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Jean-François Rous

La biomasse,
matière première
renouvelable
d’avenir
Jean-François Rous est directeur de l’Innovation du groupe
Sofiprotéol 1 depuis 2010. Sa principale mission est de déve-
lopper et de conduire la vision Innovation du groupe dans les
secteurs de l’énergie et de la chimie durables, de l’alimentation
humaine et de la nutrition animale. Dans ce chapitre, il aborde
la biomasse en tant que matière renouvelable pour l’énergie.

En abordant la biomasse en cent, et que les thématiques


tant que matière renouvelable qui y sont liées n’ont pas en-
pour l’énergie, un point im- core atteint leur maturité in-
portant à savoir est que l’en- dustrielle.
jeu de la biomasse est prin-
cipalement de fournir de la
matière alimentaire pour la
population. Ce point clé est 1 Les grandes
évolutions
essentiel pour comprendre les Sans examiner dans le dé-
évolutions au cours des âges, tail l’historique des grandes
et surtout à venir, concernant évolutions de l’énergie, les
cette matière première. quelques points de repère fi-
Il faut de plus noter que le dé- gurés en rouge sur la Figure 1
veloppement de l’utilisation de montrent que la matière vé-
la biomasse comme matière gétale –  et l’huile en parti-
première énergétique dans culier – est depuis très long-
des usages diversifiés est ré- temps utilisée à autre chose

1. www. sofiproteol.com

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Chimie et enjeux énergétiques

Lampe à graisse
animale (Lascaux) Lampe à huile Moyen-Âge

– 10000 BC – 10000 BC – 8000 BC – 3000 BC – 2000 BC – 200 BC +700 AD +1000 AD

Domestication Invention de la roue, Utilisation de


des animaux et traction animale, l’hydraulique (Romains)
élevage du cheval exploitation du vent Moulins à eau (Europe centrale)

Âge du feu Début Roue à vent pales Utilisation du bois,


de l’agriculture et axe vertical (Asie) huile, énergie musculaire

Effet photo- Lampe


voltaïque à pétrole
Becquerel
1200 1300 1787 1800 1810 1859

Moulin à vent Utilisation de la machine Révolution industrielle,


à axe horizontal à vapeur utilisation massive du charbon

Exploitation du charbon Premier générateur Premier puit de pétrole


suite à une pénurie de bois électrique (Volta) (Pensylvanie, Edwin Drake, USA)

Moteur diesel Développement


huile végétale Panel énergies
énergie nucléaire renouvelables
1882 + 1885 1930 1938 1942 1973 1980 + fossiles

Découverte et exploitation Première fission Première choc pétrolier 2050


de la houille blanche (Deprez) de l’atome

Première centrale Utilisation massive Premier pile nucléaire Deuxième choc pétrolier
électrique au charbon du pétrole Université de Chicago
(New-York) éclairage

Figure 1 que juste nourrir les popu- turel et biotransformée par les
lations. chevaux en énergie.
Historique des grandes évolutions
de l’énergie. On s’éclairait déjà avec de la Concernant la transition
graisse il y a 12 000 ans et il est énergétique à venir, plusieurs
intéressant de constater que autres chapitres de cet ouvrage
le premier moteur Diesel dans montrent clairement qu’il sera
les années 1900 fonctionnait à nécessaire de recourir à un
partir d’huiles végétales et non mix énergétique, dans lequel
de carburants fossiles. Faire la biomasse interviendra sans
des biocarburants à partir de faillir à sa mission première qui
l’huile n’est donc pas une in- est de nourrir les gens.
vention récente. L’évolution des productions des
De fait, le second biocarburant énergies fossiles (elle aussi
connu avant l’arrivée du pé- présentée par d’autres auteurs
trole était l’avoine : 5 millions de cet ouvrage) est rappelée
d’hectares étaient utilisés pour sur la Figure 2 et montre que,
produire l’avoine qui servait de quoi qu’il arrive, ces énergies
nourriture aux chevaux pour fossiles auront tendance à dis-
véhiculer les populations, les paraître à des horizons plus ou
marchandises. C’est une autre moins lointains.
forme de biocarburant, même L’autre élément à prendre en
2 si elle était utilisée à l’état na- compte (rappelé lui aussi tout

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La biomasse, matière première renouvelable d’avenir
50 Figure 2
Milliards de barils d’équivalent pétrole par an

45 Profils de l’évolution des


40 productions mondiales de pétrole
et de gaz.
35
Source : ASPO (Association for
30 the Study of Peak Oil and Gas)
25 Base Case, 2009
20
15
10
5
0
1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050
Année

Pétrole conventionnel En eau profonde Gaz naturel liquide Gaz


Pétrole lourd En région polaire Gaz non conventionnel (gaz de schiste,…)

au long de cet ouvrage) est elle est heureusement plus


l’accroissement de la popu- optimiste. On constate sur la
lation mondiale (Figure 3) qui Figure 4 que, en 2005, seule-
atteindra plus de 9  milliards ment 31 % des terres arables
d’habitants en 2050. Nous de- sont cultivées dans le monde
vrons donc aussi trouver des et force est de constater que
solutions pour nourrir cette l’on est encore loin d’exploiter
population qui croît beaucoup toutes les surfaces agricoles
plus rapidement que les pro- potentielles ; mais ce potentiel
ductions agricoles. est géographiquement très
Si l’on considère donc main- différemment reparti et il est
tenant l’évolution possible en particulier beaucoup plus
des terres cultivées dans les faible en Europe et en Asie
différents pays du monde, du Sud-Est qu’en Afrique, en

6 000 Projections Figure 3


Évolution de la population
Asie/ mondiale par continent.
5 000 Océanie
Source : ONU, World Population
Population en millions

Prospect. The 2006 revision


4 000 population database

3 000
Afrique
2 000

Amérique
1 000 Latine
Europe
Amérique
0 du Nord
1850 1900 1950 2000 2050 2100
Année
3

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Chimie et enjeux énergétiques

1  513  millions d’hectares, la


majorité des terres arables
Terres arables en millions d’hectares

1 200
étant occupée par la forêt et
1 000 les pâturages. En préservant
800
les surfaces forestières, on
dispose néanmoins d’un po-
600 tentiel considérable en pâtu-
400
rages (3  340  millions d’hec-
77 %
21 % 48 %
62 % tares) sur lequel on pourrait
20 %
200
21 % prélever d’ici 2050, 500  mil-
0
12 % 18 % 28 % lions d’hectares qui seraient
transformés en cultures, en
e

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Su ue

No que

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intégrant un mode de gestion

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Oc

Am
en
et e c

oy
minimisant les émissions de
i

ie
As

M
As
clu

gaz à effet de serre.


