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Heidegger rendu kascher

En 2005, c'était l'année Sartre, centenaire du célèbre existentialiste, A Paris les libr
aires étaient noyés de publications commémoratives, Presque chaque journaux consacraie
nt des pages spéciales à son propos. La toute nouvelle bibliothèque de France montait
une exposition multimédia des souvenirs saillants de sa carrière ainsi que quelques
rares séquences filmées de ses pièces, L'obligatoire CD d'entretiens oubliés stratégiqueme
nt placés près de la caisse et ainsi tenter la compulsion de l'aficionado et comme p
révu, à l'étranger et en France d'innombrables conférences et colloques au long cours dévo
ués à son travail. Paradoxalement, personne n'avait l'air de savoir quoi dire, D'un
coté, personne n'a dominé la vie intellectuelle de son siècle comme Jean-Paul Sartre,
en fait, personne ne l'approcha. C'est là que réside le problème, Après tout, à l'exceptio
n de la poésie, il excella dans toutes les disciplines littéraires imaginables, trai
tés de philosophie, nouvelles, histoires courtes, essais, théâtre, biographies et mani
festes politiques. On parle encore aujourd'hui de beaucoup d'entre elles. A une ép
oque de spécialisation obérant l'esprit, Sartre apparaissait comme un anachronisme b
ienvenu, un véritable homme de la renaissance. De plus, après la guerre, il hérita du
manteau convenu de l'intellectuel engagé, vénérable tradition datant de Victor Hugo et
d'Émile Zola. En 1961, il signa le manifeste des 121 protestant contre la brutali
té de la guerre en Algérie en pressant les troupes françaises de déserter, il provoqua dél
ibérément l'autorité politique française, Quand les conseillers de de Gaulle le pressèrent
de mettre le philosophe gaffeur aux arrêts, de Gaule répondit avec emphase: «on n'arrêt
e pas Voltaire!» Alors, comment faire pour le célébrer, son polymorphisme quintessencié,
une figure qui, sans forfanterie, excella dans virtuellement toutes les entrepr
ises qu'il engagea? Qui, en fait, est vraiment qualifié pour faire justice à ses résul
tats pluridisciplinaires, aux nombreuses facettes de son œuvre? Quand il vivait to
ujours, on pouvait, au moins, s'adresser successivement à chaque livre, traité ou ar
ticle de manière sérielle, au moment ou elles apparaissaient, Sa mort nous a privé de
cette règle de trois. Les possibilités d'évaluation donne le tournis et sont sans limi
tes. Mais il existe une autre raison à l'inflation du centenaire. Parmi les intell
ectuels, avec l'atmosphère politique turbide d'aujourd'hui, le concept d'engagemen
t de Sartre est devenu une source de mauvaise conscience. De plusieurs manières, i
l était ce que nous ne sommes pas et ce que nous ne pourrons, en étant réaliste, plus
jamais devenir. Naturellement, il a commis d'ingrates erreurs dans son jugement
politique, Jusqu'en 1973, il pouvait encore proclamer que l'échec de la révolution f
rançaise venait du fait que les jacobins n'avaient pas accepté de tuer plus de monde
. Un peu après, le soi-disant moment anti-totalitaire trouva ses marques parmi les
écrivains français et les meneurs de l'opinion, Dissidence devint le nouveau mot de
passe, Le style de militantisme de Sartre perdit rapidement de sa vogue, Une généra
tion plus jeune firent un adieu sans fard aux tentations et aux illusions du gau
chisme, Sartre représentait un héros de l'ego marxiste à vaincre pour faire en sorte q
ue le libéralisme français puisse vivre, Plus tard, les intellectuels français se rapp
elèrent les injustices du néo-libéralisme, Ironiquement, ils n'avaient qu'eux-mêmes à blâme
.
