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5 à 10 % se retrouvent à l’hôpital.
La phobie n’est pas toujours remarquée par l’entourage car la personne fait des
l'alcool).
La phobie sociale
Arnaud D’Argembeau
Une femme éprouve un malaise chaque fois qu’elle va faire ses courses au supermarché car
elle a l’impression d’être constamment observée. Elle sait que ce n’est probablement pas le cas, mais
elle ne peut s’empêcher d’avoir cette impression. Lorsqu’elle se déplace dans les rayons, elle n’arrête
pas de penser que les gens pourraient la fixer du regard. Arrivée à la caisse, elle se sent encore plus
nerveuse car elle va devoir adresser la parole à la caissière. Elle essaie tant bien que mal de forcer un
sourire, mais lorsqu’elle tente de parler, on l’entend à peine tellement sa voix est faible. Elle est
convaincue d’être ridicule et son anxiété ne fait que s’accroître en conséquence.
Un jeune homme aimerait sortir, voir des spectacles, faire la fête, mais ne va jamais nulle part
car il est très anxieux à l’idée de rencontrer de nouvelles personnes. Il pense qu’il y aura trop de monde
et qu’il risque de se comporter de manière catastrophique. L’idée de rencontrer des personnes inconnues
le terrorise: Trouvera-t-il quelque chose à leur dire ? On va probablement l’examiner dans le moindre
détail. Peut être le rejettera-t-on d’emblée ! Et même si les personnes qu’il rencontre paraissent
sympathiques au premier abord, elles ne manqueront pas de remarquer son allure gauche et son
incapacité à sourire de façon naturelle. Elles sentiront forcément son malaise et ne l’apprécieront pas.
« Je serai toujours rejeté », pense ce jeune homme. Finalement, il passera à nouveau la soirée seul chez
lui devant la télévision.
Ces deux exemples illustrent ce que les personnes atteintes d’une phobie sociale
peuvent vivre au quotidien. Dans les lieux publics, au travail, lors de réunions ou dans un
magasin, ces personnes ont l’impression que tout le monde les observe, même si elles peuvent
concevoir rationnellement que ce n’est pas le cas. Elles ne parviennent pas à se détendre
lorsqu’elles se trouvent avec des personnes qu’elles ne connaissent pas : elles ont
constamment l’impression que les autres vont les évaluer, les critiquer, les « juger » d’une
manière ou d’une autre, ce qui les rend très anxieuses. Afin d’essayer de réduire cette
situation douloureuse, elles restent généralement à l’écart des situations sociales et préfèrent
éviter les contacts avec d’autres personnes. Au cours de ce chapitre, nous décrirons la manière
atteintes d’une phobie sociale. Le tableau clinique de la phobie sociale, sa prévalence, ses
caractéristiques démographiques, ainsi que le type et la fréquence des troubles qui y sont
associés seront tout d’abord présentés. Nous discuterons ensuite des relations existant entre la
timidité, la phobie sociale, et le trouble de personnalité évitante. Les différents facteurs qui
contribuent au développement de la phobie sociale seront passés en revue, puis les modèles
cognitifs de ce trouble seront décrits de façon plus détaillée. Nous passerons également en
revue les principaux travaux expérimentaux qui ont examiné les biais de traitement de
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l’information chez les patients phobiques sociaux. Enfin, quelques exemples qui illustrent les
troubles associés
La phobie sociale (PS) est définie par le DSM-IV comme étant « une peur persistante
lesquelles le sujet est en contact avec des gens non familiers ou bien peut être exposé à
l’éventuelle observation attentive d’autrui. Le sujet craint d’agir (ou de montrer des
Association, 1994, p. 206). La peur doit être perçue comme étant excessive ou irraisonnée,
doit entraîner un évitement des situations redoutées ou causer une anxiété anticipatoire, et doit
types de PS sont généralement distingués (Hook & Valentiner, 2002; Lang & Stein, 2001) :
une forme généralisée qui inclus les cas dans lesquels l’anxiété et l’évitement concernent une
large variété de situations sociales, et une forme spécifique qui consiste en la peur d’une seule
ou de quelques situations sociales bien définies (par ex., la peur de parler en public). La forme
généralisée est souvent plus invalidante en raison du nombre important de situations sociales
redoutées.
La PS, largement méconnue tant du grand public que du milieu médical il y a encore
quelques années, s’avère être le trouble anxieux le plus fréquent et se classe en troisième
position parmi l’ensemble des troubles psychiatriques, après le trouble dépressif majeur et la
dépendance alcoolique. Sa prévalence varie de 0,5% à 16% selon les études. Dans une récente
revue de question, Lang et Stein (2001) ont énuméré une série de facteurs qui peuvent rendre
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compte de ces différences dans les taux de prévalence rapportés. Tout d’abord, les études qui
ont utilisé les critères diagnostiques du DSM-III ont trouvé des taux de prévalence plus élevés
car le trouble y est décrit comme étant caractérisé par une « anxiété significative », anxiété
d’une sévérité plus commune que « l’anxiété et la détresse intenses » décrites dans le DSM-
entre les études. Des taux plus élevés sont rapportés dans les études qui ont envisagé une
grande variété de situations sociales et qui incluent des peurs relativement fréquentes (par ex.,
la peur de parler en public) en comparaison à d’autres peurs moins fréquentes (par ex., la peur
longueur de la période envisagée (par ex., 1 mois, 6 mois, ou toute la vie). Par exemple, dans
une étude effectuée par le National Comorbidity Survey aux Etats-Unis (Magee, Eaton,
d’une vie était de 13,3% alors que cette estimation pour une période de 30 jours était de 4,5%.
Enfin, la méthode utilisée pour identifier le trouble (par ex., interview diagnostique,
rapportés.
âge moyen de début compris entre 15 et 18 ans (Magee et al., 1996; Öst, 1987; Schneir,
Johnson, Hornig, Liebowitz, & Weissman, 1992). Cependant, certaines études ont montré
qu’une PS peut être diagnostiquée chez des enfants dès l’âge de 8 ans (Albano & DiBartolo,
1997; Beidel & Turner, 1998). En outre, une timidité extrême et une réticence sociale peuvent
déjà être observées chez des enfants de 2 ou 3 ans (Kagan, Snidman, Arcus, & Reznick,
1994). Une revue récente de la littérature (Furmak et al., 1999) indique que la PS est plus
fréquente chez les femmes que chez les hommes, la proportion dans la population générale
étant approximativement de 1,5 pour 1. Par ailleurs, des études ont mis en évidence que la PS
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est un trouble chronique (sa durée moyenne étant d’environ 20 ans ; Öst, 1987; Moutier &
Stein, 1999) qui est associé à de moins bons résultats scolaires, à un niveau d’étude moins
élevé, ainsi qu’à un revenu moindre (Furmak et al., 1999; Magee et al., 1996). Ces
caractéristiques sont probablement des conséquences des symptômes liés au trouble. Par
conséquence des performances plus faibles et une moins bonne réussite professionnelle.
cas, on constate que la PS est généralement apparue en premier lieu, ce qui pourrait
simplement refléter l’âge relativement précoce de début de la PS. Toutefois, une explication
alternative est que certains troubles se développent en réponse à la détresse et aux déficits
engendrés par la PS (par ex., devenir déprimé suite à l’isolement social, abuser d’alcool afin
de faire face aux situations redoutées). Dans l’étude du NCS au Etats-Unis, 81% des
personnes atteintes de PS ont rapporté avoir eu au moins un autre trouble dans leur vie. Parmi
celles-ci, 18,9% ont rapporté avoir eu un seul autre trouble, 14,1% ont rapporté deux autres
troubles, et 48% trois autres troubles ; les troubles associés les plus fréquents étaient les
troubles de l’humeur (41,4%), les autres troubles anxieux (56,9%) et les troubles liés à l’abus
En résumé, les études portant sur la population générale on mis en évidence que la PS
est un des troubles psychiatriques les plus fréquents. Elle est plus fréquemment observée chez
les femmes et chez les jeunes. Ce trouble tend à avoir un début précoce, affecte de façon
quantitatives ?
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prévalence de la timidité (définie comme étant une anxiété et un inconfort dans les situations
sociales) étant de 40 à 50% dans la population générale (Carducci & Zimbardo, 1995;
Psychiatric Association, 1994). Plusieurs auteurs se sont interrogés sur les relations existant
conceptualiser ces relations est de postuler l’existence d’un continuum de timidité (Lang &
Stein, 2001) : il existerait des degrés divers de timidité, allant d’un niveau de timidité (faible à
modéré) considéré comme normal, à des degrés de timidité plus élevés qui se manifestent, par
évitante. Selon cette approche, les différentes étiquettes utilisées reflèteraient donc des
qu’il existe des différences qualitatives entre la timidité et les états pathologiques tels que la
les formes généralisée et spécifique de la PS devraient être considérées comme deux troubles
distincts. Cette proposition se fonde sur l’observation que les PS généralisée et spécifique
spécifique versus situations d’interaction pour la forme généralisée), à l’âge moyen de début
(plus précoce dans la forme généralisée), au profil des réponses physiologiques déclenchées
dans les situations sociales (réactivité cardiaque lors des situations de performance plus
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marquée pour la forme spécifique) et à leurs facteurs étiologiques (plus grande importance des
faveur de l’une ou l’autre de ces positions. Néanmoins, des travaux ont mis en évidence que la
PS et la timidité (évaluée à l’aide d’échelles telles que l’échelle de timidité de Cheek et Buss
par exemple; Cheek, 1983) ont de nombreux symptômes en communs. Tout d’abord, tant les
personnes timides que les personnes ayant une PS manifestent des symptômes physiologiques
(par ex., une augmentation du rythme cardiaque, des rougissements, une transpiration)
lorsqu’elles sont confrontées à des situations sociales (Beidel, Turner, & Dancu, 1985;
Pilkonis, 1977). En outre, des déficits dans les habiletés sociales, un évitement des situations
sociales, ainsi que des cognitions reflétant une peur des évaluations négatives d’autrui sont
présents aussi bien chez les personnes timides que chez les personnes ayant une PS
(Heimberg, Hope, Dodge, & Becker, 1990; Herbert, Hope, & Bellack, 1992; Ludwig &
Lazarus, 1983; Zimbardo, 1977). D’autres études ont trouvé que la timidité et la PS étaient
modérément à fortement corrélées (Stein & Chavira, 1998; Van Ameringen, Mancini, &
Oakman, 1998). Dans une étude de Chavira, Stein, et Malcarne (2002), 49% des personnes
très timides avaient également une PS, alors que seulement 18% des personnes ayant un
niveau de timidité moyen avaient une PS. Par ailleurs, la majorité des personnes
généralisée du trouble. Un trouble de personnalité évitante était également plus fréquent chez
les personnes très timides que chez les personnes moyennement timides (14% vs 4%,
respectivement), et plus fréquent dans la forme généralisée que dans la forme spécifique de la
PS (39% vs 16%, respectivement). Une fréquence plus élevée de personnes ayant une PS chez
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les personnes timides que chez celles qui ne le sont pas a également été rapportée dans une
Dans l’ensemble, ces travaux mettent clairement en évidence une relation entre la
sévérité de la timidité et la PS. Cette relation conforte l’hypothèse d’un continuum de timidité,
dans lequel un niveau de timidité plus important est indicatif d’une problématique d’anxiété
sociale plus importante, amenant à l’extrême à des cas pour lesquels un trouble psychiatrique
développer une PS : dans l’étude de Chavira et al. (2002) par exemple, seule la moitié des
individus très timides avait un diagnostic de PS généralisée. Dans cette étude, les individus
très timides avec ou sans PS se distinguaient les uns des autres par la présence ou l’absence de
comme étant une différence qualitative essentielle entre un état normal et un état
différences quantitatives concernant le niveau d’anxiété des personnes ainsi que la sévérité de
Etiologie
PS : des facteurs génétiques, le tempérament, l’influence des parents, des événements
aggravés par un mode de pensée problématique, par les émotions négatives et par des
comportements d’évitement (Kashdan & Herbert, 2001). Dans cette section, nous passerons
en revue les différents facteurs qui peuvent intervenir dans le développement et l’évolution de
la PS. Le rôle des facteurs cognitifs et des biais de traitement de l’information sera ensuite
développement de la PS. Tout d’abord, une large étude portant sur des jumeaux a trouvé un
taux de concordance de 24,4% pour les jumeaux monozygotes et de 15,3% pour les jumeaux
dizygotes (Kendler, Neale, Kessler, Heath, & Eaves, 1992). D’autres études ont mis en
évidence que les parents au premier degré de patients ayant une PS ont plus de risque de
développer ce trouble (Fyer, Mannuzza, Chapman, Liebowitz, & Klein, 1993; Stein et al.,
1998). Par exemple, dans l’étude de Stein et al. (1998), l’incidence de la PS généralisée était
10 fois plus importante chez les parents au premier degré d’individus atteints eux-mêmes de
PS. Dans une étude chez l’enfant, Mancini, Van Ameringen, Szatmani, Fugere, et Boyle
(1996) ont également trouvé une fréquence plus importante de PS parmi les enfants d’adultes
diagnostiqués PS. Bien que ces données soulignent l’existence d’une vulnérabilité génétique
dans la PS, on constate néanmoins que le majorité des parents au premier degré et la majorité
D’autres facteurs semblent donc être impliqués dans l’étiologie de la PS. Par ailleurs, comme
Des styles de tempérament ont également été proposés comme facteurs de risque pour
le développement de la PS. Comme nous l’avons noté précédemment, bien que l’âge moyen
de début de la PS soit d’environ 15 ans, des manifestations de timidité peuvent apparaître très
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tôt chez l’enfant. Kagan et ses collaborateurs ont utilisé le terme d’inhibition
comportementale (IC) pour décrire une prédisposition chez certains enfants à manifester de la
personnes non-familiers. Ces enfants constituent environ 20% des enfants sains. Lorsqu’ils
sont nourrissons, les individus IC tendent à être irritables et à avoir des troubles du sommeil
puis, lorsqu’ils sont jeunes enfants, ils manifestent de l’anxiété et évitent les situations et les
personnes inconnues (Kagan & Snidman, 1999). Il semble par ailleurs que les enfants IC
présentent une activation accrue de régions cérébrales situées dans l’hémisphère droit (le
gauche (le système d’approche; voir Davidson, 2002). De nombreuses études ont montré
l’existence d’un lien entre l’IC et le développement subséquent d’un trouble anxieux.
Hayward, Killen, Kraemer, et Taylor (1998) ont suivis un échantillon de 2242 étudiants
pendant 4 ans et ont trouvé que les étudiants qui rapportaient rétrospectivement une histoire
d’IC enfantine avaient 4 fois plus de risque de développer une PS que les enfants non-inhibés.
