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LE RÔLE ET L'ÉVOLUTION DES INSTITUTIONS DE SURVEILLANCE

Jacques Hamon

Lavoisier | « Revue française de gestion »

2002/5 no 141 | pages 397 à 418


ISSN 0338-4551
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2002-5-page-397.htm
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FINANCE
PAR JACQUES HAMON

Le rôle et l’évolution
des institutions
de surveillance 1

Si la nécessité d’une

L
a surveillance des marchés et des transactions
régulation et d’une
financières implique une réglementation en
surveillance des marchés
boursiers est peu contestée
amont et une sanction en aval. La définition des
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aujourd’hui, les dispositifs règles est primordiale et intervient à différents niveaux :
de surveillance mis en la loi, les agences de régulation, les marchés financiers,
place diffèrent d’un pays à les professions financières et les entreprises cotées elles-
l’autre suivant la mêmes.
conception du système
Les objectifs généraux sont la protection de l’épargne et
juridique. À partir d’une
comparaison des
des investisseurs et l’allocation optimale des ressources.
réglementations américaine Ils sont atteints par la promotion des situations de
et française en vigueur, concurrence, la recherche de l’égalité des investisseurs
l’auteur souligne face aux informations disponibles, le contrôle et la fixa-
l’importance d’un système
tion de règles strictes de comportement aux intermé-
qui, entre autre, protège
l’actionnaire minoritaire et
diaires et professionnels qui sinon seraient en position
favorise la concurrence d’exercer un pouvoir de marché.
entre les marchés. Parmi les thèmes récurrents et demandant une analyse et
des réponses appropriées en termes de régulation et de
surveillance, on note plus particulièrement : les règles
prudentielles et les agréments professionnels, les mani-
pulations de cours et d’information, les problèmes
posés par les informations sensibles, leur utilisation et la

1. Les exemples cités dans ce texte le sont à titre illustratif, ils ne se


veulent pas exhaustifs et peuvent ne pas refléter des changements plus
récents.
398 Revue française de gestion

discrimination que ces pratiques peuvent maximale à chacun. Une imperfection dans
entraîner entre les actionnaires ; les conflits les mécanismes de concurrence, des bar-
d’intérêts et les façons de les éviter ou les rières à l’entrée, un pouvoir de marché, des
régler. La protection des investisseurs mino- asymétries d’information ou des externali-
ritaires. Les modalités d’organisation des tés peuvent altérer cette situation idyllique
professions et les règles à suivre de manière et justifier la mise en place d’une réglemen-
à ce que les professionnels ne tirent pas tation et d’une surveillance des marchés.
avantage de leurs clients ou du marché, en
sus des commissions librement négociées. – Exemple de défaillance
Les nombreux exemples pris outre-atlan- de la concurrence
tique le sont pour deux raisons : la première En 1994 une étude a montré qu’une collu-
tient à la disponibilité des données, les sion entre les intermédiaires financiers, pas-
autorités et les marchés américains commu- sage obligé pour acquérir une action cotée
niquant facilement sur le sujet ; la deuxième au National Association Securities Dealers
est liée au rôle de pionnier sur la plupart des Automated Quotation (Nasdaq) deuxième
sujets abordés tant des autorités de régula- marché d’actions américain, augmentait
tion considérées comme des modalités artificiellement les tarifs d’intermédiation,
d’autorégulation des marchés que des insti- alors même que 35 teneurs de marché
tutions financières anglo-saxonnes. étaient apparemment en concurrence par
La première section s’interroge sur la légi- exemple pour l’action Microsoft. Les
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timité de la régulation des marchés finan- conclusions de cette étude ont été reprises
ciers ; la deuxième section rappelle l’impor- par la grande presse américaine les 26 et
tance des textes de lois et des agences de 27 mai et à la bourse suivante, les coûts
régulation ; la troisième section développe d’intermédiation (estimés par la fourchette
certains points clefs d’une surveillance des de prix 2) ont été magiquement réduits de
marchés ; la quatrième section pose la ques- plus de 40 % et ont encore été réduits
tion de l’existence d’un optimum, la régula- depuis. Le Nasdaq et le New York Stock
tion et la surveillance n’étant pas sans Exchange (NYSE) offrent maintenant des
coûts ; la dernière section conclut. structures de coûts très proches. Depuis, les
enquêtes ont confirmé les soupçons et ont
amené à une profonde réorganisation du
I. – POURQUOI RÉGULER
Nasdaq. La profession a dû : dépenser un
LES MARCHÉS BOURSIERS ?
milliard de dollars dans la seule indemnisa-
La théorie économique enseigne depuis au tion des nombreuses actions collectives
moins Adam Smith, que le jeu de la concur- (class actions) intentées par les action-
rence permet d’assurer une satisfaction naires ; investir pour moderniser le marché

2. La fourchette (spread) est l’écart entre le prix auquel le teneur de marché vend (ask) et celui auquel il achète (bid
ou offer). La fourchette est par définition un multiple de l’échelon de cotation (tick), ce dernier représentant le pas
minimal en cas de variation de cours. Le mécanisme d’entente consistait à afficher des fourchettes en nombre pair
d’échelon de cotation. Pour des résultats récents sur l’impact des réformes, ainsi que la genèse de l’histoire depuis
1994, le lecteur se reportera à Schultz (2000).
Le rôle et l’évolution des institutions de surveillance 399

et surtout s’ouvrir la concurrence d’un car- plus bas encaissant un profit d’environ
net d’ordres depuis 1997. 240 000 dollars. Mais ce gain est très faible
en regard de la perte de la moitié de la capi-
– Exemple d’externalité négative talisation de la société Emulex soit environ
Un cas typique de manipulation est la deux milliards de dollars !
« bouilloire » (pump and dump scam ou
boiler room) qui consiste à prendre le – Quelles sont les menaces qui pèsent sur
contrôle d’un organe de presse réputé, puis les investisseurs ?
à insérer des « conseils ». La cible est le De nombreux délits observés en bourse ne
plus souvent une action peu liquide, donc sont pas spécifiques au fait que l’entre-
plus facilement manipulable telle une prise soit cotée en bourse : ainsi l’escro-
action dont le niveau de cours est très faible querie, le démarchage irrégulier, l’abus de
(penny stock). Le fraudeur procède en plu- confiance, l’établissement de faux bilans,
sieurs étapes : les dividendes fictifs, la banqueroute, la
1. conseil d’achat, présentation de comptes inexacts, le faux
2. achat du titre (pour faire monter le en écriture 3.
cours), Les régulateurs américains mettent en
3. nouvel article dans le média contrôlé : garde les investisseurs contre les menaces
« vous avez vu comme nos conseils sont les plus pressantes. Une compilation des
pertinents, et bien la hausse ne fait que listes de l’État de Californie, du National
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commencer », Association of Securities Dealers Regula-
4. vente, une fois la pompe amorcée. tion (NASDR) qui réglemente le Nasdaq
C’est une pratique très ancienne, et toujours depuis 1998, et de la SEC, en avril 2002,
d’actualité, avec de nouveaux raffinements fait ressortir :
permis par les médias actuels. Emulex est 1. les démarchages et placements de titres
une société cotée au Nasdaq et victime irréguliers. La pyramide ou cavalerie dans
d’une manipulation de ce type en laquelle l’argent des nouveaux rembourse
mars 2000. M. Jakob réussit à manipuler les anciens, est l’un des grands classiques.
une revue Internet Wire et à lui faire annon- Les pratiques de ventes à l’intérieur de com-
cer faussement une ouverture d’enquête de munautés ethniques ou de religion (métaux
la Securities and Exchange Commission précieux et devises auprès de ressortissants
(SEC) sur les dirigeants de la société Emu- originaires de HongKong, en avril 2002).
lex, ainsi qu’une forte baisse des profits de Plus rarement les tentatives de placement de
la même société. Ces fausses annonces le titres fictifs ou émis par des sociétés à l’acti-
25 août 2000, ont été reprises par plusieurs vité incertaine ;
supports dont Bloomberg. Bien sûr le frau- 2. le démarchage téléphonique non sollicité
deur avait auparavant pris des positions de (cold calling) par un intermédiaire le plus
vente à découvert puis racheté le titre au souvent accrédité ;

