désertés
et à l’état de ru1nes. Le Jbel est 8eu8lé d’arabo8hones sunn1tes et de berbéro8hones
1bad1tes. Le caractère amaz1gh est 1nscr1t dans la to8onym1e : Wazzen, Yafren,
Z1nten… Cette s1ngular1té l1ngu1st19ue se double d’un autre 8art1cular1sme du fa1t
de leur afil1at1on à l’1bad1sme, ult1me re2et de ce 9u1 fut le 8lus anc1en sch1sme de
l’1slam, le khar121sme. Auss1 leurs mos9uées conservent-elles des b1bl1othè9ues où
s’entret1ennent la 81été et l’h1sto1re du grou8e. D’autres communautés cohab1ta1ent
autrefo1s avec eux : s1 les chrét1ens ont d1s8aru de8u1s longtem8s, les 2u1fs ava1ent,
2us9u’à la Seconde guerre mond1ale, leur 9uart1er à Yafren.
La rég1on a gardé une trad1t1on culturelle, un hér1tage scr18tura1re des 8lus r1ches.
Il est encore, au2ourd’hu1, sous forme 8r1ma1re manuscr1te. C’est dans ces montagnes de
Retour sur les sociétés de montḤgne Ḥu MḤghreḥ / 95

L1bye 9u’aura1t 8rêché Aḥmad Zarrū9, le rénovateur du shādh1l1sme, né dans les Branès
8rès de Taza au Maroc, mort en 899H./1494J.C. et enterré à Tak1ran, Qṣar M1srata.
À l’autre extrém1té de la L1bye, le seul autre rel1ef de ty8e méd1terranéen,
Jbel Al-Akhḍar, lu1 auss1 l1ttoral, a88araît de ce 8o1nt de vue déshér1té : 8lus r1en
ne subs1ste de l’1ntense occu8at1on v1llageo1se et agr1cole de l’é8o9ue hellén1st19ue.
La bédou1n1sat1on atte1nt avec le r1vage un record absolu. C’est la contre-é8reuve :
ici, pas de voie reliant le Bilād Ḥl-Sūdān à la Méd1terranée. Le désert du Kalanch1yo
fut 1nfranch1ssable 2us9u’au xviiie s1ècle, semble-t-1l, 9uand l’oas1s d’al-Kufra 8ut
enin 2ouer le rôle de rela1s.
Im8uter les atouts culturels de certa1nes montagnes méd1terranéennes du
Maghreb à l’ex1stence de corr1dors 9u1 les traversent de8u1s les v1e1lles ca81tales
2us9u’à la mer est-ce tro8 soll1c1ter les fa1ts ? Il se trouve 9ue le 8hénomène n’est
8as réservé à la seule Afr19ue du Nord. Les Al8es 8résentent une conigurat1on
s1m1la1re. Sur les 8lus hautes vallées se cro1sent des 1t1néra1res 9u1 réun1ssent entre
elles les d1fférents axes luv1aux 9u1 ont fa1t l’Euro8e du haut Moyen Âge : Rh1n,
Rhône, Po, Danube… Et ces hautes vallées ont la ré8utat1on d’abr1ter, entre autres
choses, un goût mar9ué 8our l’écr1t. D’où cette nouvelle v1s1on des Al8es : avec
l’élévat1on en alt1tude s’accro1ssent l’1nstruct1on, les r1chesses (8ar l’ém1grat1on
sélect1ve) et la durée de v1e. Ce sont autant de 2alons dans le réexamen actuel
des soc1étés de montagne. La montagne a longtem8s été un 8o1nt aveugle de la
8ensée sc1ent1i9ue et 1l faut attendre les années 9uatre-v1ngt du xxe s1ècle 8our
9ue s’élabore un « modèle al81n » avec ceux 9u’on 8ourra1t 9ual1ier de « nouveaux
h1stor1ens de la montagne ».
Au Maghreb, ces soc1étés de la montagne méd1terranéenne ont encore beso1n
d’être étud1ées, avec le concours des l1ngu1stes et des ethnologues, ain de 8ros8ecter
dans les arch1ves 8r1vées 8our mettre à 2our la 8roduct1on scr18turale 9u1 8ermettra
de déterm1ner leur vra1e 8lace dans le Maghreb méd1éval et moderne. C’est 8eut-
être le me1lleur moyen de m1eux déterm1ner le rôle des ṣūfī‑s et des fuqḤhā’ dans
l’1slam1sat1on et dans la m1se en 8lace des réformes, notamment rel1g1euses, dans
ces contrées et dans l’ensemble des montagnes du Maghreb.

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