Van Ameringen, Mancini, et Oakman (1998) ont trouvé que, lors de l’admission à une
clinique spécialisée dans les troubles anxieux, les patients PS évaluaient rétrospectivement
une IC plus importante que les patients atteints d’autres troubles anxieux. Cependant, une
faiblesse de ces études est qu’elles se fondent sur l’utilisation de rapports rétrospectifs de l’IC
enfantine, rapports qui peuvent ne pas être un reflet exact de ce qu’était le tempérament réel
des sujets. Une évaluation plus directe des liens entre IC et PS a été effectuée par Schwartz,
Snidman, et Kagan (1999) dans une étude longitudinale portant sur 79 enfants de 13 ans qui
avaient été classés comme étant inhibés ou non-inhibés lorsqu’ils avaient 2 ans. Une PS
généralisée était plus fréquente chez les adolescents qui avaient été classés comme étant
inhibés que chez les adolescents classés non-inhibés (34% vs. 9%). Par contre, les adolescents
suggérant ainsi que les enfants inhibés sont particulièrement à risque pour le développement
d’une PS lors de l’adolescence. Néanmoins, l’IC ne permet pas non plus de rendre
(1999), seulement 34% des enfants IC ont développé une PS lors de l’adolescence. D’autres
facteurs sont donc à prendre en considération dans l’étiologie de la PS. Il est notamment
probable que certains modes d’éducation offerts par les parents puissent faciliter la survenue
du trouble et que certains événements de vie jouent un rôle de déclencheur chez des individus
Comme nous l’avons noté, des études montrent que les enfants de personnes ayant une
PS ont plus de risque de présenter eux-mêmes le trouble. Bien que cette association soit au
moins en partie d’origine génétique, il est également possible que les parents PS modélisent la
peur des situations sociales chez leurs enfants, leur fournissent des attentes négatives relatives
aux situations sociales et leur offrent moins d’occasions de vivre des expériences de
socialisation. Plusieurs études indiquent que l’environnement familial des personnes PS est
(Bruch & Heimberg, 1994; Lieb et al., 2000). Des expériences de rejet, de critiques, de
culpabilisation peuvent amener les enfants à craindre davantage d’être évaluer négativement
dans les situations sociales et ainsi à éviter ces situations (Bruch, 1989). Des études montrent
également que les parents des individus PS sont plus isolés socialement (Bruch & Heimberg,
1994; Caster, Inderbitzen, & Hope, 1999), ce qui amènerait l’enfant à participer moins
fréquemment à des activités socialisantes avec des proches ou des amis. Par ailleurs, il semble
que certaines expériences telles que par exemple rater un exposé en classe, être brutalisé,
nombreux adultes ayant une PS, et en particulier une PS spécifique, sont capables d’identifier
(Öst, 1985; Stemberger, Turner, Beidel, & Calhoun, 1995). Cependant, ces résultats doivent
être interprétés avec prudence, d’une part, parce que les patients PS pourraient avoir des
souvenirs déformés de ces épisodes négatifs et, d’autre part, parce que les événements
rapportés pourraient être des manifestations précoces du trouble plutôt qu’un facteur
déclenchant. De plus, ce type d’événements traumatiques ne peuvent pas expliquer à eux seuls
le développement de la PS car il a été observé que 20% des sujets sains rapportent avoir vécu
des expériences sociales traumatiques sans pour autant avoir développé une PS (Stemberg et
al., 1995). Les expériences sociales traumatiques semblent néanmoins pouvoir faciliter le
développement d’une PS, principalement chez les personnes qui ont une vulnérabilité
préalable (Mineka & Zinbarg, 1995), que celle-ci soit la conséquence de facteurs génétiques,
de la PS : des facteurs génétiques, le style de tempérament de l’individu, les relations avec ses
parents et les expériences sociales qu’il a vécues. Bien que ces différentes variables soient
associées à la PS, aucune n’est suffisante ni nécessaire à son développement. Ces variables
Becker (2002), une même condition (la PS) peut résulter de causes diverses. Pour l’exprimer
simplement, des variables génétiques et l’IC constituent des facteurs de risque qui
Les théories cognitives des troubles anxieux se fondent sur l’idée que des croyances
dysfonctionnelles et des biais dans le traitement de l’information (c’est à dire la manière dont
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un individu appréhende les stimuli provenant de son environnement interne ou externe) jouent
un rôle essentiel dans le développement et/ou le maintien de l’anxiété. De façon générale, les
modèles cognitifs ont proposé que les troubles anxieux sont sous-tendus par des biais dans le
traitement des informations menaçantes, c’est à dire par un traitement préférentiel des
informations perçues comme constituant une menace pour la sécurité et le bien être de
l’individu. Dans le cas particulier de la PS, la menace concerne la crainte d’être évalué
Clark et Wells (1995; voir aussi Clark & McManus, 2002) ont décrit une série de biais
dans le traitement de l’information qui conduisent les patients PS à percevoir les situations
facteurs prédisposant (voir la section précédente), les patients PS ont développé une série de
croyances problématiques se rapportant à eux-mêmes ainsi qu’à leur univers social. Ces
performances attendus dans les situations sociales : par exemple, « je ne dois
monde »
exemple, « si je fais une erreur, les autres vont me rejeter », « si je suis en
désaccord avec quelqu’un, les autres vont penser que je suis stupide »
Ces croyances conduisent les patients PS à estimer que les situations sociales sont
source de danger, ce qui suscite un état d’anxiété lors de la confrontation à ces situations. Les
auteurs décrivent ensuite une série de processus qui tendent à perpétuer les croyances
Selon Clark et Wells, lors des situations sociales, les patients PS focalisent leur
attention sur eux-mêmes au lieu d’examiner la situation à laquelle ils sont confrontés. Cette
orientation de l’attention vers soi amène les patients à développer une perception aiguë de
des comportements d’autrui et de la situation sociale dans son ensemble. En outre, les patients
PS utilisent les informations internes perçues suite à la focalisation sur soi (leur sensation
d’anxiété, les images qu’ils se font de leur apparence) afin d’essayer de se représenter la
manière dont ils sont perçus par les autres. En d’autres termes, au lieu d’observer de façon
minutieuse le comportement des personnes avec lesquelles ils interagissent afin de détecter
des indices qui leur permettraient d’évaluer ce que l’on pense d’eux, les patients PS observent
leurs propres comportements et émotions (et en particulier les aspects négatifs de ceux-ci) et
en déduisent que ces informations reflètent ce que les autres pensent d’eux. Par exemple, les
patients PS assimilent la sensation d’être humilié au fait d’être humilié et confondent leur
sentiment d’anxiété avec le fait d’être perçu extérieurement comme étant anxieux. Ainsi, un
patient peut avoir l’impression qu’il tremble fortement et supposer que les autres doivent voir
que sa main tremble violemment alors qu’en réalité les autres ne perçoivent qu’un léger
tremblement ou ne perçoivent même rien d’anormal. Enfin, bien que les patients PS focalisent
leur attention sur eux-mêmes plutôt que sur les autres et la situation, l’environnement externe
est tout de même traité en partie et, selon Clark et Wells, les indices sociaux externes
menaçants seront traités en priorité. Par exemple, les patients PS portent sélectivement leur
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attention sur les signes de désapprobations et ont tendance à interpréter les situations
Par ailleurs, lorsqu’ils se trouvent dans des situations sociales, les patients PS utilisent
qu’ils redoutent et à réduire le risque d’une évaluation négative. Par exemple, un patient qui a
peur que sa main tremble lorsqu’il boit va remplir son verre à moitié et va le tenir fermement
lorsqu’il le porte à ses lèvres. Un autre patient qui redoute de paraître stupide dans ses
interactions sociales va par exemple essayer de mémoriser une conversation dans les
moindres détails afin de s’assurer qu’elle ne répète pas deux fois la même chose. Ce type de
patients PS de deux façons. Tout d’abord, lorsque la catastrophe redoutée ne se produit pas,
les patients l’attribuent à la mise en place de leurs comportements sécurisants plutôt qu’à une
part d’autrui. Par exemple, le fait de focaliser son attention sur soi et d’essayer de mémoriser
l’ensemble d’une conversation peut donner l’impression qu’un patient est distant et
désagréable.
menaçantes et l’utilisation de comportements sécurisants sont mis en œuvre par les patients
PS dès l’instant où ils se trouvent confrontés à une situation sociale. Clark et Wells ont aussi
décrit des distorsions dans le traitement de l’information qui se produisent avant et après
l’expérience d’une situation sociale. Dans la période qui précède la situation, les patients PS
présentent une anxiété anticipatoire marquée et passent en revue de façon détaillée ce qui
pourrait leur arriver. Au cours de ce processus, leurs pensées sont dominées par des souvenirs
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d’échecs passés et par des images négatives d’eux-mêmes. Dans certains cas, ce type de
ruminations peut amener les patients à éviter une situation sociale. Lorsqu’ils s’y confrontent
néanmoins, leurs ruminations font qu’ils s’attendent à encourir une expérience d’échec et de
façon détaillée. Cette remémoration est centrée autour de la perception négative de soi, des
sensations d’anxiété et des mauvaises performances des patients car ce sont ces aspects qui
ont été préférentiellement traités lors de la situation. Par conséquent, l’interaction est
généralement perçue comme étant nettement plus négative qu’elle ne l’était en réalité. Ces
façon négative et à faire des prédictions négatives concernant leurs performances futures, ce
En résumé, selon Clark et Wells, les patients PS possèdent une série de croyances
erronées qui les amènent à percevoir les situations sociales comme étant dangereuses.
Lorsqu’ils sont confrontés à ce type de situation, ils focalisent leur attention sur eux-mêmes
plutôt que sur la situation externe, utilisent des comportements sécurisants et traitent
anticipatoire des situations sociales ainsi que leur remémoration sont également centrées
Clark et Wells (1995), dans lequel les auteurs décrivent une série de processus impliqués dans
la génération et le maintien de l’anxiété éprouvée lors des situations sociales. Selon Rapee et
Heimberg, le modèle décrit les mécanismes mis en oeuvre chez toute personne qui éprouve de
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l’anxiété dans une situation sociale à un moment donné et non pas uniquement chez les
patients PS. En effet, les auteurs considèrent que la timidité, la phobie sociale et la
personnalité évitante ne sont pas qualitativement distinctes. Il s’agit plutôt d’états se situant à
différents niveaux le long d’un continuum de gravité des peurs et préoccupations concernant
Selon Rapee et Heimberg, lorsqu’une personne se trouve dans une situation sociale,
elle se forme une représentation mentale de son apparence et de son comportement, tels
qu’elle estime qu’ils sont perçus par les autres personnes impliquées dans la situation. Cette
représentation ne porte pas sur la manière dont l’individu se perçoit lui-même en réalité mais
plutôt sur la manière dont il pense que les autres le perçoivent, dans la situation particulière à
représentation de soi. Tout d’abord, l’individu possède une image pré-existante de lui-même,
stockée en mémoire à long terme, basée sur des images de son apparence réelle (par ex.,
images dans un miroir, photos) ainsi que sur ses expériences préalables dans les situations
sociales (par ex., les feedbacks qu’il a reçu d’autrui). Ces informations stockées en mémoire
fournissent à l’individu une « image de base » qui est ensuite constamment remodelée en
fonction des indices internes et externes perçus dans la situation particulière à laquelle il est
confronté. Par exemple, les informations proprioceptives fournissent à l’individu des données
concernant sa posture et ses mouvements alors que les informations provenant du système
nerveux autonome le renseignent sur les aspects potentiellement visibles de son anxiété tels
que la transpiration ou le rougissement. Des indices externes tels que les signaux verbaux et
non-verbaux émis par les personnes avec lesquelles la personne interagit peuvent également
la personne n’est donc pas figée mais est au contraire constamment mise à jour en fonction
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fonction de ses préoccupations. Par exemple, si une personne craint d’avoir l’air crispée, toute
par les autres est davantage négative pour les patients PS que pour les personnes qui ne
présentent pas d’anxiété sociale. Les patients PS ont en effet tendance à se focaliser et à
exagérer les aspects négatifs de l’image de soi, aspects qu’ils perçoivent comme hautement
susceptibles d’engendrer des critiques ou moqueries de la part d’autrui. Par ailleurs, les
part d’autrui (par ex., un froncement des sourcils ou des manifestations d’ennui). En
pour la réalisation de tâches cognitives complexes, ce qui peut entraîner des perturbations
tels qu’ils sont supposés être perçus par autrui, l’individu formule des prédictions quant aux
performances que les autres attendent de lui dans la situation à laquelle il est confrontée. Ces
prédictions varient en fonction des caractéristiques des personnes avec lesquelles l’individu
confrontation avec des personnes jugées importantes dans le cadre d’une situation formelle
conduit à prédire des standards de performance plus élevés que lors d’une interaction avec des
des réactions des personnes avec lesquelles l’individu interagit et des demandes de la
situation.
Afin d’éviter d’être évalué négativement dans une situation sociale, l’individu estime
qu’il doit se comporter d’une manière qui correspond à ce qu’on attend de lui dans cette
situation. Afin de vérifier que c’est le cas, il va comparer sa représentation de ce que les autres
comparaison lui fournit ainsi une estimation de la manière dont les autres perçoivent ses
actuelles s’écarte des normes attendues de performances, une évaluation négative est jugée
risque d’une évaluation négative et de ses conséquences entraîne de l’anxiété, dans ses aspects
et comportementaux (par ex., éviter de regarder dans les yeux, réduire la fréquence de prise de
conséquences sont perçus comme étant importants, plus l’anxiété sera élevée. Comme nous
l’avons souligné, étant donnée que les patients PS se focalisent davantage sur les aspects
négatifs de l’image de soi, le risque perçu d’une évaluation négative et l’anxiété qui en
découle seront plus importants que chez les personnes non-anxieuses. Les réponses anxieuses
va être intégrée dans la représentation de soi et l’individu va se focaliser sur ces aspects
Dans l’ensemble, le modèle de Rapee et Heimberg est assez proche de celui de Clark
construction d’une image de l’apparence que la personne est supposée fournir à autrui, du
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Heimberg décrit de façon plus détaillée les processus qui sont impliqués dans la génération de
Comme nous venons de le décrire, les modèles cognitifs de la PS se fondent donc sur
nombreuses études expérimentales se sont attachées à examiner la présence de tels biais aux
mémoire. Deux stratégies de recherche ont été utilisées : certaines études ont utilisé une
population clinique de patients diagnostiqués PS et ont comparé ces patients à des sujets non-
anxieux et/ou à des patients présentant un autre trouble ; d’autres études ont comparé des
sujets tout-venants qui présentent des scores faibles versus élevés à une échelle d’anxiété
sociale telle que « l’échelle de peur de l’évaluation négative » (« Fear of Negative Evaluation
Scale », Watson & Friend, 1969 ; voir Musa, Kostogianni, & Lépine, 2004 pour une version
française de cette échelle). Cette seconde stratégie se fonde sur l’idée que l’anxiété sociale est
distribuée de façon continue dans la population générale de sorte que la comparaison, au sein
d’une population non-clinique, de personnes présentant des scores faibles versus élevés
d’anxiété sociale peut permettre d’identifier les processus impliqués dans la PS. La validité de
cette stratégie a été soulignée par Stopa et Clark (2001) qui concluent sur base d’une revue de
la littérature que les processus qui différencient les sujets ayant des scores faibles versus
élevés d’anxiété sociale sont essentiellement les mêmes que ceux qui différencient les patients
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PS des sujets contrôles non-cliniques. Dans ce chapitre, nous présenteront donc non
seulement les études ayant examiné les différences de traitement de l’information chez les
patients PS mais aussi celles qui ont comparé des sujets tout-venant classés selon leur niveau
d’anxiété sociale. Le type de population utilisé dans chaque étude sera toutefois précisé.
