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Le geste photographique, ou l'esthétisation du politique.

Dans ses Notes sur le Geste, Girogio Agamben tente d’annoncer une pensée qui
considèrerait chaque geste en tant que tel et qui aurait pour cela à se passer du schéma traditionnel
d’un moyen subordonné à une fin. Il s’agirait d’une pensée beaucoup plus ancrée dans la situation
et capable d’en saisir toutes les virtualités ; de penser les moyens au moment où ils se présentent
indépendamment de leurs fins. On remarquera que l’article Petite Histoire de la Photographie aura
déjà permis quelques dizaines d’années plus tôt à Walter Benjamin d'accueillir l'arrivée de la
photographie sous cet angle, et notamment en la libérant de la nécessité de se justifier devant l’art .
Dans cette perspective, tout est considéré du point de vue du présent : du présent capturé par
l’appareil photographique mais aussi et surtout du présent du regard porté sur cet instant que laisse
voir la photographie. Seulement, ce que nous révèle cette inéluctabilité du présent est de manière
plus profonde celle de la présence ; ici, la présence de ce qui est fixé sur la photographie dans le
monde sensible de celui qui la regarde et la présence à elle que la photographie exige. Il s'agira ici
de souligner la valeur politique de cette rupture avec un temps linéaire et de cette affirmation du
geste contre toute entité close; que ce soit le sujet, le présent ou le passé . La charge éthique de
l'esthétique devrait alors apparaître au cours du développement de cette problématique.

La rupture majeure opérée par ce texte, et qui offrira la perspective de toutes les
autres, est celle qui met en péril la primauté de l'art dans l'ordre de l'esthétique. Elle intervient dès le
départ comme une condition préalable pour saisir la nouveauté que représente la photographie dans
toute sa radicalité. Plus question --pour faire face à l'avènement de la photographie-- de se fonder
sur les critères qui régissent un art en plein repli sur des considérations réactionnaires. Cela
reviendrait à « justifier le photographe devant le tribunal qu'il renversait ». En effet, alors que l'art,
ou du moins la conception qui est visée ici, reposait sur l'idée d'un génie créateur et ne se prêtait à
ce titre qu'à la contemplation, la photographie appartient au domaine de la technique et impose une
réflexion plus complète sur l'activité humaine. Du domaine de la théologie, et même de la téléologie
que l'on trouve dans le mot d'ordre de « l'art pour l'art », on passe à une perception historique et
sociale, qui si elle ne repose plus sur la vénération aveugle, n'en n'est pas moins « magique ».
Magique en ce qu'elle fait revivre quelque chose devant le spectateur. Mieux, celui-ci est appelé à le
faire revivre lui-même et à vivre dans ce quelque chose: « il cherche à trouver le lieu imperceptible
où, dans la qualité singulière de cette minute depuis longtemps révolue, niche aujourd'hui encore
l'avenir, d'une manière si éloquente que nous pouvons le découvrir rétrospectivement ». Le
spectateur ne peut plus être spectateur. De la même manière que la technique déborde l'art, il n'est
plus question d'un sujet contemplant un objet, mais de l'émergence d'un monde sensible qui dilue le
rapport d'altérité du regardant au regardé. Benjamin déplorera que les tableaux « ne durent que dans
la mesure où ils témoignent de l'art de celui qui les a peint ». L'œuvre d'art, dans ce cas, est un objet
que l'on ne considère que pour y retrouver la trace de son auteur. On cherche l'inspiration que l'on
ne sait quelle entité divine ou spirituelle a pu disposer dans le corps de l'artiste. On retrouve presque
ici la définition du fétichisme de la marchandise chez Marx: « C'est seulement dans leur échange
que les produits du travail acquièrent comme valeur une existence sociale identique et uniforme,
distincte de leur existence matérielle et multiforme comme objets d'utilité ». La division du travail
doit être comprise comme une gigantesque répartition des rôles sur un plan économique, mais aussi
existentiel: il y a l'auteur et le client, l'artiste et le contemplateur. L'œuvre d'art est fétiche dans la
mesure où l'on cherche à lui prêter une existence irréductible à tous les rapports sociaux dont elle
émane pourtant directement. La photographie considérée sous l'angle de la technique, redescendue
sur terre et appartenant aux regards et aux gestes de tous, apparaît comme la possibilité de faire
émerger une esthétique révolutionnaire immanente contre l'autorité transcendante de l'art dit inspiré.
