Sunteți pe pagina 1din 193

Pierre-Yves Ollivier

La conception des
structures
Matériaux, dimensionnement et aspects constructifs

www.biblio-scientifique.net
www.biblio-scientifique.net
Maquette de couverture et maquette intérieure : Maud Warg

Photographie de couverture : © Cybèle - visites insolites à Lyon


Gare de Lyon-Saint-Exupéry
architecte Santiago Calatrava Valls

© Dunod, 2017
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-076699-4

www.biblio-scientifique.net
Table des matières

6 Avant-propos

 L’art de construire
8 1 
10 Sémantique au service de l’art de construire
15 Éthique : le respect de la nature, de la vie et de la culture
18 Histoire des constructions : conception, réalisation et usages

22 2   Formes géométriques des structures


25 Des droites et des courbes
50 Des surfaces planes et courbes
56 Des volumes
4
58 3  Les matériaux : caractéristiques et sections
59 Propriétés générales
71 Les roches
73 La terre (crue et cuite)
74 Le bois
79 L’acier, les câbles et l’aluminium
87 Le béton
96 Membranes

102 4  Modélisation
103 À la main ou à l’ordinateur ?
105 Les éléments de la modélisation

114 5  Analyse statique


117 Types de sollicitations
121 Degré d’hyperstatisme
123 Principes et méthodes de résolution
129 Structures isostatiques

www.biblio-scientifique.net
Ta b le d e s mat iè r e s

135 Structures hyperstatiques


141 Cas des structures en treillis
142 Un mot sur l’analyse dynamique

144 6  Dimensionnement
145 Vérification de la stabilité
149 Description des contraintes
154 Vérification de la résistance
158 Vérification des déformations

160 7  Aspects constructifs


162 Conception, construction, maintenance : quel(s) lien(s) ? 5

163 Fondations
165 Murs de soutènement et renforcement de sol
165 Fabrication des éléments
167 Montage
169 Entretien, maintenance

171 Ressources

175 Glossaire

180 Bibliographie

182 Notes

186 Index

192 Crédits photographiques

www.biblio-scientifique.net
Avant-propos

Cet ouvrage veut faire un tour d’horizon de ce qui a été construit et tente de définir un langage
simple pour le plus grand nombre, au service de l’art de construire : histoire, besoins, matériaux,
phases, techniques, concepts et tout autre élément qui le constitue. Je pense en effet que les mots
employés nous incitent, soit à refaire toujours les mêmes choses, soit à innover en les revisitant, en
les questionnant, en revenant aux principes fondateurs de la science des structures et des matériaux.
C’est en ce sens par exemple qu’ici est détaillé le processus itératif de la conception des
structures en six activités distinctes, qui se répondent les unes aux autres (pour affiner, corriger ou
vérifier) : choix des formes, des matériaux, modélisation, analyses statique et dynamique, dimen-
sionnement, prise en compte des aspects constructifs.
Volontairement axé sur la phase de conception, cet ouvrage est principalement à destination
6 des étudiants et des professionnels de la construction, qu’ils soient architectes, ingénieurs ou bien
encore maîtres d’ouvrage, mais aussi à tous ceux qui veulent comprendre comment les structures
sont conçues, comment les forces agissent sur elles et quels sont les matériaux, les formes et les
dimensions avec lesquels tout concepteur travaille, aussi bien par le passé qu’aujourd’hui, ici et
ailleurs.
Au-delà de l’aspect technique et normatif, il veut surtout faire ressortir l’élégance des structures,
et par suite, des constructions elles-mêmes, et veut susciter à travers elle l’envie de comprendre
encore mieux les contraintes à dompter ou contourner pour réaliser une structure, ainsi que les
progrès acquis au fil des siècles en matière de sciences des structures et des matériaux. Ce livre
veut aussi mettre en avant la nécessaire vision globale à avoir lorsqu’on veut contribuer à l’acte de
construire : ce qui était fait à l’époque par une seule personne est maintenant séparé en un tas de
spécialités, toutes plus utiles les unes que les autres, mais qui peuvent devenir contre-productives
dès lors qu’elles ne s’intéressent pas aux autres.
Enfin, ce livre s’intéresse particulièrement aux structures de grande taille car elles nécessitent
souvent, plus que les constructions de petite taille, un usage optimal des matériaux et donc une
compréhension fine des comportements structurels, pour des raisons de coût, mais aussi de délais
et tout simplement de faisabilité : le surcoût des études sera en effet compensé par les gains faits
en quantités de matériaux, alors que le surcoût d’études pour une maison ne sera pas absorbé par
la faible quantité de matériaux économisée (à moins de réaliser des maisons en série).

www.biblio-scientifique.net
Ava nt - p ro p o s

Néanmoins, les petits ouvrages, que ce soit des ponts ou des bâtiments, reposent sur
les mêmes principes, et à une époque où le nomadisme est de mise, une maison avec des
poutres en treillis (en acier, voire en aluminium), même pour des faibles portées d’environ
4-5 m, peut s’avérer pratique : cet élément sera en effet bien plus léger à déplacer par la
suite qu’une poutre en béton (ce qui est déjà un peu le cas avec les poutres à triple treillis
utilisées au-dessus des scènes de musique par exemple, pour installer des éclairages
ou des systèmes de sonorisation temporaires). D’autre part, des créations architectu-
rales audacieuses peuvent émerger lorsque les tailles sont réduites et le comportement
structural peu contraignant : un porte-à-faux, bien que structurellement gourmand en
matériau, reste envisageable pour un balcon, mais pas pour un bâtiment (bien que des
contre-exemples existent). Mais ce serait l’objet d’un autre livre…

„„ Remerciements
Ce livre n’aurait jamais existé sans les Éditions Dunod et je tiens ici à les remercier,
en particulier Ronite Tubiana et Florian Boudinot.
Par ailleurs, j’ai pu bénéficier d’un environnement de travail bienveillant et productif
au sein de l’espace de coworking La Chapelle à Nantes. J’ai pu y confronter bon nombre
d’idées avec l’avis des coworkers et ainsi améliorer le rendu final du livre. Que soit aussi 7

ici remerciée l’AFGC (Association française de génie civil), dont les informations sur les
matériaux « câbles » et « BFUP » (béton à ultra haute performance) m’ont été particulière-
ment précieuses.
Mon idée de livre a germé au fil des ans et tous mes projets professionnels depuis
2008 ont apporté, d’une manière ou d’une autre, de la matière à ce livre : merci à tous
mes partenaires de travail, et particulièrement aux antennes allemande et française du
bureau d’études Schlaich Bergermann und Partner.
Merci à ma famille de m’avoir transmis le goût de l’écrit et de m’y avoir donné accès
de manière simple et sincère, dans la joie comme dans la tristesse.
Enfin, écrire un livre est une activité si particulière qu’elle nécessite, pour un homme
marié et papa d’une petite fille, une grande chance : celle d’être épaulé par sa femme et
sa fille, Manon et Annaïg. Merci à toutes les deux de m’avoir accompagné dans cette pre-
mière belle aventure dans le monde des livres, ces objets que vous avez si joyeusement
renommés « mes copains ».

www.biblio-scientifique.net
1
L’art de construire

« L’élégance, c’est quand l’intérieur


est aussi beau que l’extérieur. »
Coco Chanel

« Il est très facile de casser et de détruire.


Les héros, ce sont ceux qui font la paix et qui bâtissent. »
Nelson Mandela

Panthéon de Rome : vue intérieure du dôme en béton de 43 mètres de diamètre avec


ses caissons et son oculus central de 8,7 mètres de diamètre laissant passer la lumière du jour.

www.biblio-scientifique.net
L’ a rt de c o n st r ui re

L’art de construire, c’est le soin apporté à une construction.


On parle de construire « selon les règles de l’art », tant dans la conception que dans
la réalisation : « Les règles de l’art sont celles qui correspondent à l’état de la technique
au moment de la réalisation de l’ouvrage ou de la prestation. Ces règles se composent
d’un ensemble de pratiques professionnelles à respecter qui sont spécifiques à chaque
domaine afin que les ouvrages ou les prestations soient correctement réalisés.
« Il n’existe pas de règle générale pour définir les règles de l’art et ces règles sont très
variées car elles n’ont pas une définition figée donc récurrente. Le juge considère que les
règles de l’art sont des obligations implicites et leur non-respect constitue une faute de
nature à engager la responsabilité contractuelle de leur auteur.1 »
Il est donc vain de « figer » l’art de construire. Il est fluctuant, à l’image d’un pays, qui
doit sans cesse renouveler les modalités de « l’art du vivre ensemble ». L’art de construire
est donc plutôt un état d’esprit, qui se traduit ensuite, dans le temps et dans l’espace, par
des productions remarquables. Il est clair que l’on ne refera pas des pyramides comme
en Égypte, mais elles sont partie intégrante de l’art de construire : elles ont marqué leur
temps, en bien ou en mal d’ailleurs.
La recherche, les avancées technologiques, mais aussi les visions de grands construc-
teurs (qu’ils soient techniciens ou politiques) ont contribué grandement au développement 9

de l’art de construire. Ainsi des progrès scientifiques qui ont permis à partir du milieu du
xviiie siècle de calculer les structures et ainsi de les alléger, de les rendre plus variées.
Mais il ne faut pas non plus oublier toutes les avancées qui ont été permises par de
grands inventeurs avant cette période : les Romains avec leurs arches, qui ont donné par
exemple le Pont du Gard, et leurs coupoles, comme celle du Panthéon à Rome, en Italie.
Comme l’écrivait Auguste Perret, un édifice sera intemporel dès lors qu’il s’éloignera
des conditions humaines et passagères, c’est-à-dire, comme il les définissait lui-même,
de sa destination, de sa fonction, de ses usages d’origine, des règlements et de la mode
en vigueur lors de sa première exploitation. Cela ne doit pas faire oublier les autres
conditions humaines et passagères, celles qui sont essentielles lors de la conception
(les études) et de la réalisation (la phase chantier), et qui disparaissent des esprits, les
bâtiments une fois construits. Les morts sur chantier sont par exemple oubliés ou ignorés,
aussi bien pour la construction des pyramides égyptiennes que pour les cathédrales euro-
péennes ; la durée de construction aussi (des siècles parfois !). Ce souvenir nous est néan-
moins rappelé avec des chantiers actuels, dans certains pays du monde, où les conditions
de travail ne sont pas dignes des « règles de l’art ». Ce qui est à la fois malheureux (nous
aimerions que cela n’existe plus) mais aussi heureux (cela nous permet de mettre le doigt
sur ce qui doit être amélioré ou banni dans notre monde actuel, et par la même occasion

www.biblio-scientifique.net
1   L’ art de co n st rui re

effectuer un état général des règles de l’art acceptables, ou qui doivent être respectées,
partout dans le monde). Dans cette optique, les progrès ayant permis à la fois la réduction
du nombre de morts sur chantier et la réduction du temps de construction sont inouïs
et mériteraient d’être mis en valeur : ces progrès, malgré leur importance, sont et seront
en effet invisibles aux générations futures qui regarderont les ouvrages d’autres siècles.
L’art de construire ne s’observe donc pas seulement : il s’étudie. Plus on regarde en
arrière et plus on peut se projeter en avant. De même lorsqu’on prend de la hauteur, on
peut aborder avec d’autant plus de sens et de perspicacité un travail en profondeur. L’art
de construire se développera donc par observation, besoins concrets rencontrés sur le
terrain, et aussi par étude des savoirs nécessairement historiques, qu’ils soient empi-
riques ou scientifiques.

Sémantique au service de l’art de construire

„„ Interroger les mots que l’on emploiE


L’art de construire mobilise un ensemble de pratiques, de méthodes, de savoirs, et tous
10 ces besoins doivent être formulés de manière claire pour être compris et appropriés par le
plus grand nombre. En ce sens, l’acte de construire n’est plus une spécialité, une compé-
tence, mais un état d’esprit applicable par tous dans n’importe quelle entreprise humaine.
La complexité avec laquelle est abordé l’acte de construire dans nos sociétés occi-
dentales et « développées », éloigne de plus en plus de gens de l’acte de construire, si ce
n’est du « droit de construire ».
Remettre en valeur un langage clair sur l’acte de construire, afin que chacun puisse
s’en emparer est très important. Le terme résistance des matériaux est par exemple
obscur et peu souvent défini : un matériau ne résistera pas de la même façon si sa sec-
tion a une forme creuse ou pleine, et si la forme de l’élément considéré est rectiligne ou
courbe. Forme et résistance sont associées et les deux doivent s’étudier ensemble, avec
un va-et-vient constant.
Un autre souhait est de voir se libérer, avec une nouvelle sémantique, tout un tas de
réflexions et de pratiques innovantes. Dresser une carte générale des formes, des propriétés,
de la disponibilité des matériaux, etc. : la connaissance des contraintes, loin de limiter la
créativité, l’encourage et la développe. Encore faut-il connaître les contraintes… car si le
béton semble accessible partout et dans tous les cas le matériau le plus économique, alors
oui, nous n’aurons que des bâtiments en béton : est-ce de la liberté ou un automatisme ?
Revenir à la source des besoins et bien comprendre l’enchaînement (et donc la pertinence

www.biblio-scientifique.net
Sé m a n ti q ue a u s e rv i c e de l’ a rt d e c o ns t ru ir e

ou non) des contraintes doit (re)devenir la règle pour affronter les défis aussi bien environ-
nementaux que sociaux qui se présentent partout dans le monde. Par exemple, personne ne
peut remettre en cause l’effet de la pesanteur et des conditions climatiques telles que le vent
ou bien encore la neige sur les structures, il faut s’y adapter. En revanche, ces contraintes
une fois prises en compte et surmontées, un choix plus ou moins grand s’offre à qui veut
construire, surtout de nos jours, avec les moyens industriels et de transport existants. Par
ailleurs, les hommes préhistoriques, au lieu de construire, s’abritaient dans des grottes natu-
relles et remettaient donc en question le besoin de construire en lui-même : il n’est pertinent
que si l’on a un besoin (plus ou moins vital) irréalisable avec l’existant.
Autre exemple : le coffrage pour couler des éléments en béton. Cela fait tout de suite
penser à un coffre, à savoir un volume fait de surfaces rectangulaires. Et dès lors, on
réduit le champ des possibles. Pourquoi ne pas parler d’« enveloppage » ? Ou alors de
« moule » comme le suggérait Auguste Perret (1874-1954), architecte-constructeur, tout
en replaçant le terme de « coffrage » : « C’est à l’aide de moule que l’on fabrique le béton
armé, ces moules jusqu’à présent sont en bois et on les appelle : coffrages. C’est dans le
coffrage que l’on place l’armature en acier préparée d’avance et qu’ensuite on coule le
béton dans lequel se trouve alors incorporée cette armature. »
C’est en réfléchissant à l’usage en lui-même et non en se référant à des mots 11

employés depuis fort longtemps sans plus y réfléchir que nous parviendrons à innover.
C’est ainsi qu’un nouveau système de coffrage a été expérimenté au Cambodge à
l’été 2015 : le béton a été coulé sur place dans des toiles suffisamment résistantes.
L’installation de ces toiles n’a pas nécessité de grands moyens de levage, ni d’échafau-
dage importants, tout en mobilisant les acteurs locaux (découpe de la toile, installation)2.
C’est aussi avec l’esprit de faire appel aux travailleurs et aux matériaux locaux que le 2nd

SS
Le 2nd Hooghly Bridge à Calcutta, Inde.

www.biblio-scientifique.net
1   L’ art de co n st rui re

Hooghly Bridge de Calcutta en Inde a été riveté et non soudé, afin de prendre en compte
les capacités techniques des travailleurs locaux. Plus de temps a été nécessaire (21 ans
au total, de 1971 à 1992 !) mais le projet s’est ancré socialement dans son territoire3.
Le terme de légèreté est souvent employé. Mais là encore, détaillons car il existe à
la fois une légèreté « massique » et une légèreté « visuelle » (finesse), et les deux ne coïn-
cident pas forcément : un tube d’acier de large diamètre et de faible épaisseur sera plus
rigide qu’un tube de section pleine possédant le même poids au mètre (voir au chapitre 3,
les formes des sections de matériaux). Ainsi, une structure « légère » au sens de la masse,
sera peut-être « lourde » visuellement.
C’est pourquoi dans ce livre, des mots génériques, non empreints de présupposés
issus de l’expérience de chacun, sont employés au maximum, afin de laisser l’imagination
de chacun fleurir le plus possible. Construire une poutre, franchir une rivière, réaliser un
pont haubané ou suspendu, soutenir un plancher vieillissant : tout cela revient à créer une
ligne horizontale d’un point à un autre, dont la fonction est de transférer une charge, soit
humaine, soit inerte, soit climatique, vers ses extrémités. Il existe un tas de manières de
réaliser cela, dont bon nombre sont à ce jour encore inconnues tant en termes de forme
que de matériaux. Ce livre présente donc des formes structurelles mais avec un respect et
12 une grande humilité vis-à-vis des découvertes et des innovations qui ne manqueront pas
de faire évoluer l’art de construire à l’avenir, et qui peut-être le révolutionnent déjà dans
certains lieux de la planète (pensons par exemple à la Norvège qui imagine construire des
tunnels submersibles pour remplacer les ferries dans la traversée de ses fjords larges et
profonds). L’histoire de l’art de construire est loin d’être aboutie et il est important que le
plus de personnes y participant en aient conscience, durant leurs études mais aussi dans
le cadre de leurs projets professionnels.

„„ Classifications et réflexions autour des processus de conception


On classe aussi bien les structures que les acteurs et les processus de diverses
manières :
ƒƒ soit on identifie les différents acteurs de l’acte de construire ;
ƒƒ soit on identifie chaque phase de l’acte de construire ;
ƒƒ soit on identifie chaque élément construit ;
ƒƒ soit on classe par type de matériau, ou bien encore en fonction du comportement
structurel ;
ƒƒ soit on identifie le ou les processus à appliquer tout au long de l’acte de construire.
Suivant les pays, les bureaux, les personnes et les époques, l’acte de construire est
vu différemment et amène à des représentations diverses. Pour autant, toutes amènent

www.biblio-scientifique.net
S é ma n t iq u e a u s e r v ic e d e l’ a rt de c o n st r ui re

à la réalisation d’une construction. Il est intéressant de voir leur variété pour montrer que
« tous les chemins mènent à Rome ». Certains chemins sont bien entendus plus efficaces,
et nous évitent bien des problèmes, mais il est important de mettre en avant le chemine-
ment personnel, les spécificités culturelles : ce sont ces éléments qui donnent un sens et
un ancrage aux constructions. Les idées développées ici en présentent quelques-unes,
dans toutes les disciplines de l’art de construire.
De manière générale, les personnes décrivent des processus itératifs alors que les
règlements détaillent des phases chronologiques, allant du début à la fin.
Un professionnel qui se consacre à l’étude des ouvrages utilisera donc des mots
tels que conception, modélisation, dimensionnement, dispositions constructives, ou bien
encore esquisse, dessin, modèle, construction, et passera sans cesse d’une notion à
l’autre. Les règlements s’attacheront à l’inverse à figer le processus de construction en
phases distinctes, qui se suivent sans jamais (ou peu) se chevaucher.
Les deux démarches ne sont en fait pas antagonistes mais complémentaires, comme
si les boucles itératives des acteurs de la construction évoluaient dans le cadre rigide fixé
par les règlements.

Exemples de terminologie des phases de la construction


13

ƒƒ Exemple des huit phases issues de la loi française relative à la Maîtrise d’ouvrage
publique pour les projets de construction :
esquisse, avant-projet (sommaire et définitif), projet, assistance au maître d’ouvrage
pour la passation du ou des contrats de travaux, études d’exécution, direction de l’exé-
cution, ordonnancement, pilotage et coordination, assistance pour les opérations de
réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement
ƒƒ Exemple des huit phases issues du Royal Institute of British Architects et
employées dans les projets de construction anglais (et de nombreux projets étran-
gers quand les pays considérés n’ont pas établi leurs propres phases) :
définition stratégique, préparation et coordination, conception préliminaire, conception
avancée, conception technique, construction, livraison, exploitation
ƒƒ Exemple des neuf phases issues du HOAI allemand (Honoraires pour les presta-
tions des architectes et ingénieurs) :
collecte de données, études préliminaires, études de conception, études en vue de
l’obtention du permis de construire, études d’exécution, préparation et assistance pour
la passation du ou des contrats de travaux, supervision sur site, documentation et levée
des points en vue de la livraison de l’ouvrage et durant la période de garantie

www.biblio-scientifique.net
1   L’ art de co n st rui re

SS
Classification des structures (Schlaich Bergermann und Partner).

Dans le domaine des typologies structurelles, le bureau d’études Schlaich Bergermann


14 und Partner travaille avec une classification originale illustrée ci-dessus. Elle a le mérite de
ne pas mettre en avant les matériaux ni les fonctions des constructions, mais plutôt leur
forme et leur comportement face à la gravité.
L’architecte Frei Otto, quant à lui, s’est beaucoup intéressé aux structures mobiles et
les a classées suivant la direction d’ouvertures des toitures : parallèle, radiale, circulaire,
ou périphérique. Ces mouvements sont obtenus par glissement, pliage, rotation ou bien
encore enroulage. Sa nomenclature est encore loin d’être exploitée et promet des inno-
vations encore nombreuses dans l’art de construire.
Dans le domaine de la recherche scientifique, une méthode en huit phases est décrite
pour mieux comprendre le monde :
1.  Questionner 5.  Expérimenter
2.  Rechercher 6.  Analyser
3.  Faire des hypothèses 7.  Conclure
4.  Préparer 8.  Partager
Elle se rapproche des étapes nécessaires à la conception de structures et présente
l’intérêt de mettre en avant les expériences pratiques.
Penser les phases, penser les structures, c’est déjà organiser son projet de construc-
tion. Si tous les détails techniques doivent être réglés au départ, aucune place n’est laissée
à l’optimisation, à l’innovation, au dialogue entre les différents acteurs. L’accumulation des

www.biblio-scientifique.net
Ét hi q ue : l e re s p e c t de l a nat u re , de l a v ie e t d e la c u lt u re

phases, aussi bien anglaises qu’allemandes et françaises, permet de revenir sur certains
détails, de manière de plus en plus approfondie. Structurer cette démarche permet ainsi
de la garantir et de la sécuriser.

Éthique : le respect de la nature, de la vie et de la culture

Edgar Morin disait : « La connaissance est aveugle quand elle est réduite à sa seule
dimension quantitative, et quand l’économie comme l’entreprise sont envisagées dans
une appréhension compartimentée. Or les cloisonnements imperméables les uns aux
autres se sont imposés. La logique dominante étant utilitariste et court-termiste, on ne se
ressource plus dans l’exploration de domaines, d’activités, de spécialités, de manières de
penser autres que les siens, parce qu’a priori ils ne servent pas directement et immédia-
tement l’accomplissement de nos tâches alors qu’ils pourraient l’enrichir.
« La culture n’est pas un luxe, elle nous permet de contextualiser au-delà du sillon qui
devient ornière. L’obligation d’être ultra-performant techniquement dans sa discipline a
pour effet le repli sur cette discipline, la paupérisation des connaissances, et une incul-
ture grandissante. On croit que la seule connaissance ‘valable’ est celle de sa discipline, 15

on pense que la notion de complexité, synonyme d’interactions et de rétroactions, n’est


que bavardage. Faut-il s’étonner alors de la situation humaine et civilisationnelle de la
planète ? Refuser les lucidités de la complexité, c’est s’exposer à la cécité face à la
réalité.4 »
Pour garantir une bonne compréhension des enjeux, associée à une capacité (morale
et financière) à prendre parti, deux attitudes sont à promouvoir :
ƒƒ la participation des citoyens (ou tout du mois des travailleurs locaux) dans les projets
de construction (co-conception et co-construction, représentation par le biais d’asso-
ciations, de maître d’ouvrage délégué [et dévoué]) ;
ƒƒ ou alors par l’émergence d’acteurs de la construction empreints d’une culture de la
construction, prenant en compte, non seulement les contraintes imposées, mais aussi
le bien commun, qui parfois va à l’encontre des intérêts à la fois de leurs clients et
de leurs entreprises. C’est ce que Jörg Schlaich, un ingénieur allemand, espère et
que je partage : « Pouvoir rendre, dans le cadre de la conception de nos bâtiments
et ouvrages, ce que nous avons toujours retrouvé dans nos vies respectives, à savoir
que l’autodiscipline et un environnement serein favorisent plus la responsabilité indi-
viduelle et la créativité sur le long terme, que le respect ou la soumission (Abwehr, en
allemand) face à des contraintes extérieures (...) ».

www.biblio-scientifique.net
1   L’ art de co n st rui re

Ce deuxième point passe(ra) selon moi avant tout par l’éducation. Quel que soit l’état du
monde, l’action de gens éduqués (« armés » diront certains, comme Montaigne, qui compa-
raît sa bibliothèque à une « armurerie », ou bien encore civilisés, diront d’autres) permettra
de transformer, ou tout du moins « soigner » le monde. Les formations doivent englober
plusieurs disciplines, scientifiques et littéraires, en passant par l’histoire, la sociologie et
l’économie, et se poursuivre tout au long de la vie, au sein des entreprises et en dehors.
Au-delà donc des impératifs environnementaux, une démarche citoyenne est à mettre
en place, soit individuellement, soit collectivement, afin de célébrer la vocation première
de l’environnement bâti, à savoir être au service à la fois de ses utilisateurs, et de son
propriétaire, public ou privé.

„„ Définition de l’ingénieur (CTI)


La CTI5 définit ainsi l’ingénieur :
« Le métier de l’ingénieur consiste à poser et résoudre de manière performante et
innovante des problèmes souvent complexes, de création, de conception, de réalisation,
de mise en œuvre, au sein d’une organisation compétitive, de produits, de systèmes ou
de services, éventuellement de leur financement et de leur commercialisation. À ce titre,
16 l’ingénieur doit posséder un ensemble de savoirs techniques, économiques, sociaux et
humains, reposant sur une solide culture scientifique.
« L’activité de l’ingénieur s’exerce notamment dans l’industrie, le bâtiment et les tra-
vaux publics, l’agriculture et les services.
« Elle mobilise des hommes et des moyens techniques et financiers, souvent dans un
contexte international. Elle prend en compte les préoccupations de protection de l’homme,
de la vie et de l’environnement, et plus généralement du bien-être collectif. Elle contribue
à la compétitivité des entreprises, notamment en technologie, et à leur pérennité, dans un
cadre mondialisé. Elle reçoit une sanction économique et sociale. »

„„ Charte de l’éthique de l’ingénieur (IESF)


L’ingénieur dans la société
ƒƒ L’ingénieur est un citoyen responsable assurant le lien entre les sciences, les tech-
nologies et la communauté humaine ; il s’implique dans les actions civiques visant au
bien commun.
ƒƒ L’ingénieur diffuse son savoir et transmet son expérience au service de la Société.
ƒƒ L’ingénieur a conscience et fait prendre conscience de l’impact des réalisations tech-
niques sur l’environnement.
ƒƒ L’ingénieur inscrit ses actes dans une démarche de « développement durable ».

www.biblio-scientifique.net
Éthiq ue  : l e re s p e c t d e la n at ur e , d e la v i e et d e la c u lt u re

L’ingénieur et ses compétences


ƒƒ L’ingénieur est source d’innovation et moteur de progrès.
ƒƒ L’ingénieur est objectif et méthodique dans sa démarche et dans ses jugements. Il
s’attache à expliquer les fondements de ses décisions.
ƒƒ L’ingénieur met régulièrement à jour ses connaissances et ses compétences en fonc-
tion de l’évolution des sciences et des techniques.
ƒƒ L’ingénieur est à l’écoute de ses partenaires ; il est ouvert aux autres disciplines.
ƒƒ L’ingénieur sait admettre ses erreurs, en tenir compte et en tirer des leçons pour
l’avenir.

L’ingénieur et son métier


ƒƒ L’ingénieur utilise pleinement ses compétences, tout en ayant conscience de leurs
limites.
ƒƒ L’ingénieur respecte loyalement la culture et les valeurs de l’entreprise et celles de
ses partenaires et de ses clients. Il ne saurait agir contrairement à sa conscience
professionnelle. Le cas échéant, il tire les conséquences des incompatibilités qui
pourraient apparaître.
ƒƒ L’ingénieur respecte les opinions de ses partenaires professionnels. Il est ouvert et 17

disponible dans les confrontations qui en découlent.


ƒƒ L’ingénieur se comporte vis-à-vis de ses collaborateurs avec loyauté et équité sans
aucune discrimination. Il les encourage à développer leurs compétences et les aide à
s’épanouir dans leur métier.

L’ingénieur et ses missions


ƒƒ L’ingénieur cherche à atteindre le meilleur résultat en utilisant au mieux les moyens
dont il dispose et en intégrant les dimensions humaine, économique, financière,
sociale et environnementale.
ƒƒ L’ingénieur prend en compte toutes les contraintes que lui imposent ses missions, et res-
pecte particulièrement celles qui relèvent de la santé, de la sécurité et de l’environnement.
ƒƒ L’ingénieur intègre dans ses analyses et ses décisions l’ensemble des intérêts légi-
times dont il a la charge, ainsi que les conséquences de toute nature sur les ­personnes
et sur les biens. Il anticipe les risques et les aléas ; il s’efforce d’en tirer parti et d’en
éliminer les effets négatifs.
ƒƒ L’ingénieur est rigoureux dans l’analyse, la méthode de traitement, la prise de déci-
sion et le choix de la solution.
ƒƒ L’ingénieur, face à une situation imprévue, prend sans attendre les initiatives per-

www.biblio-scientifique.net
1   L’ art de co n st rui re

mettant d’y faire face dans les meilleures conditions, et en informe à bon escient les
personnes appropriées.

Histoire des constructions :


conception, réalisation et usages

Il est très difficile de séparer l’histoire des techniques de construction aussi bien que
celle de l’analyse des structures en périodes bien distinctes. C’est néanmoins ce que j’ai
tenté de faire dans les chapitres suivants afin de donner une vue d’ensemble du domaine.

„„ Approche empirique
Au cours de l’histoire, la manière de construire a évolué. D’abord consacrées princi-
palement à la réalisation d’abris, les constructions se faisaient avec les matériaux dispo-
nibles à proximité, naturels, comme le bois, les pierres, l’argile ou bien encore les peaux
d’animaux.
Le dimensionnement était à l’époque purement expérimental, avec une méthode
18 intuitive ou alors de tâtonnement de type « trial and error » (« essai et erreur » en français)
comme diraient les Anglais.
Sans connaître les fondements théoriques de la stabilité des structures, le
De Architectura de Vitruve au ier siècle avant J.-C. consignait les différentes formes d’ar-
chitecture et techniques de construction. Cet ouvrage permit certainement à bon nombre
de constructions de voir le jour.
Dans la même optique, mais bien après, au xviiie siècle apr. J.-C., les écrits de Jean
Rondelet, par exemple, nous montrent que le problème de l’absence de théorie était
parfois contourné par une analyse et une comparaison critique des résultats obtenus par
divers outils, machines ou ouvrages entiers.
Il avait alors la charge de vérifier les appuis du Panthéon à Paris et son étude, consi-
gnée par écrit, analyse notamment les résultats d’écrasement de la pierre utilisée pour
les appuis de la structure, et ce, sur trois machines différentes (voir l’extrait en page
suivante).
C’est aussi à cette période que Buffon réalisa des essais systématiques de résistance
à la compression et à la flexion sur des pierres et des bois.
Un parallèle avec notre époque pourrait se faire au niveau des logiciels informatiques
permettant la modélisation et le dimensionnement des structures. Comment être sûr de
leurs résultats si ce n’est en comparant avec les résultats d’autres logiciels, ou alors,

www.biblio-scientifique.net
H i st o i re d es c o nst r uc tio n s  : c o nc e p t io n , r é a li s ati o n e t u s ag e s

WW Extrait du Mémoire historique sur le dôme


du Panthéon français, Jean Rondelet, 1797,
page 69.

bien sûr, en reprenant les fondements théoriques à la main (avec néanmoins parfois
l’aide d’une calculatrice !) qui de nos jours sont plus développés qu’à des époques plus 19

anciennes, ou enfin en comparant les résultats avec des ouvrages similaires et en se


demandant si les proportions font sens ?
Notre confiance dans la fiabilité des ordinateurs, malgré son bien-fondé, sans cesse
augmentée avec les progrès constants dont ils font l’objet, nous empêche parfois de
requestionner ses fondements, et par là-même, nous prive d’une occasion de repenser
la manière d’aborder une structure, un calcul, une forme, un matériau. Il en va de même
pour l’enseignement de l’analyse et du dimensionnement des structures à l’école, où
les formules sont encore bien trop souvent données « pêle-mêle », sans possibilité d’y
trouver des interstices dans lesquels chaque élève puisse mûrir ses propres réflexions
sur le sujet. Assommés de chiffres, de théories mises bout à bout sans en avoir eu un
récit les connectant entre elles, les élèves et les étudiants se retrouvent coincés avec
une boîte à outils qui semble figée. Et pourtant… la vie qui les attend, qu’elle soit sur un
chantier, dans un bureau d’études ou dans une classe (ou bien même dans leurs relations
personnelles avec des collègues, des amis, etc. !) est loin d’être une simple application de
recettes apprises auparavant.
L’histoire nous apprend beaucoup sur la façon d’aborder les problèmes, en sciences
comme dans bien d’autres domaines de la vie. Elle nous apprend aussi l’humilité à avoir
par rapport à des choses que nous faisons ou connaissons. Rien n’est acquis et tout est

www.biblio-scientifique.net
1   L’ art de co n st rui re

SS
Vue aérienne du Panthéon de Paris, France, avec sa coupole et ses piliers : initialement
destiné à être une église, il est devenu le Panthéon des Grands Hommes après la Révolution
française, puis à nouveau une église durant le xixe siècle, avant de retrouver sa vocation de
20 Panthéon des Grands Hommes lors de l’inhumation de Victor Hugo en son sein, en 1885.

discutable : c’est la seule maxime à garder en tête pour progresser, et qui nécessite de
notre part à tous (et je ne parle pas seulement des ingénieurs structure ici !) ténacité,
honnêteté et « gourmandise » (ce que certains nommeraient « curiosité », mais que je
préfère appeler ainsi).

„„ Approche scientifique
Pour assister au vrai démarrage de la résistance des matériaux en tant que science, il
faudra attendre les travaux de Galilée réalisés à la fin de sa vie. Assigné à résidence par le
Tribunal de l’Inquisition de Rome, pour avoir défendu la thèse de Copernic sur l’héliocen-
trisme, Galilée se penche alors sur la mécanique et la résistance des matériaux. Avec son
traité, il cherchait à « ouvrir l’accès à une science aussi vaste qu’éminente, dont (s)es
propres travaux marqueront le commencement et dont des esprits plus perspicaces que
le (s)ien exploreront les parties les plus cachées6 ». Son traité délaisse la division, habi-
tuelle de nos jours, en chapitres, pour une organisation sous forme de quatre journées, la
deuxième abordant notamment la résistance d’une poutre en console.
S’ensuit une période de développement, tant dans la continuité de ses travaux qu’en
parallèle, avec notamment les personnages et les découvertes suivants :

www.biblio-scientifique.net
H i st o i re d es c o nst r uc tio n s  : c o nc e p ti o n, ré a l is ati o n e t u s ag e s

ƒƒ 1678 : Robert Hooke : « ut tensio, sic vis » (l’allongement d’un matériau est propor-
tionnel à la force qui lui est appliquée), soit en termes mathématiques : F = k × ΔL ;
ƒƒ 1744 : Leonhard Euler : découverte du phénomène de flambement pour les éléments
fins soumis à une force de compression ;
ƒƒ 1807 : Thomas Young : définit le module d’élasticité, suite à ses interrogations visant
à savoir si les déformations dans une structure étaient causées par la géométrie de la
structure ou la rigidité des matériaux ;
ƒƒ 1822 : Augustin Cauchy : définit les termes de contrainte (s = F/A) et déformation
(e = ΔL/L) ;
ƒƒ 1826 : Henri Navier : définit la relation : E = s/e ;
ƒƒ 1833 : Siméon Denis Poisson : coefficient de Poisson, décrivant la déformation laté-
rale subie par un élément déformé dans l’axe longitudinal.
Et tant d’autres…
L’approche scientifique a eu une grande influence au xxe siècle avec de grands ponts
suspendus américains reposant particulièrement sur une théorie développée par Josef
Melan, traduite en anglais par Leon Moisseff. Malheureusement, cette influence s’est
transformée en foi aveugle, au mépris de l’histoire et de l’expérience pratique acquise
par les concepteurs précédents : elle a conduit à une application stricte de cette nouvelle 21

théorie, et par la même occasion à la vulnérabilité des structures vis-à-vis des oscillations
causées par le vent. En effet, la théorie prévoyait la possibilité d’utiliser des tabliers de
ponts extrêmement minces. Or des concepteurs du siècle précédent, comme Telford ou
Roebling avaient remarqué le problème de stabilité posé par des tabliers trop fins. Il aura
fallu l’effondrement du pont de Tacoma, avec une vitesse de vent trois fois inférieure à
celle à laquelle il était censé résister (environ 70 km/h au lieu de 200 km/h), pour que les
concepteurs prennent du recul par rapport aux calculs et retournent étudier les ouvrages
déjà réalisés et les rapports associés. Il est important de remarquer que les constructions
n’ont pas toutes pris en compte les progrès scientifiques, leurs bâtisseurs préférant se
référer à leur expérience propre et aux exemples de structures déjà existantes.
Aujourd’hui, les théories ont évolué et prennent aussi en compte ces instabilités et
la science permet de grands progrès dans la conception. Mais c’est et cela restera une
grande erreur d’occulter l’histoire des structures et la réalité même de leur construction :
le « poly-constructeur » Gustave Eiffel avait à la fois un pied dans la théorie, les calculs,
et aussi dans la pratique et l’expérimentation et les deux se nourrissaient l’un de l’autre.
Plusieurs ouvrages intéressants sont listés à la fin de l’ouvrage, dans la Bibliographie,
pour ceux intéressés par l’histoire de la théorie des structures.

www.biblio-scientifique.net
2
Formes géométriques
des structures

« Je n’ai jamais construit de poutre droite sans une certaine


appréhension. Je les utilisais aussi peu que possible. »
Eugène Freyssinet

« Il n’y a jamais de solution simple pour les problèmes complexes,


au mieux seul un compromis optimal peut être trouvé. Fort heureusement,
ça laisse de la place pour une conception subjective.7 »
Jörg Schlaich, in Leichtweit

Pont 7 Mile Bridge, Floride, États-Unis.

www.biblio-scientifique.net
F o rm e s g é o mét ri q ue s d e s  s t ru c tu re s

Ici est étudiée la géométrie globale des éléments structuraux. La forme des sections
d’éléments est abordée dans le chapitre 4.

Définitions

ƒƒ Horizontal : parallèle à la Terre.


ƒƒ Vertical : perpendiculaire à la Terre.
ƒƒ Concave : le sommet de la courbe est dirigé vers la Terre, autrement dit la courbe
décrit une forme « creuse ».
ƒƒ Convexe : le sommet de la courbe est dirigé vers le ciel, autrement dit la courbe
décrit une forme « bombée ».

Forme et résistance sont souvent associées. Ce n’est pas un hasard par exemple si les
Pyramides d’Égypte ou la Tour Eiffel nous paraissent stables avec leur forme triangulaire,
et qu’une règle plie facilement dans un sens mais pas dans l’autre.
La forme des structures et des sections d’éléments les composant joue donc un rôle
important dans la stabilité et la résistance des constructions.
Bien sûr, d’autres facteurs entrent en compte dans la forme finale d’une construc-
tion, et notamment la quantité de matériaux employée. Mais quels facteurs doivent pré- 23

dominer ? Cette équation difficile est résolue par les différents acteurs, suivant leurs
convictions, leurs compétences, leurs finances, les lois en vigueur, les délais, et bien
d’autres contraintes qui, pour être formulées, nécessitent à la fois de l’expérience et un
certain talent. Cette équation est sans cesse questionnée à chaque projet de construction
et nécessite un dialogue fructueux entre tous les intervenants, au risque sinon de se
retrouver avec une forme ne correspondant à aucune attente initiale, ou si peu.
On préférera dans certains endroits construire un large porte-à-faux (ou cantilever),
avec donc plus de matériaux pour cet élément que si un poteau avait été placé au bout du
porte-à-faux, afin de dégager un espace sous le porte-à-faux : on respecte dans ce cas-là
une contrainte urbanistique (présence d’une voie de circulation sous le porte-à-faux par
exemple), ou alors une contrainte géotechnique (sol pas suffisamment bon pour supporter
une charge), esthétique, etc.
De la même manière, dans le domaine des ponts de grande longueur, on pourra
construire un pont avec très peu de fondations et une grande portée, ou alors avec beau-
coup de fondations et beaucoup de petites portées, comme le Seven Mile Bridge dans les
Keys de Floride, aux États-Unis, ou le pont-passerelle du Mont Saint-Michel en France. Ce
dernier, long d’environ 760 mètres, a été conçu de manière à s’insérer le plus discrète-
ment dans la baie et ainsi mettre en valeur la seule Merveille du lieu : le Mont Saint-Michel

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

SS
Le pont-passerelle du Mont Saint-Michel, Normandie, France : au ras de l’eau, parfois
même partiellement recouvert lors des grandes marées, l’équipe de conception Dietmar
Feichtinger Architectes et Schlaich Bergermann und Partner a choisi de laisser l’espace
dégagé au-dessus du tablier pour offrir une vue optimale sur la Merveille.

lui-même. D’autres concepts structurels auraient pu s’appliquer dans ce contexte précis,


et c’est toute la mission des concours de les mettre en avant, mais ici comme ailleurs, des
facteurs prédominent sur d’autres et c’est tout le challenge des équipes de conception de
24 les anticiper et de les intégrer dans leurs études.
Le même raisonnement peut être tenu pour la forme des sections des éléments.
Certaines structures auront des éléments avec des sections circulaires creuses, alors
que d’autres auront des sections en L ou en T. Les facteurs amenant à un choix plus
qu’un autre sont d’ordres très variés et le seul aspect structural ne représente qu’une
part, parfois infime, de la décision finale. L’ingénieur structure doit donc être à l’écoute et
servir d’assistance, de conseil et se mettre au service d’objectifs supérieurs à l’efficacité
structurelle ou l’optimisation extrême : un juste (et difficile, mais enthousiasmant !) com-
promis doit être trouvé pour chaque réalisation.
Les chapitres suivants dressent un panorama tout à fait subjectif de différentes struc-
tures apparues au fil des siècles, et même millénaires, pour donner un aperçu de « ce qui
s’est fait » et « ce qui se fait ». De plus, l’histoire des formes structurales n’est pas linéaire :
bien que les lois de la nature soient toujours à peu près les mêmes, les formes dépendent
aussi des cultures dans lesquelles elles émergent, de la volonté et de la capacité de
transmission des savoirs d’une société.
L’aspect scientifique est volontairement mis de côté, il sera abordé plus loin. L’intérêt
ici est de naviguer à travers le temps et les formes pour se constituer une petite biblio-
thèque avec laquelle « jouer » et par la suite, pourquoi pas, concevoir des structures
empruntant certaines des caractéristiques rencontrées dans ces chapitres.

www.biblio-scientifique.net
D e s dr o ite s e t de s c o u rb e s

Des droites et des courbes

„„ Systèmes structurels verticaux


Poteaux, colonnes, piles, piliers, pieux, mâts, montants, voire jambes… les éléments
verticaux ne manquent pas de dénominations et de formes. Ils possèdent néanmoins une
caractéristique commune : être verticalement rectilignes par rapport au sol, supposé plat
(au moins durant un certain temps pour les jambes !).