Biais attentionnels
Les premières études qui ont examiné la présence de biais attentionnels dans la PS ont
utilisé le Stroop émotionnel. Dans cette tâche, on présente aux sujets une série de mots écrits
en différentes couleurs et variant selon leur signification émotionnelle (par ex., mots négatifs
vs neutres). Les sujets doivent essayer d’ignorer le contenu sémantique des mots afin de
nommer le plus rapidement possible la couleur dans laquelle sont écrits les mots. Le temps
nécessaire pour nommer la couleur des différents types de mots (par ex., négatifs vs. neutres)
est comparé et l’on considère qu’un temps de réponse plus long signifie que le contenu
sémantique des mots perturbe davantage le traitement de la couleur. Cet effet d’interférence
est interprété comme reflétant une plus forte attraction de l’attention par le contenu
sémantique des mots. Par exemple, l’observation de temps de réponse plus long pour nommer
la couleur de mots négatifs que pour nommer la couleur de mots neutres signifierait que
l’attention des sujets était davantage attirée par le contenu sémantique des mots négatifs.
Hope, Rapee, Heimberg et Dombeck (1990) ont présenté des mots ayant une
connotation sociale menaçante (par ex., « ennuyeux », « ridicule »), des mots ayant une
connotation physique menaçante (par ex., « mortel », « ambulance »), ainsi que des mots
neutres (par ex., « récit », « sport ») à des patients PS et à des patients présentant un trouble
panique. Ces auteurs ont observé que les patients PS mettent plus de temps pour nommer la
couleur des mots socialement menaçants que pour nommer celle des mots neutres. Les temps
de réponses pour les mots physiquement menaçants et pour les mots neutres étaient par contre
22
équivalents. Les patients présentant un trouble panique, en revanche, mettaient plus de temps
pour nommer la couleur des mots physiquement menaçants que celle des mots neutres, mais
pas plus de temps pour nommer la couleur des mots socialement menaçants par rapport à celle
des mots neutres. Ces résultats indiquent que les patients PS sont spécifiquement perturbés
par les mots socialement menaçants, alors que les patients présentant un trouble panique sont
perturbés par les mots physiquement menaçants mais pas par les mots socialement menaçants.
Cet effet d’interférence spécifique aux mots socialement menaçants chez les patients PS a été
répliqué dans des études ultérieures (Becker, Rinck, Margraf, & Roth, 2001; Lundh & Öst,
1996b; Maidenberg, Chen, Craske, Bohn, & Bystritsky, 1996; Mattia, Heimberg, & Hope,
1993). Spector, Pecknold, et Libman (2003) ont par ailleurs trouvé que les patients PS
présentent un effet d’interférence plus marqué pour des mots décrivant des symptômes
d’anxiété visibles extérieurement (par ex., « rougissement ») que pour des mots décrivant des
symptômes d’anxiété moins visibles (par ex., « paralysé ») alors que ce n’était pas le cas pour
les sujets non-anxieux. Dans l’ensemble, ces travaux suggèrent que l’attention des patients PS
est attirée par les stimuli menaçants spécifiquement liés à leurs préoccupations, à savoir la
crainte des évaluations négatives. Par ailleurs, Maidenberg et al. (1996) ont montré que l’effet
d’interférence chez les patients PS se produit pour des mots socialement menaçants mais pas
pour des mots socialement positifs, démontrant ainsi que ce n’est ni la valeur émotionnelle
des stimuli en tant que telle ni leur contenu social qui produit un effet d’interférence mais
Une augmentation des temps de réponses pour les mots socialement menaçants chez
les patients PS n’a cependant pas été observée dans certaines conditions. En effet, Amir et al.
(1996) ont trouvé que l’allongement des temps de réponse pour les mots socialement
menaçants disparaît lorsqu’un état d’anxiété est induit chez les patients PS préalablement à la
23
réalisation de la tâche1. Par ailleurs, Amir, Freshman, et Foa (2002) ont comparé l’effet
d’interférence pour des séries de stimuli qui comportaient différentes proportions de mots
menaçants, de mots positifs et de non-mots. Deux types de séries étaient présentés : une série
qui comprenait deux tiers de mots (dont la moitié étaient socialement menaçants et l’autre
moitié positifs) et un tiers de non-mots (XXXX), et une série qui comprenait un tiers de mots
et deux tiers de non-mots. Amir et al. (2002) ont observé que l’effet d’interférence induit par
les mots menaçants chez les patients PS est plus marqué pour la liste comprenant une faible
proportion de mots que pour la liste comprenant une forte proportion de mots. Selon les
auteurs, les résultats de ces deux études (Amir et al., 1996, 2002) indiquent que les patients
PS sont capables d’utiliser des processus contrôlés afin d’inhiber l’attraction de leur attention
par les stimuli socialement menaçants. Lorsque la proportion de mots menaçants par rapport
aux mots non-menaçants (ou aux non-mots) est relativement faible, ces processus contrôlés
plus marqué. Au contraire, l’induction d’un état d’anxiété amène les patients PS à essayer
davantage d’éviter la menace, ce qui expliquerait la disparition de l’effet d’interférence par les
mots menaçants suite à une induction d’anxiété. Cette interprétation s’accorde au modèle en
deux étapes des biais attentionnels dans l’anxiété qui propose que les sujets anxieux se
caractérisent par une attraction rapide et automatique de l’attention par la menace, suivie par
la mise en place de processus contrôlés dirigeant l’attention à l’écart de la menace dans le but
de réduire le niveau d’anxiété (Mogg, Bradley, Bono, & Painter, 1997; Williams, Watts,
Comme nous l’avons noté, les effets obtenus dans les études qui ont utilisé le Stroop
émotionnel sont en général interprétés comme reflétant une capture de l’attention par
1
Comme dans la plupart des études portant sur la PS, l’état d’anxiété était induit en disant aux patients qu’ils
vont devoir faire un discours en public après avoir réaliser la tâche expérimentale et en leur précisant que leur
discours sera évalué.
24
également impliquer d’autres processus (voir Kane & Engle, 2003), de sorte que certains
auteurs ont critiqué l’utilisation de cette tâche en tant que mesure des biais attentionnels liés à
l’anxiété. Afin d’éviter ces problèmes d’interprétation, d’autres études ont utilisé la tâche de
détection de point (« dot-probe task») qui mesure plus directement l’allocation de l’attention.
Dans cette tâche, les sujets voient deux stimuli qui sont présentés simultanément à droite et à
gauche (ou en haut et en bas) du centre d’un écran d’ordinateur. Directement après l’affichage
des stimuli à l’écran, un point apparaît à l’endroit où se trouvait l’un des deux stimuli. Les
sujets doivent presser un bouton dès qu’ils ont détecté la localisation du point. Généralement,
les deux stimuli présentés varient quant à leur signification émotionnelle. L’allocation de
l’attention vers ou à l’écart de certains stimuli est mesurée indirectement par le temps de
réaction nécessaire à la détection du point : par exemple, des temps de réaction rapides pour
les points apparaissant à l’endroit des mots menaçants et des temps de réaction faibles pour
les points apparaissant à l’endroit des mots neutres reflètent une attraction de l’attention par
les mots menaçants. Asmundson et Stein (1994) ont montré que les patients PS détectent plus
rapidement les points lorsque ceux-ci sont précédés par des mot socialement menaçants que
par des mots physiquement menaçants ou par des mots neutres. Musa, Lépine, Clark, Mansell,
et Ehlers (2003) ont également trouvé un biais attentionnel pour les mots socialement
menaçants chez les patients PS dans cette tâche de détection de point. Par ailleurs, ces auteurs
observent que la présence d’un état dépressif en plus d’une PS élimine le biais attentionnel
envers les mots socialement menaçants. Selon Musa et al. (2003), les déficits motivationnels
menaçants.
Dans l’ensemble, les études sur le Stroop émotionnel et les études de détection de
point démontrent que la PS est associée à un biais attentionnel spécifique pour les
informations sociales menaçantes. Cependant, Clark et Wells (1995) notent qu’une attention
25
sélective envers des mots menaçants reflète davantage les préoccupations mentales des
patients plutôt que le traitement des indices sociaux externes. En effet, bien que les mots
présentés puissent être considérés comme des stimuli externes en ce sens qu’ils ne sont pas
générés par les sujets eux-mêmes, leur contenu (par ex., « stupide », « ennuyeux ») porte
généralement sur l’image de soi, de sorte que l’attention portée à ces mots peut être
considérée comme un indice de l’attention portée aux représentations internes négatives de soi
plutôt qu’à la menace externe. En conséquence, d’autres études ont utilisé des stimuli qui sont
plus proches des stimuli sociaux externes rencontrés dans la vie quotidienne, tels que des
Mansell, Clark, Ehlers et Chen (1999) ont utilisé une tâche de détection de point qui
consistait en des paires d’images comportant un visage (avec une expression positive,
négative, ou neutre) et un objet ménager (par ex., une horloge, un divan, un téléphone). Cette
tâche était présentée à des sujets tout-venant présentant des scores faibles ou élevés à une
échelle d’anxiété sociale. Pour la moitié des sujets, un état d’anxiété était induit préalablement
à la réalisation de la tâche par l’anticipation d’un discours. Les résultats de cette étude mettent
en évidence que, par rapport aux sujets faiblement anxieux socialement, les sujets fortement
anxieux présentent un biais attentionnel à l’écart des visages émotionnels (tant positifs que
négatifs) mais uniquement lorsqu’ils s’attendent à devoir faire un discours. Il n’y avait pas de
différence entre les groupes en ce qui concerne l’attention portée aux visages neutres. Des
résultats similaires ont été rapportés par Chen, Ehlers, Clark, et Mansell (2002) avec une
population de patients PS : les patients identifent plus rapidement le point lorsque celui-ci
apparaît à l’endroit où se trouvaient les objets ménagés plutôt qu’à l’endroit où se trouvaient
les visages. Toutefois, dans cette étude, un biais attentionnel à l’écart des visages était présent
pour tous les types de visages (positifs, négatifs, neutres) et non plus uniquement pour les
visages émotionnels comme c’était le cas dans l’étude de Mansell et al. (1999). Par ailleurs, le
26
biais était présent chez les PS bien que ceux-ci ne s’attendaient pas à devoir donner un
discours, alors que dans l’étude de Mansell et al. les sujets fortement anxieux socialement
évitaient les visages uniquement lorsqu’un état d’anxiété était induit. Les auteurs estiment
néanmoins que, bien qu’un état d’anxiété n’était pas explicitement induit, le contexte
expérimental de l’étude (interview diagnostique sur la PS, rencontre avec des inconnus,
instructions spécifiant de faire la tâche rapidement et sans erreurs) peut avoir activé les
préoccupations d’évaluation négative chez les patients PS. Malgré quelques différences dans
les résultats, ces deux études suggèrent donc que l’anxiété sociale est associée à un évitement
attentionnel des visages. Par ailleurs, une étude récente montre que les patients PS ont
tendance à éviter de regarder les yeux (une caractéristique faciale particulièrement importante
dans le signalement de la menace sociale) lorsqu’ils observent des visages (Horley, Williams,
Gonsalvez, & Gordon, 2003). Ces résultats appuient le modèle de Clark et Wells (1995) qui
l’attention portée aux indices sociaux externes. Ces résultats ne soutiennent par contre pas
l’idée que l’anxiété sociale est associée à un biais attentionel pour les indices externes de
menace sociale. En effet, selon cette hypothèse, on devrait observer une orientation de
l’attention vers les visages menaçants dans la PS, plutôt qu’un évitement de ceux-ci.
D’autres études amènent cependant à revoir ces conclusions. Tout d’abord, Mogg et
Bradley (2002) ont utilisé une tâche de détection de point qui consiste en la présentation
stimuli) de paires de visages variant selon leur expression émotionnelle. Ces auteurs ont
trouvé que les sujets non-cliniques ayant un score élevé à une échelle d’anxiété sociale
présentent un biais attentionnel vers les visages qui ont une expression menaçante. Par
ailleurs, Gilboa-Schechtman, Foa, et Amir (1999) ont présenté des ensembles de 12 visages :
dans certains cas tous les visages sont identiques, alors que dans d’autres cas, un des visages a
27
une expression émotionnelle différente de celle des autres visages. La tâche des sujets est
d’indiquer la présence ou l’absence d’un visage différent parmi l’ensemble des visages. Les
auteurs ont trouvé que les patients PS détectent plus rapidement un visage menaçant qu’un
visage joyeux se trouvant dans un ensemble de visages neutres, par rapport aux sujets
contrôles. Enfin, Veljaca et Rapee (1998) ont réalisé une étude montrant que les sujets
anxieux sociaux détectent plus d’indices sociaux négatifs et moins d’indices sociaux positifs
que les sujets non-anxieux dans une situation plus proche des situations sociales rencontrées
dans la vie quotidienne. Des sujets présentant des scores haut ou faible à une échelle d’anxiété
sociale devaient faire un discours face à trois personnes. Ces personnes manifestaient au cours
du discours des signes positifs (par ex., sourire, approbation de la tête) et des signes négatifs
(par ex., avoir l’air endormi, bâillement, regarder sa montre). Les sujets avaient pour
instruction de détecter les comportements positifs et négatifs manifestés par les personnes au
cours de leur discours et devaient appuyer sur un bouton chaque fois qu’ils détectaient un
comportement positif et sur un autre bouton chaque fois qu’ils détectaient un comportement
négatif. Les résultats montrent que les sujets anxieux socialement détectaient plus de
comportements négatifs et moins de comportements positifs que les sujets peu anxieux
socialement.
