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La vague et l'océan

Séminaire sur les pulsions de mort


(1970-1971)

Collection Françoise Dolto


dirigée par
Catherine Dolto
FRANÇOISE DOLTO

La vague
et l'océan
Séminaire sur les pulsions de mort
(1970-1971)

ÉDITION ÉTABLIE,
ANNOTÉE ET PRÉSENTÉE

PAR COLETTE MANIER,


AVEC LA PARTICIPATION

D'ÉLISABETH KOUKI

nrf

GALLIMARD
0 Éditions Gallimard, 2003, pour la présente édition.
Préface

Du 30 juin 1970 au 15 juin 1971, F. Dolto anima un


séminaire sur le thème des pulsions de mort'. Elle s'ap-
puyait sur un texte préparatoire qui lui servait de fil
rouge, à partir duquel elle improvisait pendant les séances
et installait le dialogue avec son auditoire composé en
majorité de psychanalystes. Étrangère à tout enseigne-
ment figé, elle était en perpétuelle recherche, sollicitant
les réactions et les interventions des participants, donnant
à chacun la possibilité de découvrir son « être vrai» avec
les patients, loin de toute identification au « maître ».
Le texte de ce séminaire, publié ici pour la première
fois, a été établi à partir de différents matériaux. F. Dolto
avait conservé dans ses archives le texte préparatoire
qu'elle lisait au fur et à mesure des séances. Reproduit
dans une typographie différente2 pour en faciliter le repé-
rage, il permet de mesurer l'importance des dévelop-
pements et la dynamique de sa pensée. Pour ce qui est de
l'établissement du séminaire lui-même, une longue en-

1. Chaque année, F. Dolto proposait un thème différent pour un sémi-


naire qu'elle tenait les premier et troisième mardis de chaque mois. Pa-
rallèlement, elle poursuivait celui qu'elle consacra pendant de longues
années à l'« Étude comparée de la clinique et du dessin libre chez l'en-
fant », les second et quatrième mardis du mois. À cette époque, ces sémi-
naires se tenaient dans les locaux de l'école de kinésithérapie dirigée par
Boris Dolto (4, impasse Royer-Collard et 21, rue Cujas).
2. Voir note p. 14.

1
PRÉFACE

quête a été nécessaire pour réunir et confronter plusieurs


transcriptions d'enregistrements, souvent de mauvaise
qualité ou incomplets, réalisés par des participants. Bien
souvent, par exemple, les questions des intervenants ne
sont qu'en partie audibles.
Les séances du dernier trimestre de 1970, ainsi que
celles de mars et d'avril 1971, ne figurent pas dans cet
ouvrage. F. Dolto les a consacrées à la lecture et au
commentaire de deux textes qu'elle venait de rédiger pour
Le Cas Dominique3, afin de compléter et d'expliciter l'ex-
posé du cas lui-même (« La rencontre, la communication
interhumaine et le transfert dans l'analyse des psycho-
tiques4» et « Éclaircissements sur la théorie freudienne de
la psyché au cours de l'évolution de la sexualitég »). Ces
deux textes, accompagnés de leur commentaire, seront
publiés ultérieurement dans ses Œuvres complètes.

F. Dolto aborde, dans un premier temps, la question des


pulsions de mort par le biais du schéma corporel, en les
assimilant au catabolisme, dans l'échange vital métabo-
lique6. Dans un second temps, elle considère les pulsions
de mort et les pulsions de vie dans leur rapport à l'image
du corps où elles prennent leur signification. Elle se situe
alors dans le cadre des pulsions libidinales pour y décrire
les interactions des pulsions de mort et des pulsions de vie
dans le développement de la fille et du garçon, et étudie
leurs implications jusque dans la vie génitale et dans l'or-
gasme. Ce travail correspond à la séance du 30 juin 1970,
et constitue la première partie de l'ouvrage intitulée:
«Pulsions de vie et pulsions de mort dans les pulsions
libidinales ».

La deuxième partie, intitulée « Clinique », est consa-


crée aux études de cas exposés par les psychanalystes
présents. Les séances ont eu lieu les 2 et 16 février, et le
2 mars 1971.