(in

Terres cultivées Terres cultivables

2.2. Accroître les rendements

Asie centrale et orientale ou Un autre facteur important


Figure 4 sur lequel il est possible d’agir
en Amérique du Sud qui sont
Évolution des terres arables. des zones sur lesquelles il est l’accroissement des ren-
D’après la FAO (Food and
reste une marge de progrès. dements.
Agriculture Organization of the
United Nations), 31 % des terres
La Figure 6 montre l’évolution
arables sont cultivées dans le mondiale de rendements pour
monde en 2005.
Écart global : 2 200-2 600 M
hectares.
2 Comment augmenter
les ressources
végétales ?
différentes cultures sur les
45 dernières années. La bet-
terave n’est pas reportée sur
Source : Centre d’étude du MAAP ce graphique, car cette culture
(Mission Agro-Alimentaire
2.1. Optimiser l’occupation est spécifique à l’Europe. Elle
Pyrénées)
des sols a pourtant connu une crois-
sance extraordinaire sur
Le premier facteur sur lequel les 15-20  dernières années
on peut agir est l’optimisation avec un accroissement par  4
de l’occupation des sols. de la production, une mul-
Actuellement, les cultures, tiplication par  4 des rende-
représentées en jaune sur ments, tout en ayant diminué
la Figure  5, n’occupent que par  4 l’utilisation d’intrants.

Figure 5 2000 2050


En millions d’hectares En millions d’hectares
Potentiel d’optimisation des
sols. 500 millions d’hectares + 39 %
(+ 39 %) sont potentiellement 1513 2103
transformables en cultures,
avec une bonne gestion de l’eau,
des fertilisants et une croissance
modérée des rendements, tout en 3925 3886
3340 2839
préservant les zones naturelles
et les forêts.
Source : Agrimonde (2010), – 15 %
scénario 1 (système alimentaire
et agricole durable)
Cultures Pâtures Forêts
4

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La biomasse, matière première renouvelable d’avenir
Figure 6
Indice de rendement (1961 = 100)

300
Augmentation du rendement de
250 production à l’hectare pour une
gamme d’aliments de base et de
200
plantes à fibres, entre 1961 et
150 2005. Remarque : depuis 2005, on
voit une tendance au tassement.
100 Source : FAOSTAT, 2007

50
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
Année

Blé Cultures oléagineuses Sorgho


Maïs Paddy de riz Canne à sucre

Ces ­éléments factuels dé- coles. La sélection variétale,


montrent la nécessité de la mise en place de nouvelles
prendre en compte des spé- techniques agronomiques,
cificités locales et, par consé- l’adaptation au changement
quent, les solutions tendant climatique nécessiteront des
vers la transition énergétique efforts considérables dans les
passeront effectivement par prochaines années.
un mix, adapté aux logiques
et stratégies territoriales. Il 2.3. Réduire les pertes
s’agit réellement d’un atout
que de disposer de filières de L’agriculture produit 4 600 ki-
productions végétales perfor- localories par être humain et
mantes et dans cet exemple la par jour sur la planète. Mais
culture de betterave présente dès la récolte, des pertes
des marges de progrès. La de matières inter viennent Figure 7
quantité de sucre obtenue par au niveau de la collecte, du
transport et du stockage, qui Pertes d’énergie, conversions
hectare et par an est supé- et gaspillages dans la chaîne
rieure à la production de la contribuent à réduire cette
alimentaire, du champ à nos
canne à sucre, qui demande disponibilité énergétique de repas !
deux récoltes par an. La canne 600  kilocalories (Figure  7). Source : Smil (2000). Illustration :
à sucre conserve cependant le La production de protéines Britt-Louise Andersson, SIWI
leadership au niveau mondial.
On observe globalement de-
puis quelques années une 5 000
Récolte comestible : + 4 600
Kilocalories par habitant par jour

stagnation des rendements Pertes post-récoltes : – 600


des productions végétales au
4 000
niveau mondial, probablement
Alimentation animale : – 1 700
en raison de certains aléas
climatiques survenus ces der- 3 000
2 800
Pertes et gaspillage
dans la distribution
nières années, zone par zone. Viande et les ménages : – 800
et produits
L’accroissement des ren- 2 000 laitiers : + 500

dements est un des grands


Disponibilité nette
enjeux pour les semenciers, 1 000 à la consommation :
+ 2 000
la recherche et le dévelop-
pement agricole, les produc-
Champ Repas
teurs et les organismes agri- 5

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Chimie et enjeux énergétiques

animales (régime carné) surfaces cultivées ; cette pré-


consomme environ 1 700 kilo- vision est beaucoup plus réa-
calories sous forme d’aliments liste  : elle ne représente que
végétaux et restitue pour l’ali- 70 millions d’hectares, à com-
mentation humaine de l’ordre parer aux 500 millions d’hec-
de 500  kilocalories. Dans les tares de pâtures qui pourraient
pays développés, s’ajoute une basculer vers la culture.
perte supplémentaire due à la Le deuxième scénario est
distribution et à la consom- proposé par Agrimonde 2050,
mation. Le résultat net est organisme de prospective mis
qu’il reste 2  000  kilocalories en place par l’Institut national
disponibles sur les 4 600 pro- de la recherche agronomique
duites au départ (Figure  7). (INRA). L’analyse semble plus
On dispose donc d’un potentiel réaliste aujourd’hui en termes
très conséquent d’économie : de faisabilité, puisqu’il inclut la
en récupérant 1  500  kiloca- préservation des zones natu-
lories sur les 2  600  perdues, relles forestières et considère
un grand pas serait fait vers un faible accroissement des
l’amélioration de notre capa- rendements. Dans ces condi-
cité à nourrir la planète. tions, l’augmentation des sur-
faces supplémentaires à culti-
ver s’élèverait à 336 millions
3 Les grands usages
de la biomasse
d’hectares, pouvant satisfaire
les besoins alimentaires de la
population en 2050. Cet objec-
3.1. L’alimentation,
tif est théoriquement possible
une priorité
à atteindre, en comparaison
Le premier usage de la bio- des 500  millions d’hectares
masse est l’alimentation  ; la potentiellement mobilisables
biomasse – et l’agriculture en dans ce scénario « délicat ».
particulier  – sert avant tout
à nourrir les populations.
Plusieurs scénarios pros- 3.2. La transition énergétique
pectifs sont proposés par les L’autre enjeu pour la biomasse
grands organismes pour pré- concerne son rôle dans le mix
voir les besoins alimentaires énergétique (Figure 8). Le dé-
du monde en 2050 et en dé- bat sur la répartition en 2050
duire les surfaces à cultiver. des différentes ressources
Le premier scénario, celui de énergétiques laisse place à
la FAO (Food and Agriculture de nombreuses hypothèses.
Organization of the United Néanmoins, il est admis globa-
Nations), estime que 90 % des lement d’aller vers une diminu-
besoins alimentaires seront tion de la disponibilité en éner-
satisfaits par l’accroissement gies fossiles, une réduction ou
des rendements. Cela semble une stagnation de la production
difficile, car nous avons vu pré- d’énergie nucléaire, un déve-
cédemment que l’on observe loppement des ressources en
maintenant une tendance à une énergies renouvelables, dont
stagnation des rendements partiellement l’utilisation de
pour les grandes cultures. Les la biomasse pour couvrir les
10  % restants seraient cou- demandes en électricité, en
6 verts par l’augmentation des chaleur, en carburants.