3. Liste dressée à partir des affaires jugées en France, suivant le dossier publié par Les Échos du 7 et 8 mai 1999,
p. 27-28.
400 Revue française de gestion

3. la manipulation d’informations et de imposée à partir de 1978 (Intermarket Tra-


cours, dont les cibles privilégiées sont les ding System, ITS) ce qui facilite l’informa-
entreprises à faible capitalisation boursière tion des investisseurs et le choix du marché
« microcap », ce qui justifie un programme le plus avantageux ;
permanent de surveillance notamment à la – les teneurs de marché du Nasdaq ont dû
SEC. accepter et organiser la concurrence avec un
Quant aux actions collectives intentées par carnet d’ordres qui lamine leurs marges
des groupes d’actionnaires, une étude d’en- depuis 1997 ;
viron 1 300 class-actions, permet à Bajaj, – l’échelon de cotation à un cent a été
Mazumdar et Sarinn (2000) de mettre en imposé à partir de l’an 2000 au détriment
cause d’abord les documents publiés et la des investisseurs institutionnels et à l’avan-
communication d’entreprise. Des banques tage semble-t-il des donneurs d’ordres de
d’affaires sont conjointement poursuivies petite taille.
dans 171 cas et des cabinets d’audit dans 82
cas. Les délits d’initiés ne sont en cause que le champ de compétence
dans 5 % des plaintes. des agences est très différent
d’un pays à l’autre
II. – LA LOI ET LES AGENCES
Le rôle des agences spécialisées dans la
DE RÉGULATION
régulation et la surveillance des marchés (à
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Le rôle de la loi est important, et de grandes l’image de la SEC créée en 1934) n’est
réformes ont été conduites au nom de prin- plus contesté. Le champ de compétence
cipes généraux comme celui de la lutte anti- des agences et les dispositifs de sur-
trust et la défense des principes de concur- veillance et de sanction sont toutefois très
rence. Sur les marchés américains, c’est différents d’un pays à l’autre et sont
sous la pression du Congrès relayé par la notamment tributaires de la conception du
SEC que : système juridique.
– l’obligation d’interconnexion des offres et De grandes différences existent entre les
demandes de dealers du marché de gré à pays où la loi est rédigée à l’image de la
gré des actions, avec présentation aux France (civil law) et ceux où la jurisprudence
investisseurs d’une offre et d’une demande joue un rôle essentiel (common law). Dans le
agrégées, a entraîné la création du Nasdaq second cas de nombreux délits financiers
en 1971 ; sont condamnés en vertu de principes géné-
– la pratique des commissions fixes a dû raux : l’encouragement de la compétition, la
être abandonnée début mai 1975 ; lutte contre les comportements anti-concur-
– l’interconnexion des différentes plates- rentiel, l’ouverture des marchés et la lutte
formes de cotation des États-Unis a été contre les barrières protectionnistes, la pro-

4. Le règlement n° 90-04 précise qu’il « est interdit de transmettre des ordres en vue d’entraver le bon fonctionne-
ment du marché ou d’induire autrui en erreur. Les opérations réalisées doivent être en conformité avec les objectifs
visés par l’opérateur ».
Le rôle et l’évolution des institutions de surveillance 401

motion et le respect de règles de prudence, la doivent pouvoir être prononcés et rendus


protection des investisseurs. publics.
Dans le premier cas, des lois et règlements Le fonctionnement des marchés repose sur
spécifiques quelquefois très détaillés sont des membres qui sont seuls habilités à
élaborés. À titre d’illustration, dans la défi- exposer les ordres. Ce privilège est justi-
nition du délit de manipulation de cours, un fiable par des considérations de sécurité du
règlement de la COB 4 vise le cas d’un marché et des échanges. L’organisation
investisseur qui manipulerait le marché en même des sociétés d’investissement et les
vendant (pour faire baisser les cours) alors méthodes de travail doivent toutefois per-
que son analyse l’amène à penser que le mettre d’assurer aux investisseurs que leurs
titre est sous-évalué et qu’il devrait donc ordres sont exécutés au mieux de leurs
être acheteur. Combien de fois ce texte a-t- intérêts. Un des premiers rapports du
il trouvé d’applications et combien d’inves- Comité européen des régulateurs de mar-
tisseurs ont-ils été condamnés ? Des textes chés de valeurs mobilières (CERVM) mis
plus simples ont souvent rencontré des dif- en place en juin 2001 développe une
ficultés d’application par des juges insuffi- réflexion et des propositions de réglemen-
samment formés. tation concernant les pratiques des profes-
Les exigences des agences régulant les acti- sionnels de l’intermédiation financières
vités financières s’expriment notamment (CESR, 2002, n° 01-014d).
sur les points suivants : la formation et les Les possibilités de conflit d’intérêts entre
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habilitations, la définition des informations les professionnels de l’intermédiation et
que les émetteurs doivent transmettre aux leurs clients sont multiples. Sous forme de
investisseurs, la réglementation du marché négligences (délai d’exécution), de tran-
du contrôle, les manipulations de cours et la saction forcée ou ne correspondant pas au
réglementation de l’utilisation des informa- profil de l’investisseur. Mais le conflit
tions sensibles. Ces points sont développés n’est pas toujours aussi visible par l’inves-
ci-après. tisseur : ainsi, les pratiques anticoncur-
rentielles et d’entente entre intermédiaires
1. Formation et surveillance déjà mentionnées ; la conclusion de tran-
des intermédiaires sactions fictives visant à donner une ani-
Compte tenu de leur proximité du marché, mation à un titre amorphe en vue d’attirer
du fait qu’ils sont au contact d’informations les investisseurs (painting the tape) ; les
sensibles, qu’ils peuvent passer des ordres transactions passées dans le même sens
pour leur propre compte ou celui de la que le client et juste avant (front-running),
société d’investissement qui les emploie et ou juste après (piggybacking) ; le fait de
que de multiples sources de conflits d’inté- privilégier un client par rapport à un autre
rêts peuvent surgir, une formation est indis- (cherry picking). Les intermédiaires peu-
pensable. Elle doit être accompagnée vent par ailleurs être en contact profes-
d’examens professionnels vérifiant les sionnel avec les entreprises, ce qui est
compétences, de licences et agréments. Des l’origine de nombreux conflits d’intérêts
suspensions et des retraits d’habilitation supplémentaires.
402 Revue française de gestion

APPLICATION ET INTERNALISATION

Un courtier reçoit des ordres d’achat et de vente sur le même titre. S’il présente les deux
sur le marché (par exemple Euronext) en les appariant en quantités identiques c’est une
application (agency cross). Le courtier membre bénéficie d’un tarif d’exécution préfé-
rentiel et il peut fixer un prix à sa convenance entre les deux limites de la fourchette.
L’application ne participe pas à la détermination du cours et le courtier n’est pas obligé
(sur Euronext) d’informer son client de l’exécution sous cette forme. Mieux, s’il se porte
contrepartie du client (principal cross) il peut exécuter la transaction sur le marché
comme une application (sur Euronext). On voit ici une incitation à maintenir l’échelon
de cotation qui est la valeur minimale de la fourchette !
Si le courtier réalise la même opération sans transmettre les ordres à un marché régle-
menté, c’est une internalisation. Le courtier gagne les frais de transaction sinon facturés
par le marché. On remarque que l’application comme l’internalisation provoquent une
fragmentation et que dans les deux cas l’avantage en coût d’exécution n’est probable-
ment pas répercuté sur le client.
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– un débat oppose début 2002, Euronext et
vers une interconnexion
plusieurs associations de courtiers (voir
des marchés européens ACPIMS) quant à l’internalisation des
permettant la comparaison transactions (voir encadré ci-dessus).
des prix et des conditions Euronext soutient que la centralisation du
d’échange flux d’ordres et l’exécution sur un marché
réglementé est à même d’assurer la trans-
Le choix même d’un modèle de marché
parence et l’efficience. Les associations de
n’est pas neutre et peut avantager les inter-
traders sont d’un avis contraire et estiment
médiaires par rapport aux investisseurs ou
que les marchés de carnet d’ordres tentent
bien parmi les investisseurs les institution-
de reconstituer leur monopole sous cou-
nels par rapport aux « petits porteurs ».
vert d’une réglementation les favorisant.
Parmi les questions les plus urgentes :
La réglementation en la matière doit privi-
– ne doit-on pas imposer une intercon-
légier l’investisseur qui doit être informé,
nexion des marchés européens, de façon à
voire donner son accord ;
ce que la comparaison des prix et des
– comment justifier que les applications
conditions d’échange soit facilitée pour
(agency cross) peuvent être réalisées à la
les investisseurs et la fragmentation
discrétion de l’intermédiaire et qui plus est
réduite ?
sans que l’investisseur en soit avisé et puisse
– pour quelle raison ne pas fixer l’échelon
en partager le bénéfice avec l’intermédiaire ?
de cotation à un centime d’euro ?
(voir encadré ci-dessus)
Le rôle et l’évolution des institutions de surveillance 403

