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TRANSCENDENCE DE L’ALTERITE CHEZ EDMOND HUSSERL :

COMMENT COMPRENDRE L’AUTRE ?

Présenter par :
Valentin Arnaud NGUELE

Dédicace à tous les amoureux du genre humain.

1
Introduction

L’histoire de la philosophie fut marquée par plusieurs époques aussi importantes les
unes que les autres. Celle qui nous intéresse le plus est celle dite contemporaine. L’époque
contemporaine a connu plusieurs grands penseurs parmi lesquels: Kant, Nietzsche,
Schopenhauer, Fichte, Hegel, Husserl et bien d’autres. Notre travail sera tendu vers Edmund
Husserl. Edmund Husserl est né à Prosznitz en Moravie d’une famille juive libérale. Il
commence ses études scientifiques à Berlin puis à Vienne. Husserl soutient son doctorat sur
le concept du nombre en 1883 et en 1891 il sort son premier ouvrage intitule la philosophie
de l’arithmétique. Il va par la suite s’intéresser aux questions de logique et entre 1900 et 1901
il publie les recherches logiques. Malgré ses études logico-mathématiques Husserl étudie le
nouveau testament sous l’influence du tchèque Masaryk. Par la suite il va se procurer la
phénoménologie de l’esprit de Hegel, puis va suivre les cours du psychologue Franz Brentano
sur la philosophie pratique et l’empirisme de David hume. Notre travail portera sur la
thématique de la transcendance de l’altérite chez Edmund Husserl posant ainsi le problème
du rapport entre la transcendance et l’altérite. Qu’entendons-nous par transcendance ? Qu’est
-ce que l’altérite ? Pour Husserl, qu’est- ce que la transcendance de l’altérite ?la
transcendance et l’altérite vont-ils de paire ou sont-ils divergents ? C’est autour de ces
différentes questions que sera orientée notre réflexion et pour se faire, nous partirons d’une
approche définitionnelle et du contexte d’émergence de la pensée husserlienne, ensuite nous
présenterons la transcendance de l’altérite chez Husserl et enfin nous présenterons l’apport,
puis un dépassement et une actualisation de la pensée d’Husserl dans notre monde
aujourd’hui.

I. APPROCHE DEFINITIONNELLE ET CONTEXTE D’EMERGENCE DE


LA PENSEE DE L’AUTEUR
1. Approches définitionnelles du concept de l’altérité.

Parler du concept de l’altérité nous conduit à s’interroger sur ce qu’elle est. D’après
l’étymologie latine altéritas, l’altérité renvoie à la condition d’être un autre, un alter du point
de vue du moi. Angelo Turco dira que l’altérité est : « la caractéristique de ce qui est autre, de
ce qui est extérieur à un soi, à une réalité de référence : l’individu et par extension un groupe,
une société, une chose, un lieu, elle s’impose à partir de l’expérience. »1En effet, la question
de l’altérité s’inscrit dans un espace très large qui touche à plusieurs disciplines. C’est dans
ce sens que penser l’altérité du point de vue anthropologique nous invite à prendre en compte

-définition de turco. Lévy et Lussault, page58.


1

2
les notions d’homme et d’humanité, qui sont des constructions culturelles c’est à dire qu’elles
sont établies par l’homme lui-même. L’altérité serait donc en anthropologie une construction
culturelle dans la mesure où c’est l’homme qui établit sa culture et définit ce qu’est l’homme.
Du point de vue anthropologique, l’individu se construit par rapport à l’Autre. L’Autre étant
membre d’une autre culture. Dans les sciences humaines et précisément dans le domaine de
l’éducation, nous notons trois formes de conceptualisation de l’altérité : extérieure, interne, et
épistémologique. Elle est dite externe à partir du moment où il s’agit de nos rapports à autrui
(conflit et rencontre provenant de l’incompréhension). Elle sera plutôt interne si elle concerne
notre rapport à nous même, nos aliénations, notre conscience, nos zones d’ombre, notre désir
d’être. Elle deviendra épistémologique à partir du moment où elle concerne les aprioris de la
connaissance; l’inconnu, non-encore-connu, l’inexistant, l’impensable, le transcendent ou
Dieu. Cette tridimensionnalité permet dépenser l’altérité en science de l’éducation. Du point
de vue théologique, pour définir l’altérité, nous allons faire référence à la dernière partie du
livre de l’exode qui présente un chiasme2. Ce chiasme met en parallèle l’érection du veau d’or
et le refus de Dieu de montrer sa face à Moise. Le veau s’inscrit dans la logique de l’Egypte et
de la servitude : avoir un Dieu qu’on peut appréhender du regard, que l’on peut capturer. La
demande de Moise de voir la gloire de Dieu s’inscrit dans ce même registre. Face à ce
chiasme Maurice Blanchot dira que : « quand Moise, allant au-delà pour approfondir la
connaissance du divin, présente la demande irrépressible, dangereuse à tous égards : fais-moi
voir ta gloire, il se heurte à l’éternel refus : tu ne verras pas ma face. »3 Ce récit nous permet
de définir la démarche idolâtre comme le refus de l’altérité de Dieu, le fait de vouloir le
capturer dans une image, une représentation. L’altérité en théologie demande un respect de la
distance qui est au fondement de la démarche de foi. L’altérité serait donc utilisé au sens
philosophique pour désigner non seulement le caractère, la qualité de ce qui est autre, mais
aussi pour reconnaitre de façon consciente la relation que j’entretiens avec l’autre dans sa
différence4, sur les moyens de le connaître, dans sa totale diversité, c’est l’opposition du sujet
je, moi a un autre sujet, un autre je qui diffère de moi.5L’altérité implique de se mettre à la
place de l’autre, une alternance avec son propre point de vue et celui de l’autre. Si l’on s’en
tient à tout ce qui est mentionné plus haut, nous pouvons dire avec Hans-Christophe que la
centralité du concept de l’altérité en philosophie est récente, mais les phénomènes couverts

2
Le terme vient du grec khiamos (« disposition en croix, croisement) il peut aussi souligner l’union de deux
réalités ou renforcer une antithèse.
3
Maurice Blanchot, Paix, paix au loin et au proche, « difficile justice », Paris, Albin, 1998, p.11.
4
-www.revue-relief.org, p.147.
5
-www.revue-relief.org, p.148.

3
par sa signification existent depuis que l’être humain existe. Ceci nous amène à s’interroger
sur le concept de l’altérité avant Edmund Husserl.

