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LES DÉCLINAISONS CLINIQUES DU TRAUMATISME EN

PSYCHANALYSE : TRAUMATISME, TRAUMATIQUE, TRAUMA


éclinaisons cliniques du traumatisme en psychanal Thierry Bokanowski

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Editions Cazaubon | « Le Carnet PSY »

2011/6 n° 155 | pages 41 à 46


ISSN 1260-5921
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Pour citer cet article :


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éclinaisons cliniques du traumatisme en psychanal Thierry Bokanowski, « Les
déclinaisons cliniques du traumatisme en psychanalyse : traumatisme, traumatique,
trauma », Le Carnet PSY 2011/6 (n° 155), p. 41-46.
DOI 10.3917/lcp.155.0041
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Dossier 41

le Carnet PSY • juillet/août 2011


processus psychiques et de processus cliniques
auxquels nous avons affaire » (Roussillon R., 2000) 1.

Les déclinaisons cliniques 2- Du fait du complet renversement de perspective


liée à la constitution de son élaboration théorique,
du traumatisme en rendre compte aujourd’hui de la théorie du trauma
nous conduit à parler de deux choses :
psychanalyse : - parler du trauma comme conséquence de la
traumatisme, déliaison de l’excitation pulsionnelle ;
- parler des séquelles du trauma qui, elles, peuvent
traumatique, trauma ne pas être d’ordre uniquement pulsionnel, mais qui
néanmoins agissent comme une source pulsionnelle
secondaire.
Thierry Bokanowski
Introduction Le traumatisme, concept central dans l’œuvre
freudienne
e traumatisme - mot qui dérive du grec et qui

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signifie à la fois une effraction et une blessure - Concept central au sein de l’appareil théorique de la
désigne les conséquences d’un événement dont psychanalyse, le traumatisme garde cette place tout
la soudaineté, l’intensité et la brutalité peuvent non au long du développement de l’œuvre de Freud qu’il
seulement entraîner un choc psychique, mais aussi traverse de bout en bout (de l’Esquisse, 1895, à
L’Homme Moïse, 1938) en subissant, au gré des
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laisser des traces durables sur le psychisme d’un