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La biomasse, matière première renouvelable d’avenir
400 Figure 8
Consommation finale d’énergie (EJ/a)

350 Utilisation mondiale de la


bioénergie comparée aux autres
300 sources d’énergie, renouvelables
et non renouvelables. Prévision
250 de la répartition des ressources
en énergie pour 2050 :
200
– énergies renouvelables :
150 pour le GIEC : 77 % (mai 2011) ;
pour Ecofys (2010) : 90 % ;
100 – la biomasse représenterait 40 %
du marché de l’énergie.
50

0
2000 2010 2020 2030 2040 2050
Année

Fossiles et nucléaire Biocarburant Bioélectricité


pour le chauffage industriel
Biocarburant Biocarburant Autres énergies
pour les transports pour le chauffage renouvelables

3.3. Les transports : Ce scénario prévoit un ac-


prospective de l’évolution croissement des productions
des biocarburants de biodiesel et bioéthanol
Figure 9
issus de ressources ligno-
Dans le cadre des études de cellulosiques et la dispari- Besoins en biocarburants (A) et
l’IEA (International Energy tion du biodiesel ex-huiles en terres (B). Besoins de surface
Agency), un rapport prospectif végétales et bioéthanol ex- pour les biocarburants en 2050 :
sur l’évolution des biocarbu- 58 millions d’ha selon la FAO,
betterave, ex-blé, ex-maïs
100 millions d’ha selon l’IAE 2008,
rants à l’horizon  2050 a été de première génér ation. 224 millions d’ha selon Agrimonde.
réalisé, dont les résultats sont Dans cette prospective, le Source : IEA analysis based on
résumés sur la Figure 9A. bioéthanol ex-canne à sucre IEA, 2010

A 35 B 110

100
30
90

25 80
Millions d’hectares
Énergie (en EJ)

70
20
60
50
15
40
10 30
20
5
10
0 0
2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
Année Année

Biométhane Biojet Biodiesel avancé (2e et 3e génération)


Biodiesel conventionnel Éthanol cellulosique Éthanol de canne à sucre Éthanol conventionnel
7

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Chimie et enjeux énergétiques

pour suit son développe- La transformation de la bio-


ment. Actuellement, les bio- masse par cette voie induit de
carburants avancés, bio-jet prendre en compte les carac-
et bio-méthane sont encore téristiques de la composition
marginaux ou non existants organique et minérale de la
aujourd’hui et représentent matière végétale (présence
des hypothèses de marchés de silice, de chlore…). Il sera
à ce stade. nécessaire par exemple de
L’avenir de ces biocarburants trouver des solutions dans le
s’affirme comme un véri- domaine de la catalyse pour
table défi qui exigera un mix développer des technologies
de solutions en fonction des permettant à la fois de puri-
usages, associé à un mix de fier efficacement le mélange
ressources locales de bio- de monoxyde de carbone et
masse en qualité et quantité. d’hydrogène en amont, et
de contrôler la réaction de
À titre d’exemple, pour les
­Fischer-Tropsch  ; les cataly-
futurs biodiesels, la voie de
seurs actuels ont tendance à
recherche prépondérante au-
vieillir prématurément.
jourd’hui est la voie thermo-
chimique dite BTL (Biomass to Dans l’optique d’atteindre en
liquid), avec des enjeux consi- 2050 les productions de bio-
dérables de recherche pour carburants précédemment
les chimistes pour transfor- évoquées, l’enjeu est aussi de
mer différents types de bio- soutenir une recherche coû-
masse en hydrocarbures (voir teuse sur ces procédés. On
aussi le Chapitre de S. Jullian). dénombre aujourd’hui dans le
monde davantage de projets
qui s’arrêtent, que de projets
3.4. La biomasse : un vaste
qui démarrent sur ce sujet !
chantier pour la chimie
La chimie, qui suit cette étape,
Une stratégie consiste à scin- est elle aussi un vaste chantier
der les molécules issues de la de recherche, si la finalité est
nature en monoxyde de car- de substituer des produits is-
bone et hydrogène, et de les sus de la biomasse au naphta.
recombiner pour former des La Figure  10 en résume à la
hydrocarbures par une réac- fois l’intérêt et la difficulté.
tion de synthèse dite de type Le pétrole est constitué prin-
Fischer-Tropsch. Ce procédé cipalement de carbone, d’hy-
est ancien puisqu’il a été déve- drogène, et d’une faible pro-
loppé en 1918 pour valoriser le portion d’autres éléments. La
charbon2 sous forme de carbu- biomasse se compose de car-
rant liquide. bone, d’hydrogène, mais aussi
d’oxygène et d’azote, dans des
2. Le procédé Fischer-Tropsch per- ratios variables. Par exemple,
met de produire du pétrole brut de le glucose comprend autant
synthèse à partir de charbon ou de d’oxygène que de carbone,
gaz, selon une réaction chimique ce qui induit une approche
où du monoxyde de carbone CO et différente d’une chimie dé-
de l’hydrogène sont convertis en
veloppée à partir du charbon
hydrocarbures CnH2n+2 en présence
d’un catalyseur (par exemple à base ou du pétrole, pour lesquels
de fer, cobalt, ruthénium, etc.) : les transformations deman-
8 (2n + 1)H2 + n CO → CnH2n+2 + nH2O. dent d’apporter de l’oxygène.