2. L’altérité avant la reformulation Husserlienne

Parler de l’altérité avant Edmund Husserl nous invite à revisiter l’histoire de la


philosophie, et le sens de l’altérité chez les différents auteurs avant lui. Cependant, nous
avons constaté qu’il arrive souvent aux philosophes de partager l’expérience dans laquelle la
signification la plus profonde de leurs écrits leurs échappe. C’est le cas de Platon à propos de
l’altérité dans son œuvre le Sophiste où il voulait se débarrasser de la pensée de son maitre
Parménide, c’est alors au milieu de son combat qu’une notion commence à prendre forme : il
s’agit de l’altérité. En effet lorsque Platon essaie de réfuter l’argumentation de Parménide à
propos de l’inexistence du non-être, il arrive à la conclusion inattendue d’après laquelle c’est
la langue grecque qui, du fait d’identifier ce qui est aux étant, rend impossible d’exprimer ce
qui n’est pas. Alors, étant donné que le discours propre à la sophistique, suppose que ce qui
n’est pas existé, d’où la possibilité d’un certains non être, celui de la prédication, en proposant
une forme comme garantie de ce non être relatif : c’est l’altérité dans sa formes
complémentaire, l’identité.6 Il assimile donc la question de l’altérité à celle du non-être,
penser le non-être sous la forme de l’autre et à ce propos, il dit : « nous avons aussi fait voir
en quoi consiste la forme du non- être. Nous avons en effet prouvé que la nature de l’autre
existe en ce qu’elle se morcelle en tous les êtres dans leurs relations mutuelles et nous avons
osé affirmer de chaque portion de l'autre qui s’oppose à l’être que c’est justement cela qu’est
réellement le non-être ».7 Platon considère alors que l’altérité est inséparable de l’individu et
qu’elle est la condition pour que la pensée soit rationnelle. C’est donc en résolvant le
problème de la réalité du non-être et en relativisant l’être parménidien qu’il a finalement
découverte l’altérité.8

Il en va de même pour Kant qui d’après lui la question de l’altérité se pose à partir de
la réalité de la pluralité des objets du monde, selon lui le sens du terme autres correspond à
une expérience de la diversité extrêmement banale. Pour lui, regardons tout simplement, le
monde, et nous serons en présence de divers «  chaque fois que je considère quelque chose,
autre chose, que cette chose que je considère, est une évidence de la perception.

6
Nestor-luis cordero, du non-être à l’autre. La découverte de l’altérité dans le sophiste de Platon,
Revuephilosophique de la France et de l’étranger 2005/2 (tome 130), p.175-189.
7
Platon, (1969), le sophiste, 258d, trad. Chambry, E, paris, Garnier-Flammarion, P. 593.
8
www.cairn.info/revue-philosophie-2005-2-page-175.htm. 02-11-2018.

4
Pour Fichte, l’intersubjectivité est l’un des points centraux de toute son activité
philosophique. Il est captivant, en effet de constater que la constitution, par moi, d’un point
de vue « autre », prend la forme d’une sollicitation. C’est en partant d’un tel constat que
Hegel a abordé la question d’altérité en tant qu’un objet qui attire mon attention par son
existence, et sur lequel je m’arrête « l’autre est non celui-ci, mais celui-ci est également un
autre, donc aussi non celui-ci. Il n’est pas d’être là qui ne serait en temps déterminer comme
autre on aurait un rapport négatif.9

3. Contexte d’émergence de la pensée d’Edmund Husserl.

La phénoménologie peut se définir comme la science des phénomènes qui apparaissent et


se manifestent à notre conscience. Elle est une philosophie du XXe siècle qui voudrait
restaurer à la conscience sa mission scientifique en mettant en lumière les limites des sciences
dites modernes, qui étaient empiriques et irrationnelle. Le projet de Husserl est de retourner
dans les sources même de la science qu’il appelait « leben welt » (le monde de la vie). La
pensée d’Husserl a germée dans la crise du subjectivisme et de l’irrationalisme de la fin du
XIXe siècle et le début du XXe siècle. Elle se résume en générale dans la phénoménologie. Le
contexte de sa pensée est celui d’un positivisme ambiant refusant à la philosophie le droit de
s’exprimer à propos de la vérité. Ledit positivisme ambiant est dû à l’absence d’une
communauté soudée de philosophes et l’inexistence d’une recherche par le désir un de la
vérité. En outre, il y a aussi la multiplication indéfinie des écrits et emprunt à une rhétorique
qui transforme la philosophie en une littérature impressionniste. Il va donc s’engager afin de
rendre à la philosophie sa dignité première influencée par trois points fondamentaux à savoir:
économique, politique et épistémologie. Voici en quelque sorte les trois points qui
constitueront le contexte d’émergence de sa pensée.

3.1. Le contexte politique.

Le XXe siècle est marqué par de grandes guerres qui bousculent l’Europe ; Conséquence
d’une prise de conscience de la faille des idéologies que sont le dogmatisme et le
subjectivisme. A cet effet, il y aura des transformations historiques majeures ainsi que les
manières de penser et d’exister. A titre d’exemple, nous pouvons relever les deux guerres
mondiales et le nazisme. Edmund Husserl sera chassé de l’université à cause de ses origines
juives. Les juifs en cette période de trouble sont en effet les cibles du nazisme encore
considéré comme socialisme national. Ce socialisme national est une idéologie totalitaire,
nationaliste et raciste mis sur pied par Hitler et appliqué à son ascension au pouvoir en
9
Hegel, (191), la science de la logique, trad. Jankélévitch, s. paris. Aubier-Montaigne, P.86.

5
Allemagne. Pour Husserl, ledit nazisme n’était que la polarisation d’une profonde crise des
sciences et la dévalorisation de la raison.

3.2. Le contexte économique.

Le déclin économique du continent européen, ne sera qu’une manifestation de la crise


politique et des guerres qui vont cependant défavoriser l’Europe et favoriser une explosion
économique du continent Américain plus précisément l’Amérique du nord. L’objectif
d’Husserl ici est de proposer des solutions pouvant aider l’Europe à sortir de la crise qu’elle
traverse.

3.3. Le contexte épistémologique.

Sur le plan gnoséologique, Husserl a le désir d’apporter une lumière non seulement à la
crise du subjectivisme qui va être remplacé par le positivisme mais aussi à la culture
européenne qui a perdu sa valeur ou encore ses repères. C’est dans cet optique qu’Husserl
affirme : « la vérité scientifique objective est exclusivement la constatation de ce qu’est le
monde. Qu’il s’agisse du vide physique ou du vide spirituel. Mais est-il possible que le vide
de l’être humain ait en lui-même un véritable sens si les sciences ne laissent valoir comme
vrai que ce qui est constatable dans une objectivité de ce type ? »10 Pour Husserl, cette
turbulence que connait l’Europe est une véritable crise en ce qui concerne la science. C’est
toute l’humanité qui va sombrer tout simplement parce qu’elle n’a pas respecté les idéaux
qu’elle s’est fixée dès la renaissance. Ces idéaux stipulait que, l’homme ayant une auto
conscience, se devait de se former lui-même de par son observation, ses interprétations et
l’usage de son libre arbitre qu’est le bon sens ou encore la raison ; à cet effet, Husserl
voyait finalement dans toute connaissance l’action d’un sujet pensant, d’un sujet
transcendantal11. Mais tout cela ne pouvait être possible car, la voie que l’humanité
européenne s’est tracée à sombrée dans les ténèbres. Et enfin, la nouvelle humanité animée
par des esprits aussi hauts ne s’est pas maintenue, elle a plutôt perdu ce qui lui procurait du
souffle ou encore de l’énergie : la foi en une philosophie universelle, l’évolution progressive
et rapide du positivisme a causé une séparation entre la recherche scientifique et la quête du
sens.