sujet, qui s’en trouve alors altéré. avancées, d’importants remaniements sur le plan
conceptuel.
L’événement traumatisant (ou de type traumatique)
est ainsi un évènement violent, qui surgit, sans aver- Trois moments peuvent être dégagés :
tissement et auquel le sujet n’est pas préparé ; cet
A- Une première période qui va de 1895 à 1920
événement brutal – qui prend le sujet par surprise et
donc le déroute – entraîne, sur le plan psychique, une
Le traumatisme se réfère au sexuel et, de ce fait, était
effraction de la barrière pare-excitante, ce qui fait que
intimement lié à la théorie de la séduction : ce
le psychisme est débordé par une excitation qu’il ne
modèle, qui désigne l’action de la « séduction »
peut comprendre et gérer. Cela entraîne une pertur-
sexuelle comme présidant à l’organisation de la
bation massive du fonctionnement psychique et des
névrose (qui intéresse la mémoire, le refoulement et
défenses établies jusque là, perturbation qui peut
sa levée), est celui qui prédomine jusqu’en 1920.
aller, dans les cas extrêmes, jusqu’à l’effondrement.
A l’intérieur de cette première période, deux moments
doivent être distingués :
Aujourd’hui, lorsque l’on est conduit à parler de
traumatisme psychique en psychanalyse, l’on est tout
- un premier moment (de 1895 à 1900 / 1905),
autant conduit à évoquer l’histoire de la théorisation
pendant lequel Freud établit que le modèle princeps
Autour du traumatisme...
du concept, qu’à envisager ses implications théorico-
de l’action du traumatisme lié à une séduction est
cliniques et théorico-pratiques, elles-mêmes liées à
celui du modèle en deux temps (« après-coup ») de
l’évolution de la théorie et qui aboutissent à devoir
l’Esquisse 2 et des Études sur l’hystérie 3 ; c’est aussi
penser le traumatisme en terme de bloc « défense /
le moment (« je ne crois plus à ma neurotica », 1897)
trauma ».
où c’est le « fantasme » et non plus la séduction qui
devient le facteur traumatique princeps et préside à
Pour commencer, je souhaiterai faire deux remarques :
l’organisation de la névrose ;
1- René Roussillon, dans un de ses textes, posait la
- un second moment (de 1905 à 1920), pendant
question suivante à propos des théorisations concer-
lequel Freud retrace le « développement sexuel
nant le trauma en psychanalyse : histoire du trauma ?
infantile » et élabore la métapsychologie ; en termes
ou, histoire de la « théorisation du trauma » ? Ajou-
de développement sexuel infantile et de théorie de
tant alors la remarque suivante : « N’oublions pas,
la libido, les situations traumatiques paradigmatiques
que vraisemblablement, le traumatisme n’existe pas
sont liés aux « fantasmes originaires » et aux
" en soi ", et que ce qui existe, ce sont des théories, ce
angoisses afférentes (angoisse de séduction, castra-
sont des conceptions, ce sont des modèles de
tion, scène primitive, complexe d’Œdipe) ; le trauma-
pensée qui nous permettent de rendre compte de
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tisme est en rapport avec la force pressante des desquels, le fantasme de « séduction », associé aux
pulsions sexuelles et la lutte que leur livre le Moi ; fantasme de « castration » et de « scène primitive »),
tous les conflits et tous les traumatismes sont ainsi que du poids du sexuel sur celle-ci ; c’est ce que,
envisagés par référence aux fantasmes inconscients classiquement, l’on voit apparaître dans l’organisa-
et la réalité psychique interne. tion des types de fonctionnement psychiques qui
relèvent des névroses dites « névroses de transfert » ;
B- À partir de 1920, le traumatisme prend une
nouvelle dimension du fait qu’il devient un concept Le traumatique vient plus spécifiquement désigner
emblématique (métaphorique) des apories écono- l’aspect économique du traumatisme (le défaut de
miques de l’appareil psychique ; dès lors, le traumatisme « pare-excitant », etc.) ; ce principe économique
représente une « effraction du pare-excitation »4 : entraîne un type de fonctionnement à propos duquel
l’Hilflosigkeit - la détresse du nourrisson - devient le on pourrait parler de fonctionnement à « empreinte
paradigme de l’angoisse par débordement, lorsque traumatique » ou « en traumatique » ; même si une
le signal d’angoisse ne permet plus au moi de se partie de ses effets peuvent être représentables,
protéger de l’effraction quantitative, qu’elle soit figurables et symbolisables, ils ne le sont jamais
d’origine externe ou interne ; dans les années qui totalement ;
suivent, dans Inhibition, symptôme et angoisse (Freud

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S.,1926) 5, Freud propose une nouvelle théorie de Le trauma viendrait désigner parfois l’action
l’angoisse et met l’accent sur le lien entre le trauma- positive (ou organisatrice), mais surtout essentielle-
tisme et la perte d’objet (introduisant dès lors la ment négative (désorganisatrice) du traumatisme sur
question, qui deviendra ultérieurement centrale en psy- l’organisation psychique ; comme Freud le suggère, il
chanalyse, des liens à l’objet) 6 ; à partir de 1920, au peut entraîner des « atteintes précoces du Moi » sous
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terme de traumatisme, s’adjoint celui de traumatique. forme de « blessures d’ordre narcissique » ; ces
traumas (qui concernent les empreintes de l’objet, ou
C- À la fin de son œuvre, dans L’Homme Moïse l’action de l’environnement, qui peuvent survenir
(1939) 7 , Freud souligne que les expériences avant l’établissement du langage) viennent perturber
traumatiques originairement constitutives de l’orga- et renforcer les premiers opérateurs défensifs tels le
nisation et du fonctionnement psychique (« Nous déni, le clivage, la projection (l’identification projec-
appelons traumatismes les impressions éprouvées tive), l’idéalisation, l’omnipotence, etc. ; ils peuvent
dans la petite enfance, puis oubliées, ces impressions organiser des « zones psychiques mortes » (des
auxquelles nous attribuons une grande importance « cryptes ») du fait de l’absence de représentation,
dans l’étiologie des névroses ») peuvent entraîner des de figuration et de symbolisation qu’ils entraînent (ex :
atteintes précoces du Moi et créer des blessures la « crainte de l’effondrement » de Winnicott - un
d’ordre narcissiques (ce que Ferenczi a souligné lors trauma qui a été vécu, mais qui n’a pas pu être
de ses toutes dernières avancées) ; par ailleurs, Freud « éprouvé ») ; ce qui est ainsi désigné par « trauma »
distingue deux effets, positifs et négatifs (« l’État intéresse donc les catégories du primaire, et, de ce
dans l’État »), du traumatisme (pour lequel, ici, on fait, est au centre des préoccupations de toute
peut proposer le terme de trauma). l’analyse contemporaine.