25

SS
En haut : mâts de voiliers en bois stabilisés par des haubans (type 2, voir page sui-
vante) ; en bas, à gauche : forêt de séquoias en Californie (type 1) ; en bas, à droite : antenne
haubannée de 135 mètres de la Freedom Tower, New York, États-Unis (type 2).

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

Ces éléments sont de deux types principalement :


1.  ancrés uniquement en pied, sur un autre élément (antennes de télévision sur une
tour) ou alors directement dans le sol (tours de bureaux ou de télévision, pylônes
électriques, obélisques, menhirs, arbres, plantes – plus ou moins rigides –, etc.) ;
2.  mis en compression par des forces stabilisatrices de part et d’autre de l’élément
vertical, à des niveaux plus ou moins hauts sur l’élément (poteaux de bâtiments,
antennes radio, piliers de ponts, montant intérieur de tente, etc.).

Préhistoire et Antiquité
Parmi les premières structures verticales, les menhirs se tiennent en bonne place.
Apparus au Néolithique en France, ils ont essaimé un peu partout dans le monde, avec
des noms différents. Posés à même le sol, leur poids énorme en a maintenu de nombreux
verticaux jusqu’à aujourd’hui, sans aucune fondation particulière, et certains sites méga-
lithiques sont encore visités aujourd’hui : alignements de Carnac (environ – 4 000 av.
J.-C.) en Bretagne, Stonehenge en Angleterre, et bien d’autres à travers le monde.

26

SS
Le grand menhir de Locmariacquer, Bretagne, France : aujourd’hui brisé en quatre mor-
ceaux, il s’agit du plus haut menhir du monde connu à ce jour, avec une longueur totale
de 20,4 mètres.

Les complexes funéraires égyptiens en pierre ont commencé à apparaître entre


– 2700 et – 2600 av. J.-C., durant la IIIe dynastie égyptienne, sous forme :
ƒƒ d’abord de mastaba (en escaliers) à Saqqara, avec le célèbre architecte du roi Djéser,
Imhotep ;
ƒƒ puis de pyramides à faces lisses, avec Kheops (hauteur originelle de 146 m), Képhren
(hauteur 143,50 m) et Mykerinos (hauteur de 105 m), près du Caire.
À la même période, et toujours en Égypte, sous le règne de Pépi Ier (VIe dynastie), un
autre type de structure a vu le jour : les obélisques. Tels des rayons de soleil plantés dans
le sol, ces édifices de pierre s’élevaient vers le ciel, d’un seul tenant ! Leur hauteur était
d’environ 20 à 30 mètres.

www.biblio-scientifique.net
D e s dr o it e s e t de s c o u rb e s

SS
Alignements de Carnac, Bretagne, France.

27

SS
Mastaba de Saqqara et pyramide de Khéphren, Égypte.

Le Washington Monument, datant du xixe siècle et installé près de la Maison Blanche,


reprendra la forme des obélisques égyptiennes mais cette fois-ci en maçonnerie com-
posée de blocs issus de différentes roches (principalement du marbre blanc). Sa construc-
tion dura 16 ans, étalée entre 1848 et 1884, et s’élève à 169 mètres.
Un peu plus tard et un peu plus à l’Est, entre –1900 et –1600 av. J.-C., la tour de
Babylone, aussi dénommée le temple de Marduk (du nom du plus grand dieu Babylonien
de l’époque) ou ziggourat de Babylone, a vu le jour. Les études archéologiques menées
au xxe siècle par une équipe allemande ont estimé que la tour avait une base carrée
de 90 m de côté et une hauteur pouvant aller jusqu’à 90 m en étages, faite à base de
briques de terre cuite, à l’extérieur, et crue à l’intérieur. Les villes de Mésopotamie, dont
faisait partie Babylone, étaient riches et bien plus grandes en superficie que les villes

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

SS
À gauche : l’obélisque de Louxor, sur la Place de la Concorde à Paris, France (hauteur :
23 mètres), datant de la XIXe dynastie égyptienne (environ – 1250 av. J.-C.) et offert à la
France en 1830.
À droite : le Washington Monument, à Washington DC, États-Unis (hauteur : 169 mètres),
28
datant de 1884.

­avoisinantes : 500 hectares pour Babylone et Ninive, 900 hectares, contre 40 à 50 hec-


tares pour les villes en Syrie ou en Palestine ! Il ne reste aujourd’hui que les fondations
de la tour. Par ailleurs, cette tour n’était pas habitée : elle était pleine, sans aucun vide.
De nos jours, la ziggourat restaurée d’Ur est visible, en Irak, un peu plus au sud du site
de l’ancienne ziggourat de Babylone.

Moyen Âge et Renaissance


À partir du xiie siècle apr. J.-C., on commence la construction de la cathédrale Notre-
Dame de Paris, ouvrage en maçonnerie, et on contrecarre les poussées horizontales à
l’aide d’arcs-boutants. Cet art fait suite à l’art roman, plus massif, plus lourd, où les piliers
servaient aussi à résister aux poussées : dans l’art gothique, chaque élément structurel a
une fonction particulière. Cette discrétisation a permis d’alléger et d’éclaircir les intérieurs
d’édifices religieux. Les murs soutenant les voûtes ont fait place à des piliers, et là où l’art
roman faisait des arcs semi-circulaires, l’art gothique a créé les arcs brisés, permettant
de créer des distances entre piliers variables : en effet, avec un arc semi-circulaire, on ne
peut faire que des portées égales au diamètre de l’arc. On est ainsi passé de l’art roman
à l’art gothique en évoluant vers plus de légèreté et de luminosité.

www.biblio-scientifique.net
D e s dr o ite s e t de s c o u rb e s

29

SS
Tour Asinelli de Bologne, Italie, qui s’élève à 92,7 mètres de hauteur.

Au Moyen Âge, la plupart des gens habitaient dans des maisons en bois : l’usage de
la pierre s’est peu à peu répandu pour se protéger contre les incendies. L’exemple de
la ville de Rennes est à ce sujet intéressant : elle fut victime d’un incendie en 1720 qui
ravagea une bonne partie de la ville, qui fut reconstruite en pierre. À quelques rues de ces
nouvelles constructions, on peut marcher dans le « vieux Rennes », avec ses maisons à
colombages typiques de la période moyenâgeuse.
Aux xiie et xiiie siècles, la ville de Bologne est la ville des tours : environ une centaine
de tours sont construites par de riches familles, pour afficher leur prestige et aussi pour
contrôler les environs. On retrouve cette tradition sous une autre forme dans la région
flamande, avec les beffrois.
De forme carrée, les tours de Bologne ont des hauteurs allant d’une cinquantaine de
mètres à 97 mètres pour la Tour Asinelli, encore debout aujourd’hui. Les façades sont
percées afin d’y mettre les poutrelles en bois servant de support aux différents planchers.
Des maisons-tours sont apparues au xvie siècle, dont on peut voir la trace encore
dans l’actuel Yémen, à Sanaa et Shibam, montrant, s’il en était besoin, que des hauteurs

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

30

SS
Maisons-tours dans la ville de Shibam, Yémen.

tout à fait importantes peuvent être réalisées pour des habitations, depuis maintenant déjà
plusieurs siècles, à partir de terre crue et cuite.
Quelques exemples de tours anciennes, montrant qu’on pouvait construire déjà très
haut avec les moyens constructifs de l’époque :
ƒƒ la tour en briques de Gonbad-e Qabus dans la province du Golestan en Iran, construite
il y a plus de 1 000 ans ;
ƒƒ le minaret de Jâm en Afghanistan, haut de 65 mètres et construit en 1194, faisait
partie de la capitale des sultans Ghorides, Firuz Koh et a été redécouvert récem-
ment par les archéologues André Maricq et Gaston Wiet avec leur expédition dans les
années 1950. Ce minaret est magnifique tant par sa forme que par ses décorations :
la totalité de la sourate de Marie (19e chapitre du Coran) y est inscrite en coufique
(une des plus anciennes calligraphies arabes)8 ;
ƒƒ la tour de Galata, à Istanbul, visible aujourd’hui dans le quartier de Beyoglu, et érigée
il y a environ 700 ans.

www.biblio-scientifique.net
D e s dr o it e s e t de s c o u rb e s

Époque moderne
La Tour Eiffel, avec sa structure filigrane, a été un jalon marquant dans l’histoire de
la construction. Elle fut réalisée en fer puddlé, et non en acier : on peut avancer plusieurs
hypothèses pour justifier ce choix. D’une part, les ouvriers devaient être plus expérimentés
avec le travail du fer, d’autre part, les forges de Pompey, Fould-Dupont, qui fournissaient
l’entreprise Eiffel, ne produisaient pas d’acier à l’époque de la construction de la Tour.
Avec ses quatre pieds, la tour présente une forme optimale qui résiste à la fois mieux
aux efforts horizontaux de vent et à son poids propre que si elle avait été purement verti-
cale : les quatre pieds permettent en effet de casser la tendance des éléments droits en
compression à flamber et réduisent les efforts dûs au vent grâce à la distance importante
entre le centre de la tour et ses pieds (on parle de bras de levier). Un peu moins connu
et plus à l’est, la tour Choukhov à Moscou, destinée uniquement aux radio-télécommu-
nications, s’élève à 148 mètres au lieu des 350 mètres prévus en raison d’une pénurie
d’acier à l’époque de la construction (1920-1922).
Dans un ouvrage sur la Tour Eiffel, Roland Barthes écrit : « La Tour rejoint finalement
la fonction essentielle des grands lieux humains : l’autarcie ; la Tour peut vivre sur elle-
même : on peut y rêver, y manger, y observer, y comprendre, s’y étonner, y faire des
31

SS
Tour Eiffel, Paris, France, 324 mètres :
construite en 2 ans, 5 mois et 2 jours, pour
célébrer le bicentenaire de la Révolution
française lors de l’Exposition universelle de SS
Tour Choukhov, Moscou, Russie,
1889, elle est aujourd’hui toujours debout 148 mètres, années de construction : 1920-
malgré sa durée d’exploitation initiale qui 1922.
ne devait pas dépasser 20 ans.

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

32
SS
Tour de télévision de Stuttgart, Allemagne : ouverte en 1956, elle culmine à 217 mètres
de hauteur avec sa terrasse panoramique juste en dessous de l’antenne. Lorsque les
conditions météorologiques sont mauvaises, plutôt que de se promener sur la terrasse
extérieure, les guides proposent une visite très intéressante des fondations.

achats ; comme sur un bateau (autre objet mythique qui fait rêver les enfants), on peut
s’y sentir coupé du monde et cependant propriétaire d’un monde ».
Un événement marquant aux États-Unis qui a précédé et conduit à l’émergence des
gratte-ciel a été l’incendie qu’a subi Chicago en 1871. Les bâtiments majoritairement
en bois brûlèrent et un nouveau plan de ville fut décidé : un quadrillage avec des rues à
angles droits, créant des espaces carrés ou rectangulaires. Compte tenu de l’évolution
démographique et de l’augmentation du prix des terrains, il a fallu densifier en construi-
sant plus haut, et en évitant le bois (comme à Rennes, un siècle et demi avant !) : les
« gratte-ciel » étaient nés.
Le Home Insurance Building de Chicago, en 1884, peut être considéré comme le
premier gratte-ciel, du haut de ses 42 mètres, avec sa structure innovante en acier, qui
a considérablement réduit son poids et diminué l’espace utilisé par la structure, comparé
aux autres bâtiments construits dans la même période. Avant l’utilisation d’acier, la plupart
des bâtiments de plusieurs étages étaient construits en maçonnerie avec des planchers

www.biblio-scientifique.net
De s d ro it e s e t d e s c o ur be s

soutenus par des poutres en bois. L’apparition de l’acier a donc transformé des traditions
constructives vieilles de plusieurs siècles !
Les gratte-ciel de New York, et plus particulièrement de l’île de Manhattan, ont com-
mencé à sortir de terre un peu après. Au-delà des capacités des matériaux à construire
plus haut, l’usage devait aussi suivre et ce fut possible avec l’invention de l’ascenseur
vers 1870 aux États-Unis. Sans lui, il est difficile d’imaginer l’existence de ces tours de
si grande hauteur.
L’apparition d’ouvrages en béton de très grande hauteur est associée aux tours de
télévision. La première est l’œuvre de Fritz Leonhardt, sur les hauteurs de Stuttgart, en
Allemagne. Sa stabilité est assurée par le poids propre des fondations, égal à environ la
moitié du poids total de la structure : en cas de grand vent, le simple poids de la fondation
a tendance à vouloir ramener automatiquement le fût de la tour en position verticale,
un peu comme un culbuto, le jeu pour enfant. Mais les fondations de la tour sont, elles,
invisibles, cachées sous la terre.
On peut concevoir des formes pour créer des espaces ou alors pour maîtriser des
forces : c’est dans cette dernière optique que Robert Maillart par exemple, un concepteur
suisse, a inventé des poteaux en forme de champignons, supportant ainsi des dalles
sans avoir besoin de poutres entre les poteaux. On retrouve cette idée dans les poteaux 33

en forme d’arbres, comme dans l’aérogare n° 3 de l’aéroport de Stuttgart en Allemagne


(2004), ou bien encore, dans les poteaux du Palais du Travail de Pier Luigi Nervi, à Turin

SS
Détail d’un haut de poteau en béton s’élargissant avant d’atteindre le tablier d’un pont
(Londres).

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

(1961) : la partie inférieure, en béton armé, passe d’une section cruciforme au sol à une
section circulaire pleine en haut, avant de laisser place à une série de poutres radiales
horizontales s’affinant au fur et à mesure qu’elles s’éloignent du poteau central et formant
des ombrelles de 40 mètres de côté.
De manière plus générale, l’idée de faire des poteaux dont la section varie sur la
hauteur a été souvent reprise par Pier Luigi Nervi dans ses différents projets, mais aussi
par Auguste Perret (1874-1954), qui a notamment construit des poteaux cylindriques se
terminant au sommet en section carrée pour l’actuel CESE (Conseil économique social
et environnemental) et ancien musée des Travaux publics de Paris9, plus connu pour son
majestueux escalier et sa salle hypostyle en structure poteaux-poutres.
C’est ainsi qu’Auguste Perret décrit l’origine de la forme de ses poteaux au CESE :
« Ce qui fait la solidité du béton de ciment armé, c’est outre la résistance propre, le mono-
lithisme de l’ossature, monolithisme où toutes les pièces sont encastrées les unes aux
autres, et c’est pour exprimer cet encastrement que nous avons été conduits à faire nos
points d’appui plus gros en haut qu’en bas, à l’inverse de ce qui se faisait jusqu’à présent
pour les colonnes. Nous avons hésité longtemps avant d’oser cette forme et c’est en
Égypte, l’aspect d’un groupe de palmiers dont les troncs lisses et nus s’élançaient du sol
34 jusqu’à leurs palmes, à plus de vingt mètres de hauteur, en grossissant toujours, qui nous
a décidés. Pour passer de la forme cylindrique de la colonne à la forme rectangulaire de
la poutre, nous avons interposé un tronc de pyramide à base carrée avec une courbe de
raccordement au cylindre. Ce n’est pas un chapiteau, c’est un lien, mais ce lien termine
la colonne et fait d’elle, avec son galbe et sa base, un individu, une personne qu’on ne
peut pas sans mutilation allonger ou raccourcir. »

„„ Systèmes structurels horizontaux


L’élément horizontal par excellence est communément appelé poutre. Elle permet
de joindre deux appuis, si ce n’est plus, et de réaliser un support horizontal, sur lequel
viennent se placer des dalles ou bien encore directement des charges, comme dans le
cas d’un pont : on ne parle alors plus de poutre mais du tablier d’un pont.
Parmi les poutres simples qui ont été utilisées depuis longtemps, les troncs d’arbre
figurent en bonne position pour traverser des rivières, posés en appui de chaque côté.
Mais ce type de poutres « pleines » et brutes ne pouvait convenir pour les fleuves ou
vallées plus larges : aucun tronc n’était assez grand pour enjamber certaines rivières, et
lorsqu’il y en avait, ils pouvaient risquer de rompre au passage d’une personne. On trouve
donc des solutions alternatives : des ponts suspendus avec des lianes ou des cordes,
résistant au passage de personnes mais avec beaucoup de déformations pas forcément

www.biblio-scientifique.net
De s d ro it e s et d e s c o ur be s

SS
Pont en bois : composé de deux troncs d’arbres, recouverts par des lattes de bois en
guise de platelage, avec présence de garde-corps en bois de chaque côté du tablier.

agréables, ou alors des embarcations sur les rivières. Heureusement, l’apparition de nou-
veaux matériaux et de nouvelles formes structurales a permis de résoudre ces problèmes.
Ce fut d’autant plus appréciable lorsque les villes se développaient fortement10, comme 35

ce fut le cas par exemple de New York au xix  siècle : un accès par pont « stable » est bien
e

plus pratique et efficace que des navettes fluviales. Le seul concurrent du pont était à
cette époque-là le tunnel et pouvait parfois s’avérer bien plus intéressant : moins d’espace
sur terre était nécessaire pour « déverser » ses usagers. Les rampes d’accès des ponts
consommaient en effet beaucoup de place, ce qui était dérangeant sur des espaces aussi
contraints que l’île de Manhattan.

Les treillis et la flexion


Mais nous nous éloignons de notre propos avec ces considérations historiques. La
solution a été trouvée pour les éléments purement droits avec les treillis, qui agissent
uniquement en traction et en compression.
Le but d’un treillis est en effet d’éviter toute sollicitation en flexion, gourmande en
matériau : ses éléments, souvent appelés barres, ne travaillent ainsi qu’en traction et
compression. Les éléments peuvent être identiques ou différenciés, suivant qu’ils peuvent
ou non résister à la fois à la traction et à la compression.
Une multitude de formes s’est ainsi développée au fil du temps pour les treillis11 :
ƒƒ Howe fut le premier à déposer un brevet pour son treillis, en 1840 : il est de nos jours
peu utilisé ;

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

ƒƒ les Pratt, père et fils, ingénieurs ferroviaires, en firent de même avec le leur, beaucoup
plus employé, en 1844 ;
ƒƒ puis vint le treillis de Warren en 1848.
Il y a encore les treillis Baltimore, les fermes Polonceau, Mansard, le treillis lenticulaire
de Pauli, utilisé pour le Royal Albert Bridge d’Isambard Kingdom Brunel avec une portée

36 SS
Treillis Howe (de haut en bas) : le modèle initial breveté en 1840, avec en pointillé les
éléments travaillant uniquement en traction ; puis deux évolutions du treillis où les diago-
nales sont en compression lorsque la structure est soumise à des charges descendantes.

SS
Treillis Pratt (de haut en bas) : le modèle initial breveté en 1848, avec en pointillé les
éléments travaillant uniquement en traction. Ce treillis fut parfaitement adapté pour sta-
biliser les ailes des avions des frères Orville et Wilbur Wright, pionniers américains de
l’aviation. Les « croix » tendues étaient des câbles très fins sur les avions des frères Wright.
Les deux autres modèles allègent le système. Les diagonales sont en traction sous l’effet
de charges descendantes.

www.biblio-scientifique.net
D e s dr o ite s e t de s c o u rb e s

WW Exemple d’utilisation
du treillis Pratt pour
la toiture d’une gare
ferroviaire à Porto, Portugal.

SS
Treillis Warren : Structure à base de triangles équilatéraux, les diagonales sont soit 37
tendues, soit comprimées, sous l’effet de charges descendantes.

d’environ 140 mètres, etc. La croix de Saint-André, expression souvent employée en


France, désigne une structure en X.

Compression, flambement, torsion


Une autre manière de réaliser une poutre droite soumise le moins possible à la flexion
est de lui appliquer une grande compression. Plusieurs toitures de stades sont ainsi
réalisées et possèdent ce que l’on appelle des anneaux de compression, en acier ou en
béton généralement. Ces poutres sont structurellement optimales et ne doivent résister
qu’au risque de flambement et à la torsion. C’est aussi avec le même esprit que sont
apparues les poutres en « béton précontraint » : on comprime fortement le béton avant de
lui appliquer les charges qu’il aura à supporter. Ainsi, la flexion a beaucoup plus de mal
à apparaître, et par conséquent, les contraintes dans la poutre. Toujours dans le même
principe, même si on retombe dans la catégorie des éléments verticaux, les murs anciens
en maçonnerie étaient très épais afin que la force de compression causée par la gravité
soit toujours plus forte que les moments subis par la structure (à cause du vent ou alors
des forces horizontales issues de structures à soutenir, comme les dômes).

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

On doit le développement du béton précontraint à Eugène Freyssinet, suite à des


observations réalisées dès ses années d’étude auprès de l’ingénieur-professeur M. Rabut.
Celui-ci en effet montrait à ses élèves des porte-à-faux en béton, dans lesquels les
armatures d’acier étaient tendues d’environ 1/3 de leur capacité totale avant prise du
béton. Cette technique avait pour intérêt de limiter les fissurations dans les zones tendues
du béton mais ne remettait pas en cause profondément l’idée du béton armé. Eugène
Freyssinet est celui qui a poussé le raisonnement plus loin en déposant en 1928 un
brevet dans lequel les armatures pouvaient être « prétendues » bien au-delà des charges
qui allaient devoir être reprises, et ainsi donner naissance au béton précontraint tel qu’on
le connaît aujourd’hui (avec bien sûr des optimisations, mais selon le même principe).
L’un des pères de la précontrainte, avant Freyssinet, aura été Armand Considère qui,
en 1928, mit en compression de manière artificielle des blocs de granit pour réaliser un
mur portuaire en Bretagne. La mise en compression, appelée par la suite précontrainte,
fut mise en œuvre à l’aide de barres de fer et de simples écrous à leur extrémité. Un peu
plus tard, en 1934, André Coyne, alors ingénieur au service maritime du Finistère en
Bretagne, renforce le phare de la Jument, au large des côtes bretonnes, à l’aide de tirants
en acier prétendus. La précontrainte, au final, peut s’appliquer à tout matériau ne pouvant
38 travailler qu’en compression : c’est ce même principe qui au final était exploité par les
Romains quand ils construisaient des arches et des coupoles où les blocs de pierre étaient
maintenus ensemble par la seule force de compression exercée par la gravité.

Poutres et arcs
L’apparition de nouveaux matériaux et technologies a permis de réaliser des poutres
droites de portée de plus en plus grande, sans même devoir passer par le concept de
mise en compression initiale, comme ce fut le cas avec la maçonnerie (par la gravité) ou
le béton (par l’application d’une traction sur les armatures). Ce fut par exemple le cas
de l’acier à partir du xixe siècle, qui permit de franchir de plus grandes portées en tenant
plus compte des exigences fonctionnelles que structurelles : le nouveau matériau était
capable de supporter des efforts de flexion importants. Le Tubular Bridge construit par
Robert Stephenson12, pour la liaison ferroviaire entre Londres, Chester et Holyhead, fait
partie de ces ouvrages, et répondait au besoin de franchir le détroit du Menai sans en
obstruer le passage. Des optimisations structurelles ont été réalisées mais au niveau
des sections seulement, notamment après avoir remarqué sur un prototype que les tôles
minces ondulaient en compression : des raidisseurs ont été ajoutés et une structure en
caisson a été mise en œuvre. La vraie innovation reste néanmoins l’emploi d’un nouveau
matériau.

www.biblio-scientifique.net
De s d ro it e s e t d e s c o ur be s

SS Vue générale du Tubular Bridge : on SS Coupe du pont : cette figure montre


y voit que les piles s’élèvent au-dessus à la fois la structure cellulaire employée
du tube. Ce n’est pas pour des raisons pour résister au flambement ainsi que les
esthétiques, c’est parce qu’à l’origine, raidisseurs installés sur les parois verti-
Stephenson pensait devoir mettre des cales. L’expérience de W. Fairbairn dans
chaînes pour soutenir le tube. Fairbairn l’a la construction de coques de bateau a dû
convaincu du contraire. être une aide précieuse.

C’est aussi le cas du béton à haute performance ou bien encore le BFUP, employé
par l’architecte Rudy Ricciotti pour sa passerelle élégante vers le Fort Saint-Jean à 39

Marseille. On peut donc réaliser des ponts « horizontaux », linéaires, en choisissant bien à
la fois la forme et le matériau de la structure finale, en fonction de la portée à atteindre.
Mais il était parfois impossible de trouver à la fois le bon matériau, la bonne forme et la
portée acceptable pour réaliser cette ligne horizontale « pure ». Les Romains par exemple

SSPasserelles en BFUP à Marseille, France, architecte : Rudy Ricciotti. À gauche : vers le


MUCEM ; à droite : vers le fort Saint-Jean.

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

40
SS
Aqueduc de Ségovie : datant environ de 100 apr. J.-C., il ne tient que par la gravité et le
parfait équilibre des forces. Aucun liant n’a été utilisé entre les différents blocs de pierre.
À cause de la pollution atmosphérique, les blocs se sont érodés, réduisant la surface de
contact entre eux et ainsi l’équilibre de l’ensemble de la structure. Plusieurs mesures de
sauvegarde ont été prises, notamment l’arrêt de la circulation routière sous le pont.

SS
Plafond dans un immeuble du quartier Beyoglu à Istanbul, près de la tour Galata.

www.biblio-scientifique.net
D e s dr o it e s e t de s c o u rb e s

avaient du mal à réaliser des poutres droites à base de briques ou même de pierres :
aucune pierre ne faisait alors la taille souhaitée, ou alors elle était tellement lourde qu’ils
n’avaient aucun moyen de la disposer facilement à l’endroit souhaité. Une autre idée aurait
été de les lier entre elles pour faire une poutre plus grande mais les moyens n’existaient
pas à cette époque de lier de manière suffisamment forte les différents éléments. Or ils
voulaient enjamber des rivières ou percer des murs (pour aménager des passages – dans
leurs colisées – ou alors pour réduire leur consommation de pierre, de briques – dans
leurs aqueducs – et par conséquent économiser du temps et de l’argent) : ils ont ainsi
inventé les arcs, sur lesquels venait ensuite se disposer une ligne horizontale (ou un peu
inclinée pour faire couler l’eau). Les aqueducs sont à ce sujet très instructifs, tout comme
les plafonds étonnants d’anciens immeubles d’Istanbul toujours visibles de nos jours : un
exemple parmi tant d’autres d’utilisation des arcs pour aller d’un appui à un autre.
Les arcs romains ont été remplacés peu à peu par les architectures romane et
gothique, principalement utilisées pour les édifices religieux. Le gain de lumière13 entre
ces deux arts (ou architectures) a été rendu possible par le passage de la voûte en
berceau à la voûte sur croisée d’ogives, permettant notamment de se libérer des murs
parallèles romans au profit d’arcs-boutants et de contreforts extérieurs, et ainsi de réaliser
des édifices plus hauts. 41

Des lignes horizontales pures ont été réalisées en Grèce Antique (v  siècle av. J.-C.)
e

mais les portées étaient moindres : environ 4,5 m entre les piles du Parthénon à Athènes,
par exemple. La même chose peut être dite au sujet des ponts en bois de faible portée

SS
Pont en pierre dans les bois environnant Huelgoat en Bretagne, France.

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

déjà évoqués précédemment, ou encore des ponts réalisés en pierres de taille modeste,
mais aussi des sites mégalithiques qui ont fleuri un peu partout dans le monde, et notam-
ment en France durant le Néolithique avec des monuments appelés « menhirs » (pierre
dressée, en breton) et « dolmens » (pierre couchée, en breton). Les dolmens étaient soit
appelés « cairns » ou « tumulus » quand ils étaient recouverts, respectivement, de pierre
ou de terre : les alignements de Carnac et le cairn de Gavrinis en Bretagne sont des sites
mégalithiques mondialement reconnus, tout comme Stonehenge en Angleterre.

Des portées de plus en plus importantes


De nos jours, nous pourrions faire des treillis immenses aussi bien pour les bâtiments
que pour les ponts mais ce n’est pas la tendance. Il y a bien eu le Centre Pompidou avec
ses poutres treillis gigantesques, offrant de vastes plateaux sans poteaux où la liberté de
mise en scène des œuvres est maximale, mais ce type de structure ne se justifie pas pour
des logements ou des bureaux dont la présence de murs est jugée nécessaire : à quoi
bon en effet réaliser une poutre énorme (tant en portée qu’en hauteur) alors qu’on peut
en réaliser une plus fine avec des appuis à chaque fois qu’un mur est rencontré ? Sans
compter le poids énorme que ce genre de structures représente dès lors que les portées
42 deviennent importantes.
L’avenir pourrait nous apporter une solution pratique : des grandes portées, sans
appuis intermédiaires, avec très peu d’encombrement, grâce à l’emploi de nouveaux
matériaux très résistants, comme le BFUP utilisé pour la passerelle du Fort Saint-Jean
et du MUCEM à Marseille. Les murs pourraient donc être ajoutés ou enlevés, selon les
besoins, sans contrainte au niveau de la structure : modularité des espaces pour une
flexibilité maximale dans les usages.

SS
Pont du Golden Gate, entre San Francisco et Marin County, États-Unis.

www.biblio-scientifique.net
D e s dr o it e s e t de s c o u rb e s

SS
Arc convexe utilisé pour une passerelle dans le port de Hambourg (Allemagne), et pour
la toiture du stade Moses Mabhida (Afrique du Sud).

43

SS
Pont métallique ferroviaire Hohenzollern sur le Rhin à Cologne, Allemagne, composé de
trois arcs convexes situés au-dessus du tablier.

À ce jour, les plus grandes portées (horizontales) sont réalisées par des structures
suspendues et haubanées. Elles nécessitent l’emploi de câbles et de points d’ancrage
naturels (rochers) ou artificiels (piles de ponts, anneau de compression, façade de bâti-
ment existant, etc.).
Les ponts en arcs de l’Antiquité ont inspiré bon nombre de constructeurs qui les ont
adaptés pour exploiter au mieux les matériaux récents comme les câbles :
ƒƒ on maintient un arc convexe mais on le place au-dessus de la voie de passage. Les
forces verticales sont alors transmises à l’arc par des tirants verticaux. La route est

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

SS
Arcs convexes situés sous le tablier. À gauche : pont routier en béton armé Bixby Creek
Bridge sur la côte de Big Sur, au sud de Carmel-by-the-Sea en Californie, États-Unis ; à
droite : pont ferroviaire en maçonnerie, Forêt Noire, Allemagne.

alors en traction et l’arc en compression (ces ouvrages sont appelés bowstrings


par les Anglo-Saxons, en référence à la forme des arcs des anciens soldats, mais en
aucun cas à leur flexibilité !). Une toiture de stade innovante a également repris ce
principe pour la Coupe du monde de football en Afrique du Sud en 2010 : le stade
Moses Mabhida à Durban ;
ƒƒ on peut aussi renverser l’arc, le rendre ainsi concave et le disposer directement sous
44 la route. Cet arrangement met l’arc sous tension et les éléments de transfert des
forces entre la route et l’arc deviennent comprimés. On perd en place sous le pont ou
le toit mais on gagne en quantité de matériau : l’arc, qui est l’élément le plus long de
la structure, n’aura plus de risque de flamber (voir chapitre 5 sur l’analyse statique) et
donc consommera moins de matériau.

SS
Passerelle avec un arc concave, en traction, à Berlin, entre deux bâtiments.

www.biblio-scientifique.net
De s d ro it e s et d e s c o ur be s

Ponts suspendus et ponts haubanés


De nombreux ponts suspendus ont dû être réalisés bien avant avec des lianes ou des
cordes, voire peut-être du fer : il était déjà utilisé en Anatolie, au xviiie siècle avant J.-C.,
comme en témoigne la tablette cunéiforme retrouvée à Alalakh (en Anatolie, à la frontière
actuelle entre la Turquie et la Syrie) lors des fouilles de Sir Leonard Woolley.
La première mention de pont suspendu dans la littérature européenne remonte au
e
xvii  siècle après J.-C., avec le livre de Faustus Verantius, Machinae Novae (« Machines
nouvelles » en latin). Il y décrit une structure à mi-chemin entre le pont suspendu et le
pont haubané :
ƒƒ le pont suspendu est composé d’un tablier soutenu par des suspentes verticales
toutes reliées à un groupe de câbles décrivant une forme parabolique (courbe s’il y
a beaucoup de suspentes verticales, et polygonale s’il y en a peu) et ancré sur des
pylônes, tours ou massif naturel ;
ƒƒ le pont haubané est, lui, composé d’un tablier soutenu par des câbles obliques, paral-
lèles ou non, ancrés sur des pylônes, tours, façades de bâtiments ou massif naturel.
Bien que principalement associées aux ouvrages d’art, ces structures se retrouvent
pour des toitures de grandes portées : Stade de France à Saint-Denis, Halles d’exposition
à Francfort, etc. 45

Quelques ponts ont renoué avec le principe hybride initié par Faustus Verantius : le
Brooklyn Bridge à New York (États-Unis), le pont Khor al Batah à Oman ou bien encore le
tout dernier pont Yavuz Sultan Selim sur le Bosphore, au nord d’Istanbul.

SS
Brooklyn Bridge à New York (États-Unis) : structure hybride avec
câbles de suspension et haubans pour rigidifier le tablier.

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

SS
Détail du système hybride (suspendu et haubané) de l’Albert Bridge à Londres.

Les haubans ont fait l’objet d’étude par Joseph Steinman et Othmar Ammann en
46 particulier au début du xxe siècle :
ƒƒ le premier a travaillé sur des cable stays permettant, comme son nom l’indique, de
stabiliser le groupe de câbles principaux allant d’une pile à l’autre du pont. Ces câbles
stabilisateurs étaient ancrés sur les piles au niveau de la hauteur du tablier du pont ;
ƒƒ le second a, lui, analysé une solution de type floor stays, qui consistait à stabiliser
cette fois-ci le tablier (floor) au moyen de câbles (haubans) fixés en haut des piles.
C’est cette solution qui est aujourd’hui exploitée dans les ponts haubanés ou sys-
tèmes hybrides comme évoqués précédemment.
De nos jours, c’est la disposition des câbles pensée par Othmar Ammann qui est
largement utilisée mais elle a curieusement pris le nom de ceux de Joseph Steinman : on
parle en effet, en anglais, de cable-stayed bridge, pour un pont haubané.
Différence entre forme parabolique et « chaînette » : la forme principale d’un
pont suspendu est une parabole. Néanmoins, la forme n’est pas la même tant que
les suspentes verticales et le tablier ne sont pas reliés aux câbles porteurs principaux,
c’est-à-dire durant la construction : elle décrit alors ce qu’on appelle une chaînette. La
différence est négligeable quand la portée de la structure est faible, mais importante dès
lors qu’elle augmente. Encore une fois revient la remarque glissée dans l’avant-propos
sur l’intérêt des grandes structures sur les petites, pour comprendre les phénomènes
en jeu.

www.biblio-scientifique.net
De s d ro it e s et d e s c o ur be s

La différence de forme vient de la différence qualitative de chargement du câble :


ƒƒ Le câble prend la forme d’une parabole ou courbe funiculaire (en référence au
mot latin funiculus qui signifie corde) dès lors qu’on lui applique une force linéaire
constante en projection horizontale. Il se décompose par ailleurs en droites brisées
lorsque la force est discrétisée en plusieurs points du câble, ce qui est à vrai dire le
cas dans la réalité mais qui est difficilement observable à l’œil nu de par la distance
assez proche entre les suspentes verticales et par le fait que le câble ne se brise pas
au niveau de chaque application de forces. On parle alors de polygone funiculaire.
Dans cette forme, le poids propre du câble est négligé.
ƒƒ Dans le cas de la chaînette, c’est justement le poids propre du câble, et seulement lui,
qui est pris en compte. Or ce poids propre n’est pas une force linéaire constante en
projection horizontale : il est plus élevé lorsque le câble présente une forte pente (près
des piles) et moins lorsqu’il est quasi horizontal (au milieu de la portée).
Afin de comparer les deux formes, en prenant une force globale identique pour les
deux types de formes, on constate que la chaînette sera sous la courbe parabolique près
des appuis, et au-dessus en milieu de portée. La différence entre les deux formes est
d’autant plus marquée que la longueur de la chaînette et de la courbe parabolique est
grande entre les deux points d’appui. 47

SS
Troisième pont sur le Bosphore à Istanbul, le pont Yavuz Sultan Selim : en haut, les
câbles principaux décrivent une forme de chaînette ; en bas, les câbles, reliés au tablier
par des suspentes, prennent une forme parabolique.

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

La réalité des structures est en général un mélange de ces deux formes, avec une
prédominance d’un type sur l’autre suivant le rapport entre le poids propre des câbles et
les charges autres (poids propres des suspentes et du tablier et charges d’exploitation
variables) :
ƒƒ les grands ponts suspendus ont un poids propre des câbles porteurs négligeable par
rapport aux charges qu’ils soutiennent et forment donc des courbes paraboliques ;
ƒƒ à l’inverse, les toitures à base de câbles dont le poids propre est prépondérant par
rapport aux autres charges ont une forme de chaînette ;
ƒƒ les câbles électriques décrivent eux une chaînette pure, ne devant supporter que leur
poids propre.
Dans le registre des ponts suspendus, Albert Gisclard a marqué son temps en
créant des ponts ferroviaires suspendus d’une grande légèreté. Quand un train se situait
à environ un quart de la portée totale du pont, il avait remarqué que le câble porteur
se baissait fortement juste au-dessus de la charge, et s’élevait sur l’autre moitié du
pont. Son idée a donc été de rigidifier le pont en construisant des « treillis suspendus ».
Malheureusement, Albert Gisclard décéda alors qu’il se trouvait en contrebas d’un de ses
ponts et que ce dernier rompit au passage d’un train. Des concepteurs ont payé de leurs
48 vies les efforts consacrés à l’amélioration de notre environnement bâti. Pour ses réalisa-
tions, Albert Gisclard s’était associé à Ferdinand Arnodin, responsable de la construction
des grands ponts transbordeurs du début du xxe siècle à Marseille et Nantes, aujourd’hui
détruits mais dont on peut toujours apercevoir la silhouette dans les films de Marcel
Pagnol en ce qui concerne l’ouvrage de Marseille.

WW Illustration extraite de la
solution brevetée par l’Office
américain des brevets, le 2 avril
1901 : système de pont suspendu
rigide, inventé par Albert Victor
Hippolyte Léon Gisclard.

Les éléments horizontaux peuvent aussi n’être en appui qu’à une seule extrémité : on
parle alors de porte-à-faux ou encore de console.
Les balcons et les potences servant à porter des luminaires font partie de ces struc-
tures. On retrouve aussi ces structures à des échelles beaucoup plus grandes, comme le
Forth Bridge en Écosse : il est pour sa part composé de deux segments en porte-à-faux,
et d’un segment central entre ces deux porte-à-faux. Dans ces ouvrages, la demande en
matériau est plus élevée pour résister aux sollicitations14, mais elle se justifie de manière
assez évidente :

www.biblio-scientifique.net
De s d ro it e s e t d e s c o ur be s

SS
Forth Bridge, Écosse : trois appuis principaux avec pour chacun deux porte-à-faux de
chaque côté, et deux poutres en suspension fixées au bout de porte-à-faux. À droite
de l’image : structure poteaux-poutres classique.

ƒƒ pour le pont du Forth, il était plus facile de faire les piles près de la terre et d’avancer
vers le milieu du fleuve à partir de là ;
ƒƒ pour un éclairage le long d’une façade, on préfère souvent mettre une barre fixée
perpendiculairement au mur pour la suspendre, plutôt que créer un poteau depuis le
trottoir (le matériau serait certes utilisé de manière plus optimale mais il vaut mieux
mobiliser le mur pour économiser !). 49

En résumé

En attendant les matériaux « miracles » qui nous permettront de réaliser des lignes
horizontales « pures » entre deux points, il a donc fallu et il faut encore de nos jours
trouver des parades, des idées, pour exploiter au mieux les caractéristiques des maté-
riaux existants et franchir les portées désirées en contournant les problèmes :
ƒƒ réduire par tous les moyens la distance entre appuis d’une poutre. On peut pour
cela ajouter tout simplement des points d’appuis (si le sol et la place au sol le
permettent), réalisation d’arches sur lesquelles viennent s’appuyer des poteaux et
finalement des poutres, construction de pylônes accueillant une série de câbles
soutenant la poutre ou le tablier horizontal (principe des ponts suspendus et à
haubans) quand les portées sont si longues qu’un arc serait bien trop haut pour
rivaliser de manière économique avec une structure câblée ;
ƒƒ précontraindre les éléments, artificiellement ou par utilisation judicieuse de la
gravité (le principe des arcs est finalement basé sur cela) ;
ƒƒ réaliser des treillis qui en quelque sorte évident les poutres pleines pour guider les
efforts dans les directions les plus sollicitées (usage optimal du matériau).

www.biblio-scientifique.net
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

Des surfaces planes et courbes

„„ Éléments verticaux (voiles et dalles)


Voilà comment Richard Sennett évoque, dans son livre Ce que sait la main, la
construction en brique de la résidence étudiante Baker House de l’architecte Alvar Aalto
au MIT de Boston, aux États-Unis : « Les murs courbes sont de brique, dans un esprit
délibérément “primitif”.
« Voici en quels termes Aalto décrit sa méthode de construction : “Les briques ont été
faites d’argile de surface exposée au soleil. Elles ont été cuites en pyramides montées à
la main, avec du chêne pour seul combustible. Quand on a dressé les murs, toutes les
briques ont été acceptées, sans aucun tri, avec pour conséquence que la couleur varie
du noir au jaune canari, même si la dominante est le rouge vif.”
« Cette façon délibérément traditionnelle de produire des briques donne le sentiment
d’avoir bouclé la boucle. Aalto souligne “l’honnêteté” de ses briques par une marque
imprimée sur la surface du mur ; régulièrement, chaque pan de mur de brique contient
une brique déformée, trop cuite. Ces briques calcinées et déformées attirent l’attention
sur les briques régulières, on les regarde d’un œil neuf ; le contraste fait ressortir la
50 nature des deux. Ainsi sommes-nous en position de réfléchir à ce qu’est une brique : une
réflexion sur le matériau dont nous n’aurions sans doute pas l’idée si toutes les briques
étaient d’une perfection uniforme, imperturbable. »
Nous retrouvons cet aspect unique de chaque brique dans le mur du château des
Ducs de Bretagne de Nantes. Deux types de pierres se succèdent, créant des lignes plus
ou moins claires sur toute sa surface : éléments répétés mais jamais identiques.
Toujours dans les ouvrages maçonnés, la Muraille de Chine est encore de nos jours,
avec ses 6 200 km de murs, qui s’ajoutent aux tranchées, montagnes et rivières, la plus
grande réalisation humaine.

WW Mur du château des Ducs de


Bretagne, Nantes, France.
De s s u rfac e s p l a ne s e t c o u rb e s

51

SS
La Grande Muraille de Chine.

„„ Éléments horizontaux (dalles et toitures)


Beaucoup de toitures reprennent le langage structurel des ouvrages d’art :
ƒƒ pensons par exemple à la papeterie Burgo en Italie, dessinée par Pier Luigi Nervi,
et achevée en 1963. Les forces de la toiture sont reprises par 4 piliers en Y inversé
en béton armé desquels partent 4  câbles pour franchir une portée principale de
163 mètres, ceci afin de prévoir l’extension de l’entreprise ;
ƒƒ la toiture du Stade de France, avec ses haubans, fait penser aux ponts haubanés tels
que le pont de Normandie ou celui de Térénez, près de Brest en Bretagne.
Dans la thématique des dalles, on peut noter l’aspect organique et très original des
dalles de l’ingénieur Pier Luigi Nervi pour la fabrique de laine Gatti en 1951, à Rome.

„„ Éléments inclinés, coniques (tipis indiens)


Les tipis indiens sont des tentes composées d’une structure en bois sur laquelle
sont tendues des peaux : le terme « tente » vient d’ailleurs du latin tendere, qui signifie
« tendre ».
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

SS
Gravure représentant les habitats des Natifs américains, en 1881.