– comment admettre que les contreparties l’information financière en formulaires


(principal cross) peuvent être exécutées standardisés (electronic filing require-
dans les mêmes conditions que les applica- ments), regroupés dans la base Edgar de la
tions (agency cross) ? SEC, a été progressivement rendue obli-
– les conditions d’exécution des ordres gatoire aux États-Unis à partir de 1993 et
groupés par l’intermédiaire nécessitent une en mai 2002 pour les émetteurs étrangers.
surveillance particulière pour éviter notam- Ces formulaires facilitent la lecture et les
ment le cherry picking. comparaisons.
Un donneur d’ordre de grande taille dont la Les gérants d’OPCVM (organisme de pla-
transaction n’est pas motivée par la déten- cement collectif en valeurs mobilières) doi-
tion d’une information doit être protégé vent en France calculer et diffuser chaque
contre le risque de front-running, ce qui séance la valeur liquidative si le montant
peut justifier la mise en place de conditions des fonds gérés dépasse 80 millions d’eu-
spécifiques d’échanges sur un marché des ros. Si la composition des portefeuilles
blocs. Il n’y a toutefois aucune raison d’ad- était publiée régulièrement, même avec un
mettre une diffusion d’information privilé- certain décalage préservant le savoir-faire
giée aux opérateurs sur blocs sous forme du gérant, cette information serait d’une
d’un accès à une salle d’information (data grande utilité, elle permettrait à des
room), où sont disponibles des informa- agences indépendantes d’évaluer les per-
tions sensibles par exemple sur les comptes formances. En effet, comme l’ont montré
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prévisionnels. Les engagements de confi- Grinblatt et Titman (1993) la valeur ajoutée
dentialité et de non-intervention en bourse d’une gestion active est égale à la création
sont une évidence sans résoudre tous les de valeur due aux changements de la com-
conflits d’intérêts notamment avec les position du portefeuille. Cette estimation
actionnaires minoritaires si la cession de ne nécessite que la connaissance précise de
bloc n’est pas suivie d’une offre publique la composition des portefeuilles à inter-
sur l’ensemble du capital. Si l’offre est valles réguliers.
faite à tous les actionnaires et si l’accès à la
data room est possible pour les offres pour une formulation claire
concurrentes éventuelles la situation est des offres
différente bien sûr.
L’absence d’obligation de publication, ne
2. Réglementation de la communication permet-elle pas à certains hedge funds de
entre les émetteurs et les investisseurs publier ce qui les arrange et ne serait-ce pas
une explication au moins en partie de leur
La réglementation en matière de commu-
supposée sur-performance (voir Asness,
nication entre les entreprises et ses action-
Krail et Liew, 2001) ?
naires porte sur la fréquence des publica-
tions et la qualité des règles comptables 3. Réglementation du marché
utilisées. On a vu en France les réticences du contrôle
des dirigeants à publier les conditions de
la réglementation du marché du contrôle
leurs rémunérations sans obligation
qui joue ou doit jouer un rôle central d’éva-
légale. La rédaction des comptes et de
404 Revue française de gestion

luation des équipes dirigeantes et éventuel- tection des actionnaires minoritaires. La


lement de sanction doit définir de saines définition des droits de propriété est claire-
règles de concurrence : éviter les ment un préalable à la mise en place d’un
manœuvres de défense déloyales et inciter à marché. Dans un monde sans frictions,
la formulation d’offres claires ne privilé- idéalisé, les revenus résiduels de l’entre-
giant pas un sous-groupe d’actionnaires. Le prise sont strictement proportionnels aux
droit des sociétés doit être conçu de apports en capital. Pourquoi et comment
manière à protéger les droits des action- peut-il en être autrement ?
naires minoritaires et de telle manière à ce
que la meilleure des protections pour les – L’hypothèse de capture de bénéfices
dirigeants de l’entreprise soit la qualité de (et de tunneling)
leur gestion. Les points de réglementation Ci-après l’insider désigne les dirigeants
ici concernent notamment : ou les actionnaires exerçant le contrôle et
– l’obligation de lancement d’une OPA sur les outside investors les actionnaires
la totalité du capital dès qu’un actionnaire minoritaires.
franchit la barre des x %. Dans le cas fran- Si un groupe d’actionnaires tire du contrôle
çais le seuil est de un tiers, mais 36 à 42 de l’entreprise des avantages financiers et
dérogations ont été accordées chaque année ainsi obtient un partage des richesses géné-
par le CMF ; rées par l’entreprise non proportionnel à la
– l’impossibilité durant la période d’une participation au capital, on parle de capture
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offre publique, de mettre en place des dis- de bénéfices. Cette expropriation, peut
positifs de défense. Le mercredi 4 juillet prendre différentes formes : une cession
2001 le Parlement européen a rejeté une d’actif, à un prix sous-évalué, à une entité
directive soumise par la Commission euro- juridique totalement contrôlée par les insi-
péenne et relative aux offres publiques qui ders ; un achat de biens et services surfac-
était en discussion depuis douze ans. Une turé par une entité contrôlée par les insiders
des dispositions spécifiait que les diri- (peut-être une des holdings de tête dans une
geants devaient réunir les actionnaires construction pyramidale) ; la rémunération
après le lancement d’une offre publique de personnes non qualifiées ou la sur-rému-
mais avant toute définition de dispositifs nération de personnes compétentes dans les
anti-OPA 5. deux cas proches des insiders ; le surinves-
tissement dans des projets ne maximisant
4. Protection des actionnaires pas la richesse de l’ensemble des action-
minoritaires naires. Le « tunneling » est un vocable
La réglementation et le droit jouent (ou doi- imagé désignant ce type de pratique d’esca-
vent jouer) un rôle fondamental dans la pro- motage de ressources 6.

5. Ont votés contre l’ensemble des députés allemands, les hollandais mais aussi chez les députés français :
les communistes, les écologistes et une partie de l’UDF. Voir l’article de Quatremer J., dans Libération du
5 juillet.
6. Stiglitz J.E. : « Inadequacies in the legal infrastructure underlying corporate governance, leading managers to
have incentives directed more at stripping assets and « tunneling » than in creating wealth », 2000, p. 1468.
Le rôle et l’évolution des institutions de surveillance 405