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La biomasse, matière première renouvelable d’avenir
Figure 10
Un vaste chantier attend les
chimistes pour remplacer le
naphta pétrolier par la biomasse.

Cet  apprentissage à «  faire pailles, plaquettes fores-


des chimies de réduction » de- tières, branches, troncs…),
vrait viser à revenir aux molé- des biomasses ligno-cellulo-
cules usuelles de base, voire siques, des biomasses consti-
à développer d’autres types de tuées de déchets fermentes-
molécules et par conséquent cibles d’ordures ménagères…
à mettre au point de nouveaux constituent un ensemble
procédés. disparate très complexe, au
D’autre part, la question se ­niveau national (Tableau 1), et
pose de la nécessité de « dé- encore plus au niveau inter-
construire » la biomasse dans national.
sa totalité, pour construire à On attend des acteurs du sec-
nouveau et réassembler en- teur industriel une connais-
suite les fractions. La bio- sance approfondie de ces
masse est riche de multiples biomasses, de leurs poten-
composants, à extraire et tiels, de leurs disponibilités en
purifier, valorisables comme quantité et qualité, puis d’ac-
ressources directes de ma- quérir le savoir-faire dans la
tières premières dans des collecte, le stockage, la distri-
types variés de réactions bution – et le développement.
chimiques. Quelles sont les Pour bâtir des stratégies, il
combinaisons les plus pro- revient aux organismes de
metteuses ? recherche et de développe-
ment d’analyser les potenti-

4 Perspectives alités de développement des


du secteur ressources. De nombreuses
agro-industriel études ont été engagées pour
identifier les forces et les fai-
blesses d’une mobilisation
4.1. La connaissance
des biomasses. Par exemple,
détaillée des ressources
la Figure 11 montre l’efficience
Il faut admettre parler de de la photosynthèse pour la
«  biomasses  », en raison de production végétale agricole
la diversité des ressources et et forestière sur le territoire
des caractéristiques de la bio- national. Les zones vertes
masse. Des biomasses agri- représentent des condi-
coles et forestières multiples tions climatiques optimales
et variées (plantes entières, de croissance sur le terri-
graines, résidus de graines, toire national. Une ­stratégie 9

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Chimie et enjeux énergétiques

Tableau 1
Mobilisation massive de la biomasse en respect règlementaire des politiques énergétiques de substitution des
énergies d’origine fossile. Tep = tonnes d’équivalent pétrole.
Référence : Claude Roy

Ressources mobilisables
2008 2020/2030 ~ 2050 ?
(tep primaires/an)
Bio-déchets 1 M tep 3-4 M tep 6 M tep ?
Déchet industriel banal 1,5 M tep 3 M tep 4 M tep ?
bois
Bois bûche 7 M tep 7 M tep ? 7 M tep ?
Plaquettes forestières/ 0,2 M tep 3-4 M tep 6 M tep ?
élagage
Paille et co-produits ~ 0 1-2 M tep 1-2 M tep ?
agricoles
Nouvelles productions 2 M tep (1 M ha) 5 M tep (2,2 Mha) 4-5 Mha ?
dédiées (> 10 M tep ?)
Total ~ 12 M tep/an ~ 24 M tep/an > 35 M tep/an ?

Figure 11
Efficience de la photosynthèse pour
la production végétale en France.
Référence : FranceAgrimer,
Observatoire de la biomasse. Légende
Sources : Météo France, 2009. Très faible (1)
IGN, BD Alti®, MNT 250 m, 2009. Faible (2)
IGN, GEOFLA® Départements, Moyen (3)
Élevé (4)
2009. Union européenne – Soes, Très élevé (5)
CORINE Land Cover, 2009. Kilomètres
© INFOSOL, INRA Orléans, 1998. 0 50 200 400

Adapté par la Chambre Régionale


d’Agriculture du Centre, 2009.

pourrait consister à reconsi- tion d’unités industrielles de


dérer les productions et l’oc- valorisation, sans porter pré-
cupation des sols dans ces judice aux usages existants.
régions pour s’orienter vers
des cultures plus productives
en biomasse. 4.2. Le développement
de procédés efficaces
Le Tableau 2 fait état du recen-
sement par FranceAgriMer Le secteur agro-industriel doit
des ressources prévision- développer des procédés effi-
nelles mobilisables pouvant caces pour permettre l’accès
10 être destinées à l’implanta- aux molécules intermédiaires

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La biomasse, matière première renouvelable d’avenir
Tableau 2
Potentiel annuel de production de biomasse agricole brute en France (potentialité pédo-climatique + accessibilité) :
– 140 millions de tonnes (intégrant cultures, vignes, pâture…) ;
– soit environ 47 millions de tep.
Potentiel annuel de production de biomasse forestière brute en France (potentialité pédo-climatique + accessibilité) :
– 64 millions de tonnes (pour un stock de 2 000 millions de tonnes) ;
– soit environ 19 millions de tep.
tMS : tonne matière sèche ; tMB : tonne matière brute

Volume Volume
Ressources Unité total supp.
produit Disponible
1. Agriculture 1.01. Cultures dédiées milliers tMS/an 33 0
1.02. Résidus Pailles de céréales milliers tMS/an 66 397 7 515
cultures
annuelles Pailles milliers tMS/an 2 645 1 190
d’oléagineux
Cannes de maïs Milliers tMS/an 5 800 2 900
1.03. Déchets Entretien/ milliers tMS/an 1 750 nd
cultures renouvellement
pérennes vignes
Entretien/ milliers tMS/an 646 nd
renouvellement
vergers
1.04. Issues de silo milliers t/an 439 nd
1.05. Effluents Fumier milliers tMB/an 89 647 481 (H1)
d’élevage 89 647 (H2)
Lisier milliers tMB/an 180 240 7 500 (H1)
32 140 (H2)
1.06 Bois de taille haies et milliers m3/an 3 619 1 774
alignements
2. Forêts 2.01. Forêts BIBE milliers m3/an 68 100 28 300
(hors
peupleraies) MB milliers m3/an 13 400 8 100