Leur avantage principal est d’être léger, à l’inverse des igloos par exemple. Cela
s’explique par, d’un côté, la rareté des matériaux (difficile de trouver chaque jour des
morceaux de bois de la bonne taille, et des peaux d’animaux, alors que pour les igloos,
le matériau existe à profusion, partout : inutile donc de transporter les blocs de neige, et
leur poids importe donc peu). À ces considérations de poids s’ajoutent celles d’isolation
thermique : un igloo, avec sa masse, protégera ses habitants du froid beaucoup mieux
qu’une simple tente, ce qui est tout indiqué pour les régions froides.
52
„„ Courbes
Structure à simple courbure (ou presque)
Une des premières voûtes connues à simple courbure et de grande ampleur, après les
voûtes nubiennes, est celle de Ctésiphon construit vers 540, dans l’actuel Irak, en brique :
épaisse d’un mètre au sommet, et de sept mètres au sol, elle présente une hauteur de
37 m pour une largeur d’environ 25 m.

SS
À gauche : intérieur du Musée d’Orsay, Paris : à l’origine gare ferroviaire ouverte à
l’occasion de l’Exposition universelle de 1900, elle a été reconvertie en musée en 1986.
À droite : le hall d’arrivée des trains Eurostar dans la gare Saint Pancras de Londres, inau-
guré en 1868 et conçu par l’ingénieur William Henry Barlow (portée de 73 mètres, la plus
grande au monde pour ce type de structure à l’époque de sa construction).
De s s u rfac e s p l a ne s e t c o ur be s

Ces structures prennent la forme de cylindres tronqués. C’est typiquement le genre


de structure que l’on peut obtenir avec une feuille de papier que l’on plie, à l’inverse des
structures à double courbure, comme les coupoles ou les structures en membranes.
Eladio Dieste (1917-2000) a réalisé de nombreuses surfaces courbes, notamment la
toiture de la gare routière de Salto en Uruguay, composée d’une série de sept voûtes à
simple courbure, larges de 6 m et longues de 12 m de chaque côté des supports verticaux.

Structures en forme de coquillage


Le marché de Royan15, en France, réalisé en 1956 par les architectes Louis Simon
(1901-1965) et André Morisseau, avec l’aide des ingénieurs Bernard Laffaille (1900-
1955) et René Sarger, est une coque en forme de coquillage, avec des ondulations en
paraboloïdes sinusoïdales au nombre de 13. Le voile de béton a une épaisseur moyenne
comprise entre 8 et 10 cm et chaque voûte forme un arc à trois articulations (voir cha-
pitre 5). La partie centrale de cette halle couverte de 4 000 m2 (soit un diamètre d’environ
70 mètres) est parsemée de briques de verre permettant un éclairage naturel à l’intérieur.
Cette structure a été réalisée dans le cadre de la reconstruction de la ville de Royan après
la seconde guerre mondiale.
Dans le même esprit, l’ingénieur-architecte Santiago Calatrava a construit en 1997 53

deux bâtiments en forme de coquillage (un à 3 voûtes, l’autre à 8 voûtes), pour l’Oceano-
gràfic, un aquarium à Valence, en Espagne : le bâtiment d’accueil et le restaurant. Une
épaisseur de 6 cm a été obtenue pour les voiles en béton fibré projeté.
Felix Candela avait aussi exploité cette forme structurale dans de nombreux autres
projets, notamment en 1957 pour le restaurant Los Manantiales à Xichimilco, une zone
lacustre de Mexico City, composée de canaux et de jardins flottants inscrits sur la liste du
patrimoine mondial de l’UNESCO. La portée interne est de 30 mètres avec une épaisseur
de seulement 4 cm. Les forces horizontales au niveau des appuis sont compensées par
des barres de tractions entre appuis, sous la surface du sol pour rester invisibles (voir aussi
le chapitre 5 pour la mise en évidence des efforts horizontaux dans les structures en arc).
Heinz Isler (1926-2009) était un autre ingénieur intéressé par la forme des coquil-
lages, et plus généralement les formes inspirées de la Nature et de ses lois. Il appliqua
trois techniques pour générer leurs formes :
ƒƒ mise sous pression de membrane de l’intérieur ;
ƒƒ figer la forme d’un tissu sous l’effet de son propre poids, un peu comme le faisait
l’architecte espagnol Antoni Gaudí en photographiant ses réseaux de ficelles auxquels
étaient suspendus des petits sacs de plomb, avant dessin par observation des pho-
tographies ;
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

ƒƒ laisser s’écouler et durcir de la mousse ou alors de l’eau à une température inférieure


à 0  °C, sur une surface existante obtenue par les deux premières techniques. La
membrane sert alors de coffrage avant d’être retirée et laisser la fine pellicule de
mousse ou de glace supporter la structure elle-même.
Originaire de Suisse, il travailla aussi en France et réalisa la bibliothèque de Chamonix
en 1970 avec l’architecte Roger Taillibert, qui n’est pas sans rappeler une autre structure
de grande ampleur en voile mince : le CNIT du quartier de la Défense à Paris.
Le CNIT (Centre des nouvelles industries et technologies) est principalement l’œuvre
des architectes Robert Camelot, Jean de Mailly, Bernard Zehrfuss et de l’ingénieur Nicolas
Esquillan (1902-1989). Les façades en verre ont quant à elles été conçues par Jean Prouvé.
C’est à ce jour encore la plus grande portée au monde réalisée en voile mince de béton.

54 SS
Au centre, le CNIT : l’emprise au sol est de forme triangulaire (côté de 206 mètres pour
une surface couverte d’environ 22 000 m2) et la hauteur d’environ 50 mètres.

Structures en forme de dôme


Un architecte s’était vu refuser son projet pour le CNIT : Pier Luigi Nervi. Il marqua
néanmoins fortement l’histoire de la construction durant le xxe siècle, en particulier avec
son dôme pour le petit palais des sports à Rome, réalisé en collaboration avec l’architecte
Annibale Vitellozzi et achevé en 1957. Il est composé sur sa périphérie de 36 béquilles en
forme de Y, sur lesquelles vient reposer un dôme d’environ 60 mètres de diamètre pour
une hauteur de 21 mètres.
Les voûtes catalanes tiennent leur nom de leur région d’origine : la Catalogne en
Espagne. Des voûtes similaires ont été trouvées dans d’autres cultures mais la particula-
rité des voûtes catalanes est d’utiliser des tuiles plates, nécessitant par conséquent une
quantité importante de mortier entre les tuiles.
Composée de deux couches de tuiles, la voûte catalane reprend essentiellement des
charges de compression.
Un dôme intégral a été réalisé par Richard Buckminster Fuller pour l’Exposition uni-
verselle de Montréal en 1967. Le diamètre est de 76 mètres et la structure est composée
d’un treillis spatial.
De s s u rfac e s p l a ne s e t c o ur be s

Structures en forme de coupole


La coupole du marché de Valence a été achevée en 1928 et conçue par les archi-
tectes Alejandro Soler March et Francisco Guardia Vial. Elle inonde encore aujourd’hui de
lumière le marché couvert.

WW Coupole des halles


couvertes de Valence,
Espagne.

Structures en membranes
Certaines formes sont spécifiques aux structures en membranes. En effet, elles
doivent être tendues en permanence pour être stables. Cela nécessite des structures : 55

ƒƒ en forme de selle de cheval (ou double courbure anticlastique, ce qui signifie que les
rayons de courbures de la structure n’ont pas leur centre du même côté du plan, à
l’inverse des structures comme la sphère, qui ont tous les centres de leurs rayons
de courbures du même côté du plan), pouvant être réalisée à l’aide de mâts et de
câbles ;
ƒƒ avec une arche sur laquelle vient se tendre la membrane ;
ƒƒ avec des mâts isolés, formant des sortes de volcans fermés ou obstrués, ou alors
réunis pour former des tentes ou des toitures en forme de vagues.

WW Tente bédouine
du Sahara.
2   Fo rmes g éo mét ri q ues des  st ruc t ur es

Des volumes

Ce sont clairement les structures les moins développées aujourd’hui. Néanmoins, la


découverte de nouveaux matériaux a permis à partir de la deuxième moitié du xxe siècle
de développer leurs usages. Elles sont composées d’air enfermé dans une membrane
fine résistant bien aux efforts de traction. Un des précurseurs sera Walter Bird, avec sa
structure « Radom » qui a permis de se protéger des équipements radar.

„„ Structures volantes
Montgolfière
La montgolfière tient son nom de ses inventeurs, les frères Montgolfier. Elle était
d’abord réalisée à l’aide de simples feuilles de papier, dès la fin du xviiie siècle16.
Aujourd’hui, les montgolfières sont fabriquées en nylon ou polyester enduit de polyuré-
thane ou de silicone pour éviter les pertes de volume d’air chaud dans le ballon. À moindre
échelle, on peut qualifier les lanternes volantes beaucoup utilisées en Asie du Sud-Est de
montgolfières miniatures : elles reposent sur le même principe.

56 Ballon dirigeable
Les Zeppelin et aujourd’hui les Airlander (en phase d’essai) représentent une alter-
native aux avions actuels. De là à les utiliser pour des structures au sol… c’est difficile
à imaginer.
Un autre type de ballon concerne les mesures météorologiques. Ils sont de différents
types suivant les mesures à effectuer (courtes ou longues, etc.) mais généralement gon-
flés à l’hélium.

„„ Boudins gonflés (Zodiac, Tensairity, etc.)


Une passerelle à Val Cenis17 dans les Alpes, conçue en 2005 par l’architecte Philippe
Barbeyer et le bureau d’étude Charpente Concept, a utilisé le système Tensairity18, utilisée
en sous-tension d’une structure bois-acier. L’enveloppe est ici composée de fibres de
verre recouvertes de silicone, avec une pression interne d’environ 0,2 MPa.
Dans le cas des poutres et poteaux gonflés, la membrane ne résistant qu’aux efforts
de traction, la surpression (ou précontrainte en traction) à l’intérieur des éléments doit
être plus grande que celle générée par les chargements extérieurs : c’est le principe des
châteaux gonflables pour enfants, des bateaux pneumatiques type Zodiac, ou des abris
d’urgence développés par exemple par la société Covertex Ltd19 : leur installation peut offrir,
à titre d’exemple, une surface intérieure de 45 m2 pour un poids de structure de 150 kg.
De s v o l um e s

„„ Toiture en coussins ETFE


On utilise aussi les volumes pour couvrir des surfaces importantes en associant une
structure porteuse rigide, des câbles et des feuilles d’ETFE entre lesquelles on insuffle de
l’air en permanence.

57

SS
Toiture en coussins gonflables à l’aéroport de Munich, Allemagne : elle est composée
de membranes claires soutenues par un réseau de câbles entrecroisés de couleur noire.
Les bandes parallèles plus foncées sur l’enveloppe de la toiture marquent les zones de
jonction entre deux bandes de membranes.
3
Les matériaux :
caractéristiques et sections

« Parmi les moyens que l’architecte met en œuvre, les éléments qui prennent
la première place sont assurément les matériaux. Leur rôle est d’autant plus
important dans la construction d’un édifice, que leurs qualités, leurs dimensions,
leurs propriétés étaient plus développées et définies à l’époque de la construction,
et chez le peuple qui l’a conçue. Aussi, la nature des matériaux et le parti plus
ou moins grand que la science et l’industrie savent tirer de ces éléments, i­ nfluent-
ils sur le caractère monumental de chaque époque, de chaque nation. »
in Les Halles centrales de Paris, construites sous le règne de Napoléon III
par V. Baltard et F. Callet architectes, 1862

Résille en BFUP du MUCEM, Marseille, France.


Le s m até r ia u x : c a r ac té r is t i q ue s e t s e c t io n s

Propriétés générales

„„ Classification
Les matériaux sont classés en six grandes catégories :
ƒƒ les céramiques ;
ƒƒ les métaux : fonte, fer, acier ;
ƒƒ les verres ;
ƒƒ les polymères ;
ƒƒ les élastomères ;
ƒƒ les composites.
Les matériaux peuvent par ailleurs être employés bruts, transformés, reconstitués,
recyclés.
Il existe ainsi une infinité de possibilités, y compris de les différencier par leur proxi-
mité géographique, et cela doit rester en tête tant les innovations en la matière peuvent
être nombreuses : emploi de bambou, cordages, matériaux inspirés du vivant, etc.
Nous nous limiterons dans le cadre de ce livre aux noms de matériaux employés
fréquemment : roches, terre, bois, acier, béton, membranes.
59

„„ Empreinte écologique
Préambule
Il est difficile de déterminer l’empreinte écologique d’un matériau. Le matériau le plus
écologique au monde restera polluant dès lors qu’il sert à une construction peu utilisée, ou
alors à mauvais escient. L’écologie est un domaine complexe dans lequel le concepteur n’a
souvent qu’une faible marge de manœuvre. Je prends souvent l’image d’une personne qui
écope avec une tasse de café (parfois même trouée) un grand bateau présentant une avarie
récurrente : plus le sauve(te)ur (ingénieur) ira vite et plus il aura de chance de rester à flot.
Mais il serait aussi, un jour, intéressant de fabriquer des bateaux (des sociétés) plus fiables.
On gagnerait en bien-être, et certainement en sagesse et savoir. Dans le même esprit, une
question se pose à la fin de la très belle et exemplaire légende du colibri, rendue célèbre par
Pierre Rabhi20 : qui a mis le feu en premier lieu ? Je suis pour la solidarité, et il y en aura tou-
jours besoin, mais ne peut-on pas s’occuper des causes et tenter de les juguler en amont ?

Cycle de vie des matériaux, usage et durabilité


Lorsque nous étudions l’empreinte écologique d’un matériau, toutes les phases sont
considérées : de l’extraction du minerai ou matériau brut jusqu’à son réemploi, quand
cela est possible.
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

Au-delà de l’aspect fabrication de chacun des matériaux, quelques pistes peuvent


être listées :
ƒƒ utiliser des matériaux disponibles localement et adapter sa conception en fonction ;
ƒƒ construire juste ce dont on a besoin, et optimiser au mieux ce que l’on a déjà : prendre
soin est parfois plus valorisant que faire ;
ƒƒ privilégier les lieux de production qui fabriquent des matériaux en utilisant des éner-
gies renouvelables (y compris des matériaux qui ont besoin de beaucoup d’énergie
pour être fabriqués !) ;
ƒƒ réemployer et/ou recycler au maximum les matériaux trouvés sur chantier : que faire
des déblais ?
Le sujet est vaste et déborde le strict sujet des matériaux : une structure pouvant
satisfaire plusieurs usages au cours de son existence sera bien plus respectueuse de
l’environnement qu’une structure figée, ne pouvant servir qu’à un seul type d’usage, et
qu’il faudrait détruire puis reconstruire, autrement, une fois le seul usage « épuisé ». La
rénovation représente néanmoins parfois un challenge difficile. Comment reconvertir
par exemple un immeuble ancien présentant de grandes hauteurs sous plafond et de
larges fenêtres, en résidence étudiante rentable en plein cœur de ville ? La tentation
60 d’un promoteur serait grande de tout détruire pour optimiser le nombre de logements
en réduisant la hauteur des étages et la dimension des pièces. Une solution serait de
rajouter des étages et ainsi couper les fenêtres de chaque étage, ou alors de réaliser
de grands open spaces avec des boîtes mobiles, préservant l’intimité et l’obscurité
nécessaires pour chaque étudiant, tout en mutualisant un certain nombre de services :
lavage des vêtements et séchage dans des compartiments séparés, cuisine partagée
et quelques cuisines individuelles bien pensées pour laisser chacun libre de s’isoler ou
recevoir des amis certains soirs. Et pourquoi ne pas mettre ces cuisines à disposition
des travailleurs du quartier le midi (suivant les disponibilités) et ainsi augmenter les
revenus du propriétaire des lieux, ou réduire le loyer mensuel des étudiants locataires ?
Autant de dispositions qui sortent du cadre des matériaux mais qui entrent en ligne de
compte lorsqu’il s’agit d’estimer l’empreinte écologique d’un bâtiment. Et il en existe
tant d’autres que cela nécessiterait un livre entier. L’importance de chaque acteur est
primordiale dans l’acte de construire et… déconstruire, de la définition du projet jusqu’à
son exploitation et son réemploi.
Depuis le rapport Stern paru le 30 octobre 200621, il est admis qu’il est plus écono-
mique de concevoir de manière durable (et donc d’investir plus maintenant) que de payer
plus tard les conséquences du dérèglement climatique engendré par l’augmentation des
émissions de carbone dans l’atmosphère.
P ro p r ié t é s g é né r a le s

„„ Élasticité, plasticité, ductilité et fragilité


Élasticité/plasticité
Un matériau élastique voit ses déformations disparaître une fois la charge disparue.
Certains matériaux restent élastiques jusqu’à la rupture, alors que d’autres rentrent
dans le domaine plastique avant la rupture, où les déformations demeurent même après
arrêt du chargement. La plasticité d’un matériau lui permet, là où les contraintes sont
fortes, de se déformer et de redistribuer les contraintes et ainsi de réduire les contraintes
dans la structure sans aller jusqu’à la rupture. On parle alors de comportement ductile.
C’est comme si la structure demandait à ce que les éléments moins sollicités viennent
à la rescousse de ceux qui en ont besoin : il y a certes une déformation irréversible qui
arrive, mais l’intégrité de la structure sera préservée grâce à la redistribution des efforts.
Dans son article paru en 1930 et intitulé « Idées actuelles sur la résistance des maté-
riaux », Albert Caquot énonce ainsi la nécessité d’étudier le domaine plastique d’utilisation
des matériaux en élaborant ce qu’il appelle lui-même une « théorie de l’adaptation » : « (...)
si on examine à l’aide de la théorie de l’élasticité (...) les méthodes usuelles employées
pour le calcul des pièces de nos machines ou de nos constructions, on trouve que, contrai-
rement aux résultats indiqués et dans certaines zones de ces pièces, les contraintes
élastiques (...) sont largement dépassées, sans qu’il paraisse en résulter d’inconvénient 61

pour les ouvrages. (...)


« Il se produit heureusement dans les zones restreintes, où les contraintes limites sont
dépassées, des glissements qui modifient profondément la répartition des contraintes qui
se produiraient en élasticité pure.
« Dans les constructions que la pratique a conduit à considérer comme satisfaisantes,
les glissements locaux tendent à produire un équilibre stable.
« Je groupe ces phénomènes essentiels dans la théorie de l’adaptation, la matière qui
doit être douée de plasticité s’adaptant en quelque sorte aux sollicitations dont elle est
l’objet.22 »

Ductilité/fragilité
L’acier est dit ductile alors que le verre est réputé être un matériau fragile. Cela
signifie simplement que, sous chargement, le matériau ductile se déforme de manière
importante avant de rompre et sert de signal pour les personnes se trouvant éventuelle-
ment en dessous de la structure. Ces déformations sont irréversibles : l’élément ne retrou-
vera pas sa forme initiale une fois l’application de la charge terminée (voir la différence
entre élasticité et plasticité). On aurait donc tendance à vouloir privilégier les matériaux
ductiles, plus « transparents » visuellement dans leur comportement. Mais c’est sans tenir
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

compte des avantages que la pierre ou le béton peuvent apporter à une structure : une
isolation thermique et acoustique bien plus importante. Par ailleurs, il n’est pas toujours
possible de se faire livrer n’importe quel matériau. Il faut donc composer avec les avan-
tages et les inconvénients de chaque matériau, bien les comprendre pour les exploiter au
mieux et arriver à un résultat globalement équivalent : une tenue structurale satisfaisante,
un ouvrage durable, élégant et fonctionnel.
Un exemple parlant est de voir la différence de comportement entre une craie permet-
tant d’écrire sur une ardoise et une cuillère. Dès qu’on veut plier ou tordre ces éléments,
les comportements diffèrent : la craie reste intacte jusqu’au moment de la rupture alors
que la cuillère va se laisser plier et replier, jusqu’à rompre après un nombre (très) impor-
tant de cycles « pliage-dépliage ». Et il est clair que, malgré sa fragilité, la craie restera tou-
jours plus utile qu’une cuillère pour écrire sur une ardoise… les craies continueront donc
de se casser au lieu de se plier, au grand désespoir de ceux qui en utilisent encore… De
même, certains concepteurs préféreront utiliser un acier présentant une limite élastique
élevée, même si cela implique une réduction de la ductilité du matériau.
Le cas du béton est un peu plus complexe. La présence de barres d’acier en son
sein le rend d’une certaine manière ductile : les fissurations du béton sont limitées par
62 la présence d’acier. Par ailleurs, le béton ne présente pas tout à fait les mêmes caracté-
ristiques en compression et en traction : il est clairement fragile en traction alors qu’en
compression, il se déforme de manière plus importante une fois atteinte une contrainte
de compression égale à environ 50 à 80 % de la contrainte de rupture.
Le verre et la pierre sont aussi des matériaux particuliers. On imagine difficilement
du verre ou une pierre se déformer avant de rompre, mais on oublie que ces matériaux
peuvent être exposés à des températures transformant leur comportement :
ƒƒ le verre est chauffé intensément avant d’obtenir sa forme définitive, et peut s’étirer
fortement sans se rompre. Les maîtres verriers italiens ont exploité cette propriété du
verre pour obtenir des formes complexes ;

WW Atelier des maîtres verriers


de Murano à Venise, Italie.
Pr o p ri ét é s g é n é ra l e s

SS
Chaîne de montagnes présentant des plis géologiques le long du GR5.

ƒƒ à une autre échelle, certaines roches ont été exposées à la fois à de fortes tempéra-
tures et de grandes forces tectoniques, qui les ont pliées comme de vulgaires feuilles
de papier. De tels plis sont observables le long du GR5 (circuit de Grande Randonnée 63

n° 5) entre le Lac Léman et Samoëns dans les Alpes ;


ƒƒ à l’inverse, et en guise de clin d’œil humoristique, le T1000 dans Terminator 2 se fait
cryogéniser et explose en mille morceaux tel un vase en verre : quand la température
baisse, un matériau (un métal liquide prenant l’apparence d’un être humain dans ce
cas précis) devient fragile et peut se briser facilement.

„„ Rigidité et module de Young


Loi de Hooke
Quand une structure présente un comportement à la fois linéaire et élastique, elle
respecte la loi de Hooke, à savoir qu’à tout effort de traction correspond un allongement
proportionnel à la valeur de l’effort de traction. Ce n’est pas vrai par exemple d’un élas-
tique, qu’il est de plus en plus difficile d’allonger.
Plus un matériau est rigide, plus son module de Young a une valeur élevée. Cette
grandeur a été définie par Thomas Young, un Anglais aux intérêts variés, allant de la
médecine à l’égyptologie, pour évaluer la rigidité d’un matériau, à savoir le rapport entre
la contrainte dans le matériau et la déformation associée. Le module de Young est aussi
appelé module d’élasticité longitudinale, et généralement symbolisé par la lettre E dans
les écrits scientifiques.
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

Néanmoins, pour un même matériau, un élément pliera plus ou moins suivant sa


géométrie : une feuille posée entre deux appuis aura tendance à se courber et à tomber
entre les deux appuis, alors qu’une feuille pliée en accordéon auparavant restera plus
facilement droite entre les deux appuis : on parle alors, non de rigidité, mais de raideur.
Idem pour une section d’acier tubulaire par rapport à une section pleine de même sur-
face (voir plus loin les différentes formes de sections). Ou bien encore, on parlera de la
raideur plus ou moins grande d’un ressort en acier (qui par nature a un module de Young
constant, et une rigidité constante). En un mot, un matériau est plus ou moins rigide
alors qu’une structure est plus ou moins raide. On peut ainsi avoir des structures raides
avec des matériaux « souples », et inversement, avoir des structures « souples » avec des
matériaux rigides.
On voit donc que la forme tout autant que les caractéristiques intrinsèques d’un maté-
riau contribuent à la résistance d’ensemble d’une structure. Le degré d’hyperstatisme
d’une structure joue aussi un rôle dans la raideur de l’ensemble mais ceci sera abordé
plus loin, dans le chapitre 5.

64

SS
Coquilles Saint-Jacques, avec leur forme ondulée : tout comme la feuille de papier
en accordéon, les coquilles voient leur rigidité augmentée grâce à leurs ondulations. On
retrouve cette accentuation de la rigidité dans les murs et la toiture de la petite école
qu’Antoni Gaudi avait fait construire tout près de l’église de la Sagrada Familia à Barcelone,
en Espagne, pour les enfants des ouvriers du chantier notamment.

On peut noter également qu’il existe un module de cisaillement aussi appelé module
de Coulomb (de Charles-Augustin Coulomb, 1736-1806), noté généralement G, et qui
est directement relié au module de Young par la formule suivante :
G = E/2(1 + ν)
avec :
ƒƒ G : module de cisaillement, ou module de Coulomb, en Pa (souvent exprimé en GPa) ;
ƒƒ ν : coefficient de Poisson (définition donnée dans la section « Propriétés générales »
du chapitre 3).
Pr o p ri ét é s g é n é ra l e s

Alors que le module de Young représente le module élastique longitudinal, le module


de Coulomb représente le module élastique transversal du matériau.

„„ Moment d’inertie
Un élément structurel plein ne se comporte pas de la même manière qu’un élément
creux. Parfois, évider, c’est renforcer une structure.
Cela s’explique mathématiquement avec la grandeur appelée le moment d’inertie :
il explicite la quantité de matière située loin de l’axe neutre, celui où il y a le moins de
sollicitations. Ainsi, plus le moment d’inertie est grand, plus la section sera résistante.
Les pages suivantes indiquent les formules permettant le calcul des moments d’inertie
de sections souvent utilisées. Les concepteurs se basent néanmoins désormais sur les
tableaux et formulaires établis par les fabricants ou alors sur les calculs réalisés automa-
tiquement par les logiciels de dimensionnement.

Section pleine rectangulaire

65

Ix = bh
3

12
x
h
Iy = b h
3

12

Une poutre entre deux appuis de section pleine rectangulaire fléchira moins sous l’effet
de son poids propre et des charges verticales additionnelles (plancher, personnes, etc.)
si sa section est verticale comme dans le schéma ci-dessus. Si elle est « couchée », elle
reprendra moins bien les efforts verticaux.
Quand les efforts verticaux sont aussi importants (vent, poussée horizontale, etc.), on
pourra opter pour une section carrée.
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

Exemples numériques

1) Rectangle
b = 15 cm et h = 30 cm
Ix = 15 × 303/12 = 33 750 cm4
Iy = 153 × 30/12 = 8 438 cm4
On vérifie bien avec cet exemple que la poutre offrira une plus grande résistance
aux moments de flexion autour de l’axe x : Ix > Iy et Ix ≈ 4 × Iy.
2) Carré
• Côté de 15 cm
b = 15 cm et h = 15 cm
Ix = Iy = 15 × 153/12 = 4 219 cm4
• Côté de 30 cm
b = 30 cm et h = 30 cm
Ix = Iy = 30 × 303/12 = 67 500 cm4
Ces deux exemples montrent que lorsqu’on double les dimensions de la section, le
moment d’inertie est multiplié par un facteur égal à 16 environ (67 500/4 219 ≈ 16) !
Néanmoins, ces formes de section sont moins employées que celles rectangulaires car
66 les charges sont généralement toujours plus importantes sur un axe que sur l’autre.

Section pleine circulaire y


Le moment d’inertie est iden-
R
tique quel que soit l’axe, x ou y. Ix = Iy = πR
3

4
Concrètement, on se représente très
bien qu’une telle poutre de section x
ronde (typiquement un tronc d’arbre)
se comporte de manière identique
mécaniquement quel que soit l’angle
de rotation qu’on fait subir à une section circulaire comme celle-ci.

Exemple numérique

Rayon de 15 cm
R = 15 cm
Ix = Iy = π × 153/4 = 2 651 cm4
Pr o p ri ét é s g é n é ra l e s

Cet exemple concerne plutôt des sections en bois. Les sections pleines en acier sont
plus petites et servent à des éléments structures de type « garde-corps ». Il est en effet
plus efficace d’utiliser l’acier sous forme de section creuse.

Section creuse fermée rectangulaire

y
I

LH 3 – (L–2I )×(H –2h)3


x H Ix =
12
L3H – (L–2I )3×(H –2h)
Iy =
12

L
67

Ce moment d’inertie est obtenu par la soustraction du moment d’inertie du rectangle


intérieur à celui du plus grand rectangle. La démarche de calcul est donc très proche de
celle d’une section pleine rectangulaire.

Section creuse fermée circulaire


Re

Ri
I = π4 × (Re4 – Ri4)

Exemple numérique

Re = 15 cm et Ri = 12 cm
I = (π / 4) × (154 – 124) = 23 475 cm4
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

Comparée à une section pleine de même diamètre extérieur, on constate que cette
section creuse a un moment d’inertie 8 à 9 fois supérieur. Cela explique l’usage fréquent,
dans les constructions acier, de tubes (creux par définition) plutôt que de sections pleines.
Ce n’est en revanche pas le cas pour le bois car il est plein à l’état naturel et son évi-
dement serait beaucoup plus compliqué que celui d’une section d’acier (pliage de tôle
impossible à envisager dans le cas du bois).

Section ouverte en T

y
s
2s1a03 + s0a3
s1 s0 s1 Ix = – Ac2
3
a0
avec A = s×a0 + s0×a1
c a0s3 + a1s03
Iy =
a1 x a 12

68

Exemple numérique

s = a = 8 cm ; a0 = s0 = 9 mm


On en déduit les autres dimensions :
Ix = (2 × 3,55 × 0,93 + 0,9 × 83)/3 – (8 × 0,9 + 0,9 × 7,1) × (0,5 × ((s–s0) × a02
+ s0 × a2) / ((s–s0) × a0 + s0 × a))2
Ix = 466/3 – 13,6 × ((0,5 × (7,1 × 0,92 + 0,9 × 82))/(7,1 × 0,9 + 0,9 × 8))2
Ix = 155,3 – 13,6 × (31,6755/13,59)2
Ix = 155,3 – 13,6 × 5,433 = 81,4 cm4
Iy = (0,9×83 + 7,1 × 0,93)/12 = 38,8 cm4

Cet exemple se rapproche des dimensions d’un profilé standard en acier, disponible
de manière industrielle : le profilé T 80, aussi appelé T en acier à ailes égales.
Un fabricant tel qu’Arcelor Mittal donne les valeurs suivantes pour le moment d’inertie
d’un profilé T 80 :
ƒƒ Ix = 73,7 cm4 ;
ƒƒ Iy = 37,0 cm4.
Pr o p ri ét é s g é n é ra l e s

On constate que ces valeurs sont proches de celles trouvées précédemment dans
l’exemple numérique, sans toutefois correspondre parfaitement : la différence s’explique
par les angles arrondis du profilé T 80, qui réduisent un peu la surface de la section et
donc les valeurs de ses moments d’inertie.

T en acier à ailes égales b


y
Dimensions: EN 10055: 1995 b
_
Tolérances: EN 10055: 1995 4 vy iy
Etat de surface: conforme à EN 10163-3: 2004, classe C, sous-classe 1

Equal flange tees r1

d
Slope 2% x x
Dimensions: EN 10055: 1995 r
Tolerances: EN 10055: 1995

ix
Surface condition: according to EN 10163-3: 2004, class C, subclass 1

vx
Gleichschenkliger T-Stahl Slope 2%

h
_
2
Abmessungen: EN 10055: 1995
Toleranzen: EN 10055: 1995
Oberflächenbeschaffenheit: Gemäß EN 10163-3: 2004, Klasse C, Untergruppe 1 r2 y

Notations pages 205-209 / Bezeichnungen Seiten 205-209


Valeurs statiques / Section properties / Statische
Désignation Position de l’axe x-x Kennwerte
Dimensions
Designation Position of axis x-x axe x-x axe y-y
Abmessungen
Bezeichnung Lage der x-x Achse axis x-x axis y-y
Achse x-x Achse y-y
Classification

EN 10025-2: 2004
EN 1993-1-1: 2005
G h b s=t r r1 r2 A d Ix Ix/vx ix Iy Iy/vy iy pure
compression
kg/m mm mm mm mm mm mm mm2 mm mm4 mm3 mm mm4 mm3 mm
x102 x10 x104 x103 x10 x104 x103 x10 S235 S355

T 30* 1,77 30 30 4 4 2 1 2,26 0,85 1,72 0,80 0,87 0,87 0,58 0,62 1 1 
T 35* 2,33 35 35 4,5 4,5 2,5 1 2,97 0,99 3,10 1,23 1,04 1,57 0,90 0,73 1 1 
T 40* 2,96 40 40 5 5 2,5 1 3,77 1,12 5,28 1,84 1,18 2,58 1,29 0,83 1 1 
T 50* 4,44 50 50 6 6 3 2 5,66 1,39 12,1 3,36 1,46 6,06 2,42 1,03 1 1 
T 60* 6,23 60 60 7 7 3,5 2 7,94 1,66 23,8 5,48 1,73 12,2 4,07 1,24 1 1  69
T 70* 8,32 70 70 8 8 4 2 10,6 1,94 44,5 8,79 2,05 22,1 6,32 1,44 1 1 
T 80* 10,7 80 80 9 9 4,5 2 13,6 2,22 73,7 12,8 2,33 37,0 9,25 1,65 1 1 

SS
Extrait de la documentation Arcelor Mittal pour les profilés européens en T23.

Section ouverte en I

y
S

a0

(SA3 – sa3)
a Ix =
12
A (at 3 + 2a0S 3)
x Iy =
12
* Tonnage minimum et conditions de livraison nécessitent un accord préalable.
* Minimum tonnage and delivery conditions upon agreement.
* Mindestbestellmenge und Lieferbedingungen nach Vereinbarung.

a0 71

s/2 t s/2
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

Exemple numérique

A = 14 cm ; S = 7 cm ; t = 4 mm ; a0 = 5 mm


Ix = (7 × 143 – 6,6 × 133)/12 = 392 cm4
Iy = (13 × 0,43 + 2 × 0,5 × 73)/12 = 29 cm4

Cette section géométrique peut être réalisée par soudure de différentes tôles : on parle
alors de PRS (profilés reconstitués soudés). Cette technique est performante mais coûte
plus cher que les profilés standards de type IPE, IPN, ou H. Elle est utilisée quand une
conception nécessite des variations dimensionnelles de l’âme ou des semelles ou alors
pour des sections de type I à doubles âmes.

Autres sections
Il existe des profilés acier fabriqués industriellement avec des sections en forme de U,
de L et au-delà de l’aspect purement structurel, des sections « artisanales » (sous forme
de PRS lorsqu’on travaille avec l’acier, mais aussi avec le béton ou le bois) peuvent
être réalisées sur mesure, en présentant des courbes ou des formes asymétriques pour
70 chaque tôle. Le calcul de leurs moments d’inertie passe alors par des calculs pouvant vite
devenir fastidieux : l’outil informatique peut devenir un assistant précieux, ou alors on peut
opérer à base d’approximation (prendre une forme géométrique simple s’approchant de
la forme considérée, en prenant soin de la prendre plus petite : un rectangle qui s’inscrit
dans une forme ovale par exemple).
Concernant les matériaux comme le bois ou les roches, les nouveaux outils de
découpe permettent d’envisager un travail sans cesse plus poussé des matériaux, au
service des performances structurelles et architecturales.

„„ Coefficient de Poisson
Il fut défini par Siméon Denis Poisson et permet de relier les déformations longitudi-
nales d’un élément structurel soumis à un effort normal (compression ou traction), avec
ses déformations transversales.
Plus un élément est comprimé, plus il a tendance à se raccourcir et à « gonfler » trans-
versalement. Inversement, un élément étiré s’allonge dans la direction de la sollicitation
et rétrécit dans la direction perpendiculaire, transversale.
La relation mathématique se formule ainsi :

Δl / l = – ν ΔL/ L


Le s r o c he s

avec :
ƒƒ Δl : variation de largeur, soit la différence entre la largeur de l’élément après applica-
tion de l’effort normal et sa largeur initiale (en m) ;
ƒƒ l : largeur de l’élément structurel considéré (en m) ;
ƒƒ ν : coefficient de Poisson (sans dimension) ;
ƒƒ ΔL : variation de longueur, soit la différence entre la largeur de l’élément après appli-
cation de l’effort normal et sa largeur initiale (en m) ;
ƒƒ L : longueur de l’élément structurel considéré (en m).

Les roches

„„ Propriétés des blocs de pierre


Classification
Trois grandes familles de roches existent sur Terre24 :
ƒƒ les roches magmatiques (granites, basaltes) ;
ƒƒ les roches sédimentaires (grès, calcaires et schistes) ;
ƒƒ les roches métamorphiques (schistes, gneiss et marbres). 71

Formes des blocs


Les blocs de pierre ont toujours eu des formes géométriques simples, ou alors on
entre dans le domaine de l’art, avec les sculptures. Une exception à noter tout de même :

SS
Blocs de granit taillés et ajustés au Machu Picchu, Pérou (xve siècle après J.-C.)
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

les pierres découpées des Incas, visibles notamment dans la ville de Cuzco, dans l’actuel
Pérou, qui possèdent jusqu’à 13 angles droits s’insérant parfaitement dans les pierres
voisines. À noter également que par le passé, les tailleurs de pierre ont pu marquer les
pierres avec un signe distinctif, de façon à ce qu’il soit aisé de savoir, en fin de journée,
combien de pierres ont été taillées par chaque artisan, et ainsi les payer en fonction
du travail accompli : on voit de telles marques sur les remparts de l’ancien Château du
Louvre, au sous-sol de l’actuel Musée du Louvre à Paris.

Comportement mécanique
Il est difficile d’établir des plages de valeurs pour chaque roche tant elles varient sui-
vant les zones du globe. On remarque néanmoins une constante : leur grande résistance
aux forces de compression. Le granit et le marbre sont par exemple qualitativement
parmi les matériaux avec les meilleures résistances à la compression (allant de 80 à 180,
voire 225 MPa suivant les sources26). On les a ainsi beaucoup utilisés par le passé pour
créer des colonnes, et ils continuent à l’être comme revêtements de sol. En effet, leur
grande résistance à l’usure en fait un matériau de choix : du marbre vert des Alpes est
par exemple employé comme revêtement du hall principal de la gare de Nantes et sera
72 conservé dans le cadre de sa rénovation par l’architecte Rudy Ricciotti.

WW Détail du bas de la façade de la


bibliothèque nationale et universitaire
de Ljubljana, en Slovénie. Le calcaire
provient des carrières de Podpec, dans
la municipalité de Brezovica.
L a t e rr e (c r ue e t c u it e )

Comme les forces de compression sont souvent accompagnées de forces de cisail-


lement, ce sont souvent ces dernières qui régissent le dimensionnement des éléments
élancés tels que les poteaux. On peut ainsi voir autour de larges piliers des anneaux
d’acier les protégeant des effets de cisaillement : ceci est notamment visible dans l’an-
cienne citerne d’eau romaine enterrée, à Istanbul (Yerebatan Sarnıcı en turc).
Leur emploi dans la construction de structures est aujourd’hui minime. Pourtant,
malgré leur poids, leur exceptionnelle résistance à la compression et les nouveaux
moyens de production pour les tailler et les transporter permettraient de les utiliser dans
bon nombre de structures, avec un réemploi noble et quasi infini, avec aussi peut-être un
besoin de relocaliser le travail étant donné la main-d’œuvre plus importante nécessaire
pour leur mise en place. À titre d’exemple, l’architecte Rudy Ricciotti s’est inspiré des
bories (abris traditionnels utilisés par les bergers) pour réaliser des logements avec des
façades et des toitures en pierre sèche27 et l’architecte Joze Plecnik (1872-1957) a réa-
lisé une façade originale pour la façade du rez-de-chaussée de la bibliothèque nationale
et universitaire de Ljubljana, dans l’actuelle Slovénie : il a juxtaposé différents blocs de
calcaire en prenant soin de ne pas les mettre dans le même plan vertical, créant un relief
irrégulier sur la façade.
73

Valeurs caractéristiques

Type de roches Unité Granite Calcaire Marbre


Résistance à la compression MN 70 à 280 20 à 200 50 à 180
Module de Young (E) MPa 40 à 70 000 20 à 70 000 50 à 100 000
Coefficient de Poisson 0,2 à 0,3
Coefficient de dilatation thermique 10–6/°C 8-10 3-4 4-6
Densité kg/m3 2 600 2 000 à 2 900 2 600 à 2 900

La terre (crue et cuite)

Environ un tiers de la population mondiale vit dans un habitat en terre aujourd’hui. Les
constructions en terre peuvent être faites :
ƒƒ soit à partir de briques (crues ou cuites), et on parle alors d’adobe ;
ƒƒ soit en élément d’un seul tenant, et on parle de pisé, de bauge ou de torchis suivant
les techniques.
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

La terre est essentiellement composée d’argile. Ses résistances mécaniques se


limitent à sa résistance à la compression : entre 2 et 5 MPa.

Le bois

„„ Taxinomie
Les arbres font partie des phanérogames, qui regroupent toutes les plantes à fleurs
et à fruits, et plus particulièrement, dans ce groupe :
ƒƒ des gymnospermes (littéralement en grec, « graine nue ») : bois tendres, résineux ou
conifères (pin, séquoia, épicéa, mélèze, cyprès,  etc.). Ce sont les premiers arbres
apparus sur Terre ;
ƒƒ des angiospermes (littéralement en grec, « graine dans une capsule », en l’occurrence
ici, un fruit ou une fleur) : bois durs ou feuillus, tels que l’eucalyptus, chêne, ou encore
bambou (sous-groupe qui comprend aussi le maïs et le blé) !
Dans le domaine de la construction, l’avantage des résineux est de pouvoir être
abattus toute l’année.
74
„„ Composition

Substances macromoléculaires et cendres


Le bois est composé de substances macromoléculaires et de substances dites de
faible masse molaire (que l’on retrouve dans les cendres, après combustion du bois).
On dénombre deux substances macromoléculaires :
ƒƒ la cellulose et hémicelluloses (65 à 80 % de la masse sèche du bois) ;
ƒƒ la lignine (20 à 30 % de la masse sèche). La lignine contribue à la rigidité du matériau
bois et est à ce titre très intéressante du point de vue de la résistance mécanique.

Répartition des différentes substances en % de masse pour les bois tendres
et les bois durs
Bois tendres Bois durs
Cellulose et hémicelluloses 65 à 80 % 65 à 80 %
Lignine 30 % 20 %

On dénombre deux types de « cendres » :


ƒƒ organiques (gommes, pectines, graisses, cires, résines, tanins, etc.) ;
ƒƒ minérales (silice, potassium, calcium, sodium, etc.).
L e b o is

Leur masse est peu importante comparée à celle des substances macromoléculaires
(environ 5 %) mais elles apportent beaucoup de propriétés aux bois.

Section de bois
La section d’un tronc d’arbre est constituée :
ƒƒ à l’intérieur, du duramen ;
ƒƒ et à l’extérieur de l’aubier, qui peut être distinct du duramen tant en termes de couleur
que de taux d’humidité.

75

SS
Troncs d’eucalyptus : le SS
Troncs de chêne : aubier SS
Troncs de bouleau 
:
duramen est plus sombre distinct du duramen. aubier et duramen non
que l’aubier. ­distincts.

