Université 8 Mai 1945 Guelma

Faculté des lettres et des langues

Département de français
Matière : E.T.C.
Nom Et Prénom :
Groupe :

TD du 2ème semestre

Le jeune Marcel est choisi pour représenter son Ecole à l’épreuve « jeunes lumières », Concours interscolaire
régional de 1904 où les participants sont examinés en Dictée, expression écrite, mathématique et physique-chimie.
Les 5 premiers gagnants remportent une bourse d’étude pour le plus prestigieux collège de Paris.

Le mois de juin fut un mois sans dimanches : il me parut bordé de deux hautes murailles, et ce long corridor
était fermé, là-bas, par une épaisse porte de fer, la porte des Bourses.

Ce fut le mois des « révisions générales », que je fis avec passion, non point par amour de la science, mais
soutenu par la vanité d’être le champion qui allait défendre l’honneur de l’École du Chemin-des-Chartreux.

Cette vanité tourna très vite au cabotinage. Pendant les récréations, je faisais les cent pas, tout seul, le long
du mur de la cour. Grave, le regard perdu, la lèvre marmonnante, je «  révisais », sous les yeux de mes
camarades, qui n’osaient pas s’approcher du Penseur – et si quelque audacieux m’adressait la parole, je
feignais de tomber du haut de la Science, et j’abaissais un regard douloureux vers l’importun, aussitôt
réprimandé à voix basse par les « supporters » du champion.

Cette comédie que je jouais avec une sincérité d’acteur, ne fut pas inutile : c’est parfois en jouant les héros
qu’un prétentieux devient un héros véritable. Mes progrès et mes exploits étonnèrent mes maîtres, et
quand vint le jour de l’examen – col rabattu, cravate à ganse, la joue pâle, et le cheveu plat – je partis au
front et me tirai fort bien d’affaire.

M. le Directeur – qui avait des intelligences dans le jury – nous apprit que ma rédaction avait été « fort
remarquée », ma dictée « parfaite » et qu’on avait apprécié mon écriture.

Par malheur, je n’avais pas su résoudre le second problème, qui concernait les alliages chimiques.

Son « énoncé » avait été rédigé avec tant de finesse qu’aucun des deux cents candidats ne l’avait compris,
sauf un nommé Oliva, qui obtint ainsi la première place : je n’avais que la seconde.

On ne me gronda pas, mais ce fut une déception ; elle se traduisit par un tollé général, lorsque M. le
Directeur, dans la cour au milieu de ses maîtres, lut à haute voix le fatal énoncé de chimie : il dit qu’à
première vue il n’y comprenait rien lui-même.

M. Besson affirma que c’était un problème de baccalauréat ; M. Suzanne fut d’avis que le rédacteur de
cette énigme n’avait sans doute jamais parlé à des enfants, Il conclut qu’un bon esprit ne pouvait s’y
retrouver, et il finit par me féliciter de n’y avoir rien compris.

Cependant, l’indignation générale se calma, lorsqu’on apprit que cet Oliva n’était pas un traître, puisqu’il
venait aussi d’une école primaire, celle de la rue de Lodi, qui était dans le quartier voisin du nôtre  ; l’idée
que les deux premiers étaient « frères d’armes » transforma mon échec en succès.
Pour moi, j’étais profondément déçu, et je tentai bassement de déshonorer le triomphe du redoutable
Oliva, en disant qu’un garçon qui manipulait si bien les propriétés chimiques ne pouvait être que le fils d’un
faux-monnayeur.

Cette hypothèse vengeresse et fabuleuse fut acceptée par mon camarade Paul avec une joie fraternelle, et
je me proposais de la répandre dans toute l’école : je l’aurais fait certainement, si je n’avais pas oublié d’y
penser, car je m’aperçus, tout à coup, ébloui comme à la sortie d’un tunnel, que nous étions sur la porte
des grandes vacances !

Alors, Oliva, l’énoncé, le directeur, le collège, la bourse… tout disparut sans laisser de trace  : je me remis à
rire et à rêver, tout en préparant – tremblant de joie et d’impatience – le Départ à Marseille.

Marcel Pagnol, Le Temps des secrets, 1960.

Etude de texte :

1. Résumez sémantiquement chaque paragraphe par une phrase complète.

2. Ce texte autobiographique a été écrit en 1960 mais décrit des évènements survenus en 1904 lorsque
l’auteur était âgé de 9 ans, quels sont les indices qui démontrent que c’est l’adulte qui parle et non
l’enfant.

3. Donnez des synonymes contextuels aux 5 mots soulignés (Penseur, intelligences, problème, finesse,
fabuleuse).

4. Cet extrait de Marcel Pagnol ainsi que celui déjà vu en classe (La rentrée, extrait disponible1 sur la
plateforme) représentent à merveille le style burlesque 2 qui repose sur un décalage entre la tonalité et
le sujet traité dans un texte. Rédigez une courte lettre originale (20 lignes maximum) dans laquelle ce
narrateur-enfant raconte le déclenchement de la première guerre mondiale dans un style burlesque.

1
https://elearning.univ-guelma.dz/mod/resource/view.php?id=6671
2
Il consiste à traiter un sujet important de manière légère ou à l’inverse un sujet banal de manière sérieuse.