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Souvenir de Centralien

Nom :Gilbert BATTIGELLO

Promotion :1963

Titre du souvenir :Construction du Stade de France

Photo du souvenir ou portrait :


L’image de ce stade a été suffisamment médiatisée pour qu’une photo soit
nécessaire à en faire naître l’image dans l’esprit de celui qui l’évoque. Par contre un
dessin à la plume d’après nature, et donc sans aide photographique, c’est plus rare.
Ce dessin que je vous envoie (il y en a 112 qui couvrent l’ensemble de la
construction) est l’œuvre de notre camarade Christian Dardennes (promo 1960)
artiste qui a suivi toute la construction et en a édité un recueil.

Détail du souvenir :
Il y a eu tant de littérature concernant cet ouvrage (ses caractéristiques
techniques, ses fonctionnalités, son mode de financement, son délai de
construction…) qu’il me paraît inutile de reprendre ces thèmes, sauf si vous le jugiez
opportun.
J’ai eu pendant 30 mois (de la délivrance du permis de construire à la mise en
service) la charge de diriger le groupement d’intérêts économiques titulaire du
contrat de travaux tous corps d’état pour sa construction. Trente mois sur trente neuf
années de travail à temps plein plus des prolongations a temps partiel qui se
poursuivent depuis 2004, c’est beaucoup moins de 10%. Je dois donc, en réponse à
votre question vous expliquer les raisons pour lesquelles je considère qu’il s’agit de
mon « souvenir professionnel le plus marquant ».
Ma carrière est atypique mais entièrement consacrée aux grands travaux
publics. En effet après avoir travaillé dans le privé pendant 33 ans en entreprise, j’ai
terminé comme maître d’ouvrage public pour l’état monégasque. Je ne vous parlerai
que de la première partie de cette expérience professionnelle car la seconde n’est
pas tout à fait terminée.
Mon parcours en entreprise est certes honnête, mais n’a rien d’exceptionnel,
même en se limitant à l’hexagone. J’ai, tout comme bon nombre de mes collègues,
participé à des degrés différents selon l'âge, à la réalisation du génie civil de grands
équipements publics du territoire pendant cette période (1965-1989) : Centrales
hydrauliques et nucléaires, barrages, routes et autoroutes, ponts… Puis un jour,
alors que je m’encroûtais dans les bureaux du siège parisien de mon entreprise en
supervisant l’action d'autres directeurs de chantiers, on m’a proposé de remettre les
bottes et le casque pour diriger les travaux du stade de France avec une forte
obligation de résultat en matière de délai, qualité et coût.

