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Psycho-Oncologie

Approche différentielle du sujet âgé en service d'hémato-oncologie : réflexions à partir


d'un cas
--Manuscript Draft--

Manuscript Number: PSON-D-11-00005

Full Title: Approche différentielle du sujet âgé en service d'hémato-oncologie : réflexions à partir
d'un cas

Article Type: Original Article

Abstract: Dans notre pratique de psychologue en service de médecine, chaque rencontre


clinique est une invite à penser : penser l'orientation d'un accompagnement possible,
dans la réalité d'une pratique pluridisciplinaire, et au sein d'institutions qui accueillent
les usagers en tant que « patients », sans les concevoir d'emblée comme des sujets
de l'inconscient. Certains cas cliniques, par le radicalisme de leur phénoménologie,
nous contraignent, davantage qu'ils nous invitent, à adopter une démarche
différentielle, seul recours si l'on espère trouver une place aux côtés du sujet et de nos
collègues. En effet, la clinique des névroses et celle des psychoses ne peuvent être
abordées sans discriminations, quel que soit le champ ou s'inscrit notre travail.
L'approche différentielle est l'actualisation, dans la pratique, d'un souci éthique vis-à-
vis des sujets qui s'adressent à nous ; sa portée, quant à elle, est en premier lieu
opératoire. Cette approche trouve ses repères dans les élaborations théorico-cliniques
existantes, de Freud à Lacan, et elle conduit à en produire de nouvelles, à partir de la
clinique singulière des cas rencontrés.
Ainsi, le cas de Monsieur V. permet de cerner comment, dès le premier entretien,
l'attention portée aux coordonnées subjectives d'un patient participe à ce qu'un
accompagnement soit possible, y compris dans une période aiguë de grande
souffrance physique et de décompensation psychotique. Il sera ici question du rapport
à l'Autre du sujet paranoïaque, et du positionnement du clinicien dans le transfert.

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« Approche différentielle du sujet âgé en service d’hémato-oncologie : réflexions à partir d’un


1 cas »
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5 « Differential approach in elderly patients in hematology-oncology department:
6 considerations from a case»
7
8 Titre court : « Approche différentielle du sujet âgé »
9
10
11 Résumé : « Dans notre pratique de psychologue en service de médecine, chaque rencontre
12 clinique est une invite à penser : penser l’orientation d’un accompagnement possible, dans la
13 réalité d’une pratique pluridisciplinaire, et au sein d’institutions qui accueillent les usagers en
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tant que « patients », sans les concevoir d’emblée comme des sujets de l’inconscient. Certains
16 cas cliniques, par le radicalisme de leur phénoménologie, nous contraignent, davantage qu’ils
17 nous invitent, à adopter une démarche différentielle, seul recours si l’on espère trouver une
18 place aux côtés du sujet et de nos collègues. En effet, la clinique des névroses et celle des
19 psychoses ne peuvent être abordées sans discriminations, quel que soit le champ ou s’inscrit
20
21 notre travail. L’approche différentielle est l’actualisation, dans la pratique, d’un souci éthique
22 vis-à-vis des sujets qui s’adressent à nous ; sa portée, quant à elle, est en premier lieu
23 opératoire. Cette approche trouve ses repères dans les élaborations théorico-cliniques
24 existantes, de Freud à Lacan, et elle conduit à en produire de nouvelles, à partir de la clinique
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singulière des cas rencontrés.