une décote des actions sans droit remarque la possibilité de modifier les sta-
de vote par rapport tuts et d’admettre des droits de vote double
sous condition de détention, ou encore le
à celles qui en sont pourvues
plafonnement des droits de vote expri-
Le droit de vote peut être évalué par com- mables en assemblée.
paraison de la valeur de titres avec ou sans Les modifications statutaires doivent être
droit de vote émis par la même société. approuvées par une majorité des deux tiers
L’interprétation la plus vraisemblable de la des actionnaires présents ou représentés, ce
décote des actions sans droits de vote par qui, compte tenu du taux d’abstention dans
rapport à celles qui en sont pourvues, est les assemblées des sociétés dont le capital
l’importance des captures de bénéfices. est dispersé, donne une marge de manœuvre
Zingales (1994) remarque les valeurs parti- très confortable aux dirigeants aux affaires.
culièrement élevées en Italie. Dyck et Zin- Certaines modifications de statuts sont qua-
gales (2002) montrent que d’un pays à siment irréversibles, leur adoption par des
l’autre la prime payée pour un bloc est très assemblées où le quorum est très faible
variable et dépend du degré de protection apparaît très contestable. Ne serait-il pas
que la loi offre aux investisseurs minori- sain de modifier la réglementation en intro-
taires. Reese et Weisbach (2002) montrent duisant par exemple une clause de quorum,
que l’un des avantages de la double cota- au moins dans le cas d’une modification des
statuts remettant en cause l’exercice des
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tion, est d’accroître la protection offerte aux
minoritaires, notamment si la deuxième droits de vote ? La législation pourrait alter-
cotation est demandée sur un marché nativement définir un droit de veto expri-
davantage réglementé que le marché mable par x % des actionnaires sur ce type
domestique. de décisions (ces aspects sont développés
dans Hamon, 2001).
– Anti-director rights
(droits anti-états majors) – Les informations sur la structure
Sous l’expression « anti-director rights », de l’actionnariat
la littérature recense diverses dispositions En France les franchissements de nom-
visant à offrir des protections légales breux seuils en capital comme en droit de
contre les tentatives d’expropriation des vote doivent faire l’objet d’une déclaration
actionnaires minoritaires par les insiders. spécifique. Les entreprises cotées peuvent
Ces dispositions concernent les conditions modifier leurs statuts et introduire des
d’exercice du droit de vote et les possibili- seuils intermédiaires à partir de 0,5 %, ou
tés de recours. Tous les dispositifs permet- obliger l’inscription au nominatif des titres.
tant de dissocier la propriété du droit de Il n’y a pas toutefois de base de données
vote et de s’écarter du principe one-share- maintenue par les organismes de régulation
one-vote peuvent être utilisés par des diri- et rendue publique, ce qui rend le coût
geants peu efficaces pour s’enraciner d’exploitation de cette information prohibi-
(management entrenchment). Parmi ces tif. De fait, seules les directions d’entre-
dispositifs admis en droit français on prises ont accès à la structure de l’actionna-
406 Revue française de gestion

riat de leur société, ce qui créé une asymé- – De l’importance de la communication


trie d’information dommageable. à propos du délit d’initié
Une grande différence est observée quant à
5. La manipulation des cours
la manière de communiquer sur le sujet. En
et le délit d’initié (market abuse)
France, les règles de séparation entre les
Que quelqu’un détienne une information pouvoirs, la présomption d’innocence et le
sur les bénéfices futurs ou plus générale- principe du secret de l’instruction font que
ment une information susceptible d’affecter les informations sur les affaires en cours
la valeur d’une entreprise cotée n’est pas en transpirent peu. Les États-Unis pratiquent
soi un délit : il est même souhaitable que les le pilori et affichent les noms, le détail des
dirigeants d’une entreprise soient dans cette manipulations en cours d’instruction et
situation. Ce qui est en revanche répréhen- donc bien avant que le résultat de la der-
sible c’est l’utilisation de la dite informa- nière procédure d’appel possible soit
tion pour réaliser un profit personnel. Dans connu. Voir le remarquable site du NASDR
ces cas la règle de conduite doit être claire : sur le sujet ou celui de la SEC. La commu-
ne pas acheter ou vendre en bourse (direc- nication a un rôle pédagogique et d’infor-
tement ou indirectement bien sûr) avant que mation des investisseurs. Elle réduit le délai
l’information détenue ne soit rendue entre l’infraction et la sanction annoncée.
publique. Ces principes sont appliqués de Elle joue un rôle de prévention.
manière assez diverse : on a vu des tribu-
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naux français affirmer que certaines tran- – Pourquoi réglementer les opérations
sactions d’initiés ne causaient pas de préju- d’initiés ?
dice aux actionnaires 7, ou relaxer des La nécessité d’une réglementation apparaît
dirigeants dont la défense consistait à affir- si on considère la protection des droits de
mer que la vente du titre n’avait aucun rap- propriété sur l’information (Bainbridge,
port avec l’information qu’ils détenaient (le 2000), et l’incitation des dirigeants à retar-
bénéfice de l’entreprise en forte baisse), der la diffusion d’informations dans l’hypo-
mais était liée à un urgent besoin de tréso- thèse d’une non-interdiction des opérations
rerie 8. Le point de vue anglo-saxon sur la d’initiés. De plus les délits d’initié sont sou-
question est beaucoup plus rigide et ce type vent indissociables d’autres délits tels que
de défense y est inconcevable.

7. Suivant Les Échos du 4 décembre 2001, un tribunal français, saisi par une association d’actionnaires minoritaires
a rendu en juin 2000 une ordonnance de non lieu à propos de transactions sur Immobail au motif que « la ces-
sion d’actions par les administrateurs, disposant d’informations privilégiées, si elle peut porter atteinte au fonction-
nement normal du marché, ne cause par elle-même aucun préjudice personnel et direct aux autres actionnaires de la
société, ni à la société elle-même ».
8. Suivant Le Monde du 18 mars 1994 et du 26 novembre 1995, P. Bergé aurait cédé 3 % du capital d’Yves Saint
Laurent avant la publication de résultats trimestriels défavorables durant l’été 1992. La COB a fixé une pénalité de
3 millions de francs en octobre 1993 pour « manquement d’initiés ». En mars 1994, la cour d’Appel a réduit la péna-
lité de 3 à 1 million de francs en raison « de la pression de la banque pour apurer sa situation débitrice ». Une ins-
truction a été ouverte avec mise en examen le 30 mai 1994 et un non-lieu finalement prononcé le 16 octobre 1995.
Le rôle et l’évolution des institutions de surveillance 407

la manipulation d’information et la manipu- ment aux États-Unis. Les auteurs constatent


lation de cours 9. une absence d’impact sur les rentabilités
avant et après la promulgation d’un texte
la révélation de délit d’initiés réglementant les opérations d’initiés et une
provoque des accroissements augmentation des cours en moyenne de 3 %
des coûts de transaction après la première sanction prise. Cette aug-
mentation du cours traduit une réduction du
L’impact le plus dommageable de ces délits
taux de rentabilité exigé ex ante et donc une
est probablement à rechercher dans la
baisse du coût du capital.
modification des comportements qu’ils
induisent. Si la probabilité de présence
d’initié ou de manipulation des cours est III. – LES POINTS-CLÉS
significativement différente de zéro, les D’UN SYSTÈME DE SURVEILLANCE
investisseurs non informés et/ou honnêtes
exigeront probablement une compensation 1. Les actionnaires et leurs relations
pour détenir des titres cotés sur un tel mar- avec les entreprises
ché. La méfiance, la perte de réputation et Tous les actionnaires ne sont pas à égalité
l’accroissement de l’asymétrie d’informa- face à l’information. Les insiders sont en
tion sont des sources importantes d’accrois- possession d’informations sensibles du fait
sement des coûts de transaction et d’aug- de leur activité professionnelle. Plusieurs
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mentation de la rentabilité exigée donc du législations définissent les insiders et leur
coût du capital. imposent des contraintes spécifiques.
Les délits d’initiés ont fait l’objet d’une
réglementation dans 87 marchés sur les 103 – Définition de l’insider aux États-Unis
recensés par Bhattacharya et Daouk (2002). Un insider est tout actionnaire détenant
Les premiers textes de lois datent de 1934 plus de 10 % du capital d’une société ainsi
aux États-Unis, et dans 53 pays ils sont pos- que tout haut dirigeant, de même que tout
térieurs à 1989. Dans 38 pays seulement, au homme de loi ou auditeur en relation d’af-
moins une condamnation a été constatée, le faires avec l’entreprise 10. Ils doivent dans
décalage pouvant être important entre la les dix jours suivant toute transaction, en
promulgation du texte et la première transmettre les caractéristiques à la SEC,
condamnation, enregistrée en 1961 seule- qui elle-même les publie régulièrement