2.02. BIBE milliers m3/an 547 100


Peupleraies
MB milliers m3/an 236 189

Source : FranceAgriMer, Observatoire national des ressources en biomasse 2012

ou aux molécules-briques de développer, deux grandes fa-


base (building-blocks), qui se- milles se distinguent : la voie
ront ensuite utilisées par les de la thermochimie et la voie
acteurs de la chimie comme de la biotechnologie/chimie
matière première pour les (Figure  12). Le domaine des
procédés chimiques existants. biotechnologies est en plein
Concernant les nouveaux pro- essor et la biotechnologie
cessus de transformation à industrielle est en phase de 11

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Chimie et enjeux énergétiques
Technologie Principaux produits
Conversion biochimique/ Éthanol
physique : ligno-cellulosique
Procédés chimiques
Procédés physiques
Biomasse Procédés biologiques
Produits à
(ligno-cellulosique) valeur ajoutée différents produits à partir de
Conversion
thermodynamique :
la ligno-cellulose et des bio-
Pyrolyse
Gazéification Carburant BtL carburants.

4.3. Fournir les molécules


Figure 12 progression constante depuis de base pour la chimie
une quinzaine voire une ving- La richesse et la complexité
Les deux grandes familles taine d’années, avec des pers-
de procédés à développer. des voies de valorisation de
pectives très prometteuses la chimie sont illustrées sur
Produire en quantité et en qualité
la plante la plus adaptée, en de développement techno-
la Figure  13 en prenant pour
jouant sur la sélection variétale, logique. De nombreuses
exemple la biomasse comme
les meilleures conditions connaissances restent à ac-
matière première. Outre
agropédoclimatiques tout quérir à l’interface entre la
en permettant de limiter les l’origine des ressources en
biomasse, la production de la
opérations de conversion (éco- matières végétales, le frac-
biomasse et sa bioconversion
procédés simplifiés) et en étant tionnement de ces biomasses
compétitif sur les marchés.
ou sa biotransformation en
mettra à disposition des pro-
molécules d’intérêt.
duits intermédiaires tels que
L’une des stratégies mise en des amidons, des celluloses,
œuvre vise à cibler le be- des hémicelluloses, des li-
soin en termes de molécules, gnines, des sucres simples,
afin de rechercher le type de des huiles (acides gras), des
«  bioconverteur  » et la na- protéines (acides aminés), des
ture de la biomasse à utiliser composés mineurs…
pour faciliter cette biocon-
version. Cette approche né- Les premières transforma-
cessite des échanges réels et tions conduiront aux building-
soutenus entre biochimistes blocks, ces molécules qui vont
et chimistes, mais aussi en homogénéiser et standardiser
amont, avec les spécialistes cet ensemble et qui serviront
de la sélection variétale, de briques de base à l’indus-
de la physiologie végétale, trie chimique pour permettre
des agronomes et des bio- la préparation de produits
logistes. déjà utilisés.
Le développement des pro- On rêverait de synthétiser de
cédés dans ce domaine est nouvelles molécules, mais
en phase de démarrage et cette option exigerait de créer
il existe en exploitation uni- de nouveaux outils de trans-
quement deux ou trois uni- formation en aval. Dans le
tés industrielles de biocon- cas de la conception de bio-
version dans le monde. Les polymères très novateurs par
bioproductions « chimiques » exemple, cette démarche im-
se chiffrent de quelques di- pliquerait de changer toutes
zaines à quelques centaines les unités de polymérisation
de milliers de tonnes, com- actuelles, ce qui est évidem-
parées aux millions de tonnes ment non envisageable sur
produites en chimie. Il reste le plan économique. La dé-
une grande marge de progrès marche adoptée consiste à
à accomplir avant de disposer obtenir des monomères simi-
d’outils optimisés en biotech- laires à ceux issus du pétrole
nologie industrielle. L’objectif et exploitables dans les unités
12 suivant consistera à élaborer de production actuelles.

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La biomasse, matière première renouvelable d’avenir
L’enjeu économique est consi- de mieux concilier les produc- Figure 13
dérable et la connaissance se tions de biomasses à usages
limite aujourd’hui à une partie alimentaires et industriels. Ce schéma complexe et illisible
montre la multitude des voies
infime (quelques pourcents) Au niveau national, le poten- d’accès à divers produits de
de ce qui pourrait être conçu tiel global biologique est de consommation à partir de la
comme briques de base. 140 millions de tonnes par an, biomasse.
L’aventure de la chimie du vé- ce qui représente un équiva- Source : DOE (Department Of
gétal ne fait que commencer ! lent énergétique de 47  mil- Energy, États-Unis).

4.4. Concilier les usages


alimentaires et industriels
de la biomasse
La Figure 11 montrait l’effica-
Légende
cité de la photosynthèse pour Très faible (1)
la production végétale, c’est- Faible (2)
Moyen (3)
à-dire l’intégralité de la bio- Élevé (4)
masse en France. La Figure 14 Très élevé (5)
montre de la même façon l’ef-
Kilomètres
ficacité de la photosynthèse, 0 50 200 400

mais cette fois spécifique pour


l’agriculture, les zones vertes
étant celles d’efficacité maxi-
mum.
Les zones vertes sont notam-
ment concentrées au nord
d’un axe ouest-centre au Figure 14
nord-est. Comme mentionné
Efficience de la photosynthèse pour l’agriculture française.
précédemment, une optimisa- Sources : Météo France, 2009. IGN, BD Alti®, MNT 250 m, 2009. IGN,
tion dans la gestion de l’occu- GEOFLA® Départements, 2009 ; Union européenne – Soes, CORINE
pation des sols est susceptible Land Cover, 2006 ; © INFOSOL, INRA Orléans, 1998. 13