„„ Humidité du bois
À l’état naturel, l’humidité peut représenter entre 0,6 et 2,5 fois le poids de l’arbre !
Or il est important d’utiliser des matériaux secs pour garantir une durabilité du maté-
riau (notamment vis-à-vis des attaques de champignons) et éviter des variations trop
importantes des dimensions des éléments en bois après leur mise en œuvre.
On peut considérer qu’un bois est sec lorsqu’il possède au maximum 20 % d’humi-
dité. Au-dessus de 30 %, il est dit « saturé » et ses dimensions ne changent plus, quelle
que soit l’humidité : l’eau ne fait que remplir les vides existant entre cellules et ne change
donc pas le volume extérieur du matériau.
Quand il n’y a plus d’eau dans ces vides, il reste encore environ 30 % d’humidité,
contenue cette fois-ci intégralement dans les parois cellulaires : on parle du point de
saturation des fibres.
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

Il est impossible de supprimer entièrement l’humidité dans le matériau bois. L’objectif


est donc d’en limiter l’effet au maximum. De manière générale, pour savoir l’humidité
acceptable dans le matériau à mettre en œuvre, il convient de déterminer la température
moyenne (typiquement, entre l’été et l’hiver) dans laquelle va être employé le bois et
d’assécher le matériau pour atteindre cette valeur. Ainsi, le matériau verra ses dimensions
varier le moins possible dans les conditions réelles.
Néanmoins, le séchage ne fait pas tout et il faut lui adjoindre des mesures de protec-
tion, comme la ventilation des éléments, l’emploi de film pare-vapeur, un bon écoulement
des eaux de pluie évitant toute stagnation. En outre, pour certaines applications, la pro-
tection consiste uniquement à choisir le bon matériau : comment envisager la protection
d’un bois servant de platelage soumis régulièrement aux intempéries ? En choisissant un
matériau comme le chêne, avec éventuellement des dispositifs anti-glissement (rainurage,
bande antidérapante).

„„ Systèmes constructifs
Seuls les systèmes constructifs structuraux sont listés ici. C’est pourquoi aucun détail
ne sera donné sur les matériaux qui relèvent du second œuvre, comme les panneaux
76 contreplaqués ou OSB (Oriented Strand Board).
Ces systèmes ne sont par ailleurs pas exclusifs et peuvent très bien se compléter
entre eux : on peut par exemple très bien imaginer un chalet en rondins empilés avec à
l’intérieur une structure de type « poteaux-poutres » pour aménager de larges espaces
ouverts. Il est par ailleurs de moins en moins rare de voir des constructions alliant les
qualités du bois avec celles du béton (résistance à la compression et performance ther-
mique et acoustique notamment) : utilisation du béton comme dalle de fondation, noyaux
pour les bâtiments de grande hauteur ou intégrée en partie supérieure des planchers
bois.

Bois massif par empilement horizontal


Principalement destiné aux régions froides, ce type de construction est constitué de
rondins de bois empilés les uns sur les autres. Les troncs peuvent avoir été seulement
écorcés ou alors fraisés.
Cette technique consomme beaucoup de bois et nécessite malgré tout une isolation
intérieure et un traitement soigné de l’étanchéité. Conjugués au fait que l’esthétique est
associée aux chalets de montagne, tous ces points font que ce type de structure n’est
pas amené à se développer.
L e b o is

Panneaux en bois massif


Leur apparition est récente et plusieurs systèmes existent au sein même de cette
catégorie.
ƒƒ CLT (Cross Laminated Timber, bois lamellé croisé ou bois massif contrecollé en
français) : panneaux constitués de différentes couches de lattes de bois (épaisseur
entre 14 et 45 mm, largeur entre 40 et 300 mm, avec un rapport entre la largeur et
l’épaisseur au moins égal à 4), mises bout à bout et collées sur leur face large à des
lattes disposées à angle droit (plis croisés) ;
ƒƒ BMT (bois massif tourillonné) : cette technique consiste à assembler des lames
de bois (épaisseur jusqu’à 6 cm, largeur entre 10 et 28 cm, longueur pouvant aller
jusqu’à 16 m) sur leur tranche au moyen de tourillons insérés dans des trous aux
extrémités des lames. L’assemblage de l’ensemble se fait lorsque les tourillons, plus
secs (humidité d’environ 7 %), gonflent en prenant l’humidité des lames (humidité
d’environ 15 %). Ainsi, à l’inverse des panneaux CLT, aucune colle n’est nécessaire.
Seuls quelques clous servent à liaisonner les panneaux entre eux, qui ont une largeur
finale d’environ 60 cm.
Ces éléments permettent de réaliser à la fois les murs et les planchers d’un bâtiment.
Dans le cas des planchers, on peut leur ajouter une couche de béton pour renforcer leurs 77

propriétés mécaniques, acoustiques et thermiques. La liaison entre le bois et le béton se


fait au moyen de connecteurs et/ou d’encoches dans le bois. Cette technologie peut par
exemple s’avérer adaptée pour des planchers d’écoles.

Structures poteaux-poutres
Cette solution permet la création de volumes ouverts importants et modulables : pos-
sibilité d’insérer des voiles ou des fenêtres entre les poteaux. Son avantage réside dans
la liberté laissée à l’architecte au niveau de la conception. On la retrouve aussi pour des
halles sportives aux grandes portées.
Dans cette catégorie, on peut inclure le bois lamellé-collé (BLC). Les différentes
lames de bois sont assemblées les une au-dessus des autres par collage, après avoir
été triées et sélectionnées pour leurs qualités mécaniques similaires et leur absence de
défauts tels que nœuds, fissures ou encore poches de résine. Cette technique permet
d’obtenir des portées importantes avec des charpentes à inertie variable, droites ou
courbes. Les lames sont aboutées à l’aide d’entures afin d’obtenir la longueur voulue.
Il est à noter que l’on trouve dans cette catégorie trois types de systèmes : le lamibois
(LVL en anglais, pour Laminated Veneer Lumber), le PSL (Parallel Strand Lumber) et le
LSL (Laminated Strand Lumber). Le lamibois est aussi utilisé sous forme de panneaux.
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

On parle aussi fréquemment de glulam dans les pays anglo-saxons (Glued Laminated en
anglais).

Ossature bois
L’ossature bois est la technique de construction actuellement la plus répandue. Elle
consiste à réaliser un quadrillage de chaque mur à l’aide de montants en bois de petite
section (espace d’environ 50 cm entre les montants, ce qui les distingue des structures
poteaux-poutres précédentes). Les espaces laissés vides entre les montants sont remplis
par des isolants et les faces extérieures et intérieures sont recouvertes d’enduits et de
matériaux de finition (bardage à l’extérieur, pouvant être du bois ou tout autre matériau, et
panneaux de type OSB à l’intérieur, pour la stabilité et le contreventement). L’espacement
entre les montants verticaux est d’environ 50 cm et il convient de s’assurer que les
isolants ne « tomberont » pas : une solution peut être de mettre plusieurs montants hori-
zontaux sur la hauteur d’un étage.

„„ Valeurs caractéristiques
Le bois étant un matériau naturel, il est très difficile d’établir des valeurs avec certitude
78 et elles dépendront toujours de variables propres à chaque projet.
Néanmoins, avec l’émergence de la science des structures et de l’emploi croissant du
bois, des règlements ont mis en place une codification permettant de classer les différents
matériaux bois en fonction de leurs caractéristiques mécaniques et de leurs densités.
Le tableau ci-dessous présente quelques-unes de ces valeurs pour les éléments
« poutres » :

Type de bois Unité Résineux Feuillus BLC


(C16 à C35 selon (D30 à D60 selon (GL24 à GL32 en
Eurocodes) Eurocodes) selon Eurocodes)
Résistance à la flexion // MN
16 à 35 30 à 60 24 à 32
aux fibres
Résistance à la traction // MN
10 à 21 18 à 36 17 à 25,6
aux fibres
Résistance à la compression // MN
17 à 25 23 à 32 21,5 à 32
aux fibres
Module de Young // aux fibres (E) MPa 8 000 à 13 000 11 000 à 17 000 11 000 à 14 200
Module de Coulomb (G) MPa 500 à 810 690 à 1 060 650
Densité kg/m3 310 à 480 530 à 840 400 à 490

La résistance perpendiculaire aux fibres est volontairement omise ici : elle est en effet
petite comparée à celle parallèle aux fibres.
L’ ac i e r, le s c âbl e s e t l’ a l um in iu m

L’acier, les câbles et l’aluminium

„„ Historique : de la fonte à l’acier


Avant l’acier, la fonte et le fer ont été utilisés depuis plusieurs siècles. On a par
exemple détecté la présence de fer en Chine au ive siècle av. J.-C., mais nous nous inté-
ressons ici uniquement à son usage industriel.
La fonte a commencé à être produite en grande quantité à la fin du xviiie siècle en
Angleterre, dans l’atelier d’Abraham Darby. Il construisit avec ce matériau le pont en arc
de Coalbrookdale en 1779, appelé communément Iron Bridge : 30 mètres de portée et
un comportement structural similaire aux ponts maçonnés, en compression.

79

SS
Le pont en arc de Coalbrookdale, construit par Abraham Darby en 1779, appelé com-
munément Iron Bridge, est le premier grand pont métallique jamais construit.

Au milieu du xixe siècle, le fer a supplanté la fonte pour deux raisons :


ƒƒ on pouvait le produire en grande quantité ;
ƒƒ contrairement à la fonte, le fer résiste aussi aux efforts de traction.
On voit ainsi à partir de cette période se développer les ouvrages en fer, et notamment
ceux de Gustave Eiffel, en particulier le viaduc de Garabit en 1884.
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

Tableau des contraintes admissibles moyennes pour la fonte et le fer (en MPa)
Contraintes admissibles caractéristiques Compression Traction Cisaillement
Fonte 123 23 30
Fer 61 81 77

Un troisième matériau voit le jour à peu près en même temps : l’acier. Il doit sa nais-
sance à l’invention du convertisseur Bessemer en 1856 puis des procédés Siemens-
Martin en 1864. Ces innovations ont été motivées par les performances structurelles que
l’acier peut remplir.
Matériau résistant encore mieux à la compression et à la traction, c’est aussi pour
des raisons de grandes capacités de production que l’acier a été fortement utilisé et a
supplanté la fonte et fer.
Les câbles quant à eux se sont développés dans les années 1830 et les chaînes ont
ainsi peu à peu été remplacées pour les suspentes des ponts.

„„ L’acier
Valeurs caractéristiques
80 La masse volumique de l’acier est environ égale à 7 850 kg/m3.
Coefficient de Poisson : α = 0,3.
Module de Young : E = 210 GPa.
Module de cisaillement : G = 81 GPa.
Coefficient de dilatation thermique : 12 × 10–6/°C.

Valeurs de résistance et d’allongement de nuances d’acier usuelles


Nuances Unités S235 S275 S355 S460
Limite d’élasticité, en dessous de laquelle
MPa 235 275 355 460
toute déformation est réversible
Résistance à la traction, ou contrainte
MPa 360 430 510 550
maximale admissible avant rupture
Allongement à la rupture (valeur minimale
% 20-21 20-21 17 15
approximative)

Le tableau ci-dessus nous indique qu’un élément en acier S235 soumis à un effort de
traction pourra s’allonger d’environ 20 %, soit 1/5 de sa longueur, avant de rompre. En
revanche, plus un acier a une limite d’élasticité importante, moins il se déformera avant
rupture : le matériau devient ainsi plus fragile en même temps qu’il gagne en résistance.
L’ ac ie r , l e s c â bl e s e t l’ a l um in iu m

Acier inoxydable
L’acier inoxydable, communément appelé « inox », est un acier avec une teneur mini-
male en chrome de 10,5 % créant, par réaction avec l’oxygène de l’air, une fine pellicule
transparente auto-protectrice à la surface du matériau.
Il existe cinq grandes familles d’inox : austénitique, ferritique, austéno-ferritique (ou
duplex), martensitique, réfractaire. Seules les familles austénitiques et duplex sont adap-
tées pour un usage structurel :
ƒƒ les inox austénitiques présentent une bonne résistance à la corrosion, une grande
ductilité et peuvent être facilement formés à froid et soudés. Ces inox sont les plus
courants ;
ƒƒ les inox duplex peuvent être soudés mais sont plus difficiles à former à froid. On les
utilise pour des éléments soumis à de fortes contraintes dans un environnement très
corrosif.

Composition chimique usuelle des familles austénitiques et duplex


Élément Inox austénitiques Inox duplex
Chrome 17-18 % 21-26 %
Nickel 8-11 % 4-8 %
81
Molybdène parfois 0,1-4,5 %

Du fait de la présence de chrome dans sa composition, sa résistance à la corrosion est


beaucoup plus élevée qu’un acier classique et présente de très bonnes caractéristiques
mécaniques. Son usage est principalement limité du fait de son coût élevé.

Produits sidérurgiques
Trois grands types de produits sont fabriqués :
ƒƒ l’acier moulé : il est utilisé pour les pièces non conventionnelles, comme des chapes
ou bien encore des poutres à la forme architecturale complexe. Son prix est beaucoup
plus élevé que celui des produits suivants et son usage est donc limité à des pièces
précises ;
ƒƒ les produits laminés à chaud : la coulée est tout d’abord transformée en plaque
épaisse (on parle de brame dans ce cas, et sinon de lingots), puis passe dans un four de
réchauffage, avant de passer à la phase de dégrossissage, appelée laminage à chaud
(entre 800 et 1 200 °C). Les éléments sont ensuite refroidis. Certaines usines produisent
directement des ébauches de profilés, qui sont ensuite affinées par ­laminage. Les pro-
filés en long en forme de I, H et U sont fabriqués ainsi, tout comme les plats et les tôles ;
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

ƒƒ les produits laminés à froid : il permet de s’adapter à une large gamme de produits
utilisés dans l’industrie. Pour permettre le laminage à froid, on enlève d’abord la
couche de calamine (décapage) puis on fait passer l’élément dans les cylindres de
laminage. Il est alors soumis à de grands efforts pour obtenir les formes désirées. Lors
de cette étape, l’acier se durcit et perd de sa ductilité. La phase de recuit, consistant
à effectuer un traitement thermique, permet de retrouver les caractéristiques méca-
niques initiales par recristallisation. Les sections creuses sont souvent formées à
froid mais sont finalisées « à chaud » de manière à retrouver les caractéristiques de
dimensionnement des produits laminés à chaud. La cornière, en forme de L, ainsi que
les bardages et bacs aciers sont les profilés typiques réalisés à froid.

Profilés métalliques
Les profilés métalliques peuvent être de dimensions standards ou alors spécifiques
(PRS). Avant de choisir un profilé, il est important de connaître les délais d’approvision-
nement et le coût de chaque profilé. Des économies substantielles peuvent en découler.
La conception doit donc intégrer non seulement les contraintes issues de la gravité, mais
aussi celles financières, écologiques, et de délai.
82 Par ailleurs, les épaisseurs d’acier sont limitées par les capacités de fabrication :
il est difficile de réaliser des tubes de grande épaisseur, et par ailleurs de garantir des
caractéristiques homogènes du matériau. Quand de fortes épaisseurs sont utilisées, il est
important de vérifier les réelles propriétés mécaniques des pièces, et recuire si nécessaire
les pièces pour obtenir à nouveau les caractéristiques mécaniques initiales.

IPE IPN HE HL HD HP UPE UPN U

L L FL SQ SQ R T

Poutrelle alvéolaire à ouvertures hexagonales Poutrelle alvéolaire à ouvertures circulaires


Castellated beam with hexagonal openings Castellated beam with circular openings
Wabenträger mit sechseckigen Öffnungen Lochstegträger mit runden Öffnungen

SS
Différentes sections de profilés acier fabriqués par l’entreprise Arcelor Mittal.
L’ ac ie r , l e s c â bl e s e t l’ a lu mi ni um

Soudabilité et soudures
L’élément chimique le plus important pour la soudabilité d’un acier est le carbone.
Son taux doit être généralement en dessous de 0,25 % pour permettre une soudure : on
parle d’acier doux.
D’autres composants entrent en compte pour déterminer la soudabilité d’un acier et
elle se définit en fonction de la valeur du carbone équivalent, une formule mise au point
par l’Institut international de la soudure :

Céq = C + 1 Mn + 1 (Cr + Mo + V) + 1 (Cu + Ni)


6 5 15

Une variable géométrique est aussi à prendre en compte : l’épaisseur des tôles à
souder. Si celle-ci est importante, l’élément doit être préchauffé. C’est ainsi que les
poteaux métalliques du pont du Mont Saint-Michel (épaisseur pouvant atteindre 6 cm)
ont été préchauffés avant soudage sur place. Des matériaux isolants sont disposés pour
conserver la chaleur au niveau de la zone à souder.
On considère qu’un acier est soudable à température ambiante quand Céq < 0,45.
Au-dessus de 0,45, un préchauffage des pièces est nécessaire, dont la température
est établie en fonction de la composition chimique de l’acier et l’épaisseur des pièces à 83

souder.
Différentes soudures permettent l’assemblage d’éléments en acier :
ƒƒ soudures bout à bout ;
ƒƒ soudures d’angle ;
ƒƒ soudures en bouchon ;
ƒƒ soudures en entaille.
Elles peuvent être à pleine pénétration (sur toute l’épaisseur de l’élément) ou à péné-
tration partielle.

Assemblage par boulons


Les boulons permettent de réaliser des assemblages démontables et aussi la reprise
de jeu au moment du montage.
Chaque boulon est composé d’une tête, d’un corps et d’un écrou, auquel vient parfois
s’ajouter une rondelle. Le corps a une partie lisse et une partie filetée. Ils sont définis nor-
mativement par la valeur en mm du diamètre de la partie filetée du corps, précédée de la
lettre M, qui indique que le filetage est « métrique » (réalisé à partir d’un triangle équilatéral).
Un boulon M12 aura donc un corps dont la partie filetée a un diamètre de 12 mm, et
celle non filetée de 13 mm.
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

Valeurs de la limite d’élasticité fyb et de la contrainte ultime fub pour des classes
de boulons habituelles
Classe Unité 4.6 5.6 6.8 8.8 10.9
fyb MPa 240 300 480 640 900
fub MPa 400 500 600 800 1 000

Le couple de serrage est à définir de façon à ne provoquer aucun risque de désser-


rage ni aucun risque de déformation des pièces à assembler, voire de rupture du boulon.
Les trous dans lesquels les boulons sont placés ont normalement un jeu d’environ
1 mm pour les boulons M12 et M14, de 2 mm pour les boulons M16 à M24, et 3 mm
pour les boulons M27 et à diamètre plus grand.
Les boulons doivent principalement résister à des efforts de traction et de cisaillement.
On constate par des essais que la résistance au cisaillement d’un boulon est à peu près
égale à 60 % de sa résistance à la traction.
Étant donné que le diamètre donné dans la désignation des boulons est celui de la partie
non filetée, la section résistante effective est légèrement inférieure (la partie filetée est en
effet « taillée » dedans). Les aires résistantes sont indiquées dans le tableau suivant :
84
Valeurs des aires nominales et résistantes de boulons usuels
Boulons Unité M12 M16 M20 M22 M24 M27 M30
Aire nominale (A) mm 2
113 201 314 380 452 573 707
Aire résistante (As) mm2 84,3 157 245 303 353 459 561

On calcule la valeur de la résistance à la traction pure d’un boulon en multipliant


son aire résistante par sa contrainte ultime :

Ft = As × fub

Néanmoins, à titre d’exemple, après de nombreux essais et discussions dans les


organes de normalisation européens, la résistance à la traction prise en compte dans les
calculs est égale à environ 0,72 × Ft. À cela s’ajoutent les coefficients sur les charges
mais cela sera vu plus en détail au chapitre 4.
L’ ac ie r , l e s c â bl e s e t l’ a lu mi ni um

„„ Les câbles
Composition
Les câbles utilisés dans la construction sont constitués de paquets de fils métalliques
enroulés hélicoïdalement autour d’un fil central : ces paquets sont appelés « torons ».
Les câbles peuvent être :
ƒƒ monotorons : ils ne possèdent qu’un seul toron. Parmi eux, on peut distinguer le câble
clos, constitué d’une couche extérieure de fils ayant une section en forme de Z, qui
empêche l’eau de s’infiltrer dans le câble et ainsi permet d’augmenter sa durabilité.
Ces câbles sont souvent utilisés pour les ouvrages d’art de grande portée et peuvent
être fabriqués avec un diamètre minimal de 3 cm ;
ƒƒ à plusieurs torons : soit tous parallèles, soit torsadés autour d’une âme centrale éven-
tuelle en textile ou en acier.

WW Différentes sections de câbles


issues du catalogue du fabricant
Seilbau Cable Structures Seilbau Cable Structures Pfeifer28 : en haut des câbles
hélicoïdaux à 19, 37 et 61 torons ; 85
en bas, des câbles entièrement clos
GALFANVollverschlossenes Seil – GALFAN avec les sections en forme de « Z »
Full Locked Cable – GALFAN
sur la périphérie des câbles.
ETA-11/0160
ETA-11/0160

PV 1 x 19 1 x 37 1 x 61
VVS-1 VVS-2 VVS-3

Technical Data Technische Daten Technical Data

Material: Material: Material:


Unalloyed qualityunlegierter
steel Qualitätsstahl unalloyed quality steel
Elastizitätsmodul:
Modulus of Elasticity: Modulus of Elasticity:
160 ± 10 kN/mm 1602 ± 10 kN/mm
2
160 ± 10 kN/mm2

Tolerance ds: Toleranz ds: Tolerance ds:


+ 3% + 3% + 3%
Korrosionsschutz:
Corrosion Protection: Corrosion Protection:
GALFAN coated innere
withoutLagen: feuerverzinkt
inner filling inner layers: Hot dip galvanised
mit Innenverfüllung with inner filling
Die Seilsysteme – Datenblätter
The Cable Systems – Data Sheets

Die Seilsysteme – Datenblätter


The Cable Systems – Data Sheets

äußere Lagen: GALFAN verzinkt outer layers: GALFAN coated


ohne Innenverfüllung without inner filling

WW Différence d’aspect entre un


câble hélicoïdal (à gauche) et un
câble clos (à droite).
Größe Charakt. Bruchkraft Grenzzugkraft Metall. Querschnitt Gewicht* Konstruktion Seil-Nenndurchmesser
size charact. breaking load limit tension metallic cross section weight*
* construction nomin. strand dia.
DIN 18800*
ZB,k Z DIN 18800 ca. / approx. ca. / approx. ** dS
ZR,d DIN 18800 ca. / approx. R,d
ca. / approx. dS
kN kN mm kg mm
kN mm² kg mm
36
PV 40
PV 60
39
405
621
0,3 Les câbles sont généralement revêtus d’un alliage de zinc ou de matières plastiques
245
1 x 19
376
8,1
281
430
2,4
3,6
VVS-1
VVS-1
21
26
56 60 0,5 1 x 19 10,1
PV 90 916 555 634 5,3 VVS-2 31
telles que les polyoléfines ou les gaines de PEHD. D’autres protections consistent à appli-
81 87 0,7 1 x 19 12,2
PV 115 1170 709 808 6,8 VVS-2 35
109 117 0,9 1 x 37 14,1
PV 150 1520 921 1060 8,9 VVS-2 40
158 168 1,3 1 x 37 17,0
PV 195 1930 1170 1340 11,2 VVS-2 45
quer sur les câbles une sorte de goudron ou alors de la peinture pour les câbles clos
222 237 1,9 1 x 37 20,1
PV 240 2380 1442 1650 13,8 VVS-2 50
326 347 2,7 1 x 37 24,4
PV 300 3020 1830 2090 17,2 VVS-3 55
438 467 3,7 1 x 37 28,3
PV 360 3590 2176 2490 20,5 VVS-3 60
536 572 4,5 1 x 61 31,3
721
PV 420
PV 490
769
*according EC 3 = Fu,k and according ASCE 19-96 = Sd
4220
4890
6,1 (surface quasi lisse). Les vides entre les torons et le revêtement peuvent être remplis par
2558
1 x 61
2964
36,3
2920
3390
24,1
27,9
VVS-3
VVS-3
65
70
PV 560
Subject to technical modification 5620 3406 3890 32,1 VVS-3 75

des polymères voire plus récemment du BFUP. Cette gaine permet, outre la protection
Bigger dimensions and intermediate dimensions upon request
PV 640 6390 3873 4420 36,4 VVS-3 80
PV 720 7210 4370 4990 41,1 VVS-3 85
PV 810 8090 4903 5600 46,2 VVS-3 90
PV 910
PV 1010
9110
10100 anticorrosion, de garantir une moindre vibration des câbles au vent et une protection vis-
5521
6121
6310
6990
52,0
57,6
VVS-3
VVS-3
95
100
PV 1110 11100 6727 7710 63,5 VVS-3 105
PV 1220 12200 7394 8460 69,7 VVS-3 110
PV 1340 13400 8121 9240 76,2 VVS-3 115
PV 1450 14500 8788 10100 83,2 VVS-3 120
PV 1580 15800 9576 10900 89,8 VVS-3 125
PV 1730 17300 10485 11900 96,7 VVS-3 130
PV 1860 18600 11273 12900 104,8 VVS-3 135
PV 2000 20000 12121 13900 140
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

à-vis des rayons UV. Tous ces produits doivent être soigneusement choisis en fonction des
conditions spécifiques du site de la construction.
Aujourd’hui les câbles le plus souvent utilisés pour des ouvrages d’art sont composés
de torons parallèles protégés individuellement et recouverts par une gaine. La gaine est
profilée et peut présenter des reliefs spiralés pour réduire l’instabilité des haubans vis-
à-vis du vent.

Une alternative aux câbles : les barres


Pour les bâtiments ne nécessitant pas de grande longueur, les câbles peuvent être
remplacés par des barres d’acier, souvent plus économiques, et appelées dans ce cas
tirants. Les barres sont protégées de la corrosion par galvanisation, mise en peinture ou
usage d’acier inoxydable.
Des ridoirs et des chapes permettent leur assemblage entre elles et avec les autres
éléments de la structure. De manière similaire aux câbles, les espaces laissés libres au
niveau des filetages d’extrémités des barres sont remplis de silicone.
Néanmoins, elles présentent des diamètres plus importants que les câbles (et donc
une masse plus importante) pour une même valeur de résistance à la traction.
86 Dimensions caractéristiques :
ƒƒ diamètre : de 1 à 10 cm ;
ƒƒ longueur : jusqu’à 12 mètres.
Compte tenu de la bonne résistance à la compression de l’acier, il faut noter que des
éléments analogues existent pour servir de barres de compression : les entretoises.

Valeurs caractéristiques

Ordre de grandeur de la valeur du module de Young pour les barres et les câbles
Type d’éléments Unité Barres et fils Torons parallèles Torons hélicoïdaux
et câbles clos
Module d’élasticité GPa 200 190 130 à 160

La valeur réduite du module de Young pour les torons en hélice s’explique justement
par le fait que les torons sont enroulés.

„„ L’aluminium
Au début de l’utilisation de l’aluminium, on lui donnait des formes similaires à celles
des produits en acier, mais c’était par pure habitude : les profilés aluminium se fabriquent
L e bé t o n

par extrusion de la matière, il est donc possible de leur faire prendre n’importe quelle
forme de section, sans avoir besoin de faire des soudures.

Fabrication
On extrait tout d’abord l’alumine d’un minerai, en général de la bauxite.
Puis on obtient l’aluminium par électrolyse de l’alumine, avec des additifs permet-
tant de baisser le point de fusion. Cette étape produit des dégagements de CO2 et de
monoxyde de carbone.

Valeurs caractéristiques

Masse volumique  ρ = 2 700 kg/m3


Coefficient de Poisson  ν = 0,32
Module de Young  E = 70 GPa
Module de cisaillement  G = 26 GPa
Coefficient de dilatation thermique  α = 23·10-6 K-1

Le béton 87

„„ Historique
Le béton moderne est apparu au début du xxe siècle dans les bâtiments, après les
brevets de Joseph Lambot et Joseph Monier vers 1850 donnant pour la première fois
l’idée d’utiliser des barres d’acier dans les parties tendues de ciment armé. Les premiers
cours de béton appliqué à la construction ont été donnés en France en 1897 par Charles
Rabut, à l’École des Ponts et Chaussées de Paris.
Faire une histoire du béton, c’est faire en priorité une histoire du ciment. Car ses deux
autres composants principaux n’ont pas fait l’objet de changements profonds au cours
des siècles : l’eau a toujours existé et les granulats aussi, seuls le contrôle de leur taille
et les modes d’extraction, et donc le choix des granulats, ont pu se perfectionner au fil
du temps.
Les civilisations égyptiennes, grecques et romaines employèrent des techniques
proches du ciment mais leurs ouvrages ressemblaient plus à des ouvrages en maçonnerie
qu’à des ouvrages en béton : ils utilisaient de grands blocs de pierre entre lesquels ils se
servaient d’un liant, composé de chaux, de sable, d’argile et d’eau. Pour les Romains,
on parlait d’opus caementicium. Leur ouvrage emblématique est le Panthéon de Rome.
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

L’invention du ciment naturel par Louis Vicat en 1917, poudre obtenue par cuisson
d’un mélange de calcaire et d’argile cuit, puis surtout celle, en 1840, du clinker (ciment
lent), marquent le vrai début du béton en tant que matériau. Il faudra néanmoins attendre
la fin du xixe siècle pour voir apparaître les premiers bâtiments d’envergure, avec notam-
ment les techniques de construction développées par François Hennebique (1842-
1921) : c’est en effet le premier à encourager, en 1892 par le biais d’un brevet, l’emploi
d’étriers pour faciliter la mise en place des armatures longitudinales et pour reprendre
les efforts tranchants.
L’invention du béton précontraint date de 1929 et est due à la persévérance d’Eugène
Freyssinet, et celle du BFUP aux recherches universitaires à travers le monde, exploi-
tées et commercialisées par la suite par des entreprises de construction, principalement
françaises.

„„ Composition du béton
Présentation générale
Le béton est composé principalement de :
ƒƒ ciment ;
88 ƒƒ granulats ;
ƒƒ eau ;
ƒƒ adjuvants et additions (couramment utilisés de nos jours).
Le mélange de ces composants permet d’obtenir du béton. Approximativement, en
unité de volume (un seau par exemple), on a les proportions suivantes : 1 unité de ciment
pour 2 unités de sable et 3 unités de graviers. Concernant l’eau, son volume utilisé
dépendra de la consistance désirée, mesurée à l’aide du test du cône d’Abrams, du
nom de son inventeur, Duff Abrams, un chercheur américain (1880-1965). En anglais, on
parle de slump test, signifiant littéralement « test de l’affaissement » : le cône est rempli de
béton à tester puis il est enlevé par le haut et on mesure l’affaissement observé du béton.

WW Test du cône d’Abrams,


permettant de mesurer
l’ouvrabilité du béton obtenu,
et de la comparer avec celle
désirée.
Le b é t o n

La consistance d’un béton a une conséquence directe sur la facilité avec laquelle
un poteau ou une dalle va être coulé : plus il y a d’armatures, plus le béton devra être
« fluide » pour se glisser dans tous les recoins (la taille des graviers joue aussi un rôle bien
évidemment ! Sinon, le risque d’avoir un mélange hétérogène est grand : du sable et de
l’eau d’un côté d’une armature, et tous les graviers de l’autre !). On parle d’ailleurs par-
fois de béton « auto-plaçant » : il remplit de lui-même tout le volume laissé libre entre les
armatures et le coffrage extérieur, tout en assurant une homogénéité du matériau. Pour
ce type précis de béton, on utilise des adjuvants appelés « super plastifiants ».
Lorsque l’écartement entre les armatures le permet, on plonge des aiguilles vibrantes
dans le béton frais et on homogénéise ainsi le béton avant son durcissement.

WW
Un ouvrier
homogénéise le
89
béton qui vient
d’être coulé au
moyen d’une aiguille
vibrante.

Le ciment
Le ciment Portland est aujourd’hui majoritairement utilisé et tient son nom de sa teinte
grise similaire à celle que l’on trouve dans la presqu’île de Portland en Angleterre.
Plus il y a d’armatures dans un béton, et plus il faudra de ciment pour remplir les
interstices entre elles et garantir un bon enrobage. La dimension des particules de ciment
est de 200 μm environ.

Fabrication
La première étape consiste à extraire les deux principaux constituants du ciment : le
calcaire (à 80 %) et l’argile (20 %). On obtient du clinker en faisant chauffer ces deux
composants pendant environ une demi-heure. Deux réactions sont provoquées initiale-
ment par la chaleur (800 à 1 500 °C suivant la position dans le four) :
ƒƒ le calcaire se transforme en chaux vive et produit un dégagement de CO2 ;
ƒƒ l’argile se décompose en silice, alumine et oxyde de fer.
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

Les réactions se poursuivent et après refroidissement à environ 100 °C, le clinker est


composé d’alite, de bélite, d’aluminate tricalcique, d’aluminoferrite tétracalcique et de
chaux libre.
En y rajoutant du gypse et en broyant le tout, on obtient le ciment Portland.
Pour les autres ciments, il convient d’ajouter les éléments avant broyage, tels que
fumée de silice, cendres volantes ou laitiers.

Différentes classes de ciments


Classes Définition
CEM I Ciment Portland
CEM II Ciment Portland composé (au laitier, fumée de silice, pouzzolane, cendres
volantes, schistes calcinés, calcaire)
CEM III Ciment de haut-fourneau
CEM IV Ciment pouzzolanique
CEM V Ciment composé (laitier, cendres)

Classes de résistance

90
Normal (N) Rapide (R)
Résistance minimale
À 2 jours À 28 jours À 2 jours À 28 jours
Classe 32,5 / 32,5 ≥ 10 32,5
Classe 42,5 ≥ 10 42,5 ≥ 20 42,5
Classe 52,5 ≥ 20 52,5 ≥ 30 52,5

Les granulats
Ils doivent être propres et leur taille doit être choisie pour former un matériau le plus
compact possible (mélange de gros et petits diamètres, entre 0 et 25 mm environ).
Les granulats peuvent être de couleur différente pour des raisons esthétiques ou
alors de densité faible lorsque le béton est utilisé à des fins d’isolation thermique, sans
contrainte structurelle majeure.
Du plus fin au plus gros, leur dénomination change : sables, gravillons et graves.

L’eau
L’eau utilisée doit être propre et exempte d’impuretés. Son dosage est important pour
garantir la résistance et la durabilité voulues. Le rapport E/C (Eau/Ciment) est à ce titre
utile ainsi que le test au cône d’Abrams.
L e bé t o n

Adjuvants et additions
On rajoute au béton, de manière optionnelle, des adjuvants et/ou des additions :
ƒƒ additions calcaires, siliceuses, cendres volantes, fumées de silice et laitier de
haut-fourneau, utilisées pour abaisser la température de bétonnage, réduire le retrait,
augmenter la résistance et la durabilité ;
ƒƒ adjuvants : produits ajoutés à faible dose dans la formulation du béton pour en modi-
fier les propriétés, par exemple la durée de prise du béton (accélérateur ou retarda-
teur), réducteurs d’eau.
Les bétons à hautes performances (BHP) sont obtenus avec l’ajout de tels compo-
sants. Ils réduisent la porosité du matériau tout en augmentant sa fluidité. Leurs caracté-
ristiques principales sont les suivantes :
ƒƒ résistance à la compression > 50 MPa ;
ƒƒ dimensions de l’ordre du μm.

Cas des BFUP


Les bétons fibrés à ultra-hautes performances ou ultra-performants (BFUP) sont
encore plus résistants et intègrent, en plus des composants propres aux BHP, des fibres
métalliques augmentant la ductilité du matériau et permettant de se passer d’arma- 91

tures. Actuellement, le BFUP « Ductal » issu du programme de recherche entre Bouygues,


Lafarge et Rhodia et commercialisé par l’entreprise LafargeHolcim a une résistance à la
compression pouvant aller jusqu’à 207 MPa, soit environ six fois plus qu’un béton clas-
sique. D’autres BFUP sont disponibles, comme le BSI/Ceracem d’Eiffage et Sika ou le BCV
de Vinci et Vicat, qui ont eux aussi des résistances à la compression proche de 200 MPa.
La définition du BFUP, indiquée dans les recommandations publiées en juin 2013 par
le SETRA et l’AFGC, sous la direction de Jacques Resplendino, est constituée des points
suivants :
ƒƒ résistance à la compression comprise entre 150 et 250 MPa ;
ƒƒ présence de fibres métalliques (supérieur à 2 % en volume) ;
ƒƒ fort dosage en liant (absence de toute porosité capillaire) et choix particulier des granulats ;
ƒƒ résistance en traction directe de la matrice systématiquement supérieure à 7 MPa.

Ordres de grandeur du BFUP


résistance en traction  8 MPa 
résistance à la flexion  40 MPa 
module d’élasticité indicatif  55 GPa 
coefficient de Poisson par défaut ν = 0,2 
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

Ordres de grandeur du BFUP (suite)


coefficient de dilatation thermique par défaut  1,1 × 10–5 m/m/°C 
masse volumique  2 500 kg/m3 
quantité de ciment  entre 700 et 1 000 kg/m3 
longueur des fibres  12 à 20 mm 
diamètre des fibres  0,2 à 0,3 mm 
taux de fibres élevé  2 à 3 % en volume, soit 160 à 240 kg/m3 
diamètre des granulats  1 à 7 mm 
rapport E/C < 0,2 (très bas)
porosité < 2 %
(très faible comparée à un béton classique) (8 à 10 % pour un béton classique B25)
carbonatation (pénétration sur 15 mm)  > 12 000 ans (15 à 20 ans pour un B25)

Il existe d’autres types de béton fibré, avec des fibres d’origine minérale (carbone ou
verre) ou organique (polypropylène, aramide, acrylique), qui ne sont pas toujours utilisées
à des fins structurelles, mais plutôt esthétiques.

„„ Valeurs caractéristiques des bétons classiques


Un béton armé classique a une masse volumique environ égale à 2 500 kg/m3.
92
résistance

C90/105
Classe de

C12/15

C20/25

C25/30

C30/37

C40/50

C50/60

C70/85

fck 12 20 25 30 40 50 70 90
fck,cube 15 25 30 37 50 60 85 105
fctm 1,6 2,2 2,6 2,9 3,5 4,1 4,6 5,0
E 27 30 31 33 35 37 41 44
α 1,0 × 10–5 K–1

Avec :
ƒƒ fck : résistance caractéristique à la compression du béton, mesurée sur cylindre à
28 jours (en MPa) ;
ƒƒ fck,cube : résistance caractéristique à la compression du béton, mesurée sur cube à
28 jours (en MPa) ;
ƒƒ fctm : résistance en traction directe du béton (en MPa) ;
ƒƒ E : module d’élasticité ou module de Young (en MPa) ;
ƒƒ α : coefficient de dilatation thermique (sans dimension).
Son coefficient de dilatation thermique est égal à celui de l’acier, ce qui permet de les
assembler dans une seule et même section pour donner le béton armé.
Le b é t o n

„„ Béton armé : propriétés des sections d’armatures en acier


Le béton résistant mal à la traction, on ajoute des barres d’acier pour reprendre ces
efforts.
Il existe principalement deux types d’armatures :
ƒƒ les barres, permettant de résister aux efforts de traction : elles peuvent être organi-
sées en treillis soudés et ainsi former des nappes d’armatures, présenter des crosses
à leurs extrémités ;
ƒƒ les étriers, autrement appelés cadres ou « ceintures » (terme employé par Armand
Considère, 1841-1914) : ils sont disposés à intervalles réguliers pour maintenir les
armatures longitudinales durant le bétonnage mais aussi pour éviter le fléchissement
des armatures lorsqu’un poteau par exemple est soumis à de la compression et
reprendre les efforts de cisaillement.
Dans les éléments structurels de grande portée, plusieurs barres doivent être juxtapo-
sées. La transition d’une barre à l’autre peut se faire soit au moyen d’une soudure ou d’un
coupleur (on visse les armatures entre elles au moyen de prises femelle et mâle disposées
à l’extrémité de chacune des barres considérées), ou alors par recouvrement (méthode la
plus répandue pour des raisons de coût et de facilité) : sur une longueur définie (environ
50 fois le diamètre de l’armature), on fait chevaucher les deux barres d’armatures afin 93

d’assurer une bonne transition et une transmission continue des efforts.

WW « Ceinturage »
d’armatures
longitudinales à l’aide
de cadres en acier.

Aux débuts du béton armé, la limite élastique des aciers était environ 235 MPa et
on utilisait des barres lisses. Aujourd’hui, les barres sont façonnées avec des reliefs et
sont appelées HA (pour Haute Adhérence) et leur limite élastique a été augmentée (par
écrouissage ou trempe) de façon à pouvoir réduire les sections d’armatures.
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

Caractéristiques des armatures actuelles en acier


ƒƒ limite élastique : fe = 500 MPa ;
ƒƒ module d’élasticité : E = 200 GPa.
Dans le cadre du dimensionnement, on calcule les surfaces d’acier à mettre en place
dans le béton. Afin d’avoir une correspondance rapide entre cette surface nécessaire
et le nombre de barres « réelles » à mettre en œuvre, on peut s’aider des deux tableaux
suivants.

Valeur des surfaces d’armatures en cm2/m. Ce tableau est utile pour armer une dalle
sur plusieurs mètres par exemple
Distance entre Diamètre des armatures (mm) Barres
barres (cm) 6 8 10 12 14 16 20 par m
5 5,65 10,05 15,71 22,62 30,79 40,21 62,83 20
10 2,83 5,03 7,85 11,31 15,39 20,11 31,42 10
15 1,88 3,35 5,24 7,54 10,26 13,40 20,94 6,67
20 1,41 2,51 3,93 5,65 7,70 10,05 15,71 5
25 1,13 2,01 3,14 4,52 6,16 8,04 12,57 4

94
Exemple d’utilisation

Si on doit avoir 15 cm2 d’armatures tous les mètres de dalles, on pourra installer
des barres HA (Haute Adhérence) 14 tous les 10 cm.

Surface d’armatures en cm2 en fonction du nombre et du diamètre des armatures mises


en place. Ce tableau est utile quand on doit armer une poutre.
Diamètres Nombre de barres
des barres
(mm) 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

6 0,28 0,57 0,85 1,13 1,41 1,70 1,98 2,26 2,54 2,83
8 0,50 1,01 1,51 2,01 2,51 3,02 3,52 4,02 4,52 5,03
10 0,79 1,57 2,36 3,14 3,93 4,71 5,50 6,28 7,07 7,85
12 1,13 2,26 3,39 4,52 5,65 6,79 7,92 9,05 10,18 11,31
14 1,54 3,08 4,62 6,16 7,70 9,24 10,78 12,32 13,85 15,39
16 2,01 4,02 6,03 8,04 10,05 12,06 14,07 16,09 18,10 20,11
20 3,14 6,28 9,42 12,57 15,71 18,85 21,99 25,13 28,27 31,42
L e b ét o n

Exemple d’utilisation

Si on doit placer 7 cm2 d’armatures dans une poutre de 30 cm de large, on peut
considérer qu’on a environ 20 cm (en enlevant l’enrobage) pour mettre les armatures,
soit 5 barres tous les 5 cm ou 3 barres tous les 10 cm. Le tableau nous montre rapi-
dement qu’on devra installer respectivement 5 HA 14 ou 3 HA 20.

