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les scrutins locaux qui se tenaient également le 3


novembre, échouant à conquérir les parlements de
Présidentielle 2022: quatre leçons de
plusieurs États (lire ici).
l’élection américaine
PAR FRANÇOIS BONNET
ARTICLE PUBLIÉ LE DIMANCHE 8 NOVEMBRE 2020

L’élection sur le fil de Joe Biden s’accompagne de


lourdes défaites pour les démocrates. La puissance
presque inentamée de Donald Trump vient rappeler
que l’extrême droite populiste ne peut être battue que
par des projets politiques alternatifs plaçant au cœur
Le président Donald Trump à la Maison Blanche, le 30 octobre
les citoyens et par des actions de terrain déterminées. 2020. © ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

« Nous avons perdu plusieurs batailles mais nous


avons gagné la guerre », a voulu se consoler jeudi
Nancy Pelosi, leader des démocrates à la Chambre
des représentants, lors d’une discussion animée avec
ses collègues (lire ici et ici). Elle n’a pas précisé
pour combien de temps. Car cette guerre va sans
Donald Trump à la Maison Blanche le 30 octobre 2020. © AFP
aucun doute se poursuivre, tant le trumpisme apparaît
Le trumpisme n’est pas soluble dans l’eau tiède. C’est solidement installé.
la principale leçon de cette élection américaine. Bien
Donald Trump gagne près de sept millions de voix par
sûr, Joe Biden est élu 46e président des États-Unis. rapport à 2016. Il progresse dans tous les segments
Mais cette victoire sur le fil, au terme d’un scrutin de population (à l’exception des « hommes blancs »).
pourtant marqué par une participation sans précédent « Les femmes blanches ont voté davantage pour
depuis l’année 1900, s’accompagne de nombreuses Trump en 2020 qu’en 2016, malgré le sexisme,
défaites pour le parti démocrate. pour ne pas dire plus, du personnage », expliquait
Non seulement la « vague bleue » escomptée par les jeudi l’historienne et spécialiste Sylvie Laurent sur
démocrates n’a pas eu lieu mais ils devraient perdre le plateau de notre émission « À l’air libre ». Les
une dizaine de sièges à la Chambre des représentants. Afro-Américains également, tout comme les Hispano-
Ils ne parviennent pas non plus à emporter le Américains.
Sénat. Et ils multiplient les contre-performances dans

Enfin, Donald Trump fait carton plein dans les rangs


de son parti. Il vient démentir ces responsables
démocrates convaincus qu’une partie de l’électorat
républicain se détournerait d’un personnage aussi peu
ragoûtant… Et que c’était justement pour cette raison,

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pour les attirer, qu’il fallait mener une campagne La situation économique a été le premier déterminant
résolument centriste, à voix basse, en en disant le du vote des électeurs américains (35 % contre 11 %
moins possible. pour la sécurité ou 20 % pour le racisme). Or ceux qui
Joe Biden n’a fait que jouer d’un contraste : il n’était plaçaient cette question en tête de liste ont voté à 82 %
pas Trump. Lui était « décent » et « professionnel » ; pour Trump (contre 17 % pour Biden).
lui promettait de « reconstruire » une « Amérique
abîmée » ; lui s’engageait « à restaurer l’âme de ce
pays ». Son projet se résumait en une proposition : le
retour à la normale.
Cette stratégie de campagne lui a donné in extremis
le nécessaire – la Maison Blanche – mais pas le
suffisant. En ne maîtrisant ni le Congrès, évidemment Paradoxalement, l’impact social et économique de
pas la Cour suprême, ni de nombreux pouvoirs la pandémie de coronavirus, avec 20 millions de
locaux, Biden apparaît déjà comme paralysé. Il ne sera chômeurs de plus en quelques mois, a d’abord servi le
qu’un président de transition, sans doute empêché de président sortant, qui n’a cessé de nier la dangerosité
conduire un agenda de transformation, comme ce fut le du « virus chinois ». Trump était par ailleurs crédité
cas pour Barack Obama lors de son deuxième mandat de très bons résultats avant la crise sanitaire, résultats
(2012-2016). bien souvent dus à son prédécesseur.
Les sondages « sortie des urnes » réalisés le Alors que les États-Unis sont déchirés par les
3 novembre (plus fiables que ceux réalisés avant inégalités et que la politique de Trump a
le vote, lire ici et ici) et les premières analyses essentiellement consisté en des baisses d’impôts
des scrutins posent d’innombrables questions sur les massives pour les entreprises et les plus riches, c’est
faiblesses et les échecs de la stratégie des démocrates. pourtant lui qui l’emporte sur ce sujet majeur. Les
Le débat a déjà commencé dans leurs rangs. démocrates ont pour l’essentiel négligé cette question
sociale et économique.
Beaucoup de ces questions ont un écho évident en
Europe et particulièrement en France. Parce que Des engagements sur la taxation des plus riches
l’élection présidentielle s’y tiendra dans moins de avaient certes été pris, sans que cela dessine un
18 mois. Et parce qu’une extrême droite puissante y projet global de relance, de redistribution et de luttes
est installée de longue date, d’ores et déjà en position contre les inégalités. Dans le même temps, Biden
d’accéder au second tour, comme l’avait fait Marine n’a cessé d’hésiter sur l’exploitation des pétrole
Le Pen en 2017. et gaz de schiste, ne sachant pas véritablement
quoi répondre quand Trump glorifiait ce secteur
Si on laisse de côté les fortes spécificités du système
pourvoyeur d’emplois.
américain, quatre questions comparables se posent.
Avec cette difficulté toute particulière en France : le Une illustration de cette impasse peut être trouvée en
paysage politique est atomisé en de multiples forces, Floride. Trump l’a facilement emporté dans cet État.
quand l’électeur américain n’a le choix qu’entre deux Dans le même temps, les électeurs décidaient par un
grands partis. référendum local l’augmentation du salaire minimum
• 1 – L’économie et l’explosion des inégalités à 15 dollars de l’heure.
De fait, les démocrates ont abandonné ce terrain
du social et de l’économie au candidat républicain.
Voilà une leçon utile pour les gauches françaises,
au moment où Emmanuel Macron veut installer un
agenda identitaire et sécuritaire reprenant les mots de