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Chimie et enjeux énergétiques

lions de tonnes équivalent rique du Sud, qui s’y substitue


pétrole (tep). Ce potentiel re- de plus en plus. L’engagement
présenté par la biomasse est européen est de développer
significatif si on le compare à la production européenne de
nos consommations énergé- protéines. La France a pris
tiques actuelles, soit : la décision de s’organiser au
−− 135 millions tep/an d’éner- niveau national, en dévelop-
gie fossile ; pant la production du colza
contenant à la fois de l’huile
−− 112 millions tep/an d’élec-
(environ 45 % dans la graine)
tricité ;
et des protéines (environ
−− 17 millions tep/an d’éner- 25  % dans la graine et 40  %
gies nouvelles renouvelables. dans le tourteau), autrefois
Il est raisonnable d’envisa- utilisée pour la nourriture
ger de consacrer un certain des porcs. La valorisation de
pourcentage de l’usage de la l’huile était économiquement
biomasse nationale pour des indispensable pour parvenir
applications chimiques et éner- à des équilibres financiers.
gétiques, tout en sachant que Suite aux travaux de mise
l’essentiel concerne les be- au point de biocarburant en
soins pour l’usage alimentaire. collaboration avec l’Institut
français du pétrole (IFP), le
groupe Sofiprotéol a pris la
4.5. L’utilisation multi-usage décision, dès 1992, d’installer
des oléagineux la première unité industrielle
Un exemple de l’utilisation de production de biodiesel au
multi-usage de la biomasse monde produisant sur le site
est illustré par la filière de de Compiègne 20 000 tonnes
valorisation des productions d’ester d’huile végétale à
oléagineuses, assez repré- partir du colza. Aujourd’hui,
sentative de ce que le sec- le Groupe produit deux mil-
teur agroindustriel peut être lions de tonnes de diester et
amené à faire. Le Tableau  3 environ 2,6-2,7  millions de
donne les chiffres pour la tonnes de protéines, qui se
France, l’Union européenne substituent aux importations.
et le monde, des surfaces La France fait figure de cas à
utilisées pour la culture des part au niveau européen car
oléagineux, ainsi que ceux la dépendance a été réduite
de l’évolution comparée sur de façon drastique (passage
les dix dernières années des de 75 % à moins de 50 %). Les
surfaces consacrées à la pro- partenaires européens sont
duction d’huile et de tourteaux toujours fortement importa-
pour l’alimentation animale. teurs de protéines de soja,
L’Europe est actuellement partiellement OGM.
très dépendante de l’impor- Cet exemple illustre l’intérêt
tation des protéines à usage de développer le multi-usage,
alimentaire animal, qui repré- le multi-marché : le dévelop-
sentent 75 % de ses consom- pement d’un produit tel que
mations essentiellement sous le biocarburant a permis de
forme de tourteaux de soja. Ils conforter la disponibilité en
proviennent majoritairement protéines, qui était la produc-
14 des États-Unis et de l’Amé- tion ciblée initialement. À cette

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La biomasse, matière première renouvelable d’avenir
Tableau 3
Surfaces d’oléagineux, production d’huile et de tourteau : évolution 2001-2011.
Source : Oil World. Unité : Mn ha, MnT 2001/02.

2001/02 2011/12
prod. prod. prod. prod.
Surface Surface
huile tourteau huile tourteau
Colza France 1,08 0,59 0,75 1,56 1,75 2,28
UE-27 4,09 4,32 5,93 6,72 8,94 12,07
Monde 23,87 13,46 20,27 33,16 23,64 33,68
Tournesol France 0,71 0,47 0,6 0,74 0,69 0,85
UE-27 3,48 2,03 2,61 4,21 2,9 3,64
Monde 18,44 7,45 8,64 25,65 14,63 16,24
Soja UE-27 0,45 3,27 14,04 0,43 2,11 8,99
Monde 79,72 29,44 127,04 103,37 41,27 177,48
Palme Monde 7,19* 25,07 13,31** 51,49
*2000-01, **2010-11

Déficit en protéines Production de biodiesel MnT


(bilan MRP-source UNIP) Source : CPDP/EBB
France UE France UE
1980-81 71 % 78 %
1990-91 31 %
1993-94 69 %
2003-04 76 % 2004 0,323 1,933
2005-06 45 % 74 % 2006 0,567 4,074*
2007-08 53 % 73 % 2008 2,085 7,755
2010-11 40 % 68 % 2010 2,12 9,57
2011 1,695 nc
*consommation

Consommation de tourteaux. Source : Oil Word – Unité : MnT


1990- 2005- 2007-
1981- 1993-94 2003-04 2010-11
91 06 08
Colza France* 0,23 0,71 0,7 1,17 1,72 2,34 2,45
UE** 1,84 4,27 4,77 6,3 8,61 10,87 12,52
Monde 7,04 14,06 15,28 22,01 26,94 28,84 33,87
Tournesol France* 0,14 0,68 0,74 0,78 0,71 0,61 1,02
UE** 1,79 3,8 3,72 5,01 4,53 3,79 5,44
Monde 5,98 9,82 9,12 11,01 12,06 11,48 14,03
France* 3,69 3,58 4,24 4,45 4,2 4,59 3,76
UE** 19,35 20,48 22,51 33,89 33,82 36,52 32,61
Monde 56,93 70,34 80,69 133 146,55 159,76 174,94 15
*2000-01, **2010-11

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Chimie et enjeux énergétiques

période, l’huile de colza était


impropre à la consommation
humaine en raison de la pré-
5 Quelques exemples
de biomasses
mobilisables
sence dans sa composition
L’eucalyptus au Brésil, l’aca-
d’acide érucique et de fac-
cia dans le Sud-Est asiatique
teurs anti-nutritionnels. Les
sont maintenant des espèces
semenciers ont sélectionné
extensivement exploitées
des plantes plus adaptées à
(Figure 15).
des usages alimentaires et
selon les derniers rapports La culture de canne à sucre,
de fin 2010, cette huile est re- bien connue pour ses divers
marquable par sa valeur nutri- usages, dispose de résidus vé-
tionnelle. Le cheminement de gétaux (feuilles et panicules),
la production des protéines, non encore utilisés. Le poten-
du biodiesel est parvenu à tiel de ressources est considé-
créer une nouvelle variété de rable. Actuellement, on produit
colza qui est aujourd’hui une 620 millions de tonnes de sucre,
matière alimentaire de grande et la « bagasse3 » représente
qualité  ! Cet exemple est re- un « réservoir » de 155 millions
marquable des possibilités de de tonnes, dont 34 millions de
créativité entre les sciences et tonnes de feuilles et panicules
­l ’économie. (Figure 16).
Malgré des qualités nutrition- L’huile de palme est ex-
nelles reconnues, la consom- traite des fruits du palme
mation alimentaire d’huile (Figure  17), dont la produc-
de colza atteint aujourd’hui tion mondiale est de 155 mil-
100  000  tonnes en France, lions de tonnes. La Malaisie
pour une consommation totale et l’Indonésie en sont les
de 600  000 tonnes (huiles de producteurs les plus impor-
tournesol, olive…). Cette si- tants. Lorsque le palmier
Figure 15 tuation ouvre le champ de nou- est en phase de croissance,
velles valorisations de l’huile les feuilles sont élaguées
L’eucalyptus au Brésil.
de colza, en particulier dans le (que l’on appelle les fonds)
Source : Columbia, Vinicius
Casseli, AEBIOM 2012 domaine de l’oléochimie. et, à l’issue de l’exploitation,
les troncs sont considérés
comme résidus de culture
(coupés tous les 25-26  ans).
Cette ressource représente
60 millions de tonnes de bio-
masse ligno-cellulosique par
an, uniquement pour ces deux
pays, et elle est peu valorisée
aujourd’hui. À cela s’ajoutent
32 millions de tonnes de rési-
dus d’exploitation constitués
par la matière cellulosique,
après récupération de l’huile.