En outre, dans la phénoménologie d’Husserl, apparait tout le contraire de la


description empirique en ce sens que l’interrogation sera plus centrée dans l’essence de la
10
Edmund Husserl, la crise des sciences européenne et la phénoménologie transcendantale, Gallimard, Paris,
1976, p.11.
11
Ferdinand Alquié, dictionnaire philosophique, sous la direction de Denis Huisman, 2é édition revue augmenté,
Paris, PUF, 1993, p.363.

6
chose ou de l’objet. Sa philosophie va s’opposer au réalisme absolu qui est une attitude qui
consiste à s’intéresser rien qu’aux objets et mettre de côté ou ignorer celui qui donne sens à
l’objet à savoir l’homme. Cette façon de penser pour Husserl est : « une attitude naïve »12 Ici
il dénonce le préjugé, courant qu’il nomme d’« attitude naturelle »13. Pour lui, la conscience
naturelle est celle qui n’est pas éduquée car elle tient seulement compte des objets et met le
sujet pensant entre parenthèse. Mais avec le doute méthodique et universel de Descartes,
l’homme est élevé par rapport à l’objet. Mais jusque-là cette élévation de l’homme sera
toujours incomprise voilà pourquoi Husserl va remplacer le doute cartésien par une attitude
plus subtile, plus nuancée qui est la simple « mise entre parenthèse »14 ou encore l’épochè15.
Cette méthode est moins radicale que le doute cartésien de Descartes qui consiste à nier la
réalité du monde extérieur. Descartes pense que, les réalités vraies sont celles enfouies dans
l’homme et non celles externes à lui. A ce sujet, Husserl nous fera comprendre que l’on ne se
saisit pas seulement comme un moi pensant 16 mais aussi comme un moi en relation avec la
nature, le monde ; donc un  moi qui pense quelque chose17. Pour ainsi dire que, le cogito est
donné avec son cogitatum. Ceci revient à dire que l’homme est un sujet qui pense toujours à
quelque chose. C’est dans ce sens que Husserl : « tout conscience est consciente de quelque
chose »18. Toute conscience vise un objet et c’est cette visée que Husserl à la suite de son
professeur Brentano appelé « intentionnalité ». À cet effet, ce n’est plus simplement le monde
qui se révèle à nous ou alors une de ses régions mais plutôt le sens, l’essence du monde. On
peut alors affirmer que la phénoménologie dépasse à la fois le réalisme et l’idéalisme. Elle
dépasse l’idéalisme tout simplement parce que toute conscience vise un objet transcendant ou
encore un objet extérieur à elle, elle est au-dessus du réalisme puisque toute signification
renvoie à une conscience transcendantale, donatrice de sens. En définitive, nous pouvons dire
que même le sujet connu par introspection est objet pour un je transcendantal pour ainsi
montrer la transcendance le l’autre moi qui n’est pas moi donc la transcendance de l’altérité.

II. TRANSCENDENCE DE L’ALTERITE CHEZ HUSSERL


1. Rapport entre le sujet et l’objet

Les recherches d’Husserl on été motivées par le fait même qu’il recherchait « la
possibilité de la fondation d’une science objective »19 et non pas de prime abord la
12
Ibid., p.364.
13
Ibid., p.364.
14
Ibid., p.364.
15
Ibid., p.364.
16
Ibid., P.365.
17
Ibid., p.364.
18
Ibid., p.364.
19
Cyndie SAUTEREAU, conception husserlienne d’autrui comme alter ego, p.5.

7
connaissance d’autrui. C’est dans ce sens que l’auteur écrira : « la justification conséquente du
monde de l’expérience objective implique une justification conséquente de l’existence de
l’existence de l’autre monade »20. Apres avoir déployé la double dimension de la réduction (la
réduction phénoménologique et la réduction transcendantale), il finira par démontrer que c’est
l‘ego qui donne sens aux phénomènes puis que c’est lui qui se trouve à leur base. Pour
Husserl, l’on ne doit « plus s’intéresser à l’existence des objets du monde, mais à leur
donation à la conscience, à leur apparition à une conscience »21. En ce sens, l’ego
transcendantal est entrevu comme étant celui là qui donne sens à la phénoménalité du
phénomène tel qu’il apparait à sa conscience. Vue sous ce prisme, la transcendentalité de
l’objet chez Husserl se trouve contenu dans ce qui provient de la conscience puisque c’est
cette conscience qui lui donne sens. Ainsi : « la conscience se pose comme subjectivité
constituante »22. Il s’agit donc de donner à l’ego transcendantal son rôle de pourvoyeur de
sens à ce qui est donné à la conscience, et aussi, que c’est lui qui garanti la validité du
phénomène dans sa donation. D’où cette affirmation d’Husserl : « la transcendance est un
caractère d’être immanent qui constituent au sein de l’ego tout sens convenable, qu’on les dise
immanents ou transcendantales, relevant du domaine de la subjectivité transcendantale en tant
qu’elle est ce qui constitue le sens et l’être »23. Si nous considérerons que c’est l’ego
transcendantal qui donne sens à tous phénomènes, ce pendant « la réduction transcendantale
ne nous réduit-elle pas alors au seul ego transcendantal ? ». A cette question de Cyndie,
Husserl répond en ces termes :

Rattachons nos nouvelles méditations à ce qui pourrait sembler une très grave objection. Elle ne
concerne rien de moins que la prétention de la phénoménologie transcendantale d'être déjà une
philosophie transcendantale, et donc de pouvoir résoudre – sous la forme d'une théorie et d'une
problématique constitutive se déployant dans le cadre de l'ego transcendentalement réduit – les
problèmes transcendantaux touchant le monde objectif. Lorsque je – le je méditant – me réduis moi-
même, grâce à (l'épochè) phénoménologique, à mon ego transcendantal absolu, ne suis-je pas alors
devenu un solus ipse, et, ce, aussi longtemps que, sous, le titre « phénoménologie », je poursuis une
explication cohérente de moi-même. Une phénoménologie qui voudrait résoudre les problèmes de l'être
objectif, et se donner déjà une philosophie, ne devrait-elle pas être stigmatisée comme solipsisme
transcendantal ?24

Le moi est toujours penché vers la conscience d’un objet.il suffit que ma conscience soit en
contact avec un objet pour que je sois tout entier à l’objet, et que je le vive d’une façon à

20
Husserl, méditations cartésienne, p.224.
21
Cyndie SAUTEREAU, Op.cit., p.5.
22
Ibid., p.5.
23
Op.cit., p.132
24
Ibid., page 137