Cette année, en France, c'est l'année Lévinas, Le philosophe français, né en Lituanie (190
6-1995), mourut un peu avant son quatre vingt dixième. Il existe des faits quelque
s faits pervers à propos de la chronologie commémorative, Sous de nombreux aspects,
Emmanuel Lévinas incarnait l' anti-Sartre. Comme l'auteur de l'Être et le Néant, il étai
t amoureux de la culture allemande et comme Sartre, se voyait aussi comme un hérit
ier de la méthode phénoménologique conçue par Edmund Husserl
et utilisée par Martin. Mais, c'est plus ou moins là ou les ressemblances cessent, C
e ne serait pas exagérer de décrire l'entière tentative de Lévinas comme une machine de
guerre dirigée contre l'humanisme existentialiste sartrien, Avec Sartre, c'est l'e
n soi qui est la conscience, valeur conceptuelle originelle tiré du système archimédie
n. Inversement, pour Lévinas, c'est l'autre, autrui dans toute son étrangeté métaphysiqu
e sans apprêt. Bien que nés tout deux dans l'intervalle d'une année, l'anti sartrisme
de Lévinas porte un caractère œdipien distinctif, La version sartrienne de existential
isme doit périr pour que celle de Lévinas vive. En fait, pour la génération de penseurs
français arrivant à maturité dans les années quarante et cinquante, la présence de Sartre é
ait tellement titanesque que d'égorger Sartre le père devint un rite de passage obli
gatoire. En dominant si complètement chaque champ de la quête littéraire, ses héritiers
potentiels sentaient qu'ils manquaient de souffle. Tous, Claude Lévi-Strauss, Rola
nd Barthes, Michel Foucault, et les deux Jacques, Derrida et Lacan, à un moment ou
à un autre tirèrent des explosifs textuels enduits de venin dans la direction du ma
itre. Sous le couvert de la «mort de l'auteur», les penseurs structuralistes, espéraie
nt secrètement d'évincer rapidement Sartre. Lévinas n'était rien sinon une vocation tard
ive. Son œuvre majeure, Totalité et Infini, parut en 1961 quand il avait déjà 55 ans. Le
s acclamations du milieu philosophique arrivèrent encore plus tard. Pas avant 1980
, quand Lévinas, septuagénaire, la France, sa patrie adoptive, prit l'illustre et pr
olifique immigrant sous son aile. La France avait une longue histoire d'accueil
des intellectuels et des universitaires étrangers: Jean Piaget, Lévi-Strauss, Derrid
a et Julia Kristeva tous nés hors de France métropolitaine, Parfois, il leur fallu p
lus de temps pour être reconnu.
Dans le cas de Lévinas, les difficultés se trouvaient mêlées aux hasards de la biographi
e. Par plusieurs cotés, sa philosophie reflète son propre itinéraire distinct, margina
l et pérenne, Dans sa jeunesse Lévinas et sa famille furent déplacé de sa ville natale d
e Kaunas vers l' Ukraine aux approches de la première guerre mondiale. Il y fréquent
a l'école secondaire. Mais, la révolution bolchevique, et la guerre civile suivirent
et il fut impossible de rester, Toute la famille retourna vers la Lituanie nouv
ellement indépendante ou elle espérait trouver finalement la tranquillité mais l'insta
llation du nationalisme lituanien rendait les choses difficiles aux russophones
tels les Lévinas. Alors, en 1923, la famille déménagea à nouveau, cette fois-ci vers Str
asbourg ville française la plus proche de Kaunas. En 1923 s'inscrivit à l'université d
e Strasbourg, compléta une thèse sur Husserl en 1930. Mais, à la place de suivre une c
arrière universitaire, comme ses mentors l'en pressèrent au regard de ses talents ph
ilosophiques prodigieux, il prit un poste à l'alliance israélite universelle, une or
ganisation chargée d'acculturer les Juifs d'Europe de l'est et de défendre les minor
ités juives. À la fin des années trente rejoignit l'armée française, La même année, son uni
t capturée durant l'ignominieuse «étrange défaite » rendue aux mais de l'armée allemande. L
mauvaise fortune enferma Lévinas dans un camp de prisonniers pour le reste de la
guerre, autre recul de ses aspirations vocationnelles en tant que philosophe mai
s pour lui, juif français né à l'étranger, les choses auraient pu tourner beaucoup plus
mal. Après la guerre, il enseigna à l'école normale israélite orientale, une école préparat