9. Au cours du printemps 1997, les dirigeants d’Adaptec, cotée au Nasdaq, sont soupçonnés d’avoir mani-
pulé les informations diffusées dans le but de faire augmenter les cours. Le 8 janvier 1998, Adaptec annonce
une forte baisse du bénéfice pour le 3 e trimestre de 1998, le cours du titre chute spectaculairement de 44 %
en une séance. Les douze principaux dirigeants d’Adaptec ont vendu avant le 8 janvier, 85 % de leurs
actions pour un gain litigieux de l’ordre de 31 millions de dollars. Trois plaintes collectives (class action)
sont constituées.
10. La SEC propose le 8 mai 2002 un traitement assez similaire pour les analystes financiers amenés à faire des
recommandations sur un titre, ils devraient rendre publique la quantité de titres détenus en propre, de même que la
variation de position de leur banque sur le titre.
408 Revue française de gestion

(Official Summary of Security Transactions Les obligations qui pèsent sur les marchés
and Holdings, OSSTH 11). L’obligation dépendent du statut obtenu auprès des auto-
concerne également les titres optionnels et rités. En Europe une distinction est faite par
notamment les exercices de stock options. la DSI entre marché réglementé et non
Les insiders sont sous surveillance parti- réglementé. L’obligation de diffusion d’in-
culière de la SEC mais aussi de tous les formation, d’enregistrement et de conserva-
investisseurs puisque leurs transactions tion des transactions et des données de mar-
sont rendues publiques avec un léger dif- ché ainsi que l’obligation de surveillance
féré et font l’objet d’exploitations mul- des transactions et de la solvabilité des inter-
tiples (voir le service CDA/investnet dif- médiaires est associée au statut de marché
fusé par First Call). réglementé. Des statuts équivalents sont
observés par exemple en Grande-Bretagne
– Les réglementations en dehors avec le recognised investment exchange
des États-Unis (RIE), ou aux États-Unis où un registered
Des réglementations similaires existent au exchange est un marché ou une association
Canada, en Grande Bretagne, en Hollande, reconnu comme self-regulatory organisa-
en Espagne 12 ou sur la bourse de Oslo par tion (SRO) par la SEC. Les points de régle-
exemple. En France suivant Le Monde du mentation sont nombreux, notons les cri-
21 mars 2002, la COB recommande la tères d’admission à la cote, le modèle de
publication (tous les six mois) des transac- marché et la surveillance du flux d’ordres.
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tions (globales et non détaillées, et hors
exercice de stock-options) par les dirigeants Les critères d’admission à la cote
et les mandataires sociaux avec mise au Les marchés définissent des règles d’admis-
nominatif des actions détenues, ce qui va sion qui ne sont pas identiques pour toutes
dans le bon sens tout en étant très en retrait les sociétés cotées, mais sont définis à l’in-
de ce qui est exigé ailleurs. térieur de segments de cotation. L’admis-
sion dans les segments les plus prestigieux,
2. Les marchés eux-mêmes où se retrouvent les titres les plus liquides,
Les entreprises responsables du fonctionne- implique l’adhésion à des règles plus
ment des marchés définissent des règles de strictes que celles imposées par la législa-
fonctionnement et mettent en place des tion, à titre d’exemple :
structures de surveillance qui auscultent en – la Deutsche Börse en août 2001 a décidé
permanence le flux d’ordres, surveillent les la radiation de Porsche de l’indice M-Dax,
méthodes de travail des « membres du mar- la société se refusant à publier des comptes
ché » et ont des instances disciplinaires. trimestriels ;

11. Cette information est reprise par différents médias comme www.msn.com : le 10 mai 2002 on y apprend que
J. Bezos, Chief Executive Officer d’Amazon détient 112 millions d’actions et en a vendu le 8 février 3 millions pour
36 millions de dollars ; ou que W. Gates III, Chairman of the Board de Microsoft détient 644 millions d’actions et
en a vendu 999 400 le 1er mars pour 61 millions de dollars. Aux États-Unis les insiders sont par ailleurs encouragés
à publier leurs transactions projetées.
12. La « Commision national del mercado de valores (CNMV) » définit l’insider comme tout haut dirigeant ou tout
actionnaire à plus 5 %.
Le rôle et l’évolution des institutions de surveillance 409

– Euronext a inauguré deux nouveaux seg- Un deuxième objectif de surveillance


ments de cote en 2001, NextEconomy pour concerne le respect des engagements
les entreprises « nouvelle économie » et contractuels des teneurs de marché. L’orga-
NextPrime les secteurs traditionnels. nisation du NYSE admet un spécialiste en
Toutes les entreprises actuellement cotées situation de monopole sur le flux d’ordres.
sont invitées à demander leur inscription C’est le spécialiste qui a le choix de l’affi-
sur l’un ou l’autre. Les deux segments chage de la fourchette. Le rôle du spécia-
définissent de nouvelles règles de commu- liste est d’améliorer la liquidité et non pas
nication que les entreprises qui y figurent de tirer un avantage personnel de sa situa-
s’engagent progressivement à suivre. Dès tion très particulière. Différents indicateurs
leur inscription, les engagements concer- sont évalués en temps réel, rendus publics
nent la publication en anglais des informa- et permettent de juger de la qualité du tra-
tions financières, l’organisation d’au vail des spécialistes. Par exemple, le pour-
moins deux réunions d’analystes par an, la centage d’interventions dites stabilisantes
publication des résultats sur site web et (qui sont les achats sur compte propre du
l’affichage d’un calendrier des réunions et spécialiste lorsque la dernière variation de
des publications, et d’ici janvier 2004, cours était à la baisse ou les ventes sur
l’engagement de publier des comptes tri- variations de cours à la hausse).
mestriels et d’adopter des normes comp-
tables internationales (IAS) au moins par Surveillance des transactions
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réconciliation ; Le stockwatch est un système d’ausculta-
– le NYSE a défini le 6 juin 2002 de nou- tion et d’analyse en temps réel du flux
velles règles d’admission qui devraient pro- d’ordres mis en place par le NYSE. Un
gressivement entrer en vigueur d’ici fin écrémage des données de marché à partir
2003 et qui exigent notamment plus de la d’une modélisation des variations de cours
moitié d’administrateurs indépendants dans permet d’identifier une première série de
les conseils d’administration. situations critiques. Cette première étape
utilise diverses sources de données telles
Surveillance des membres que les flux d’ordres horodatés du marché,
Une surveillance des intermédiaires les cours et volumes ; les données d’actions
membres doit être organisée tout d’abord mais aussi d’options. Une deuxième étape
dans l’objectif de vérifier si les fonds également automatisée permet de remonter
confiés par les investisseurs sont en sécu- la chaîne des donneurs d’ordres, d’obtenir
rité. Sur le NYSE elle consiste notamment le nom des investisseurs auprès des
en une analyse des positions, une vérifica- membres et de comparer avec ceux d’une
tion du respect des ratios de prudence, et de base de données recensant les dirigeants
la solvabilité financière. Des visites et d’entreprises, les avocats, les professions
contrôles impromptus sont organisés. bancaires, comptables et d’audit 13.

13. Automated Search and Match (ASAM), contient les noms de plus de 800 000 dirigeants, hommes de lois, audi-
teurs, comptables, banquiers d’affaires sur environ 80 000 entreprises.
410 Revue française de gestion

Les cas douteux font l’objet d’enquêtes Dans la réglementation du marché français,
supplémentaires, sont transmis à la SEC et le taux de couverture est plutôt plus faible
font l’objet de procédures de sanction au (20 % si la couverture est en espèces, 40 %
niveau du NYSE lorsque des intermédiaires si elle est en titres négociés sur un marché
membres du marché sont impliqués. Ces réglementé) mais seule une minorité des
sanctions peuvent être contestées et faire titres sont éligibles au « service à règlement
l’objet d’appels au niveau du marché lui- différé ». Ce qui limite les arbitrages, juste-
même, de la SEC, de cour d’appel et de la ment dans l’hypothèse où les cours seraient
cour Suprême. à des niveaux « trop élevés ».