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l’extrême droite. Et où le Rassemblement national se Or cette question démocratique est devenue centrale.
présente depuis 2017 comme le parti de la protection C’est bien la Ve République qu’il faut renverser
économique des Français. La question sociale, tout pour reconstruire la délibération démocratique. Aucun
particulièrement pendant et après la crise sanitaire que parti, à l’exception de La France insoumise, qui
nous vivons, est déterminante. propose « une assemblée constituante », n’a choisi
• 2 – La crise démocratique et institutionnelle d’en faire une priorité.
En 2016, Donald Trump était élu comme le • 3 – Les droits des minorités pour l’émancipation
candidat antisystème (vieux slogan du FN/RN), celui de tous
qui allait mettre au pas Washington, ses lobbys, Ce sera le cœur de la bataille au sein du parti
« l’État profond ». Ses dénonciations incessantes de démocrate. Les « liberals », c’est-à-dire cette gauche
« complots » en tout genre, sa contestation du résultat Bernie Sanders pour résumer, auraient effarouché
de l’élection présidentielle de 2020, ses accusations de l’électorat traditionnel démocrate par leurs combats
« fraudes massives » s’appuient sur l’épuisement d’un pour les minorités. Les mouvements pour les droits
système institutionnel, épuisement doublé d’une crise civiques, contre les répressions policières, contre les
de la représentation, comme en France. suprémacistes blancs, contre le racisme, en défense
Trump s’est appuyé sur ses 88,4 millions d’abonnés des sans-papiers, des LGBT, Black Lives Matter et
sur Twitter (plus que les 70 millions de votes obtenus tant d’autres auraient installé un agenda politique
le 3 novembre) pour parler quotidiennement, en direct de gauche radicale, voire « socialiste », qui aurait
et sans filtre à l’Amérique. Comme l’a souligné paralysé Joe Biden et handicapé sa campagne.
notre chroniqueur Harrison Stetler, « la crise que Le parallèle avec la France est saisissant au moment
traverse les États-Unis depuis une trentaine d’années où Emmanuel Macron veut faire de la « lutte contre le
trouve ses racines bien au-delà du système partisan. séparatisme » la marque de la fin de son quinquennat.
Les violences qui débordent dans la rue sont aussi Relayée par le Printemps républicain et certains
le signe d’un système politique, voire d’un ordre responsables de gauche, cette hystérie dénonciatrice
constitutionnel qui n’arrivent pas à canaliser ou à du « communautarisme », nouvel ennemi intérieur,
donner forme à l’opinion populaire ». est très exactement l’agenda que l’extrême droite veut
Il en est de même en France. Bien avant le mouvement imposer au pays, dans une guerre de tous contre tous.
des « gilets jaunes » et la demande, parmi d’autres, Pour empêcher ces régressions xénophobes et
d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC), la identitaires, tout projet émancipateur commence par
Ve République et son « crétinisme présidentiel » la défense des minorités et la conquête de nouveaux
avaient placé notre démocratie en crise.
Ne citons que trois exemples. Le droit de vote
des étrangers aux élections locales ? Près de
40 ans de débat et aucune avancée (sauf pour
les citoyens de l’UE). Une introduction même
limitée de la proportionnelle dans le scrutin
législatif ? Une promesse récurrente jamais tenue.
La Convention citoyenne pour le climat et donc une
participation directe des citoyens dans l’élaboration
d’une politique ? Aussitôt faite, aussitôt oubliée par le
pouvoir.

