Revue des Études Grecques

36. Perceval Frutiger. Les mythes de Platon

Émile Bréhier

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Bréhier Émile. 36. Perceval Frutiger. Les mythes de Platon. In: Revue des Études Grecques, tome 44, fascicule 207, Juillet-
septembre 1931. pp. 348-350;

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348 COMPTES RENDUS B1BL1OGKAPHIQUES
du vocabulaire et du style, que ce
traité était une imitation de Platon, où
s'exagéraient jusqu'à la caricature les
procédés littéraires des Lois, où l'on
trouvait des mots inconnus à Platon
ou des mots connus pris dans des sens
nouveaux. C'est cet ouvrage de Muller
que M. Taylor soumet à un examen
détaillé dans sa communication à
l'Académie britannique : il se borne
d'ailleurs à montrer l'insuffisance des
preuves de Muller sans aucune
conclusion positive sur l'attribution de l'œuvre
à PÎaton. Il faut reconnaître que les
arguments de Muller sont plus
nombreux que décisifs ; il ne pouvait guère
en être autrement; car, admettant la
parenté intime de style entre les Lois
et VÊpinomis, il s'agit de discerner les
nuances qui séparent un auteur de son
imitateur : seuls des détails matériels
précis, des mots ou des tournures qui
n'auraient pas pu être employés par
Platon, seraient ici probants; mais
M. Millier ne donne aucun exemple
convaincant. Il semble donc bien, après
le travail de M. Taylor, que la question
de l'authenticité de VÊpinomis reste
ouverte.
Emile Brkhier.
35. Walter FREYM ANN. Platons Suchen
nach, einer Grundlegung aller
Philosophie. Leipzig, Lorentz, 1930. In-8%
v-200 pages.
Ce livre est un témoignage nouveau
de ce que James Adam appelait la
vitalité du platonisme. L'auteur
indique dans sa préface combien il est
actuel, aussi bien chez les
néo-kantiens de Marburg que chez les phéno-
raénologistes Husserl et Heidegger,
qui ont actuellement la faveur du
public allemand. Dès le début, Ton est
averti que l'on trouvera en M. Frey-
mann, plutôt qu'un philologue, un
philosophe qui cherche le sens éternel et
toujours actuel de la doctrine : aussi
bien invite-t-il les philologues à
parer l'interprétation du philosophe
par une étude plus soignée du
vocabulaire technique de Platon, étude qui,
dans sa pensée, devrait amener à saisir
l'identité foncière des concepts
philosophiques à travers le temps. Le livre
de M. Freymann, qui témoigne d'une
lecture attentive des textes et de leurs
interprètes les plus récents, n'offre
donc aucune recherche historique
proprement originale; tout l'intérêt du
livre porte sur une interprétation du
platonisme, très fortement influencée
par les vues des phénoménologistes,
dont M. Freymann a été l'élève. Disons
en quelques mots que cette
résurrection du platonisme se relie à la
direction anticartésienne et même
antikantienne, prise par la philosophie
allemande de notre temps; on veut cesser
de subordonner l'être aux lois de la
connaissance ; l'être est un point de
départ qui est l'objet d'une intuition
irréductible et ultime ; c'est ce qu'a
dit Platon avant Husserl ; et la méthode
de Platon, que l'auteur décrit d'après
les dialogues socratiques jusqu'au
Ménon et au Cratyle, consiste dans la
« recherche d'un fondement de toute
philosophie » ; cette recherche suppose
une liaison intime où la structure de
l'être et le moi qui la connaît sont
impliqués l'une dans l'autre.
Emile Bréhier.
36. Perceval FRUTIGER. Les mythes de
Platon. Paris, Alcan, 1930. In-8°,
295 pages.
On a rarement commencé un travail
sur ce sujet avec un sens aussi net
de la complexité des problèmes à
résoudre : avant de se poser la question
de la valeur du mythe chez Platon, il
faut d'abord savoir exactement ce qui
est mythe, puis déterminer les types
très divers de mythes qui, peut-être,
doivent être traités fort différemment.