8
chaque fois particulière. Ce n’est donc pas sur l’idée de la chose à la quelle ma conscience
adhère, mais directement sur la chose que je vis, et à laquelle je m’adonne sans y réfléchir.
Voilà pour quoi l’intentionnalité est la propriété de la conscience d’être consciente de. C’est
la conscience qu’un ego a d’un objet qui constitue cet objet ; elle ne donne pas naissance à
l’objet, sinon qu’elle lui donne tout simplement un sens. Prenons le cas par exemple du
chapelet, pour les païens, le chapelet n’est qu’un objet matériel, alors que pour le Chrétien, il
a une signification particulière. Les deux consciences se rapportent au même objet : le
chapelet, mais c’est le degré d’intentionnalité qui les diffère. En effet : « l’objet intentionnel,
c’est-à-dire l’objet réel tel que la conscience le vise Husserl l’appelle noème ; l’acte
correspondant d’une telle constitution s’appelle noèse. »25Parler de noème ne consiste pas en
une représentation réelle de l’objet, ce n’est non plus une autre réalité naturelle issue de la
première à l’intérieur de la conscience. Le noème est l’objet même, tel que je le
pense.26L’objet intentionnel prend deux signification qui lui sont directement conférées par
ma conscience : le premier sens est directement à l’objet lui-même (sens noématique), le
deuxième sens est indirectement par la façon dont j’en ai conscience (sens noétique).
C’est en fonction de la manière dont je m’intéresse au même objet considéré comme plus tôt
de dur, de coloré, chaud… « C’est son sens noématique ou objectif qui change. »27 ; Ou « que
je me rapporte à l’Object sur un mode ou sur un autre (perceptions, désir, jugement moral,
souvenir…), c’est son sens noétique ou objectif qui change. »28Quelqu’en soient les différents
modes dont les objets apparaissent à la conscience, cela fait toujours l’objet d’une étude
phénoménologique. Les réalités extérieurs perçu comme choses se donne à notre conscience
par esquisse : « chaque perception d’une chose n’est qu’une vue sur elle, qui annonce en elle
d4autres vues possibles. Ainsi une face d’un cube annonce toujours les autres faces qui lui
sont juxtaposées dans l’espace. »29 Il ya donc une réelle distinction entre les vécus perceptifs
et les vécus effectifs, car leur donation est entière et non pas esquisse (l’amour par exemple
est tout entier donné lorsque je le vis).

2. L’Etre parmi les autres ou l’intersubjectivité.

Peut-on appréhender autrui de la même manière que les objets dans le monde ? Autrui
peut-il être l’objet de construction du seul ego ? « Si Ricœur écrit : tout sens nait dans et a
partir de moi, comment rendre compte de l’expérience d’autrui, en tant justement qu’il n’est

25
Keepschool.com, fiche de cours ; lycée, philosophie, Husserl : la conscience, le 18-11-2018, 14h36min
26
Ivi.
27
Ivi.
28
Ivi.
29
Ivi.

9
pas un simple objet dans le monde ? »30 Comment est-il possible ou encore quelles sont les
conditions de possibilités de reconnaissance de l’autre en tant que autre simplement à partir de
l’ego transcendantal ? De quelle manière, selon Husserl, l’autre se donne t-il à moi ? Peut-on
différentier la phénoménologie de la donation d’autrui à celle des choses ? La méthode dont
use la conscience peut-elle s’appliquer lorsqu’il s’agit de l’alter ego ? Comment constituer
l’autre en moi tant en le constituant comme autre, tant en préservant son altérité ? Répondre
à cette série de question est la passerelle qu’entant emprunter notre réflexion.

Par opposition à la chose qui se caractérise par la clôture en soi, la conscience n’a pas de
dedans : elle n’est rien d’autre que le dehors d’elle-même. C’est en fait ce refus de se clore sur
elle-même qui le caractérise et la constitue comme telle. Cette nécessité pour la conscience
d’exister, Husserl la nomme intentionnalité (vide supra). Pour lui les vécus psychiques sont
caractérisés par « la relation à un contenu, l’orientation vers l’objet.» 31 Ainsi dans la
connaissance des choses, elles se donnent à moi immédiatement ; autrui lui ne se donne pas à
moi de la sorte, puisque je ne peux pas, du simple fait de le voir, avoir accès à ce qui lui est
propre, en d’autres termes à sa chair propre, à la substance même de sa personne. Ce qui se
présente à l’ego ce n’est pas l’alter ego, dans toute son originalité, non pas sa vie, ses
phénomènes, rien de ce qui lui appartient en propre. Puisque : « si c’était le cas, si ce qui
appartient à l’être propre d’autrui m’était accessible d’une manière direct, ce ne sera ait
qu’un moment de mon être à moi, et en fin de compte moi-même et lui-même nous serions les
mêmes. »32 En effet, il n’est pas possible à l’ego de faire le tour d’autrui. Car autrui peut se
voiler, se transcender, se cacher en ce sens Jean Paul Sartre dira : « l’homme n’est jamais ce
qu’il est, mais jamais ce qu’il n’est pas ».33 C’est tout ceci qui rend difficile l’altérité. Aussi,
tout le vécu qui a lieu dans le psychisme d’autrui ne peut m’être donné de façon originaire. En
ce sens Cyndie dira : « je ne peux pas saisir, dans une intuition originaire, la vie psychique
d’autrui. »34 Ainsi la connaissance immédiate d’autrui m’apparait donc comme impossible. Si
tel est le cas, comment est-il possible d’appréhender le rapport entre l’alter et l’ego ? En
d’autres termes, le moi peut-il sortir de lui-même, rencontrer autrui et communiquer avec lui ?

La réponse à cette question est claire dit Husserl. En effet, s’il est difficile de connaitre
l’autre par l’immédiation, il faudrait au moins, dit l’auteur, emprunter le chemin de la
« médiation ». En outre la connaissance d’autrui est médiate. L’autre devra se présenter à

30
Paul Ricœur cité par Cyndie, in conception husserlienne d’autrui comme alter ego, p.7.
31
Mengue Cathértine, Autrui, cours de philosophie Terminale.
32
Husserl, méditations cartésiennes, p.177-178.
33
www.ac-grenoble.fr, Jean Paul Sartre, la subjectivité, 17-11-2018, 15h19min
34
Cyndie, op.cit., p.7.

10
moi de façon médiate ; « présentation qui selon Husserl, est alors une appréhension. »35 Cette
appréhension (ou encore apprésentation) doit se faire par médiation du corps. Par médiation,
ce qui est appréhendé c’est le corps de l’autre qui ne peut ni m’être donné directement, ni être
représenter par moi. Autrui se laisse plutôt appréhender par ce que Husserl appelle « korper »
(le corps), et sa représentation est analogique. Ce pendant notons le, chez Husserl il existe une
claire différence entre le corps korper et la « chair » ou « corps vivant » ou « corps propre »,
Leib.36

Peut être faudrait-il signaler quelque chose de plus, notons que chez Husserl, les chemins
principaux qui conduisent à la réduction phénoménologique donnent lieur à trois chemin
différentiés de la conception de l’intersubjectivité et dont seul l’empathie nous intéresse ici,
puisque c’est telle dont Husserl fait mention dans la voie cartésienne.