Association des Centraliens – Groupe Côte d’Azur Corse


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Bien que ce ne soit pas l'équipement le plus indispensable à l'économie
nationale auquel j'ai participé, j’ai vécu là une expérience professionnelle peu
commune. Serait-ce parce qu’il n’y a en France qu’un seul stade de cette
dimension? Ai-je couru un si grand risque professionnel de « me planter » ? Est-ce
un lieu si majestueux et une si belle architecture? L'organisation de la coupe du
monde fut-elle une si grande cause nationale? Vivons-nous une époque dans
laquelle le ludique est plus important que l'économique? La victoire de l'équipe de
France a-t-elle donné à ce lieu une « aura » particulière? Tout cela n'est pas faux
mais ne suffit pas à en faire une expérience marquante dans une carrière consacrée
à la réalisation de grands ouvrages.
Alors pourquoi ai-je considéré que c'était une expérience exceptionnelle?
Eh bien, pour diriger cette réalisation j’ai eu la chance de travailler dans un
contexte très médiatisé d’une façon unanimement positive. Je n’ai, en effet, jamais
vu dans les médias de critiques négatives de cet ouvrage et des conditions de sa
réalisation. Même pour l’époque, c’était très exceptionnel. Après avoir travaillé dans
le nucléaire, ça me changeait ! Peut-être les Français et les médias étaient-ils
conscients que les hésitations des élus pour implanter ce stade risquaient de donner
une piètre image du pays si les engagements pris pour organiser la coupe du monde
de football n'étaient pas tenus. Peut-être avons nous su rassurer sur ce point dès
que le contrat fut signé, en respectant scrupuleusement le planning de construction.
Toujours est-il que cette puissance médiatique au service de l’ouvrage nous a
tous contraints à fournir des prestations de grande qualité. Les difficultés n’ont pas
manqué. Elles furent traitées avec un professionnalisme et une motivation de très
haut niveau dans le cadre d’une organisation de l’acte de construire qui fait encore
école quinze ans après. Vous avez remarqué que j'ai utilisé le pluriel, ce pluriel inclut
aussi bien ceux qui étaient mes subordonnés que ceux qui étaient mes supérieurs
hiérarchiques. Un ouvrage de cette importance est en effet obligatoirement le
résultat d'un travail d'équipe.
J’ai appris là que les médias ont un réel pouvoir, engendrant une motivation
au travail à tous les niveaux que je n'avais jamais rencontrée jusqu'alors et amplifiant
ainsi le bon résultat d’une organisation de l’acte de construire particulièrement
efficace.
Hélas le pouvoir des médias fonctionne dans les deux sens et si l’organisation
mise en place pour cet ouvrage n’a pas été plus souvent adoptée, c’est qu’elle met
en cause les intérêts de groupes professionnels puissants (architectes, ingénieries,
maîtres d'ouvrage traditionnels, ingénieurs conseil, bureaux de contrôle...), relayés
par une médiatisation avide de polémiques, diabolisant jusqu'à l'outrance les
bénéfices des grands groupes privés. Ils sont pourtant en France, seuls capables de
disposer des compétences nécessaires à la mise en œuvre de type d'organisation
dont l'efficacité a été démontrée.
En son temps (octobre 1997) la revue « Centraliens » a braqué les
projecteurs sur moi et sur l’ouvrage, dans un article dont je vous adresse copie ci-
joint. Je l'ai exhumé d'un tiroir dans lequel il dormait depuis longtemps. En le relisant,
je me suis rendu compte qu’à cette époque je n'avais pas bien conscience de
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l'importance de ce phénomène médiatique. J'étais par contre parfaitement conscient
de la nécessité d’une bonne organisation des compétences et des missions des
acteurs de la construction et notamment des rôles respectifs de l'architecte et de
l'ingénieur pour la réalisation de grands ouvrages techniques. C’est le grand débat
du « beau » et du « bien fait ». En musique, un bon compositeur n'est pas
obligatoirement le meilleur chef d'orchestre qui soit et les meilleurs chefs d'orchestre
ne sont en général pas des compositeurs exceptionnels.
Par coïncidence, ce thème est aussi très intelligemment abordé par notre
camarade Christian Bougeard qui a les deux formations d'architecte et d'ingénieur,
dans son article paru dans la revue « Centraliens » du mois de novembre dernier.
Cependant, je suis persuadé qu'en France les meilleurs ingénieurs d'exécution
travaillent dans les dans les entreprises et non dans les ingénieries. C'est en effet
dans les structures d'entreprise qui favorisent plus les prises d'initiatives que l'on
trouve les meilleures compétences dans l'action et la coordination active et
responsable des moyens.
Le choix de l'organisation de l'acte de construire est déterminant pour
l’efficacité. C’est un vieux sujet qui fait toujours débat, notamment pour les grands
ouvrages et je pense que mon parcours professionnel me donne quelque
compétence pour en parler. Pour faire court, je suis convaincu qu’il n’y a pas de
normalisation possible, il y a quelques règles de base puis une solution optimale
pour chaque cas particulier. Cette question est très mal connue du grand public qui a
du mal à comprendre les termes de maître d’ouvrage, de maître d’œuvre,
d’architecte, d’ingénierie (dont la définition a d’ailleurs changé au fil des ans), c’est
hélas trop souvent le cas du monde politique et ce sont pourtant nos édiles !

Association des Centraliens – Groupe Côte d’Azur Corse


cote-azur-corse@centraliens.net
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