Ces résultats peuvent au premier abord paraître en contradiction avec ceux rapportés
par Mansell et al. (1999) et Chen et al. (2002), à savoir un évitement des visages dans la PS.
d’abord, les études diffèrent quant au temps de présentation des stimuli : les stimuli étaient
présentés pendant un temps relativement long (500 msec) dans les études de Mansell et al.
(1999) et de Chen et al. (2002) et pendant un temps plus court (17 msec) dans l’étude de
Mogg et Bradley (2002 ; dans cette étude, les visages étaient par ailleurs suivis par un masque
Bradley, une explication possible des divergences de résultats est que la direction des biais
possible que l’anxiété sociale soit associée à une orientation rapide, automatique, vers la
menace, suivie d’un évitement subséquent de la menace de sorte que les patients PS peuvent
avoir leur attention automatiquement capturée par les indices socialement menaçants comme
c’est le cas dans l’étude de Mogg et Bradley qui a utilisée une présentation subliminale des
stimuli. Le biais attentionnel rapporté dans la tâche Gilboa-Schechtman et al. (1999) et dans
celle de Veljaca et Rapee (1998) serait également sous-tendu par des processus de détection
rapide de la menace. Il est néanmoins possible que les patients PS ont tendance, dans un
second temps, à écarter leur attention des indices sociaux menaçants (par exemple, à éviter les
visages comme le suggèrent les résultats de Mansell et al. et de Chen et al.), dans le but de
réduire l’inconfort subjectif lié à la perception de la menace. Cette explication fondée sur un
modèle en deux étapes des processus attentionnels dans la phobie sociale est similaire à celle
fournie par Amir et al. (2002) concernant les études qui ont utilisées le Stroop émotionnel.
Néanmoins, Mogg, Philippot, et Bradley (2003) ont récemment rapporté une étude qui met en
utilisant un temps de présentation des stimuli qui était identique à celui utilisé par Mansell et
al. (1999) et Chen et al. (2002). Les auteurs ont administré aux participants (PS et de contrôle)
une tâche de détection de points dans laquelle des paires de visages comportant un visage
neutre et une visage avec une expression de joie ou de colère étaient présentées pendant 500
ou 1250 msec. Dans cette recherche, les patients PS présentaient une vigilance envers la
menace à 500 msec mais pas à 1250 msec. Contrairement aux études de Mansell et al. (1999)
et de Chen et al. (2002), les patients PS orientaient donc leur attention vers les visages
menaçants à 500 msec. Cependant, une différence entre les études tient dans le fait que
Mansell et al. (1999) et Chen et al. (2002) ont présenté des paires comprenant un visage et un
29
objet ménager alors que Mogg et al. (2003) ont présenté des paires comprenant deux visages.
Selon Mogg et al., la PS serait associée à une vigilance automatique envers les indices sociaux
menaçants mais lorsque survient la possibilité d’orienter l’attention vers des indices non-
sociaux (tels que les objets ménagers utilisés dans les études de Mansell et al. et Chen et al.)
plutôt que vers des visages, cette vigilance pourrait être inhibée par un mécanisme sous-
Un travail récent d’Amir, Elias, Klumpp, et Przeworski (2003) a amené ces auteurs à
formuler une autre proposition concernant les mécanismes impliqués dans les biais
attentionnels associés à la PS. Les sujets voyaient deux rectangles se situant à droite et à
gauche d’un écran d’ordinateur. Un mot (positif, négatif, ou neutre) apparaissait ensuite dans
un des deux rectangles. Un indice apparaissait ensuite dans un des deux rectangles et la tâche
des sujets était d’indiquer le plus rapidement possible si l’indice était présenté dans le
rectangle de droite ou dans le rectangle de gauche. Dans la majorité des cas, l’indice
apparaissait dans le même rectangle que le mot préalablement présenté. Cependant, dans
d’autres cas, l’indice apparaissait dans l’autre rectangle. Les résultats de cette étude ont
montré que les patients PS mettent plus de temps que les sujets de contrôle pour répondre aux
indices présentés dans le carré opposé à celui où ont été présentés des mots socialement
menaçants. Selon Amir et al. (2003), ces données indiquent que les patients PS présentent une
difficulté à désengager leur attention des stimuli socialement menaçants, ce qui semble en
menace suivie d’un évitement. Cependant, comme nous l’avons déjà noté, l’utilisation de
mots comme stimuli renseigne probablement davantage sur l’attention portée aux
conséquence, des études futures utilisant d’autres stimuli tels que des visages seraient
30
nécessaire afin d’examiner dans quelle mesure les résultats d’Amir et al. peuvent être
Selon le modèle de Clark et Wells (1995), une caractéristique importante des patients
PS consiste en une focalisation de l’attention sur soi (par ex., son apparence, comportement,
réactions physiques) plutôt que sur la situation extérieure lorsqu’ils sont confrontés à une
situation sociale. Plusieurs études ont en effet rapporté des corrélations significatives entre
l’anxiété sociale et la tendance à focaliser l’attention sur soi telle qu’évaluée par des échelles
de conscience de soi (Hope & Heimberg, 1988; Monfries & Kafer, 1994; Saboonchi &
Lundh, 1997). Hope, Heimberg, et Klein (1990) ont également trouvé que les sujets ayant une
anxiété sociale élevée présentent des scores plus élevés à une échelle de conscience de soi que
les sujets ayant une anxiété sociale faible lors d’une interaction sociale, telle qu’une
conversation avec un étranger (voir aussi Mellings & Alden, 2000). Cependant, ces études
basées sur l’utilisation de questionnaires ne fournissent que des preuves indirectes en faveur
de la présence d’une attention accrue pour les indices internes dans la PS car elles se basent
sur une évaluation subjective plutôt que sur une mesure directe de la tendance à se focaliser
sur soi. Mansell, Clark, et Ehlers (2003) ont récemment mis au point un paradigme qui permet
simultanément l’attention portée aux informations internes et externes. Les sujets doivent
détecter deux types d’indices alors qu’on leur présente une série d’images représentant des
visages ou des objets ménagers : des indices externes consistant en une lettre surimposée aux
images et des indices internes consistant en une vibration appliquée au bout de leur doigt. On
fait croire aux sujets que la vibration constitue une mesure de leur réaction physiologique. Par
rapport aux sujets ayant une anxiété faible des discours, les sujets ayant une forte anxiété des
discours présentent un biais attentionnel pour les indices internes, mais uniquement lorsqu’un
état d’anxiété est induit par l’attente de devoir faire un discours ultérieurement. Les résultats
31
de cette étude sont donc en accord avec l’idée que les personnes PS donnent priorité au
Dans l’ensemble, les résultats concernant la présence de biais attentionnels pour les
informations sociales menaçantes dans la PS varient selon le niveau d’anxiété induit lors de la
tâche, le temps de présentation des stimuli et le type de stimuli utilisés (mots vs. visages). Des
niveau de traitement impliqué dans les tâches (détection et orientation initiale de l’attention,
deux temps des biais attentionnels (Mogg et al., 1997; Williams et al., 1997). L’anxiété
sociale serait tout d’abord associée à une détection accrue des informations sociales négatives.
En revanche, une fois qu’elles estiment qu’elles sont en train d’échouer à donner à autrui
l’impression qu’elles désirent (lorsque l’anxiété surgit), les personnes PS orienteraient leur
attention à l’écart des indices sociaux afin de tenter de réduire leur anxiété. L’attention serait
La manière d’interpréter une situation sociale ainsi que ses conséquences potentielles
influence la probabilité de se confronter à cette situation. Par ailleurs, le sens attribué à une
information affecte également l’attention portée à celle-ci ainsi que son élaboration en
mémoire. Les situations sociales impliquent souvent des éléments d’incertitude et fournissent
des indices qui peuvent être interprétés de diverses manières, de sorte qu’elles forment un
32
terrain propice aux interprétations erronées. Les modèles cognitifs de la PS proposent que les
patients PS ont tendance à interpréter de façon excessivement négative les situations sociales
qui ont étudié la présence de ces biais de jugement et d’interprétation des informations
sociales chez les patients PS. Les biais de jugement consistent en une surestimation de la
probabilité d’occurrence d’un événement et/ou de ses conséquences (par ex., « Quel est la
probabilité que je sois impliqué dans un accident de voiture ? Et dans quelle mesure cet
événement aurait des conséquences négatives ? »). Les biais d’interprétation quant à eux
consistent en une interprétation négative des événements ambigus (par ex., « Pour quelle
Il semble tout d’abord que les patients PS présentent des biais de jugement en ce sens
qu’ils tendent à surestimer l’occurrence des événements sociaux négatifs ainsi que la
probabilité des conséquences négatives de ces événements. Dans une étude de Lucock et
Salkovskis (1988), les sujets devaient évaluer la probabilité que divers événements sociaux et
non-sociaux positifs et négatifs puissent leur arriver dans le futur. Les patients PS jugeaient
plus probables les événements sociaux négatifs et moins probables les événements positifs
(qu’ils soient sociaux ou non) par rapport aux sujets de contrôle. En revanche, la probabilité
estimée des événements négatifs non-sociaux ne différait pas entre les deux groupes. Foa,
Franklin, Perry, et Herbert (1996) ont également trouvé que les patients PS jugent plus
probable l’occurrence des événements sociaux négatifs que les sujets non-anxieux mais pas
celle des événements négatifs non-sociaux. En outre, les patients PS estiment que les
événements sociaux négatifs, mais pas les événements non-sociaux, engendreraient des
également été rapportée par McManus, Clark, et Hackmann (2000). Dans une étude de
des événements sociaux positifs. De plus, ils s’attendaient à ce que l’impact de ces
événements négatifs soit plus marqué (que leur réaction émotionnelle soit plus intense et dure
plus longtemps, qu’ils aient plus de réactions physiques, et que leur estime d’eux-mêmes en
soit plus affectée) par rapport aux sujets non-anxieux. En ce qui concerne l’impact des
événements positifs, bien que les patients PS ne différaient pas des sujets non-anxieux quant à
l’estimation de l’intensité de leur réaction émotionnelle, ils s’attendaient à ce que leur réaction
dure plus longtemps et ils s’attendaient aussi à ce que leur réaction physique soit plus
marquée et que leur estime d’eux-mêmes soit davantage augmentée suite à ces événements.
Ces données suggèrent que les patients PS s’attendent à avoir des réactions plus marquées non
seulement pour les événements sociaux négatifs mais aussi pour les événements sociaux
positifs. Néanmoins, dans cette étude, les patients PS s’attendaient aussi à avoir davantage de
réactions négatives face aux événements sociaux positifs et à ce que ces réactions soient plus
intenses par rapport aux sujets non-anxieux. Enfin, Uren, Szabo et Lovibond (2003) ont
ainsi que des conséquences probables de ces situations dans la PS et dans le trouble panique.
négatives des événements socialement menaçants mais pas des événements physiquement
menaçants. Chez les patients ayant un trouble panique, en revanche, ce biais était présent tant
pour les événements socialement menaçants que pour les événements physiquement
menaçants. Ces données indiquent que les biais de jugement dans la PS sont spécifiques aux
préoccupations des patients plutôt qu’à une notion générale de menace. En revanche, le
34
trouble panique serait associé à un biais de jugement concernant un ensemble plus large de
situations menaçantes.
D’autres études indiquent que les patients PS sous-estiment leurs habiletés et leurs
performances dans les situations sociales. Tout d’abord, une série d’études met en évidence
que les individus anxieux sociaux évaluent leurs performances lors des interactions sociales
de manière plus négative que les sujets non-anxieux (par ex., Beidel, Turner, & Dancu, 1985;
Dodge, Heimberg, Nyman, & O’Brien, 1987). Cependant, ces études ne permettent pas de
savoir si les sujets anxieux sociaux avaient des performances réellement moins bonnes ou si
ce biais était fondé sur une croyance irréaliste concernant leurs performances. Rapee et Lim
(1992) ont examiné cette question en demandant à des patients PS et à des sujets de contrôle
de faire un discours devant un public réduit. Les participants eux-mêmes et les membres du
public devaient évaluer la performance des participants à l’aide d’un questionnaire portant sur
des aspects spécifiques (par ex., avoir une voix claire, regarder dans les yeux) et des aspects
globaux (par ex., maintenir l’intérêt du public, bien parler) du discours. Pour les aspects
globaux, l’évaluation réalisée par les membres du public n’était pas moins bonne pour les
patients PS que pour les sujets non-anxieux. Malgré cela, les patients PS évaluaient leur
propre performance de façon plus négative que les sujets non-anxieux. Tous les participants
évaluaient leur propre performance de manière plus négative que les observateurs du public,
mais cette tendance était significativement plus marquée pour les patients PS que pour les
sujets non-anxieux. Dans une étude similaire, Stopa et Clark (1993) ont trouvé qu’un
observateur évaluait les performances et habiletés sociales des patients PS comme étant moins
bonnes que celles d’autres patients anxieux et de sujets non-anxieux. De plus, les patients PS
évaluaient leurs performances de façon plus négatives que l’observateur alors que ce n’était
pas le cas pour les sujets non-anxieux. Les patients PS et les autres sujets ne différaient par
contre pas quant à leur perception des performances de leur partenaire lors de l’interaction, ce
35
qui suggère que les patients PS se caractérisent par une distorsion de la perception de leur
propre comportement plutôt qu’à une distorsion générale de la perception des comportements
sociaux. Une sous-estimation de leurs performances et habiletés sociales chez les sujets
anxieux sociaux a également été rapportée dans d’autres études (Mansell & Clark, 1999;
Alden et Mellings (2003) ont examiné sur quoi se basent les patients PS lorsqu’ils
évaluent leurs performances dans les interactions sociales. Les participants devaient interagir
avec une personne puis devaient évaluer leur performance dans la situation et déterminer la
mesure dans laquelle ils se basaient sur différents types d’informations afin d’aboutir à cette
évaluation. Ces informations concernaient soit leur propre attitude ou comportement (ce qu’ils
ont dis, s’ils ont montré des signes d’anxiété, s’ils semblaient intéressés, etc.), soit l’attitude
ou le comportement de leur partenaire (s’il apparaissait intéressé, s’il semblait à l’aise, etc.).
Les résultats montrent que les patients PS estiment avoir eu des performances moins bonnes
que les sujets non-anxieux et que cette évaluation est davantage basée sur la perception de
leurs propres signes comportementaux d’anxiété et sur un sentiment subjectif d’anxiété que
les sujets non-anxieux. Par contre, les deux groupes ne différaient pas concernant l’utilisation
des indices comportementaux fournis par leur partenaire. Cette étude suggère donc que
l’évaluation négative de soi lors des situations sociales dans la PS est davantage liée à une
perception négative de soi qu’à une perception de signes négatifs provenant du comportement
d’autrui.