Pour Husserl, il existe deux formes fondamentales de la perception  : les perceptions


corporelles et les perceptions charnelles. Ces perceptions peuvent être considérées comme
« des perceptions par appréhension. »37 Husserl prend le soin de nous signaler que ces deux
appréhensions sont différentes l’une de l’autre : la première –l’apperception corporelle- est
une sorte « d’apperception d’appréhension dans la quelle les choses matérielles des corps sont
données. »38 Alors que la seconde –apperception de chair- considérée comme étant en soi des
corps et/ou des personnes, laisse entrevoir deux sortes de perceptions entrelacée l’une de
l’autre. Il s’agit des perceptions de chair et celles d’esprit, étant donné que l’homme est un
être psychosomatique. Aussi bien que la précédente, cette deuxième vision de la perception
constitue en quelques sorte la substance même d’un autre type de perception : les perceptions
charnelles qui se divisent elles même aussi en deux sous types : les « perceptions de chair
propre » et les perceptions de « chair étrangères. »39

A première vue, c’est le corps d’autrui qui nous est présenté. Et dès cet instant, la chair
étrangère d’autrui peut prendre sens par analogie à ma chair propre. C’est dans l’appréhension
du corps de l’autre que je m’affirme moi-même comme corps, car je transpose
métaphysiquement l’ego à l’alter. D’où cette affirmation : « cette expérience de la corporéité
de ma chair me permet alors de transférer le sens de ma chair au corps d’autrui. »40 Dans le
même sens, Drepaz parle « d’incarnation ». Le sens que je donne à la chair d’autrui prend

35
Ibid., page 7.
36
Husserl, sur l’intersubjectivité, tome I, p.396-399.
37
Ibid., p.50.
38
Husserl, sur l’intersubjectivité, Op.cit., p.50.
39
Cyndie, Op.cit., p.8.
40
Ibid., p.9.

11
véritablement sens par comparaison à la mienne ; nous nous identifions parce que nous avons
la même structure corporelle. Pour Husserl, l’accès à l’autre ne se fait donc pas par un détour,
c’est-à-dire que cela nécessite un travail fait sous forme interprétative.

Husserl identifie la donation de l’autre sous deux dimensions : la donation de son corps,
et la donation de son vécu psychique. Ce que Cyndie nomme : « sphère psychique supérieur
d’autrui. »41 Le vécu psychique de l’autre moi me sont donnés par « intropathie ». La
compréhension du vécu psychique de l’autre ne se détache pas du procédé analogique de
reconnaissance de la chair étrangère par le je sujet.  Si selon Husserl, il faudrait que l’ego
transfert son corps à l’alter pour le reconnaitre, il faudrait de même que l’ego procède par
transfert de son comportement pour comprendre celui d’autrui, car pour Cyndie : « Les
contenus déterminés de la sphère psychique supérieure […] nous sont suggérés, indiqués, eux
aussi, par le corps et par le comportement de l’organisme dans le monde extérieur, par
exemple, comportement extérieur du courroucé, du joyeux, etc. Ils me sont compréhensibles à
partir de mon propre comportement dans des circonstances analogues. »42 Dans le même lancé
elle se renchérit en ces termes : « C’est donc effectivement à partir de moi, à partir de mes
propres comportements que, par ressemblance, je vais donner sens non pas seulement aux
comportements d’autrui que son corps me donne à voir, mais que je vais le constituer comme
une autre subjectivité, capable, tout comme moi, de régner sur son corps. »43

Ce pendant, le fait qu’autrui soit toujours apprésenté que présenté (comme c’est le cas des
choses) peut entrainer une asymétrie. Cela se justifie par le fait même que, contrairement à ma
propre chair qui m’est donnée de façon immédiate et originaire, les vécus d’autrui, eux, ne me
seront jamais donnés de la sorte. En aucun cas je ne vivrais exactement ce que vit autrui. Et
c’est en cela que la construction jusqu’ici faite de l’alter échoue au sens strict du terme. C’est
également là que l’autre se présente comme transcendant l’ego. Autrui demeure donc une
énigme, un mystère. Il se définit toujours par son indispensable subjectivité. C’est en ce sens
qu’affirmait Merleau Ponty : « le deuil d’autrui et sa colère n’ont jamais exactement le même
sens pour lui et pour moi. »44 C’est pour cette raison que les vécus psychiques d’autrui me
sont toujours donnés de façon médiate et non dans une intuition originaire.

Au final, on dira que pour Husserl, l’autre est appréhendé à partir de moi comme étant
autre que moi ; « l’autre n’est donc jamais absolument autre. Il est plus tôt à entendre par

41
Ibid., p.9.
42
Husserl cité par Cyndie, in conception husserlienne d’autrui comme alter ego, p.9.
43
Cyndie, inconception husserlienne d’autrui comme alter ego, p.9.
44
Philosophie-spiritualité.com, Maurice Merleau Ponty, le refus de la communication, 18-11-2018, 10h00min

12
rapport au même. »45 En d’autres termes, le même et lui sont des autres. Husserl justifie cette
assertion en ces termes : «  au point de vue phénoménologique, l’autre est une modification de
“mon” moi.»46 Il faut donc chercher dans la phénoménologie de Husserl, l’impossibilité de
rendre compte d’autrui et de l’ego. Le rapport à l’autre telle que proposé par Husserl est à
entendre dans un rapport de connaissance. D’où cette affirmation de Gadamer : « il est clair,
en tout cas, que Husserl, subissant la pression de motifs inspirés de la théorie de la science, a
insisté sur le fait que l’autre ne pouvait d’abord être donné que comme objet de perception, et
non dans toute sa vitalité, dans sa donation charnelle. […] Dans la relation d’une vie à l’autre,
la donation sensible d’un objet de perception est une construction bien secondaire. »47

III. APPORT CONTEXTUEL, DÉPASSEMENT ET ACTUALISATION DE LA


PENSÉE HUSSERLIENNE
1. Apport contextuel de la pensée husserlienne

Rappelons que Husserl est contemporain d’un contexte où l’humanité est plongée dans le
matérialisme et le scientisme car, « suivant Auguste Comte, nous ne connaissons que les
réalités observables : c’est un fait. Suivant Kant, nous ne pouvons connaitre que les objets
d’expérience, dans leur objectivité exclusivement phénoménale : c’est la loi de la
connaissance de l’humain »48 ; c’est la dépravation de la philosophie, annoncée par la fin de
la métaphysique. Voulant donc donner à la philosophie un fondement irréductible, par-là
scientifique, Husserl élabore la phénoménologie comme science rigoureuse des essences, une
véritable philosophie voulant même s’ériger en « une philosophie première censée fournir une
fondation absolue de la connaissance, reposant sur des fondements rigoureusement
scientifiques, dans une évidence accessible à chacun »49. En effet, la métaphysique a été très
longtemps attribuée le statut de philosophie première car elle se comprenait comme la science
des « principes premiers »ou des « causes premières ». Cependant, la métaphysique a été
condamnée « non pas d'avoir compris le principe comme une primauté, mais d'avoir
mésinterprété cette primauté en termes de cause, de raison suffisante ou encore de condition
de possibilité et d'avoir par le fait même obstrué l'apparaître du donné en tant que tel, de
l'avoir toujours ramené à autre chose que lui-même »50.De cette critique, il en découle que la