La troisième partie, « Pulsions de mort, images du


corps et narcissisme », correspond aux séances du 1er et
du 15 juin 1971. F. Dolto a retravaillé le concept et s'ap-

3. F. Dolto, Le Cas Dominique (1971), Le Seuil, coll.« Points Essais »,


1985.
4. Id., ibid., pp. 191-223.
5. Id., ibid., pp. 225-257.
6. Voir p. 14 et note 5.
PRÉFACE

puie sur un nouveau texte qui met l'accent sur le rôle


des pulsions de mort dans la psychose pour comprendre
quelle image du corps en est marquée. Tout au long de
ce séminaire, nous assistons donc à l'élaboration et à
l'évolution de sa pensée sur la question des pulsions de
mort. Étrangère à l'idée d'une formulation dogmatique,
F. Dolto intègre tous les éléments nouveaux, capables de
nourrir sa réflexion, venant des cas cliniques abordés.
Une question, une contradiction, une énigme, une in-
compréhension sont autant de leviers dont elle se sert
pour ouvrir un nouveau champ d'investigation, un nou-
vel espace, de nouvelles perspectives. Si ses analyses dé-
routent parfois son auditoire, c'est que sa réflexion est
elle-même déjà passée à une autre idée clinique, faisant
appel à un autre stade d'élaboration du sujet, à un autre
niveau de l'image du corps qui, croisé aux pulsions de
mort, n'induira ni les mêmes effets ni les mêmes consé-
quences.
Un des intérêts majeurs du texte que nous publions
aujourd'hui réside dans le fait que c'est dans ce sémi-
naire, pour la première fois, que F. Dolto analyse, dans
leur ensemble, les différentes manifestations du travail
des pulsions de mort que sa pratique clinique lui a permis
d'observer.

En effet, au tout début de sa pratique, dans sa thèse de


médecine Psychanalyse et pédiatrie', soutenue le 11 juillet
1939, le terme « pulsions de mort» n'apparaît pas. Quand
le mot « mort» est employé, c'est pour opposer mort réelle
et angoisse de mort, elle-même distincte de l'angoisse de
castration.

Il semble que ce soit en 1960, dans son intervention au


congrès d'Amsterdam sur la sexualité féminine, « La
Libido génitale et son destin féminin8 », que F. Dolto men-
tionne, pour la première fois, la question des pulsions de
mort. Elle les aborde, en premier lieu, sous l'angle de la

7. F. Dolto, Psychanalyse et pédiatrie, Le Seuil, 1971.


8. Le texte qu'elle a rédigé dans la perspective de ce congrès (rapport
de 118 pages, resté inédit) est conservé dans ses archives. Une version
tronquée en a été publiée, en 1964, dans La Psychanalyse, vol. 7, la revue
de la Société française de psychanalyse. Les développements de ce texte,
plusieurs fois retravaillé jusqu'en 1982 et 1985, et les étapes de son éla-
boration jusque dans sa version ultime sont publiés sous le titre Sexua-
lité féminine. La libido génitale et son destin féminin, Gallimard, 1996.
PRÉFACE

sémiologie, notant qu'elles se manifestent, de façon repé-


rable, chez l'homme comme chez la femme, dans l'accom-
plissement orgastique. Remarque qu'elle enrichit d'une
différenciation concernant leur fonction chez la femme,
plus encore que chez l'homme, elles exercent une grande
attraction narcissique. Elle situe la femme génitale à la
frontière des pulsions de vie et des pulsions de mort,
comme gardienne de la vie, le désir de mourir étant
interprété comme «une inversion perverse de l'éthique
féminine9 ».
Après cette première approche, sous l'angle spécifique
de la différenciation sexuelle, F. Dolto intègre les pulsions
de mort dans le développement général de la théorisation
de l'image du corps. Dans Le Sentiment de soi10, constitué
de deux textes traitant de la notion d'image du corps", les
pulsions de mort sont intriquées aux pulsions de vie et
pensées comme un retrait de la libido dans le sommeil, un
retour au silence du « sujet du désir ». Bien qu'elle puisse
évoquer les pulsions de mort à l'oeuvre dans certaines
relations parents-enfant, F. Dolto définit en note les pul-
sions de mort comme ce qui permet au sujet « de vivre
inconscient de lui-même dans le sommeil [.]en tant que
spécimen de l'espèce, anonyme'2.» L'abolition du sujet
désirant, réduit au corps indifférencié, est clairement
énoncée.
Dans le Séminaire de psychanalyse d'enfants", publié en
1982, mais dont les textes choisis par son auteur s'éche-
lonnent sur une quinzaine d'années à partir de 1967, la
même conception domine, celle de la nécessité du repos
grâce aux pulsions de mort « le désir nous épuise, mais
nous récupérons grâce aux pulsions de mort ». Elles