L'enjeu de la sortie de l'art résidait précisément dans ce point.
Alors, une deuxième rupture s'impose immédiatement. Donner un sens à une image ne peut pas se
faire depuis le lieu rassurant de la subjectivité. Comme il a été vu précédemment, le rapport de sujet
à objet est dilué dans l'immanence. Il n'y a plus deux entités distinctes mais un monde de sens qui se
forme immédiatement, comme un scénario commun, nouvelle unité élémentaire qui vient se
substituer à celle du sujet. Le spectateur qui devient autre chose que spectateur est le sujet qui ne
peut plus se saisir dans sa relation et donc dans sa distance avec l'objet. Il n'y a alors plus de sujet
qui tienne mais un irrésistible appel au monde: « le spectateur se sent forcé malgré lui de chercher
dans une telle photo la petite étincelle de hasard, de ici et de maintenant, grâce à laquelle le réel a
pour ainsi dire brûlé un trou dans l'image ». Un réel qui se présente, non pas comme ensemble de
données disponibles pour notre conscience mais comme nous traversant de part en part.
Parallèlement à cela, le fait de se faire photographier impose le même abandon de la posture de
sujet, toujours un abandon au monde. Benjamin remarque en parlant de la photographie que « elle
seule nous renseigne sur cet inconscient visuel, comme la psychanalyse nous renseigne sur
l'inconscient pulsionnel ». L'inconscient pulsionnel révélé par Freud est tout un ensemble d'instincts
et de désirs pris dans des relations conflictuelles; une multiplicité contrariante au vue du projet que
l'on réserve à tout corps: former un individu, pouvoir dire moi, nom que Freud le premier donne
d'ailleurs à la victoire sur le ça, compris comme ensemble anonyme de penchants. L'inconscient
visuel révélé par les premiers photographes est un ensemble de gestes perçus jusque là uniquement
dans la mesure où ils faisaient système; par exemple, la marche, et même, ma marche. Or, la
photographie décompose et disperse le système de la marche, l'assurance bourgeoise de sa posture,
en un chaos gestuel. Nous fait alors face ce que le moi n'a pas encore pu digérer, soit « l'attitude en
cette fraction de seconde où nous allongeons le pas ». En tant qu'elle impose la vision de ce très
court instant qui échappe d'habitude à notre conscience, non seulement la photographie révèle
l'insuffisance de cette notion, mais surtout ne permet plus d'échapper au constat que mon attitude,
ma présence, ne m'appartient pas comme un prédicat qui se rapporte à un sujet; elle est
irrévocablement projetée dans le monde. Je suis cette attitude, je suis présence. La présence me
disperse dans l'instant et l'instant est ce qui fait que je suis-au-monde. L'instant ainsi révélé ne me
permet plus de croire que, au moment où je me saisis, je suis autre chose que le geste que je suis en
train d'effectuer; je suis ce, ou plutôt ces gestes. Le sujet est donc doublement mis en péril par la
photographie. Le sujet spectateur n'est plus ni sujet ni spectateur, la personne photographiée
(persona: masque) se retrouve décomposée en gestes et condamnée à la présence.