27 Ainsi, le cas de Monsieur V. permet de cerner comment, dès le premier entretien, l’attention
28 portée aux coordonnées subjectives d’un patient participe à ce qu’un accompagnement soit
29 possible, y compris dans une période aiguë de grande souffrance physique et de
30 décompensation psychotique. Il sera ici question du rapport à l’Autre du sujet paranoïaque, et
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du positionnement du clinicien dans le transfert. »
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34 Abstract: « In our current practice as a psychologist in the Department of Medicine, each
35 clinical encounter is an invitation to think, think about the direction of a support as possible in
36 the reality of a multidisciplinary practice, and within institutions that welcome users in as
37
38 "patients" without conceiving them immediately as subjects of the unconscious. Some clinical
39 cases, by the radicalism of their phenomenology, constrain us, more than they invite us to
40 adopt a differential approach, sole remedy if one hopes to find a place alongside the subject
41 and our colleagues. Indeed, the clinic of neuroses and psychoses can not be addressed without
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discrimination, regardless of our work. The differential approach is to update, in practice, an
44 ethical concern towards subjects that come to us; its scope is primarily operative. This
45 approach finds its references in the theoretical and clinical elaborations existing, from Freud
46 to Lacan, and it leads to produce new ones, from the unusual clinical cases encountered.
47 Thus, the case of Mr V. identifies how, from the first interview, the attention should be drawn
48
49 to the subjective approach of the patient in order to bring a possible support, including during
50 an acute period of great physical suffering and psychotic decompensation. It will be talking
51 about the relationship of the paranoid subject with the Other, and about the position of the
52 clinician in the transference »
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55 Mots-clé : approche différentielle, hémato-oncologie, psychose, transfert
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57 Keywords : differential approach, hematology-oncology, psychosis, transference
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Approche différentielle du sujet âgé en service d’hémato-oncologie :
1
2 réflexions à partir d’un cas
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5
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7 INTRODUCTION
8
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10 Dans notre pratique de psychologue en service de médecine, chaque rencontre clinique est
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12 une invite à penser : penser l’orientation d’un accompagnement possible, dans la réalité d’une
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pratique pluridisciplinaire, et au sein d’institutions qui accueillent les usagers en tant que
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17 « patients », sans les concevoir d’emblée comme des sujets de l’inconscient. Certains cas
18
19 cliniques, par le radicalisme de leur phénoménologie, nous contraignent, davantage qu’ils
20
21
22 nous invitent, à adopter une démarche différentielle, seul recours si l’on espère trouver une
23
24 place aux côtés du sujet et de nos collègues. En effet, la clinique des névroses et celle des
25
26
27 psychoses ne peuvent être abordées sans discriminations, quel que soit le champ ou s’inscrit
28
29 notre travail. L’approche différentielle est l’actualisation, dans la pratique, d’un souci éthique
30
31
32
vis-à-vis des sujets qui s’adressent à nous ; sa portée, quant à elle, est en premier lieu
33
34 opératoire. Cette approche trouve ses repères dans les élaborations théorico-cliniques
35
36 existantes, de Freud à Lacan, et elle conduit à en produire de nouvelles, à partir de la clinique
37
38
39 singulière des cas rencontrés.
40
41 Ainsi, le cas de Monsieur V. permet de cerner comment, dès le premier entretien, l’attention
42
43
44 portée aux coordonnées subjectives d’un patient participe à ce qu’un accompagnement soit
45
46 possible, y compris dans une période aiguë de grande souffrance physique et de
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48
49 décompensation psychotique. Il sera ici question du rapport à l’Autre du sujet paranoïaque, et
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51 du positionnement du clinicien dans le transfert 1. Dans cette perspective, la psychose ne sera
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pas envisagée comme une maladie mentale, mais comme une « modalité de réponse aux
55
56 1
Luis Izcovich note que « le sujet psychotique, plutôt qu’un maître, cherche celui qui peut accompagner le
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maître, car le maître, c’est lui. En être averti est déterminant quant à la place de l’analyste dans la cure analytique
58
des sujets psychotiques » (Izcovich, 2004, p. 170). Nous verrons comment cette indication demeure valide hors
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de la cure psychanalytique, au sein de l’hôpital par exemple, si l’on souhaite orienter sa pratique à partir de la
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psychanalyse.