3. La bagasse est le résidu fibreux


de la canne à sucre après passage
au broyeur et extraction du sucre.
Valeur calorique admise :
130 millions de m3 en 2011 3 987 kcal/kg Elle est composée principalement
16 par la cellulose de la plante.

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La biomasse, matière première renouvelable d’avenir
140 kg de panicules et de feuilles Figure 16
de canne par tonne de sucre
La production brésilienne annuelle La culture de la canne à sucre.
moyenne est de 75 tonnes par hectare Source : Columbia, Vinicius
10,5 tonnes de panicules et de feuilles Casseli, AEBIOM 2012
par hectare de plantation de sucre

620 MMt de sucre de canne (2010-2011)


155 MMt de bagasse (2010-2011)
34 MMt de feuilles et panicules (2010-2011) – soit environ 50 % de la bagasse

Figure 17
La Malaisie et l’Indonésie sont les plus gros producteurs d’huile de palme.

6 Optimisation
de l’exploitation
de la biomasse :
de stockage et de manutention,
voire de moyens de transport.
Des équipes aux États-Unis
les verrous pour l’avenir travaillent par exemple sur
des méthodes permettant de
6.1. La mobilisation récupérer en même temps
les grains de maïs, les rafles,
à grande échelle des efforts
les tiges, les feuilles, en un
de production
seul passage au champ. Des
La diversité des sources de bio- travaux de recherche et dé-
masse existantes, la diversité veloppement sont menés ac-
des espèces, les larges éten- tivement pour optimiser la
dues des bassins de produc- production conjuguant hauts
tion, la difficulté d’organisation rendements, durabilité, éco-
des collectes ont été évoquées. logie. Il s’agit d’améliorer les
Par ailleurs, l’émergence de niveaux de production de la
filières va nécessiter l’adapta- biomasse, d’accroître les qua-
tion d’un machinisme agricole lités variétales, d’optimiser
et forestier, des équipements les itinéraires techniques 17

Rous.indd 17 07/05/13 12:02


Chimie et enjeux énergétiques

dans le sens des économies la chimie du ­végétal 4 . L’une


financière, énergétique, de des difficultés à résoudre est
consommation de fertilisants l’optimisation des procédés
et produits phytosanitaires, en vue de produire des mo-
d’améliorer les bilans environ- lécules à des prix compétitifs
nementaux. Il convient notam- par rapport à ceux obtenus à
ment de réfléchir à la manière partir de la matière première
de gérer très efficacement fossile. L’industrie chimique
les intrants –  principalement traditionnelle a mis plus de
les engrais azotés – qui sont à cinquante ans pour se mettre
en place ; la chimie du végétal
la source d’émission de pro-
est récente, elle progresse,
toxyde d’azote (N2O), gaz à effet
avec des enjeux décisifs en
de serre puissant, comparable
termes de recherche et déve-
à celui du méthane CH4.
loppement.
Il y a lieu de développer éga-
lement les outils de modé-
lisation  : économie et inter- 6.3. L’exemple de la chimie
modalité, éco-calculateurs, des lignines
critères d’implantation d’uni- Le niveau des efforts consen-
tés (aménagement), gestion tis aujourd’hui au niveau mon-
des ressources (eau, in- dial dans ce domaine peut être
trants…). Dans l’économie illustré par l’exemple des
de ces filières, la part des lignines (Tableau  5). La pre-
dépenses logistiques est très mière colonne de ce tableau
conséquente et mérite un in- indique l’état d’avancement
térêt tout particulier. La den- des technologies. On constate
sification des matières (tech- que le nombre de technolo-
nologie de compactage), le gies bien développées (H)
stockage et la conservation est encore très limité, alors
des matières premières, les que dans la seconde colonne
équipements de collectes, les «  Difficultés attendues  », le
moyens de transport (routier, nombre est encore élevé dans
ferroviaire, fluvial), la stan- beaucoup de cas. La colonne
dardisation des produits pour « Volume du marché » aide à
bien cibler les produits dé-
une offre industrielle… sont
rivés sur lesquels doivent
autant de voies à explorer
porter les efforts. Ce type de
dans une approche intégrée.
tableau peut être réalisé sur
tous les types de biomasse
6.2. Le développement et permet d’imaginer les pro-
grès à réaliser dans l’inno-
de la chimie du végétal
vation.
La chimie du végétal a été lar-
gement décrite dans Chimie et
nature, autre ouvrage de cette
collection (notamment dans 4. La chimie du végétal a été lar-
les articles de Pierre Monsan gement décrite dans l’ouvrage La
et de Chr istophe Rupp-­ chimie et la nature, Chapitres de
P.  Monsan et C.  Rupp-Dahlem.
Dahlem). Le Tableau 4 résume Coordonné par Minh-Thu Dinh-
quelques enjeux de recherche Audouin, Danièle Olivier et Paul
18 et développement actuels de Rigny, EDP Sciences, 2012.

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La biomasse, matière première renouvelable d’avenir
Tableau 4
Les enjeux de la R&D en chimie du végétal.