Dès lors, la notion de présence déborde même celle de présent. Celui-ci ne peut plus assurer
sa fonction de nommer le passé pour le rejeter dans un autrefois révolu et même vaincu. La
perception permise par la photographie, en contribuant à introduire une autre temporalité qui ne
connaît pas le révolu, ruine le fondement de la conception classique de l'Histoire. Dans la
photographie, partout nous fait face de l'ici et maintenant que l'on ne peut habiter qu'en prenant
position. Ne pas prendre position, contempler passivement un événement passé comme une pièce de
musée témoignant d'un autrefois désormais inaccessible, ne considérer que l'échec de la fin en vue
de laquelle il semblait être mobilisé, c'est accepté qu'il soit vaincu. Cette nouvelle rupture amène
une dimension historiographique au geste et en fait la nouvelle unité élémentaire. Dans ses Notes
sur le geste, Giorgio Agamben apporte cette précision: « Le geste consiste à exhiber une médialité, à
rendre visible un moyen comme tel ». Non pas un moyen qui ne fait sens qu'en vue d'une fin, ni
même un moyen étant à lui-même sa propre fin mais, plus radicalement, un moyen sans fin. Un
moyen qui n'est jamais assigné définitivement, capable de se détacher de ses conséquences, tel est
ce qui fait événement à proprement parler. Dans ce même article, l'exemple qui suit immédiatement
est un image pornographique qui, en saisissant un geste, laisse libre d'imaginer tous les plaisirs qu'il
peut procurer. Le geste est ce qui ne réduit jamais la sphère des possibles et le commentaire que
Benjamin livre sur l'apparition de la photographie est tout entier animé de cet espoir. Bien
évidemment, une telle histoire de la photographie est autant et peut-être même plus un manifeste
qu'une analyse. La photographie, en tant que pratique humaine, est arrachée au destin d' « affaire
publique » que l'Etat lui avait réservé pour devenir geste. Elle échappe à l'Histoire vue comme
progrès linéaire. La forme de l'article éclate complètement les épisodes de la photographie pour en
faire des événements et s'efforce de pousser chacun d'entre d'eux dans ses derniers retranchements
en veillant pour autant à ne jamais les épuiser. L'Histoire que Benjamin fait ne développe pas les
ramifications d'une racine mais sème des rhizomes, pour reprendre les mots de Deleuze. Sortons de
l'exemple pornographique et venons en à l'Histoire dans sa dimension politique: « Le chroniqueur,
qui rapporte les événements sans distinguer entre les grands et les petits, fait droit à cette vérité: rien
de ce qui eut jamais lieu n'est perdu pour l'histoire » trouve-t-on dans les Thèses sur le concept
d'histoire. Rien ne condamne un événement à n'être qu'une étape dans une suite chronologique, il
est toujours à reprendre là où il a été laissé par l'infâmie d'une dialectique qui se prétend résolue, le
passé est toujours compris dans le présent comme quelque chose à sauver: « Le don d'attiser dans le
passé l'étincelle de l'espérance n'appartient qu'à l'historiographe intimement persuadé que, si
l'ennemi triomphe, même les morts ne seront pas en sûreté ». La photographie permet la saisie du
moindre événement et le livre au rapport de force entre l'autrefois et le ici et maintenant. Impossible
de regarder une photographie sans admettre ce conflit qui la sous-tend. S'en abstraire est déjà
prendre parti. De nouveau, une injonction à la présence qui ouvre la dimension politique de la
photographie. A travers elle, je prolonge les gestes amis et je tente d'enterrer pour de bon ceux qui
me séparent de mon monde sensible. Me rapporter à elle, c'est n'être plus qu'une position politique
ou un client de la « putain il était une fois ». Politisation de l'esthétique donc.
Mais une politique qui n'est pas sans être éthique. Non pas la politique du quoi: qu'en est-il, quelle
situation nous est faite, que faire; mais celle du comment: comment composer une force, comment
peupler la situation, comment faire. Le quoi est la situation corrompue en putain. Ses plaisirs sont
sans engagement; on la laisse là après l'avoir consommée. C'était bien; ou regrettable d'ailleurs,
maintenant à qui le tour. Il a quelque chose de définitif. A côté, le comment correspond à une
disposition à l'amour. Rappelons les vers choisis par Benjamin pour décrire une photographie qui l'a
marqué:
« Et je me demande: Comment la parure de ces cheveux ce regard enveloppait-elle hier les êtres,
comment baisait cette bouche à laquelle le désir follement comme fumée sans flamme s'enroule. ».
