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[…] Rendre les choses intelligibles là où la confusion paraît inévitable. Tel fut le pari d’une histoire de la pensée
féministe, d’une généalogie de l’exclusion des femmes de la démocratie, d’une lecture de la tradition philosophique
relativement à la différence des sexes. Le féminisme apparaît comme un désordre, une passion, une hystérie, rarement
comme un engagement raisonné dans l’espace politique. Le féminisme relève de l’humeur et non de la réflexion, tel est
l’habituel commentaire des contemporains d’un mouvement féministe. Le pari fut de retrouver le sens, la logique, les
raisons et les fondements de l’acte féministe dans l’histoire. Retrouver l’histoire était nécessairement retrouver le sens.
Par exemple, être une féministe révolutionnaire en 1848 implique une réflexion sociale et politique au même titre que les
autres acteurs de cette révolution.
Le pari du sens est bien évidemment le pari de la pensée. Le geste féministe, quand il paraît avoir ses raisons, est reconnu
dans sa singularité relative. Le féminisme serait une opinion, serait, comme mouvement social et politique, l’expression
multiple d’opinions diverses. L’opinion est l’expression d’un sujet, sujet singulier. Mais l’opinion comme engagement
historique et politique est renvoyée à sa limitation. Il fallait montrer que l’opinion s’appuie sur une élaboration réfléchie,
sur de la pensée. Par exemple, l’opinion de Clémence Royer concernant le suffrage des femmes s’appuie sur son idée de
l’évolution de l’humanité. Si elle est provisoirement contre le droit de vote, c’est parce que les femmes, pense-t-elle, ne
sont pas prêtes, historiquement parlant. Derrière l’opinion, il y a de la pensée.
Proposer une intelligibilité de l’émancipation, de la subversion féministe nécessitait en retour de formuler la domination,
comme son envers. Or si la subversion est renvoyée à l’humeur et à l’opinion particulière, la domination est tue ; elle
relève non pas du bruit désordonné, mais du silence délibéré. Il faut donc reconstruire un puzzle dont on ne connaît pas le
dessin.
Il y a deux raisons connues, explications à l’absence de champ d’exploration de la différence des sexes ; ce que la
psychanalyse présente comme le nécessaire refoulement de la sexualité avec ses conséquences dans les complexes
mécanismes de la sublimation ; ce que la politique esquive en refusant de faire de la domination masculine un des enjeux
de sa science. Disons que si la psychanalyse travaille depuis un siècle à élaborer sa science et son art (on ne tranchera
pas), la science politique n’a pas encore accepté une pensée sur la domination masculine. D’où la nécessité de convaincre
de l’intelligibilité du domaine de réflexion.
Légitimer une pensée sur la différence des sexes, égalité et inégalité des hommes et des femmes, est une exigence de la
modernité politique. C’est une affirmation fort minoritaire en France aujourd’hui, plus acceptée en Amérique du Nord.
Geneviève Fraisse, « A Contre-Temps », Genre & Histoire [En ligne], n°2, Printemps 2008.
[http://genrehistoire.revues.org/index233.html]
Doc.2A. Doctrine, le mouvement qui préconise l’extension des droits et du rôle de la femme dans la société.
Charles Fourier, philosophe français, figure du socialisme utopique.
Cité dans le Grand Robert de la langue française, vol.III, p.668
Doc.2B. Individu mâle qui présente certains caractères secondaires du sexe féminin et,
par extension. État d’un homme qui présente des traits psychologiques attribués à la
femme.
Larousse médical du XIXe siècle
Doc.2C. Le féminisme, c’est-à-dire cette confusion des sexes qui tend non plus à
l'équivalence des conditions, mais à leur identité.
Lafayette, député radical, 1925
Doc.2D. Analyse faite par des femmes (i.e. à partir de l’expérience minoritaire),
des mécanismes de l’oppression des femmes en tant que groupe ou classe par
les hommes en tant que groupe ou classe, dans diverses sociétés, et volonté
d’agir pour son abolition.
Nicole-Claude Mathieu, L’Anatomie politique, Paris, Côté-femmes, 1991, p.135.
Doc.2G. Au sens large, le féminisme inclut l’ensemble argumentaire qui dénonce les inégalités faites aux femmes et qui
énonce des modalités de transformation de ces conditions. Il comprend des réflexions théoriques, des études empiriques et
des propositions politiques et sociales. Le féminisme est un mouvement diversifié dont les combats ont évolué au fil des
années et selon les pays. Revendiquant d’abord le droit de vote pour les femmes (fin du XIXe et début du XXe siècle), la
lutte des mouvements féministes a ensuite touché les aspects juridiques, économiques et culturels. Les féministes ont ainsi
été actives dans plusieurs dossiers : l’abolition des discriminations dans la vie professionnelle, la décriminalisation de
l’avortement, l’implantation de garderies, la dénonciation de toutes les formes de violence exercée contre les femmes
dans la vie privée comme dans la vie publique.