9. La Psychanalyse, op. cit. pp. 138-139.


10. F. Dolto, Le Sentiment de soi, Gallimard, 1997.
11. En octobre 1956, F. Dolto a fait un exposé à la Société française de
psychanalyse sur le« Dynamisme des images du corps et de leur inves-
tissement symbolique dans les stades primitifs du développement infan-
tile », dont seul un résumé a été publié dans La Psychanalyse, en 1957.
Le résumé ne fait pas mention des pulsions de mort, non plus que le
compte rendu de la discussion qui a suivi l'intervention. En revanche, le
texte retravaillé et développé jusqu'en 1978 les intègre. La première
occurrence de la notion de pulsions de mort chez F. Dolto, chronolo-
giquement attestée par écrit, reste donc celle de 1960, sur la sexualité
féminine.
12. Voir Le Sentiment de soi, op. cit., p. 175.
13. F. Dolto, Séminaire de psychanalyse d'enfants, tome I, Le Seuil,
1982, chap. 13, pp. 163-164.
PRÉFACE

permettent un retour à l'image de base et au narcissisme


fondamental, comme dans l'orgasme, où, « à l'acmé du
plaisir [.] le sujet s'abandonne et ne sait plus qu'il est
sujet ».
Cette idée est reprise dans LImage inconsciente du
corps, dont la publication date de 1984. Une note rédigée
cette même année insiste sur la distinction entre les pul-
sions de mort et les pulsions agressives qui sont toujours
des pulsions de vie, et attribue aux pulsions de mort le
repos dans le sommeil où le corps redevenu anonyme « se
repose des exigences du désir du sujet14 ».
Ces pulsions de mort, articulées aux pulsions de vie,
F. Dolto les situe au stade génital le plus abouti de l'être
humain, quand le narcissisme est reporté sur l'oeuvre à
accomplir et non plus sur le « corps propre15 ».

Dans ce séminaire, nous retrouvons le rôle joué par les


pulsions de mort dans le prolongement des pulsions de vie
poussées à leur extrême, au stade génital accompli. Mais,
moment décisif dans l'approfondissement de sa pensée,
F. Dolto situe à chaque étape de l'image du corps, c'est-à-
dire à chaque stade de développement du sujet, les ori-
gines et les effets de ces pulsions, en fonction du niveau
de structuration ou de non-structuration du sujet, tout
particulièrement avant ou après le stade du miroir, avant
ou après l'œdipe.
C'est pourquoi nous pouvons distinguer, sur le plan
théorique, deux rôles fondamentaux dévolus aux pulsions
de mort selon le niveau de structuration où se trouve le
sujet. L'un, au service même de la vie, quand les pulsions
de vie et les pulsions de mort sont intriquées aux mêmes
niveaux de développement de l'image du corps l'autre,
quand ces mêmes pulsions sont désintriquées et que les
pulsions de mort viennent bloquer « l'allant-devenant
dans le génie de son sexe16» en empêchant ou pervertis-
sant la mise en place de la dynamique de l'éthique de
l'humain qui est de se développer dans la recherche de
communication et d'échange langagier. Cette situation

14. F. Dolto, L'Image inconsciente du corps, Le Seuil, 1984, p. 52.


15. Voir chap. 16, « Le narcissisme », et note 37.
16. 1'« allant-devenant » est conçu par F. Dolto comme une« sorte de
prééthique, prénarcissisme » dès la conception. Voir Le Sentiment de soi,
op. cit., pp. 208-209.
PRÉFACE

peut, de ce fait, être la cause des pathologies les plus pré-


coces et les plus lourdes.

Les pulsions de mort au service de la vie

Sur le modèle de Freud qui a recherché dans la biologie


des éléments de réponses aux questions qu'il se posait
quand lui est apparue de façon manifeste la dualité des
pulsions de vie et des pulsions de mort 17, F. Dolto em-
prunte à la biologie pour comprendre le rôle des pulsions
de mort comme nécessaires à la continuation de la vie du
« schéma corporel du spécimen de l'espèce ». C'est au
modèle du métabolisme qu'elle se réfère « Il y a tout le
temps des pulsions de mort pour que nous nous renou-
velions tous les jours et qu'en agressant nous construi-
sions du nouveau en éliminant18. » Sous cet angle, les
pulsions de mort et les pulsions de vie ne cessent de se
relancer les unes les autres.

Mais sur le plan psychique, comme « ce sont toujours


les images du corps qui sont l'objet des pulsions ou de vie
ou de mort» et non plus le « schéma corporel », la nature
et la fonction des pulsions de vie et de mort sont diffé-
renciables. Ainsi, les pulsions de vie sont agressives et les
pulsions de mort sont absence d'agressivité. (F. Dolto se
demande d'ailleurs s'il est souhaitable de garder le terme
de « pulsions» alors qu'il s'agit d'absence de manifesta-
tions pulsionnelles.) Les pulsions de mort sont également
sans représentation et la seule perception qu'il est pos-
sible d'en avoir, c'est à « l'acmé du désir », quand elles
coïncident avec les pulsions de vie. Dans le coït, les pul-
sions de mort se manifestent dans la « petite mort» avec
perte de l'image du corps des deux partenaires « leur té-
moignage ultime est celui de leur désir qui voudrait outre-
passer leur notion de sujet individualisé dans un schéma
corporel complet, anonyme, de disparition du sujet19 ».
Ce retour à l'indifférenciation, au ça, à un état d'« avant
l'image du corps », énoncé en des formulations qui lui
sont propres, s'inscrit dans la conception freudienne de