„„ Précontrainte
Pour s’en faire une idée concrète, on peut prendre l’image de livres mis les uns à côté
des autres : si on les comprime entre nos mains par exemple, ils tiendront tous et nous
pourrons les porter, voire mettre dessus d’autres livres. On exerce ainsi une précontrainte.
Avec le béton, qui résiste seulement à la compression, on a un comportement qui s’en
rapproche : on le comprime pour qu’il puisse reprendre son propre poids (on parle de
précontrainte partielle) et éventuellement les charges qui s’appliquent dessus (on parle
alors de précontrainte totale).
La précontrainte du béton, inventée par Eugène Freyssinet, s’opère généralement
par l’installation d’armatures tendues en acier (souvent câbles ou torons) dans l’axe prin-
cipal des éléments structuraux : 95

ƒƒ par pré-tension : les fils ou torons de précontrainte sont tendus avant le bétonnage de
l’élément structurel. Une fois le bétonnage réalisé et une prise du béton suffisamment
importante, on relâche la tension appliquée aux fils d’acier, ce qui a pour effet de
comprimer les fils et le béton qui les enveloppe et y adhère. Le câble de précontrainte
est horizontal entre les deux extrémités de l’élément ;
ƒƒ par post-tension : une gaine est disposée dans l’élément structurel à couler. Après
durcissement du béton, les câbles à l’intérieur des gaines plongés dans le béton
sont tendus au moyen de vérins et bloqués au niveau d’ancrages situés de part et
d’autre de l’élément structurel. Les gaines, en plastique ou acier, sont alors remplies
de coulis pour éviter tout frottement dommageable et augmenter la durabilité de la

Précontrainte

par pré-tension par post-tension

WW Les deux types de


intérieure extérieure précontrainte du béton
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

structure. Le câble de précontrainte présente une forme parabolique entre les appuis
pour reprendre exactement les moments générés sous charges permanentes, aussi
bien en travée que sur appui : lorsqu’une série de poteaux est disposée entre chaque
poutre, on a alors un câble de précontrainte ondulant d’un bout à l’autre du bâtiment
(vers le bas en travée, vers le haut sur appui).
L’installation d’armatures de précontrainte peut aussi être réalisée à l’extérieur des
éléments structurels. Cette technique présente l’avantage d’être plus facile à entretenir
au cours du temps : accès possible et plus facile. On donne à ces armatures une forme se
rapprochant de la parabole en les faisant passer par des selles de déviation. Néanmoins,
quand on les tend, leur poids devient négligeable par rapport aux forces de traction aux-
quelles elles sont soumises et décrivent alors un polygone (ensemble de lignes droites)
se rapprochant de la forme d’une parabole.

Membranes

Les membranes sont des matériaux assez nouveaux apparus dans le domaine de la
96 construction après avoir été initialement l’objet de recherches pour l’industrie aérospa-
tiale. De nature chimique, les membranes sont des surfaces couvrant de vastes espaces
avec très peu de matière. Leur stabilité est obtenue par la mise en tension de leur sur-
face, au moyen de structures périphériques sur lesquelles elles s’appuient (en acier ou
aluminium généralement), en créant des formes paraboliques autostables, ou alors en les
arrangeant de façon à former des volumes gonflables. Elles sont légères, très souples, et
se dilatent facilement en présence de chaleur.
Bien que récents et assez complexes, l’une des premières applications de ces maté-
riaux est connue de tous : les bâches pour camions, que l’on tend autour d’une armature
rigide à l’aide de tendeurs passant à travers des œillets.
Les trois principaux types de membranes actuellement utilisées dans la construction
sont décrits ici : les membranes ETFE, PTFE et PVC. Alors que l’ETFE est un film, les deux
autres sont des tissus recouverts de polymères : le tissu assure la résistance mécanique
alors que l’enduction de polymère par-dessus permet l’étanchéité, la protection vis-à-vis
des poussières et autres agressions environnementales, accroissant par conséquent la
durabilité de la membrane.
Me m br a ne s

„„ Membrane ETFE
Le matériau ETFE (polyéthylène-co-tétrafluoroéthylène) est apparu sur le marché lors
de sa commercialisation par la société DuPont en 1970 (sous le nom Tefzel). Il se pré-
sente initialement sous forme de poudre, puis de granulats après polymérisation, et on
l’extrude par la suite pour former un film ultra-lisse.
Il peut être utilisé en monocouche, ou sous forme de coussins à deux, trois ou cinq
couches (les ajouts de couches se faisant pour des raisons thermiques), et être soutenu
par un réseau de câbles pour préserver sa forme : voir l’auvent de l’aéroport de Munich,
en Allemagne (voir chapitre 2, section « Des volumes »). Les coussins sont maintenus sous
pression à l’aide de pompes et d’un réseau de tuyaux (air entrant et sortant). Un principe
de redondance permet d’assurer le gonflage permanent des coussins et l’air est asséché
pour ne pas créer de condensation dans les coussins. Les volumes d’air à basse pression
dans le (ou les) compartiment(s) augmentent l’isolation thermique tout en renforçant la
résistance de la structure vis-à-vis des charges de neige et de vent.

Exemple

Pour les coussins du stade Allianz Arena de Munich, on a les pressions suivantes
dans les coussins : 97

ƒƒ en façade : 450 Pa ;
ƒƒ en toiture : 300 Pa ;
ƒƒ en cas de surcharge de neige : 800 Pa.

De manière plus générale, on peut estimer la pression dans les coussins pouvant aller
de 200 à 1 000 Pa, soit entre 20 et 100 kg/m2.
Les coussins peuvent avoir, dans des conditions normales, des largeurs de 4-5 mètres.
La liaison sur leur périphérie avec le reste de la structure se fait au moyen de profilés
aluminium dans lesquels les films ETFE sont « pincés » sur des joints EPDM. On boulonne
alors les profilés sur les poutres ou poteaux existants avec un tampon en néoprène entre
les deux pour éviter le contact entre les deux matériaux différents.
Ses principales caractéristiques sont les suivantes, à bien avoir en tête en fonction
de l’usage voulu :
ƒƒ épaisseur de film allant de 0,05 mm à 0,3 mm ;
ƒƒ peu protecteur vis-à-vis des rayons UV (cela peut être un inconvénient si l’on veut
protéger les personnes circulant dessous, comme dans un hall de gare, mais un
atout lorsqu’il s’agit de couvrir une serre agricole dont les plantes ont besoin de la
photosynthèse pour pousser) ;
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

98

SS Exemples d’application montrant l’emploi de coussins ETFE aussi bien en toiture qu’en
façade, avec système d’éclairage intégré : en haut, le stade de l’Allianz Arena à Munich,
Allemagne (2005) ; en bas, le bassin de natation pour les Jeux Olympiques de Pékin, Chine
(2008), avec une façade de coussins ETFE de dimensions comprises entre 1 m × 2 m à
8 m × 11 m, et dont les feuilles extérieures sont colorées en bleu pour rappeler la fonction
aquatique du bâtiment.

ƒƒ matériau fragile pouvant être facilement coupé avec un objet tranchant, tel qu’un
couteau ou même un bec d’oiseau : certains en effet foncent tête baissée sur de telles
couvertures et y font des trous !
M e mb ra n e s

ƒƒ aucune isolation acoustique (c’est par exemple à proscrire pour recouvrir un lieu de
travail où il pleut souvent !) ;
ƒƒ recyclable après avoir été fondu pour des usages non structurels ;
ƒƒ possibilité de sérigraphie sur les feuilles ETFE, y compris insertion de films photovol-
taïques flexibles ;
ƒƒ possibilité de colorer les films ETFE directement durant leur production (dans les
teintes rouge-violet ou bleues) ou après au moyen d’éclairage (cas de l’Allianz Arena
de Munich) ;
ƒƒ grande résistance à l’usure, durée de vie supérieure à 25 ans ;
ƒƒ matériau inerte chimiquement ;
ƒƒ très grande transparence : de 90 à 95 % de la lumière traverse la membrane ;
ƒƒ allongement avant rupture : 15 à 25 % ;
ƒƒ moins bonne résistance au feu que le PTFE : il fond à environ 260  °C mais sans
générer de fumée, d’étincelles ou de gouttes brûlantes ;
ƒƒ jonction des bandes d’ETFE par adhésif ou soudure (largeurs comprises entre 1,5 m
ƒƒ et 2 m environ, ce qui peut paraître minime mais qui ne l’est finalement pas tellement
compte tenu des coupes à faire dans le film pour réaliser les courbures nécessaires
à la membrane) ; 99

ƒƒ réparation possible de petits défauts à l’aide d’adhésif ;


ƒƒ comme le matériau est très lisse, aucune saleté n’adhère et l’eau de pluie permet de
les évacuer sans intervention humaine (prévoir malgré tout des inspections régulières
pour éviter des engorgements).

„„ Membrane PTFE
Le matériau PTFE (polytétrafluoréthylène) a commencé à être commercialisé en 1949
sous le nom assez connu de Téflon par la société DuPont. La membrane PTFE est en
fait précisément l’assemblage d’un tissu en fibre de verre recouvert sur toute sa surface
de PTFE. Il permet notamment de protéger le tissu en fibre de verre de l’humidité, de la
poussière, d’attaque de micro-organismes.
En plus du PTFE, on rajoute parfois une couche de polymères contenant du fluor ou
des fibres acryliques afin d’améliorer leur résistance au lavage et aux poussières.
Assez chères, ces membranes sont plus difficiles à mettre en place que les
membranes PVC en raison de la plus grande rigidité de la fibre de verre et donc leur plus
grande vulnérabilité aux plis accidentels et aux cassures. Cela est aussi valable pour le
transport sur chantier.
Les assemblages de différents éléments peuvent se faire par couture, collage ou
3   Les mat éri aux  : carac t éri s ti q ues et s ec t i o ns

100
SS
Centre Pompidou-Metz : la toiture est composée d’une membrane en fibre de verre
enduite de PTFE sur une charpente en bois d’environ 8 000 m2 (architectes : Shigeru Ban
et Jean de Gastines).

soudure, grâce à la couche de PTFE dont la fibre de verre est enduite, qui permet une
résistance des soudures identique à celle de la membrane.

Caractéristiques :
ƒƒ protège des UV, contrairement à l’ETFE ;
ƒƒ résiste aux températures comprises entre –70 °C et 230 °C ;
ƒƒ durée de vie : environ 30 ans ;
ƒƒ étanche ;
ƒƒ coefficient de transmission lumineuse : de 0 à 50 % ;
ƒƒ inerte chimiquement ;
ƒƒ largeur minimale des soudures entre lés : 7 cm ;
ƒƒ autonettoyant ;
ƒƒ matériau ignifuge ;
ƒƒ point de fusion : 327 °C pour le PTFE, > 1 100 °C pour la fibre de verre ;
M e mb ra n e s

ƒƒ allongement avant rupture : 3 à 12 % ;


ƒƒ module de Young PTFE : E = 300 MPa ;
ƒƒ module de Young fibre de verre : E = 10 GPa ;
ƒƒ résistance à la traction de la fibre de verre : 100 MPa ;
ƒƒ résistance à la compression de la fibre de verre : 150 MPa.
Il est à noter l’existence d’un autre type de membrane à base de tissu en PTFE,
recouvert lui de fluoropolymère.

„„ Membrane PVC
Tout comme le PTFE, la membrane PVC est composée d’un tissu en polyester
recouvert de PVC (polychlorure de vinyle). Ces membranes sont développées depuis les
années 1950 et sont parmi les plus utilisées de nos jours pour leur prix raisonnable et
leur facilité de montage (et démontage) liée à leur grande souplesse. On estime qu’il
faut environ moins d’une heure de travail pour installer 1 m2, contre plus de deux heures
pour 1 m2 d’une membrane PTFE. Il faut néanmoins garder à l’esprit que le temps de
mise en œuvre de ce genre de matériaux reste bien inférieur à celui des matériaux
classiques.
Leur durée de vie moyenne est d’environ 20 ans et des couches additionnelles per- 101

mettent d’améliorer à la fois leur durabilité et leur aisance de montage : rapidité d’as-
semblage des différents morceaux avec soudage à température peu élevée, élasticité du
matériau permettant des ajustements de dernière minute, contrairement aux membranes
PTFE.
Le PVC permet de protéger le tissu en polyester des rayons UV.

Caractéristiques :
ƒƒ difficilement inflammable ;
ƒƒ coefficient de dilatation thermique élevé comparé aux deux autres types de
membranes ;
ƒƒ durée de vie : environ 20 ans ;
ƒƒ nécessite un entretien contre les poussières, la pollution et autres agressions clima-
tiques ;
ƒƒ largeur minimale des soudures entre lés : 3 à 4 cm ;
ƒƒ point de fusion : > 140 °C pour le PVC, 250 °C pour le tissu en polyester ;
ƒƒ module de Young PVC : E = 2 400 à 3 000 MPa ;
ƒƒ module de Young de l’ensemble tissu polyester + enduit PVC : E = 14 GPa ;
ƒƒ résistance à la traction de la membrane PVC : 900 MPa.
4
Modélisation

« La main qui porte le crayon est une vision romantique. C’est une
posture très xixe siècle ou très années 1920, 1930, 1940. Je préfère
travailler avec les mots. Ils permettent les fulgurances.29 »
Rudy Ricciotti

« (...) Le cercle de Diderot en arriva à une autre conclusion, que je formulerais


ainsi : la façon éclairée d’utiliser une machine consiste à juger de ses
pouvoirs, à façonner ses usages, à la lumière de nos limites plutôt que de son
potentiel. Nous ne devons pas rivaliser avec elle. »
Richard Sennett, in Ce que sait la main

Quelques outils à la disposition du concepteur pour modéliser une structure


Mo d é li s at i o n

Cette partie peut être faite soit à la main, soit à l’aide d’un ordinateur. Elle consiste à
schématiser la structure à construire (ou vérifier dans le cas de structure existante), à la
transformer en un modèle mécanique.
Dans certains cas même, un prototype sera nécessaire pour valider ou expérimenter
un comportement structurel, et se justifie d’autant plus, d’un point de vue économique,
quand on travaille sur des éléments répétitifs. Cette démarche rejoint l’empirisme sur
lequel se basaient les constructions anciennes et met en valeur l’état d’esprit à avoir lors
de cette phase : établir une bonne approximation du comportement réel de la structure,
et non vouloir atteindre une exactitude.

À la main ou à l’ordinateur ?

„„ Toujours savoir ce que l’on cherche


Suivant l’avancée d’un projet, un outil sera privilégié par rapport à un autre. De même,
en fonction de l’ouvrage, une justification à la main s’avérera plus pertinente, en temps
et en résultat fourni, que la réalisation d’un modèle informatique complet. L’ingénierie
ne consiste pas à trouver une solution exacte mais à vérifier le bon comportement d’une 103

structure en conciliant un nombre de paramètres important : coût, esthétique, délais,


sobriété énergétique, etc.
La décision repose sur l’expérience principalement, mais aussi sur les compétences.
Une tendance dangereuse serait de vouloir tout informatiser, du début à la fin, sans
maîtrise de la conception « à la main », qui pourtant permet, soit de jeter les bases d’une
conception rapidement, soit de vérifier les résultats fournis par les logiciels informatiques.
Un ingénieur expérimenté m’a une fois dit que les erreurs de calcul les plus courantes en
ingénierie étaient des valeurs multipliées par 2, 10, 100 voire 1 000. Une erreur d’unités
dans un logiciel et c’est toute une conception qui devient incohérente : les calculs se font
sans erreurs mais les données d’entrée sont fausses.
Un va-et-vient entre l’informatique et le « manuel » doit donc s’opérer, gage de réussite
qui se vérifie dans bien d’autres domaines et thématiques : le théorique et le pratique, le
local et le global, le corps et l’esprit, etc.

„„ Outils « manuels » : résistance des matériaux


Faire intervenir la main dans la modélisation peut se traduire par l’usage de papier,
de calque, de crayons, de tableaux mais aussi d’ordres de grandeur : pour telle dis-
tance entre appuis et pour telle charge, une hauteur de structure métallique est d’en-
4   M o dél i sat i o n

viron tant de centimètres. Ces outils permettent en outre de dégager rapidement une
esthétique.
L’outil informatique est un frein pouvant par ailleurs écarter des personnes autour
de la table lors d’une réunion : le dessin est fédérateur, actif, alors que l’informatique
isole, rend passif. La vidéo-projection est une avancée incontestable dans la présenta-
tion d’informations mais elle est chronophage en amont et peut créer un effet « tunnel »
endormant les spectateurs si la présentation n’est pas suffisamment animée. Les outils
informatiques sont donc à mon sens à utiliser plus tard dans la conception, si nécessaire.

„„ Outils informatiques : éléments finis et CAO


En 1963, le premier logiciel de CAO (conception assistée par ordinateur) est inventé
par Ivan Sutherland. Un crayon optique permettait à l’utilisateur de dessiner grossièrement
une forme géométrique, qui était ensuite affinée par le logiciel à partir des contraintes
initiales données par l’utilisateur. Depuis, la CAO a fortement évolué.
On peut de nos jours réaliser des visuels en 3D appelés perspectives dans le jargon
des professionnels. Cette activité est d’ailleurs de plus en plus souvent sous-traitée par
les bureaux d’architecture : beaucoup de « perspectivistes » en effet travaillent en leur nom
104 propre pour différents bureaux d’architectes, créant une compétence à part entière : la
production d’images.
La méthode des éléments finis a permis de calculer de manière plus systématique et
plus rapide des structures entières. Elle consiste à « découper » les structures en petits
éléments pour lesquels l’ordinateur va pouvoir calculer tous les efforts, contraintes et
déplacements. De nombreux logiciels existent à travers le monde et prennent en compte
un ou plusieurs matériaux. Il est en revanche encore difficile de trouver des logiciels per-
mettant de dimensionner des structures en membranes.

Étapes principales d’une étude de structure sur ordinateur :


ƒƒ définition de la géométrie ;
ƒƒ génération d’un maillage permettant de discrétiser la structure en petits éléments (les
« éléments finis ») ;
ƒƒ entrée des données (comportement mécanique, conditions d’appuis, matériaux,
charges, combinaisons, etc.) pour chaque élément ;
ƒƒ lancement des calculs informatiques ;
ƒƒ analyse des résultats (visualisation des efforts, déplacements et contraintes).
La méthode informatique des éléments finis se base sur les méthodes énergétiques
des forces et des déplacements et fait appel au calcul matriciel.
Le s é l é me n t s de l a mo d é li s at i o n

Les éléments de la modélisation

„„ La structure
Lorsqu’on réalise un calcul à la main dans un plan 2D, les poutres, les poteaux sont
modélisés par des lignes représentant leur ligne moyenne, c’est-à-dire les lignes sans
déformation.

Représentation de quelques éléments structurels


Poutre rectiligne Poteau Poutre en arc

„„ Les conditions d’appuis et liaisons


Pour avoir une structure en équilibre, on lui associe des appuis (au sol ou sur des
structures existantes) et des liaisons entre ces différents éléments structurels. Quand
les appuis et les liaisons sont en nombre réduit, la structure peut ne pas être en équi- 105

libre et devenir un mécanisme : c’est le sujet de la section « Degré d’hyperstatisme » du


chapitre 5.
Les appuis et liaisons sont modélisés :
ƒƒ lors des grandes lignes de la conception, par des symboles ;
ƒƒ lors de l’analyse (voir chapitre 5), par des flèches représentant les composantes de la
réaction (force verticale, horizontale, moment).

Symboles lors de la conception


Ponctuel ou simple Articulation Encastrement

Appuis

Liaisons
4   M o dél i sat i o n

Symboles lors de l’analyse


Ponctuel ou simple Articulation Encastrement

Appuis

Liaisons

Des exemples de modélisations de structures classiques sont donnés dans le cha-


pitre 5, avec les valeurs principales de leurs efforts, moments et flèches en fonction des
charges auxquelles elles sont soumises.

„„ Les charges statiques


Actions agissant sur la structure dans son ensemble, de manière constante ou variable
(poids propre, séisme, température, vent) ou sur certains éléments (choc, neige, etc.).
L’objectif est de connaître les actions les plus défavorables pour chaque élément structurel.

106 Symboles
Les charges peuvent être ponctuelles ou linéaires dans un système structurel en 2D
et sont représentées au moyen des symboles suivants :
Charge ponctuelle Charge linéaire constante

Les charges linéaires peuvent par ailleurs être variables de manière linéaire ou para-
bolique.
Par ailleurs, à titre informatif, on peut appliquer des forces surfaciques sur les
modèles 3D.

Poids propre des structures


Le poids propre concerne le poids des éléments structurels.
Son calcul se fait à partir d’une estimation de la masse volumique des matériaux
considérés (voir chapitre  3, « Propriétés générales »). Puis un calcul des volumes de
chaque matériau est réalisé. Un coefficient est par ailleurs affecté à chaque matériau,
étant donné les conditions réelles de mise en œuvre de chaque matériau :
Le s é lé m e n ts d e la mo d é li s at io n

ƒƒ le béton par exemple verra son poids, pour une même formulation, varier en fonc-
tion des usines de production, voire des toupies. Il est donc important de prendre
en compte l’incertitude du matériau final réel, tant vis-à-vis de son poids que de sa
résistance mécanique ;
ƒƒ la fabrication de l’acier est aussi soumise à des imperfections mais bien moindres du
fait de son caractère industriel et de la plus grande homogénéité du matériau.
On parle ainsi de coefficients de sécurité et chaque matériau a le sien propre, pouvant
varier suivant les codes de construction de chaque pays. Néanmoins, le tableau suivant
permet de donner une idée de leurs valeurs.

Ordres de grandeur des coefficients de sécurité des matériaux


Matériau Plages de valeur du facteur de sécurité
Maçonnerie 1,3 à 1,5
Bois 1,3
Acier 1,0 à 1,25
Béton 1,3 à 1,5
Armatures acier 1 à 1,15
107

On constate que la maçonnerie et le béton sont les matériaux considérés comme


les plus aléatoires par les normes et les codes. Cela est à nuancer pour des matériaux
comme le BFUP et aussi pour certains matériaux bois soumis à une sélection rigoureuse
avant usage.
La masse volumique à prendre en compte pour chaque matériau ne peut être listée
de manière simple : elle est à définir au cas par cas tant les matériaux, à l’intérieur d’une
même catégorie, diffèrent.

Ordres de grandeur des masses volumiques des matériaux


Matériau Masse volumique Matériau Masse volumique
(kg/m3) (kg/m3)
Roche Grès 2 200 à 2 600 Béton armé 2 500
Granite 2 600 à 2 800 Bois Résineux 300 à 500
Marbre 2 800 Feuillus 500 à 1 100
Terre 2 200 BLC 380 à 450
Acier 7 850 Verre 2 500
Aluminium 2 700
4   M o dél i sat i o n

Pour les membranes, en raison de leur très faible épaisseur, on parle plutôt de­
kg/m2 : 0,2 à 1,5  kg/m2. Il ne faut pas oublier en revanche de compter toutes les
couches de membranes lorsqu’on analyse une structure en coussin, ni les courbures
de la membrane. Le décompte des surfaces de membranes nécessite une approche
différente des matériaux classiques.

Charges permanentes
Contrairement au poids propre, les charges permanentes ne contribuent pas à l’équi-
libre de la structure, ni à sa résistance : ce sont des poids « morts ». Il en va ainsi des revê-
tements de tablier sur un pont (asphalte, couche d’étanchéité, lampadaires, bancs, etc.)
ou des pièces de bâtiments (parquet, béton ciré, etc.). Cette distinction paraît superflue
mais elle peut s’avérer pratique lorsqu’une rénovation est prévue : détailler les hypothèses
permet ensuite de mieux appréhender les changements d’usage d’une construction.
Il serait trop long ici d’établir une liste de tous les éléments concernés, avec des
masses linéaires, surfaciques ou volumiques correspondantes, mais ces charges ne sont
pas à négliger lorsqu’on fait l’inventaire des forces agissant sur une structure.

108 Charges dans les bâtiments


Les charges appliquées dans la conception d’un bâtiment peuvent être ponctuelles
ou surfaciques. On prendra par exemple une charge surfacique de 5 kN/m2 (500 kg/m2,
soit environ 6 ou 7 personnes par m2) pour définir les efforts à reprendre par une dalle
de plancher dans un immeuble de bureaux, et jusqu’à 7 kN/m2 pour les étages d’une
bibliothèque ou d’un bâtiment conservant des archives. Les couloirs pourront en revanche
avoir des charges surfaciques appliquées réduites, de l’ordre de 2 ou 3 kN/m2 : on ne fait
que passer dans ces endroits, on ne s’y attroupe pas.
Chaque projet est à prendre au cas par cas, avec aussi une attention portée aux futurs
usages de la construction. Réaliser un balcon dans une maison de retraite n’aboutira pas
forcément aux mêmes contraintes que la réalisation d’un balcon dans une résidence
étudiante : une soirée avec beaucoup de jeunes étudiants sur le balcon pour prendre l’air,
cela s’est déjà vu et doit être pris en compte dans les hypothèses de calculs. On peut
donc soit dimensionner tous les éléments structurels avec des hypothèses conservatives
ou alors les prévoir démontables pour les adapter au mieux en fonction des usages.

Charges sur les ponts


Les ponts peuvent avoir trois grands types de chargements verticaux :
ƒƒ piétons ou vélos ;
Le s é l é me n t s de l a mo d é li s at i o n

ƒƒ véhicules routiers (voitures ou camions) ;


ƒƒ trains (voyageurs ou marchandises).
À ces trois types de charges s’ajoutent les équipements d’entretien (nettoyage, remise
en peinture de structures métalliques, inspection technique, etc.).
Par ailleurs, lorsqu’un véhicule freine (ou démarre dans certains cas), il crée une force
horizontale dans le sens de la circulation qui est non négligeable et qui peut avoir un
impact important sur la structure de l’ouvrage d’art. Cette force est souvent déterminée
en fonction de la longueur du pont : plus celle-ci est grande, plus en effet la probabilité
d’avoir un véhicule à vive allure est grande, et donc une force de freinage importante.
L’expression mathématique suivante permet d’en donner un ordre de grandeur :

Ffreinage = 360 + 3,6 × L < 900 kN

avec :
ƒƒ Ffreinage : force de freinage appliquée sur le tablier du pont (en kN) ;
ƒƒ L : longueur du tablier (en m).
Les ponts sont aussi équipés de garde-corps sur leurs bordures, qui doivent être
capables bien sûr de reprendre leur propre poids mais aussi de résister à une force 109

horizontale causée par un piéton, un vélo voire un véhicule. Certains codes de calcul
définissent la valeur de cette force en fonction de la largeur disponible du cheminement
piéton : si elle est grande, un piéton (mal intentionné…) peut prendre suffisamment d’élan
pour aller vers le garde-corps et générer une force horizontale non négligeable. La hauteur
de ces garde-corps est aussi une question importante lors de la conception même si cette
problématique dépasse le cadre des charges à appliquer, objet du présent chapitre : on
définit une plus grande hauteur de garde-corps en présence de vélo (par exemple 1,20 m)
qu’en présence uniquement de piétons (typiquement 90 cm).
Un autre type de force horizontale survient sur les ponts courbes : la force centrifuge.
Elle dépend du rayon de courbure de l’ouvrage et du poids des véhicules (plus précisé-
ment des essieux en contact avec la chaussée du tablier).

„„ Les chocs et explosions accidentels (ou non)


Sur les routes et les ponts
La conception d’un pont ou plus généralement d’une route doit inclure la possibilité
d’un choc frontal ou transversal d’une voiture sur les équipements (bordures de routes,
poteaux de ponts au-dessus d’une route). Au-delà de la sécurité structurale des différents
éléments, il en va de la sécurité des personnes roulant par exemple dans l’autre sens : les
4   M o dél i sat i o n

bordures centrales d’autoroute doivent pouvoir empêcher une voiture (et encore plus un
camion !) d’aller finir leur course sur les voies en sens inverse.
Les équipements routiers sont ainsi dimensionnés pour reprendre :
ƒƒ frontalement, une force horizontale d’environ 1 à 1,5 MN en dehors des villes (vitesse
rapide) ;
ƒƒ transversalement, une force horizontale environ deux fois moins grande que celle
indiquée pour la force frontale, soit 0,5 à 0,75 MN.
Les poteaux d’ouvrages d’art au-dessus des voies ferrées ou en milieu marin
n’échappent pas à cette analyse non plus. Les forces sont à adapter en fonction des
circulations prévues.

Sur les bâtiments


Les bâtiments peuvent être sujets au niveau de leur rez-de-chaussée à des chocs
de véhicules pouvant entraîner une instabilité générale de la construction. Ce risque doit
donc être pris en compte.
L’exemple de l’attaque du 11 septembre 2001 à New York contre les tours du World
Trade Center est un tragique exemple des événements auxquels une structure peut être
110 confrontée : dimensionner tous les bâtiments pour ce genre de situations (chocs et explo-
sions) ne peut pas être envisagé mais peut se réfléchir au cas par cas, non pas pour y
résister, mais au moins pour permettre à ses occupants d’en être évacués. Dimensionner
ici revêt une définition plus globale incluant :
ƒƒ des procédures d’évacuation prenant en compte le comportement des gens (néces-
sitant l’analyse d’études sociologiques) ;
ƒƒ une sensibilisation des occupants aux procédures ;
ƒƒ une prévention en amont de ce genre d’événements (surveillance et contrôle des
avions, etc.).
Ce dernier exemple met en évidence la multiplicité des choix de conception possibles
face à une seule et même situation. La décision doit être prise en concertation avec le
maître d’ouvrage et en ayant une vision aussi large que possible des solutions à mettre en
œuvre, même si elles dépassent le strict cadre d’un marché de maîtrise d’œuvre classique.

„„ L’action de la température : air ambiant et soleil


Aussi étrange que cela puisse paraître, la température agit sur les structures et peut
être modélisée par une force :
ƒƒ au niveau du matériau : une compression lorsque la température baisse, une traction
quand la température augmente ;
Le s é lé m e n t s de l a mo d é li s at io n

ƒƒ au niveau des structures : l’effet est variable suivant la structure, mais par exemple, si un
matériau s’allonge sous l’effet de la chaleur et que la structure est une poutre encastrée
(entièrement bloquée) à ses deux extrémités, la poutre sera soumise à une force de com-
pression qui causera des contraintes à vérifier dans le cadre des études de conception.
La valeur de la force à appliquer dépendra du coefficient de dilatation thermique du
ou des matériaux de la structure, et bien sûr de l’amplitude de la plage de températures
possibles. D’autre part, à la température de l’air ambiant s’ajoute l’effet spécifique du
soleil : ce dernier n’inonde pas la surface d’une structure de manière homogène et des
hypothèses doivent être faites sur son action. Typiquement, on supposera qu’une face de
pylône est soumise aux rayons du soleil, alors que la face opposée ne l’est pas. Ceci est
d’autant plus important à prendre en compte que les dimensions de la structure étudiée,
et donc ses déformations, sont grandes.
Là encore, les valeurs à prendre en compte sont si diverses en fonction des situations,
des géographies et des structures qu’il est vain d’en donner quelques-unes ici.

„„ Charges climatiques : neige et vent


Les charges climatiques ont un effet aussi bien en ingénierie structurelle que ther-
mique. Nous n’abordons ici que leurs effets structurels (charges, déformations) et non 111

climatiques (étanchéité, isolation thermique, température dans les pièces intérieures).

Neige
Les charges de neige s’appliquent sur les toitures et/ou les murs d’une structure et
dépendent principalement :
ƒƒ de la quantité de neige tombant en moyenne dans la région de la construction ;
ƒƒ de la forme de la structure en toiture (plate, pentue, courbe, zones éventuelles de
stagnation, etc.), ou de la disposition possible d’un mur contre lequel la neige pourrait
exercer une force ;
ƒƒ de la présence de vent pouvant répartir les charges de neige de manière spécifique et
pouvant représenter le cas de charge le plus défavorable pour la structure ;
ƒƒ de l’altitude à laquelle la construction se trouve : la quantité de neige qui tombe dans
le fond d’une vallée est toujours inférieure à celle qui tombe sur les sommets des
montagnes environnantes.
Exemples de valeurs de charges de neige au sol :
ƒƒ en France, les charges de neige au sol généralement utilisées vont de 45 kg/m2 dans
des régions comme la Bretagne, à des charges de 140 kg/m2, soit trois fois plus,
dans les Alpes ;
4   M o dél i sat i o n

SS
Toiture enneigée de la gare ferroviaire de la Warschauer Strasse à Berlin, Allemagne.

112 ƒƒ en Allemagne, les constructions dans une ville comme Cologne prennent en compte
une charge de neige au sol qui doit être supérieure à 65 kg/m2 alors que la majeure
partie de la frontière sud-est de l’Allemagne considère des charges de neige supé-
rieures à 110 kg/m2.

Vent
Les charges de vent s’appliquent sur toutes les surfaces d’une structure et dépendent
principalement :
ƒƒ de la vitesse du vent dans la zone de la construction ;
ƒƒ des configurations de la zone de la construction (isolée sans obstacles autour, en ville,
près de la mer ou loin des côtes, etc.) ;
ƒƒ de la forme de la construction (qui amène le concepteur à prendre en compte diffé-
rents facteurs réduisant ou augmentant l’effet du vent) ;
ƒƒ de la hauteur de la construction (plus on s’élève, plus la force de vent est grande).
Les bulletins météorologiques indiquent la plupart du temps des vitesses de vent
en km/h. Pour pouvoir appliquer une charge de vent sur une structure, il faut transformer
cette vitesse en force sur une surface, grâce à l’expression mathématique suivante :

Fvent = 0,5 × ρ × v 2


Le s é l é me n t s de l a mo d é li s at i o n

avec :
ƒƒ Fvent : pression du vent (en N/m2) ;
ƒƒ ρ : masse volumique de l’air (on prend généralement ρ = 1,225 kg/m3) ;
ƒƒ v : vitesse du vent (en m/s).
Exemples de valeurs de charges de vent au sol :
En France, les vitesses de vent employées dans les calculs de conception sont com-
prises entre 22 et 28 m/s, soit entre 80 et 100 km/h, ce qui donne des forces entre
environ 300 et 480 N/m2. Ces valeurs sont néanmoins fortement modifiées en fonction
de tous les paramètres cités au début de ce paragraphe.

„„ Combinaisons
La modélisation doit être soumise à plusieurs charges à la fois. En effet, le poids
propre, permanent, ne suffit pas pour estimer les sollicitations du bâtiment étudié. Il faut
lui rajouter les effets des forces naturelles ou d’exploitation.
Outre les valeurs de chacune de ces forces appliquées à la structure, on ajoute des
coefficients permettant de prendre en compte les aléas de chaque valeur mais aussi
l’objectif visé dans les calculs : vérifier la résistance de la structure ou vérifier sa rigidité
(et donc la limitation de ses déformations). 113

Ces coefficients varient suivant les codes et normes mais les chiffres suivants per-
mettent de s’en faire une idée pour l’aspect « résistance » :
ƒƒ pour le poids propre, un coefficient égal à 1,35 est généralement pris. Mais à l’in-
verse, quand le poids propre est favorable à la stabilité de la structure, par exemple
vis-à-vis d’une force de vent susceptible de soulever une toiture ou tout simplement
un balcon, la valeur du poids propre est multiplié de manière sécuritaire par un coef-
ficient de 0,930 ;
ƒƒ pour les charges d’exploitation variables, le coefficient principal est de 1,5. Mais ces
charges s’ajoutent parfois et les valeurs des coefficients des charges additionnelles
diffèrent : on peut prendre comme base 0,75. De plus, lorsqu’on est dans le cas d’une
tour, il paraît peu probable d’avoir une occupation totale de toutes les pièces à chaque
niveau : des coefficients minorants sont alors appliqués.
En ce qui concerne l’aspect « rigidité », on cherche à avoir le résultat le plus réaliste
possible car il est à mettre en relation avec le confort ressenti par l’usager : on applique
donc des coefficients proches de 1.
5
Analyse statique

« Sans l’ombre d’un doute, nombreux sont convaincus que les calculs déterminent
les dimensions adéquates de manière univoque et définitive. Néanmoins, étant
donné l’impossibilité de prendre en compte toutes les circonstances secondaires,
tout calcul ne représente qu’une base pour l’ingénieur-concepteur, qui doit donc
lutter avec ses circonstances secondaires...
Une forme totalement simple de calcul est donc en soi possible et suffisante. »
Robert Maillart, 1938

Burj Khalifa, Émirats Arabes Unis : pour concevoir cette tour, parmi les plus hautes du monde,
son concepteur, William F. Baker, a notamment exploité un vieux théorème de James Clerk
Maxwell paru en 1864 dans l’article « On reciprocal Figures and Diagrams of Forces ».
A n a ly s e s tat iq u e

Le but est de vérifier que la structure modélisée ne rompra pas et que ses déforma-
tions seront suffisamment faibles pour être utilisée par ses usagers, que ce soit un pont,
un immeuble ou toute autre structure accueillant des personnes.
Il va falloir pour cela tout d’abord déterminer les efforts dans la structure, objet du
présent chapitre, et les traduire, au moyen d’outils adaptés, en contraintes et en dépla-
cements. Les contraintes seront alors comparées à la limite de résistance du matériau
considéré et les déplacements aux valeurs à ne pas dépasser pour permettre un usage
confortable de la structure. On aura alors d’une certaine façon répondu à deux des trois
objectifs que Vitruve voyait dans toute structure : la firmitas (la résistance) et l’utilitas (la
fonctionnalité). Reste la venustas (la beauté) mais c’est une histoire plus délicate. On peut
prétendre qu’elle ne concerne pas l’ingénieur, mais seulement l’architecte. D’un point de
vue structurel, on pourra penser qu’elle est atteinte lorsque les matériaux sont utilisés de
manière optimale. Mais la venustas ne peut être résumée à l’optimisation de la matière.

ingénieur architecte

115

firmitas utilitas venustas

Néanmoins, on observe un rapprochement entre ces deux professions, lié à un tas de


raisons différentes :
ƒƒ complexité croissante nécessitant une collaboration étroite pour répondre aux exi-
gences ;
ƒƒ moyens de communication permettant de partager de plus en plus d’éléments
entre les différents partenaires d’un projet de construction (ce qui peut aussi être
contre-productif parfois !) ;
ƒƒ développement des cursus universitaires d’architecte-ingénieur ;
ƒƒ etc.
5   A n alyse s tati q ue

Depuis longtemps, des ingénieurs et des architectes énoncent cette volonté de rap-
prochement. C’est le cas de l’ingénieur Othmar Ammann qui écrivit : « un pont formidable
dans une ville formidable, bien que son but premier soit d’être utile, se doit néanmoins
d’être un ouvrage d’art auquel la Science apporte son aide. Un tableau indiquant toutes
les contraintes de la structure en tout point, réalisé sur une base purement économique
et scientifique, ne fait pas un grand pont. C’est seulement avec un sens large de la beauté
et de l’harmonie, associé à une grande expérience dans les domaines scientifique et
technique, qu’un pont exceptionnel peut être créé.31 »
Ainsi, en reprenant les trois critères de Vitruve, le partage des tâches serait désormais
ainsi :

ingénieur architecte

utilitas

116
firmitas venustas

Ces deux diagrammes omettent le rôle du maître d’ouvrage mais il est sous-entendu
et englobe au final, idéalement, les trois critères : les trois critères bien entendu l’inté-
ressent et son expertise est de les connaître tous suffisamment pour pouvoir influer sur
les décisions de chaque concepteur (ingénieur et/ou architecte), étant entendu bien sûr
que le parti architectural initial est accepté par tous.
Le maître d’ouvrage veillera en particulier à :
ƒƒ fournir tous les éléments facilitant le travail de son équipe de conception (données sur
le site du projet, enveloppe financière, écoute, réactivité) ;
ƒƒ garantir la bonne évolution du projet en respectant à la fois les coûts, les délais et la
qualité du projet.
T y p e s de s o l li c itat i o ns

Remarque

Ce chapitre présente d’abord les sollicitations principales rencontrées dans les


structures puis un certain nombre de méthodes utilisables pour déterminer leurs valeurs
numériques et enfin les valeurs elles-mêmes, en fonction des structures et des charges.
Les méthodes de résolution sont aujourd’hui peu usitées dans les bureaux d’études :
on utilise les formulaires ou alors directement les logiciels informatiques. Quelques
méthodes sont néanmoins données, à titre informatif et historique : un travail histo-
rique de l’évolution des calculs serait d’ailleurs très intéressant. N’oublions pas que
la plupart des structures encore visibles de nos jours ont été construites sans l’aide
d’ordinateurs32. Enfin, les valeurs des réactions d’appui, des moments et des flèches
sont données en séparant les structures isostatiques des structures hyperstatiques.

Types de sollicitations
„„ Efforts normaux (traction et compression)
Les efforts normaux s’appliquent perpendiculairement à la surface de chaque section.
Alors que la traction peut s’exercer sur une longueur importante de poutre, la com-
pression ne peut le faire que sur une distance réduite : cela est dû au possible flambement 117

de l’élément, comme lorsqu’on appuie sur les deux extrémités d’une règle. Elle aura en
effet plus de facilité à rompre par flexion issue du flambement qu’à la compression de la
petite section de la règle (voir le chapitre 6 pour plus d’informations).
Ainsi, pour un même effort normal, l’élément en traction aura besoin d’une surface de
section moindre que l’élément en compression : c’est la différence que l’on peut observer
entre le diamètre d’un câble de pont (très mince) et l’épaisseur d’un mât de bateau ou
d’un poteau en compression (plus épais bien que les charges puissent être de même
grandeur dans certains cas).

SS
Utilisation de la structure de la roue de vélo pour la toiture du Stade national de
Bucarest : à gauche l’anneau de compression (le pneu) extérieur supporté par des poteaux
placés tout autour des gradins ; à droite, vue intérieure du stade avec le réseau de câbles
se concentrant vers le milieu du stade.
5   A n alyse s tati q ue

La roue de vélo

Un système structurel particulièrement efficace et fonctionnant principalement avec


des efforts normaux est celui de la roue de vélo. Employée pour les toitures de stade, la
technique consiste à littéralement poser l’équivalent d’une roue de vélo sur les supports
verticaux (ou en forme de V, voire directement sur la structure des gradins suivant les
concepts architecturaux) périphériques du stade. Les rayons se concentrent alors vers le
centre du terrain. Ce concept est adapté bien entendu, en laissant un trou au milieu et en
dédoublant parfois le « pneu de vélo » : on dit alors qu’il y a deux anneaux de compression.
En effet, les rayons de vélo (les câbles dans le cas des toitures de stade) ont tendance à
tous vouloir tomber sur le terrain, entraînant avec eux le pneu ! Or celui-ci résiste, il ne se
plie pas facilement, et c’est ainsi que le « pneu » est sollicité à la compression. Au bout des
câbles, vers le centre du terrain, on place un anneau de traction, composé du matériau
travaillant parfaitement bien en traction : l’acier sous forme de câbles. En effet, si on se
place au milieu du terrain et qu’on regarde au-dessus tous les câbles (ou rayons de vélo,
comme on veut), on voit bien qu’ils auraient tendance à tomber et s’éloigner les uns des
autres s’ils n’étaient pas tous retenus. C’est le rôle de l’anneau de traction. Là aussi,
comme au niveau du « pneu », on peut avoir une ou deux nappes de câbles.
118

„„ Efforts tranchants
Les efforts tranchants sont souvent importants au niveau des appuis.
Ils sont développés par des forces perpendiculaires à l’axe principal de la poutre
étudiée, ou bien encore tangentiellement aux sections de la poutre.

„„ Moments de flexion
Les moments de flexion sont souvent importants en milieu de portée et au niveau des
liaisons rigides. Son effet est le plus important pour le dimensionnement des structures.
En supposant la poutre étudiée parfaitement horizontale et l’effort tranchant parfai-
tement vertical, le moment de flexion aura son axe de rotation perpendiculaire à la fois à
l’axe principal de la poutre et à l’axe de l’effort tranchant.