Nouvelles Intermédiaires
Substitution
molécules de synthèse
Caractéristiques Compétition directe Délivre des propriétés Permet d’accéder
avec les mêmes nouvelles et/ou à des multiples
produits, déjà en améliorées par rapport produits à partir
place, issus du au produit existant d’un même
fossile délivrant la même « intermédiaire »
fonctionnalité, ou
nouvelle application
Exemples Acide acrylique Acide polyactique (PLA) Acide succinique,
obtenu à partir du lévulinique,
propylène ou de glutamique
l’acide lactique MPG, Glycérol
épichlorhydrine
obtenu à partir de Syngas
la glycérine ou du
propylène
Aspect positifs Marchés existants Nouveau produit avec Différents marchés
Compréhension des de nouvelle propriétés, potentiels, donc
coûts de structure donc le coût a une risques moindre
du marché et moindre importance Croissance des
des petentiels de Pas de concurrent issu marchés potentiels
croissance du fossile Diversification du
Risque marché limité Différentiation faite sur coût du capital
la performance Combine les
Nouvelles opportunités avantages de la
demarché substitution et des
Meilleur usage fait nouvelles molécules
des spécificités de la
biomasse
Verrous Compétition Marché potentiels non Dispersion des
uniquement sur clairement établis efforts de R&D
les coûts et contre Risque en capital très Dispersion du
des produits à coût élevé aux nombreux
de capital amorti constituants de la
(versus nouvelles « TTM » peut être long
biomasse
installations)
Très peu de
différentiation
du fait du label
« biosourcé »

7 Biomasse et enjeux
énergétiques
L’utilisation prévisionnelle
vers les secteurs de l’énergie
et des matériaux est présen-
Afin d’assurer la transition
tée sur la Figure 18.
énergétique dans le mix
énergétique mondial, il fau- L’accroissement des terres
dra consacrer de l’ordre de cultivées concernera princi-
500  millions d’hectares à palement des zones géogra-
la production de biomasse. phiques telles que l’Afrique 19

Rous.indd 19 07/05/13 12:02


Chimie et enjeux énergétiques

Tableau 5
Produits qui peuvent être obtenus à partir de la lignine et niveau d’effort consenti dans le monde : H = Haut (bien
développé) ; M = Modéré (développement partiel) : B = Bas (besoin d’efforts intensifs) ; ? = inconnu ; NA = ? non
accessible.

État
Diffi- Risque Utilité Lignine
Produits actuel Volume
cultés Valeur du comme atten-
dérivés de la du
atten- marchande mar- bloc de due en
de la lignine techno­ marché
dues ché synthèse mélange
logie
Syringols B H ? M-H ? ? oui
Coniférols B H ? M-H ? ? oui
Gaïacols B H ? M-H ? ? oui

Vaniline H B L 5,90 $/livre H B non


Acide vanilique M M ? ? H ? ?
DMSO H B M < 1 $/livre H B non
Acides B H H 0,40- B H oui
aromatiques 0,50 $/livre
Acides B H H 0,45- B M-H oui
aliphatiques 0,65 $/livre
Syringaldéhyde B H ? ? M-H M oui
et aldéhydes
Quinones B H L-M > 1 $/livre ? B ?
Cyclohexanol/ B H H > 0,75 $/ B H oui
al livre
Bêta céto- ? ? H M ?
adipate

Fibre de B-M M-H H Objectif : M B non


carbone 3-5 $/livre
Polyélectrolytes B-M M M 1,5-3 $/ M-B M oui
livre
Alliages B-M M ? 1-2 $/livre M NA oui
polymères
Charges, M H M < 1 $/livre M-H NA oui
allongeurs
de polymères
Lignines
polysubstituées 
Carbonylées B H ? ? M-H ? oui
Éthoxylées B M B 1,50-2,50 $ M-H ? oui
Carboxylées B M B 1,50-2,50 $ M-H ? oui
Époxydées B H ? ? M-H ? oui
20

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La biomasse, matière première renouvelable d’avenir
Figure 18
Les besoins hors alimentaires pour
5
74 100 2050.
Transports Scénario IEA 2008 : 525 millions
Biolubrifiants
d’hectares.
Bioélectricité
105 Chimie, matériaux
121
Industrie
Chaleur
unité : millions d’hectares
121

100 Figure 19
90 Potentiel d’accroissement
entre 2000 et 2050. Cultures :
% potentiel accroissement 2000-2050

80
+ 39 % = 500 millions d’hectares ;
70
pâtures : – 15 % ; forêts : – 1 %.
60

50

40

30

20

10
0
Afrique Afrique Amérique Asie Ex-URSS OCDE
du Nord subsaharienne latine
Moyen-Orient

30-45 $

45-67 $

35-50 $
Potentiel de récolte
en hausse
Potentiel de récolte stable 40-60 $

Potentiel de récolte stable


mais en haute demande
Déficit en matière première
60-71 $

Figure 20
Flux prévisibles des échanges mondiaux en dollars américains.
Source : POYRY, Enviva data 21

Rous.indd 21 07/05/13 12:02


Chimie et enjeux énergétiques

sub-saharienne, l’Amérique d’Australie pour fournir de


latine, mais aussi de l’ex- l’énergie en France !
URSS (Figure 19). Un autre point à noter est que
Dans ce cadre, la Figure  20 la Chine et l’Inde sont les seuls
montre l’évolution à prévoir pays où la biomasse apparaît
des terres cultivées sur la pla- déficitaire. La consommation
nète et les flux d’échanges qui d’huile est en train d’exploser
en résulteraient. Il est impor- en Chine, et d’une façon gé-
tant de noter que le coût de nérale, ce pays attire toutes
la matière première n’a pas les matières agricoles de la
été pris en compte dans ces planète. Pour faire face à ce
calculs. Il serait probablement déficit, les Chinois ont pour
antiéconomique d’importer de stratégie d’acquérir des terres
la biomasse en provenance en Afrique.

Nous avons de la biomasse, il faut


en faire un bon usage pour protéger
notre indépendance alimentaire et
assurer notre transition énergétique.
La biomasse est, et sera, multi-usage : il est indis-
pensable de réfléchir aux « synergies d’usage »
des productions.
Des matières abondantes et très diversifiées
sont à gérer.
Il faut amplifier la mobilisation et optimiser la
logistique, le prétraitement et la standardisa-
tion (normalisation).
Il faut construire des filières durables et conso-
lider les outils de définition des prix.
Des caractéristiques physico-chimiques variées
sont à mettre en adéquation avec les usages.
Il faut développer une synergie des initiatives
locales et des unités de grandes capacités
énergie/chimie/matériau dans la conception de
bioraffineries.

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