17. Voir le texte dans lequel Freud introduit cette nouvelle dualité, en
1920 Au-delà du principe de plaisir, Payot, coll.« Petite Bibliothèque
Payot », 1981.
18. Voir p. 13.
19. Voir p. 29.
PRÉFACE

« la tendance à la réduction, à la suppression d'excitations


internes (principe de nirvana.)20»ou de la tendance au
retour à un état inorganique, d'avant la vie, tel que le
décrit Freud dans Le Moi et le Ça « Sur la base de
réflexions théoriques appuyées par la biologie, nous fîmes
la supposition d'une pulsion de mort à qui est assignée la
tâche de ramener le vivant organique à l'état sans vie21.»
Dans cette conception, il y a « union» des « deux espèces
de pulsions », chez Freud22 comme chez F. Dolto pour qui,
plus particulièrement, ce retour est représenté comme un
repli libidinal permettant un rééquilibrage des pulsions de
vie et une réfection du « spécimen de l'espèce» que le
sujet du désir épuise.

Pour illustrer cet état où les pulsions de vie et les pul-


sions de mort coïncident, comme dans le coït, F. Dolto
recourt à l'image de la vague et de l'océan. La vague
représente « un individu qui va au maximum de ses pos-
sibilités d'expression et qui, à l'acmé de sa force, retombe
dans la non-différenciation de la masse de l'océan23 ».
Cette image symbolise également l'aboutissement de la
génitalité chez l'humain, toujours appelé au-delà de lui-
même et qui, lorsqu'il est allé au bout de son désir, que ce
soit dans le coït ou dans une œuvre, et a donné tout ce
qu'il était en son pouvoir de donner, peut refluer dans le
repos et le sommeil de même qu'à la fin d'une vie passée
à s'arracher à la pesanteur de l'« océan », il peut refluer
définitivement dans la mort.

Cette alternance des pulsions de vie, agressives, indivi-


dualisantes, soutenues par le désir (mais l'épuisant) et des
pulsions de mort, désindividualisantes, sans représen-
tations, ne se symbolisant pas et privatives de désir, (mais
permettant sa reconstitution) fonctionne comme principe
d'homéostasie où le symbolique fait corps avec le biologi-
que. Quand l'être humain est appelé au-delà de lui-même,
une fois accomplie son humanisation, donc parvenu au
stade génital, cette organisation équilibrante de l'appareil

20. S. Freud, Au-delà du principe de plaisir, in Essais de psychanalyse,


op. cit., p. 104.
21. S. Freud, Le Moi et le Ça, in Essais de psychanalyse, Payot, coll.
« Petite Bibliothèque Payot », 1981, p. 254.
22. Id., ibid., p. 254.
25. Voir p. 34.
PRÉFACE

psychique est nécessaire pour soulager les tensions,


permettre le repos et fournir au sujet le moyen de se
ressourcer pour repartir. Et, cette fonction régulatrice de
l'humain, F. Dolto la situe au plus haut niveau de l'état de
génitalité apporté par la castration symboligène, donc au
plus haut niveau d'humanité.
Cependant, à chaque étape de structuration de l'image
du corps, un tel équilibre s'instaure aussi lorsque les
pulsions de vie peuvent s'exprimer, accordées en langage
avec les instances tutélaires, avant le repli libidinal « Les
mots, pour prendre sens, doivent d'abord prendre corps,
être du moins métabolisés dans une image du corps rela-
tionnelle 24.»

La problématique de cette première approche des


pulsions de mort couplées aux pulsions de vie et jouant en
sens opposé, comme retour à un état antérieur, apparaît
très classiquement freudienne. Mais, à la différence de
Freud, la réflexion de F. Dolto s'origine du côté de la vie.
En effet, Freud a conceptualisé cette notion à partir de ses
interrogations (pessimistes) sur la guerre, les névroses
traumatiques et le principe de répétition il est parti du
pathologique. F. Dolto, au contraire, dans cette première
approche où elle montre que le travail des pulsions de
mort équilibre celui des pulsions de vie, à chaque étape
de la vie psychique, s'appuie sur la logique de sa concep-
tion dynamique du développement de l'humain de la
force du désir, de la force de l'appel à se développer dans
le sens de l'« allant-devenant dans le génie de son sexe»
et du pouvoir humanisant des « castrations symboligènes ».
Ainsi, elle part du normal. Freud a analysé les mécanis-
mes psychiques et en a élaboré la théorie à partir de leurs
dysfonctionnements chez lui, le pathologique précède
toujours la théorie. F. Dolto utilise les mêmes concepts
mais dans une perspective dynamique où le sujet du désir
est toujours déjà là (narcissisme primordial25), tout en
ayant à advenir à lui-même à travers le passage par la
dépendance à l'Autre. C'est l'analyse des mécanismes
« sains» du développement de l'infans qui la conduit à en