45
Cyndie, Op.cit., p. 10.
46
E. Husserl, Méditations cartésiennes, p. 187.
47
Gadamer, cité par Cyndie, op.cit., p.11
48
Désiré Mercier, « Le bilan philosophique du XIXe siècle », Revue Philosophique de Louvain, vol. 25, 1900, p.
21.
49
Jan Patocka, Qu'est-ce que la phénoménologie ? Jérôme Millon, 2002, p. 217.
50
Ricard, M. (2001). La question de la donation chez Jean-Luc Marion. Laval théologique et philosophique, 57(1), p.
85.

13
causalité dont recherche la métaphysique ne pouvant pas atteindre Dieu, une causa sui, qui
est cause des existants ou phénomènes, celle-ci ne peut par conséquent pas fonder une
« philosophie première ». Or, si la métaphysique n’assure pas à la philosophie sa primauté
sur les autres sciences, cette philosophie soit elle devient seconde et se confond dans les
sciences régionales, soit elle disparait, non seulement comme « philosophie première » mais
aussi, comme philosophie. Une fois de plus, la phénoménologie se voit donc glorifiée car
venant au secours de la philosophie, notamment grâce à l’intentionnalité du sujet en plaçant
au centre, un moi non détaché de sa conscience ni de ses vécus de conscience car, « si la
conscience est exhaustivement conscience de ce qui lui apparaît, s'établit par nature un contact
immédiat de la conscience et de la chose, il devient concevable que la conscience dise ce que
les choses sont »51.

Il est indéniable que l’apport philosophique husserlien est d’une pertinence et


importance majeures car, par la mise entre parenthèses des préjugés, nous pouvons aller
directement aux « choses mêmes » en les laissant se donner à nous dans leurs essences.
Contrairement à Descartes pour qui le Cogito est le seul critère de vérité, faisant ainsi la quête
de la vérité une démarche solipsiste capable de toute connaissance objective, pour Husserl
c’est l’intersubjectivité ou la reconnaissance de l’altérité qui authentifie la recherche de la
vérité, cette dernière devenant ainsi une quête humble et non pas prétentieuse. En effet,
Husserl nous montre que la seule chose qui résiste au doute, même hyperbolique, n’est pas le
cogito, mais le « moi pur », qui préside à la constitution du monde. C’est cet ego
transcendantal – sujet débarrassé de tous ses accidents que Husserl va placer au centre de la
phénoménalisation, ce que les phénoménologues désignent par tournant transcendantal de la
phénoménologie.

Cependant, et tout en ne niant pas l’originalité husserlienne, car comme le fait


comprendre Michel Henry dans son ouvrage La phénoménologie matérielle, « la
phénoménologie [ou philosophie phénoménologique]sera au XXe siècle ce que l'idéalisme
allemand est au XIXe, l'empirisme au XVIIIe, le cartésianisme au XVIIe, Thomas d'Aquin ou
Duns Scot à la Scolastique, Platon et Aristote à l'Antiquité »52, il y a quand-même lieu de se
demander comment, même par une réduction eidétique, « un phénomène peut-il revendiquer
de se déployer par lui-même et en soi-même, si un Je transcendantal le constitue comme un
objet, mis à disposition pour et par la pensée qui le gouverne… ?53 » En d’autres termes, dans
51
Alphonse De Waelhens, « Phénoménologie husserlienne et phénoménologie hégélienne. », Revue
Philosophique de Louvain. 3e série, tome 52, n°34, 1954, p. 238.
52
http://www.lesmotsdeslivres.fr/livre-168050-jean-greisch-les-trois-ages-de-la-raison-metaphysique-
phenomenologique-hermeneutique.htm
53
Jean-Luc Marion, De surcroît. Études sur les phénomènes saturés, PUF, Paris, 2001, p. 35.

14
le processus de la donation, est-ce possible que par la visée intentionnelle d’un sujet α, un
objet β devienne immanent en la conscience pure de sujet α jusqu’à se laisser voir dans son
essence, et devenir une connaissance ? Ne serait-ce pas là alors un pur psychologisme ?
Si nous pouvons bien comprendre la floraison des disciples de la phénoménologie fondée par
Husserl, notamment par la justesse des prémisses dans la méthode phénoménologique
husserlienne, nous pouvons tout aussi bien comprendre la démarcation de ces mêmes
disciples, notamment par l’exagérée absolutisation transcendantale du sujet, dans cette même
méthode phénoménologique. Parmi ces disciples, nous nous limiterons aux philosophes Édith
Stein, Martin Heidegger, Emmanuel Levinas, Paul Ricœur et Jean-Paul Sartre.

2. Dépassement de la pensée husserlienne

D’entrée de jeu, il est important de préciser que dans les critiques adressées à Husserl, ce
n’est pas à proprement parler les bases de sa méthode phénoménologiques qui sont remises en
cause mais plutôt le tournant transcendantal qu’il a donné à la phénoménologie. Tel sera
premièrement le cas pour la philosophe Édith Stein.

En effet, pour Stein, qui au départ voyait que dans la méthode phénoménologique, l’homme
était capable de constituer un monde à partir de soi et de sa conscience, se rend compte que le
monde a sa « consistance propre » et que la raison à un moment, manifeste une faiblesse
structurelle car elle possède une finitude, d’où sa dépendance à l’Infini. Ainsi donc, la
dimension de la foi va plus loin que celle de la connaissance philosophique car c’est en Dieu
que se situe l’origine unificatrice et le sens ultime du réel 54. La phénoménologie selon Stein
est une possibilité pour la philosophie chrétienne qui elle puise dans le donné révélé pour
pallier les insuffisances de la philosophie. C’est dans ce sillage qu’elle développe son
anthropologie philosophique, notamment sur le concept de l’empathie qui, pour elle, est le
vécu de la conscience étrangère. C’est-à-dire je vis avec l’autre ce qu’il vit, mais à la seconde
personne. Pour résumer, Édith Stein critique la philosophie de Husserl qui met de côté la
philosophie chrétienne, les questions d’éthiques et la philosophie de la religion, et aussi de
n’avoir pas considéré la transcendance dans sa dimension verticale.