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droits. L’histoire de la gauche et de ses succès, en font rarement l’objet d’un investissement politique
France, a été marquée par de tels engagements, et il en traditionnel ou d’une stratégie électorale, et sont
est de même aux États-Unis. souvent sacrifiées dans les négociations politiques »,
note dans un tweet Alexandria Ocasio-Cortez pour
expliquer comment ces luttes locales ont assuré la
victoire de Biden.
Là encore, les partis français ont de quoi apprendre.
Les effectifs squelettiques des partis de gauche ou
d’EELV, leur éloignement, méfiance ou désintérêt
pour des luttes sociales du quotidien constituent un
handicap majeur.
Cori Bush à son QG de campagne, en juin 2019. © Mathieu Magnaudeix
Dans le débat naissant au sein du camp démocrate, « Joe Biden et les démocrates ont fermement refusé
les quatre députées de l’aile gauche du parti ont d’opposer un projet politique alternatif convaincant à
été aisément réélues. Alexandria Ocasio-Cortez (lire la politique réactionnaire de droite de Donald Trump.
ici son fil Twitter), Ilhan Omar, Ayanna Pressley Trump semble avoir perdu, mais sans créer cette
et Rachida Tlaib font valoir que ce sont justement alternative, le trumpisme pourrait revenir en force
ces combats contre le racisme et pour de nouveaux dans quatre ans », écrit Barry Eidlin, dans la revue
droits, mais aussi pour le Green New Deal, qui ont de gauche Jacobin(lire également le parti pris du
attiré de nouveaux électeurs et suscité de nouvelles philosophe Ben Burgis publié par Jacobin et repris
mobilisations. ce dimanche par Mediapart).
La victoire de Cori Bush (notre entretien ici), Face au Rassemblement national de Marine Le Pen,
première femme noire de l’État du Missouri à être le défi est le même. Proposer un autre imaginaire
élue à la Chambre des représentants, renforce leurs politique que celui de l’exclusion et de l’identité ;
positions. Et sans ces nouveaux combats menés par construire un projet global incluant enfin les citoyens
une nouvelle génération de militants et d’activistes, il et les dynamiques sociales. Est-il déjà trop tard ? sans
est probable que Joe Biden n’aurait pas pu l’emporter doute.
dans certains États. Depuis trois ans, mouvements sociaux et
• 4 – Mouvements citoyens et actions de terrain soulèvements populaires n’ont pas cessé en France.
Car cette nouvelle gauche américaine a su, depuis des Or tous ont été observés avec méfiance ou distance
années, développer de nouveaux modes d’action et des par la plupart des forces politiques dites progressistes,
liens inédits avec les associations et les innombrables écologistes ou de gauche. Elles n’ont rien su faire
mouvements citoyens locaux. Dans la foulée des ou construire à partir de ces dynamiques parfois
campagnes de Bernie Sanders, les « community inattendues et très souvent novatrices venues de la
organizers » ont ratissé le terrain. Logement, pauvreté, société. Les vieilles stratégies, les insurmontables
violence, discrimination, santé, environnement… : des divisions, les a priori idéologiques, les querelles d’ego,
luttes très concrètes, parfois quartier par quartier, ont chacun étant convaincu d’être l’homme providentiel
permis de « réengager » les citoyens dans la politique. – figure justement perdante –, rendent impossible la
construction d’un tel projet. Au bout de ce chemin est
« Il faut vraiment regarder les communautés qui
l’extrême droite. Donald Trump, même perdant, vient
ont livré ces victoires miraculeuses en Arizona, en
nous le confirmer. À moins que ?
Géorgie, dans le Minnesota, le Michigan, etc. Elles

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