24. Cf. F. Dolto, L'Image inconsciente du corps, op. cit., p. 45.


25. Narcissisme primordial, que F. Dolto entend comme« narcissisme
du sujet en tant que sujet du désir de vivre, préexistant à sa conception »,
ibid., p. 55.
PRÉFACE

débusquer les blocages et lui permet de retrouver les


concepts freudiens. L'accord de pensée, sur ce point, est
d'autant plus remarquable qu'il est le produit de deux
cheminements singuliers. Ce qui montre que même l'ad-
hésion de F. Dolto aux théorisations de Freud est toujours
dynamique et originale.
En revanche, elle se démarque de Freud quand il s'agit
d'assimiler pulsions de mort et pulsions de destruction,
aspect de sa théorie qu'elle ne trouve pas énoncé très
clairement. En effet, si, dès 1923, Freud introduit la notion
de pulsion de destruction du côté des pulsions de mort, il
précise en même temps que «les pulsions de mort sont
essentiellement muettes et que tout le bruit de la vie
provient surtout de l'Éros. De l'Éros et du combat contre
l'Éros26 ». F. Dolto, elle, précise explicitement que ce ne
sont jamais les pulsions de mort qui provoquent les guer-
res ou qui font que des gens tuent ou se tuent. C'est l'œu-
vre des pulsions de vie qui sont des pulsions agressives.
Au contraire, les pulsions de mort, lorsqu'elles sont liées
aux pulsions de vie, lui paraissent soutenir la vie en
société contre le narcissisme qui est l'affaire des individus
et qui risquerait, à dominer seul, de compromettre la vie
même de l'espèce27.
Par ailleurs, de façon très originale et subtile, elle repère
que les pulsions de mort sont à l'oeuvre à la fin de la cure
psychanalytique, quand « l'image du corps qui pouvait se
parler ne peut plus se parler28 ». Peut-on y voir l'advenu
du sujet du désir voué au silence de son propre nar-
cissisme, non plus centré sur lui-même mais qui, en une
ultime castration symboligène, s'ouvre au report créateur
sur une œuvre à accomplir, celle de l'humain pleinement
dans le langage ?
Quant aux autres mises en œuvre des pulsions de mort,
c'est dans les dysfonctionnements du développement psy-
chique qu'elle les situe en insistant sur le fait que le destin
en sera différent selon qu'elles surviennent avant ou après
Pœdipe. C'est-à-dire avant ou après la constitution des
images du corps jusqu'à leur unification dans la repré-
sentation scopique du corps propre qui ouvre alors la voie

26. S. Freud, Le Moi et le Ça, op. cit., pp. 260-261.


27. Voir chap. 9, « Les esquimaux et la mort », p. 127 et suiv.
28. Voir infra p. 59.
PRÉFACE

à la différenciation sexuelle, à la problématique œdipienne


et à sa résolution avec la castration symboligène.

Les pulsions de mort dissociées des pulsions de vie

Les pulsions de mort avant la « pose de l'œdipe29»

Dans ce séminaire, F. Dolto énonce clairement que c'est


la clinique des enfants et des psychotiques qui l'a conduite
à s'intéresser à la question des pulsions de mort.
Dans la problématique freudienne, qui fonde sa réflexion
sur les pulsions de vie et les pulsions de mort, les patho-
logies apparaissent comme entraînées par la « désunion»
des deux sortes de pulsions, voire par « une union pulsion-
nelle qui ne s'est pas accomplie30 ». C'est cette thèse que
F. Dolto développe dans ce séminaire, sans faire, à ce su-
jet, explicitement référence à Freud. Cependant, la simili-
tude d'approches nous semble intéressante à noter,
d'autant que la pensée de Freud est toujours restée, sur ce
point, marquée d'une dimension spéculative dont il n'arri-
vait pas à vraiment se satisfaire, tout en maintenant la
nécessité de cette nouvelle dualité. Le travail de F. Dolto
semble donc pouvoir prolonger la réflexion de Freud à ce
sujet et répondre à des insatisfactions que la communauté
psychanalytique, plutôt rétive à s'investir dans ces rema-
niements de la théorie, ne l'a guère aidé à surmonter.
Car nous pouvons repérer une « union pulsionnelle qui
ne s'est pas accomplie », dans le jeu des pulsions de mort
tel que F. Dolto l'analyse, avant la « pose de l'œdipe ».
En effet, pendant la phase du narcissisme primaire,
donc avant le stade du miroir, quand l'enfant est co-lié au
narcissisme de la mère, les pulsions de mort ne peuvent

