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L a radio a récemment consacré toute une série d’émissions au procès de Nuremberg.

S’y
replonger ouvre des abîmes. Les dirigeants nazis se comportent comme des bandits : dès que
quelqu’un déplaît on le massacre. Brecht avait déjà évoqué cela dans sa pièce célèbre « La
résistible ascension d’Arturo Ui ». Depuis, n’avons-nous pas vu la même barbarie avec le
Cambodge ; le Rwanda, et les hécatombes des diverses dictatures ?

2L’Allemagne en particulier interroge. Ce pays de la culture, qui a produit Kant champion de


la pure moralité et du respect de la personne humaine, s’est érigé en force de l’insoutenable. Il
s’est laissé conduire dans un projet ainsi caractérisé par Hitler lui-même : « Il nous faudra
créer une technique de la dépopulation. J’entends par là l’anéantissement de groupements
ethniques entiers, et je suis déterminé à accomplir cette œuvre d’extermination. La nature est
cruelle ; donc nous avons le droit de l’être aussi. J’ai le droit d’exterminer des millions
d’individus appartenant à une race inférieure et qui se reproduit comme la vermine » [1]
[1]Hermann Rauschning, Hitler m’a dit, Paris, Hachette, 2005..
3La conscience universelle de l’humanité, à travers les multiples déclarations de l’ONU,
semble avoir décidé qu’« on ne verrait plus jamais çà ». Mais de nos jours le terrorisme, à
travers les massacres et les attentats-suicides, semble fonctionner selon le principe qu’il est
juste de soutenir des meurtres sans nombre, s’ils atteignent les ennemis de Dieu !

4La pensée humaine est aujourd’hui confrontée au spectacle du mal sous toutes ses formes –
y compris le spectacle entre l’opulence d’une partie du monde et la noire misère d’une grande
masse de l’humanité.

5Et pourtant le mal reste difficile à comprendre. L’histoire de la pensée philosophique et


religieuse est traversée des efforts pour résoudre ce problème. Ces efforts cherchent à
expliquer le mal – c’est-à-dire à le détruire.

Méchants volontairement ?

6Dès l’Antiquité, Platon essayait d’éliminer le mal moral de la faute en énonçant le principe :
« Nul n’est méchant volontairement ». Ce que les théologiens du Moyen Âge reprenaient sous
la forme suivante : « Le mal n’est voulu que sous l’aspect du bien ».

7Sous une forme plus moderne, on remet de nos jours en cause la punition des coupables.
Ceux qui font le mal, les « méchants », ne sont-ils pas le résultat de l’histoire, des conditions
sociales, de leurs pulsions ? Plutôt que punir les coupables, ne faudrait-il pas les guérir ?

8Platon multiplie les énoncés, reprenant une position de Socrate attribuant le mal à
l’ignorance. Ainsi dans le Gorgias : « Personne ne veut délibérément commettre l’injustice,
mais quand il la commet, c’est toujours sans vouloir la commettre » (509a). On trouve
cependant une position plus nuancée et presque moderne dans le Timée, renvoyant la faute à
l’état du corps provoquant une maladie de l’âme qui cause l’ignorance et même la folie :
« C’est par quelque vice de constitution corporelle, ou par la maladresse de ceux qui l’ont
élevé, que le méchant devient méchant » (86b). Enfin les Lois décrètent : « L’homme qui fait
le mal est aussi digne de pitié que celui qui est la proie du mal » (731c).
9Platon s’en tient à l’idée que le mal vient toujours de l’ignorance. De fait, paradoxalement
les plus grands coupables se disent toujours innocents, alléguant qu’ils ne savaient pas, ou ne
se rendaient pas compte. Dans les comptes rendus du procès de Nuremberg, pratiquement tous
les accusés déclaraient avoir ignoré les crimes du nazisme. Tout se passe comme s’il était
impossible d’énoncer la phrase : « Je fais le mal que j’aime ». Du moins de façon publique.
Sauf rares exceptions, on ne peut reconnaître sa culpabilité que dans le secret de la confession
ou de la cure psychanalytique. Celle-ci dévoile justement la vigueur des mécanismes de
défense qui cherchent à occulter notre culpabilité. Le pénitent le plus souvent n’avoue sa faute
qu’au passé. S’il avoue avoir aimé le mal, il ne le fait que dans la mesure où le repentir l’a
changé – ou en exprimant le dédoublement en lui de celui qui veut le mal et celui qui le
condamne.

10Ce dédoublement est courant dans le christianisme. Paul écrit dans l’épître aux Romains :
« Vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir. Je ne fais pas le bien que je veux,
et je commets le mal que je ne veux pas... Ce n’est pas moi qui accomplit l’action, mais le
péché qui habite en moi » (7,15-20). Certes, contrairement à Platon, Paul affirme qu’on peut
faire le mal en sachant qu’on le fait. Il y a donc une réalité du mal, une force en nous qui nous
pousse vers le mal, loi du péché dans la chair. Déjà, Ovide écrivait dans Les Métamorphoses :
« Aliudque cupido, mens aliud suadet ; video meliora proboque, deteriora sequor » (Je désire
quelque chose, et mon âme me pousse à une autre ; je vois le bien et je l’approuve mais je suis
le pire).

11Chez Ovide comme chez Paul, entre la connaissance et l’acte, s’interpose la volonté. Le
poids du péché, la force de la pulsion m’empêchent d’obéir à la loi que je reconnais comme
bonne. Ici encore, on ne fait pas le mal volontairement, mais contre son gré. Les théologiens
chrétiens s’appuieront sur le péché originel.