Selon M. Fruliger le mythe chez
Platon se distingue par les trois carac-
 COMPTES RENDUS BIBLIOGRAPHIQUES
tères suivants : symbolisme, liberté
de l'exposé, imprécision prudente de
la pensée volontairement maintenue
en deçà de la franche affirmation ; ainsi
la naissance du monde et la théorie de
la nature dans le limée sont des
mythes ; le récit de la décadence des
cités dans la République (VIII et IX)
est un mythe, où Platon a remplacé
les raisons réelles de la décadence,
qui lui sont inconnues, par le récit
inventé où intervient le fameux
nombre parfait: mythes encore, la
description de la formation de l'État
(République, liv. II), la législation du
langage (Cratyle, 388 e), l'argument qui
défend le suicide en considérant que
l'homme appartient aux dieux comme
l'esclave à son maître (Phédon, 61 c),
la métempsychose {Phédon, 80 d), la
géographie fantastique du Phédon
(108 c), la thèse de la réminiscence
dans le Ménon, la théorie des trois
parties de l'âme dans la République, le
Phèdre et le Timée ; est mythe, en un
mot, tout ce qui cherche à atteindre
la vérité autrement que par la
dialectique. En ce sens l'utopie de la
République et des Lois ne peut être appelée
un mythe, puisqu'elle est raisonnée,
pas plus que l'allégorie de la caverne,
l'allégorie étant une image fixe dont
la valeur est explicitement indiquée,
tandis que le mythe est un récit
d'action dont le sens est seulement
suggéré; le récit de l'origine de la
dialectique dans le Philèbe (16 b) n'est pas
non plus un mythe, puisque la valeur
de la dialectique est bien indépendante
de ce récit ; l'allégorie du tonneau des
Danaïdes dans le Gorgias (491 e), ne
servant pas d'argument à la thèse de
Socratc sur la tempérance, n'est pas
un mythe; non plus les discours du
Phèdre et du Banquet, qui, les uns et
les autres, aboutissent à la dialectique
de Socrate; non plus la thèse de
l'immortalité de l'âme qui, dans le Phédon
et le Phèdre, est prouvée
indépendamment des images qui
l'accompagnent. En un mot, en dehors des
349
mythes véritables et de la dialectique,
qui ne se complètent jamais l'un
l'autre, il y a parfois, juxtaposées à la
dialectique, des images ou des fictions
qui, ne concourant en rien à la vérité
déjà établie par la dialectique, n'ont
avec le mythe que des ressemblances
extérieures.
Si les mythes ne sont ni fiction
pure ni vérité pure, c'est un nouveau
problème de déterminer la limite de
l'une et de l'autre en chacun d'eux. 11
n'y a point ici de réponse générale qui
vaille pour tous les mythes; telle
convient à certains mythes, comme
celle de Deuschle, selon qui le mythe
sert à exposer les opinions
concernant le devenir; cela cadre bien avec
le Timée, tout au moins en partie,
mais non pas avec les mythes de
l'âme. Il faut donc d'abord distinguer
les divers types de mythes; M. Fru-
tiger admet les types suivants :
1. Mythes allégoriques, parmi lesquels
il place le mythe du Politique ;
l'image mythique ne répond ici en
aucune manière à la réalité ; 2. Mythes
génétiques, comme celui de la
naissance d'Éros, ou la cosmogonie du
Timée, dans lesquels l'auteur substitue
délibérément le récit d'une genèse
fictive à une analyse conceptuelle;
3. Mythes parascientifiques, comme la
théorie de la nature du Timée, les
mythes eschatologiques, la théorie de
la réminiscence du Ménon, la division
triple de l'âme ; ils traitent de matières
qui, par leur nature même, ne peuvent
être objets que de la δόξα, et ils ont,
par conséquent, la même portée
doctrinale que ce genre de connaissance.