Deuxièmement, un autre disciple de Husserl, Heidegger, va se démarquer de celui-ci en


marquant un tournant ontologique de la phénoménologie ; la phénoménologie ne sera plus la
science de l’apparent mais, celle de l’inapparent, ce qui de prime. L’ego transcendantal
cèdera sa place à l’Être. Ainsi, le phénomène par excellence deviendra l’Être, se retirant dans
sa donation et se donnant dans son retrait : « qu’est-ce qui doit, en un sens insigne, être appelé
54
Éric DE RUS, « Donner corps à la parole selon Édith Stein: Approche d’une expérience épiphanique »,
Teresianum, no 64 (2013), p. 128.

15
phénomène ? Manifestement ce qui, de prime abord et le plus souvent, ne se montre justement
pas, ce qui, par rapport à ce qui se montre primordialement et le plus souvent, est en retrait,
mais qui en même temps appartient essentiellement, en lui procurant sens et fondement, à ce
qui se montre de prime abord et le plus souvent. 55 » Ainsi se pose donc la question de l’Être,
et dont seul un étant qui a en son être un rapport d’être à cet Être, pour paraphraser Heidegger;
cet étant c’est le Dasein. Et si le Dasein est autant cet étant que nous sommes toujours nous-
mêmes56que cet étant que je suis à chaque fois moi-même, alors, l’altérité ne se voit pas
inséparable du Dasein. Par conséquent, ce qui est transcendant c’est l’Être, l’être du Dasein,
et pour reprendre Heidegger « l’être est le transcendent par excellence. »57

Cependant, selon Emmanuel Levinas, disciple de Husserl et de Heidegger, dans le


tournant ontologique que Heidegger fait prendre la phénoménologie, il n’existe pas de
relation à l’autre comme tel mais plutôt une réduction de l’Autre au même58. Par conséquent,
il y a méconnaissance de la singularité et l’unité de l’Autre. Levinas adresse la même critique
à Husserl qui fait de l’Autre un alter ego car, le faire de la sort c’est neutraliser l’altérité
absolue de l’Autre. En effet, selon Levinas, l’Infini est présent dans le visage de l’Autre.
L’Autre est un mystère, et ne peut pas être abordé comme un thème ou un objet épistémique.
Ainsi, la relation entre l’ego et l’Autre appel à la discussion, à l’échange des idées. C’est
d’ailleurs dans ce sens que la parole exige deux personnes : celui qui parle et celui qui écoute.
Grosso modo, selon Levinas, reconnaître l’iléite de l’Autre c’est comprendre que cet autre est
mon maitre, c’est lui qui m’enseigne et me renseigne. Comme Dieu est transcendant, ainsi en
est-il de l’Autre et, c’est pourquoi sur le visage de l’autre se lit le commandement tu ne
commettras pas de meurtre. La phénoménologie prend donc chez Levinas un tournant
éthique, l’Autre étant disqualifié comme phénomène.

Dès lors, entre Levinas et Husserl se place une opposition en ce sens où pour Levinas c’est
l’Autre qui détermine l’ego, et que chez Husserl c’est l’ego qui détermine l’autre, cependant,
cette même opposition est critiqué par Paul Ricœur. En effet, pour ce dernier, l’unilatéralité
des deux conceptions – tournant ontologique et tournant éthique – sont assez radicales, or, en
réalité ces dites conceptions sont réciproques. Selon Ricœur, certes, il est vrai que l’ipséité n’a
plus à être la mêmeté souverainement constituante comme chez Husserl mais, le mouvement
de ipséité à l’altérité n’a nulle contradiction au mouvement de l’altérité à l’ipséité car étant
dialectiquement complémentaires. En d’autres de termes, le soi n’est plus au fondement, ni
55
Martin Heidegger, Être et Temps, trad. Emmanuel Martineau (éd. Numérique Hors commerce, Paris, 1985,
accessible en ligne) p. 47.
56
Ibid., p. 28.
57
Ibid., p. 49.
58
Levinas, Totalité et Infini, Essais sur l’extériorité, La Haye, 1984, p. 16.

16
même au centre mais demeure juste le point de départ pour penser l’altérité, et de même en
est-il de l’altérité pour penser l’ipséité.

Finalement mais pas le moindre, Jean-Paul Sartre opère un tournant existentialiste de la


phénoménologie. Pour lui, l’Être et le Dasein dont parlait Heidegger se réduisent
manifestement à l’homme, à l’existence humaine qui doit se déterminer librement dans ses
actes tout au long de son existence, car ce dernier n’a pas de Dieu au-dessus de sa tête. Et la
transcendance de cet homme réside dans le fait que le fait la conscience en est sa
caractéristique principale mais, il a besoin d’autrui pour saisir pleinement toutes les structures
de son Ego  ; Sartre le dit lui-même en ces termes : « Autrui est le médiateur entre moi et moi-
même59 ». Il est celui qui possède un secret de mon être. De ce fait, cet autrui se présente
comme obstacle pour ma liberté, ce qui entraine par conséquent un conflit, la haine. Étant
« condamné à être libre », autrui est donc l’enfer.

3. Actualisation de la pensée husserlienne

À partir de la fin du XXe siècle, le monde est sous un nouveau paradigme, celui des
sciences et de la technologie. L’humanisme reçoit un souhait voulant sa suppression, afin de
laisser place à un « humanisme » plus élevé, celui du transhumanisme ou du posthumanisme.
La technoscience s’empare du champ épistémologique, laissant à la philosophie et celles qui
la ressemblent le soin d’émerveiller les oreilles par de beaux discours, des contes et des rêves
fut-ils même logiques ou systématiques, car comme le signale Mouchili, la technoscience va
au-delà de la simple activité théorique pour se définir comme cette capacité de transformer et
de prévoir le réel, le monde et l’homme60. Cependant, avec le pouvoir de cette technoscience,
nous assistons à un effacement progressif de la différence entre naturel et artificiel au profit
d’une intégration de l’artificiel dans le naturel et vice-versa, comme le soutient Gilbert
Hottois61. Ainsi, il y a lieu de se demander qu’adviendra-t-il de l’humanité, humanité comme
soi-même et humanité comme autre. Y aura-t-il pour un soi une transcendance de l’autre ?

Afin d’y remédier, nous pouvons entreprendre des réflexions en usant la


phénoménologie construite par Husserl, et de même que celle développer par ses héritiers,
notamment Ricœur, Stein, Levinas, Heidegger… Mais alors, est-ce-que cela sera
suffisamment auxiliateur ? En cela, est-ce que l’onto-phénoménologie de Heidegger ne se
présente-t-elle pas comme plus pertinente car, comment parler de l’humanité sans la saisir

59
Jean-Paul Sartre, L’Être et le Néant, Essai d’ontologie phénoménologique, Gallimard, Paris, 1943, p. 494.
60
Mouchili Njimom, Penser la philosophie à l’ère de la technoscience, Harmattan, Yaoundé, 2017, p. 17.
61
Gilbert Hottois, Le paradigme bioéthique. Une éthique pour la technoscience, De Boeck université, Bruxelles,
1990, p. 62.