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questions fondamentales qui concernent notre être, notre existence, notre façon d’être au
1
2 monde, notre façon d’être sexué » (A. Di Caccia, 1999, p. 6). Cette orientation de travail
3
4
5 prescrit « d’abandonner la tentative d’adaptation du sujet au monde » (Izcovich, 2004, p.
6
7 167). Elle n’entre pas en contradiction avec le souci de contribuer, au sein d’une équipe
8
9
10 d’intervenants, à la possibilité de prendre soin du sujet accueilli dans l’institution, a minima
11
12 le soin corporel qui est la vocation de l’hôpital général. Elle contribue au contraire, croyons-
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nous, à cette possibilité.
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17 L’histoire de M. V. est très éloignée d’un « déroulement de fin de vie » qui répondrait à une
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19 vision idéalisée de l’accompagnement serein, de l’efficacité des bonnes pratiques palliatives,
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21
22 des vertus de l’introspection, de l’élaboration symbolique ou encore du retour réflexif sur soi
23
24 du mourant. Sans chercher à discriminer les composantes iatrogènes (infectieuses,
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27 médicamenteuses, toxiques) du déclenchement paranoïaque dont nous ferons état, nous
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29 voudrions nous pencher :
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- sur les modalités des expressions de l’angoisse de M. V., et ce qu’elles ont à nous
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34 enseigner quant à la causalité subjective dans la structure paranoïaque ;
35
36 - sur les modalités de « l’accompagnement psychologique » du patient durant cette
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39 période (qui engage le clinicien auprès du « malade en personne », quelle que soit par
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41 ailleurs la causalité de son « état psychopathologique»).
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46 ELEMENTS DISCRETS DE LA CLINIQUE DU CAS
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49 M. V. a 72 ans. Il est traité par le même hématologue depuis plus d’un an, pour une leucémie
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51 lymphoïde chronique. D’un abord difficile, M. V. est connu, à l’hôpital de jour où il vient en
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consultation, pour certains particularismes « de caractère » : son attitude hautaine, son activité
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56 interprétative, et une méfiance que n’apaise pas tout à fait la durée du lien thérapeutique
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58 médical. Ainsi l’on peut repérer, dans les notes de consultations au fil des mois, plusieurs
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occurrences où le praticien relève des éléments non-médicaux, comme l’insistance du patient
1
2 à procéder lui-même aux comparaisons entre les résultats successifs de ses prises de sang, ou
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5 sa certitude inébranlable de peser un poids bien précis, donc du dysfonctionnement d’un pèse-
6
7 personne qui n’indique pas exactement ce poids.
8
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10 A un certain point de ce parcours, la situation hématologique se dégrade et commande
11
12 d’engager M. V. dans un cycle de chimiothérapies. Quand nous le rencontrons, dans l’unité
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d’hémato-oncologie où il vient recevoir sa première cure, M. V. se particularise de plusieurs
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17 manières. Quand nous nous présentons à lui comme psychologue de l’équipe, il nous soumet
18
19 d’emblée à un examen rigoureux, dans le champ du savoir, avant de nous considérer comme
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22 un interlocuteur possible : quel est notre parcours universitaire ? Au sein de quelle université ?
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24 Jusqu’à quel niveau de spécialisation ? Avec quels grades académiques ? Avons-nous des
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27 connaissances en latin et en grec ? Il consacre ensuite cet entretien au récit d’un événement
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29 récent, donc le contenu est anecdotique (au cours d’un trajet sur une autoroute, il a croisé un
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cortège de mariage), mais auquel il confère un caractère de gravité exceptionnel ainsi qu’une
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34 série de significations déterminées, le tout entraînant chez lui l’expression d’une vive
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36 indignation :
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39 « Je revenais de … et je rentrais chez moi, je conduisais sur le ring. Un cortège a
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41 été placé devant moi sur la route, pour que j’aie à voir ça. C’était un mariage ; les
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43 gens louent délibérément des voitures très coûteuses pour affliger ceux qui n’en
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45 ont pas les moyens. Et de toute façon, après trois mois de mariage, c’est : Tu peux
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47 prendre la porte, je ne veux plus te voir ».