29. F. Dolto nomme « pose de l'œdipe », le début du stade génital


auquel l'enfant accède après la castration primaire et l'introduisant dans
la problématique œdipienne qu'il lui reste à résoudre. Voir chap. 15,
p. 204 et suiv.
30. « Une fois admise la représentation d'une union des deux espèces
de pulsions, la possibilité d'une désunion plus ou moins complète
s'impose à nous ». « On peut se demander si l'ambivalence commune,
qui se trouve si souvent renforcée dans la prédisposition constitution-
nelle à la névrose, ne peut être conçue comme le résultat d'une désu-
nion toutefois celle-ci est si originaire que l'on doit plutôt la considérer
comme une union pulsionnelle qui ne s'est pas accomplie» In Le Moi et
le Ça, op. cit., p. 255.
PRÉFACE

émaner que des adultes qui ont la charge de l'enfant en


ne lui permettant pas de constituer d'image du corps. Cela
peut se produire à chaque niveau de constitution des ima-
ges du corps archaïques, à chaque stade prégénital (respi-
ratoire, olfactif, auditif, oral, anal.). Le non-désir que des
parents peuvent avoir de leur enfant, ou d'une part de lui
qu'ils ressentent négativement, peut empêcher toute
représentation d'échanges structurants et donc barrer
l'accès au symbolique, et au langage dans la relation à
l'autre. « Si le sujet est dénié de sa valeur symbolique, les
pulsions de mort ont tendance à l'emporter sur les pul-
sions de vie. Si le désir ne soutient pas les pulsions de
vie, alors les pulsions de vie prévalentes n'ont pas de sens
humanisant.» Et la dévitalisation sera d'autant plus dan-
gereusement accentuée que les fantasmes des parents
seront convergents. Se trouvent alors réunies les conditions
pouvant engendrer la « psychose infantile originelle31 ».
Après le stade du miroir, la différenciation sexuelle et la
« pose de l'œdipe» adviennent presque en un même mou-
vement chez F. Dolto, tant l'essentiel s'est joué avec la
structuration des images du corps jusqu'à leur unification
dans la problématique scopique, permettant l'accès à la
reconnaissance de la différenciation sexuelle qui ouvre
elle-même la voie à la problématique œdipienne.
Cependant, « les pulsions de mort qui surviennent avant
la vie génitale confirmée sont des pulsions du sujet confon-
dues avec le corps matériel du spécimen de l'espèce dans
la relation narcissique à la mère. L'enfant est narcissisé
comme l'objet partiel d'elle-même et non comme le sujet
du désir de son époux et de son propre désir32 ». Tant que
l'enfant n'est pas parvenu au stade génital avec « la cas-
tration primaire surmontée33 », il reste soumis au narcis-
sisme parental qui, s'il est prévalent en pulsions de mort
par rapport à l'enfant, le marque dans sa structure.

51. Voir chap. 13, p. 187.


32. Voir p. 190.
33. Dans le texte sur les instances de la psyché, publié en appendice
dans Le Cas Dominique, F. Dolto distingue très précisément les temps
d'élaboration de la psychose et de la névrose, précisant que «la
névrose survient chez un être humain dont le désordre libidinal ne
s'est établi qu'après la castration primaire surmontée [.] La psychose,
au contraire, survient chez un être humain [.] à l'âge du pré-moi,
avant trois ans. », in Le Cas Dominique, Le Seuil, 1971, coll.« Points
Essais », 1985, p. 241.
PRÉFACE