D’autres études suggèrent que l’évaluation négative faite par les patients PS de leurs
performances et de la manière dont ils sont supposés être perçus par autrui peut provenir de
l’activation, lors des situations sociales, d’images mentales dans lesquelles les patients
images représente la manière dont les patients craignent d’apparaître à autrui (par ex., être
36
tout rouge et en sueur, trembler, avoir l’air ridicule) plutôt que la manière dont ils apparaissent
en réalité. Des interviews de patients PS ont en effet mis en évidence qu’ils ont de telles
images d’eux-mêmes lors des situations sociales redoutées (Hackmann, Clark, & McManus,
2000; Hackmann, Surawy, & Clark, 1998). Par ailleurs, Roth, Antony et Swinson (2001) ont
observé que les patients PS, en comparaison aux sujets non-anxieux, ont davantage tendance à
penser que leurs symptômes d’anxiété sont interprétés par les autres comme indicatifs d’une
forte anxiété ou d’un trouble psychiatriques et sont moins enclins à penser que ces symptômes
reflètent un état physique normal. Une étude de Hirsch, Clark, Mathews et Williams (2003)
suggère que ces images et pensées négatives se rapportant à soi jouent un rôle causal dans le
maintien de l’anxiété sociale. Des patients PS devaient participer à deux conversations avec
un étranger. Au cours d’une première conversation, il leur était demandé de garder à l’esprit
l’image négative qu’ils se font habituellement d’eux-mêmes, alors que dans une deuxième
conversation ils devaient maintenir une image moins négative d’eux-mêmes. Lorsqu’ils
gardaient l’image négative à l’esprit, les patients présentaient davantage d’anxiété, évaluaient
leur anxiété comme étant plus visible extérieurement, et évaluaient leur performance comme
étant moins bonne que lorsqu’ils maintenaient une image moins négative. Par ailleurs, un
observateur extérieur (qui ne savait pas quel type d’images les patients avaient à l’esprit)
évaluait l’anxiété des patients comme étant plus visible et leur comportement comme étant
moins positif lorsqu’ils maintenaient l’image négative à l’esprit. Ces données suggèrent donc
que l’activation d’une image négative de soi lors des situations sociales peut non seulement
augmenter l’anxiété des patients mais aussi affecter leurs performances. Dans une étude
similaire, Spurr et Stopa (2003) ont trouvé que le fait d’essayer de se représenter son
observateur extérieur lors de la réalisation d’un discours plutôt que de se focaliser sur le
37
Comme nous l’avons vu, le modèle de Rapee et Heimberg (1997) propose que
l’anxiété sociale découle d’une comparaison entre l’évaluation que font les sujets de leurs
concernant ce que les autres attendent d’eux dans ces situations. Une telle différence entre
l’évaluation des performances et les standards attendus dans les situation sociales a été mise
en évidence dans une étude de Wallace et Alden (1997). Des patients PS et des sujets de
contrôle participaient à une interaction qui était aménagée afin d’être perçue comme une
réussite (le partenaire se montrait encourageant, avait un timbre de voix chaleureux, etc.) ou
au contraire comme un échec (le partenaire laissait de longs moments de silence, avait un
timbre de voix froid, etc.). Les participants devaient évaluer leur propre performance, leur
perception des standards attendus par leur partenaire et leurs propres réponses émotionnelles,
avant et après l’interaction. Les résultats montrent que les patients PS évaluent leur
performance comme étant nettement inférieure aux standards attendus alors que ce n’est pas
le cas pour les sujets de contrôle. Cette différence était due à une faible évaluation de leurs
capacités chez les patients PS plutôt qu’à une différence concernant leur évaluation des
standards attendus par les autres. Par ailleurs, les patients PS qui étaient confrontés à une
interaction positive rapportaient avoir éprouvé autant d’émotions négatives que ceux qui
n’améliorait pas non plus l’évaluation de leurs habiletés sociales. Les auteurs suggèrent que la
confrontation à une interaction positive peut amener les patients PS à penser que les autres
vont développer des attentes supérieures concernant leurs performances dans les interactions
sociales futures et qu’en conséquence ils ne seront pas capables de satisfaire ces attentes (voir
aussi Wallace & Alden, 1995). Les résultats réels d’une interaction ne semblent donc pas
38
améliorer les croyances des patients PS concernant leurs habiletés sociales. Dans l’ensemble,
ces données sont en accord avec la proposition de Rapee et Heimberg (1997) selon laquelle
l’anxiété dans la PS découle du fait que les patients PS estiment que leurs performances ne
satisfont pas les standards attendus par les autres dans les situation sociales. Elles suggèrent
par ailleurs que cette discordance est davantage liée à une sous-estimation de leurs propres
Plusieurs études ont également examiné la mesure dans laquelle les patients PS
présentent des différences dans l’interprétation des situations sociales ambiguës. Amir, Foa, et
Coles (1998b) ont présenté des scénarios ambigus à des patients PS, à des patients présentant
impliquaient soit des situations sociales, soit des situations non-sociales. Les sujets recevaient
pour chaque scénario (par ex., « Vous voyez des amis en train de manger. Ils s’arrêtent de
parler lorsque vous les approchez ») une interprétation négative (« Ils sont en train de dire des
choses négatives sur vous »), une interprétation positive (« Ils sont sur le point de vous
demander de les rejoindre ») et une interprétation neutre (« Leur conversation vient juste de se
terminer »). Leur tâche était de classer les trois interprétations en fonction de la probabilité
que ces interprétations leur viennent à l’esprit s’ils se trouvaient dans les situations décrites.
Les sujets devaient ensuite réaliser la même tâche mais en estimant la probabilité que les
interprétations viennent à l’esprit d’une « personne moyenne ». Les résultats montrent que les
patients PS favorisent davantage les interprétations négatives que les sujets de contrôle (les
patients TOC et les sujets non-anxieux) pour les scénarios sociaux mais pas pour les scénarios
non-sociaux. De plus, ce biais n’est pas présent lorsque les scénarios sont évalués en fonction
de ce que répondrait une « personne moyenne ». Ces données suggèrent donc que
l’interprétation négative des informations ambiguës dans la PS est spécifique aux situations
sociales. Une étude réalisée par Stopa et Clark (2000) a par ailleurs montré que les patients PS
39
ont non seulement tendance à interpréter de façon négative les situations sociales ambiguës
mais aussi à interpréter de manière catastrophiques les situations sociales non-ambiguës qui
sont modérément négatives (c’est à dire à interpréter ces événements comme possédant des
futur).
Constans, Penn, Ihen et Hope (1999) ont également trouvé que des sujets tout-venant
ayant des scores élevés à une échelle d’anxiété sociale interprètent les items ambigus de façon
plus négatives que des sujets ayant des scores faible d’anxiété sociale. Cependant,
l’évaluation de ces situations par les sujets anxieux était tout de même légèrement positive,
indiquant que l’anxiété sociale était associée à une réduction des interprétations positives
plutôt qu’à une interprétation réellement négative dans cette étude. Brendle et Wenzel (2003)
ont présenté à des sujets non-cliniques fortement et faiblement anxieux des histoires sociales
négatives, des histoires sociales positives et des histoires neutres. La moitié des histoires était
l’implication personnelle des sujets. Les sujets étaient ensuite testés pour leur mémoire des
histoires puis recevaient des questions portant sur l’interprétation qu’ils faisaient de ces
histoires. Pour chaque question, une interprétation positive, une interprétation négative et une
interprétation neutre étaient fournies aux sujets qui devaient évaluer la plausibilité de chacune
immédiatement après avoir lu les histoires, puis après 48 heures. En ce qui concerne
l’interprétation des histoires (les résultats concernant la mémoire seront présentés dans la
section « Biais mnésiques » de ce chapitre), les auteurs ont trouvé que l’anxiété sociale était
associée à des interprétations positives moins marquées et à des interprétations négatives plus
marquées pour les trois types d’histoires (positives, négatives et neutres). Néanmoins, les biais
les plus importants consistaient, d’une part, en une augmentation des interprétations négatives
40
pour les histoires positives écrites à la première personne, et d’autre part, en une réduction des
interprétations positives pour les histoires positives lorsque celles-ci étaient interprétées après
48 heures. Dans cette étude, l’anxiété sociale est donc associée à la fois à une augmentation
Hirsch et Mathews (2000) ont utilisé un autre paradigme afin d’étudier les biais
d’interprétation dans la PS. Ces chercheurs ont présenté à des patients PS et à des sujets non-
anxieux des textes décrivant des interviews d’embauche. Les participants devaient s’imaginer
eux-mêmes dans la situation de l’interview. Les textes contenaient des phrases auxquelles il
manquait le dernier mot. Certaines phrases pouvaient être interprétées soit de façon
menaçante soit de façon relativement positive, alors que d’autres phrases avaient une
signification non-ambiguë. A la suite des phrases, un mot (fournissant une interprétation soit
effectuer une tâche de décision lexicale le plus rapidement possible (décider si le stimulus
était un mot ou un non-mot). Dans cette tâche, les sujets non-anxieux répondaient aussi
rapidement pour les mots fournissant une interprétation positive dans un contexte ambigu que
pour les mots positifs dans un contexte non-ambigu. Par contre, leurs décisions lexicales
étaient ralenties pour les mots menaçants lorsque ceux-ci se trouvaient dans un contexte
ambigu par rapport à un contexte non-ambigu. Ces données suggèrent que les sujets non-
anxieux ont tendance à faire des interprétations positives des situations ambiguës. Par contre,
les patients PS mettaient plus de temps pour les décisions lexicales dans les phrases ambiguës
que dans les phrases non-ambiguës, quel que soit le type de mot (menaçant ou positif). Ceci
suggère que les patients PS ne faisaient pas d’inférences positives comme les sujets non-
anxieux mais ne faisaient pas non plus d’interprétations négatives pour les phrases ambiguës.
Dans cette étude, la PS était donc associée à une absence de biais positifs dans l’interprétation
des situations ambiguës plutôt qu’à une présence de biais négatifs. Une étude subséquente de
41
Hirsch, Mathews, Clark, Williams, et Morrison (2003) suggère par ailleurs que les images
situations sociales ambiguës. Les auteurs ont présenté la tâche de Hirsch et Mathews (2000) à
deux groupes de sujets non-anxieux. Un premier groupe devait réaliser la tâche tout en
maintenant une image négative d’eux-mêmes à l’esprit. Le second groupe devait réaliser la
tâche en maintenant l’image d’un objet (par ex., un vase) à l’esprit (groupe contrôle). Les
sujets non-anxieux du groupe contrôle présentaient un biais pour les interprétations non-
menaçantes des situations ambiguës, ce qui est en accord avec les résultats de Hirsch et
Mathews. Par contre, les sujets non-anxieux qui devaient maintenir une image négative d’eux-
mêmes en réalisant la tâche ne présentaient pas ce biais. Comme nous l’avons remarqué
négatives d’eux-mêmes lors des situations sociales. Les données de Hirsch et al. (2003)
suggèrent que ces images négatives peuvent empêcher la génération d’interprétations non-
Dans l’ensemble, malgré quelques petites différences dans leurs résultats, les études
passées en revue ci-dessus indiquent de façon claire que la PS est associée à une interprétation
davantage négative et/ou moins positive des situations sociales. Amir, Foa, et Coles (1998a)
ont examiné la contribution des processus automatiques et des processus contrôlés dans
l’apparition de ces biais d’interprétation des informations sociales. Une série de phrases se
terminant par des homographes (c’est à dire des mots de même orthographe et qui possèdent
des significations différentes) était présentée sur un écran d’ordinateur. A la suite de chaque
phrase, un mot-indice apparaissait à l’écran et les sujets devaient décider le plus rapidement
possible si ce mot était relié ou non au sens de la phrase précédant son apparition. La moitié
des phrases se terminait par des homographes qui pouvaient avoir une signification sociale
menaçante (par exemple, le mot anglais « mean » peut aussi bien signifier « moyenne » que
42
« mesquin ») ; néanmoins, ces phrases étaient construites de façon à ce que leur contexte
évoque la signification non-menaçante des homographes (par exemple, la phrase « She wrote
mots-indices qui apparaissaient après ces phrases étaient par contre reliés à la signification
socialement menaçante des homographes (par exemple, la phrase « She wrote down the
mean », suivie de l’indice « unfriendly » qui est associé au sens « mesquin » de l’homographe
« mean »). Pour certaines phrases, ces mots-indices apparaissaient après un temps court (100
msec après la disparition de la phrase), alors que pour d’autres phrases, ils apparaissaient
après un temps long (850 msec après la disparition de la phrase). La tâche des sujets était de
décider si le mot-indice qui apparaissait après chaque phrase s’accorde ou non au sens de la
phrase. Le temps nécessaire pour effectuer ces jugements était mesuré. L’idée sous-jacente au
paradigme est que l’observation d’une augmentation du temps nécessaire pour décider que les
mots-indices ne s’accordent pas au sens des phrases indique que la signification socialement
menaçante, mais inappropriée dans le contexte des phrases, des homographes a été activée
chez les sujets lors de la lecture des phrases. Les auteurs ont trouvé qu’après l’intervalle court
(100 msec), les patients PS mettaient plus de temps que les sujets non-anxieux à décider que
les mots-indices qui suivaient les homographes possédant une signification menaçante (mais
inappropriée dans le contexte de la tâche) ne s’accordent pas avec le sens des phrases. En
revanche, ils mettaient moins de temps pour prendre leurs décisions après l’intervalle long
(850 msec). Pour Amir et al. (1998a), ces résultats indiquent que la PS est non seulement
associée à une activation automatique des informations sociales menaçantes, mais aussi à la
mise en place de processus contrôlés qui sont utilisés pour inhiber les significations
menaçantes. L’allongement des temps de réponse lors d’un intervalle court suggère en effet
que la signification menaçante mais inappropriée des homographes était davantage activée
chez les patients PS lors de la lecture des phrases. Néanmoins, l’observation de temps de
43
réponses plus courts après un intervalle long suggère que l’activation de la signification
menaçante tend à être inhibée dans un second temps chez les patients PS. Cette explication est
similaire à celle proposée pour rendre compte des résultats concernant les biais attentionnels
dans la PS, à savoir la présence d’une vigilance initiale et automatique pour la menace sociale
qui est ensuite suivie de processus de contrôle visant à éviter et inhiber la menace.
négatifs et de la gravité de leurs conséquences, à une évaluation négative de soi et une sous-
estimation de ses propres habiletés et performances dans les situations sociales, à une
croyance que ces habiletés sont nettement inférieures à ce que l’on attend d’eux, et à une
interprétation davantage négative et/ou moins positive des situations sociales. Ces biais de
(la crainte d’une évaluation négative) plutôt qu’à des préoccupations concernant une notion
générale de menace.