ire pour instituteurs juifs. Ce n'est qu'en 1961 qu'il termina la thèse de doctora
t qui lui valut une position à l'université de Poitiers, En 1973, à l'age de 67 ans reçu
une chaire à la Sorbonne, pinacle de la vie universitaire française. Trois ans plus
tard, il prit sa retraite. Il obtint une reconnaissance tardivement et circonst
ancielle. Ses réalisations de philosophe sont considérables et il apportait une dime
nsion éthique qui manquait tellement aux structuralistes. Dans les années 80, le str
ucturalisme tomba de grâce. Les structuralistes et leurs héritiers tardifs, Foucault
et Derrida s'étaient lancés dans une critique toujours plus large de la société, théorie
humaniste plaçant l'homme au centre de ses analyses, en gardant à l'esprit un des te
xtes de Sartre les plus lus d'après-guerre, «l'Existentialisme est un humanisme». Dans
cette ordre de choses, Foucault prophétisa que l'homme allait bientôt balayé comme un
dessin sur le sable effacé par la marée et qu'après çà, on se sentirait bien mieux. Dans
les années 70 et 80, les intellectuels français, déchirés, désillusionnés par le communisme
abusés et déçus par la dissidence à l'est, découvrirent «les droits de l'homme»; A partir
là, cela devint la quadrature du cercle: on ne pouvait se poser en détracteur de l'h
umanisme tout en reprenant les couplets des droits de l'homme. Le rejet du parad
igme anti humaniste prit de la cinétique quand les implications pro nazie de qu'il
termina sa thèse de doctorat qui lui valut furent connues dans toute leur étendue.
Puisque c'était les assauts radicaux de qu'il termina sa thèse de doctorat qui lui v
alut contre l'humanisme sartrien qui avait donné le ton et les munitions pour les
attaques structuralistes ultérieures.
Dans son essai de 1941, «Souvenirs Métaphysiques», Heidegger déclare » l'histoire de l'être
n'est ni l'histoire de l'homme ni celle des relations du surmoi au soi, l'histoi
re du moi est unique. En 46, cinq ans plus tard, il adresse une «Lettre sur l'huma
nisme» à un interlocuteur français ou il clame que le concept d'homme est le point d'e
ntrée pour qui veut comprendre l'être. Cette lettre, manifeste anti sartrien radical
deviendra par certain de ses aspects le texte fondateur de la philosophie françai
se d'après guerre. L'anti cartésianisme résolu de Heidegger, son rejet du cogito comme
point de départ de la philosophie, a permis aux intellectuels français d'échapper aux
contraintes et aux limitations de leurs traditions intellectuelles indigènes, En
somme, il a permis aux intellectuels français d'être moins nationaux. En France l'étoi
le de Heidegger se levait quand celle de Marx déclina. Elle séduisit les gauchistes
désenchantés qui réalisaient tardivement que le futur radieux de l'Union Soviétique n'étai
t pas celui qu'ils avaient espéré. Les disciples d'Heidegger en conclurent que le ma
rxisme n'était pas la solution mais bien le problème. Ils limogèrent la doctrine marxi
ste du prolétariat comme une autre forme des échecs de l'humanisme occidental. La cl
asse ouvrière n'était plus qu'une autre incarnation du «sujet métaphysique» dans son ensem
ble. Cette popularité grandissante exprimait à la paralysie politique et sociale lar
gement ressentie sous la «dictature présidentielle»
(1958-1969) de Charles de Gaulle, justification pro vita sua pour une génération de
penseurs français ayant abandonner les barricades pour les platitudes de la critiq
ue culturelle allemande des années 20. En vilipendant la subjectivité et la conscien
ce, ce à quoi Sartre apportait du prix, les heideggériens français ont complètement inhi
bé la passivité politique invalidante du maitre dictée par l'idée que toute action humai
ne est finalement stérile. Si on en croit Heidegger, l'Être détermine tout, la contrib
ution des hommes et des femmes est épiphénoménale, et pour la plupart du temps sans ob
jet. Alors, la seule chose que nous pouvons faire, comme Heidegger le dit une fo
is, est d'attendre Dieu patiemment qui «peut nous aider». Quand les philosophes frança