„„ Moment de torsion
Même si son effet est beaucoup plus rare dans les structures que le moment de
flexion, il est décrit ici. Son axe de rotation coïncide avec l’axe principal de la poutre
étudiée.
T y p e s de s o l li c itat i o ns

WW Tour « Turning Torso » de


l’ingénieur-architecte Santiago
Calatrava33, érigée en 2005 par
l’innovante Coopérative d’épargne
et de construction suédoise HSB. 119

La torsion crée dans une barre des contraintes et des déformations ressemblant,
d’un point de vue visuel, au concept de la tour torsadée de Santiago Calatrava à Malmö,
en Suède : constitué de 9 blocs de 5 étages chacun, chaque bloc est tourné d’un angle
constant par rapport au précédent. Structurellement, aucune contrainte de torsion n’est
présente bien évidemment dans cette tour : chaque bloc de la tour a été fixé après avoir
été tourné, et non l’inverse.
Pour un même matériau, les sections fermées résistent mieux à la torsion que les
sections ouvertes. Il suffit par exemple de prendre un rouleau et une bande de carton de
même épaisseur et de même longueur pour se rendre compte que le tube résistera mieux
à la torsion. Les structures monocoques des fuselages d’avion illustrent cette caractéris-
tique avantageuse.
On peut aussi citer l’exemple des tabliers de ponts : ils sont soumis à de la torsion
quand les charges qu’ils supportent sont excentrées par rapport à l’axe central du tablier.
Inévitables, ces charges sont par conséquent organisées de manière à être les moins
importantes quand on s’éloigne de l’axe central : c’est ainsi qu’on placera au centre les
véhicules ferroviaires (les plus lourds), puis routiers et enfin les cyclistes et/ou piétons (les
plus légers) sur les extrémités. Un autre type de charge peut affecter les ponts vis-à-vis de
5   A n alyse s tati q ue

la torsion : le pont de Tacoma a été détruit par le simple effet du vent. Ce dernier a en effet
mis en résonance le pont et créé une instabilité de torsion. Le tablier était particulièrement
souple et peu résistant à la torsion. Aujourd’hui, pour des ponts haubanés ou suspendus,
les tabliers de ponts ont des sections ressemblant à celles des ailes d’avions, ou sont
tout du moins fermées. On doit initialement cette analogie à Theodore von Karman. À titre
d’exemple, le pont de Normandie est conçu pour résister à un vent de 465 km/h vis-à-vis
de ce phénomène, ce qui est bien au-dessus du vent potentiel dans la région.
D’un point de vue plus scientifique, la torsion peut générer une torsion uniforme et
une torsion non uniforme :
ƒƒ la torsion uniforme, aussi appelée torsion pure, découle des travaux de Saint-Venant ;
ƒƒ la torsion non uniforme intègre les effets du gauchissement de la structure.
Dans le cas des sections fermées à paroi mince constante, la contrainte est uniforme
et sa valeur est la suivante :
τ = MT / (2 × t × A)
avec
ƒƒ τ : la contrainte de torsion uniforme ;
ƒƒ MT : le moment de torsion ;
120 ƒƒ t : l’épaisseur de la coque ;
ƒƒ A : la surface intérieure de la section (surface entre la ligne moyenne de la coque et
la face intérieure de la coque négligée en raison de la fine épaisseur de la coque).
Dans le cas des sections ouvertes à angles droits et à paroi mince constante, la valeur
de la contrainte uniforme est la suivante :
τ = MT × t / IT
avec :
ƒƒ τ : la contrainte de torsion uniforme ;
ƒƒ MT : le moment de torsion ;
ƒƒ t : l’épaisseur de la section ;
ƒƒ IT = 1/3 × Σ (ti3 × hi) pour i allant de 1 à n, avec hi et ti valeurs des longueurs et
épaisseurs de chaque élément de section.
Pour les profilés laminés, en raison des arrondis au niveau des jonctions entre chaque
élément de la section, on multiplie IT par un facteur de correction η variant suivant la
forme de la section :

Forme du profilé L C et T I
h 0,99 1,12 1,30
De g r é d’ h yp e r stat is m e

Degré d’hyperstatisme

„„ Définition
Avant de savoir si une structure va résister aux charges et ne pas trop se déformer,
il faut qu’elle tienne en équilibre. Par ailleurs, suivant qu’une structure sera isosta-
tique ou hyperstatique, la démarche pour l’analyser devra être adaptée. Connaître le
degré d’hyperstatisme d’une structure est donc la première des choses lorsqu’on veut
calculer une structure à la main, l’ordinateur de son côté s’en chargeant automatique-
ment.
On dénombre trois configurations possibles, aussi bien en 2D qu’en 3D :
ƒƒ structure hypostatique : il n’y a pas suffisamment de fixations au niveau des appuis
pour garantir la stabilité. Nous n’avons pas une structure mais un mécanisme ;
ƒƒ structure isostatique : il y a le nombre minimum de contraintes pour empêcher tout
mouvement de la structure ;
ƒƒ structure hyperstatique : il y a plus de contraintes que de degrés de liberté. Même en
enlevant une contrainte (ou plus parfois), la structure reste stable.
Avoir une structure isostatique semble suffire. Pourquoi alors la plupart des structures
sont-elles hyperstatiques dans notre environnement ? Pour des raisons de sécurité et de 121

durabilité. Une structure hyperstatique sera plus rigide et son entretien la plupart du temps
facilité : une articulation a par exemple plus de risque de se détériorer au fil du temps
qu’un encastrement. L’inconvénient est que ce type de structures est très sensible aux
tassements : elles doivent reposer sur des sols stables ou, le cas échéant, aller chercher
le substratum rocheux en profondeur pour y poser leurs fondations.
D’un point de vue calculatoire, quand la structure est isostatique, on détermine les
efforts puis on dimensionne les éléments alors que ces deux opérations sont réalisées
simultanément, ou plutôt de manière itérative, par tâtonnement, dans le cas des struc-
tures hyperstatiques. Ceci est détaillé dans les sections suivantes.

„„ Détermination
Plusieurs méthodes existent pour le déterminer.

Méthode classique
Le degré d’hyperstatisme se détermine au moyen de plusieurs étapes :
ƒƒ on isole la structure et on décompose le système en barres et en nœuds ;
ƒƒ on indique le nombre d’inconnues de liaisons créées par cette décomposition ;
ƒƒ on compte le nombre d’équations d’équilibre issues du principe fondamental de la
5   A n alyse s tati q ue

statique (6 en 3D, 3 en 2D) : 2 en 2D ou 3 en 3D pour les efforts, et 1 en 2D ou 3 en


3D pour les moments ;
ƒƒ le degré d’hyperstatisme correspond à la différence I – E.

Méthode pour les portiques


Pour le cas des portiques, on peut utiliser la méthode des cadres, plus rapide que
la méthode classique. Elle est décrite dans l’exemple ci-dessous, en plus de la méthode
classique.

Méthode pour les treillis


Le degré d’hyperstatisme s’écrit :
H = b + r – 2n
avec :
ƒƒ b : nombre de barres ;
ƒƒ r : nombre de réactions d’appuis ;
ƒƒ n : nombre de nœuds (en considérant que tous les nœuds sont articulés, c’est-à-dire
sans aucun moment, ce qui est valable tant qu’on ne prend pas en compte le poids
122 propre des treillis).

Exemple d’application n° 1 : portique à 3 articulations

Prenons le cas d’un arc (ici schématisé par un portique à angles droits) à 3 articu-
lations (2 au niveau des appuis, et 1 au sommet) :

Méthode des cadres


Le degré d’hyperstatisme d’un tel cadre est égal à :
nombre d’équations fournies par le cadre (= 3) – nombre d’inconnues cinéma-
tiques au niveau de chaque nœud de la structure (1 à chaque articulation)
Le degré d’hyperstatisme est donc nul : la structure est isostatique.
Méthode classique
On peut aussi discrétiser la structure et détailler les inconnues et les équations que
nous donnent les nœuds et les barres, mais c’est plus fastidieux :
P ri nc i p e s e t mé th o de s d e ré s o l ut io n

I3 I2 I2 I3
N3 N3
barre 2 barre 3
I3 I3

barre 1

barre 4
I3 I3
N3 N3
I2 I2

On a alors :
Inconnues (I ) : 4 l2 + 6 l3 = 26 inconnues
Équations (E ) : N2 + 4 N3 + 4 barres = 26 équations
Comme I – E = 0, on vérifie que le système est isostatique.

Exemple d’application n° 2 : poutre encastrée des deux côtés

123

Méthode classique
Décomposition :
I3 barre 1 I3
N3 N3
I3 I3

Inconnues (I ) : 4 l3 = 12 inconnues


Équations (E ) : 2 N3 + 1 barre = 9 équations
La structure est ainsi hyperstatique de degré 3.

Principes et méthodes de résolution

Les principes et les méthodes s’appuient sur une science récente dans l’art de
construire : la résistance des matériaux. Elle est issue de la mécanique des milieux
continus et permet d’analyser le comportement élastique et plastique des matériaux.
Elle repose sur des hypothèses et des principes de base qui rendent les calculs pos-
sibles mais aussi et surtout qui correspondent aux objectifs recherchés quand on conçoit
5   A n alyse s tati q ue

Mécanique des milieux continus

Résistances des matériaux Mécanique des fluides

Domaine Domaine Fluides Fluides non


élastique plastique newtoniens newtoniens

SS
Organigramme général de la mécanique des milieux continus

une structure : la résistance des matériaux par exemple ne peut être appliquée que si les
déformations sont supposées très petites, ce qui va bien avec l’idée que l’on se fait de
l’usage d’un bâtiment. Il serait en effet étrange de prévoir un bâtiment avec des grandes
déformations car cela impacterait le confort de ses usagers.
On peut considérer que la résistance des matériaux est née avec les premières études
de Galilée, puis avec le développement de la théorie des poutres par Euler, au milieu du
xviiie siècle. Ensuite, il faudra attendre la théorie de l’élasticité de Navier au xixe siècle et
ses développements ultérieurs.
Nous n’aborderons pas ici les derniers développements, qui concernent la théorie
124 des plaques et des coques, en considérant qu’on veut ici seulement donner un aperçu
des démarches d’analyse structurale, et que les problèmes peuvent être ici assimilés à
des poutres. Exemple : une dalle de 3 m × 6 m, supportée sur toute sa périphérie sera
modélisée comme étant l’addition de 6 poutres de 3 m de long et 1 m de large.
Par ailleurs, les structures calculées ici sont supposées avoir un produit E×I (module
de Young × moment d’inertie) constant sur toute la structure.
Voici les hypothèses et les principes de base de la résistance des matériaux :
ƒƒ matériaux continus, homogènes et isotropes à l’échelle macroscopique (ceci est bien
le cas pour l’acier, moins pour le béton) ;
ƒƒ domaine élastique, dans lequel les déformations sont très petites et où les calculs
se font à partir de la structure non déformée. Cela signifie aussi que les déforma-
tions sont proportionnelles aux contraintes : loi de Hooke. Il s’ensuit que les effets
de chaque force peuvent se superposer (voir la section « Principes et méthodes de
résolution » du chapitre 5) ;
ƒƒ hypothèse de Navier-Bernoulli : les sections planes perpendiculaires à la ligne
moyenne restent planes après déformation. Seule la ligne moyenne se déforme ;
ƒƒ principe établi par Barré de Saint-Venant : la contrainte au niveau d’un point éloigné
du point d’application d’un système de forces n’est dépendante que de la résultante
générale et du moment résultant de ce système de forces.
P ri nc i p e s et m é th o de s d e ré s o l ut io n

„„ Principe fondamental de la statique


L’analyse statique repose sur un principe fondamental, à savoir que la somme de
toutes les forces agissant sur une structure (réactions d’appui et forces extérieures) doit
être nulle, ainsi que la somme des moments.
Mathématiquement, on écrit souvent :
Σ F = 0 et Σ M = 0

Exemple

A F B

3m 2m

Pour que cette structure isostatique soit en équilibre, les réactions d’appui doivent
compenser le poids propre de la structure (négligé dans notre exemple) et l’effet de la
force F.
On fait donc apparaître les réactions d’appuis existantes : 125

F
A B
HB
VA VB
3m 2m

En écrivant le principe fondamental de la statique au point A, on a les équations


suivantes :
(1)  VA – F + VB = 0
(2)  HB = 0
(3)  3F – 5VB = 0 (en écrivant la somme des moments au point A)
On déduit de (3) que :
VB = 3/5 F
Puis, en insérant la valeur de VB dans (1) :
VA = F – VB = 2/5 F
On retrouve ce résultat dans le tableau en page 130 consacré aux poutres isosta-
tiques à travée unique entre deux appuis (chapitre 5, section « Structures isostatiques »).
5   A n alyse s tati q ue

„„ Théorème de Varignon34
Supposons une force F dont les composantes vectorielles sont F1 et F2, alors le théo-
rème de Varignon affirme que le moment de F calculé par rapport à n’importe quel point
noté O est égal à la somme des moments de F1 et F2 par rapport à ce même point O. Il
est à noter que les trois forces F, F1 et F2 sont concourantes.

„„ Principe de superposition
Dans le domaine élastique linéaire, les déformations d’une poutre soumise par
exemple à la fois à une force linéaire et à une force ponctuelle sont égales à l’addition
des déformations causées séparément par cette force linéaire et cette force ponctuelle
sur cette poutre. Ce principe permet de simplifier les calculs en les séparant, puis en les
ajoutant. Cela s’applique aussi aux forces, aux contraintes et aux déplacements.
Mathématiquement, et en guise d’exemple, en considérant les deux forces F1 et F2, et
un facteur noté α, on a pour une structure les relations suivantes :
ƒƒ effet (F1 + F2) = effet (F1) + effet (F2) ;
ƒƒ effet (α × F1) = α × effet (F1).

126 „„ Théorème de réciprocité Maxwell-Betti


On prend un cas simple pour dégager le principe de ce théorème (de James Clerk
Maxwell, 1831-1879, et Enrico Betti, 1823-1892). On considère une poutre isostatique
au comportement élastique. On suppose que cette structure est soumise à deux forces
(ou moments) différents.
Le théorème de réciprocité de Maxwell-Betti nous dit que le produit d’une force avec
le déplacement qu’elle génère sur la poutre au point d’application de l’autre force, est égal
au produit de l’autre force avec le déplacement qu’elle provoque au point d’application
de la 1re force.

Exemple pour une poutre isostatique sur deux appuis


F1
F1 × λ1 = F2 × λ2

λ1
F2

λ2
Pr in c ip e s e t mé t ho d e s de r é s o lut i o n

„„ Lignes d’influence
Les lignes d’influence découlent du théorème de Maxwell-Betti. Elles indiquent les
valeurs extrêmes d’un effet causé par une charge à laquelle est soumise la poutre consi-
dérée. On obtient donc non pas une ligne mais deux, qui forment une courbe enveloppe
des sollicitations que devra reprendre la poutre.

„„ Théorème de Castigliano
Ce théorème (de Alberto Castigliano, 1847-1884) ne s’applique qu’aux structures
isostatiques, ou alors aux structures hyperstatiques que l’on a transformées en structures
isostatiques (voir Théorème de Menabrea, ci-après). Il permet le calcul des déplacements
de la structure étudiée.
On considère une structure isostatique au comportement élastique linéaire.
La dérivée partielle de l’énergie de déformation par rapport à la force à laquelle est
soumise la structure considérée est égale au déplacement de la structure au point d’ap-
plication de la force.
Il convient aussi de noter que Castigliano a établi un autre théorème, consacré pour sa
part aux forces et s’énonce de la même manière, en remplaçant juste les déplacements
par des forces. 127

„„ Théorème de la charge fictive ou de Müller Breslau


Ce théorème (de Heinrich Müller-Breslau, 1851-1925) est une application du théo-
rème de Castigliano. En effet, ce dernier ne permet pas de calculer tous les déplacements
dans une structure, seulement là où une force est appliquée.
Le théorème de la charge fictive permet de résoudre cela en ajoutant une charge fic-
tive là où l’on souhaite connaître un déplacement ou une rotation. On peut alors appliquer
le théorème de Castigliano et trouver la valeur recherchée.

„„ Théorème de Menabrea
Ce théorème (de Luigi Menabrea, 1809-1896), qui découle du théorème de
Castigliano, permet de lever le degré d’hyperstaticité d’une structure hyperstatique.
On considère une structure hyperstatique de degré 1.
Le théorème de Menabrea dit que la liaison surabondante dans la structure hypersta-
tique ne travaille pas pendant la déformation du système soumis à une charge. La dérivée
de déformation par rapport à cette liaison est alors nulle.
5   A n alyse s tati q ue

Étapes de la démarche :
ƒƒ définir le degré d’hyperstatisme de la structure considérée ;
ƒƒ remplacer « virtuellement » la liaison surabondante par une réaction hyperstatique ;
ƒƒ déterminer le moment généré par la charge appliquée à la structure ;
ƒƒ déterminer l’énergie de déformation ;
ƒƒ calculer sa dérivée et trouver la valeur de la réaction hyperstatique en disant, confor-
mément au théorème de Menabrea, que la dérivée est nulle.

„„ Méthode des forces


Plusieurs étapes :
1.  détermination du degré d’hyperstaticité ;
2.  calcul de l’énergie interne (avec au préalable, le cas échéant, la décomposition de la
structure hyperstatique en plusieurs structures isostatiques, calcul des intégrales) ;
3.  calcul des inconnues hyperstatiques (dont application du théorème de Castigliano).

„„ Méthode des déplacements


Elle repose sur l’équation suivante :
128 F = K × D
avec :
ƒƒ F : les forces appliquées à la structure ;
ƒƒ D : les déplacements associés à la structure ;
ƒƒ K : la matrice de rigidité de la structure.
On constate bien avec cette formule que plus les efforts sont grands, et plus la raideur
de la structure est grande, alors plus les déplacements seront petits.
Pour l’appliquer, on se place dans une modélisation de la structure sous forme d’élé-
ments rectilignes reliés entre eux par des nœuds. On cherche à définir le déplacement des
nœuds de la structure en supposant l’équilibre de tous les efforts et réactions agissant
sur la structure. On peut alors choisir des fonctions en rapport avec les déplacements des
nœuds, pour établir les déplacements en tout point de la structure.

„„ Principe des travaux virtuels


Si la structure considérée est en équilibre, alors la somme des travaux de toutes les
forces auxquelles est soumise la structure est nulle.
Avec les intégrales de Mohr (qui se présentent sous la forme de tableaux), de Bertrand
de Fontviolant ou encore de Verechtchaguine, on en déduira la valeur des déplacements
et forces recherchés.
Str uc t u re s i s o stat iq u e s

„„ Théorème de Clapeyron
On considère une structure en équilibre. Le théorème de Clapeyron énonce que le
travail des charges (forces et moments) extérieures à la structure est égal au travail des
sollicitations internes (effort normal N, effort tranchant V, moment de flexion M, moment
de torsion T ) de la structure.

Structures isostatiques

Pour ces structures, les équations de la statique suffisent à trouver les valeurs des
efforts et moments recherchées. Cette section indique les valeurs des moments, des
réactions d’appui et des flèches en fonction des charges auxquelles chaque structure
est soumise (qui ont été décrites au chapitre 4). Les cas présentés sont loin de repré-
senter tous les cas se présentant dans la réalité mais permettent de donner une bonne
approximation des efforts mis en jeu.

Remarque importante

Tous les résultats sont donnés en supposant que E×I = Constante. Cela signifie 129

qu’on ne considère que des éléments structurels à section et matériau identiques tout
le long de leur longueur.
On note α = a/L et β = b/L.

„„ Poutre sur deux appuis


Poutre entre deux appuis
Modélisation de la poutre, sans son chargement :

L
A B
5   A n alyse s tati q ue

Mmax fmilieu
RA RB
RA RB x0 = λ × L L/2 L/2

L Réactions d’appuis Moment max. Flèche


RA RB Mmax fmilieu
q qL2/8 5 qL4
1 qL/2 qL/2
pour λ = 0,5 384 EI
F
FL/4 FL3
2 F/2 F/2 48 EI
pour λ = 0,5
L/2 L/2
F 3 – 4α2× αFL3
αβFL 48 EI
3 βF αF
pour λ = α pour α ≤ 0,5
a b
F F
Fb × 4b – 3L
2  2
4 F F Fb
24 EI
b a b

Poutre avec une partie en console (ou cantilever)


Exemples de structures :
130 ƒƒ les plongeoirs (mais leur grande flexibilité n’est pas rencontrée dans les bâtiments
classiques) ;
ƒƒ le nouveau siège de l’Autorité portuaire d’Anvers en Belgique, la « Havenhuis », des-
siné par l’architecte Zaha Hadid, qui a été inauguré en septembre 2016 (bien que les

SS
La « Havenhuis » réalisée par l’architecte Zaha Hadid.
Stru c t ur e s is o s tati q ue s

plans sur le site Internet de l’agence d’architecture35 semblent plutôt montrer une
poutre avec une partie en console de chaque côté).
Modélisation de la poutre, sans son chargement :

MB
Mmax

fmilieu

L C RA RB fc

Réactions d’appuis Moment Flèches


RA RB Mmax MB fmilieu fc
q RA2 qC 2 (L2/2,4 – C 2) ×qL2 (C 3/8 + C 2L/6 – L3/24) × qC
1 (L2  C 2) ×  q (L + C)2 ×  q – 
2L 2L 2q 2 32EI EI
q qL qL qL2 5q L4 –qL3C
2 0  
2 2 8 384E I 24EI
q – qC2 – q L2C2
–  qC  (1 +  C  ) × qC (L/6 + C/8) × qC 3
2
3 MB
2L 2L 2 32E I EI
F
Fb Fa Fab (L2/16 – a2/12) × Fa – (L + a) × FabC
4 0 EI
L L L 6LEI
a b si a ≤ L/2
F
Fa a – FaL2 (LC/3 + aC/2 – a 2/6) × Fa
5 –  (1 +    ) × F MB – Fa
a
L L 16EI EI

„„ Poutre en console
Exemples de structures avec des consoles :
ƒƒ les balcons de certains bâtiments.
ƒƒ la couverture des tribunes de l’hippodrome de la Zarzuela à Madrid en Espagne,
achevé en 1935 : œuvre des architectes Martin Dominguez et Carlos Arniches avec
l’ingénieur Eduardo Torroja, le porte-à-faux au-dessus des tribunes mesure environ
12,5 mètres, avec une épaisseur à l’extrémité de seulement 5 cm. La structure est
contrebalancée par une console moins importante à l’arrière (environ 7 mètres de
portée) et des poteaux verticaux entre les consoles. Ces structures ont la particularité
d’associer un comportement longitudinal en console et un comportement transversal
en arc (ou voûte en 3D).
5   A n alyse s tati q ue

ƒƒ les structures en console peuvent aussi être verticales : les tours et les arbres fonc-
tionnent comme des consoles. Les formules ci-dessous donnent les efforts pour une
section constante : la forme de la Tour Eiffel est une optimisation (à la fois structurelle
et esthétique) de ces formules avec une poutre se divisant et s’élargissant en quatre
à ses pieds.
ƒƒ la Villa Méditerranée de l’architecte Stefano Boeri à Marseille, livré en 2013, est à la
frontière entre ce type de structure et le cas précédent (poutre avec une console) tant
l’appui de la console est large.

SS
Villa Méditerranée à Marseille (2013), par l’architecte Stefano Boeri.

132 Modélisation de la poutre, sans son chargement :

MA fc

RA ωc
L Réactions d’appuis Flèche et Rotation
RA MA fc ωc
q – qL2 qL4 qL3
1 qL
2 8EI 6EI

F FL3 FL2
2 F – FL
3EI 2EI

F
(L/2 – a /6)Fa 2 Fa 2
3 F – Fa
EI 2EI
a
Stru c t ur e s is o s tati q ue s

„„ Arc à triple articulation


Les valeurs pour une telle structure sont plus complexes que celles des autres struc-
tures. Seul un lien est donné entre le modèle et des exemples de structures réelles.

Exemples de structures employant un arc à triple articulation :


ƒƒ pont Alexandre III sur la Seine à Paris, avec une portée de 107,5  m, achevé en
1900, conçu par les architectes Gaston Cousin et Joseph Marie Cassien-Bernard,
assistés des ingénieurs Jean Résal et Amédée Alby ;
ƒƒ couverture de la gare internationale de Waterloo à Londres, avec une portée maxi-
male de 48,5 mètres et une longueur d’environ 400 mètres, conçue par Nicholas
Grimshaw avec le bureau d’études Anthony Hunt et achevée en 1993.

133

SS
Vue aérienne de l’ancienne gare internationale de Waterloo à Londres avec sa
couverture acier-verre de 400 mètres de longueur.

Modélisation de la structure, sans son chargement :


5   A n alyse s tati q ue

„„ Câbles uniformément chargés


Modélisation du câble, sans son chargement :

Chaque appui se décompose en une force verticale V et une force horizontale H : la


somme des deux donne la force de traction T.
La différence de hauteur entre le point haut et le point bas du câble est notée h, et la
distance entre les deux appuis L.
La longueur de câble est notée C.
La force linéaire uniformément chargée est quant à elle notée q (kN/m).
On a alors :
V = qL /2
134 H = qL2/8h
T =  √V 2 + H 2 = H √1+16 × (h/L)2
C ≈ L × (1+ 8 (h/L)2 – 32 (h/L)4)
3 5

Exemple numérique

Pour un pont suspendu de 60 mètres de long et une distance entre le bas du câble
et le haut du câble de 3 mètres, et une force linéaire de 5 kN/m, on a les valeurs sui-
vantes :
V = 5 × 60/2 = 150 kN
H = 5 × 602/8 × 3 = 2 000/16 = 750 kN
T = √V 2 + H 2 = 765 kN
C ≈ 60 × (1 + 8/3 × 0,052 – 32/5 × 0,054) = 60,4 m
On constate que la composante horizontale de la force dans le câble est 5 fois plus
grande que celle verticale. Cela s’explique par la faible différence de hauteur entre les
points haut et bas du câble.
Str uc t u re s h yp e rs tat iq u e s

Structures hyperstatiques

Pour leur calcul, on transforme les problèmes hyperstatiques en problèmes isosta-


tiques et on fait appel aux équations de déformation.

Remarque importante

Tous les résultats sont donnés en supposant que E×I = Constante. Cela signifie
qu’on ne considère que des éléments structurels à section et matériau identiques tout
le long de leur longueur.

„„ Poutre sur deux appuis


Poutre encastrée d’un côté
Modélisation de la structure, sans son chargement :

MB Mmax fmilieu fmax

RA RB x0 = λ × L L/2 L/2 x0 = λ × L
L Réactions d’appuis Moment Flèches
RA RB MB Mmax fmilieu fmax
9 qL2 qL4
q 3qL 5qL qL2 qL4
1 128 184,6 EI
8 8 8 pour λ = 0,375 192 EI pour λ = 0,422

F FL FL3
5F 11F 3FL 7FL3
2 6,4 107,3 EI
L/2 L/2 16 16 16 pour λ = 0,5 768 EI pour λ = 0,447

(3 – β) × αβ2FL (3 – 5α2)αFL3


F pour α ≤ 0,5
3 (3 – β) × β2F (3 – α2) × αF (1 – α2) × αFL 2 96 EI
a b 2 2 2 (9 – 11β)β2FL3
pour λ = α pour α ≥ 0,5
96 EI

Poutre encastrée des deux côtés


Modélisation de la structure, sans son chargement :
5   A n alyse s tati q ue

MA MB

Mmax fmilieu fmax

RA RB x0 = λ × L L/2 L/2 x0 = λ × L
L
Réactions d’appuis Moment max. Flèches
RA RB MA MB Mmax fmilieu fmax
qL
2
qL4
q qL qL –qL2 qL2 qL4
1 24 384EI
2 2 12 12 384EI
pour λ = 0,5 pour λ = 0,5
F FL FL3
F F –FL FL FL3
2 8 192EI
2 2 8 8 192EI
L/2 L/2 pour λ = 0,5 pour λ = 0,5

F (3 – 4α)α2FL3 pour α ≤ 0,5


2α β FL
2 2
48EI
3 (3 – 2β) β2F (3 – 2α)α2F –αβ2FL α2βFL
pour λ = α (3 – 4β)β2FL3 pour α ≥ 0,5
a b 48EI

„„ Poutre continue (plus de deux appuis)


Pour trouver les moments sur les trois appuis consécutifs d’une poutre, on utilise
136 l’équation des 3 moments, aussi appelée équation de Clapeyron (Émile Clapeyron,
1799-1864).
Pour déterminer les moments et les déplacements de cette structure, les déformées
causées par l’effort normal et l’effort tranchant sont négligées.
À titre informatif, voici l’équation des 3 moments pour une poutre continue à inertie
constante :
li × Mi-1 + 2 × (li + li+1) × Mi + li+1 × Mi+1 = 6 × EI × (ωi+1 – ωi)
avec :
ƒƒ ωi et ωi+1 respectivement les rotations avant et après l’appui sur lequel on veut cal-
culer le moment ;
ƒƒ li et li+1 respectivement les longueurs des travées avant et après l’appui sur lequel on
veut calculer le moment ;
ƒƒ Mi-1, Mi et Mi+1 respectivement le moment sur l’appui précédant celui étudié, le
moment sur l’appui étudié et le moment sur l’appui suivant celui étudié.
Les cas de figure sont innombrables (nombre d’appuis, types et zones d’application
des charges), et nécessitent des formulaires faisant appel à de nombreuses variables.
Un seul exemple est ici donné, avec 3 appuis, un chargement linéaire sur la 1re portée
et la prise en compte du poids propre (aussi sous forme de charge linéaire) sur toute la
structure.
Stru ct u re s h yp e rs tat iq u e s

Modélisation de la structure, avec son chargement :


q
g

I1 I2
A B C

On note :
ƒƒ q : la charge d’exploitation sur la 1re portée, d’une valeur de 3 kN/m ;
ƒƒ g : le poids propre, d’une valeur de 5 kN/m ;
ƒƒ l1 : longueur de la première portée, égale à 3 mètres ;
ƒƒ l2 : longueur de la deuxième portée, égale à 5 mètres.
On en déduit le rapport l1/l2 = 0,6, soit 1/1,7. Les formulaires nous donnent les valeurs
suivantes :
ƒƒ la réaction d’appui verticale maximale, en A, notée RA, égale à (0,226 × 5 + 0,454 × 3)
× 3 = 7,5 kN ;
ƒƒ le moment maximal sur l’appui B, noté MB, égal à (–0,274 × 5 – 0,046 × 3) × 32
= –13,6 kN × m.
137

„„ Portique
Pour ces cas, on considère des moments d’inertie différents pour les poteaux et la
travée du portique. On les note respectivement IP et IT et ils apparaissent dans les formules
par le biais de la variable k = IT/IP × H/L.
Le tracé des moments étant différent pour chaque chargement, il est illustré directe-
ment sur les schémas des cas de charges, en pointillé.
Les cas de charge n° 5 font intervenir la température T°. Le coefficient de dilatation
thermique est noté αT.

Portique articulé en pied


Modélisation de la structure, sans son chargement :

2 3

1 4

A B
L
5   A n alyse s tati q ue

2 3

H M2 M3
HA HB

1 4 RA RB
Réactions d’appuis Moments
L RA RB HA HB
q

qL qL qL2 M2 = –HAH
1 HA = HB = 
2 2 4h(2k + 3) M3 = –HBH

Fb Fa Fab M2 = –HAH
2 HA = HB = 3/2 × 
L L HL(2k + 3) M3 = –HBH

a b
q
138 M2 = –HAH
qH 2
3 2L –RA qH/8 ×  5k + 6 HA – qH qH 2
2k + 3 M3 = –HBH –
2

F
FH M2 = –HAH
4 –RA F/2 –F/2
L M3 = –HBH

EIR M2 = –HAH
5 ± T° 0 0 HA = HB = αT × T0 × ×  3 M3 = –HBH
H 2 2k + 3

Portique encastré en pied


Exemple de structure :
ƒƒ pont-passerelle du Mont Saint-Michel, Normandie, France. C’est une structure
semi-intégrale (c’est-à-dire semi-encastrée) : long d’environ 750 mètres et composés
de 7 segments, le tablier présente 6 joints de dilatation et les segments d’extrémité
sont encastrés dans les culées.
Str uc t ur e s hy p e rs tat i q ue s

Modélisation de la structure, sans son chargement :


2 3

1 4

A B
L

M2 M3
2 3

H MA MB
HA HB
1 4
RA RB
L Réactions d’appuis et moments sur appuis et aux encastrements 2 et 3
RA RB HA HB MA, MB, M2 et M3
q
MA = MB = HAH/3
qL qL qL2
1 HA = HB =  M2 = MA–HAH
2 2 4H(k+2)
M3 = MB–HBH
139

F
Fab 5kL–L+2a(k+2)
MA =
2L2 (k+2)(6k+1)
Fb 1+a(b-a) Fab 7kL+3L–2a(k+2)
2 × 2 F – RA HA = HB =  3Fab MB = 2
L L (6k+1) 2HL(k+2) 2L (k+2)(6k+1)
M2 = MA–HAH
M3 = MB–HBH
a b
qH 2 5k+9 12k
q MA = –
24 k+2 6k+1
qH 2k+3 qH 2 12–(5k+9) 12k
qH 2 k HA = MB = –
3 × –RA 8 k+2 24 k+2 6k+1
L 6k+1
HB = HA–qH M2 = MA–HAH
qH 2
M3=MB–HBH –
2
FH 3k+1
F MA =
F HA = 2 6k+1
FH 3k 2
4 × –RA MB = –MA
L 6k+1 F
HB = –  M2 = MA–HAH
2
M3 = MB–HBH

HA = HB = MA = MB = HA H (k+1)
2k+1
5 ± T° RA = RB = 0 2k+1
3αT (EIR /H 2) × M2 = MA–HAH
k (k+2) M3 = MB–HBH
5   A n alyse s tati q ue

„„ Arc à double articulation


Alors que l’arc encastré est hyperstatique de degré 3, l’arc à double articulation est
hyperstatique de degré 1.
Les valeurs pour une telle structure sont plus complexes que celles des autres struc-
tures. Seul un lien est donné entre le modèle et des exemples de structures réelles.
Exemples de structures employant un arc à double articulation :
ƒƒ le viaduc de Garabit, de Gustave Eiffel, avec une portée principale de 165 mètres,
achevé en 1884, tout comme le Pont Maria Pia à Porto, aussi de Gustave Eiffel, avec
une portée de 160 mètres et achevé quelques années avant, en 1877 ;
ƒƒ le Sydney Harbour Bridge, en Australie, avec une portée principale de 503 mètres,
achevé en 1932.

140

SS
Le viaduc de Garabit, France.

Cas des structures en treillis

Une forme de poutre a été inventée pour ne reprendre que des efforts normaux (com-
pression et traction) : le treillis.
Le triangle est en effet la forme la plus simple pour former une structure rigide et
l’addition de plusieurs de ces triangles s’avère une solution très efficace pour reprendre
des efforts sur une ligne horizontale entre deux points d’appuis.
Les nœuds entre les barres constituant le treillis peuvent être :
ƒƒ articulés : cas le plus souvent rencontré, les efforts sont alors uniquement normaux
(compression et traction) ;
ƒƒ rigides : des moments de flexion secondaires sont alors introduits.
C a s de s st ru c tu re s e n tr e il li s

SS
Le Sydney Harbour Bridge, Australie. 141

Aucun formulaire ne donne les valeurs des efforts normaux présents dans chaque
barre d’un treillis. Nous nous limiterons ici à décrire les trois principales méthodes per-
mettant de définir les efforts dans un treillis, en omettant volontairement la méthode
des déplacements, plus systématique et s’appliquant aussi bien aux treillis isostatiques
qu’hyperstatiques, qui s’utilise avec un ordinateur et qui est décrite dans la section Degré
d’hyperstatisme.

„„ Méthode graphique de Cremona


Cette méthode (de Luigi Cremona, 1830-1903) consiste à tracer le polygone des forces
pour chaque nœud du treillis quand deux efforts au maximum sont inconnus à ce nœud.

„„ Méthode des sections de Ritter


Wilhelm Ritter, 1847-1906, eut pour professeur Karl Culmann, 1821-1881, qui l’a
inspiré pour établir la méthode des sections pour les treillis.
Des coupes imaginaires sont effectuées dans le plan du treillis en faisant bien atten-
tion de ne pas croiser plus de 3 barres avec des forces inconnues à chaque coupe. Cela
5   A n alyse s tati q ue

permet d’obtenir 3 équations d’équilibre qui amènent à la détermination des valeurs des
forces dans les barres.

„„ Méthode de l’équilibre des nœuds


Elle consiste à déterminer les caractéristiques des forces (direction, sens, valeur) au
niveau de chaque nœud du treillis et à vérifier que les forces s’équilibrent : la somme des
vecteurs forces doit être nulle. On étudie uniquement les nœuds auxquels arrivent au
maximum deux barres dont la valeur des forces n’est pas connue. Cette méthode est par-
ticulièrement utile quand on veut connaître les efforts dans toutes les barres d’un treillis.

Un mot sur l’analyse dynamique

Si une structure est résistante, cela ne veut pas dire qu’elle est forcément praticable :
elle peut subir des déplacements inconfortables pour l’usager, physiquement voire psy-
chologiquement parlant. C’est tout l’objet de l’analyse dynamique.
Les ponts en lianes ou cordages, bien que résistants, bougent beaucoup. Adaptés
142 dans le cadre de randonnées ou de parcs d’aventure type « accrobranche », ils le sont
moins lorsqu’il s’agit de réaliser une passerelle piétonne au-dessus d’un fleuve dans
une ville. Une histoire intéressante à ce sujet est arrivée à Londres lors de l’ouverture du
Millenium Bridge sur la Tamise, face à la Tate Modern, le musée d’art moderne : le pont a
oscillé au passage des gens. Il a fallu fermer l’ouvrage et disposer en sous-face du tablier
des amortisseurs pour réduire l’inconfort.
Les problèmes de dynamique peuvent être créés par les usagers d’une passerelle, le
vent, des chocs ou des explosions, des séismes, etc.
Un mot s ur l’ a n a lys e dy na m iq u e

143

SS
Millenium Bridge à Londres : vue générale de la passerelle.

SS
Millenium Bridge à Londres : deux amortisseurs placés sous le tablier de la structure.
6
Dimensionnement

« Pour que les chaînes aient assez de force, deux conditions doivent être
remplies : il faut employer une quantité de fer suffisante, et ce fer doit
être bien fabriqué et sans défauts. »
Claude-Henri Navier, in Rapport à Monsieur Becuqey, Conseiller d’État,
Directeur général des Ponts et Chaussées et des Mines, et Mémoire
sur les ponts suspendus, Imprimerie Royale, 1823.

« On a besoin d’une chose et on obtient autre chose. En fait c’est l’alliance
de la volonté et des moyens qui compte. »
Louise Bourgeois, in Louise Bourgeois, un film de Marion Cajori et Amei
Wallach (Pretty Pictures)

Pont à Dalat, Vietnam : quelles charges ce pont peut-il supporter ?


D im e ns i o nn e me n t

Le chapitre 5 a permis de définir les efforts auxquels sont soumises les structures. À
partir de ces données, le présent chapitre s’attache à vérifier le respect des trois com-
posantes essentielles d’une structure durant sa durée de vie : sa stabilité, sa résistance
et sa rigidité.

Vérification de la stabilité

La stabilité concerne l’équilibre global d’une structure. Ici ne sont pas considérées
les ruptures d’éléments structurels constituant la structure globale. Les phénomènes de
déversement et de voilement ne sont pas abordés ici.

„„ Renversement
Le renversement surviendra si le principe fondamental de la statique n’est pas vérifié,
à savoir que la somme des forces n’est pas nulle, tout comme celle des moments.
Pour avoir deux sommes nulles, une analyse comparative des forces déstabilisantes
et stabilisantes de la structure considérée doit être réalisée :
ƒƒ les forces extérieures telles que le vent, la neige ou bien encore le séisme ont ten- 145

dance à déstabiliser une structure ;


ƒƒ les forces de réaction permettent de répondre aux forces extérieures : il s’agit des
appuis au sol et des liaisons entre éléments structurels tels que poutres et poteaux.
Une structure intégralement encastrée sera par exemple difficile à déstabiliser ; il
faudra néanmoins faire attention que les dilatations ou les contractions du matériau
générées par la température ne créent pas des contraintes trop fortes au niveau des
liaisons.

WW
Exemple de principe d’un portique : en noir,
le portique composé de deux poteaux et une
poutre ; en rouge, la force déstabilisante (une
poussée horizontale) ; en vert, les forces de
réaction au niveau des appuis.

Quand une structure présente des articulations, souvent plus faciles à réaliser
constructivement, on lui ajoute des contreventements, empêchant la structure de se
6   D imen si o n n ement

renverser. Les contreventements peuvent être de deux types : en croix de Saint-André


ou alors en diagonales simples. L’avantage de la diagonale est qu’elle obstrue moins la
surface intérieure du portique, ce qui peut être avantageux quand le portique est placé
devant une fenêtre par exemple, mais sa section sera sensiblement plus importante que
la section des deux diagonales composant la croix de Saint-André. Cela est dû au fait
que la diagonale simple devra travailler aussi bien en traction qu’en compression, alors
que dans le cas de la croix de Saint-André, les diagonales ne travailleront qu’en traction.
En effet, la section est utilisée plus efficacement en traction qu’en compression, à cause
du phénomène de flambement, inexistant en traction. Ainsi, le choix de contreventement
doit se faire entre une croix de section fine ou une diagonale de section plus importante.
Néanmoins, ce choix peut parfois être simplifié lorsqu’une série de portiques constitue
l’ossature d’un bâtiment : il suffira de contreventer un seul portique pour stabiliser l’en-
semble. On choisira alors de contreventer le portique devant lequel aucune fenêtre ne
sera installée.

146

SS
Exemple de structure où le contreventement (ici croix de Saint-André) est placé à l’in-
térieur d’un portique-mur, entre deux portiques accueillant des fenêtres.

La solution en diagonale simple est par ailleurs limitée aux petites longueurs car elle
présente sinon le risque de flamber ou alors d’avoir des sections bien trop importantes :
le risque de flambement augmente avec le carré de la distance.

„„ Flambement et imperfections
Flambement
Les poteaux sont les éléments par excellence sollicités en compression. Ils doivent
d’une part résister aux efforts de compression (écrasement) mais aussi au phénomène de
flambement, qui fut au départ une découverte mathématique. Elle fut faite par Leonhard
Euler, alors qu’il cherchait à définir la hauteur nécessaire à un poteau pour qu’il se
déforme sous son propre poids. Le phénomène de flambement n’était jusqu’alors pas
V é ri f ic at i o n d e la s ta b il it é

rencontré dans la réalité car l’épaisseur des structures était telle que la question du flam-
bement ne se posait pas ; le flambement était donc purement théorique à l’époque des
recherches d’Euler. Il suffit de penser par exemple à la grande épaisseur des colonnes
des temples grecs pour se rendre compte qu’on était loin de la finesse nécessaire pour
atteindre un point critique vis-à-vis du flambement : construire épais était gage de sécu-
rité et l’aspect grandiose recherché imposait de telles dimensions. C’est moins le cas
aujourd’hui, notamment en raison des contraintes financières, et cela pousse les concep-
teurs à toujours mieux maîtriser les limites structurelles, notamment celles liées au flam-
bement.
Cette exigence de résistance au flambement n’est pas réservée aux éléments ver-
ticaux, elle est aussi à satisfaire pour les poutres (horizontales) constituant l’anneau de
compression d’une toiture de stade en roue de vélo par exemple.
La capacité globale de résistance d’un élément au flambement dépendra à la fois :
ƒƒ du matériau employé ;
ƒƒ de la forme de sa section ;
ƒƒ et de sa hauteur.
Outre la résistance à l’écrasement, le flambement du poteau doit être contrôlé. Il s’agit
d’une instabilité élastique et la charge maximale de compression admissible est donnée 147

par la formule théorique de Leonhard Euler :

F = π2 × EI / lk2
avec :
ƒƒ F : charge critique d’Euler, ou première charge critique de flambement ;
ƒƒ E : module de Young ;
ƒƒ I : moment d’inertie de la section ;
ƒƒ lk : longueur de flambement, fonction de la hauteur du poteau mais aussi de ses
conditions d’appuis à chaque extrémité.
Au-delà de cette charge, la moindre force de compression additionnelle provoque de
grands déplacements.
Cette charge limite d’Euler représente néanmoins une valeur théorique qui doit être
réduite pour prendre en compte les situations réelles. En effet, lors de la mise en place
du poteau, un défaut d’alignement réduira la valeur réelle de la charge admissible. D’un
point de vue pratique, il convient donc de s’assurer que la charge limite est loin d’être
atteinte par le poteau considéré. Le terme « loin » est pour le moins vague, mais traduit ici
l’intervention de l’expérience pour décider, en fonction de chaque situation de projet, le
facteur de sécurité à employer.
6   D imen si o n n ement

Des tableaux existent donnant la capacité résistante de certaines sections de poutre


à un effort de compression en fonction de la longueur de flambement lk.
Pour une section circulaire creuse disponible dans les catalogues de fabricants de
poutre en acier36 :

Capacité portante (en kN) d’un poteau de section creuse circulaire en acier S235,
pour 4 diamètres de section différents (en gris les dimensionnements à exclure)
Diamètre Épaisseur A Longueur de flambement lk (en mm)
mm mm cm2 200 250 300 350 400 450 500 550 600 700
3,2 3,94 30 20 14
42,3
4,0 4,83 36 24 17
4,0 12,30 236 217 191 161 134 112 93 79 68 51
101,6
5,6 16,90 323 295 258 218 181 150 125 106 90 68
5,6 23,60 483 465 441 412 376 336 295 258 226 174
139,7
12,5 50,00 1016 973 917 847 762 672 585 507 441 338
193,7 8,0 46,70 989 968 944 917 884 845 799 747 690 575

Ce tableau nous confirme bien que :


148 ƒƒ plus la longueur de flambement (et à peu de chose près la longueur de poteau) est
grande, moins la charge de compression admissible par le poteau est grande ;
ƒƒ la charge critique au flambement est inférieure à la charge d’Euler et encore plus de
la contrainte classique F/A.