Biais mnésiques
une réactivation en mémoire de souvenirs d’expériences d’échec dans les situations sociales
passées. En effet, selon le modèle de Clark et Wells (1995), après avoir été confronté à une
focalisent davantage sur les aspects négatifs de leur performance et sur les réactions négatives
mémoire devrait entraîner un biais mémoire chez les patients PS. Cependant, d’autres auteurs
(par ex., Mathews & MacLeod, 1994; Williams et al., 1997) ont suggéré que l’anxiété se
caractérise par une attention sélective pour les informations menaçantes mais que ces
44
informations tendent ensuite à être évitées par les sujets anxieux. Selon cette proposition, les
patients anxieux, contrairement aux patients dépressifs, n’ encoderaient pas de façon plus
Par rapport aux travaux concernant les biais attentionnels et les biais de jugement et de
d’interprétation, les résultats des études concernant les biais mnésiques dans la PS sont plus
contradictoires. Les études varient considérablement quant au type de stimuli utilisés (par ex.,
au type de tâche utilisées lors de l’encodage (par ex., référence à soi lors de l’encodage) et
Dans la suite de cette section, nous présenterons ces études en les regroupant en fonction de
Certaines études ont exploré la mémorisation de mots ou d’histoires qui varient selon
Expérience 1) ont présenté à des patients PS et à des sujets non-anxieux une liste de mots
comportant des mots socialement menaçants, des mots physiquement menaçants, des mots
positifs et des mots neutres. Les sujets avaient pour consigne d’évaluer la valence de chaque
mot. Après une tâche distractrice de 5 minutes, ils devaient tout d’abord rappeler le plus de
mots possibles (tâche de rappel libre), puis devaient ensuite reconnaître les mots qui leurs
avaient été présentés parmi des distracteurs (tâche de reconnaissance). Les auteurs n’ont pas
reconnaissance. Deux études similaires ont également rapporté une absence de biais mnésique
pour des mots socialement menaçants dans la phobie sociale en rappel ou en reconnaissance
(Becker, Roth, Andrich, & Margraf, 1999; Cloitre, Cancienne, Heimberg, Holt, & Liebowitz,
1995). Dans une étude récente de Brendle et Wenzel (2003), des sujets fortement et
faiblement anxieux socialement devaient lire des histoires variant selon leur contenu :
45
certaines histoires décrivaient une situation sociale négative, d’autres histoires une situation
sociale positive ou une situation non-sociale. Immédiatement après la lecture des histoires
puis environ 48 heures plus tard, les sujets recevaient une tâche de mémoire comprenant des
questions relatives à des détails factuels présentés dans chaque histoire. Les sujets fortement
tâche.
D’autres études ont par contre trouvé que l’anxiété sociale est associée à des biais de
mémoire pour les informations se rapportant aux sujets aux-mêmes (par ex., des traits de
sujets). Dans une étude de O’Banion et Arkowitz (1977), des sujets non-cliniques ayant une
anxiété sociale forte ou faible participaient à une interaction sociale qui était aménagée pour
être perçue comme positive ou négative. On leur présentait ensuite une liste de 80 adjectifs
décrivant des traits de personnalité positifs et négatifs. Certains adjectifs (10 positifs et 10
négatifs) de la liste étaient cochés et l’expérimentateur faisait croire aux sujets que ces
adjectifs cochés étaient des adjectifs que la personne avec laquelle ils ont interagi a choisi
pour décrire l’impression qu’elle s’est faite d’eux suite à l’interaction. Les sujets devaient
examiner l’ensemble des adjectifs (encodage incident en mémoire) puis, après deux minutes
d’attente, devaient reconnaître les adjectifs qui avaient été cochés précédemment. Les
résultats montrent que les sujets anxieux socialement reconnaissent plus d’adjectifs négatifs
que les sujets non-anxieux. Par contre, les deux groupes ne différaient pas quant à la
reconnaissance des adjectifs positifs. Pour les auteurs, ces données indiquent que les sujets
anxieux sociaux ont un biais de mémoire pour les informations négatives se rapportant à eux-
mêmes. Rapee et al. (1994, Expérience 3) ont cependant trouvé des résultats différents. Les
que ce feedback se rapportait soit à un discours fait par eux-mêmes, soit à un discours fait par
46
l’expérimentateur. Le feedback comprenait des éléments positifs (par ex., « votre aviez une
voix claire ») et des éléments négatifs (par ex., « votre discours était mal organisé »). Après
30 minutes, les sujets devaient rappeler le plus possible d’éléments du feedback. Dans cette
étude, les sujets non-anxieux rappelaient davantage d’éléments négatifs que les patients PS.
Ces résultats sont opposés à ceux rapportés par O’Banion et Arkowitz (1977). Néanmoins, il
est possible que le fait d’imaginer plutôt que de participer réellement à une interaction ait
amené les patients PS à accorder moins d’importance au feedback qui leur était adressé.
Breck et Smith (1983) ont quant à eux rapporté des données suggérant que l’apparition
d’un biais mnésique pour les informations négatives se rapportant à soi dépend du niveau
d’anxiété des sujets lors de l’encodage. Des sujets non-cliniques, faiblement et fortement
anxieux socialement, devaient évaluer si une série d’adjectifs positifs et négatifs étaient ou
non descriptifs d’eux-mêmes. Avant cette tâche, l’expérimentateur induisait un état d’anxiété
chez la moitié des sujets en leur faisant croire qu’ils devraient participer à une interaction par
la suite. Les sujets devaient rappeler le plus possible d’adjectifs. Dans cette étude, les sujets
anxieux sociaux rappelaient plus d’adjectifs négatifs que les sujets non-anxieux, mais
Sanz (1996) a trouvé que tant les sujets anxieux socialement que les sujets non-anxieux
rappelaient davantage d’adjectifs positifs que d’adjectifs négatifs lorsque ces adjectifs étaient
encodés en référence à soi et qu’il n’y avait pas de différence entre les groupes, ni pour les
adjectifs négatifs ni pour les adjectifs positifs. Cependant, contrairement à l’étude de Breck et
Smith (1983), aucun sujet ne s’attendait à devoir à participer à une interaction. Une étude de
Mansell et Clark (1999) indique également que l’induction de l’attente d’une interaction est
un facteur important dans l’apparition d’un biais mnésique dans l’anxiété sociale. Les auteurs
ont présenté des adjectifs positifs et négatifs à des sujets non-cliniques, faiblement et
fortement anxieux socialement. Le sujets devaient évaluer chaque adjectif en fonction de leur
47
« self » publique (« l’adjectif décrit-il ce que les autres pensent de moi ? »), de leur « self »
moitié des sujets étaient ensuite informés qu’ils devraient donner un discours. Tous les sujets
devaient ensuite rappeler le plus possible d’adjectifs. Les sujets anxieux socialement
rappelaient moins d’adjectifs positifs encodés en référence à leur « self » publique que les
sujets non-anxieux, mais uniquement lorsqu’ils s’attendaient à devoir faire un discours. Il n’y
avait par contre pas de différence entre les groupes pour les adjectifs encodés en référence au
rapportant aux aspects publiques du « self » et non au niveau de la mémoire pour les
informations négatives se rapportant aux aspects privés du « self » comme c’était le cas dans
l’étude de Breck et Smith. Selon Mansell et Clark, leurs résultats suggèrent que les sujets non-
anxieux se préparent à faire un discours en activant une image positive de leur « self »
publique afin d’augmenter leur confiance en eux-mêmes. Par contre, les sujets anxieux
conséquence davantage de leur capacité à fournir une bonne impression aux autres.
Les études que nous avons envisagées ci-dessus se sont intéressées à la mémoire
explicite pour les informations menaçantes dans la PS. D’autres études ont également
examiné les biais de mémoire implicite. Dans une tâche de mémoire explicite, on demande
aux sujets de récupérer consciemment des informations acquises au préalable. C’est le cas par
exemple dans une tâche de rappel libre, de rappel indicé, ou de reconnaissance. En revanche,
la mémoire implicite s’exprime par une facilitation de la performance dans une tâche qui ne
exemple, si l’on présente à des sujets une liste de mots (par ex., « PLAGE ») puis qu’on leur
présente ensuite les trois premières lettres de ces mots (par ex. « PLA_ »), la mémoire
48
explicite est évaluée en demandant aux sujets de compléter les lettres par les mots qu’ils ont
vu précédemment (tâche de rappel indicé). Par contre, la mémoire implicite est mesurée en
demandant aux sujets de compléter les lettres par le premier mot qui leur vient à l’esprit
(tâche de complètement de mots), sans qu’aucun lien avec la liste présentée auparavant ne soit
mentionné. Dans cette tâche, la mémoire implicite s’exprime par la tendance à compléter les
lettres par des mots qui ont été vus précédemment. Rapee et al. (1994, Expérience 2) ont
étudié les biais de mémoire explicite et implicite dans la PS avec ce type de tâches. Ils ont
présenté des mots socialement menaçants et des mots neutres et les sujets devaient, pour
chaque mot, imaginer une scène les impliquant eux-mêmes ainsi que le mot présenté. Les
sujets devaient ensuite faire une tâche de rappel indicé pour la moitié des mots (mémoire
explicite) et une tâche de complètement de mots pour l’autre moitié des mots (mémoire
implicite). Aucune différence n’a été observée entre les patients PS et les sujets non-anxieux
dans aucune des deux tâches. Lundh et Öst (1997) n’ont pas non plus trouvé de biais de
mémoire implicite dans la PS en utilisant une tâche de complètement de mots. Cependant, lors
d’une analyse subséquente, les auteurs ont trouvé que les patients présentant une PS
spécifique, mais pas les patients présentant une PS généralisée, tendaient à avoir une
meilleure mémoire implicite pour les mots socialement menaçants par rapport aux sujets non-
anxieux. Ces résultats doivent néanmoins être interprétés avec prudence en raison du faible
Amir, Foa et Coles (2000) ont fait remarquer que la tâche de complètement de mots
n’est probablement pas la plus appropriée pour examiner les biais de mémoire implicite dans
la PS car les performances à cette tâche sont davantage influencées par les aspects perceptifs
des stimuli que par leurs aspects sémantiques. Il est en effet vraisemblable que les biais de
traitement de l’information dans l’anxiété soient avant tout induits par la signification
menaçante des stimuli plutôt que par leurs propriétés perceptives. Ces chercheurs ont en
49
conséquence utilisé une autre tâche de mémoire implicite qui est davantage sensible aux
aspects sémantiques des stimuli. Les sujets entendaient puis devaient répéter des phrases
décrivant des situations menaçantes pour les patients PS (par ex., « Des collègues vous
demandent d’aller boire un verre ») et des phrases neutres (par ex., « Le manuel vous indique
comment monter la tente »). Les sujets entendaient ensuite à nouveau ces phrases ainsi que de
présentées en même temps qu’un bruit de fond qui pouvait être de trois volumes différents.
Les sujets devaient répéter chaque phrase puis évaluer sur une échelle de 1 à 5 le volume du
bruit de fond présenté simultanément à la phrase. Dans cette tâche, la mémoire implicite est
reflétée dans le fait que les sujets évaluent le bruit associé aux phrases qu’ils ont entendues
précédemment comme étant moins fort que le bruit associé aux phrases qu’ils n’ont pas
entendues précédemment. Selon Amir et al. (2000), cette tâche de jugement de bruit est
davantage sensible aux caractéristiques sémantiques plutôt que perceptives des stimuli car des
études précédentes ont mis en évidence qu’un changement de la voix des personnes lisant les
phrases entre la phase d’étude et de test n’influence pas l’effet de mémoire implicite. Enfin,
les sujets recevaient une tâche de reconnaissance (mémoire explicite) dans laquelle ils
entendaient des phrases qu’ils avaient déjà entendues durant la phase d’encodage et dans la
phase de jugement de bruit et d’autres phrases qu’ils n’avaient pas entendues précédemment.
Dans cette étude, les patients PS évaluaient le bruit associé aux phrases menaçantes qu’ils
avaient entendues auparavant comme étant moins fort que le bruit associé aux phrases neutres
qu’ils avaient entendues auparavant. Cette différence n’était par contre pas présente chez les
sujets non-anxieux. Par ailleurs, les deux groupes ne différaient pas dans la tâche de
Amir, Bower, Briks, et Freshman (2003) ont également utilisé un paradigme plus
proche des situations de la vie quotidienne afin d’examiner les biais de mémoire implicite et
50
explicite dans l’anxiété sociale. Ils ont présenté aux sujets une série de brefs clips vidéo. Ces
vidéos représentaient des acteurs faisant des commentaires positifs (par ex., « J’aime
beaucoup vos chaussures ») ou négatifs (par ex., « C’est une coupe de cheveux horrible »)
orientés vers les personnes qui regardaient les vidéos. Les sujets avaient pour consigne
d’essayer de s’impliquer dans les situations et d’évaluer dans quelle mesure chaque vidéo est
positive ou négative en ce qui les concerne. Après un délai de cinq minutes, les sujets
revoyaient ces vidéos mélangées à de nouvelles vidéos et devaient évaluer la clarté de chaque
vidéo sur une échelle allant de 1 (claire) à 7 (floue). Ils devaient ensuite décider pour chaque
vidéo s’il s’agissait d’une vidéo qu’ils avaient déjà vue précédemment ou s’il s’agissait d’une
nouvelle vidéo. Dans cette tâche, les auteurs considèrent que la mémoire implicite s’exprime
par le fait que les vidéos qui ont été vues auparavant sont évaluées comme étant plus claires
que les nouvelles vidéos. Dans deux études, Amir et al. (2003) ont trouvé que, contrairement
aux sujets non-anxieux, les sujets ayant un score élevé d’anxiété sociale évaluaient les vidéos
négatives qu’ils avaient vues précédemment comme étant plus claires que les nouvelles
vidéos négatives. En revanche, les deux groupes ne différaient pas quant à l’évaluation de la
clarté des vidéos positives, ni quant à la reconnaissance explicite des vidéos positives ou
négatives. Dans ces études, les sujets fortement anxieux socialement présentaient donc un
biais de mémoire implicite pour des stimuli négatifs construits afin d’être proches des
situations sociales de la vie quotidienne mais pas de biais de mémoire explicite pour ces
stimuli. Selon Amir et al. (2000), les données en faveur d’un biais de mémoire implicite mais
pas de mémoire explicite dans la PS suggèrent que ce trouble est associé à un accès
processus stratégiques (lors d’une tâche de mémoire explicite, par exemple) peut éliminer ce
biais.