48
49 Relevons ce que ces éléments cliniques discrets indiquent de la structure subjective et déjà,
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commandent comme positionnement dans le transfert. Avec Izcovich, nous dirons qu’il « ne
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54 faut pas attendre des phénomènes massifs pour évoquer la psychose », mais plutôt privilégier
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56 « une clinique des phénomènes limités et subtils » (2004, p. 31).
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M. V. se distingue, dans sa pratique du lien social, par sa méfiance généralisée. En 1908, à
1
2 une époque où il nomme encore la paranoïa une « névrose de défense », Freud pointe déjà cet
3
4
5 élément comme pathognomonique de la paranoïa non-déclenchée – ce qu’il considère comme
6
7 le trait perceptible de la « défense réussie » du paranoïaque. Par ailleurs, M. V. engage le lien
8
9
10 social sans être marqué par aucun manque. Il ne suppose pas le savoir chez le praticien, il
11
12 possède le savoir. Dans son discours, le sujet névrosé est « marqué par un moins », il se révèle
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manquant, embarrassé, inhibé. Ainsi que le formule Antonio Di Caccia (1999, p. 7) : « pour le
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17 sujet psychotique (…) le binôme sujet-Autre est marqué à l’envers : c’est l’Autre, ici, qui est
18
19 signé par un moins, alors que le sujet est marqué par un plus. Dans la psychose ce n’est pas le
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22 sujet qui est malade (…) mais le malade c’est l’Autre, c’est l’Autre qui persécute le sujet.
23
24 C’est l’Autre qui le fait souffrir et qui est responsable de tous ses malheurs ». Autrement dit,
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27 les gens louent délibérément des voitures très coûteuses pour affliger ceux qui n’en ont pas
28
29 les moyens.
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En outre, M. W. « entre dans le langage en maître » (Miller, 1999, p. 7). C’est lui qui dicte les
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34 postulats d’un échange possible, d’une présence possible de l’Autre auprès de lui, et c’est lui
35
36 encore qui en délimite le champ. Sans grade universitaire (ce qui reste tout de même attaché à
37
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39 un discours social typique sur une compétence supposée), mais également sans notions de
40
41 latin et de grec (ce qui est déjà nettement plus idiosyncrasique), pas de lien social consenti. Je
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44 vous laisse imaginer la façon dont M. V. s’est adressé à la plupart des infirmiers, aides-
45
46 soignants, techniciens de surface, et nombreux autres, durant son séjour chez nous.
47
48
49 L’idiosyncrasie, donc, « le plus propre de quelqu’un », vouée pour le névrosé à « se résorber
50
51 dans le lien social » (id.), est ici un paramètre de la relation que le sujet édicte, et assume.
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« Ce qui qualifie ces psychotiques », écrit Jacques-Alain Miller (1999, p. 8), « c’est qu’ils
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56 sont obligés de faire des efforts tout à fait démesurés pour résoudre des problèmes qui pour le
57
58 névrosé sont résolus par les discours établis ». Et il précise (id., p. 5) : « les inventions
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paranoïaques (…) portent essentiellement sur le lien social. Pour le paranoïaque, ce n’est pas
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2 le problème du rapport à l’organe ou au corps qui n’est pas pris dans un discours établi, mais
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4
5 le problème du rapport à l’Autre. Il est donc conduit à inventer un rapport à l’Autre ».
6
7 On le voit, soutenir « une clinique des phénomènes limités » suppose de partir de l’actualité
8
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10 de la rencontre avec un patient, de partir de son savoir, de ses dires, de ses manières de faire –
11
12 non d’un savoir ou d’un projet pré-formatés. S’en remettre au discours du patient est la seule
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voie nous permettant, éventuellement, de saisir – ou plus modestement, de prendre pour
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17 hypothèse – une logique à l’œuvre, une structure subjective. Pour clarifier mon propos, je
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19 vous cite Colette Soller (1988, p. 36) :
20
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22 « Quand Lacan s’interroge sur la structure et tâche de la construire, il ne s’agit pas d’une
23
24 structure descriptive mais d’une structure dans laquelle l’essentiel est de situer les éléments de
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27 causalité sans lesquels une pratique ne serait pas opérante ».