Exemple

Prenons l’exemple d’une poutre acier en S235 de section circulaire 101,6 mm,


épaisseur 4,0 mm, avec une longueur de flambement de 2,5 m.
ƒƒ Charge critique donnée par le tableau : 217 kN
ƒƒ Charge d’Euler : FEuler = 484 kN
ƒƒ Contrainte F/A : avec une charge de 217 kN, on a σ = 176 MPa, donc avec une
réserve par rapport à la limite élastique de 235 MPa du matériau (F235MPa = 289 kN).
Le choix entre ces trois valeurs peut se faire de manière sécuritaire, en prenant la
charge donnée par le tableau, à savoir 217 kN37. Suivant l’élancement de la structure,
la contrainte prépondérante sera soit celle causée par la charge critique au flambement,
soit par le calcul classique de contrainte F/A.

Le flambement intervient quand la charge critique est atteinte. Avant cela, seul l’effort
axial, autrement dit la force de compression ici, agit. Au-delà, le flambement se produit
De s c ri pt io n de s c o n t ra i nt e s

en fléchissant le poteau dans le plan perpendiculaire à la direction du plus faible moment


d’inertie. Il en découle que la section résistant le mieux au flambement est celle présen-
tant le même moment d’inertie dans toutes les sections, à savoir le tube. On retrouve cette
forme dans la nature, avec les os par exemple.
Les deux risques de rupture d’un poteau en compression sont donc les suivants :
ƒƒ écrasement, avant la charge limite d’Euler ;
ƒƒ flambement, après la charge limite d’Euler.

Imperfections
Elles concernent toutes les hypothèses faites sur la construction proprement dite. Un
poteau prévu pour être vertical, pourra présenter une certaine inclinaison qui sollicitera
plus le poteau et ses fondations : le dimensionnement devra donc tenir compte de ces
efforts additionnels à reprendre.
Ces valeurs dépendent du matériau mis en œuvre, de la précision avec laquelle le
bâtiment sera construit.

Description des contraintes 149

La résistance de chaque section de matériau est vérifiée à partir du calcul de ses


contraintes.
À l’inverse des déformations et des efforts, qui peuvent être mesurés expérimentale-
ment sur une structure, les contraintes ne peuvent être définies qu’après avoir étudié et
décidé comment modéliser le comportement du matériau : on parle de loi de comporte-
ment. On choisit ici le domaine concernant la majeure partie des structures, à savoir celui
de l’élasticité linéaire, régi par la loi de Hooke, décrite au chapitre 2 (s = E × e), ainsi
que l’hypothèse de Navier Bernoulli, comme vu précédemment. Par ailleurs, le principe
de superposition peut s’appliquer : l’addition des différentes contraintes est égale à la
contrainte globale de la structure.
Des matériaux comme l’acier et le bois se comportent de manière similaire en
traction et en compression, ce qui n’est pas le cas du matériau béton. Le calcul des
contraintes et par suite des dimensions des matériaux est donc fonction du matériau
considéré.
On utilise pour vérifier les contraintes « réelles » dans les métaux le critère de
von Mises (1913, de Ludwig von Mises, 1883-1953), du nom de son inventeur, qui est
une généralisation du critère de Tresca (1868, de Henri Tresca, 1814-1885).
6   D imen si o n n ement

Ce chapitre veut donner des outils généraux de détermination des contraintes et


par suite des ordres de grandeurs des dimensions nécessaires des différents éléments
structurels, sans se préoccuper des règles établies dans les différents codes interna-
tionaux : ceux-ci sont en effet nombreux et ils n’ont pas toujours la même approche. La
comparaison des différentes approches, voire déjà l’explication d’une approche, prendrait
un nombre de pages bien plus conséquent que ce petit livre38.

„„ Contraintes axiales
Les contraintes axiales peuvent être de compression ou de traction. Numériquement,
elles se calculent avec la formule suivante :
saxiale = F / A
Avec :
ƒƒ saxiale : contrainte axiale, en Pa ;
ƒƒ F : force normale, en N ;
ƒƒ A : surface de la section perpendiculaire à la force, en m2.
Mais comme nous l’avons vu précédemment, un coefficient de Poisson est associé
à tout matériau, qui a pour effet de réduire la section de l’élément lorsqu’il subit une
150 traction, et de l’augmenter lorsqu’il est en compression. Cela signifie donc que A peut
varier et que donc la contrainte σ est variable (tout comme la longueur de l’élément :
raccourcissement dans le cas de la compression, allongement dans le cas de la traction).
Dans le cas de la compression, on peut donc voir la contrainte diminuer en certaines
sections, mais il convient de s’assurer que l’élément ne va pas aller jusqu’à la rupture.
Pour maîtriser la contrainte et éviter toute déformation préjudiciable de l’élément avant
même l’application de la force, on cherche à rester dans le domaine élastique :
ƒƒ en augmentant la section de l’élément (A), mais en faisant bien attention que cela
ne rajoute pas un poids si important que le rapport F/A resterait identique (cas d’un
élément vertical dont la direction du poids propre est alignée avec la force normale
considérée, et ainsi incluse dans la valeur de F  ) ;
ƒƒ en réduisant F, mais cela est rarement possible, ou alors en négociant par exemple
les hypothèses de charges avec le client (il se peut que des véhicules soient pris en
compte dans le dimensionnement d’un pont alors qu’ils ne circuleront jamais sur ce
fameux pont), en enlevant des éléments de décoration augmentant la valeur de F, etc.

„„ Contraintes de cisaillement
Essai de visualisation du phénomène physique
Les contraintes de cisaillement peuvent être visualisées avec un livre.
De s c ri pt io n de s c o n t ra i nt e s

Si on le plie dans le sens de la reliure, on voit que la tranche du livre non reliée (celle
où on tourne les pages) ne reste pas perpendiculaire aux pages de couverture, elle forme
un biseau. Le même phénomène intervient dans une poutre sauf qu’il faut imaginer
toutes les pages collées : la rigidité est augmentée, mais les contraintes de cisaillement
apparaissent !

Différentes méthodes de détermination


1re méthode
La contrainte de cisaillement s’écrit :
t = V / A
avec :
ƒƒ t : la contrainte de cisaillement, en Pa ;
ƒƒ V : l’effort tranchant (dans notre exemple la force verticale que l’on exerce sur la cou-
verture du livre pour le faire plier, que l’on peut aussi retrouver à partir de la situation
plus réelle : application d’un couple au niveau de la reliure, avec une main ; et appui
ponctuel du côté de la tranche du livre avec l’autre main), en N ;
ƒƒ A : l’aire de la section de l’élément (dans notre exemple la tranche du livre), en m2.
2e méthode 151

En réalité, les contraintes de cisaillement ne sont pas uniformes sur toute la section,
comme le laisse penser la formule ci-dessus. Une formule plus précise est la suivante :
t = V × S / I × b
Avec :
ƒƒ t : la contrainte de cisaillement, en Pa ;
ƒƒ V : l’effort tranchant, en N ;
ƒƒ S : le moment statique, en m3 ;
ƒƒ I : le moment d’inertie de la section considérée, en m4 ;
ƒƒ b : la largeur de la section considérée, en m.
Cette formule doit être appliquée en faisant attention aux axes d’application de chaque
valeur (force, moment statique, moment d’inertie, largeur).
3e méthode
Une autre méthode39, plus simple et offrant un compromis entre les deux méthodes de
détermination décrites ci-dessus, consiste à adapter la formule t = V/A de la 1re méthode
et à l’associer aux droites et courbes de répartition des contraintes de cisaillement suivant
les sections considérées.
La formule devient alors :
tmax = V / Ac
6   D imen si o n n ement

avec :
ƒƒ tmax  : la contrainte maximale de cisaillement, en Pa ;
ƒƒ V : l’effort tranchant, en N ;
ƒƒ Ac : la surface corrigée de la section considérée, en m2.
Ac est donc une partie de l’aire totale A de la section considérée et peut se décrire
ainsi mathématiquement : Ac = α × A.
Les valeurs données à α dépendent de la forme de la section et sont résumées dans
le tableau suivant :

Forme de la section α
Rectangulaire pleine 2/3
Circulaire pleine 3/4

Cas particulier

Pour les profilés en I, avec l’âme dans la même direction que l’effort tranchant, la
valeur de Ac est égale à celle de l’âme de la section.

152

τmax
τmax

SS
Répartition des contraintes de cisaillement pour des sections rectangulaires pleines
et un profilé avec une section en forme de I.
On constate par exemple que si la contrainte globale est calculée aux extrémités
hautes et basses de la section rectangulaire pleine, la contrainte de cisaillement est
nulle et n’intervient donc pas dans le calcul de la contrainte globale.
La contrainte de cisaillement moyenne est environ égale à 60 % de la valeur maxi-
male.
De s c ri p tio n de s c o n t ra i nt e s

„„ Contraintes de flexion
Les contraintes de flexion apparaissent quand un moment est appliqué à l’élément
structurel étudié. Les sections sollicitées présentent alors une partie soumise à de la
compression et une autre à de la traction. Entre ces deux parties existe une zone où les
sollicitations sont nulles, appelée l’axe neutre de la section (passage de la zone de com-
pression à la zone de traction). Ainsi, contrairement à la contrainte axiale, la contrainte de
flexion n’est pas uniforme sur toute la surface d’une section. Elle dépend de la distance
par rapport à l’axe neutre.
Numériquement, les contraintes de flexion se calculent avec la formule suivante :
sflexion = M × y / I
avec :
ƒƒ sflexion : contrainte de flexion, en Pa ;
ƒƒ M : moment de flexion dans la section, en N × m (voir chapitre 5 pour leur valeur) ;
ƒƒ y : distance entre l’axe neutre et l’axe sur lequel la contrainte est calculée, supposé ici
sur l’axe y, dans le repère de coordonnées x, y, z (en m) ;
ƒƒ I : moment d’inertie de la section, en m4 (voir chapitre 3 pour leur valeur).
C’est au final comme si nous avions dans la même section à la fois des contraintes
de compression et des contraintes de traction. Dans une poutre fléchie, on trouvera, par 153

exemple dans sa section centrale, une contrainte de compression dans la partie haute de la
section et une contrainte de traction dans sa partie basse.

„„ Contraintes globales
Les deux sections précédentes nous ont permis de calculer les trois types principaux
de contraintes agissant sur les structures, en omettant volontairement les contraintes de
torsion, trop peu souvent rencontrées dans les structures pour faire l’objet d’un dévelop-
pement ici. Or ces contraintes peuvent survenir simultanément et c’est tout l’intérêt de
cette section de savoir comment les combiner.
On a d’une part les contraintes normales (dans l’axe principal de la poutre), issues
des efforts axiaux et de flexion, notées σ, et d’autre part les contraintes de cisaillement,
issues des efforts tranchants, notées τ. Mathématiquement :

snormale = saxiale + sflexion = N/A + M × y/I


t = V × S / I × b

Dans ces deux expressions, on doit faire attention aux axes et aux signes des efforts.
Par exemple, un poteau mis en compression par une charge placée à sa tête et soumis à
6   D imen si o n n ement

une force horizontale comme le vent aura des efforts différents en pied, suivant les faces
du poteau considérées :
ƒƒ son côté face au vent sera soumis à la compression liée à la charge à sa tête, et à
la traction développée par le moment lui-même généré par la force de vent (ce qui
réduit l’effort global) ;
ƒƒ son côté « abrité du vent » sera soumis à la compression liée à la charge à sa tête, et
à la compression développée par le moment lui-même généré par la force de vent
(ce qui augmente l’effort de compression dans le poteau et qui s’avère être un cas
dimensionnant pour cette situation précise).
Ainsi, pour une même structure et les mêmes forces en jeu, l’addition des efforts
dépend des endroits de la section concernée. Ceci est pris en compte par l’emploi des
bonnes coordonnées et d’une convention de signe bien établie (« – » pour la compression
et « + » pour la traction par exemple).

Vérification de la résistance

154 Pour vérifier la résistance des structures, on choisit les sections les plus sollicitées et
on vérifie que leurs dimensions sont adaptées aux limites à ne pas dépasser en termes
de contraintes dans le matériau (voir le chapitre 3 pour les caractéristiques de chaque
matériau).
Ceci est valable lorsque les caractéristiques de l’élément structurel sont identiques
et permanentes. Quand l’élément structurel voit ses dimensions évoluer dans l’espace, il
faut calculer toutes les sections.
Prenons l’exemple d’une poutre isostatique sur deux appuis soumise à une charge
linéaire sur toute sa travée :
ƒƒ si la section de la poutre est constante sur toute sa travée, on vérifiera que les
contraintes dans la section en milieu de travée ne dépassent pas les limites admis-
sibles par le matériau ;
ƒƒ si sa section est variable et prend la forme d’une parabole par exemple, on peut se
retrouver dans le cas (heureux) où les contraintes sont parfaitement constantes sur
tout le parcours de la poutre (la forme suit la courbe des moments), mais d’autres cas
sont possibles et nécessitent alors une attention particulière de la part du concepteur
(ou alors un bon usage de l’outil informatique).
V é ri f ic at i o n d e la r é s ista nc e

„„ Ordres de grandeur40
L’application des formules données dans le chapitre 5 fournit des valeurs de moments
et par la suite de contraintes et de déplacements.
On constate avec ces formules que, pour une même section et pour un même maté-
riau, une poutre continue sera plus résistante qu’une poutre sur deux appuis, et cette
dernière sera encore plus résistante qu’une structure en console.
Ainsi, on peut penser qu’une console sera plus épaisse qu’une poutre continue.
Cela peut se montrer en donnant des ordres de grandeur pour le prédimensionnement
des éléments structurels.

Ordres de grandeur pour le béton armé


Épaisseur de l’élément
Portées
Élément structurel Poutre Poutre sur Structure
(en m)
continue 2 appuis en console
Poutre rectangulaire 3-10 L/15 L/12 L/6
Poutre en T 5-15 L/12 L/10 L/6
Poteau 2,5-8 H/10-20 H/10-20 H/10
Dalle portant dans un seul
5-6 L/28-36 L/22-30 L/10
sens (surface rectangulaire) 155
Dalle portant dans les deux
6-11 L/34-40 L/24-35 -
sens (surface carrée)
Dalles post-contraintes 9-10 L/38-45 L/35-40 L/10-12

Ordres de grandeur pour l’acier


Élément structurel Portées (en m) Épaisseur de l’élément
Poutre primaire/treillis avec
4-12 L/10-15
charges lourdes ponctuelles
Poutre secondaire/treillis
4-20 L/15-25
avec charges surfaciques
2-8 pour bâtiment à un seul étage L/20-35
Poteau en section creuse
2-4 pour bâtiment à plusieurs étages L/7-28

Ordres de grandeur pour du bois de type résineux


Élément Épaisseur de l’élément
Dalles pour usage privé L/24
Dalles de bureaux L/15
Poutres L/10-15
Treillis L/5-15
6   D imen si o n n ement

„„ Exemple de calculs
Dimensionnement d’une poutre isostatique à travée simple entre deux appuis
Considérons une poutre de longueur L = 5 mètres, soumise à une charge linéaire
globale, intégrant son poids propre (6 kN/m) et une charge linéaire (5 kN/m), le long de
toute sa travée, soit q = 11 kN/m.
La section dimensionnante sera celle où le moment est le plus important. Le formu-
laire du chapitre 5 pour une poutre entre deux appuis nous indique que c’est la section
en milieu de travée et que le moment à cet endroit vaut qL2/8.
On a donc ici :
M = 11 × 52/8 = 35 kN.m

En béton armé41
On considère pour démarrer une section de hauteur h  =  30  cm et une largeur
l = 20 cm (on peut s’inspirer du tableau fourni en page précédente.
Avec un enrobage de 3 cm en face inférieure, on a un bras de levier pour reprendre
le moment égal à b = h – 3 cm = 27 cm. Ainsi on trouve la force de traction que devront
reprendre les armatures d’acier en bas de la section de béton :
156
M = b × Ftraction → Ftraction = M/b = 35/0,27 = 130 kN.

Or à la lumière de la section « Le béton » du chapitre 3 (page 87), on sait que la


résistance à la traction des armatures d’acier est égale à Fe = 500 MPa. Ainsi, comme
σ = F/A, on a dans notre cas précis :

Aacier = Ftraction/Fe = 130/500 000 = 2,6 cm2.

En considérant qu’on peut mettre en bas de la poutre 4 armatures, le tableau en


page 94 nous indique qu’il faudra mettre en place 4 HA10, représentant une surface
d’acier de 3,14 cm2 > Aacier.

En acier
Pour l’acier, on procède différemment. Le moment est bien évidemment le même et la
section la plus sollicitée toujours la même, située en milieu de travée. On suppose aussi
les charges à supporter identiques.
La contrainte en flexion nous donne : σ = My/I.
Prenons un profilé métallique de hauteur 30 cm, et d’acier S235 (σe = 235 MPa).
V é ri f ic at i o n d e la r é s ista nc e

On alors y = 15 cm (distance entre l’axe neutre et le haut ou le bas du profilé). Ainsi, on
obtient une valeur pour le moment d’inertie :

I > My/ σe = 35·0,15/235 000 = 2,25·10-5 m4 = 2,250 cm4

Le moment d’inertie nécessaire peut être calculé à partir de la formule donnée en


page 65 en fonction de la forme de la section choisie ou alors en consultant directement
les tableaux fournis par les fabricants42.
En choisissant une hauteur de profilé de 30 cm, on peut par exemple choisir un
IPE 300, avec un module d’inertie maximal de 8,356 cm4. On a une grande marge par
rapport au moment d’inertie nécessaire. On peut alors recalculer les contraintes avec
une valeur de y moins importante, par exemple y = 10 cm. On doit alors vérifier que le
moment d’inertie de la section choisie est supérieur au moment d’inertie minimal I calculé
ci-dessous :

I > My/ σe = 35·0,1/235 000 = 2,25·10-5 m4 = 1,490 cm4

On peut alors trouver un profilé IPE 200 avec un moment d’inertie égal à 1,943 cm4, 157

ce qui semble plus approprié. 43

En bois
Pour le bois, on procède comme avec l’acier.
Cela vient du fait que ces deux matériaux peuvent être considérés comme travaillant
de la même manière aussi bien en traction qu’en compression.
Quand on calcule la contrainte σ = My/I, on calcule en fait aussi bien la contrainte de
compression (en haut du profilé dans notre exemple de poutre entre deux appuis soumis
à une charge descendante) que la contrainte de traction (en bas du profilé dans notre
exemple).
La différence est dans la forme de la section, plutôt rectangulaire pleine dans le cas
du bois. Son moment d’inertie, donné en page 65, vaut I = bh3/12. Ainsi, en prenant une
hauteur de base de 30 cm et un bois de type résineux, avec une contrainte limite σe
considérée égale à 15 MPa, on a l’équation suivante :

I > My/ σe = 35·0,15/15 000 = 3,5·10-4 m4 = 35 000 cm4


6   D imen si o n n ement

Ainsi :

I = bh3/12 > 35 000 cm4, soit b > 35 000 × 12/303 = 16 cm

On peut alors choisir une section de bois résineux de 30 cm × 20 cm par exemple.
Ce n’est toutefois pas courant de pouvoir trouver de grosses sections de bois brut et il est
plus facile de trouver des produits transformés type CLT, etc. Le dimensionnement avec
le matériau bois doit donc prendre en compte les spécificités locales, voire demander
avant aux scieries les éléments disponibles. C’est moins le cas pour le béton et l’acier,
matériaux disponibles partout et de manière standardisée.

Vérification des déformations

„„ Ordres de grandeur
Les déformations de chaque élément sont donc ici calculées et comparées avec les
exigences de confort attendues : on s’attend en effet à ce que le plancher d’un bâtiment
158 ne se courbe pas à chaque fois qu’on l’emprunte, idem pour une passerelle. On juge donc
ici de l’aptitude au service d’une structure.
On définit ainsi des rapports à ne pas dépasser entre la flèche admissible (ou dépla-
cement vertical) de la dalle ou de la poutre et on la compare à la portée de l’élément
considéré. Ce rapport est généralement égal à 1/300, soit par exemple une flèche de
2 cm pour une portée de 6 mètres.
On doit ainsi vérifier que les valeurs de flèche calculées grâce aux formules données
dans le chapitre 5 ne dépassent pas le rapport de l/300. Si jamais le rapport est supérieur
à l/300, on redimensionne la section en changeant par conséquent la valeur du moment
d’inertie.

„„ Exemple de calculs
Comparons pour un élément structurel de même longueur, avec la même section du
même matériau, et soumise à la même force F au point le plus défavorable :
ƒƒ la flèche FPS d’une poutre avec une travée simple entre deux appuis ;
ƒƒ la flèche FC d’une console.
On prend une section acier T50 :
ƒƒ E = 210 GPa ;
ƒƒ I = 12,1 cm4.
V é r if i c at i o n d e s dé f o r mat i o ns

Longueur de l’élément : 3 mètres


F = 5 kN

FPS FC
Formule FL3/48EI FL3/3EI
Valeur numérique pour T50 11 cm 1,77 m

On constate que ces résultats sont trop importants par rapport à une flèche admissible
égale à environ flimite = L/300, soit ici flimite = 1 cm. Mais ils nous montrent que la flèche est
bien plus importante dans le cas d’une console que dans le cas d’une poutre supportée
par 2 appuis.
On choisit donc un profilé de section plus importante en faisant cette fois-ci la
démarche inverse. On recherche d’abord la valeur du moment d’inertie pour avoir une
flèche inférieure à 1 cm dans le cas de la console :

FL3/3 EI < flimite soit I > FL3/3Eflimite = 2,143 cm4

On choisit alors un IPE 220 au moment d’inertie égal à I = 2,772 cm4.


Ce profilé génère une flèche de 0,77 cm dans le cas de la console et d’environ 159

0,05 mm dans le cas de la poutre isostatique en travée simple. On peut ensuite continuer
le dimensionnement en choisissant un profilé plus petit pour le cas de la poutre en travée
simple. Le principe étant le même pour la suite du dimensionnement, l’exemple s’arrête
ici.
7
Aspects constructifs

« Construisez un pont de pierre ou de béton : mais à la condition


de le faire précéder d’un pont de langues. »
Michel Serres, in L’art des ponts

« J’aime le chantier. C’est un lieu extraordinaire, où tout est toujours mouvement,


découverte continuelle, invention. Tout ne tient pas dans le projet, c’est faux.
C’est le chantier qui te dit où sont les priorités, les choix à faire pour des
décisions qui, sur le papier, te semblaient peut-être insignifiantes. »
Renzo Piano, in La désobéissance de l’architecte

Grue sur le chantier du pont-passerelle du Mont Saint-Michel, France


A s p e c t s c o ns t ru ct if s

Un des grands problèmes rencontrés de nos jours dans l’acte de construire est la
séparation sans cesse plus grande entre les différents corps de métiers. Elle est certes
due à l’augmentation des connaissances et à la nécessaire division des compétences
mais elle devient dangereuse dès lors qu’aucune communication, et je dirais même res-
pect de chacun, n’existe. Ceci est d’autant plus difficile que le rythme des projets s’accé-
lère et laisse peu de place aux échanges entre professionnels de divers domaines.
Il existe heureusement de nombreuses associations, des formations, des salons, des
colloques, des voyages d’études et plus généralement un grand nombre de professionnels
avides de s’informer « tous azimuts » pour dépasser le simple rôle attribué à chacun. C’est
en ce sens d’ailleurs que la technologie informatique BIM a été mise en place au niveau
de chaque projet mais elle ne remplacera jamais à mon sens le lien direct et privilégié
pouvant exister entre les personnes. Le cas d’école, certes extrême mais instructif, est
celui du Pont de Québec au début du xxe siècle au Canada, où l’ingénieur en charge de
la conception, Theodore Cooper, n’a jamais visité le chantier une seule fois ! Il faut dire
qu’il a conçu ce pont avec des honoraires représentant seulement 1 % du coût total
de la construction (contre environ 10 % pour un projet classique) et qu’il n’était pas en
bonne santé. Le poids propre de la structure avait été sous-estimé dans les calculs, et
par conséquent les efforts, les contraintes et les déplacements. Les ouvriers ont observé 161

des déformations inhabituelles, notamment dans la flèche dans un élément en compres-


sion, qui passa de 20 mm à 57 mm en seulement 5 jours. Des rivets commençaient à se
rompre par cisaillement… Informé le matin du 29 août de ces désordres, Cooper envoya
un message depuis New York donnant l’ordre d’arrêter les travaux jusqu’à ce que la
structure soit examinée en détail. Son message ne fut jamais délivré sur le chantier et le
pont s’effondra le même jour à 15 h 30, causant la mort de 74 personnes.
Ainsi, bien que ne faisant pas partie à proprement dit de la conception, j’ai voulu
symboliquement ajouter un chapitre traitant de quelques sujets (bien peu en compa-
raison de tous ceux qui pourraient et devraient être abordés !) propres à la phase de
construction. Elle nourrit en effet les choix de conception et son suivi en tant que concep-
teur garantit la qualité du projet. Quelle charge peut-on soulever jusqu’à quelle distance
avec les moyens de levage actuels ? Combien de temps faut-il pour souder un poteau
de 25 cm de diamètre et de 6 cm d’épaisseur ? Comment pose-t-on un câble de pont
suspendu sur ses deux pylônes séparés parfois de plus d’un kilomètre ? Au bout de
combien de temps le retrait dans le béton est-il négligeable ? À quelle fréquence une
structure en acier doit-elle être remise en peinture pour résister à la corrosion ? Quelle
distance maximale est possible entre la centrale à béton et le chantier ? Et bien d’autres
questions !
7   A spec ts co n st ruct i f s

Conception, construction, maintenance : quel(s) lien(s) ?

„„ Garantir la qualité de l’ouvrage tout au long de sa vie


Trois phases majeures interviennent dans tout projet de construction (la conception,
la construction et la maintenance) et l’organisation des projets actuels de construction a
toujours tendance à en occulter une partie.
ƒƒ Les concours font surtout appel à des équipes de concepteurs, pas toujours au fait
des conditions et des ressources locales de construction, alors que les entreprises de
construction pourraient fournir des informations précieuses et des idées innovantes
au service du projet. D’autre part, il serait dommage qu’un type de projet, pourtant
séduisant esthétiquement, soit refoulé à cause d’une inconnue technique qui aurait
pu être soulevée par la présence d’un constructeur ou d’un expert auprès du maître
d’ouvrage.
ƒƒ L’intervention des seuls concepteurs en début de projet est aussi préjudiciable car le
client aura tendance à privilégier le concepteur le moins cher, sans parfois prendre
en compte le coût de construction à venir (et encore moins celui de la maintenance),
alors que le surcoût placé dans les études de conception pourrait amener à une
162 plus grande économie au niveau des coûts de construction, bien plus importants par
ailleurs que ceux de conception (environ neuf fois plus importants), sans parler de
ceux, encore plus nébuleux, de la maintenance. Le fait que les coûts de conception
soient proportionnels aux coûts de construction n’aide pas à une meilleure concur-
rence entre les participants : autant dire dès le départ que les coûts seront faibles, et
les augmenter une fois que le projet est bien lancé pour voir les rémunérations des
concepteurs et des constructeurs augmenter.
ƒƒ L’intervention des seuls constructeurs à l’inverse poussera à choisir des solutions
déjà éprouvées, à rester dans une zone de confort (aussi bien technique que finan-
cière) et donc à refaire ce qui a été déjà fait.
ƒƒ Une conception sans prise en compte des contraintes constructives ou de mainte-
nance peut amener à des surcoûts en temps et/ou en argent une fois sur le chantier.
ƒƒ Une conception-réalisation confiée à un groupement, sans avoir à sa charge la main-
tenance et les travaux d’entretiens par la suite, présente le risque de voir se réaliser
des constructions ayant une faible durabilité. Le rôle de la maîtrise d’ouvrage, souvent
responsable des travaux ultérieurs, est prépondérant dans ces situations pour arbitrer
au mieux les conditions de réalisations des constructions.
Enfin, à l’inverse, fusionner toutes les compétences au sein d’une même entité
engendre un risque de reproduction assez fort, et donc de réduction de l’innovation. Ainsi,
F o n dat io n s

une entreprise spécialisée dans le béton, avec un bureau d’étude intégré, ne considérera
pas comme opportun de réaliser une structure en bois, à moins que le maître d’ouvrage
l’exige, auquel cas une coopération sera mise en place avec un spécialiste du bois.
La solution semble donc être une individualisation des compétences associée à une
communication fluide entre tous les acteurs (au sein d’une même entreprise ou de plu-
sieurs !) et une organisation de la maîtrise d’ouvrage à même de répondre et d’anticiper
tous les problèmes et divergences.

„„ Repenser les coûts de manière globale


Prendre en compte tous les coûts de construction peut faire émerger un nouvel
urbanisme ou en faire disparaître un ancien. Ce peut être le cas par exemple du débat
entre densification et étalement des villes : inventer un mécanisme permettant d’intégrer
l’impact financier présent et futur d’une nouvelle construction, non pas seulement en
tant qu’îlot mais en tant qu’élément intégré à un réseau existant ou à créer : extension
et entretien d’un réseau de canalisation, nécessité de prolonger les moyens de trans-
port, etc.

163

Fondations

Les fondations peuvent être de faible ou grande profondeur. Elles sont majoritairement
en béton mais, par le passé, les pieux en bois étaient monnaie courante : ils constituent
par exemple les fondations du Grand Palais à Paris, construit pour l’Exposition universelle
de 1900.
Les conditions de sols impactent fortement les choix de conception : si un sol présente
une mauvaise portance, on pourra carrément décider de ne pas faire le projet ou alors de
limiter les charges sur son emprise. Dans le cas des ponts, même si des contre-exemples
existent (pour des raisons architecturales ou autres), on réduira le nombre d’appuis dans
les zones de sol de faible portance et on s’appuiera sur les zones les plus favorables
(substratum rocheux, plutôt sur terre qu’en mer comme pour le 3e pont sur le Bosphore :
cela a induit une augmentation de la portée principale du pont, représentant d’autres
défis techniques).

„„ Démarche pour leur justification


Concernant leur justification, même si leurs calculs ne font pas partie de l’objet de ce
livre, ils doivent couvrir les situations suivantes :
7   A spec ts co n st ruct i f s

ƒƒ vérifier la portance du sol au niveau de l’assise de la fondation par rapport à la charge


maximale prévue ;
ƒƒ vérifier que la fondation ne se renverse pas, voire ne se soulève pas, sous aucune
combinaison d’actions. Cela revient à confirmer que le sol en contact direct avec la
fondation doit être comprimé, au moins partiellement, de l’ordre de 10 % de la sur-
face de fondation ;
ƒƒ vérifier le non-glissement de la fondation par rapport au sol. De manière sécuritaire,
l’effort de butée généré par le sol présent le long de la fondation n’est pas pris en
compte ;
ƒƒ vérifier que le tassement du sol, et par conséquent de la fondation étudiée, ne dépasse
pas les valeurs limites, variables suivant les édifices construits.
Si toutes ces situations sont vérifiées, le dimensionnement des armatures et la déter-
mination de l’enrobage de la fondation peuvent alors s’opérer lorsqu’il s’agit de béton
armé, ce qui est le cas prépondérant dans la construction de nos jours. On inclut notam-
ment les calculs de résistance au séisme.
La détermination de la bonne fondation est un procédé itératif qui peut être particu-
lièrement long : si le sol n’a pas la portance nécessaire, il faut aller chercher une couche
164 plus profonde et ainsi modifier le poids propre de la fondation à prendre en compte dans
les calculs, idem pour les autres situations.
Le calcul des fondations repose sur des rapports géotechniques réalisés spécifique-
ment pour chaque projet, après essais sur site (carottage, observations diverses, etc.). On
y indique les valeurs des différents paramètres caractérisant le sol, des exemples types
de dimensionnement des ouvrages et des profils en long des différentes couches de sols
rencontrées lors des carottages ou sondages pressiométriques.

„„ Fondations superficielles
Deux types principaux existent :
ƒƒ les semelles isolées et filantes : ces fondations sont utilisées respectivement pour
supporter un poteau ou un voile ;
ƒƒ les radiers : les radiers sont la solution idéale pour éviter les tassements différentiels
de sol sous un même bâtiment. Imaginez par exemple une structure reposant sur des
pieux dont la moitié s’affaisserait ! Le radier permet de répartir les pressions au sol et
ainsi de préserver l’intégrité de la construction : elle penchera peut-être, au pire, mais
sera plus résiliente.
M ur s de s o ut è ne m e nt e t r e nf o r c e me nt de s o l

„„ Fondations profondes
Trois types principaux existent :
ƒƒ les pieux : ils sont la solution idéale lorsque le sol n’atteint pas les caractéristiques méca-
niques de portance à faible profondeur. On va alors chercher les couches géotechniques
plus résistantes, plus basses dans la coupe géologique du terrain considéré ;
ƒƒ les micropieux ;
ƒƒ les puits.

Murs de soutènement et renforcement de sol

Certains projets nécessitent la retenue de gros volumes de terre, voire d’eau, par
exemple lorsqu’on construit des parkings souterrains sous un immeuble. Le niveau de la
nappe phréatique étant parfois plus haut que le niveau inférieur de la construction, une
structure doit être réalisée pour mettre le bâtiment hors d’eau.
Types de structures existantes :
ƒƒ paroi moulée ;
ƒƒ paroi berlinoise ; 165

ƒƒ paroi parisienne ;
ƒƒ paroi clouée ;
ƒƒ jet grouting ;
ƒƒ tirants d’ancrage.

Fabrication des éléments

„„ En atelier
Beaucoup d’éléments métalliques et en bois sont préfabriqués en atelier puis ache-
minés sur site pour le montage final. Cela arrive aussi pour le béton mais c’est plus rare
et seulement pour certaines parties d’une construction :
ƒƒ on utilise par exemple des prédalles en béton sur lesquelles on vient couler la dalle
proprement dite. Cela évite de mettre en place un coffrage en sous-face ;
ƒƒ on préfabrique aussi certaines dalles en béton bien avant leur mise en place (environ
100 jours) pour réduire leur retrait avant le coulage sur place des interstices entre
chaque dalle. Cela évite d’avoir sur les joints coulés des contraintes issues du retrait
(et donc de leur changement dimensionnel) des dalles.
7   A spec ts co n st ruct i f s

La fabrication en atelier présente l’avantage d’avoir des conditions de travail souvent


bien meilleures et donc une qualité de fabrication supérieure : respect des tolérances, gain
de temps, moins de nuisances sur chantier, optimisation des coûts.
Concernant les tolérances, elles dépendent des matériaux. De manière générale,
l’acier est le matériau permettant le plus de précision, tant au niveau de la fabrication
que du montage.

„„ Sur site
Livraison du béton
Le béton est acheminé depuis la centrale à béton au chantier au moyen de camions
appelés « toupies » : ils sont équipés d’une sorte de cylindre tournant autour d’un axe
légèrement incliné par rapport à l’horizontal. Leur capacité varie de 4 à 10 m3 environ
et le temps de trajet entre la centrale de production et le chantier ne doit pas dépasser
1 h 30 en règle générale. Cette durée dépend notamment de la température : par temps
chaud, le béton aura en effet tendance à durcir plus rapidement et quand la température
descend trop bas, le risque de gel du béton apparaît. Une mesure pratique consiste à
refroidir le béton par temps chaud (refroidissement de l’eau de gâchage par exemple) ou
166 à le réchauffer par temps froid (chauffage de l’eau et/ou des granulats ou calorifugeage
des coffrages par exemple).
Pour certains chantiers excentrés par rapport aux lieux de production, la construction
d’une centrale spécifique pour le chantier est envisageable. Par ailleurs, le béton a besoin
de voir sa prise être retardée afin de donner aux équipes sur le chantier le temps de
mettre en place des éléments encastrés dans le béton frais par exemple. Aujourd’hui, cela
est aussi possible grâce à l’addition dans la formulation du béton de retardateurs de prise
ou de plastifiants. Quand le béton durcit trop, la tentation peut être grande de rajouter
de l’eau mais cela a des effets néfastes sur la qualité du béton et est donc à proscrire.

Soudage
Une soudure de poteau sur environ 6 cm d’épaisseur nécessite une grande journée
de travail en continu, en comptant au préalable la mise en chauffe de l’élément à souder.
Les travaux de soudure sont réalisés au maximum en atelier et la conception est parfois
adaptée de manière à permettre l’utilisation de robot soudeur : on élargira par exemple
suffisamment les âmes d’une poutre-caisson de manière à ce que les soudures à l’inté-
rieur puissent être faites par un robot.
Mo n tag e

Montage

Le montage est parfois dimensionnant dans une structure. Prenons par exemple le
cas d’une structure de petite taille : la yourte. La corde qui permet de serrer le nœud
doit être bien plus longue avant d’être coupée : le surplus permet en effet de mettre
en tension la corde tout en maintenant le nœud dans sa position initiale. Il est donc à
prendre en compte dans la conception. Dans ce cas précis, le surcoût était nul car d’une
part, la corde ne coûte pas bien cher, et d’autre part, la corde faisait partie d’une grande
bobine : le surplus de corde servait donc plusieurs fois pour tous les nœuds à faire ; seuls
les quelque 20 ou 30 cm en fin de bobine ne pourront être utilisés, ce qui, rapporté au
nombre de nœuds total, n’est pas un grand gaspillage !
Pour les structures de plus grande taille, les enjeux sont plus importants. On évitera
par exemple, surtout à notre époque, d’avoir des coûts de montage et de main-d’œuvre
supérieurs à ceux des matériaux constituant l’ouvrage en lui-même (sauf peut-être, et
c’est une démarche intéressante, les œuvres artistiques). Par ailleurs, certains éléments
d’une structure ont des dimensions choisies pour résister aux sollicitations durant la
phase de montage car celles-ci sont plus importantes que les sollicitations de la structure
une fois en exploitation : cela doit être décidé en prenant bien soin d’étudier toutes les 167

méthodes constructives, leur faisabilité aussi bien technique que financière.

SS
Yourte : réalisation d’un assemblage bois-bois à l’aide d’un serre-nœud et de cordage.

Ce chapitre serait infini tant les trésors d’imagination pour les phases de montage
sont nombreux. J’ai ici choisi de lister des cas spécifiques, afin de plonger dans différents
domaines techniques sur différents types de chantiers.
7   A spec ts co n st ruct i f s

„„ Moyens de réduire les vibrations des haubans sur un pont


Le vent peut faire vibrer les haubans de grande longueur (supérieur à 80 mètres) et
trois types d’équipements sont mis en place de manière concrète pour réduire ce phé-
nomène :
ƒƒ des amortisseurs externes ou internes (plus discrets esthétiquement) à l’extrémité
basse des haubans ;
ƒƒ des gaines profilées présentant des rainures, des cavités ou des reliefs en spirales
pour désorganiser le flux d’air (voire d’eau quand il pleut) responsable de la vibration
des haubans. Les premières ont été inventées au Japon puis perfectionnées pour le
Pont de Normandie ;
ƒƒ des aiguilles : il s’agit de câbles partant du tablier et croisant les différents haubans
créant une nappe plus rigide et moins soumise aux vibrations.
Ces différentes techniques sont à analyser soigneusement et adapter au cas par cas.

„„ Mise en place de l’arc principal d’une passerelle


Avant mise en place au-dessus de l’eau, l’arc principal de la passerelle de la Paix à
Caluire-et-Cuire a été assemblé à terre, au moyen d’échafaudages de grande envergure
168 et de différentes grues. Les soudures ont été faites sur site, puis les raccords ont été
peints.
Cet exemple montre qu’une structure doit certes être dimensionnée pour résister aux
charges définitives auxquelles elle sera soumise, mais aussi aux charges durant le mon-
tage : le comportement de l’arc n’est en effet pas le même sur ces échafaudages qu’une
fois installé entre ses deux grandes culées en béton armé de chaque côté du Rhône.

SS
Montage de l’arc principal de la passerelle de La Paix, Caluire-et-Cuire.
E n t re t ie n , m a in t e na n c e

SS
Travaux de soudure et de peinture sur l’arc principal de la passerelle de la Paix, à
Caluire-et-Cuire, avant mise en place en position finale.

169

Entretien, maintenance

„„ Mesures de conception et mesures matérielles


La façon de concevoir une structure a une influence sur l’importance et la fréquence
des opérations d’entretien.
On prévoit par exemple une épaisseur de béton plus importante entre l’extérieur et les
premières barres d’armatures en acier quand la structure est exposée à des agressions
plus importantes : les barres d’acier sont alors protégées plus longtemps. On parle d’enro-
bage (environ 3 cm pour des conditions normales et 5 cm quand le béton est par exemple
en contact avec de l’eau de mer, considéré comme un milieu très agressif).
Lors de la conception, on évitera aussi les zones de rétention d’eau : dans le domaine
des membranes, on veillera par exemple à les prétendre suffisamment pour qu’elles ne
créent pas au fil du temps des poches d’eau pouvant solliciter la membrane jusqu’à sa
rupture par accumulation d’eau ou de neige. Dans le cas de la neige, des fils chauffants
sont parfois installés sur les membranes pour faire fondre la neige et l’évacuer rapidement
sous forme d’eau : cela évite d’avoir à dimensionner une membrane aux charges de neige
parfois très lourdes dans certaines régions.
7   A spec ts co n st ruct i f s

„„ Protection contre la corrosion


Suivant les matériaux, ce phénomène est traité différemment.
Dans le cas du béton classique, les armatures sont protégées des agressions exté-
rieures par une épaisseur de béton plus ou moins grande entre elles et le nu extérieur des
éléments : on parle d’enrobage. Dans le cas même d’un béton coulé directement au sol,
on réalise un béton de propreté pour bien séparer le sol de l’ouvrage en béton à construire
par-dessus. Les valeurs de l’enrobage varient d’environ 1 cm à 5 ou 6 cm en atmosphère
très agressive (contact avec eau de mer par exemple).
Dans le cas des BFUP, aucun enrobage n’est à prévoir. Cela est dû à la porosité quasi
nulle de ce type de béton : aucune eau ne peut s’y infiltrer et par conséquent attaquer les
fibres métalliques à l’intérieur.
Pour les aciers, plusieurs traitements existent :
ƒƒ mise en peinture de tous les éléments, avec pose de plusieurs couches ;
ƒƒ galvanisation : procédé consistant à plonger les pièces métalliques dans un bain de
zinc à haute température. Les éléments en ressortent avec une couleur grise argentée.