Traumatisme, traumatique et trauma : trois La question du traumatisme est étroitement liée


Autour du traumatisme...

« versions » métapsychologiques à celle des avancées en psychanalyse

En m’appuyant sur cette évolution en trois temps du 1- Si Freud a établi le concept de traumatisme, c’est
concept de traumatisme dans l’œuvre freudienne je néanmoins Ferenczi (aujourd’hui considéré comme
propose de distinguer trois termes traumatisme, « l’ancêtre » de Winnicott 8) qui a approfondi la
traumatique et trauma, en leur attribuant des valences question du traumatisme, versus trauma tel que je
différentes au regard de l’organisation psychique et viens de le définir (« endommagement narcissique »,
des paramètres auxquels nous confrontent ceux-ci, « auto-clivage narcissique », etc.).
notamment au regard de la cure psychanalytique :
Les hypothèses avancées par Ferenczi vont pour
Le traumatisme vient désigner la conception géné- l’essentiel concerner une formulation métapsycholo-
rique du trauma ; plus spécifiquement il désignerait, gique de la théorie de la séduction en articulation avec
ce qui, dans la cure psychanalytique, apparaît comme celle du traumatisme qui témoigne de l’inévitable de la
les effets représentables, figurables et symbolisables séduction liée à l’objet (objet « trop présent » ou « trop
de l’effet traumatique de l’organisation fantasmatique absent » - de toute façon, « objet en trop », c’est à dire
du sujet (fantasmes originaires au premier chef objet inadéquat). Pour Ferenczi, le trauma n’est pas
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seulement lié aux conséquences d’un fantasme de ou pour parer à la détresse de l’enfant. On sait
séduction ou de castration, mais il trouve son origine qu’après Ferenczi d’autres auteurs ont développé cette
dans les avatars d’un certain type de destin libidinal ligne de pensée : ce fut le cas plus particulièrement de
lié à l’action excessive et violente d’une excitation Winnicott.
sexuelle prématurée, qui, suivant certaines circons-
Avec Ferenczi, le trauma change donc de vertex, car
tances, prend alors la valeur d’un viol psychique.
s’il est apparemment sexuel (« séduction » de l’enfant
Cette effraction a pour conséquence la sidération du
par l’adulte - le langage de la tendresse confondu avec
Moi, ainsi que l’asphyxie, voire l’agonie de la vie
le « langage de la passion ») il s’inscrit, en fait, dans
psychique : ainsi, pour Ferenczi, le trauma doit être
une expérience avec l’objet (ce qui devient, chez
considéré comme résultant d’une absence de réponse
Winnicott, l’empreinte de l’environnement et de ses
de l’objet face à une situation de détresse.
carences) qui s’inscrit non pas au regard de ce qui a
Cette absence :
eu lieu, mais au regard de et / ou dans ce qui n’a pas
- mutile à jamais le Moi du fait du traumatisme
pu avoir lieu… expérience négativante du fait des
narcissique qu’elle opère comme des clivages qu’elle
« carences de l’objet primaire » liées à une série de
crée ;
non-réponses de celui-ci face aux besoins affectifs du
- maintient une souffrance psychique en relation à
sujet, entraînant chez ce dernier une « agonie », une
l’intériorisation d’un objet primaire « défaillant » ;