17
dans son essence, sans saisir son être ? Pourquoi attribuer une transcendance à l’humanité de
l’autre alors que même son humanité propre n’est pas assez éclaircie ? S’il n’est donc
apparemment pas possible à l’homme de comprendre son humanité, comment donc
comprendre le mal que luit la technoscience ? Pour résumer, si l’Être le transcendent par
excellence, pourrons-nous un jour parler de l’homme, de l’autre-homme ? Jean-Luc Marion,
par sa phénoménologie de la donation, elle-même inscrite dans un tournant théologique de la
phénoménologie, nous fait comprendre que : « tout ce qui se montre se donne, même si tout
ce qui se donne ne se montre pas 62».Cela signifie que dans la phénoménalisation, le
phénomène peut manifester [sa] propre phénoménalité […] à partir [de lui-même], au lieu de
venir s’inscrire dans un cadre prédéfini63comme c’était le cas avec Husserl. En outre, il existe
des phénomènes saturés c’est à dire phénomène dont l’intuition excèderait le concept
permettant de les penser, rendant ceux-ci littéralement impensables car sans cesse débordés
par leur surcroît intuitif.64C’est notamment le cas de la chair, de Dieu, et autres.

Quoi qu’il en soit, seule la méthode phénoménologique se présente comme moyen


actuel… « Retour aux choses-mêmes » mais comment éviter la théologisassions de la
phénoménologie comme le suggère Marion : «…la phénoménologie doit, pour devenir ce
qu’elle prétend être, élargir aussi loin que possible la mise en scène de tout ce qui, dans le
monde, peut apparaître, donc surtout de ce qui, de prime abord et le plus souvent, n’y apparaît
pas encore. »65.Cela reste à déterminer !

Conclusion

Nous avions à nous prononcer sur la question de la transcendance de l’altérite chez


Edmund Husserl. Pour ce faire nous sommes partis d’une approche définitionnelle et du
contexte d’émergence. Ensuite nous avons présente la transcendance de l’altérite proprement
dite selon Husserl, tout en invoquant la relation entre le sujet et l’objet, ainsi que
l’intersubjectivité ou relation entre différents sujets. Enfin nous avons présente les mérites de
la pensée d’Husserl, et avons fait un dépassement, ainsi qu’une actualisation pour notre

62
Mark Losoncz, Donation, tradition et interprétation. Entretien avec Jean-Luc Marion : http://www.doiserbia.nb.rs/
63
https://transcendantal.hypotheses.org/ , Le phénomène et le transcendantal (Jean-Luc Marion, Marc Richir et la
question de la phénoménalisation.)
64
http://www.actu-philosophia.com/Jean-Luc-Marion-De-surcroit
65
Id.

18
monde aujourd’hui. De cette étude il ressort que, parler de la transcendance chez Edmund
Husserl, revient à présenter l’homme dans ses rapports avec l’objet et avec les autres hommes.

BIBLIOGRAPHIE

HUSSERL, Edmund :

 Expérience et jugement, revue en vue d’une généalogie en logique, Trad. Par Dénise
SOUCHE-DAGUES, PUF, Boulevard Saint Germain, 1970. 497 pages
 Méditation cartésiennes, introduction à la phénoménologie, Trad. Par Mlle Grabrielle
PEIFFER et M. Emmanuel LEVINAS, Librairie philosophique j. Vrin, Paris, 1966.

19
 Sur l’intersubjectivité, Tome I, Trad. Par Nathalie Depraz, PUF, Avenue Reille, 2001,
420pages.

 DE RUS, Éric, « Donner corps à la parole selon Édith Stein: Approche d’une
expérience épiphanique », Teresianum, no 64, 2013.
 DE WAELHENS, Alphonse, « Phénoménologie husserlienne et phénoménologie
hégélienne. », Revue Philosophique de Louvain. 3ème série, tome 52, n°34, 1954.
 HEIDEGGER, Martin, Être et Temps, trad. Emmanuel Martineau (éd. Numérique
Hors commerce), Paris, 1985.
 HOTTOIS, Gilbert, Le paradigme bioéthique. Une éthique pour la technoscience, De
Boeck université, Bruxelles, 1990,
 LEVINAS, Emmanuel, Totalité et Infini, Essais sur l’extériorité, La Haye, 1984.
 MARION, Jean-Luc, De surcroît. Études sur les phénomènes saturés, PUF, Paris,
2001.
 MERCIER, Désiré, « Le bilan philosophique du XIXe siècle », Revue Philosophique
de Louvain, vol. 25, 1900.

 MOUCHILI NJIMOM, Penser la philosophie à l’ère de la technoscience, Harmattan


Cameroun, 2017.
 SARTRE, Jean-Paul, L’Être et le Néant, Essai d’ontologie phénoménologique,
Gallimard, Paris, 1943.
 PATOCKA, Jan, Qu'est-ce que la phénoménologie ? Jérôme Millon, 2002.

WEBOGRAPHIE

 Mark Losoncz, Donation, tradition et interprétation. Entretien avec Jean-Luc


Marion : http://www.doiserbia.nb.rs/
 http://www.lesmotsdeslivres.fr/livre-168050-jean-greisch-les-trois-ages-de-la-raison-
metaphysique-phenomenologique-hermeneutique.htm

20
 Https://transcendantal.hypotheses.org/, Le phénomène et le transcendantal (Jean-Luc
Marion, Marc Richir et la question de la phénoménalisation.)
 Http://www.actu-philosophia.com/Jean-Luc-Marion-De-surcroit

INTRODUCTION…………………………………………………………………………….1

I. APPROCHE DEFINITIONNELLE ET CONTEXTE D’EMERGENCE DE


LA PENSEE DE L’AUTEUR………………………………………………….1
1. Approches définitionnelles du concept de l’altérité…………………………………
1
2. L’altérité avant la reformulation Husserlienne……………………...……………...3

21
3. Contexte d’émergence de la pensée d’Edmund Husserl……………………...…….4
3.1. Le contexte politique……………………………………….……………….
………...4
3.2. Le contexte économique…………………. ……………..…………………….
……...5
3.3. Le contexte épistémologique…………………………..
……………………………..5
II. TRANSCENDENCE DE L’ALTERITE CHEZ HUSSERL…………………..6
1. Rapport entre le sujet et l’objet……………………………………………………...6
2. L’Etre parmi les autres ou l’intersubjectivité…………………………..…………..9
III. APPORT CONTEXTUEL, DÉPASSEMENT ET ACTUALISATION DE LA
PENSÉE HUSSERLIENNE………….………………………………………..12
1. Apport contextuel de la pensée husserlienne………………………………………12
2. Dépassement de la pensée husserlienne……………………………………………14
3. Actualisation de la pensée husserlienne……………………………………………16

CONCLUSION………………………………………………………………………………18

BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………..19

WEBOGRAPHIE……………………………………………………………………………20

22

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