Répondant à un (ou une) psychanalyste participant au


séminaire et suggérant à F. Dolto que, dans le cas des
psychotiques, les pulsions de mort devaient intervenir
avant le stade du miroir, plutôt qu'avant l'œdipe, F. Dolto
précise « Oui, comme identité.» Et elle distingue à ce
moment-là « deux niveaux de psychotiques », différenciant
ceux qui n'ont pas valorisé leur corps en tant qu'humain,
mais comme objet partiel, de ceux qui n'ont pas valorisé
leur sexe. Ce qui laisse entendre que le destin de « ceux
qui n'ont pas valorisé leur corps en tant qu'humain », et
qui sont donc en carence d'identité, s'est noué avant le
stade du miroir et que le destin de « ceux qui n'ont pas
valorisé leur sexe» s'est noué avant l'œdipe.
Pour F. Dolto, ce qui fait scansion est moins le stade du
miroir que la castration primaire qui introduit l'enfant
dans la phase génitale, l'axe essentiel du développement
psychique étant pour elle le pouvoir symboligène des
castrations. Le stade du miroir, dont elle critique par
ailleurs la terminologie, étant surtout considéré par elle
comme un révélateur de la relation langagière avec les
instances tutélaires en fonction de la façon dont le sujet
a été confronté ou non au « miroir de son être dans
l'autre54 ». Il est situé entre deux castrations, anale et
primaire, le sort de la castration primaire à venir dépen-
dant des effets de la castration anale passée, advenue ou
non'55.
Dès la castration primaire, l'œdipe se met en place avec
l'entrée dans la phase génitale, à partir de trois ans, quand
l'enfant se sait n'être que d'un seul sexe. Si la castration
primaire n'a pu avoir lieu (donc si le stade du miroir n'a
pas révélé l'advenue du sujet « dans son être entier »), alors
l'œdipe ne peut pas se poser et l'enfant n'aura pas accès à
la problématique œdipienne, par absence de réelles
castrations prégénitales.

34. Voir L Image inconsciente du corps, Le Seuil, p. 148.


35. Voir L'Image inconsciente du corps, Le Seuil, coll.« Points Essais »,
1984: «Le miroir», pp. 147-163. «Parler de stade est d'ailleurs en soi
quelque chose d'abusif, puisqu'il s'agit plutôt d'une assomption du sujet
dans son narcissisme assomption qui permet et recouvre le champ pro-
pre au stade anal, et qui fait sentir ses effets au-delà, dans la réalisation
de la différence des sexes (castration primaire, comme on verra plus
loin) », p. 148. Voir également sur ce sujet le travail de référence de
Gérard Guillerault, Le miroir et la psyché. Dolto, Lacan et le stade du mi-
roir, Gallimard, Paris, 2003.
INDEX DES NOTIONS ET DES THÈMES

IMAGINAIRE 107, 116, 176, 187, 207, état mélancolique 27.


208, 216, 260. MÈRE 16, 37, 92, 93, 103, 131, 133,
conscient 209. 134, 138, 153, 155, 158, 189, 190,
jeu 18. 193, 195-196, 200, 216, 220, 229.
le réel dans 1'– 213, 214. morte 90.
IMPUISSANCE 28, 37. orale 221.
anale 17. phallique 103.
génitale 17. possessive 139.
INCESTE 123, 133, 134-135, 199. symbolique 138.
avec la petite sœur 37, 207. fantasmes de mort de la 120.
dans l'imaginaire 206. image de la 15.
mère-fils 136-140. odeur de la 233.

père-fille 37, 57-58. pulsions de mort de la 12.


réel 206, 210. régression de la 153, 222.
désir d'– 206. rythme de la 190.
interdit de 1' (voir Interdit). séparation d'avec la 103.
Individuation/Désindividuation 33, MÉRYCISME (et vomissements) 126,
34, 35. 154, 199.
Infirmité: 64, 114. MIROIR (voir aussi Stade) 13, 41,
INHIBITION 13, 156, 163, 198, 237. 90, 254, 255.
INTERDIT 89, 152, 158, 190, 205. Moi (voir aussi Idéal) 153, 192, 197.
de l'inceste: 37, 115, 135, 139, auxiliaire 89, 208, 230.
187,207,210,215. MORT 13, 14, 27, 33, 35, 38, 41, 43,
du cannibalisme 15. 45, 49, 87, 93, 102, 105, 110, 127,
donner 1' 205. 128, 197.
du corps 11.
saine 48.
JALOUSIE 204, 209.
subite 43-44.
« JE » 33, 34, 86, 205.
annulation de la 127.
« moi je » 205.
envie de 198, 213.
JOUISSANCE 29, 55, 52, 105, 110, 131.
fantasmer la mort 42, 43, 107.
après l'orgasme 33.
inscription de la 85-86, 120,
équivalent jouissif: 35. 124.
menace de 43, 86, 111.
LANGAGE 24, 25, 29, 186, 192, 193, petite mort 29, 36.
194.
de communication 14.
NARCISSISME, NARCISSIQUE 11, 12, 14,
des yeux 112.
17, 28, 30, 38, 46, 47, 48, 50, 102,
du corps 204. 109, 125, 128, 138, 194, 218, 219.
médiation langagière 44.
primaire 12, 33.
LATENCE 24, 25, 124, 192, 207.
secondaire 12, 13.
LiBIDO 14, 94, 189.
végétatif: 235.
et pulsions de mort 109.
différent des pulsions de mort
Loi 37, 86, 89, 104, 109, 136, 158, 128.
159.
du sujet 24, 41.
de la fécondité 37.
gauchissements du 220.
mutation du 219.
MANQUE 24, 27, 41, 86, 190. déréliction -que 42, 207.
MASTURBATION 21, 22, 23, 174, 187, jumelage -que 220.
207, 216. NÉVROSE 11, 82, 86, 157, 171, 193,
par rapport à l'abandonnisme 215.
22. œdipienne 213.
MARIAGE 26. d'angoisse (voir Angoisse).
MATERNITÉ 17, 131, 146, 250. d'échec 87.
Mélancolie 188. de destin 200.
INDEX DES NOTIONS ET DES THÈMES