28
29 Il s’agit, pour chaque patient, de traiter avec la question « quelle est la cause du sens ? » – et
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non spécifiquement quelle est la cause du sens de la maladie. Car ce sens-là sera toujours,
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34 c’est la thèse que nous soutenons, un produit particulier d’une matrice structurelle. Et il est
35
36 particulièrement vrai, dans la clinique des psychoses, qu’il s’agit de prendre les dires du sujet
37
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39 au pied de la lettre, en tant que témoin, et d’adopter « une soumission entière, même si elle est
40
41 avertie, aux positions proprement subjectives du malade » (Lacan, 1957, p. 12)2.
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44 Avant de poursuivre la chronologie du cas, une question : en quoi ces éléments discrets
45
46 engagent-ils immédiatement des effets sur le positionnement du clinicien ? Ces éléments
47
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49 mettent un aspect du lien social en évidence : M. V. est un sujet auquel l’Autre veut quelque
50
51 chose, c’est à lui, personnellement, que le monde adresse des signes (Un cortège a été placé
52
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54
devant moi sur la route, pour que j’aie à voir ça, nous dit-il). Il y a là une indication de la
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« Disons que semblable trouvaille ne peut être que le prix d’une soumission entière, même si elle est avertie,
58
aux positions proprement subjectives du malade, positions qu’on force trop souvent à les réduire dans le dialogue
59
au processus morbide, renforçant alors la difficulté de les pénétrer d’une réticence provoquée non sans
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fondement chez le sujet », Lacan, 1957, p. 12.
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modalité du transfert de ce sujet. S’y manifestent deux dimensions au moins : d’une part, le
1
2 monde le concerne, lui comme être en position d’exception (ce qu’on pourrait qualifier de
3
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5 mégalomaniaque), d’autre part, l’Autre est prédisposé à lui causer du tort (ce qu’on pourrait
6
7 appeler la persécution). La pratique du rapport à l’Autre de M. V. est une forme d’invention,
8
9
10 comme le note Etienne Oldenhove (2011, p. 5) : « une tentative de guérison parce que l’Autre
11
12 y prend une certaine figure, une certaine consistance ». Elle implique aussi que cette
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consistance de l’Autre est vouée à devenir nuisible au sujet, c’est pourquoi il faut que « dans
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17 le transfert, cette forme de l’Autre reste barrée, soit constamment décomplétée » (id.). Dans
18
19 un premier temps surtout, la seule place possible est celle de l’élève auprès de « l’enseignant
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21
22 presque naturel » qu’incarne ce sujet (Di Caccia, 1999, p. 4). C’est la position que j’adopte,
23
24 et, au cours des quelques rencontres qui ponctuent cette hospitalisation, M. V. me parle des
25
26
27 « passions » qui l’ont occupé durant sa vie : la chimie, les mathématiques (dont il dit « aimer
28
29 les très longs développements qu’ils entraînent au départ d’un seul énoncé »), et, plus
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31
32
récemment, le droit successoral.
33
34
35
36 CONTEXTE ET PHENOMENOLOGIE DU DECLENCHEMENT3
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39 Le mois suivant ces premiers contacts, après sa deuxième cure de chimiothérapie, le patient
40
41 connaît une neutropénie sévère, qui entraîne la poursuite de son hospitalisation bien au-delà
42
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44 du séjour prévu. Il va endurer une série de complications infectieuses, hématologiques et
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46 métaboliques4, lesquelles conduiront à son décès un mois et demi plus tard. Au cours de cette
47
48
49 période, la neutropénie seule suffit à le tenir alité, dans un état de faiblesse extrême ; les autres
50
51 complications viendront l’invalider davantage : durant ce mois, M. V. nous reçoit uniquement
52
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55 3
De ce que nous pouvons reconstituer de cette configuration, M. V. vit seul avec son épouse, et la Loi s’énonce
56
de sa bouche uniquement, dans un fonctionnement à deux fermement établi depuis des décennies. A un certain
57
moment de son parcours, le lieu d’énonciation de la Loi change. Le savoir médical, incarné par quelques
58
intervenants particuliers, édicte désormais les règles.