is remplacèrent imprudemment Marx par Heidegger, ils jetèrent simultanément l' émancipat
ion humanisme à la poubelle, Ils échangèrent la liberté pour les «mystères» du «Soi» La phi
e de Heidegger trouve ses prédicats dans une critique radicale de la raison et de
la métaphysique. Un jour, il observa que «la raison, glorifiée durant des siècles est l'
adversaire la plus féroce de la pensée». Mais, en rejetant la raison, Heidegger et ses
disciples français détruisirent le lien essentiel entre vision et émancipation. Socra
te dicta que «la connaissance est vertu». En d'autres mots: l'intuition et la réflexio
n sont les clés d'une vie bien vécue. Comme Socrate le déclare, «une vie sans examen ne
vaut pas la peine d'être vécue». Sans l'association entre vision, intuition et émancipat
ion, ni la doctrine de Marx ni celle de Freud ne sont possibles et pour eux, com
me pour Socrate, connaissance et liberté humaine sont coalescentes. En heiddegérien
convalescent, Sartre comprit le problème mieux que personne, Il réalisa qu'une philo
sophie comme celle d'Heidegger, qui demande une obéissance sans questions à l'innommé,
à d'autres puissances comme l'Être, les dieux, la foi etc. est une garantie d'aliénat
ion humaine. Comme Sartre le remarque astucieusement, en prêchant la soumission et
plus tard l'autoritarisme, une philosophie qui subordonne l'humain à ce qui est a
utre que l'homme a pour base et pour conséquence la haine, soit il est soit il est
l'autre. Choisir la seconde doctrine fait simplement d'une victime le complice
de son aliénation.
A la fin des années 80 le vide moral de la philosophie d'Heidegger se trouva plein
ement exposée. Par dessus tout, elle manquait d'éthique. Pour ses disciples français,
l'éthique avait semblé superflue, redondante de l'antique schéma de l'humanisme occide
ntale. L'éthique implique la notion de rédemption épouse du paradigme de la subjectivi
té, niée vigoureusement par les structuralistes et leurs alliés heideggériens qui cherchèr
ent fébrilement à la nier. Lévinas fournissait donc ce qu'ils cherchaient, une doctrin
e éthique solide consistante avec les prémisses de l'anti humanisme critique. Ainsi,
le docent de Kaunas devint l'improbable sauveur d'une tradition fondée par un anc
ien nazi. Quel en était le bénéfice. Aucun, Les anti humanistes français régressent au reg
ard de l'existentialisme sartrien. Sartre soutient que l'action humaine au monde
a un sens. Contrairement à Heidegger, il croit sincèrement que le question de la li
berté demeure. Sa œuvre constitue la méditation d'une vie sur la signification et les
paramètres de cet impératif moral et existentiel fondamental. A la afin des années cin
quante, Sartre réalise les contradictions du stoïcisme cartésien exposé dans l'Être et le
Néant. Afin de la réduire, il se tourne vers l'histoire et le marxisme. On dit souve
nt que le dit des grands philosophes peut souvent se réduire à une phrase telle le «co
nnais toi» de Socrate, le «je pense donc je suis», pour Hegel, «unité de la substance et d
u sujet», pour Kierkegaard, «la vérité est subjective» et pour Lévinas, ce serait «l'éthiqu
me philosophie première». En 1928 Lévinas se rendit à Fribourg pour étudier avec Husserl.
Mais son enthousiasme pour l'auteur de « Philosophie et Rigueur Scientifique» fondit
rapidement. A son point de vue Husserl, comme Descartes restait trop attachés au
paradigme de l'ego ou «conscience» ce qui l'intéressait rassemblait les questions qui
perfuse hors du champ de la conscience. Rapidement, il fut introduit auprès d'Heid
egger et ses allégeances changèrent brusquement de direction. Comme Lévinas le dit «j'ai
l'impression d'être allé à Fribourg en pensant visiter Husserl et j'ai trouvé Heidegger
à la place, chez qui il rencontra une riche audace philosophique mal acceptée dans
la pensée contemporaine. Avec Heidegger, la philosophie transcende l'auto référentiel
confiné de la conscience et accède au plan de la vie et du monde. Il avait senti que
la phénoménologie husserlienne resta attachée à l'aride rationalisme du néo kantisme régna
t. Comme tel, elle restait étroitement focalisée sur la perception et le cognition.