somatisation de la-: 237. idéal -que 16.


NoM, PRÉNOM 38, 45, 46, 121, 132, puissance -que 16,17.
134, 189, 203. PHOBIE 91, 96, 99, 101, 104, 145.
d'un mort 120, 128, 131, 196- de la mort 43.
197. du vagin denté 18.
transmission du 128, 132. processus contraphobique 43.
PROJECTION 26, 126.
OBJET 65, 128, 156. PSYCHANALYSE, PSYCHANALYSTE 22,
anal 69, 71, 93. 23, 38, 39, 51, 55, 91, 97, 110,
fœtal 222-223. 112, 160, 163, 166, 171-172, 173,
oral: 92, 93, 246. 199, 201, 213, 221, 225, 227, 242.
partiel 15, 24, 50, 81, 90, 116, didactique 161.
interminable 170.
197,205.
total 19. d'enfants 154, 227-228.
du désir 37. fin de la-: 39.

de désir partiel 27. paiement de la 162, 164, 167-


170.
a 254, 255.
OBSESSIONNEL: 146, 150, 171, 239, pulsions de mort dans la 168.
refus de faire une 166-167.
243, 244, 245.
attitude -le 19. PSYCHOSE, PSYCHOTIQUE 55, 56, 78,
Œdipe 83, 84, 89, 90, 98, 100, 103, 90, 102, 103, 104, 106, 120, 142,
104, 108, 110, 113, 115, 125, 136, 146, 148, 189, 193, 198.
145, 181, 187, 192, 197, 202, 206, infantile originelle 187.
névrose et 82.
215,240.
à la conception 130. cure des -ques 86, 251.
de la fille 151. structure -que 82, 83, 155.
PSYCHOSOMATIQUE: 58, 153-154, 157,
des parents 125.
239, 242.
gauchissement de l'- 19.
PSYCHOTHÉRAPIE 135, 176, 223, 224-
pose de 1'– 204.
225.
renoncement œdipien 16.
d'enfants 226, 254.
triangle œdipien 186, 206.
PUBERTÉ, PUBERTAIRE (voir aussi Ado-
ORAL, ORALITÉ (voir aussi Castra-
lescence) 22, 24, 32, 154, 158,
tion, Images, Objets, Pulsion,
174, 201, 202, 207, 213-214, 219.
Stade, Sublimation): 15, 74, 76, PULSIONS:
92, 127, 238, 247.
agressives 11-12, 14, 19, 42, 49,
oralité passive 42.
102, 157, 188-189, 206, 217, 231,
ORGASME: 19, 21, 31, 33, 35, 105, 160.
236, 237, 252, 253, 255.
différent chez la femme et chez
anales 16, 17, 18, 72, 82, 154,
l'homme 19, 36.
155,168, 192, 215.
absence d'- 20.
archaïques 156, 192.
transcendance de 1' 40.
génitales 17, 22, 24, 78, 83, 159,
193, 197, 199, 204, 206, 215, 216.
Paranoïaque 56, 63, 65. libidinales 15, 34, 39, 188, 189.
PAROLE: 48, 79, 81, 86, 198, 201, orales 15, 74, 153.
212,217. partielles: 21, 49, 188.
Père 16, 21-22, 56, 61, 103, 135, phalliques 153, 154, 160.
187, 200, 220, 252. scopiques 12.
incestueux 133. urétrales 15, 16, 18, 22, 72, 78.
sentiment paternel 136. vaginales 15, 18.
PERVERSION 17, 18, 41, 43, 139, 208. d'inertie 49, 50.
de l'identité 227. chute de la pulsion 34.
des pulsions de mort 128. Réalité 43, 176, 200.
PHALLISME, PIIALLIQUE (voir aussi différente du fantasme 31.
Image) 79, 81, 82, 125, 155. Régression 44, 114, 149, 153, 180,
maternel 16. 187, 191, 222, 230, 247.

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