51
A l’exception de l’étude d’Amir et al. (2003), les études que nous avons envisagées
jusqu’à présent ont utilisé un matériel verbal afin d’étudier les biais mnésiques dans l’anxiété
sociale. Comme nous l’avons déjà noté, certains auteurs estiment que le traitement des mots
menaçants reflète davantage les préoccupations mentales des patients plutôt que le traitement
des indices sociaux externes (Clark & Wells, 1995). Par conséquent, quelques études ont
examiné l’influence de l’anxiété sociale sur la mémorisation des visages. Les visages sont des
stimuli qui jouent un rôle essentiel dans les interactions sociales car ils fournissent de
nombreuses informations qui nous permettent d’identifier une personne, d’inférer son âge, son
sexe ou son état émotionnel (Bruce & Young, 1986). Lundh et Öst (1996a) ont examiné
des sujets de contrôle voyaient une série de visages et devaient évaluer dans quelle mesure les
reconnaître ces visages parmi un ensemble de nouveaux visages. Les auteurs ont trouvé que
les patients PS avaient tendance à mieux reconnaître les visages qu’ils avaient évalués comme
« critiques » plutôt que « accueillants », alors que les sujets non-anxieux présentaient la
tendance inverse. Cependant, comme le notent les auteurs, il est difficile de conclure de
manière définitive sur base de ces données à un biais de mémoire réel plutôt qu’à un biais de
réponse. En effet, il est possible que les patients PS aient tendance à désigner les visages
« critiques » comme étant plus familiers, qu’il s’agisse ou non de visages qu’ils ont vus
précédemment. Malheureusement, dans cette étude, les sujets ne devaient pas évaluer les
visages distracteurs selon leur caractère « critique » ou « accueillant », ce qui ne permet pas
d’exclure l’existence d’un biais de réponse plutôt que d’un biais de mémoire dans la PS. Une
étude plus récente qui a utilisé une tâche de mémoire similaire suggère en fait que la PS
s’accompagne d’un biais de réponse plutôt que d’un biais mémoire pour les visages
D’autres études ont examiné l’influence de l’anxiété sociale sur la mémoire des
expressions faciales de l’émotion. Dans une première étude rapportée par Foa, Gilboa-
Schechtman, Amir, et Freshman (2000), les sujets (avec PS et non-anxieux) voyaient tout
d’abord une série de visages manifestant diverses expressions (autres que la joie, la colère, ou
une expression neutre), et avaient pour tâche d’apprendre à associer un nom à chaque visage.
Ils voyaient ensuite des photos des mêmes personnes manifestant cette fois une expression de
joie, une expression de colère, ou une expression neutre. Les sujets devaient à nouveau
nommer la personne et devaient également désigner son expression. Lors de la phase de test,
les sujets devaient tout d’abord écrire le nom et l’expression des personnes qu’ils avaient vues
auparavant (rappel libre). On leur fournissait ensuite la liste des noms des personnes et ils
devaient fournir l’expression qu’avaient ces personnes (rappel indicé). Dans cette étude, les
patients PS avaient une meilleure mémoire pour les expressions que les sujets non-anxieux
lors des deux tâches. Par ailleurs, ils présentaient un biais mnésique en faveur des expressions
de colère, mais uniquement lors du rappel indicé. Dans leur seconde étude, Foa et al. (2000)
ont présenté des photos d’individus manifestant des expressions de joie, de colère, de dégoût,
ou ayant une expression neutre. Les sujets voyaient ensuite ces mêmes photos, mélangées à
des photos représentant les personnes qu’ils avaient vues auparavant mais qui manifestaient
des expressions différentes. Leur tâche était d’identifier les photos qu’ils avaient vues
auparavant. Cette tâche nécessitait donc de reconnaître l’expression qu’avaient les visages
dans la phase d’étude. A nouveau, la reconnaissance globale était meilleure pour les patients
PS que pour les sujets non-anxieux. Par ailleurs, les patients PS reconnaissaient davantage
d’expressions négatives (colère, dégoût) que d’autres expressions, alors que ce n’était pas le
faciales dans la PS. Les sujets voyaient une série de visages « rassurants » ou « menaçants »
53
consistait en des paires de photos comprenant une photo qu’ils avaient vue auparavant et une
photo de la même personne manifestant l’expression opposée à celle qu’ils avaient vue et la
tâche des sujets consistait à choisir la photo qui leur a été présentée auparavant. Dans cette
étude, les patients PS reconnaissaient moins bien les expressions que les sujets non-anxieux.
Cependant, cette différence n’était plus significative lorsque le niveau d’anxiété au moment
de la tâche était pris en compte, suggérant que l’état d’anxiété au moment de l’encodage des
contrairement à l’étude de Foa et al. (2000), les patients PS avaient un léger biais de mémoire
en faveur des visages « rassurants » plutôt que « menaçants ». Ces différences de résultats
pourraient être dus au fait qu’un état d’anxiété était induit dans l’étude de Pérez-Lopez et
Woody mais pas dans celle de Foa et al. Comme nous l’avons déjà remarqué, plusieurs études
ont trouvé que le traitement de l’information dans la PS diffère selon qu’un état d’anxiété est
induit ou non avant la réalisation de la tâche. Une manipulation, au sein d’une même étude, de
l’état d’anxiété des sujets serait nécessaire afin de déterminer si c’est également le cas
Il reste néanmoins difficile de déterminer si les effets observés dans les études de Foa
des caractéristiques faciales des stimuli car ces auteurs ont utilisé les mêmes photos de
visages lors de l’épisode d’encodage et lors de la reconnaissance. Comme Bruce (1982) l’a
leur expression) sont deux tâches distinctes. En effet, la reconnaissance de photos identiques
peut autant être influencée par la mémorisation des détails pictoriels des photos (par ex., la
caractéristiques faciales en tant que telles. Afin d’éviter ce problème, D’Argembeau, Van der
54
Linden, Etienne, et Comblain (2003) ont mis au point une autre tâche permettant d’étudier
manière séparée, tout en évitant que les détails pictoriels des stimuli ne contribuent aux
performances de mémoire. Des visages manifestant une expression de joie ou une expression
de colère étaient présentés un par un à des personnes présentant un score faible ou élevé à une
échelle d’anxiété sociale. Cinq minutes plus tard, les participants étaient soumis à un
ensemble de visages qui avaient une expression neutre. Cet ensemble comportait des visages
neutres de personnes qu’ils avaient vues auparavant et des visages neutres de personnes qu’ils
n’avaient pas vues auparavant. Pour chaque visage, les participants devaient tout d’abord
déterminer s’il s’agissait ou non d’une personne qu’ils avaient vue auparavant
(joie ou colère) qu’avait manifesté cette personne (mémoire de l’expression). Par ailleurs, les
Dans certains cas, la reconnaissance d’un visage s’accompagne d’une récupération consciente
qu’on a pensé ou ressenti en la voyant). Par contre, dans d’autres cas, nous pouvons
reconnaître un visage parce qu’il nous est familier sans être capable de nous souvenir de quoi
que ce soit concernant ce visage (par ex., la rencontre d’une personne en rue peut nous
évoquer un sentiment de familiarité de sorte que nous sommes certain d’avoir déjà vu cette
personne auparavant, sans que l’on puisse se souvenir des circonstances dans lesquelles nous
l’avons rencontrée). Ces différents états de conscience associés à la mémoire ont été étudiés à
Dans cette procédure, les sujets doivent classer les items qu’ils estiment avoir vus auparavant
(« souvenir ») tels que par exemple ce qu’ils ont pensé ou ressenti en voyant l’item, selon que
55
l’item leur est familier sans qu’ils aient de souvenir associé (« familiarité »), ou selon qu’ils
ne savent pas s’ils ont vu ou non l’item auparavant et qu’ils ont deviné. Dans l’étude de
D’Argembeau et al. (2003), les sujets devaient effectuer de tels jugements pour la mémoire de
l’identité des visages et pour la mémoire de leur expression. Les résultats montrent que la
reconnaissance globale de l’identité des visages ne diffère pas entre les sujets non-cliniques
ayant un score haut versus faible d’anxiété sociale. De façon similaire, la mémoire globale
pour les expressions ne différait pas entre les deux groupes. Néanmoins, lorsque les aspects
qualitatifs de la reconnaissance étaient pris en compte, il apparaissait que les sujets non-
des visages qui avaient exprimé de la joie que pour la reconnaissance de l’identité des visages
qui avaient exprimé de la colère, alors que ce n’était pas le cas pour les sujets anxieux
sociaux. De façon similaire, la mémoire des expressions de joie était plus souvent associée à
des réponses « souvenir » que la mémoire des expressions de colère chez les sujets non-
anxieux mais pas chez les sujets anxieux sociaux. Ces données suggèrent que les sujets non-
anxieux encodent les informations faciales en mémoire de manière plus élaborée lorsque les
visages manifestent une expression positive plutôt que négative (voir aussi D’Argembeau,
Van der Linden, Comblain, & Etienne, 2003). La plupart des gens ont en effet une conception
positive des relations sociales et, partant, traitent préférentiellement les signes sociaux positifs
vraisemblablement en raison d’une interprétation biaisée des signes sociaux positifs (voir la
section sur les Biais de jugement et d’interprétation), ce biais de mémoire pour les
informations faciales positives n’apparaît pas chez les personnes anxieuses sociales. Une
Enfin, d’autres études se sont intéressées aux souvenirs des événements sociaux vécus
par les patients PS dans leur vie quotidienne. Une recherche de Rachman, Grüter-Andrew et
Shafran (2000) suggère que les sujets ayant une anxiété sociale élevée pensent fréquemment
aux événements sociaux négatifs passés et que ces souvenirs tendent à être intrusifs et à
interférer avec leur capacité de concentration. Néanmoins, Rapee et al. (1994, Expérience 4)
n’ont pas trouvé de biais de mémoire autobiographique associé à la PS. Ces chercheurs ont
présenté des mots reliés à une situation sociale (par ex., « discours », « interview ») et des
mots neutres (par ex., « clef », « rivière ») à des patients PS et à des sujets non-anxieux. Les
sujets devaient décrire le premier souvenir qui leur venait à l’esprit en réponse à ces mots et
devaient également évaluer le niveau d’anxiété associé à leurs souvenirs. Les souvenirs
rapportés étaient ensuite classés par un juge selon leur caractère négatif ou positif/neutre. Il
n’y avait pas de différences entre les patients PS et les sujets non-anxieux quant au nombre de
souvenirs négatifs récupérés, ni quant au niveau d’anxiété associé aux souvenirs. Une autre
étude montre que les souvenirs autobiographiques des patients PS produits en réponse à des
mots socialement menaçants ne sont pas plus spécifiques (ils ne concernaient pas plus
d’événements s’étant déroulé dans un lieu et à un moment précis) que les souvenirs des sujets
non-anxieux (Wenzel, Jackson, & Holt, 2002), ce qui suggère que les souvenirs
autobiographiques de situations sociales ne sont pas plus détaillés chez les patients PS.
Néanmoins, plusieurs études ont trouvé que les souvenirs autobiographiques des
situations sociales sont davantage centrés autours de représentations visuelles de soi chez les
patients PS par rapport aux sujets non-anxieux. Wells, Clark, et Ahmad (1998) ont demandé à
des patients PS et à des sujets non-anxieux de se souvenir d’une situation sociale (qui
implique une interaction avec d’autres personnes) et d’une situation non-sociale (qui
n’implique pas d’interaction avec d’autres personnes) dans lesquelles ils se sont sentis
anxieux et mal à l’aise. Les sujets devaient essayer de se remémorer l’événement de manière
57
détaillée puis devaient évaluer la perspective visuelle adoptée dans leur souvenir : soit ils
voyaient la situation « à travers leurs propres yeux » et pouvaient observer ce qui se passe
autour d’eux (perspective d’acteur), soit ils voyaient la scène comme un observateur extérieur
pourrait le faire, c’est à dire comme s’ils se trouvaient « en dehors d’eux-mêmes » et
s’observaient eux-mêmes d’un point de vue extérieur (perspective d’observateur). Les auteurs
ont trouvé que les deux groupes de sujets adoptaient davantage la perspective d’acteur pour
d’observateur pour les situations sociales alors que les sujets non-anxieux adoptaient
plus que l’adoption d’une perspective d’observateur dans les souvenirs des situations sociales
est spécifique aux patients phobiques sociaux (et dans une moindre mesure aux patients
agoraphobiques) et n’est pas une caractéristique générale des phobies. Dans des interviews,
Hackmann, Surawy, et Clark (1998) ont trouvé que les patients PS rapportent faire
l’expérience spontanée d’images au cours des situations sociales ou lorsqu’ils anticipent ces
situations dans une plus grande mesure que les sujets non-anxieux. Ces images avaient par
ailleurs une connotation davantage négative et impliquaient plus souvent une perspective
d’observateur (dans laquelle les sujets pouvaient se voir eux-mêmes) chez les patients PS.
Coles, Turk, Heimberg, et Fresco (2001) ont examiné la perspective des souvenirs
d’événements sociaux variant selon leur niveau d’anxiété chez des patients PS et chez des
sujets non-anxieux. Plus l’anxiété impliquée dans les événements était élevée, plus les
patients PS avaient tendance à adopter une perspective d’observateur dans leurs souvenirs. Par
contre, les sujets non-anxieux adoptaient une perspective d’acteur dans toutes les situations.