59 4
Pancytopénie, insuffisance surrénalienne aiguë, pneumonie (pneumocystis jirovencii), stomatite ulcérée (herpes
60
simplex), neutropénie fébrile, dénutrition sévère.
61
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depuis son lit. Il bénéficie d’un « nursing complet », c’est-à-dire qu’il n’accomplit plus
1
2 aucune fonction élémentaire de façon autonome. Pour le dire autrement, la seule figure de
3
4
5 l’Autre qu’il expérimente alors est celle d’un Autre qui vient à lui en lui voulant quelque
6
7 chose, et M.V. n’a aucun moyen de s’y soustraire. Il ne cessera d’ailleurs de se plaindre de la
8
9
10 durée de l’hospitalisation et de réitérer son souhait de partir. Mais les circonstances le
11
12 contraignent à demeurer à la disposition du vouloir de l’Autre. Pour paraphraser Etienne
13
14
15
Oldenhove, c’est désormais la rencontre réitérée avec un Autre trop consistant.
16
17 Rapidement, plusieurs éléments prennent une place prépondérante dans le discours de M.V. et
18
19 dans le rapport qu’il entretient avec les différents intervenants. Comme souvent à l’hôpital,
20
21
22 quand le discours d’un patient commence à échapper aux formes typiques, communes, de la
23
24 pratique du lien social, les premières mentions au dossier médical de ces éléments bruyants
25
26
27 s’énoncent par le terme de « confusion », dans ce cas précis, rapidement suivi des mots :
28
29 « propos, attitude paranoïdes ». Cela s’écrira finalement : trouble psychiatrique : paranoïa5. Le
30
31
32
lieu où le discours est entendu, l’hôpital général, commande aussi la réponse première à cette
33
34 échappée : l’investigation de son étiologie. Est-ce un effet de la pathologie (on songe aux
35
36 atteintes neurologiques paranéoplasiques) ou de la médication (puisque certaines molécules,
37
38
39 comme les corticoïdes ou certains antibiotiques, semblent avoir la propriété d’être parfois des
40
41 inducteurs de déclenchements d’allure psychotique6) ? Il n’y a rien à redire à cette réponse
42
43
44 systématique, elle est l’expression d’un désir de savoir et d’un désir de soigner. On est bien
45
46 content qu’elle existe, cette réponse. Pour M. V., les investigations médicales successives ne
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55 5
Rapport final d’hospitalisation.
56 6
Ce phénomène (administration d’une certaine molécule et constat d’un « trouble psychiatrique » consécutif),
57
qui est récurrent sans être systématique, gagne, lui aussi, à être inclus dans une démarche différentielle de
58
l’écoute. Cela revient à maintenir le pari d’un sujet de l’inconscient singulier face à des phénomènes communs à
59
un certain nombre de sujets. Le constat d’une « causalité » manifeste (avec la molécule, le sujet délire ; sans la
60
molécule, le sujet s’apaise) ne résorbe pas la question de la logique subjective.
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permettent pas de mettre en évidence « d’origine organique claire »7 à ce qui survient pour lui.