Avec Heidegger, au contraire, on parlait de quotidien, d'authenticité, d'historici
té, de l'être au delà de la mort. Ce que Lévinas trouvait très stimulant comme une générati
entière de jeunes allemands qui en entendant « La rumeur du roi caché» processionnèrent po
ur écouter ses cours. Afin d'éviter l' afflux d'étudiants par trop motivés, il donnait s
ouvent la classe à sept heures du matin. Le jeune Lévinas se pensait heideggérien orth
odoxe. Il assista au fameux débat de Davos entre Heidegger et Ernst Cassirer en ap
plaudissant avec enthousiasme au triomphe de Heidegger. Pour beaucoup, c'était le
passage du témoin d'un néo kantisme rassis à la forme vigoureuse d'existentialisme pro
pre à Heidegger. Dans les années 30, Lévinas rédigeât plusieurs articles sortant des senti
ers battus sur la philosophie d'Heidegger. Dans l'un d'eux, il s'enthousiasmait:
« Personne qui s'intéresse la philosophie ne peut s'empêcher de déclarer, devant le cor
pus heideggérien, que l'originalité et la puissance de son effort, né du génie, se sont
alliées la conscience, la méticulosité et à une solide élaboration.» Il venait de terminer
a dissertation sur la théorie de l'intuition de Husserl et projeta d'écrire un livre
dur Heidegger. Son entrée au parti nazi, le premier mai 1933, changea tout. Heide
gger avait succombé à l'illusion qu'il pourrait « guider le guide» (den Führer führen), qu'
l pourrait jouer le philosophe roi du tyran résident de l'Allemagne, Adolphe Hitle
r. En ceci; il se montra plus royaliste que le roi en disant: «Ne laissez pas les
doctrines et les idées régler votre être, le Führer et lui seul est le présent et l'avenir
de l'Allemagne et sa loi.»Il réalisa rapidement son erreur: la révolution nazie n'était
pas destinée à rendre le monde plus sur pour l'Être, comme il l'avait espéré. Néanmoins, i
existe des erreurs politiques pou lesquelles un philosophe peut implorer le par
don, mais il y en a une autre, du genre impardonnable. Son enthousiasme pour la
révolution brune, loyauté à laquelle il refusa de renoncer, d'une variété plus tardive. A
la lumière de l'adhésion de Heidegger au nazisme, Lévinas se sentit obligé de réévaluer son
heideggérianisme passionné. La problème ne résidait pas dans le fait qu'Heidegger, l'ind
ividu empirique soit devenu nazi mais il se sentait obligé de justifier son choix
politique dans un idiome tiré de son propre style de philosophie de l'existence. T
oute l'affaire suscite le sentiment d'une attitude schizophrénique de la part de Lév
inas. D'une part, certains choix heideggériens, la critique du point de vue du suj
et transcendantal gardait sa validité. De l'autre, la proximité d'Heidegger au nazis
me lui donnait le sentiment simultané que cette philosophie était pourrie jusqu'à l'os
. Lévinas tente de résoudre ou de travailler le problème par étapes. Dans «Réflexions sur l
Philosophie de l'Hitlérisme» en 1934, il condamne le nazisme comme une forme de néo p
aganisme qui menace les traditions judéo-chrétiennes. Une de ses cibles fut Heidegge
r, qui avait renoncé au christianisme et resta un athée déclaré. Plus tard, son analyse
s'affina dans une perspective plus complète entre le nazisme et la pensée occidental
e en général. Après la guerre, la terrible révélation des camps de la mort, dans lesquelle
s la plupart de la famille étendue de Lévinas avait péri, lui fit reconsidérer la tradit
ion occidentale dans son ensemble. Comment se fait-il, que la philosophie occide
ntale, malgré son sublime naturel et sa grandeur, soit resté impuissante à prévenir la m
anie génocidaire des nazis? Pensée d'autant plus infecte, que face à la réalisation du m
al radical, l'occident n'a put que démontrer l'impuissance de sa compréhension. Ces
réflexions l'amène à mettre en cause des pans entiers de la tradition philosophique oc
cidentale. La question principale réside dans l'habitude immémoriale de la métaphysiqu
e à privilégier l'ontologie, l'étude de l'Être alors que l'essentiel, c'est l'éthique. En
d'autres mots, les traditions philosophiques les plus intimes et précieuses se son
t davantage souciées de l'Être, que des relations éthiques entre humains.