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« asphyxie » de la vie psychique, une « paralysie »
- et entraîne une sensation de détresse primaire
de la pensée, une « paralysie » du Moi, secondaires
(d’Hilflosigkeit) qui, la vie durant, se réactive à la
à ses blessures non cicatrisables ; ceci entraîne une
moindre occasion.
« auto-déchirure » (un clivage) dont il dit qu’elle
transforme brutalement « la relation d’objet,
Pour Ferenczi les traumas ont donc un soubassement
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devenue impossible, en une relation narcissique »


métapsychologique bien différents de ceux que Freud
(un « fait d’observation générale ») 9.
théorisait à l’époque, puisque, pour lui, il ne s’agirait
pas de trauma secondaire à une séduction (via les Ainsi, les avancées de Ferenczi concernent le fait qu’il
soins maternels ou via l’absence de l’objet – comme a reconnu, avant quiconque :
Freud le propose à partir d’Inhibition, symptôme et - l’importance de l’environnement et des empreintes
angoisse), mais bien de viol de la pensée et de l’affect psychiques maternelles (ce qui deviendra les
- par disqualification de l’affect et par le déni de la « carences de l’environnement », ou l’environnement
reconnaissance de l’affect et de l’éprouvé par l’objet « non-facilitateur » chez Winnicott) ;
(la mère, ou son tenant lieu). - la prise en considération de l’importance, pour
Ces conjonctures psychiques entraînant des certains patients dans le cours de l’analyse, de
subornations, du fait : l’établissement et du développement d’une relation
- des « excès » des demandes parentales, primaire (établissement d’une « relation symbio-
- des « privations d’amour » (tant sur le plan primaire tique primitive »), permettant la compréhension des
que secondaire), fantasmes précoces mère-enfant ;
- ou des « méconnaissances » des besoins de - l’importance de l’amour primaire et de la haine
l’enfant, primaire : la haine étant un moyen de fixation plus
-qui toutes engendrent une « paralysie psychique », fort que l’amour (« l’amour de la haine ») ;
Autour du traumatisme...
voire une sidération psychique, qui confinent le plus - le clivage entre les pensées et le corps (« clivage
souvent au désespoir. somato-psychique ») ;
Comme on le voit, avec de telles avancées, non -le « clivage du moi » et le « clivage narcissique »
seulement la nature du trauma se modifie considéra- comme conséquences de traumatismes psychiques
blement, mais de plus ses effets s’aggravent : non précoces (notamment dans les cas de traumatismes
seulement la sexualité est loin d’être seule en d’avant l’acquisition du langage) ; etc.
question, mais encore, défendant sa conception de la Il suffit de se référer aux dernières propositions de
confusion des langues, Ferenczi décrit ici une moda- Ferenczi concernant l’effet du « traumatisme narcis-
lité, jusque là inaperçue, du traumatisme, puisqu’il sique » et les atteintes précoces du Moi qu’il entraîne
met en cause la nature de l’objet (et par voie de (« effets négatifs » du trauma, repris par Freud dans
conséquence, celle de l’analyste : entre autres, son L’Homme Moïse, en 1938), pour mesurer la place que
« hypocrisie professionnelle »).On doit remarquer que Ferenczi accorde à la « destructivité » psychique et
le traumatisme dont il est question concerne tout aux conséquences de celles-ci dans la cure 10. C’est
autant les réponses de l’objet qui avaient fait défaut, dans son Journal Clinique (janvier-octobre 1932) 11,
que celles qui avaient été données de manière écrit qui n’était pas destiné à la publication, qu’il a
inappropriée (alors ressentie par le sujet comme tenté, à sa façon, de rendre compte de la négativité
« disqualifiante »), pour satisfaire les désirs de l’adulte (morbidité) du trauma. Dans ce texte, il est insensible-
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ment conduit, au fil de ses investigations clinico-théo- aussi bien positives que négatives - cf., l’enfant qui
riques ainsi que théorico-pratiques, il est insensible- observe la manière dont la mère le regarde) ce qui
ment conduit à interroger les effets de la « douleur » entraîne une destruction passive de l’objet externe et
psychique et de ses conséquences dans les catégories interne du fait qu’un tel objet devient pathogène,
psychiques qui relèvent des failles auto-érotiques, des dans la mesure où il n’est pas en mesure de fournir à
avatars de l’amour et de la haine primaire, ainsi que l’enfant qui l’investit libidinalement l’espace psy-
des manques au niveau du narcissisme primaire qui chique et « la capacité de rêverie » (Bion) nécessaire
entraînent des clivages narcissiques, des défauts de pour introjecter la libido investie ; celle-ci restera alors
symbolisation et des troubles de la pensée, des états prisonnière du mode projectif de relation caractéris-
d’altération du Moi (« états-limites »), des dépressions tique des investissements primaires ; ceci introduit la
anaclitiques, voire essentielles, des transferts question du clivage dans le moi, à savoir celle du
passionnels, etc 12. clivage statique (ou passif) (Bion) 17 , c’est-à-dire du
« clivage pathogène » introduit par l’objet (ou
2- Chez Winnicott, qui prolonge Ferenczi, le trauma l’environnement) et qu’il est nécessaire de distinguer
est en relation : du clivage dynamique (ou actif) mis en œuvre par le
- avec la dépendance : « Le traumatisme est en moi pour différencier les aspects bons / mauvais de
rapport avec la dépendance. Le traumatisme est ce l’objet, « clivage dynamique » dont il est nécessaire