Cas particulier des ventes à découvert Spécificités des dérivés ?


L’acheteur à découvert prend position Houthakker (1982) rappelle qu’une préoc-
aujourd’hui avec l’engagement de payer à cupation importante de la Commodity
une date ultérieure. Un intermédiaire se Futures Trading Commission (CFTC) qui
substitue à lui entre les deux dates et règle régule et surveille les marchés à terme aux
au comptant le vendeur qui apporte les États-Unis est la prévention des situations
titres. De même le vendeur à découvert de corner et de squeeze. C’est la raison des
prend un engagement de livrer qui nécessite contraintes en matière de taille maximale
un prêt de titres jusqu’à la date de livraison. des positions ouvertes par exemple. Il s’agit
Le système est fiable tant que l’on est sûr de prévenir les situations d’abus de position
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que les donneurs d’ordres à découvert tien- dominante. En revanche quant à la défini-
dront leurs engagements, sinon l’intermé- tion des nouveaux contrats il estime que
diaire peut lui-même se retrouver en diffi- cela devrait être du ressort des seuls mar-
cultés. Un système de couverture des chés et pas de la CFTC.
opérations de découvert exige le dépôt d’un
montant nécessaire à couvrir les pertes 3. Organisation des entreprises
potentielles (en cas de hausse pour le ven- et intermédiaires financiers
deur, et de baisse pour l’acheteur). La nature même de l’activité de certaines
Aux États-Unis depuis 1934, la responsa- entreprises (les banques d’affaires par
bilité de la fixation des couvertures (mar- exemple) impose la définition de règles de
gin) est du ressort des autorités moné- fonctionnement et d’organisation spéci-
taires. En France le taux de couverture fiques. Les entreprises d’intermédiation
minimum est fixé par le CMF. Le rôle joué financière doivent également définir des
par les taux de couverture minimum sur le codes de conduites applicables à tous ceux
niveau de la volatilité est contesté. Hsieh susceptibles d’être en contact avec des
et Miller (1990) montrent ainsi que les informations sensibles ou tout simplement
changements décidés par la banque fédé- avec le flux d’ordres de la clientèle.
rale américaine suivent les changements
Murailles de Chine
de volatilité sans les anticiper et critiquent
le niveau élevé du taux de couverture – Au sein des banques d’affaires
imposé aux investisseurs américains (50 % Les activités corporate finance ou capital
de 1974 à 1990). market des banques d’affaires amènent
Le rôle et l’évolution des institutions de surveillance 411

ceux qui y travaillent à être en contact avec listes sensibles (watch list) gérées par le ser-
des informations sensibles relatives à des vice de déontologie et comportant les titres
projets de regroupement d’entreprises ou sur lesquels le département trading ne doit
des émissions de titres notamment. L’infor- pas intervenir en spéculation.
mation ainsi recueillie ne doit pas pouvoir Certaines affaires ont illustré la difficulté de
être utilisée par le personnel ayant directe- mise en place de telles procédures. Suivant
ment connaissance de l’information sen- Libération, du 26 juillet 1995, la COB
sible, ni par du personnel d’autres départe- aurait ouvert une « procédure de sanction »
ments de la même banque tels que ceux des contre plusieurs banques pour « délit et
études et de la recherche ou bien sûr du manquement d’initié ». En juin 1994, Euro-
trading. tunnel a réalisé une augmentation de capital
Le règlement de la COB (90-08, art 6) en numéraire. Vingt banques s’étaient por-
enjoint à « prendre toutes mesures utiles en tées garantes du placement avec trois chefs
vue d’éviter l’utilisation abusive et la circu- de files (Indosuez, SG Warburg – à l’époque
lation d’informations privilégiées ». SBC, Suiss Bank Corporation – et Morgan
Grenfell). L’opération a dans ce cas été pro-
la mise en place de services bablement conclu entre le département
de déontologie ayant autorité corporate des banques et la direction d’Eu-
hiérarchique dans les conflits rotunnel. La garantie de placement génère
d’intérêt en matière d’information une commission pour les banques mais est
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une source de risque pour elles si le cours
Des règles doivent préciser en particulier la d’Eurotunnel baisse. Une telle garantie
démarche à suivre lorsqu’un département équivaut à une option de vente achetée par
doit faire appel à une compétence localisée Eurotunnel et lui permettant de livrer les
de l’autre coté de la muraille (analyste 14 ou titres aux banques garantes contre un prix
trader). Cela implique par exemple une d’exercice (qui sera proche du prix d’émis-
séparation physique des activités, la rédac- sion des actions nouvelles). La banque d’af-
tion d’un manuel de déontologie (com- faires doit gérer ce risque, elle peut le faire
pliance manual) précisant les règles et en achetant elle-même un put par exemple
démarches à suivre en cas de détention d’in- auprès de son propre département trading.
formation sensible ; la mise en place d’un Le département trading ne trouvera pas sur
service de déontologie traitant des conflits le marché un vendeur de put Eurotunnel
d’intérêts (compliance department). Ce ser- pour une quantité aussi importante, il doit
vice doit éventuellement avoir autorité hié- adopter une autre approche : il peut par
rarchique pour suspendre l’activité ou même exemple couvrir la position en vendant (à
licencier, et doit préciser les règles à suivre découvert) des actions Eurotunnel. La
lors des mises en contact professionnel des banque pourra alors avoir quelques difficul-
deux côtés de la muraille. D’autres mesures tés à expliquer qu’en tant de chef de file et
peuvent être prises telles que l’enregistre- garant de l’augmentation de capital (dépar-
ment des conversations téléphoniques tement corporate) elle se retrouve à vendre
entrantes et sortantes ou la mise en place de

14. le 8 mai 2002 la SEC a rendu obligatoire une telle séparation.


412 Revue française de gestion

avant l’émission des actions Eurotunnel que la concurrence entre les gérants
(département trading). Ce qui correspond à d’OPCVM, or les mécanismes de fidélisa-
une saine gestion des risques peut appa- tion sont puissants ;
raître comme un mélange de genres vu de – un taux de rotation important du porte-
l’extérieur. Car ne peut-on pas imaginer une feuille génère de nombreux ordres (et un
porosité de la muraille de Chine, et des volume de courtage important) qui transi-
ventes au moins partiellement motivées par tent par un membre du marché qui peut être
d’éventuelles informations en provenance en rapport étroit avec la même institution
du département corporate ? Dans cette financière, ce qui pose là encore un conflit
affaire, la COB a abandonné les poursuites d’intérêts. En France en effet, très peu de
contre certaines des banques en mars 1996, sociétés d’investissement (membres du
mais une instruction est semble-t-il toujours marché et intermédiaires obligés par les-
en cours (Libération, 23 février 2000). quels les ordres transitent) sont restées
Dans un tel cas, le plus simple ne serait-il indépendantes, elles sont le plus souvent
pas pour une banque de s’interdire de réali- contrôlées par de grandes institutions
ser le placement et simultanément la garan- financières.
tie ? Ou bien ne devrait-elle pas couvrir la La situation peut être assainie en renforçant
garantie auprès d’un autre établissement ? les obligations et la fréquence de publica-
tions des OPVCM : sur la composition des
– À propos de la gestion collective portefeuilles, les frais de gestion et la part
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D’autres conflits d’intérêts potentiels exi- du courtage transitant par la société d’in-
gent un cloisonnement entre les banques vestissement « maison ».
et les OPCVM. En France ce sont le plus
souvent des institutions financières (et sou- – À propos des analystes financiers
vent des grandes banques) qui sont à l’ori- Les sources de conflit d’intérêts sont égale-
gine de la création et de la gestion des Sicav ment nombreuses concernant le travail des
et FCP. Cette situation est la source de mul- analystes financiers.
tiples conflits d’intérêts potentiels, relevons Leur gestion privée de portefeuille devrait
en trois : être sous surveillance, du moins en ce qui
– l’information sensible récoltée par la concerne les titres pour lesquels ils émet-
banque (d’affaires ou de réseau) dans ses tent des recommandations 15. Ceux tra-
contacts avec les entreprises ne devrait pas vaillant dans des fonds (OPCVM) – dits
pouvoir être utilisée par les gérants ; analystes buy side – ne doivent évidemment
– le réseau de la banque ne devrait pas dis- pas bénéficier d’éventuelles informations
tribuer de manière exclusive les « produits confidentielles obtenues d’autres départe-
maisons », et le libre choix des investis- ments du même groupe financier comme
seurs devrait pouvoir être préservé ainsi indiqué plus haut.