Une critique qui peut être adressée à ces études est que les événements récupérés ne sont pas
contrôlés et sont donc forcément différents selon les sujets. Il est possible que des différences
(2002) ont étudié la perspective des souvenirs pour des situations standardisées crées en
laboratoire. Des patients PS et des sujets non-anxieux devaient participer à deux jeux de rôle :
donner un discours devant deux personnes et interagir avec deux personnes comme s’ils se
trouvaient à une fête. Ils devaient ensuite évaluer la perspective de leurs souvenirs pour ces
deux événements, immédiatement après ceux-ci puis trois semaines plus tard. Les patients PS
adoptaient davantage la perspective d’observateur dans leurs souvenirs que les sujets non-
anxieux, que ce soit directement après l’interaction ou trois semaines plus tard. Par ailleurs, la
tendance des patients PS à adopter la perspective d’observateur était plus marquée trois
semaines après l’événement, alors que la perspective des sujets non-anxieux restait stable au
cours du temps. Coles et al. (2002) ont suggéré que l’adoption d’une perspective
d’observateur joue probablement un rôle dans le maintien de l’anxiété sociale car les
souvenirs récupérés par les patients PS contiennent généralement des informations concernant
aggraver l’image et les croyances négatives se rapportant à soi. La réduction des souvenirs
ayant une perspective d’acteur empêcherait par ailleurs les patients PS d’accéder à des
informations concernant les comportements d’autrui dans les situations sociales, informations
qui seraient susceptibles d’invalider leurs croyances négatives (par ex., voir les autres sourire,
Les études ayant examiné la perspective visuelle des souvenirs montrent donc des
mémoire de leurs expériences sociales passées. Dans une étude récente, nous avons examiné
Linden, d’Acremont, & Mayers, 2006). L’expérience subjective associée à la récupération des
59
souvenirs est en effet un aspect essentiel de la mémoire autobiographique (Conway, 2001) qui
a été peu étudié dans le cadre de la PS. Un groupe de patients PS et un groupe de sujets
qu’ils ont vécus au cours des douze derniers mois. Pour chaque souvenir, les participants
devaient ensuite évaluer la quantité de détails sensoriels (visuel, auditif, olfactif, gustatif), de
détails contextuels (spatio-temporel), d’informations se rapportant aux autres (ce qu’ils ont dis
et fait) et d’informations se rapportant à soi-même (ce que l’on a dis, fait, pensé) que
comportait leur souvenir. Ils devaient également évaluer la perspective visuelle adoptée lors
étude montrent que les souvenirs d’événements sociaux des patients PS comportent moins de
détails sensoriels et davantage d’informations relatives à soi-même par rapport aux souvenirs
d’événement sociaux des sujets contrôles. De plus, les personnes PS centrent davantage leurs
présentent un biais de mémoire pour les informations relatives à soi plutôt qu’aux
informations relatives à autrui. Il n’y a par contre pas de différence entre patient PS et sujets
particulier dans leurs aspects négatifs), contribuant ainsi à maintenir une conception déformée
mnésiques dans la PS peuvent paraître contradictoires de sorte que des revues récentes de la
littérature ont conclu qu’il n’existe pas de preuve claire en faveur d’un biais de mémoire dans
la PS (Coles & Heimberg, 2002; Heinrichs & Hofmann, 2001). Certaines études ont
cependant rapporté des différences significatives entre sujets faiblement et fortement anxieux
socialement et il serait nécessaire de réaliser d’autres études afin de mieux comprendre les
facteurs qui sont impliqués dans les différences de résultats rapportés (par ex., les types de
stimuli utilisés, le type de tâche d’encodage et de récupération, l’induction ou non d’un état
d’anxiété). La PS ne semble pas associée à un biais de mémoire explicite pour des mots ou
histoires ayant une signification socialement menaçante. En revanche, il semble que les sujets
lorsque la tâche utilisée s’avère sensible aux propriétés sémantiques des stimuli. Par ailleurs,
d’autres études suggèrent que l’anxiété sociale peut être associée à un biais de mémoire pour
les informations se rapportant à soi. Il semble que ce biais apparaisse uniquement lorsqu’un
état d’anxiété est induit chez les sujets par l’anticipation d’une interaction. Cependant, on ne
sait pas encore précisément si ce biais consiste en une meilleure mémorisation des
informations négatives et/ou en une moins bonne mémorisation des informations positives, et
s’il concerne les informations se référant aux aspects publiques ou privés du « self ». Des
études supplémentaires seraient nécessaires afin de clarifier ces questions. Quelques études
suggèrent également que les individus faiblement et fortement anxieux socialement différent
quant à la mémorisation des visages et de leurs expressions émotionnelles. Deux études ont
trouvé une meilleure mémorisation des expressions négatives des visages et une autre étude
une moins bonne mémorisation à la fois de l’identité et de l’expression des visages positifs
dans l’anxiété sociale. Une réplication de ces résultats serait néanmoins nécessaire vu le faible
nombre d’études dans ce domaine. Enfin, bien que certaines études n’aient pas trouvé de
61
phobie sociale, d’autres études ont mis en évidence que les patients PS adoptent plus
fréquemment une perspective d’observateur dans leurs souvenirs des situations sociales. Par
Dans l’ensemble, les nombreux travaux de recherche effectués ces dernières années
ont permis de mieux comprendre les processus cognitifs qui sont impliqués dans la PS par la
mise en évidence d’une série de biais dans le traitement des informations sociales. Des études
futures devraient néanmoins s’attacher à mieux examiner les liens existant entre les biais
attentionnel, les biais d’interprétation et les biais de mémoire dans la PS. Il est par exemple
évident que l’attention portée à une information ainsi que la manière de l’interpréter
étudier ces relations en examinant les liens entre la focalisation de l’attention sur soi au cours
d’une situation sociale et la mémoire pour différents aspects de cette situation. Les résultats de
cette étude montre que les sujets ayant une forte anxiété sociale focalisent davantage leur
attention sur eux-mêmes plutôt que sur leur partenaire lors de l’interaction. Un jour plus tard,
négatives les concernant eux-mêmes, en comparaison aux sujets ayant une faible anxiété
sociale. Par ailleurs, des analyses corrélationnelles ont mis en évidence que plus les sujets se
focalisent sur eux-mêmes lors de l’interaction, moins ils rappellent d’information concernant
leur partenaire le jour suivant. Les auteurs en concluent que les biais mnésiques dans l’anxiété
sociale résultent de biais lors de l’encodage de l’information en mémoire plutôt que d’un biais
lors de la récupération. Néanmoins, cette conclusion se fonde uniquement sur des données
62
corrélationnelles de sorte qu’il serait nécessaire dans des études futures de manipuler
manipulation sur la mémoire afin d’obtenir des données plus robustes concernant les liens
Déficits cognitifs
Les études que nous avons passées en revue se sont intéressées à la présence de biais
types d’informations, en fonction de leur valeur émotionnelle. Une étude récente de Wenzel et
Holt (2003) suggère également que l’anxiété sociale est associée à des déficits cognitifs plus
étude, des sujets non-cliniques présentant des scores faibles et élevés à une échelle d’anxiété
sociale devaient réaliser diverses tâches cognitives (temps de réaction, mémoire implicite et
explicite, empan de chiffres, fluence verbale), tout en étant dans un état d’anxiété (après la
réalisation d’un discours) ou en l’absence d’état d’anxiété (après avoir lu un livre). Les
résultats ont mis en évidence que, bien que l’augmentation du niveau d’anxiété subjective lors
de la condition menaçante (discours) était similaire dans les deux groupes de sujets, les sujets
présentant un score élevé d’anxiété sociale présentait un déficit plus marqué dans la tâche
d’empan de chiffre que les sujets non-anxieux socialement. Par contre, les deux groupes de
sujets ne différaient pas concernant leurs performances aux autres tâches. D’autres études
seraient nécessaires afin d’examiner la présence d’éventuels déficits dans d’autres processus
tels que par exemple l’inhibition. S’il s’avérait que des déficits cognitifs généraux sont
présents chez les patients PS, les modèles futurs de la PS devraient s’attacher à expliquer en
Quelques études ont tout d’abord examiné les régions cérébrales qui sont activées lors de la
provocation d’un état d’anxiété chez les patients PS. Dans une étude réalisée au moyen de la
s’attendaient à devoir faire un discours en public. Les patients PS présentaient une activation
comparaison à des sujets de contrôle, ainsi qu’une augmentation de leur rythme cardiaque. De
plus, des analyses de régression ont mis en évidence que tant l’augmentation du rythme
cardiaque que l’activation accrue des régions temporales antérieures droites et de régions
négatif (auto-rapporté) lors de l’anticipation du discours. Dans une étude d’imagerie par
(2002) ont observé une augmentation du débit sanguin dans le cortex préfrontal dorsolatéral
droit, le cortex temporal inférieur gauche, et la région amygdalienne gauche chez des patients
PS, en comparaison à des sujets de contrôle, également lors de l’induction d’une anxiété
anticipatoire (anticipation d’un discours). Par ailleurs, dans une autre étude TEP, Tillfors et al.
(2001) ont observé une augmentation de l’activation du complexe amygdalien chez les
Quelques études ont également évalué les soubassements cérébraux du traitement des
informations sociales (en particulier les visages) chez les personnes PS. Veit et al. (2002),
dans une étude d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), ont trouvé une
antérieur, de l’amygdale droite, et du cortex préfrontal dorsolatéral gauche chez des patients
PS lors d’une procédure de conditionnement aversif au cours de laquelle des visages neutres
étaient associés à une pression douloureuse appliquée sur l’index. Par ailleurs, d’autres études
montrent une hyperactivation de l’amygdale chez les patients PS en réponse à des visages
menaçants (Stein et al., 2002 ; Straube et al., 2004), le niveau d’activation de l’amygdale étant
positivement corrélé à la sévérité des symptômes d’anxiété sociale (Phan et al., 2006).
Dans l’ensemble, ces travaux suggèrent que l’anxiété sociale est sous-tendue par un
cérébrales associées à un état d’anxiété dans la PS est consistante avec les activations
cérébrales observées dans d’autres troubles anxieux (par ex., Nordahl et al., 1998; Rauch et
al., 1995, 1997) ainsi que lors de l’induction d’un état anxiété chez des sujets non-cliniques
(voir Davidson & Irwin, 1999). Selon Davidson (2002; Davidson & Irwin, 1999), ces régions
sources de stimulations aversives et/ou à organiser des réponses appropriées face à la menace.
Sur base d’une série d’études réalisées chez le singe, Amaral (2002) a également
suggéré que l’amygdale consiste en un système de sécurité dont la fonction est de détecter et
d’éviter le danger. Cette structure cérébrale serait impliquée dans l’évaluation des stimuli
comportements appropriés pour éviter le danger. Elle jouerait également un rôle dans
situations. Des études montrent que les singes dont les amygdales ont été lésées s’emparent
sans hésitations d’un objet négatif tel qu’un serpent en caoutchouc, stimulus que les singes
normaux jugent aversif. Par ailleurs, lors des interactions sociales, les singes lésés présentent
l’homme, des études ont montré que les patients présentant des lésions bilatérales de
l’amygdale ont des difficultés à reconnaître les expressions faciales de peur (Adolphs et al.,
1999). Lors d’une tâche qui nécessite d’effectuer une évaluation de la personnalité d’individus
non-familiers sur base de photos de leur visage, ces patients évaluent les individus comme
étant plus honnêtes et dignes de confiance que ne l’estiment les sujets contrôles (Adolphs,
Tranel, & Damasio, 1998). Par ailleurs, une étude IRMf récente suggère que l’amygdale est
tels que de nouveaux visages en comparaison à des visages avec lesquels les sujets ont été
préalablement familiarisés (Schwartz et al., 2003). Selon Amaral (2002), la PS pourrait être
des stimuli relativement bénins, ce qui entraînerait une tendance à l’évitement de ces stimuli.
Une étude IRMf de Bribaumer et al. (1998) conforte cette hypothèse. Ces auteurs ont présenté
des visages neutres et des odeurs aversives à des patients PS et à des sujets de contrôle. Les
auteurs ont trouvé une activation plus marquée de l’amygdale chez les patients PS par rapport
aux sujets de contrôle en réponse aux visages neutres. Par contre, les deux groupes
présentaient une activation comparable de l’amygdale en réponse aux odeurs aversives. Cette
étude suggère donc que des stimuli bénins pour les sujets non-anxieux tels que des visages
neutres ont tendance à activer l’amygdale chez les patients PS. D’autres études seraient
cependant nécessaires afin de mieux comprendre le rôle joué par l’amygdale dans la PS. Une
revue récente de la littérature suggère en effet que le rôle de l’amygdale pourrait être plus
général et consister en une évaluation de la pertinence des stimuli, évaluation qui inclus, mais
n’est pas limitée, au caractère menaçant des informations traitées (Sander, Grafman, & Zalla,
2003). Il serait par ailleurs utile d’examiner les régions cérébrales qui sous-tendent les divers
66
Implications cliniques
combinaison de ces deux approches, dans le traitement de la PS (pour revue, voir Heimberg,
2001, 2002; Jefferson, 2001; Schneier, 2001). Il a été par exemple mis en évidence que
significative l’état des patients (Feske & Chambless, 1995; Gould, Buckminster, Pollack,
Otto, & Yap, 1997; Taylor, 1996). L’objectif de cette section n’est pas de faire une revue
exhaustive de ces travaux (voir Heimberg, 2001, 2002) mais plutôt de fournir quelques
exemples qui illustrent en quoi les modèles cognitifs de la PS ainsi que les études
expérimentales qui ont contribué à développer ces modèles ou qui en découlent ont contribué
Une des techniques les plus fréquemment utilisées pour le traitement des troubles
anxieux est l’exposition. Cette technique consiste en une confrontation progressive du patient
avec les stimuli ou situations redoutées jusqu’à ce que l’anxiété induite par ces stimuli
diminue. Pour que l’exposition soit efficace, les patients doivent s’engager complètement
dans les situations redoutées, c’est à dire faire attention à l’ensemble de la situation,
associées se manifester. Cependant, comme nous l’avons remarqué, certaines études montrent
que, lorsqu’ils sont confrontés à des situations sociales, les patients PS focalisent leur
attention sur eux-mêmes (sur des images négatives d’eux-mêmes, sur leurs signes d’anxiété)
67
plutôt que sur la situation extérieure de sorte que ce biais attentionnel risque de réduire
l’efficacité d’une exposition aux situations sociales. Prenant ces données en considération,
Wells et Papageorgiou (1998) ont montré que l’efficacité de l’exposition chez les patients PS
est augmentée lorsque l’on utilise des instructions qui aident les patients à focaliser leur
Par ailleurs, comme nous l’avons vu, plusieurs études ont mis en évidence que les
gravité de leurs conséquences, à sous-estimer leurs propres habiletés et performances dans les
situations sociales, et à interpréter de façon davantage négative et/ou moins positive les
alternatives au patient et en lui faisant vérifier la validité de ces diverses interprétations par
rapport aux faits objectifs d’une situation. L’identification d’une série de croyances et de biais
de traitement de l’information dans les études qui ont adopté une approche cognitive de la PS
des biais d’interprétation, ainsi que des biais mnésiques des patients avant la thérapie
des biais attentionnels, des biais d’interprétation, ainsi que des biais mnésiques des patients
68
Conclusion
tempérament de l’individu, les relations avec ses parents et les expériences sociales qu’il a
vécues. Ces dernières années, de nombreuses études ont également mis en évidence une série
Ces travaux, se fondant sur une approche cognitive en psychopathologie, ont permis
développement de techniques d’intervention efficaces. Bien cette approche ait déjà largement
porté ses fruits, la poursuite des travaux de recherche concernant les mécanismes de
traitement de l’information sociale, tant chez le sujet tout-venant que dans les cas
pathologiques, devrait permettre d’affiner notre compréhension de la PS, tant sur le plan
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