Un principe d'incomplétude assumé, il n'est pas un sentiment satisfait du présent. Le comment ne
cherche pas une autre situation, mais la manière d'y appartenir: Qui suis-je? Peu importe, je ne suis
pas moi mais je suis-là. Tout est donc dans le comment je suis-là. Il est affaire d'agencement
permanent. Jamais de refuge possible dans le moi-je qui se cerne comme tel en interrogeant ce qui
l'entoure dans la perspective du quoi. Ainsi se révèle la dimension éthique d'une existence.
Agamben de rappeler: « Ce qui caractérise le geste, c'est qu'il ne soit plus question en lui ni de
produire ni d'agir, mais d'assumer et de supporter. Autrement dit, le geste ouvre la sphère de l'éthos
comme sphère la plus propre de l'homme. ». L'éthique ne se préoccupe pas des fins visées mais de
la manière d'assumer sa présence. Evaluer une existence seulement à sa fin; pire, l'éclater en une
infinité de petites fins, de projets, pour toujours s'abstraire de l'instant est l'affaire de la morale. On
ne s'étonnera pas que fin signifie aussi bien « ce qui termine » que « but poursuivi ». Dans cette
perspective, toute existence est vouée à des fins, des petites morts. Il ne s'agit pas d'y substituer un
nihilisme qui n'en serait que le contre-pendant, une matière sur laquelle la morale retrouverait toutes
ses prises. Dans le chapitre Avoir Lieu de La Communauté qui vient, Agamben remarque que
l'éthique nous dit la chose suivante: « l'avoir-lieu de toute chose est le transcendant pur ». Et plus
loin, en parlant du bien: « il est simplement le point où (les choses) saisissent leur propre avoir-lieu,
touchent à leur propre matière ». Contrairement à la morale, l'éthique ne permet pas d'échapper à la
convocation de la présence. La fonction que Benjamin accorde en partie à la photographie est donc
radicalement éthique. Aucun échappatoire ne me sera fournit par mon identité. Nulle autre
possibilité que d'assumer la façon dont j'habite l'instant qu'elle donne à voir. Il suffit de prendre ce
conseil au sérieux pour s'en convaincre: « Qu'on vienne de la gauche ou de la droite, il faudra
s'habituer à ce que les gens cherchent à lire sur votre visage d'où vous venez. ». Une fois de plus, le
qui n'a pas d'importance, seul le comment pourra opérer le partage entre amis et ennemis. Jusqu'à
l'expression d'un visage...

L'article de Benjamin aura donc précisément consisté à refaire droit à cette question du
comment dans la manière d'aborder la photographie. Ce n'est ni tout à fait de l'art, ni seulement de
la technique. Difficile, donc, de lui donner une perspective intéressante en cherchant à déterminer
ce qu'elle est. D'autant plus que cette discussion donne lieu à des positions aussi arbitraires les unes
que les autres tout en acceptant le cadre d'une définition réactionnaire de l'art. En revanche, bien
plus féconde est l'approche qui vise à cerner comment elle peut être ce qu'elle est. Évidemment,
cette problématique ne produit pas davantage de consensus mais trace les lignes de démarcation sur
un fondement éthique et politique et non plus idéologique. Quel usage de la photographie fait-on, et
surtout, dans quelle histoire, dans quelle historiographie décide-t-on de lui faire prendre sens?
L'esthétique est pleinement assumée comme l'émergence d'un monde sensible, et d'un monde
sensible à l'autre, les évidences ne sont pas les mêmes. La vérité sur l'esthétique ne peut pas être
neutre; politisation de l'esthétique donc.

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