15. Le 8 mai 2002 la SEC suggère que toute transaction d’analyste contraire à ses recommandations soit interdite.
Par ailleurs il est interdit pour un analyste de recevoir des commissions sur des opérations du département corpo-
rate. A chaque rapport d’analyse devront être mentionnés les liens éventuels du département corporate avec l’en-
treprise en question sur les 12 derniers mois, et un graphique sur 12 mois des évolutions de cours avec rappel des
dates des conseils passés de l’analyste.
Le rôle et l’évolution des institutions de surveillance 413

(achat/vente) sur les titres de la société en


analyses biaisées et analyses
passant par un intermédiaire désigné par
uniquement positives, l’entreprise (464 cas). Dans 78 % des cas
analyses influencées une période d’interdiction de transactions
par les émetteurs de titre est définie. Un mois avant la publication tri-
mestrielle des bénéfices, moins de 15 % des
Les analystes sell-side travaillant dans les
entreprises autorisent les transactions et
banques d’affaires ou chez les courtiers doi-
moins de 5 % l’autorisent cinq jours avant.
vent également gérer des conflits d’intérêts.
Près de 100 % autorisent les transactions
L’organisation des entreprises, comme les
entre 2 et dix jours après, ensuite cette pro-
modes de calculs des rémunérations doivent
portion baisse très fortement. Le schéma le
préserver leur indépendance par rapport aux
plus fréquent (186 cas) consiste à autoriser
vendeurs (sales traders). Leurs analyses ne
les transactions seulement quatre fois par
doivent pas être influencées par les relations
an et pendant une fenêtre de dix jours com-
particulières de leurs entreprises avec les
mençant deux jours après la publication du
émetteurs de titres.
bénéfice trimestriel, et à les interdire à
Un risque important est de présenter des
l’achat comme à la vente sinon.
analyses biaisées. Biaisées car l’analyste
Pourquoi une telle rigueur? D’abord pour se
d’une grande banque peut-il dire du mal
protéger des possibilités d’attaque de la SEC
d’une entreprise pour laquelle la banque est
qui a régulièrement mis en cause les entre-
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en train de monter une opération d’émis-
prises pour défaut de surveillance ou de
sion, ou d’introduction en bourse ? Souvent
contrôle de leurs cadres; ensuite par calcul
au mieux l’analyste s’abstiendra et ne
économique relatif aux relations avec les
publiera que les analyses positives 16.
actionnaires ordinaires. Les résultats obser-
Période d’interdiction des transactions vés sur le marché en période de black-out
(black out) montrent une réduction significative de la
La définition de périodes d’interdiction de fourchette (bid-ask spread) interprétée
transactions est de plus en plus courante comme une probable réduction de la situation
dans les entreprises américaines et s’ap- d’asymétrie d’information. La réduction du
plique à tout le personnel dirigeant ou problème d’anti-sélection et la baisse du coût
cadre. Bettis, Coles and Lemmon (2000) du capital sont probablement recherchées.
analysent 690 sociétés en 1996. Dans 92 % Gouvernance des marchés
des cas des mesures diverses sont appli-
Il est frappant de constater que les entre-
quées pour contraindre ou encadrer les tran-
prises gérant les différents marchés finan-
sactions d’insiders. Parmi ces mesures,
ciers ou de matières premières de la planète
l’obligation de réaliser toute transaction

16. Les affaires ont été nombreuses à ce sujet ces deux dernières années, on se limitera à rappeler l’enquête de l’At-
torney général de New York (Eliot Spitzer) sur Merrill Lynch qui a trouvé des e-mails privés d’analystes (Blodget,
analyste vedette en valeurs technologiques) qui entrevoyaient des perspectives catastrophiques pour certaines
valeurs technologiques qu’ils recommandaient par ailleurs à l’achat. ML conclut un arrangement avec notamment
le paiement d’une indemnité de 100 millions de dollars (suivant La Tribune du 22 mai 2002).
414 Revue française de gestion

jusqu’à une période très récente, non seule- devraient être plus clairement définis et
ment n’étaient pas elles mêmes cotées en moins en interférence avec les objectifs
bourse, mais qu’en plus leur forme juri- propres des membres. Le statut de société
dique s’apparentait souvent à une sorte de ordinaire, qui plus est cotée en bourse
coopérative ouvrière ou de mutuelle. Le impose par ailleurs des diffusions d’infor-
NYSE (a not for profit corporation) est tou- mations et un contrôle extérieur plus fort
jours la propriété de ses membres, c’est-à- notamment dans l’intérêt des actionnaires
dire majoritairement des spécialistes. Ces qui représentent un public plus large et non
derniers sont ainsi à la fois la profession la exclusivement constitué de membres.
plus impliquée dans le fonctionnement
même du marché et également les princi- IV. – EXISTE-T-IL UN OPTIMUM ?
paux propriétaires du marché. Cette forme
juridique assure probablement une grande Si les réglementations de marché sont
stabilité lorsque l’environnement est lui- nécessaires, il ne faut pas oublier que toute
même très stable, mais ne facilite pas la réglementation a peut-être un avantage et
définition d’objectifs ou de stratégies : des certainement un coût. Le coût de fonction-
situations de conflits sont inévitables. La nement des agences de surveillance est
forme mutualiste donne peu d’incitation au assuré par les investisseurs le plus souvent
marché à contrôler l’activité des membres sous la forme d’un prélèvement sur les tran-
lorsque des conflits d’intérêts potentiels sactions. Mais à ce coût direct, lié à l’admi-
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sont à régler avec les investisseurs. nistration et aux contrôles à mettre en place,
La démutualisation est un mouvement s’ajoutent les coûts liés aux comportements
récent et très général qui a vu quasiment non optimaux induits par une éventuelle
toutes les entreprises de marchés abandon- réglementation inadaptée, et les coûts rela-
ner leur statut mutualiste et se transformer tifs à l’acquisition de la connaissance de la
en sociétés par actions. Cette évolution leur réglementation par tous les investisseurs, et
permet également de construire des aux distorsions induites par le fait que cer-
accords plus solides en les scellant par des tains (et la sélection ne sera pas faite au
échanges d’actions ou une fusion (Euro- hasard) ne seront pas informés.
next en septembre 2000). La démutualisa- Plusieurs visions de la régulation peuvent
tion est suivie par une introduction en être opposées : une vision positive (helping
bourse des actions ainsi créées. On a même hand view) pour laquelle elle vise à
assisté durant l’été 2000 à la première offre résoudre les failles de marché. Une vision
publique hostile de OM-Gruppen (marchés protectionniste (capture model) suivant
nordiques) sur le LSE. Le Chicago Board laquelle, elle permet la protection de cer-
of Trade (CBOT) et le NYSE sont les prin- tains groupes, entreprises ou activités. Une
cipaux résistants (en juin 2002) au mouve- vision négative enfin (grabbing hand
ment de démutualisation. model) pour laquelle elle n’est qu’un
La transformation en sociétés par actions moyen pour ceux qui l’édictent d’en tirer
est une évolution positive du point de vue la des avantages personnels.
régulation et de la surveillance. Car les Stigler (1971) présente une théorie de la
objectifs poursuivis par l’entreprise capture par les producteurs de réglemen-
Le rôle et l’évolution des institutions de surveillance 415

tation (hommes politiques et agences de Le cas français est probablement à l’autre