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qui rompt l’idéalisation d’un objet au moyen de la de rappeler la valeur développementale ; le « clivage
haine d’un individu, en réaction au fait que cet objet statique » maintient des confusions : d’une part des
n’a pas réussi à atteindre sa fonction » 13 ; confusions dans la vie libidinale, entre pulsions
- avec la temporalité qui dans certaines situations érotiques et pulsions destructrices, ainsi que des
extrêmes entraîne le passage de l’angoisse à la dou- confusions au niveau identitaire ; par ailleurs le
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leur, puis de la douleur à l’agonie : « Après x+y+z mi- clivage statique entrave la constitution d’un clivage
nutes, le retour de la mère ne répare pas l’altération dynamique qui permet, notamment par le biais de la
de l’état du bébé. Le traumatisme implique que le représentation des émotions et de la capacité à
bébé a éprouvé une coupure de la continuité de son symboliser ses affects, un développement psychique
existence, de sorte que ses défenses primitives vont authentique (vrai self).
dès lors s’organiser de manière à opérer une protec-
tion contre la répétition d’une “angoisse impen-
On peut distinguer deux types de traumatismes 18
sable” (unthinkable anxiety) ou contre le retour de
a - Les traumatismes secondaires : maintien du
l’état confusionnel aigu qui accompagne la désinté-
primat du principe de plaisir / déplaisir
gration d’une structure naissante du moi » 14.
Ils sont en relation avec la « théorie de la séduction » ;
C’est ceci qui conduit l’analyste à devoir procéder l’aspect essentiel de ces trauma est qu’ils désorgani-
ultérieurement à l’inscription de l’expérience qui n’a
sent la topique psychique et les modes de rapport
pu avoir lieu : « La réponse par le contre-transfert est
entre l’inconscient et le préconscient au sein du Moi ;
celle qui aurait du avoir lieu de la part de l’objet »
les représentations de choses sont constituées et
(Green A., 1974) 15.
refoulées (le psychisme a pu organiser la représenta-
tion, la figuration et la symbolisation : c’est-à-dire le
3- Chez Masud Khan, le concept de « traumatisme fantasme), mais celles-ci (les représentations de
Autour du traumatisme...