1
2 La question de la cause n’est pas réductible à un substrat organique.
3
4
5
6
7 LES FIGURES DU DELIRE
8
9
10
L’élément le plus manifeste du déclenchement est la radicalisation de la défiance envers l’Autre –
11
12 envers tous les autres, et l’agitation, verbale et corporelle, qui en procède. Ce qui pouvait être tenu
13
14 pour « caractériel » devient la modalité élective du lien à autrui. Le patient affirme « vouloir être
15
16 soigné » ; toutefois, la certitude qu’on veut lui nuire domine ce souhait et le conduit à des réponses
17
18
répétitives, qui viennent mettre les soins en péril : refus d’être examiné par les médecins, refus d’être
19
20
21 touché par les infirmières, refus de prendre ses médicaments, refus des examens prévus, arrachage de
22
23 la perfusion, demandes contradictoires (recevoir une chimiothérapie/arrêter la chimiothérapie en
24
25 cours). A quelques reprises, il justifie le refus d’être examiné par le fait « qu’il va mieux », « qu’il
26
27 n’est pas possible de prolonger une hospitalisation certainement très coûteuse » - alors qu’il est
28
29
30 recroquevillé dans son lit, fiévreux, cachectique, et souffrant d’hémorragies multiples (thrombopénie).
31
32 Il est aussi, à plusieurs reprises, décrit comme « agressif » ; ses déclarations aux médecins mettent en
33
34 doute non seulement leur compétence, mais surtout leurs intentions à son endroit : « Vous ne me
35
36 soignez pas, déclare-t-il, vous voulez m’amener au cimetière8 ». Ces éléments viennent fragiliser
37
38
39 davantage les possibilités d’interactions avec les différents intervenants, lesquelles, on l’a vu, étaient
40
41 déjà très spécifiques auparavant9. Permettre au patient d’accepter les soins qu’il réclame est le fruit
42
43 d’une dialectisation à réinstaurer sans cesse, et à laquelle je participe auprès de mes collègues chaque
44
45 fois que possible.
46
47
48 Je me rends régulièrement au chevet de M. V. durant ce mois et demi de souffrances aiguës. Il
49
50 tolère ma présence sans qu’elle se trouve emportée par son activité interprétative, et mes
51
52
intentions sont épargnées par sa suspicion. Notons que c’est l’une des rares présences qui ne
53
54
55 lui est pas imposée. Je veille chaque fois à lui demander la permission d’une prochaine visite
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57 7
Dossier médical.
58 8
Dossier médical.
59 9
Pour citer le patient, on peut dire que nous en sommes au moment logique : « Après trois mois de mariage,
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c’est : Tu peux prendre la porte, je ne veux plus te voir ».
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9
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et je fais consister au maximum les codes sociaux qui le positionnent en maître (solliciter sa
1
2 permission pour entrer dans la chambre, attendre qu’il me le propose pour m’asseoir). En
3
4
5 outre, je demeure très en retrait durant mes visites. Je témoigne d’un intérêt sérieux envers lui
6
7 et d’une disponibilité à l’écouter, sans jamais rien demander. Ces modalités semblent
8
9
10 s’accorder avec ce qu’il nomme son « besoin de parler ». « J’ai toujours eu besoin de parler
11
12 beaucoup, dit-il, il faut qu’on m’écoute. Quand je dis une chose, ça en amène deux, et puis
13
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trois, ainsi de suite, ça ne s’arrête pas ». Le sentiment « d’être écouté » lui permet aussi de
16
17 nouer un rapport plus paisible avec l’interniste de la salle, dont il me dira : « elle aussi, elle
18
19 m’entend ».
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21
22 La principale production délirante10 du patient s’articule autour d’un conflit datant de 1964,
23
24 conflit qui l’a opposé à l’un de ses six frères 11. M.V. avait alors vingt-sept ans. D’après son
25
26
27 récit, M. V. avait accepté, après beaucoup d’hésitations, de retirer mille cinq cent francs de
28
29 son épargne afin de les prêter à son frère, qui en aurait eu, à le croire, « un besoin extrême ».