Quelques noms s’imposent. D’abord, Mary Wollstonecraft (XVIIIe siècle) et Flora Tristan (XIXe siècle) au Royaume-
Uni et en France. Puis Clara Zetkin (XXe siècle), à l’origine de la journée du 8 mars, ou encore Alexandra Kollontaï dans
le contexte de la révolution bolchévique en Russie. Après la Deuxième Guerre mondiale, le mouvement est marqué par un
grand nombre de personnalités: Simone de Beauvoir, Kate Millet, Élisabeth Badinter, Shulamith Firestone, Ti-Grace
Atkinson ou Luce Irigaray. Les préoccupations féministes ont également été transposées dans des œuvres culturelles,
notamment en littérature. Par exemple: la britannique Doris Lessing (Nobel
2007), auteure du livre Le carnet d’or (The golden notebook), un livre phare du
féminisme publié en 1962. Le mouvement s’inscrit aussi dans des organisations
comme la National Organization for Women aux États-Unis, fondé en 1966 ou
à travers des événements comme la Conférence internationale sur les femmes à
Nairobi (1985).
Considéré comme un des grands mouvements du XXe siècle, il a bouleversé la
division traditionnelle des rôles, la suprématie masculine dans la famille et la
structure de la main-d’œuvre dans un grand nombre de pays.
Les victoires de ce mouvement sont variables. Dans certains pays, le
mouvement fait face à des blocages importants de la part des gouvernements,
des groupes religieux ou des segments les plus traditionalistes de la société.
Dans d’autres, les principales revendications du mouvement ont été intégrées
aux législations et aux ensembles culturels.
« On ne saurait nier, sans doute, qu’il existe des femmes très distinguées, très
supérieures à la moyenne des hommes, mais ce sont là des cas aussi exceptionnels
que la naissance d’une monstruosité quelconque ».
Gustave Le Bon
« Lorsque tous les peuples s’agitent au nom de Liberté, et que le prolétaire réclame son affranchissement, nous, femmes,
resterons-nous passives devant ce grand mouvement d’émancipation sociale qui s’opère sous nos yeux. Notre sort est-il
tellement heureux, que nous n’ayons rien aussi à réclamer ? La femme, jusqu’à présent, a été présent exploitée,
tyrannisée. Cette tyrannie, cette exploitation, doit cesser. Nous naissons libres comme l’homme, et la moitié du genre
humain ne peut être, sans injustice, asservie à l’autre. Comprenons donc nos droits ; comprenons notre puissance ; nous
avons la puissance attractive, le pouvoir des charmes, arme irrésistible, sachons l’employer. Refusons pour époux tout
homme qui n’est pas assez généreux pour consentir à partager son pouvoir ; nous ne voulons plus de cette formule :
Femmes, soyez soumise à votre mari ! Nous voulons le mariage selon l’égalité... Plutôt le célibat que l’esclavage! […] »
Jeanne-Victoire
Doc.10 : Jeanne Deroin à Pierre Joseph Proudhon, L’Opinion des femmes, 28 janvier 1849.
Vous voulez resserre les liens de la famille, et vous la diviserez : l’homme au forum ou à l’atelier, la femme au foyer
domestique. Séparées de leurs époux et de leurs fils, de leurs pères et de leurs frères, les femmes, comme dans le passé, se
consoleront de leur isolement et de leur servitude en rêvant à la patrie céleste, où elles auront le droit de cité, où il n’y
aura plus d’inégalités, ni de privilèges injustes. Abandonnées par vous à l’influence du confessionnal, elle vous enlaceront
d’une chaine mystérieuse, et tous vos efforts vers le progrès seront vains […]. Vous essayerez inutilement d’établir
l’égalité entre les citoyens ; la société est fondée sur la famille : si la famille reste fondée sur l’inégalité, la société
reprendra toujours son vieux li et rentrera, comme vous le dites, dans l’ordre naturel des choses ».
Doc.11 : Caricature antiféministe anglaise du XIXe siècle,
faisant craindre le pire en cas d’émancipation de la femme.
Rapport présenté par le sénateur Alexandre Bérard en 1919 sur plusieurs propositions de loi tendant à accorder
aux femmes l’électorat et l’éligibilité : « Les mains des femmes sont-elles bien faites pour le pugilat de l’arène publique
? Plus que pour manier le bulletin de vote, les mains de femmes sont faites pour être baisées, baisées dévotement quand
ce sont celles des mères, amoureusement quand ce sont celles des femmes et des fiancées : ... séduire et être mère, c’est
pour cela qu’est faite la femme »