La maxime de sa maturité, «l'éthique avant la politique», cherchait un remède à la grossièr
njustice perpétrée le privilège occidental de la «raison théorique» sur le sujet moral. Déj
s les grecs, l'occident s'est aventurer sur un sentier erroné. Il repose la questi
on d'Athènes contre Jérusalem, de la philosophie contre la théologie. En optant pour A
thènes, c'est à dire pour l'ontologie, l'occident, à son propre détriment, a dénaturé l'imp
rtance de la tradition biblique dans laquelle, la tradition mosaïque, les dix comm
andements et l'injonction christique d'aimer son prochain comme soi-même, trouvaie
nt tout leur sens.
Il essaya, par sa conception éthique de redresser ce déséquilibre invasif et débilitant.
Il découvrit une source nouvelle dans l'inspiration éthique des nouvelles de Dostoïev
ski, qui met en scène le pouvoir spirituel de l'amour ou caritas contre les effets
de la raison instrumentalisante . Pour lui, l'éthique trouve son origine dans la
demande de l'autre, autrui. Le pierre d'angle de sa maturité est l'idée de la «face» de
l'autre. De son point de vue, la face de l'autre nous confronte à une quête morale i
nfinie, antérieure à tout jugement intellectuel ou théorique. Il utilise une série de méta
phores dramatiques quand il parle de nudité ou de destitution de l'autre qui fait
qu'elle ou lui reste totalement à notre merci. Pour dramatiser notre dette à l'autre
, essentiellement insatisfaisante, Lévinas cite fréquemment cette maxime incertaine
des Frères Karamazov: « chacun est coupable devant l'autre et moi le premier». Et en t
enant compte les limitations intrinsèques des êtres finis, nous ne pourrons jamais s
atisfaire la quête de l'autre. La question en reste à la relation entre «infinité» et «tran
cendance». Au contraire, la raison théorique, vise à un type de compréhension totalisant
e ou «fermeture» que Lévinas minimise en l'appelant «totalité». Ce qui est incurablement ég
ntrique et procède en réduisant l'autre à l'identique, «l'ipséïté», dans sa langue. Son che
re de 1961 «Totalité et infinité» animera ces oppositions. Les limitations de sa méthode n
e manque pas de souligner aussi ses propres contradictions. En tentant, de conce
rt, de se distancier des erreurs d'Heidegger, il s'est intriquer encore plus ava
nt dans l'approche du philosophe de Fribourg. En jugeant la raison totalisante,
il trahit ses affinités imprudentes avec les dernières pensées d'Heidegger, qui prédisai
t aussi le rejet de la raison comme forme de d'instrument simplificateur de la v
olonté de domination. Dans les deux cas, la vilification de la raison va trop loin
. Dans les annales de la pensée occidentale, la raison a toujours contenu de forte
s aspirations utopiques. Elle promet une rectification de l'injustice sociale et
des torts. La critique radicale de la raison, à la fois chez Lévinas et chez Heideg
ger, mettent en avant le risque de rendre l'expression de la critique sociale im
puissante. Sans les capacités raisonnables de distinction, de discrimination et de
jugement de fait, nous serions privés des outils conceptuels nécessaires à notre prop
re émancipation. Nous resterions là muets et impuissants. De plus, Si leurs propres
philosophies se désintéressent entièrement de la raison communicante, ils seraient ini
ntelligibles et dans ce cas, franchement, à peu prêt inutiles. Le raisonnement moral
e nous fournit un moyen puissant pour agir au monde et pour remédier à l'oppression.