cumulatif »16 rend compte du fait que les défaillances choses) se trouvent être mises dans une situation
de la mère, dans son rôle de barrière pare-excitante brutalement condensée et confondue avec la relation
protectrice, ne sont pas traumatisantes au moment à un objet externe (mis en position d’objet « séduc-
même ; elles ne le deviennent, rétrospectivement, teur ») ; tout se passe comme si le fantasme
que si elles s’accumulent silencieusement et inconscient se voyait brutalement “réalisé” ; ceci
imperceptiblement. provoque un « collapsus topique » (Janin C., 1996) 19
qui désorganise « l’épreuve de réalité », « l’épreuve
4- La question du trauma dans la clinique
de la différence » (la fonction de censure) et la
« d’aujourd’hui » : les deux types de
« secondarité » ; le « collapsus » est lié à une
traumatismes, traumatismes « primaires » et
rencontre entre la réalisation interne du fantasme et
traumatismes « secondaires »
la réalisation externe du désir ; le traumatisme ne
Le trauma et la clinique « d’aujourd’hui » « désorganise » pas le primat du principe de plaisir /
La question du trauma dans la clinique déplaisir, il refoule la motion pulsionnelle, mais ne
« d’aujourd’hui » est celle de l’absence d’un objet désorganise pas l’introjection pulsionnelle ; c’est
approprié disponible pour recevoir les projections l’accès au préconscient et à la conscience qui est
d’un psychisme en voie de constitution (projections barré : c’est le barrage à cet accès qui est traumatique.
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b- Les traumatismes primaires : agonie psychique et solutions perverses (masochisme, fétichisme),
entrave de la liaison pulsionnelle des tentatives désespérées de « meurtre » de la
pulsion au moyen de solutions délirantes ou de
Ils désorganisent le lien topique entre le Ça et le Moi ; comportements extrêmes, telles des tentatives de
ils ne sont pas seulement liés à des situations de meurtre tout court (violence sur soi, violence sur les
« détresse » (Hilflosigkeit), mais à des situations autres).
d’agonie [cf., temps x (angoisse)+ y (détresse) +z Thierry Bokanowski,
(agonie)] ; l’agonie est liée à une réponse de l’objet psychiatre, psychanalyste,
qui est inadéquate et disqualifiante (l’objet est Société Psychanalytique de Paris
« ailleurs ») et ne permet pas de « contenir », de tbokanow@aol.com
« métaboliser » et de « lier » la décharge pulsionnelle
et cela entraîne chez l’infans un état de déliaison Notes
pulsionnelle, véritable « douleur agonistique »
(Roussillon R., 1999) 20, un état de « terreur » et 1-Roussillon R. (2000), Traumatismes et liaisons
d’effroi en relation avec la poussée pulsionnelle pour primaires non symboliques, « Traumatismes »,
laquelle il n’y a pas d’issue (ni interne, ni externe) ; Actualités psychosomatiques, Association Genevoise de
cette « catastrophe psychique » proche de « l’agonie Psychosomatique (AGEPSO), N°3, p.89-109.

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primitive » (Winnicott D.W., 1974) 21 a abouti à ce que 2- Freud S. (1895), Esquisse d’une psychologie
la poussée pulsionnelle déborde les capacités de scientifique, in La naissance de la psychanalyse, Paris,
P.U.F., 1969.
symbolisation et de représentation du sujet, ainsi que
3- Freud S. et Breuer J. (1895), Études sur l’hystérie, Paris,
du couple (interne) sujet / objet ; l’intensité du trauma P.U.F., 1965 ; « Les hystériques souffrent d’un trauma-
court-circuite les mécanismes de refoulement et le
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tisme psychique qui n’a été qu’incomplètement abréagi»


sujet, qui n’a pu se constituer des représentations ; « les hystériques souffrent de réminiscence ».
(de choses) liantes qui lui permettraient d’introjecter 4- Freud S. (1920), Au delà du principe de plaisir, O.C.F.,
la pulsion, ne peut plus compter que sur les XV, Paris, P.U.F., p.273-338.
mécanismes primaires de défense que sont le clivage 5- Freud S. (1926), Inhibition, symptôme et angoisse,
et la fragmentation. La pulsion devient alors O.C.F., XVII, Paris, P.U.F., p.203-286.
effractive et désorganisatrice pour son appareil 6- Le traumatisme est lié à l’angoisse de séparation où
psychique (la psyché devenant alors désorganisée aux angoisses que la séparation entraîne, ainsi Freud
dans sa différence entre le Ça et le Moi). distingue cinq types d’angoisse : l’angoisse du trauma
de la naissance ; l’angoisse de la perte de la mère en
tant qu’objet ; l’angoisse de perte du pénis ; l’angoisse
Moyens de défense de « survie »

Pour survivre narcissiquement, le patient se retire de


son expérience subjective, se coupe de l’introjection
pulsionnelle en cours et pour ce faire, se clive lui-
même afin de séparer la partie survivante de la par-
tie affectée par le traumatisme (« traumatisme
narcissique ») (Ferenczi S., 1930, 1932, 1933). 22,23,24
Dans ces traumatismes narcissiques, traumatismes
Autour du traumatisme...
« en creux », selon l’excellente expression de J. Press
(Press J., 1999) 25, ce qui reste est une « trace de non-
trace » sur lequel un réinvestissement hallucinatoire
(voire perceptif) peut venir s’inscrire secondairement.