Il est visible que, d'un type à l'autre,
la vérité augmente aux dépens de la
fiction : il semble seulement que
M. Frutiger aurait dû ici indiquer
d'une manière plus nette que ce qui
change d'un type à l'autre c'est moins
la quantité de vérité dont est chargé
le mythe que la nature du rapport
entre l'image et la vérité symbolisée,
ce qui est en particulier dans le mythe
350 COMPTES RENDUS BIBLIOGRAPHIQUES
allégorique, que l'on ne voit pas trop
comment distinguer de l'allégorie, que
M. Frutiger a précédemment bannie du
mythe.
Ici s'achève la partie proprement
philosophique de l'ouvrage; la
troisième est consacrée à l'aspect
littéraire des mythes ; on y appréciera
beaucoup l'étude que M. Frutiger
consacre aux sources des images du
mythe, dont presque aucune, à les
analyser dans le détail, n'est due à la
fantaisie de Platon ; cette étude pourrait
être d'ailleurs poussée bien plus loin.
Par son ampleur autant que par sa
minutie, le livre de M. Frutiger
apporte une contribution d'une
importance considérable à une question
difficile ; il a eu surtout raison à notre
gré de scinder le problème et de ne
pas faire du mythe platonicien une
sorte d'entité qui a partout même
valeur ; c'est sur ce point surtout
qu'il doit être suivi. Peut-être, en
revanche, lui reprochera-t-on d'avoir
défini le mythe par un caractère trop
extrinsèque ; en suivant ses
indications, il faudrait admettre qu'une
même image est mythique ou ne l'est
pas, selon qu'elle suggère une vérité
qui ne peut être atteinte en elle-
même, ou qu'elle exprime une vérité
directement connue par la
dialectique ; M. Frutiger aurait pu suivre
plus loin une idée qu'il a plusieurs fois
#ébauchée en montrant comment le
mythe, par ses caractères internes, se
rattache aux intermédiaires, à ces
réalités mouvantes que Platon place entre
l'être et le non- être et dont il fait
l'objet de la δόξα.
Emile Bréhier.
37. Die Harmonienlehre des Klaudios
Ptolemaeos, herausgegeben von Inge-
mar DURING. Gôteborg, Elanders
Boktryckeri Aktiebolag, 1930. Gr.
in-8°, civ-147 pages.
La dernière édition des Harmoniques
(éd. Wallis) date de 1699; édition
d'ailleurs fort consciencieuse, mais
fondée sur un petit nombre de
manuscrits qui ne sont pas des meilleurs et
qui sont de plus très parents entre
eux (p. xcm). Le travail du nouvel
éditeur est considérable : il décrit
84 manuscrits ; il montre qu'ils
dérivent d'un archétype commun lui-
même défectueux, et il les range en
quatre classes; puis il examine les
diverses citations de Ptolémée chez les
auteurs anciens ou byzantins et en
particulier la rédaction de Nicéphore
Grégoras. Il utilise d'une manière
générale pour l'établissement du texte
des manuscrits inconnus de Wallis, ce
qui donne à son édition une valeur
nouvelle. Il est à regretter que ce
travail si consciencieux ne soit pas
accompagné d'une traduction ; car le texte,
qui est difficile, est de première
importance pour l'histoire des sciences.
Emile Bréhier.
38. G. deJERPHANlON, S. J.. La voix
des monuments. Notes et études
d'archéologie chrétienne, in-8°, 331 p.,
60 fig. dans le texte, 63 pi. Paris,
1930.
L'auteur a réuni dans ce beau volume
des travaux présentés ailleurs sous
forme de conférences ou publiés dans
des revues diverses. On lui saura gré
d'avoir groupé ces travaux et de les
présenter accompagnés d'une
il ustration que la plupart d'entre euxn'avaient
pas reçue sous leur forme primitive.
1. La voix des monuments.
Archéologie et histoire de Vart. II. Le
développement iconographique de Vart
chrétien. III. Récentes découvertes dans la
Rome souterraine. IV. Une ancienne
reine de VAdriatique : Ravenne. V. Le
chapiteau théodosien. VI. A propos du
calice d'Antioche. Art chrétien
primitif ou art byzantin? VU. La
représentation de la croix et du crucifix aux
origines de Vart chrétien. VIII.
Epiphanie et théophanie. Le Baptême de Jésus