régulation), mieux organisés face à une extrême du spectre de la complexité 17 :
demande atomisée et confrontée à un coût avec pour la réglementation des marchés et
d’information important. Dans le cas des de la gestion de portefeuille la Commis-
activités financières, la demande de régle- sion des opérations de Bourse (COB), le
mentation est exprimée par des groupes Conseil des marchés financiers (CMF),
dont les intérêts sont hétérogènes : les assistés du Conseil de discipline de la ges-
actionnaires minoritaires, les dirigeants tion financière (CDGF) et du Comité
d’entreprises, les actionnaires exerçant le consultatif de la gestion financière
contrôle. Les deux dernières catégories (CCGF) ; pour la réglementation des pro-
sont certainement mieux représentées fessions bancaires et des établissements de
dans les conseils d’administration et éga- crédit, le Comité des établissements de
lement en France dans les instances de crédit et entreprises d’investissement
régulation. (CECEI), la Commission bancaire (CB), le
Comité de la réglementation bancaire et
la Grande-Bretagne dispose financière (CRBF), sans compter le
d’une unité de régulation Comité de politique monétaire qui est tou-
la France, une dizaine jours en place. Pour la réglementation des
assurances, la Commission de contrôle des
Les modalités d’organisation de la régula-
assurances (CCA). Sans compter les ins-
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tion des professions financières sont très
tances de normalisation et de réglementa-
diverses d’un pays à l’autre. La Grande
tion comptables (le Conseil national de la
Bretagne se signale par un grand effort de
comptabilité – CNC – et le Comité de la
simplification des structures et la mise en
réglementation comptable – CRC).
place en décembre 2001 de la Financial
Auxquelles s’ajoutent bien sûr les instances
Services Authority (FSA). C’est une auto-
européennes. Alexandre Lamfalussy, prési-
rité unique (indépendante du gouvernement
dent du Comité des Sages chargé en
et financée par l’industrie financière) qui
juillet 2000 par les ministres des Finances
régule les banques de dépôt, les compa-
des quinze de réfléchir à « la régulation des
gnies d’assurance et les entreprises d’inves-
marchés européens de valeurs mobilières »,
tissement ; elle est également en charge de
a présenté son rapport soumis aux chefs
la lutte contre les « abus de marché » (délit
d’État et de gouvernement lors du sommet
d’initié et manipulation de cours) et de
de Stockholm de mars 2001, ce qui a
l’éducation des investisseurs. La FSA
débouché sur la mise en place du European
régule les marchés au comptant et les mar-
Securities Committee (ESC) et du Commit-
chés à terme.

17. En juin 2002. On donnera l’adresse internet de la COB (www.cob.fr), à la rubrique liens, le lecteur pourra trou-
ver la plupart des adresses internet de ces organismes. À titre d’illustration, le CDGF est institué par l’article L623-
1 du Code monétaire et financier et la loi du 2 juillet 1998, ses membres sont nommés pour une durée de 4 ans, par
le Conseil d’État, ou le ministre de l’Économie, sur proposition de l’AFG-ASSFII, du CMF, de l’AFECEI, de la
FFSA, de la COB. Ou encore la CCA est une autorité administrative indépendante créée par la loi n° 89-1014 du
31 décembre 1989, la CCA est composée de cinq membres, nommés pour une durée de cinq ans, par arrêté du
ministre de l’Économie des finances et de l’industrie.
416 Revue française de gestion

tee of European Securities Regulators ché domestique rapporté au PNB. Égale-


(CESR) en juin 2001 18. ment Roll et Talbott (2001) observent un
Plusieurs travaux permettent de douter de lien négatif entre le PNB par habitant et les
l’efficacité des réglementations tatil- tracas bureaucratiques avec un indicateur
lonnes. Djankov, La Porta, Lopez de plus large.
Silanes et Vishny (2001) dans une étude Dans certains domaines, le rôle de la
portant sur 75 pays et traitant de la créa- régulation est particulièrement contesté,
tion d’une entreprise avec appel public à ainsi peut-on réglementer la volatilité et
l’épargne arrivent à la conclusion que le comment ?
lancement de nouvelles entreprises appa- – Doit-on encourager les entreprises à
raît d’autant plus inefficace que régle- « réguler leurs cours » par des rachats d’ac-
menté : « les principaux bénéficiaires de la tions en bourse ? Les motivations des diri-
réglementation sont les politiciens et les geants détenteurs de stock-options peuvent-
bureaucrates eux-mêmes ». Au total, trente elles uniquement concerner l’aspect
procédures différentes sont identifiées, réduction de volatilité ? Où est la frontière
elles ne sont toutefois pas toutes néces- entre la régularisation et la manipulation ?
saires dans chaque pays, la durée pour Ne devrait-on pas plutôt favoriser le rachat
accomplir chacune d’elle peut également d’actions par une entreprise sous forme
être différente d’un pays à l’autre. Dans le d’une offre publique faite à prix déterminée
cas de la France (classée après l’Égypte et et à tous les actionnaires ? 19
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entre le Vietnam et la Russie), les auteurs – Doit-on interrompre les marchés et dans
identifient 16 étapes de procédures étalées quel contexte ? Comment justifier la sus-
sur au moins 66 jours et un coût relatif au pension systématique des cotations lors de
produit national brut (PNB) par habitant tout dépôt de projet d’offre publique ? Les
de 0,197. Pour les États-Unis ils dénom- réservations ou arrêts automatiques de
brent quatre procédures en sept jours et cotation réduisent-elles la volatilité ? De
pour un coût de 0,0096 et au Canada deux nombreuses études montrent que ces
procédures en deux jours. arrêts automatiques sont anticipables,
Les auteurs montrent que globalement, le modifient les comportements, accélèrent
nombre de procédures nécessaires à la créa- les variations de cours et peuvent être sui-
tion d’une entreprise est lié à l’importance vis d’une augmentation de volatilité
de l’économie souterraine ou à un indice de (Christie, Corwin et Harris, 2002).
corruption. Pour Rajan et Zingales (2001) Plusieurs transformations majeures au
le nombre de procédures est négativement bénéfice des investisseurs se sont faites sans
lié au ratio capitalisation boursière du mar- intervention de la loi ou des régulateurs.

18. Les français appellent le premier le CEVM (Comité européen des valeurs mobilières) et le deuxième le CERVM
(Comité européen des régulateurs de marchés de valeurs mobilières). On trouvera le CESR ou CERVM à l’adresse
www.europefesco.org.
19. Et que dire des ventes de puts sur leurs propres actions par des entreprises, à l’exemple de Vivendi qui aurait de
tels engagements de rachats de 19,7 millions d’actions à des cours entre 60,4 et 80 euros, alors que le cours de l’ac-
tion est à peine supérieur à 30 euros en mai 2002. Ou toujours Vivendi qui, selon Option finance (6 mai 2002), n’au-
rait pas annulé les actions rachetées mais les aurait replacées auprès de banques d’affaires.
Le rôle et l’évolution des institutions de surveillance 417

Les quotités (et les frais excessifs qui de l’information, mais aussi entre les inter-
étaient prélevés sur les transactions en médiaires financiers et sur le marché du
rompu de quotité) ont disparu à Paris en contrôle.
1996. Les fourchettes ont beaucoup baissé Avec le développement de la cotation mul-
du moins dans les années 1990. Ces évolu- tiple (un même titre étant échangé sur plu-
tions qui ont demandé des remises en cause sieurs plates-formes de cotation), l’obliga-
de certaines professions de l’intermédia- tion d’une interconnexion facilitant
tion, doivent beaucoup à la concurrence l’affichage centralisé des offres et
entre les marchés. demandes, tout en préservant la concur-
rence, devient une priorité.
CONCLUSION L’amélioration du gouvernement des entre-
prises cotées et l’information des action-
La construction européenne donne une naires est une autre priorité avec notam-
opportunité de développement des mar- ment l’obligation de publication des
chés financiers qui ne reflètent toujours transactions faites sur leurs propres titres
pas l’importance des économies des par les directions d’entreprises et les grands
quinze. La réglementation et la sur- actionnaires. En matière de gestion collec-
veillance doivent jouer un rôle dans ce tive, on a souligné l’intérêt de l’obligation
développement en donnant la priorité à la de publication en différé de la composition
protection des actionnaires minoritaires, à des portefeuilles.
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la qualité de la concurrence sur le marché

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