12Paul anticipe d’ailleurs sur Lacan en soutenant que c’est la reconnaissance de la loi qui
nous fait découvrir notre culpabilité. Tout se passe comme si la faute morale ne pouvait
renvoyer qu’à une faute mythique, péché originel ou transgression œdipienne.

La psychanalyse freudienne

13La psychanalyse freudienne est directement concernée par le mal dans la mesure où elle est
née au sein de la médecine – même si elle a tendu à s’en dégager progressivement. Freud
soutiendra le droit des non-médecins à exercer la psychanalyse. Mais dans beaucoup de
textes, il appelle le psychanalyste « le médecin ». C’est dans le cadre de sa carrière médicale
que Freud, après des essais infructueux avec, entre autres, l’électricité et la cocaïne, découvrit
cette nouvelle forme de « thérapie » des « malades nerveux ».

14Ces malades, comme les autres, souffrent et sont confrontés à la mort. Ils souffrent
particulièrement, comme le montrera Freud, de culpabilité inconsciente, réelle ou imaginaire.
Si le noyau de la névrose est le complexe d’Œdipe, celui-ci renvoie au paradoxe de la
culpabilité innocente. Œdipe a réellement tué son père – et donc il est coupable ; mais il ne le
savait pas : il est donc innocent. Il est aussi victime : ses parents, il ne faut pas l’oublier, ont
voulu le tuer !

15Ainsi la psychanalyse se trouve confrontée au mal ; sous les trois formes que lui reconnaît
la philosophie : « Le mal métaphysique consiste dans la simple imperfection, le mal physique
dans la souffrance et le mal moral dans le péché » [2][2]Leibniz, Essais de théodicée, Aubier,
1992.. C’est dans la deuxième partie de son évolution que Freud met l’accent sur la
culpabilité, notamment avec “Malaise dans la civilisation”, qui est de 1929. On trouve au
début de ce texte le passage peut être le plus explicite sur la conception que Freud se fait du
bien et du mal. Pour lui, le but de la vie humaine est ce qu’on appelle le bonheur. Cette
aspiration a deux faces : « éviter douleur et privation de joie, et d’un autre côté rechercher des
fortes jouissances » [3][3]Loc. cit. p. 20.. Autrement dit, c’est le principe de plaisir qui
détermine le but de la vie, qui gouverne dès l’origine les opérations de l’appareil psychique.
Mais ce projet est absolument irréalisable : « L’ordre de l’univers s’y oppose ; on peut être
tenté de dire qu’il n’est pas dans le plan de la création que l’homme soit heureux. En
revanche, la souffrance nous menace de trois côtés : dans notre corps qui, appelé à la
dissolution, ne peut se passer de ces signaux d’alarme que sont la douleur et l’angoisse – du
côté du monde extérieur qui peut nous anéantir – et aussi de nos rapports avec les autres,
souffrance qui est la plus dure. Une des façons d’y échapper est l’usage des stupéfiants. Une
autre est de réduire ses instincts, dans la mesure où la jouissance trop intense peut être source
de dangers. D’où la dialectique principe de plaisir – principe de réalité. Il y a enfin la
sublimation, qui permet de déplacer la libido sur des activités intellectuelles, artistiques, voire
simplement professionnelles. » [4][4]Ibid. 24-25. Mais la sublimation selon Freud ne peut être
complète.
16L’amour sexuel, quant à lui, « nous a fait éprouver avec le plus d’intensité un plaisir
subjuguant, et par là nous a fourni le prototype de notre aspiration au bonheur... Mais nous ne
sommes jamais aussi mal protégés contre la souffrance que lorsque nous aimons, jamais aussi
malheureux que si nous avons perdu la personne aimée ou son amour ». [5][5]Ibid, p. 28. De
plus, la civilisation est fondée sur la sublimation, elle « tend à restreindre la vie sexuelle et à
accroître la sphère culturelle » [6][6]Ibid, p. 55., et elle ne tolère la sexualité que dans le couple
monogame à titre d’agent de la procréation. Mais « la vie sexuelle de l’être civilisé est malgré
tout gravement lésée ». La civilisation n’est peut être pas seule en cause, et Freud émet
l’hypothèse que « par sa nature même, la fonction sexuelle se refuserait quant à elle à nous
accorder pleine satisfaction et nous contraindrait à suivre d’autres voies » [7][7]Ibid, p. 57-58..
Car d’une part, la bisexualité implique qu’aucun objet sexué ne peut satisfaire complètement,
ensuite parce qu’« un appoint direct de tendance agressive s’associe souvent à la relation
érotique entre deux êtres, enfin parce que la proximité des organes sexuels et excrétoires peut
provoquer le dégoût (inter urinas et faeces nascimur) ».
17L’une des façons de sublimer l’amour sexuel est de le transformer en amour de l’humanité.
– selon lequel, selon Freud, Saint François d’Assise est allé le plus loin. Mais aimer son
prochain comme soi-même – précepte antérieur au christianisme, mais revendiqué par celui-ci
– pose bien des problèmes. L’amour, nous dit Freud, est bien trop précieux pour être gaspillé
à l’égard de personnes qui n’en seraient pas dignes, ce qui serait d’ailleurs une injustice.
Autrui peut d’ailleurs m’être hostile et chercher à me nuire.

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