Les traces de l’expérience traumatique subsisteront


et la contrainte à la répétition conduira à leur
réinvestissement et donc à leur réactivation ; mais
alors le clivage ne sera pas suffisant en raison de la
tendance constitutionnelle du moi à l’intégration et le
sujet devra sans cesse faire face au retour d’une
situation traumatique qui vient de l’intérieur de lui-
même sous la forme d’une réactivation des traces
traumatiques… Face à l’impuissance de ne pouvoir
juguler l’introjection pulsionnelle traumatique, on voit
apparaître, outre le recours à l’hallucinatoire et à des
46 Dossier
le Carnet PSY • juillet/août 2011

de perte de l’amour de l’objet ; l’angoisse de perte de


l’amour du surmoi. Traumatisme et perte
7- Freud S. (1939), L’Homme Moïse et la religion
monothéiste, Paris, Gallimard, 1986.
8- Green A. (2000), Genèse et situation des états
limites, Les États Limites Nouveau paradigme pour la
psychanalyse, sous la direction de Jacques André,
Petite Bibliothèque de Psychanalyse, P.U.F., 1999.
9- Ferenczi S. (1934), « Réflexions sur le traumatisme »,
Œuvres Complètes, IV (1927-1933), Paris, Payot, 1982,
p.139-147.
10- On peut se rappeler que le concept de « pulsion de
mort » tient une place non négligeable dans la pensée
de Ferenczi ; pour s’en convaincre il suffit de se reporter
à « Notes et fragments » (1920 ; 1930-1933), où en date
du 10.VIII.1930, celui-ci écrit :
« Tout être vivant réagit probablement à une excitation
de déplaisir par une dissolution commençant par une
fragmentation (pulsion de mort ?). Mais au lieu de “pul-

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sion de mort”, il faudrait plutôt choisir un mot qui ex-
prime la complète passivité de ce processus. » ; Ferenczi
S. (1927-1933), Psychanalyse IV, Paris, Payot, 1982.
11- Ferenczi S (1932), Journal Clinique (janvier -
octobre 1932), Paris, Payot, 1985, 298 p.
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12- Bokanowski T. (1997), Sándor Ferenczi, Collection


“Psychanalystes d’aujourd’hui”, Paris, P.U.F., 1997, 128p.
13- Winnicott D.W. (1965), Le concept de traumatisme
par rapport au développement de l’individu au sein de
la famille, La crainte de l’effondrement et autres situa-
tions cliniques, Gallimard, 2000, p.292-312.
14- Winnicott D.W. (1971), La localisation de l’expé-
rience culturelle, Jeu et réalité, Gallimard, 1975, p.135-
136.
15- Green A. (1974), L’analyste, la symbolisation et l’ab-
sence, La folie privée, Paris, Gallimard, 1990.
16- Khan M. (1974), Le concept de traumatisme
cumulatif, Le soi caché, Gallimard, 1976.
17- Bion W.R. (1963), Éléments de la psychanalyse, Paris,
P.U.F., 1978, p.60 et note.
18- Je m’appuie ici sur la distinction que propose
R.Roussillon ; voir, Roussillon R. (2000), op.cit.
19- Janin C. (1976), Figures et destins du traumatisme,
Le fait psychanalytique, Paris, P.U.F.
Autour du traumatisme...

20- Roussillon R. (1999), Agonie, clivage et symbolisa-


tion, Le fait psychanalytique, Paris, P.U.F.
21- Winnicott D.W. (1974), La crainte de l’effondrement,
La crainte de l’effondrement et autres
situations cliniques, Gallimard, 2000, p.205-216.
22- Ferenczi S. (1930), Principe de relaxation et
néocatharsis, Œuvres Complètes, IV (1927-1933), Paris,
Payot, 1982, p.82-97
23- Ferenczi S (1932), Journal Clinique (janvier -
octobre 1932), Paris, Payot, 1985, 298 p.
24- Ferenczi S. (1933), Confusion des langues entre les
adultes et l’enfant Le langage de la tendresse et de la
passion, Œuvres Complètes, IV (1927-1933), Paris, Payot,
1982, p.125-138.
25- Press J. (1997), Caractère(s), traumatisme(s),
somatisation(s), Revue française de Psychosomatique,
11, p.49-70.

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