La vénération quasi mystique de l'Autre, chez Lévinas, ressemble inversement à une «épipha
ie». Mais, il est presque impossible de transformer une épiphanie en action politiqu
e sensée. On ne la peut transformer en sujet de législation. D'autant plus, qu'avec
Lévinas, la dette à l'égard de l'Autre devient une relation d'exclusivité au point qu'il
devient impossible émotionellement et physiquement d'assumer une loyauté aux autres
multiples. Pour cette raison, on ne peut dériver des politiques sensées de ses doct
rines éthiques. Il confirme ces suspicions quand, dans «Totalité et Infinité», il déclare:
politique laissée à elle-même porte la tyrannie dans son essence». Sa référence messianiqu
à l'Autre dénigre toute autre forme d'action, y compris l'adhésion politique, comme u
n instrumentalisme sordide. Il résiste à la généralisation et nous laisse avec un genre
de paralysie politique. Samuel Moyn, dans son ouvrage lucide et rafraichissant: «O
rigines de l'Autre» caractérise de manière adéquate l'approche crypto théologique de l'éthi
ue chez Lévinas, il met en lumière l'ambivalence fondamentale de la perception sécular
iste de ses intentions phénoménologiques et de l'occultation de ses aspirations esch
atologiques. Répondant au profond désespoir culturel provoqué par la première guerre mon
diale, les années 20 ont connu des résurgences théologiques importantes qui donnèrent ,
d'après ce que dit Moyn, le cresson de son approche distinctive à l'égard de l'éthique.
Une des vertus du livre de Moyn, c'est sa découverte de la notion de l'Autre chez
Lévinas, ou personne n'était aller la chercher avant. Des commentateurs, auparavant,
interprétèrent l'éthique théologique légèrement voilée de Lévinas en l'identifiant à la so
t «Nouvelle Pensée» mise en avant par Franz Rosenzweig en 1921,dans son ouvrage « L'Étoile
de la Rédemption». Mais Moyn souligne que Lévinas ne lut point Rosensweig avant le mi
lieu des années trente. Et si Rosensweig reconnaît que nous pouvons gagner quelque c
hose qui ressemble à une connaissance théologique. La notion de l'Autre de Lévinas dépla
ce expressément les prétentions et les méthodes cognitives, la face de l'Autre possède l
e statut de révélation, elle met en œuvre une quête éthique pré discursive entièrement tran
ndante. Pour déchiffrer «L'origine de l'Autre» Moyn nous suggère d'examiner plutôt la résur
ence kierkegaardienne présentée par la «Théologie Dialectique» de Karl Barth que Lévinas lu
avidement dans les années vingt et trente. Par son opposition affirmée à la vogue sécul
ariste de la critique de l'histoire biblique des années vingt. Barth reconçoit la di
vinité, dans les mots de Moyn, comme qualitativement différente du fini, des objets
quotidiens. L'Autre, Dieu, est transcendant non immanent et il conclut qu'en dépit
des protestations variées du contraire, «Lévinas n'a jamais abandonné l'habitude de se
soumettre au commandement de Dieu et il l'a intégré au royaume de la théologie humaine
.» Comme philosophe, on l'a traité justement d' «anti Sartre» et on peut voir facilement
pourquoi. Il idéalise l'Autre et la pensée de Sartre, fondamentalement, manque de c
onfiance dans l'individu. Dans l'Être et le Néant, l'autre ne signifie rien de plus
que la limitation ou l'obstacle à la liberté de soi, le regard de l'autre est essent
iellement objectivant, il cherche à tourner le pour soi, ou conscience en en soi,
soit quelque chose d'inerte. Le apothéose littéraire de Sartre, la pièce Huis-Clos ou
on prononce que «l'enfer, c'est les autres». L'animus anti sartrien aide Lévinas à compo
ser d'étranges mouvements philosophiques dans la glorification excessive de l'autr
e.