170

WW Pont-passerelle du Mont-Saint-
Michel : visualisation des différentes
couches de peintures anticorrosion
sur la structure métallique de
l’ouvrage.
Ressources

„„ Écoles, associations et centres techniques


En appui au monde professionnel, ces différents organismes permettent de se former, de se
réunir et de faire avancer les connaissances dans le domaine de la construction. Ici sont majo-
ritairement listés des établissements français, mais leurs homologues étrangers existent et sont
consultables pour tous ceux parlant d’autres langues que le français.

Écoles
École Nationale des Ponts et Chaussées
École Supérieure des Travaux Publics
Réseau Polytech
171

Associations et fédérations
AFGC : Association française de génie civil
fib : Fédération internationale du béton
IABSE : International Association for Bridge and Structural Engineering
Atlanbois : Association interprofessionnelle pour la promotion du bois en région Pays de la Loire
Novabuild : Cluster du BTP en Pays de Loire pour la mutation vers l’écoconstruction
APK : Association pour la promotion de l’enseignement de la construction acier

Centres techniques et de recherche


Ademe : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
CEREMA : Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’amé-
nagement
CSTB : Centre scientifique et technique du bâtiment
CTICM : Centre technique industriel de la construction métallique
CTMNC : Centre technique de matériaux naturels de construction
IFSTTAR : Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et
des réseaux
SETRA : Service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements
Res sources

„„ Salons, rendez-vous, colloques


BATIMAT : le salon international de la construction, tous les ans à Paris.
RDVLE : Rendez-vous du logement étudiant.
BAU : le « Batimat » allemand, tous les deux ans à Munich.
Bauma : salon à Munich tous les 3 ans, consacré à toutes les machines et équipe-
ments pour la construction.
Forum Bois construction : le rendez-vous annuel de la construction en bois en France,
émanation de la version germanophone « Forum Holzbau ». Le site Internet de
la manifestation met en ligne le contenu des conférences de toutes les éditions
précédentes : www.forumholzbau.com/index_ref_FBC.html
Carrefour international du bois « Timbershow » : Salon organisé tous les 2 ans à Nantes.
Grand Prix de l’Urbanisme : décerné une fois par an, il donne lieu à des conférences
accessibles à tous.
MIPIM : le Marché international des professionnels de l’immobilier se tient tous les
ans à Cannes.

„„ Listes d’acteurs du monde de la construction


172 Il est difficile de classer les différents acteurs tant leurs domaines de compétence
sont transverses parfois. Néanmoins, cette liste se veut informative et donner des pistes
à ceux en recherche de contacts ou d’informations leur permettant de découvrir plus en
détail les réalisations et les idées structurelles actuelles ou de répondre à des questions
concrètes lors d’un travail de conception.
Par ailleurs, réaliser une veille constante de ce qui se fait à travers le monde procure
une stimulation intellectuelle qui peut rejaillir un jour ou l’autre dans son propre travail.
Les réseaux sociaux sont aussi très efficaces pour prendre le « pouls » du monde de la
construction.

Bureaux d’études, d’expertise et de contrôle


Cluster Méca OTE Ingénierie
Schlaich Bergermann und Partner Jaillet-Rouby
SNC LAVALIN Bollinger + Grohmann
SETEC SOCOTEC
Ingerop APAVE
Re s s o u rc e s

Entreprises de construction
Bouygues Cardinal Edifice
Vinci Legendre
Eiffage Seele
Freyssinet Woodeum
Baudin Chateauneuf Kaufmannbau
Zwahlen & Mayr

Fournisseurs d’équipements, produits et matériaux


Anticorrosion : Dupont
International Asahi
Hempel ACS Production
Moyens de levage : Birdair
Liebherr Nowofol
Potain Acier :
Dywidag Arcelor Mittal
Ciment : Salzgitter, Vallourec & Mannesmann
LafargeHolcim Aluminium : 173

Calcia Alcoa
Vicat Rio Tinto
Appuis et joints de dilatation : Rusal
Mageba Câbles, barres et entretoises :
Membranes : Pfeifer
Serge Ferrari Macalloy
Saint-Gobain

Architectes
Tengbom : conception orientée vers le développement durable.
Hermann Kaufmann : développement durable et utilisation de bois massif.
Moreau Kusunoki : concepteur du futur musée Guggenheim d’Helsinki.
Rudy Ricciotti : l’architecte français du BFUP.
Santiago Calatrava : forme et structure se conjuguent.
Construire (Patrick Bouchain - Loïc Julienne) : Promotion des « permanences archi-
tecturales » et plus généralement du temps long dans les projets de construction.
Sou Fujimoto : réalisation de micro-maisons individuelles.
Kengo Kuma : utilisation du matériau bois.
R ess o urces

Amateur Architecture Studio (Shu Wang, Wenyu Lu) : pour une architecture locale
en Chine (« L’humanité est plus importante que l’architecture, et l’artisanat plus
important que la technologie44 »).
Elemental (Alejandro Aravena, Gonzalo Arteaga, Juan Cerda, Victor Oddo, Diego
Torres) : approche incrémentale de l’habitat.

174
Glossaire

Amortisseur : équipement installé sur les structures soumises à des vibrations inconfortables pou-
vant même parfois conduire à la ruine d’une structure, pour les réduire et rendre la structure
exploitable.
Appui : zone de contact d’une structure avec ses fondations ou directement le sol quand celui-ci
présente une portance suffisamment grande. L’appui peut être encastré, articulé ou simple-
ment posé (seule la composante verticale du déplacement est bloquée). Différentes méthodes
constructives existent pour réaliser un appui, pour chaque type de matériau.
Architecture : domaine de la construction se concentrant sur les problématiques d’usage, d’es-
thétique et de maîtrise des coûts.
Armature : principalement constituée de barres d’acier, une armature est installée dans les sec-
tions de béton (principalement en partie inférieure en travée, et en partie supérieure sur appuis). 175

Il existe aujourd’hui des nouveaux matériaux faisant office d’armatures : fibres dans le BFUP, ou
alors treillis à base de carbone insérés dans le béton.
Assemblage : boulons, soudures, armatures en attente, chapes, vis... autant d’assemblages pos-
sibles entre éléments structurels. Ils sont dimensionnés pour reprendre les efforts mis en jeu et
sont dépendants des matériaux et fournisseurs employés.
Bâtiment : ensemble des structures présentant un « clos couvert », c’est-à-dire des murs et une
toiture. Un bâtiment peut être de plain-pied ou composé de plusieurs étages, les gratte-ciels
étant les plus hauts. Par définition, les ponts (ou ouvrages d’art) ne rentrent pas dans cette
catégorie, sauf peut-être les ponts habités.
Calcul : valeur chiffrée basée sur des théories scientifiques éprouvées et permettant d’approximer
le comportement réel des structures. L’objectif d’un calcul est de vérifier que la structure ne
sollicite pas ses matériaux au-delà de ses capacités de résistance.
Charges : ensemble des charges permanentes (dont éclairage) et temporaires ou d’exploitation.
Elles s’expriment en N ou kN, mais sont au départ de natures variées : température en °C,
accélération sismique en m.s-2, vitesse du vent en m.s-1, etc.
Cisaillement : voir Effort.
Combinaison : fait d’appliquer plusieurs charges en même temps sur une structure, typiquement
le poids propre et le vent, ou bien encore la neige.
G lo ss aire

Contrainte : valeur généralement exprimée en MPa et associée aux caractéristiques des


matériaux.
Corrosion : agression chimique à laquelle l’acier est soumis, principalement au contact
de l’eau et de l’air. Les environnements marins sont particulièrement nocifs pour le
matériau acier et nécessitent la mise en place d’enrobage important (pour les struc-
tures en béton armé) et de protection contre la corrosion pour les structures en acier
(peinture, galvanisation, etc.).
Déformation : sous l’effet de la température, une structure va se déformer (dilatation
ou contraction). On parle alors d’allongement ou de rétrécissement. Ces phéno-
mènes peuvent être empêchés ou limités dans certaines structures, pour des rai-
sons principalement de durabilité : les contraintes dans le matériau augmentent
alors.
Degré d’hyperstatisme : information sur le degré de stabilité d’une structure. On dis-
tingue les structures hypostatiques (mécanismes), isostatiques (la structure a le
nombre strictement suffisant de points d’appuis pour être en équilibre), hypersta-
tiques (la structure a au moins un appui en plus par rapport au nombre strictement
nécessaire d’appuis pour assurer son équilibre).
176 Déplacement : distance entre le point initial d’une structure et ce même point après
application d’une charge. On parle de flèche dans le cas d’une poutre. Parfois, des
poutres sont fabriquées avec des contre-flèches (bombées vers le haut) afin d’être
parfaitement horizontales une fois soumises à leur poids propre.
Dimensionnement : détermination des dimensions d’une section d’un élément structurel,
et donc de son volume pour rester dans les plages de contraintes acceptables pour
le matériau considéré.
Dispositions constructives : éléments de conception non dictés par les calculs mais
par la volonté de réduire la maintenance et augmenter la durabilité de la structure.
Elles sont aussi guidées par le souhait de simplifier la fabrication et le montage des
éléments une fois sur le chantier. Cette activité nécessite une bonne connaissance
des techniques de construction actuelles et un échange le plus fréquent et le plus en
amont possible avec les entreprises de construction.
Dynamique : partie de la mécanique s’intéressant aux structures soumises à des mou-
vements.
Effort : valeur généralement exprimée en N ou kN, parallèle ou perpendiculaire à l’axe
principal de l’élément structurel considéré. On parle respectivement d’effort normal
et d’effort tranchant ou de cisaillement.
Enrobage : épaisseur de béton entre la face extérieure d’une section de béton armé et la
G lo s s a i re

première armature d’acier rencontrée (comprise généralement entre 3 et 5 cm suivant


les conditions de site).
Essai en soufflerie : étude du comportement de la structure sous l’effet du vent, à l’aide
d’une maquette de la structure placée dans une chambre soumise à un vent contrô-
lable. Des capteurs sont placés sur toute la surface de la structure pour mesurer les
pressions (positives ou négatives) causées par le vent. Les résultats peuvent amener
à une optimisation de la forme. C’est ainsi par exemple que la tour Burj Khalifa
(Dubaï) est plus haute que le projet initial tout en ayant une prise au vent, et donc des
moments à sa base, moins importants.
Eurocodes : ensemble de textes réglementaires commun à tous les pays européens,
décrivant les différentes règles à appliquer pour concevoir des structures. Des infor-
mations y sont par exemple données sur les valeurs de vent à appliquer suivant le
site de la construction, les chargements à prendre en compte suivant la nature de
la construction, les vérifications à faire en fonction des matériaux employés, etc. Ces
documents sont divisés en 9 documents : Bases de calcul et actions sur les structures,
Calcul des structures en béton, Calcul des structures en acier, Calcul des structures
mixtes acier-béton, calcul des structures en bois, calculs des ouvrages en maçonnerie,
calcul géotechnique, conception et dimensionnement des structures pour leur résis- 177

tance aux séismes, Calcul des structures en alliage d’aluminium.


Financement : honoraires de conception, coûts de construction, de maintenance et de
réparation, coûts de la maîtrise d’ouvrage. Le financement est rassemblé auprès
de banques ou de fonds propres. De manière générale, les débuts d’un projet de
construction ne consomment pas trop de budget et des changements d’orientation
sont possibles alors qu’une fois les travaux démarrés, les sommes engagées sont
beaucoup plus importantes et sont plus difficiles à maîtriser : elles sont la consé-
quence des choix de conception faits au préalable.
Flambement : phénomène observable dans les éléments élancés soumis à de grandes
forces de compression. Il apparaît avant d’atteindre la résistance théorique de l’élé-
ment à la compression quand sa section est très petite et/ou a un moment d’inertie
faible.
Flèche : voir Déplacement.
Flexion : voir Moment.
Fondations : éléments sur lesquels toute construction repose. Elles peuvent être pro-
fondes ou reposer directement sur le sol, sous forme de plots ou de longrines. Elles
sont principalement sollicitées en compression, sauf par exemple celles reprenant les
efforts de traction présents dans les câbles porteurs des ponts suspendus.
G lo ss aire

Hyperstatisme : voir Degré d’hyperstatisme.


Ingénierie : domaine de la construction se concentrant sur l’efficacité (structurelle, ther-
mique, etc.), l’esthétique et la maîtrise des coûts.
Maître d’œuvre : équipe de conception en charge des études et du suivi de la réalisa-
tion du projet de construction considéré. Elle regroupe généralement une agence
d’architecture, un ou plusieurs bureau d’études techniques aux compétences variées
suivant les projets : structure, fluides, géotechnique, acoustique, etc. Elle peut aussi
inclure sociologues, dessinateurs, urbanistes, et autres compétences ou sensibilités
mobilisables spécifiquement sur certains projets.
Maître d’ouvrage : personne ou entité désirant la construction d’un bâtiment et menant
l’organisation du projet du début à la fin, directement ou par l’intermédiaire d’un AMO
(assistant à maîtrise d’ouvrage). C’est dans le langage courant celui qu’on nomme
le client.
Marge de sécurité : fruit de l’expérience du temps des Romains, elle est aujourd’hui
prise en compte avec des facteurs multiplicateurs appliqués à chaque phénomène
dommageable ou favorable à la structure au fil du temps. À titre d’exemple, lors des
inondations de Vaison-la-Romaine en 1992, le pont datant de l’époque romaine a tenu
178 alors que d’autres plus récents ont été emportés par la crue : la marge de sécurité (ou
d’ignorance, diront certains !) des ponts romains était bien plus grande.
Matériau : constituant principal d’une structure. Aux matériaux principaux se rajoutent
des composants eux-mêmes constitués de matériaux aux caractéristiques différentes
(peinture, goudron, isolant, etc.).
Modélisation : représentation simplifiée d’une structure afin d’appréhender les efforts et
moments qu’elle subit. La pertinence de la modélisation sera responsable du dimen-
sionnement opéré par la suite. Ce travail concerne la géométrie, le ou les matériaux,
les conditions d’appuis et les charges appliquées à la structure.
Module de Young : valeur généralement exprimée en GPa permettant de décrire la rigi-
dité d’un matériau.
Moment : valeur généralement exprimée en N.m ou kN.m, et associée aux phénomènes
de flexion et de torsion. Les moments de flexion sont responsables de la majeure
partie des contraintes présentes dans les structures. Ce sont ces moments que l’on
cherche le plus possible à réduire (voire faire disparaître) lors d’une conception de
structure.
Poids propre : poids des matériaux constituant la structure considérée. Il varie suivant le
volume et la densité du matériau employé.
Point d’appui : voir Appui.
Gl o s s a ir e

Pont : structure reliant horizontalement deux points, dont la poutre est un exemple.
Pour les grandes distances, des structures de type haubanées ou suspendues sont
employées.
Poteau : élément structurel vertical dont deux dimensions sont petites par rapport à la
dernière. Les charges gravitaires (verticales) s’appliquent dans l’axe principal de l’élé-
ment (vertical).
Poutre : élément structurel horizontal dont deux dimensions sont petites par rapport à la
dernière. Les charges gravitaires (verticales) s’appliquent perpendiculairement à l’axe
principal de l’élément (horizontal).
Précontrainte : principe consistant à comprimer ou étirer artificiellement un matériau
avant de l’utiliser. Cela permet de réduire les moments générés dans la structure et
ainsi les quantités de matériaux utilisées. Elle s’applique principalement au béton mais
aussi au granit. Par ailleurs, ce terme renvoie aussi à la pression que l’on exerce sur
les membranes pour qu’elles soient bien tendues.
Résistance des matériaux (RDM) : discipline permettant le calcul des contraintes et
déformations dans les structures des différents matériaux. Voir notamment l’ensemble
des chapitres 3, 4, 5, et 6.
Rigidité : voir Module de Young. 179

Section : forme des matériaux quand on les coupe dans le plan de leur plus petite
dimension. Les sections de poutres peuvent être rondes ou rectangulaires, pleines ou
creuses, en forme de I ou de T. Les sections de dalles sont pour la plupart rectangu-
laire mais peuvent aussi être nervurées en sous-face.
Statique : science des structures stables, en équilibre, dont la résultante des forces et
des moments est nulle.
Torsion : voir Moment.
Treillis : système structurel composé de barres n’agissant qu’en compression et en trac-
tion. Il est composé de deux éléments droits reliés entre eux par des verticales et/ou
des diagonales. Cet arrangement de la matière permet d’obtenir des résistances plus
importantes que si on disposait toutes les barres dans le même sens.
Unité : permet de mesurer des distances (mm, cm, m ou km), des températures (°C ou
K), des forces (N, kN ou MN), des contraintes (Pa ou MPa, ou kg/cm2). La combinaison
d’unités doit être homogène pour obtenir une valeur correcte. Par exemple, des MPa
s’obtiennent en divisant des MN par des m2.
Bibliographie

Ouvrages

„„ Histoire des sciences de la construction


Discours concernant deux nouvelles sciences. Galilée, traduit par Maurice Clavelin, PUF, 1995.
Engineers of Dreams: Great Bridge Builders and the Spanning of America. Henry Petroski, First
Vintage Books Edition, 1995.
The quest to save Segovia Aqueduct. World Monuments Fund, 2016.
Les pyramides d’Égypte. Jean-Pierre Adam & Christiane Ziegler, Hachette Littératures, 1999.
La Tour Eiffel. Textes de Roland Barthes et photos d’André Martin. Éditions du Seuil, 2011.
History of strength of materials. Stephen P. Timoshencko, Dover Publications, Inc., New York, 1983.
180 Ce que sait la main, la culture de l’artisanat. Richard Sennett, Albin Michel, 2010.
Gratte-ciel contemporains. Eric Höweler, Flammarion, 2003.

„„ Matériaux
Matériaux - Ingénierie, science, procédé et conception. Michael Ashby, Hugh Shercliff et David
Cebon, traduit par Léa Deillon et Michel Rappaz, Presses Polytechniques et Universitaires
Romandes, 2013.

„„ Compréhension des structures


L’art des structures. Aurelio Muttoni, traduit par Pierre-Alain Croset, Presses Polytechniques et
Universitaires Romandes, 2005.
Structures et Matériaux - L’explication mécanique des formes. J.E. Gordon, traduit par François
Gallet, Pour la science, Belin, 1994.
Petite logique des forces - Constructions et Machines. Paul Sandori, traduit par Alain Laverne,
Éditions du Seuil, 1983.
The Tower and The Bridge - The new art of structural engineering. David P. Billington, Basic Books,
Inc., 1983.
Comprendre simplement les techniques de conception. Pete Silver, Will McLean, Éditions Le
Moniteur, 2014.
Bi bl io g r a p hi e

Introducing structures. Civil and structural engineering, building and architecture. A. J.


Francis, Ellis Horwood Limited, 1989.

„„ Calcul des structures


Aide-Mémoire - Résistance des matériaux. Jean Goulet, Jean-Pierre Boutin, Frédéric
Lerouge, Dunod, Paris, 2014.
Aide-Mémoire - Ouvrages en béton armé. Pierre Guillemont, Dunod, Paris, 2015.
Vibrations couplées avec le vent. Pascal Hémon, École Polytechnique, Palaiseau, Octobre
2004.

Liens internet

„„ Bibliothèques numériques
Gallica : gallica.bnf.fr
ENPC : www.enpc.fr/bibliotheque-numerique-patrimoniale
Bibliothèque Numérique Mondiale : www.wdl.org/fr
181

„„ Autres
Base de données internationale du patrimoine du génie civil : structurae.info
Musée virtuel des Travaux publics, par l’association ASCO-TP : www.planete-tp.com
Institut national de l’audiovisuel : www.ina.fr
Pont du Golden Gate (1955, 13 min. 03 s.) : très belle vidéo montrant le montage du pont,
notamment des grands câbles porteurs : www.ina.fr/video/VDD09016213
Réunion des Musées nationaux, sur Dailymotion : Le Grand Palais, un chantier hors
normes ! On y apprend que les fondations sont en bois : www.dailymotion.com/video/
x4sn8v6_le-grand-palais-un-chantier-hors-normes_creation
American Concrete Institute : 2016 Excellence in Concrete Construction Awards -
Infrastructure Second Place: 3rd Bosphorus Project : vidéo présentant le pont hybride
Yavuz Sultan Selim sur le Bosphore, au nord d’Istanbul (conception Michel Virlogeux et
T Ingénierie) : www.youtube.com/watch?v=Sja_x9mU-NU&feature=youtu.be
Notes

1. http://www.marche-public.fr/Marches-publics/Definitions/Entrees/Regles-art.htm
2. https://orkidstudio.org
3. http://www.sbp.de/en/project/second-hooghly-river-bridge/
4. http://acteursdeleconomie.latribune.fr/debats/grands-entretiens/2016-02-11/edgar-morin-le-
temps-est-venu-de-changer-de-civilisation.html
5. Commission des Titres de l’Ingénieur : Organisme indépendant, chargé par la loi française
depuis 1934 d’habiliter toutes les formations d’ingénieur, de développer la qualité des forma-
tions, de promouvoir le titre et le métier d’ingénieur en France et à l’étranger. Leur site Internet
regorge d’informations sur ce qui est attendu d’un ingénieur. Leur fond documentaire intitulé
« Références et Orientations » en 2 tomes est particulièrement intéressant à ce sujet.
182 6. In Discours concernant deux sciences nouvelles, Galilée, traduit par Maurice Clavelin, PUF,
1995.
7. Traduction de l’allemand : «Für anspruchsvolle Probleme gibt es nie eine triviale Lösung, son-
dern höchtsens den optimalen Kompromiss. Das lässt zum Glück viel Spielraum für eine sub-
jektive Gestaltung.»
8. Informations intéressantes relatives à son inscription au patrimoine mondial de l’humanité
(UNESCO) : http://whc.unesco.org/uploads/nominations/211rev.pdf
9. Pour plus d’informations sur ce bâtiment et son architecte : www.lecese.fr/palais-iena/monu-
ment-historique
10. Michel Serres dans son ouvrage L’art des ponts apporte un éclairage complémentaire et inté-
ressant sur la traversée cette fois-ci océanique, lieu de la concurrence entre les avions et
les bateaux : « Combien perdons-nous de temps à vouloir en gagner ? Heureuse époque des
paquebots, où nous en gagnions tant à le perdre, en dansant valses et tangos, sur le pont-pro-
menade. »
11. Les brevets des treillis Howe et Pratt sont consultables sur le site Internet sur l’Office des bre-
vets et des marques du gouvernement des États-Unis : https://www.uspto.gov/
12. Il était assisté de William Fairbairn, connu pour avoir travaillé sur la construction de nombreux
bateaux et pour avoir réalisé beaucoup d’avancées dans le domaine des structures de manière
expérimentale.
N ote s

13. Voir au sujet de la lumière l’ouvrage très intéressant et original de Tanizaki Junichirô
intitulé Éloge de l’ombre et qui nuance les avantages de la clarté : « Nos contempo-
rains, qui vivent dans des maisons claires, ignorent la beauté de l’or. (...) l’extraordi-
naire faveur dont jouissait l’or : alors que l’éclat de l’argent et des autres métaux se
ternit très vite, l’or en revanche éclaire la pénombre intérieure sans de longtemps rien
perdre de sa brillance. »
14. Ceci sera montré plus précisément dans le chapitre consacré à l’analyse statique.
15. Plus d’informations sur la structure de ce marché, notamment des images et des
plans : www.c-royan.com/arts-culture/architecture/architecture-1950/royan-1950/
entry-906-marche-central.html
16. La fabrique de papier des frères Montgolfier donnera naissance, à la suite d’un
mariage, à l’entreprise Montgolfier Canson, puis plus tard à l’entreprise désormais fort
célèbre en France : Canson. Le logo Canson représente d’ailleurs une montgolfière !
17. Lien vers le projet sur le site de Charpente Concept : www.charpente-concept.com/fr/
realisations/ponts-et-passerelles/_realisation/pont-de-val-cenis
18. Site de l’entreprise développant ce concept inventé par l’ingénieur Mauro Pedretti :
www.tensairitysolutions.com
19. Site de l’entreprise : www.covertex.co.nz 183

20. L’histoire du colibri, c’est l’histoire d’un tout petit oiseau qui voit sa forêt dévastée par
un immense incendie et qui décide de prendre son courage à deux mains, et d’aller
remplir son bec d’eau, pour ensuite la déverser sur les flammes qui brûlent sa forêt, sa
maison. Tous les autres animaux le voient faire et se moquent de lui. Le colibri répond,
du haut de sa petite taille : « Oui, mais je fais ma part. »
21. Stern Review : The Economics of Climate Change, 2006.
22. BnF, Gallica.
23. Gammes de profilés européens sur le site Internet du fabricant Arcelor Mittal : http://
ds.arcelormittal.com/repo/poutrelles_rails_tubes_parachevement_negoce/profiles_
europeens_ArcelorMittal.pdf
24. Pour plus d’informations sur la classification des roches, voir le site Internet du Centre
scientifique et technique de la construction belge :
25. http://www.cstc.be/homepage/index.cfm?cat=publications&sub=tv-nit&-
pag=228&art=2&niv01=2.2
26. CTMNC et L’art des structures, Aurelio Muttoni.
27. Il s’agit du projet La Capitelle, à Le Crès, près de Montpellier : http://rudyricciotti.com/
projet/logements-sociaux-la-capitelle#!/rudyricciotti.com/wp
28. Intégralité du catalogue disponible sur le site Internet de l’entreprise : www.pfeifer.de/
N otes

fileadmin/user_upload/DE_doc/seilbau_doc/download/katalog/Zugglieder_2013-06-
fr-en.pdf
29. www.lemonde.fr/tant-de-temps/article/2016/05/06/rudy-ricciotti-un-chantier-c-est-
du-temps-social-du-temps-d-emploi_4914790_4598196.html
30. Ces valeurs sont soit définies par l’expérience et le jugement du concepteur, soit par
des codes spécifiques à chaque pays ou groupe de pays, comme les Eurocodes par
exemple, utilisés à travers l’Europe.
31. Citation extraite de l’ouvrage Engineers of dreams: Great Bridge Builders and The
Spanning of America (1995), Henry Petroski.
32. Au sujet de l’histoire de la théorie des structures, voir le livre de Karl-Eugen Kurrer :
The history of the theory of structures, aux éditions Wiley, 2012.
33. Plus d’informations sur le site Internet de l’agence d’architecture-ingénierie de
Santiago Calatrava : www.calatrava.com/projects/turning-torso-malmoe.html
34. Ce théorème a été énoncé par Simon Stévin (1548-1620) et porte le nom de celui
qui l’a démontré en 1688 : le mathématicien français Pierre Varignon (1654-1722).
35. Lien vers le projet sur le site de l’agence Zaha Hadid Architects : http://www.zaha-
hadid.com/architecture/port-house/
184 36. Valeurs extraites de l’ouvrage Tabellen zur Tragwerklehre de Franz Krauss, Wilfried
Führer et Thomas Jürges, aux éditions Rudolf Müller, 2010.
37. Ce calcul est donné à titre d’exemple et ne prend pas en compte les règles de calculs
spécifiques à certains règlements. Dans le cadre d’un projet de construction, ces
règles sont à observer.
38. Par exemple, pour plus d’informations sur l’approche du code européen de la
construction appelé « Eurocodes » sur la construction avec le matériau acier, consulter
l’ouvrage réalisé sous la direction de Jean-Pierre Muzeau : La construction métallique
avec les Eurocodes, aux éditions Eyrolles.
39. Cette méthode est donnée dans l’ouvrage Comprendre simplement la résistance des
matériaux, 2e édition, de François Fleury et Rémi Mouterde, aux éditions du Moniteur.
40. Valeurs extraites de l’ouvrage Structural Engineer’s Pocket Book, 3e éd, de Fiona Cobb
(CRC Press), 2015.
41. Comme pour le calcul de la charge limite de flambement, des codes existent pour le
calcul des éléments en béton armé. Ils ne sont pas abordés ici pour se concentrer
uniquement sur le comportement mécanique des structures et des matériaux et sur
les moyens généraux de s’y adapter lors d’un dimensionnement. Par ailleurs, dans cet
exemple, le poids propre est « figé » de manière virtuelle dès l’énoncé du problème, or
le poids propre est soumis à une constante actualisation dans un dimensionnement
Note s

réel, en fonction des sections réelles du matériau (ici, le poids propre P serait par
exemple bien inférieur : P = 0,2 × 0,3 × 5 × 25 = 7,5 kN soit 1,5 kN/m).
42. Catalogue du fabricant de profilés acier Arcelor Mittal : ds.arcelormittal.com/repo/
poutrelles_rails_tubes_parachevement_negoce/profiles_europeens_ArcelorMittal.pdf
43. Ce calcul est là encore fait sans adapter la valeur du poids propre à celle du profilé
acier choisi.
44. Article du 29 février 2012, in Libération : http://next.liberation.fr/design/2012/02/29/
le-chinois-wang-shu-pritzker-2012_799461

185
Index

A précontraint 37, 95
Aalto, Alvar 50 BFUP (béton fibré à ultra-hautes
Abrams (test du cône) 88 performances) 39, 58, 91, 170
acier 31-32, 37, 59, 61, 79, 155-156, 170 BHP (béton à hautes performances) 91
inoxydable 81 BIM 161
Allianz Arena (stade de Munich) 97 Bixby Bridge 44
allongement 21, 63, 80 BMT (bois massif tourillonné) 77
aluminium 86 Boeri, Stefano 132
Ammann, Othmar 46, 116 bois 74, 155, 157
analyse dynamique 142 Bologne 29
186 anneau de compression 37 boulon 83
appui 105 bowstring 44
aqueduc 41 Brooklyn Bridge 45
arc 9, 41, 43, 105, 168
à double articulation 140 C
à triple articulation 133 câble 43, 85, 134
armature 38, 94 cable stay 46
Arniches, Carlos 131 Calatrava, Santiago 53
articulation 105 Camelot, Robert 54
ascenseur 33 Candela, Felix 53
cantilever 23, 130
B CAO (conception assistée par ordinateur) 104
Babylone 27 Caquot, Albert 61
balcon 48 Carnac 26, 42
Baltimore (treillis) 36 Castigliano (théorème) 127
Barthes, Roland 31 catalane (voûte) 54
béton 33, 37, 62, 87, 166 Cauchy, Augustin 21
à haute performance 39 ceinturage 93
armé 93, 155-156, 170 Centre Pompidou 42
I nd e x

Centre Pompidou-Metz 100 coûts 163


céramique 59 Coyne, André 38
chaînette 46 Cremona (méthode graphique) 141
charge 106 croix de Saint-André 37
fictive 127 Ctésiphon (voûte) 52
charte de l’éthique 16 cycle de vie 59
Chicago 32
ciment 34, 87-89 D
cisaillement 64, 73, 80, 150 dalle 50, 165
Clapeyron (équation) 136 déformation 21, 70, 158
Clapeyron (théorème) 129 degré d’hyperstatisme 64, 121
classification 12 Dieste, Eladio 53
climat 111 dôme 54
CLT (Cross Laminated Timber) 77 Dominguez, Martin 131
CNIT 54 droite 25
Coalbrookdale (pont) 79 ductilité 61
coefficient de Poisson 21, 70 DuPont 97, 99
coffrage 11 durabilité 59 187

colonne 25 dynamique 142


composite 59
compression 37, 73, 80, 117, 150 E
concave 23 effort normal 117
conception 9, 12 effort tranchant 118
cône 51 Égypte 26
d’Abrams 88 Eiffel, Gustave 21, 140
Considère, Armand 38 élasticité 61
console 48, 130 élastomère 59
contrainte 10, 21, 61, 80, 84, 120, 149 éléments finis 104
convexe 23 encastrement 105
Cooper, Theodore 161 entretien 169
coquillage 53 équation des 3 moments 136
coquille 64 Esquillan, Nicolas 54
corrosion 170 ETFE 57, 97
coupole 9, 55 Euler, Leonhard 21, 146
courbe 25, 52
coussin 57, 97
I nd ex

F Hooghly Bridge 12
fabrication 165 Hooke (loi) 63, 149
fer 31, 59 Hooke, Robert 21
ferme 36 horizontal 23, 34, 51
flambement 21, 37, 146 Howe (treillis) 35
flèche 129 hyperstatisme 64, 121, 135
flexion 35, 118, 153
floor stay 46 I
fondations 23, 163 imperfection 149
fonte 59, 79 inertie 65
force de compression 73 ingénieur 16
forme 23 inox 81
Forth Bridge 48 Isler, Heinz 53
fragilité 61 isostatique 129
Freyssinet, Eugène 38, 88, 95
J
G jambe 25
188 Galilée 20
Gaudí, Antoni 53 L
Gisclard, Albert 48 Lambot, Joseph 87
Golden Gate Bridge 42 laminé 81
Gonbad-e Qabus 30 légèreté 12
Grande Muraille de Chine 51 Leonhardt, Fritz 33
Grand Palais 163 liaison 105
gratte-ciel 32 ligne d’influence 127
Grèce 41 limite d’élasticité 80, 84
Guardia Vial, Francisco 55 Ljubljana (bibliothèque) 72
Locmariacquer 26
H loi de Hooke 63, 149
Hadid, Zaha 130
Harbour Bridge 140 M
hauban 45, 168 Mailly (Jean de) 54
Havenhuis 130 maintenance 169
Hennebique, François 88 maison à colombages 29
hippodrome de la Zarzuela 131 maison-tour 29
Home Insurance Building 32 Mansard 36
I nd e x

mastaba 26 N
mât 25 Navier, Henri 21
matériau 10 Nervi, Pier Luigi 34, 51, 54
Maxwell-Betti (théorème) 126 New York 33
mécanique des milieux continus 123 Notre-Dame de Paris 28
Melan, Joseph 21
membrane 55, 96 O
Menabrea (théroème) 127 obélisque 26
Mésopotamie 27 ordre de grandeur 155
métal 59 Orsay (musée) 52
méthode de l’équilibre des nœuds 142 OSB (Oriented Strand Board) 76
méthode des déplacements 128 ossature bois 78
méthode des forces 128
méthode des sections 141 P
Millenium Bridge 142 Panthéon 9, 18, 87
minaret de Jâm 30 Parthénon 41
module de Coulomb 64 passerelle 39, 56, 138, 160, 168
module d’élasticité 21 passerelle de la Paix 168 189

module de Young 63 Pauli (treillis) 36


moment 129 Perret, Auguste 9, 11, 34
de flexion 118 pierre 71
de torsion 118 pieu 25
d’inertie 65 pile 25
Monier, Joseph 87 pilier 25
montage 167 plasticité 61
montant 25 point d’ancrage 43
Mont Saint-Michel 23, 83, 138, 160 Poisson (coefficient) 21, 70
Morin, Edgar 15 Poisson, Siméon Denis 21
moule 11 Polonceau (ferme) 36
MUCEM 39, 42, 58 polymère 59
Müller Breslau (théorème) 127 ponctuel (appui/liaison) 105
Munich (aéroport) 57, 97 pont 108
mur de soutènement 165 Alexandre III 133
de Bixby Creek 44
de Brooklyn 45
de Québec 161
I nd ex

de Tacoma 21 R
du Gard 9 Rabut, Charles 87
du Golden Gate 42 raideur 64
Hohenzollern 43 réaction d’appui 129
Hooghly Bridge 12 réalisation 9
Khor al Batah 45 réciprocité (théorème) 126
Maria Pia à Porto 140 règles de l’art 9
Seven Mile Bridge 23 renversement 145
Sydney Harbour Bridge 140 résistance 23, 154
Tubular Bridge 38 des matériaux 10, 103
Yavuz Sultan Selim 45 Ricciotti, Rudy 39
porte-à-faux 23, 38, 48, 130 rigidité 63
portée 23 Ritter (méthode des sections) 141
portique 122, 137 roche 71
poteau 25, 33, 77, 105, 146 Rome 9, 39, 87
potence 48 Royan (marché) 53
poutre 77, 105 rupture 80
190 avec une partie en console 130
continue 136 S
en console 131 Saint Pancras (gare) 52
sur deux appuis 129, 156 Sanaa 29
Pratt (treillis) 36 Schlaich, Jörg 15
précontrainte 38, 95 section 24, 65, 75
prédalle 165 Seven Mile Bridge 23
préfabriqué 165 Shibam 29
principe des travaux virtuels 128 slump test 88
principe fondamental de la statique 125 Soler March, Alejandro 55
profilé métallique 82 sollicitation 117
Prouvé, Jean 54 soudure 82, 166
PRS (profilé reconstitué soudé) 70 stabilité 145
PTFE 99 Stade de France 45, 51
PVC 101 stade Moses Mabhida 44
Pyramides d’Égypte 23, 26 statique 125
Steinman, Joseph 46
Stephenson, Robert 38
Stonehenge 26, 42
I nd e x

superposition (principe) 126 verre 59


surface 50 vertical 23, 25, 50
viaduc de Garabit 79, 140
T vibration 168
Téflon 99 Vicat, Louis 88
Tefzel 97 Villa Méditerranée 132
terre 73 Vitellozzi, Annibale 54
Torroja, Eduardo 131 Vitruve 18, 115
torsion 37, 118 voile 50
tour 29 volume 56
Asinelli 29
Choukhov 31 W
de Galata 30 Warren (treillis) 36
de télévision de Stuttgart 33 Washington Monument 27
Eiffel 23, 31, 132 Waterloo (gare) 133
traction 63, 80, 84, 117, 150
treillis 35, 122, 140 Y
trois moments (équation) 136 Yémen 29 191

Tubular Bridge 38 Young (module) 63


Young, Thomas 21
V
Valence (marché) 55 Z
Varignon (théorème) 126 Zehrfuss, Bernard 54
Verantius, Faustus 45 ziggourat 27
Crédits photographiques

h : haut ; b : bas ; c : centre ; g : gauche ; d : droite.
P. 8 © laughingmango – istockphoto.com. P. 11 © deyroop – Fotolia.com / Schlaich Bergermann und Partner. P. 14
© Schlaich Bergermann und Partner. P. 19 Jean Rondelet, Mémoire historique sur le dôme du Panthéon français, 1797.
P. 20 © tupungato – istockphoto.com. P. 22 © JohnnyH5 – istockphoto.com / Jean Muller, Eugen C. Figg, Jr. P. 24 © vwa-
lakte – istockphoto.com / Dietmar Feichtinger Architectes. P. 25 bd © kropic – istockphoto.com / Skidmore, Owings and
Merrill. P. 26 © chapeau77 – istockphoto.com. P. 27 h © Ariane Citron – Fotolia.com. P. 27 bg © Foxie_aka_Ashes –
istockphoto.com. P. 27 bd © Serge_Vero – istockphoto.com. P. 28 g © Gwengoat – istockphoto.com. P. 28 d © Richard
McGuirk – Fotolia.com. P. 29 © Luc Markes – Fotolia.com. P. 30 © BremecR – istockphoto.com. P. 31 g Photo Sarah
Neighbour – Unsplash.com. P. 31 d © Sun_Time – istockphoto.com. P. 32 © S_A_N – istockphoto.com / Erwin Heinle.
P. 39 hg © duncan1890 – istockphoto.com. P. 39 hd © duncan1890 – istockphoto.com. P. 39 bg Photo P.-Y. Ollivier /
architecte Rudy Ricciotti. P. 39 bd Photo P.-Y. Ollivier / architecte Rudy Ricciotti. P. 40 h © Claudio Colombo – Fotolia.
com. P. 41 © djama – Fotolia.com. P. 43 hd Photo Riaan Myburgh – Unsplash.com / Ambro Afrique Architects, Mthusuli
Msimang Architects, NSM Design, Osmond Lange Architects, Theunissen Jankowitz Architects, von Gerkan, Marg und Partner.
P. 45 g Photo Garth Pratt – Unsplash.com. P. 45 d Photo Hannes Ri – Unsplash.com. P. 46 © srekap – Fotolia.com. P. 47 h
© Koraysa – Fotolia.com / Michel Virlogeux, T ingénierie. P. 47 b © nexusseven – Fotolia.com / Michel Virlogeux, T ingénierie.
P. 48 Albert Victor Hippolyte Léon Gisclard, 1901. P. 49 © JanMiko – istockphoto.com. P. 51 © eorgeclerk – istockphoto.
com. P. 52 h © Grafissimo – istockphoto.com. P. 52 bg Photo P.-Y. Ollivier / architecte de la gare : Victor Laloux ; archi-
192 tectes du musée : Jean-Paul Philippon, Renaud Bardon, Pierre Colboc. P. 54 © PhotogRaffi – Fotolia.com / Jean de Mailly,
Robert Edouard Camelot, Bernard Louis Zehrfuss. P. 55 b © andyKRAKOVSKI – istockphoto.com. P. 58 Photo P.-Y. Ollivier
/ architecte Rudy Ricciotti. P. 62 © Gabri90 – istockphoto.com. P. 64 g © papinou – Fotolia.com. P. 64 d Photo Florence
Kraan / Antoni Gaudi. P. 69 © ArcelorMittal. P. 71 Photo Flavie Le Jean. P. 72 © Panama – Fotolia.com / Joze Plecnik.
P. 75 g © alffoto – istockphoto.com. P. 75 c © russellbinns – istockphoto.com. P. 75 d © Rybak Alexandr – Fotolia.com.
P. 79 © peplow – istockphoto.com / Thomas Farnolls Pritchard. P. 82 © ArcelorMittal. P. 85 h © Pfeifer. P. 85 b © Pfeifer.
P. 88 © primeimages – istockphoto.com. P. 89 © Fotolia RAW – Fotolia.com. P. 93 © Hoda Bogdan – Fotolia.com. P. 98 h
© Robert Herhold – istockphoto.com / Herzog & de Meuron. P. 98 b © zhaojiankang – istockphoto.com / PTW Architects.
P. 100 © repistu – istockphoto.com / Gumuchdjian Architects, Jean de Gastines Architectes, Shigeru Ban Architects Europe.
P. 102 © Geber86 – istockphoto.com. P. 112 © lehic – Fotolia.com. P. 114 © dblight – istockphoto.com / Skidmore, Owings
& Merrill. P. 117 g © vladsogodel – Fotolia.com / Schlaich Bergermann und Partner. P. 117 d © artshotphoto – Fotolia.com /
Schlaich Bergermann und Partner. P. 119 © Kliim – istockphoto.com / Santiago Calatrava SA. P. 130 © Peter-Braakmann –
istockphoto.com / Zaha Hadid Architects. P. 132 Photo P.-Y. Ollivier / architecte Stefano Boeri. P. 133 © rickdeacon – 123rf.
com / Nicholas Grimshaw & Partners. P. 140 © rochagneux – Fotolia.com. P. 141 © holgs – istockphoto.com. P. 143 h Photo
P.-Y. Ollivier / architectes Foster and Partners, Sir Anthony Caro. P. 143 b Photo P.-Y. Ollivier / architectes Foster and Partners,
Sir Anthony Caro. P. 144 © dalattraveler – istockphoto.com. P. 160 Photo P.-Y. Ollivier / Dietmar Feichtinger Architectes.
P. 168 Photo P.-Y. Ollivier / Dietmar Feichtinger Architectes. P. 169 Photo P.-Y. Ollivier / Dietmar Feichtinger Architectes. P. 170
Photo P.-Y. Ollivier / Dietmar Feichtinger Architectes.
Toutes les autres photos sont de l’auteur. Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour obtenir les autorisations de
reproduction nécessaires pour cet ouvrage. Toute omission qui nous sera signalée se verra rectifiée dans la prochaine édition.

S-ar putea să vă placă și