Une des raisons derrière son immense popularité en France réside dans sa copieuse littér
ature sur des thèmes juifs. Traditionnellement la conception française de la citoyen
neté est restée rigoureusement assimilationniste et n'est pas sensible à la différence.
Le débat classique sur ce point de vue est celui de la révolution qui se demande si
les Juifs doivent être reconnus comme citoyens. Comme un des délégués, Clermont-Tonnerre
l'exprime «rien aux Juifs comme nation, tout aux Juifs comme citoyens.» Autrement d
it les Juifs sont les bienvenus tant qu'ils abandonnent leur particularisme. Dan
s l'après 68, ce sentiment commence à évoluer, beaucoup des protagonistes oscillent en
tre Mao et Moise. Ensuite, ils embrayèrent sur leur atavisme juif pour trouver une
orientation une fois la ferveur révolutionnaire gauchiste éteinte. L'examole le plu
s connu est celui de Benny Lévy, un ancien chef étudiant maoïste (et confident de Sart
re) qui abandonna la politique révolutionnaire pour le judaïsme orthodoxe. Soudainem
ent, les juifs français assimilés suivant la voie des immigrants séfarades d'Afrique d
u Nord ,qui vécurent au préalable dans des communautés religieuses fermées, commencèrent à
vouer publiquement leur identité. Étant donné les persécutions dont avaient été victimes le
rs familles sous le régime de Vichy, ils se pensaient un titre à la reconnaissance,
non seulement comme citoyens mais aussi comme Juifs. Paradoxalement, le nouvel e
sprit de «communautarisme juif» trouva une aide dans l'approche de Lévinas, qui était pa
rvenu à ébranler avec succès la barrière entre deux cultures très différentes: le monde de
a philosophie académique française et celui des traditions religieuses juives. Un de
s manifestes distinctifs de Lévinas comme penseur juif est sa rupture avec les générat
ions précédentes d'érudits juifs assimilés de Moise Mendelssohn à Hermann Cohen, qui tentèr
nt de démontrer la compatibilité entre l'enseignement juif et les canons de la pensée
séculière occidentale. L'originalité de Lévinas, en recourant à la phénoménologie consiste
duire les principes éthiques de l'ancien testament directement en langage philosop
hique en négligeant la préoccupation ontologique des Grecs. A cet égard, son influence
sur une génération plus jeune d'intellectuels juifs français arrivée à maturité dans l'apr
guerre est inestimable. A la fois Benny Lévy ( mort en 2003) et l'omniprésent essayi
ste- philosophe Alain Finkielkraut étudièrent le dernier livre de Lévinas «Être juif» qui e
t la signature de sa pensée religieuse. Il y a six ans Lévy, Finkielkraut et Bernard
-Henri Lévy, payant tribu à leur maitre décédé, fondèrent un Institut des Études Lévinatien
usalem. La suspicion légitime de Moyn à propos de la résilience des habitudes théologiqu
es de Lévinas a soulevé des questions troublantes sur la vénération anacritique caractérisé
par la réception de son œuvre.
Comme Heidegger, Lévinas suggère sur un mode rhétorique ampoulé l'accès privilégié aux véri
imes de l'Être et de l'existence. Mais la posture discursive n'est pas très propre a
u débat. La philosophie avance par la discussion critique et l'examen des prédicats
comme instances de vérité alors que les écrite de Lévinas encourage une attitude d'adula
tion soumise. Et, sans surprise, la plupart de ses milliers d'articles et de mon
ographies exhibent des révérences exégétiques confites de flagornerie, Comme si sa pensée
reflétait les écritures saintes plutôt qu'un travail de pensée séculière. Ni ses proclamati
ns à propos de «l'aristocratisme de la vraie connaissance»et de «la nécessité d'une pensée
rète» inspirent confiance dans le champ des potentiels démocratiques de sa philosophie
. Et son œuvre apparait gélifiée et terminale par son mode d'enthousiasme quasi adoles
cent. Comme Nietzsche le reconnaît:«on rembourse ses maitres bien pauvrement quand o
n reste un disciple.»

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