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32
Ce dernier, sans en avertir M.V., aurait joué, et perdu, cet argent en bourse. Il était alors dans
33
34 l’incapacité de rembourser M. V. A dater de cette perte, M.V. a refusé toute forme de relation
35
36 avec son frère (lequel, d’ailleurs, ne l’a jamais remboursé). Depuis cette date, rien n’est venu
37
38
39 entamer la certitude de M.V. que son frère « l’a trompé », « s’est moqué de lui », « l’a volé »,
40
41 « savait très bien ce qu’il ferait de l’argent », etc. Rien n’est venu entamer non plus le refus de
42
43
44 M.V. de jamais renouer avec « ce traître ». Il me racontera que quinze ans après les faits, au
45
46 cours d’un voyage à l’étranger, il a aperçu son frère et l’épouse de celui-ci dans un groupe de
47
48
49 vacanciers. Son frère l’a reconnu également, et s’est dirigé vers lui. « Je lui ai tourné le dos et
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Dans la brève durée du suivi, on n’assiste pas à la production d’un délire systématisé, mais certainement à
55 « un déplacement du sujet par rapport aux phénomènes de sens » (Lacan, 1955-56, p. 234), déplacement qui
56
permet, nous semble-t-il, l’usage ici de l’adjectif « délirant ».
57 11
M. V. est le cinquième enfant d’une fratrie de huit. Nous avons très peu d’indications quant à sa famille, son
58
enfance, ou encore son épouse (que nous croiserons brièvement une seule fois). Il nous dira plusieurs fois que sa
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famille était, dans sa jeunesse, « très très très très très (sic) unie, comme on ne l’imagine pas, comme c’est loin
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d’être courant ».
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je suis parti », raconte M.V., dont le ressentiment n’a, semble-t-il, rien perdu de sa force,
1
2 « pas question de parler à un type pareil ».
3
4
5 Autour de ce récit, les propos de M.V. sont toujours empreints de certitude, et de la certitude
6
7 de leur sens, qui est pourtant quelquefois peu accessible à l’auditeur : « Croyez-moi, je suis le
8
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10 plus grand criminel de l’histoire, me dit-il, j’ai été à l’école avec Hitler, même si ça n’est pas
11
12 vrai. J’ai tout consigné dans un livre, tout y est, personne ne l’a jamais lu »12. Durant les deux
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dernières semaines de sa vie, M.V. resserre toujours davantage son propos sur cet événement
16
17 (le vol de son argent par son frère) et cet objet (le livre où son passé est consigné et auquel il
18
19 prête une aura redoutable). Le reste de son discours, lors de nos entretiens, porte surtout sur
20
21
22 son sentiment d’être en train de mourir, qu’il exprime très souvent. Ce sentiment ne le conduit
23
24 pas à souhaiter la présence de membres de sa famille (il n’accepte que les visites de son
25
26
27 épouse, laquelle, elle-même âgée et peu valide, vient très peu) ni à reconsidérer sa position
28
29 par rapport à son frère (« Je ne lui pardonnerai jamais, jamais, c’est impossible »). Par contre
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il souhaite, avec de plus en plus d’ardeur, la présence du livre. Il s’agit pour M.V. autant de le
33
34 relire que d’en protéger le contenu du regard d’autrui. Cet objet absent prend de plus en plus
35
36 de place dans son discours, jusqu’au dernier jour. On peut faire l’hypothèse qu’il tient la
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38
39 fonction de localiser et d’inscrire un fragment de l’être du sujet qui échappe à la jouissance de
40
41 l’Autre en échappant à son regard et à sa connaissance. A ce titre, il constitue un traitement de
42
43
44 « l’Autre méchant ». Face à la jouissance désormais débridée de l’Autre, le livre, dans le
45
46 discours adressé au psychologue, vient constituer une forme de territoire préservé pour M.V. 13
47
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50 12
Ce moment clinique de substitution du lieu de jouissance permet de saisir à quel point : « le signifiant
51 comporte en lui-même toute sorte d’implications, et ce n’est pas parce que vous êtes écouteur ou déchiffreur de
52 profession que vous pouvez dans certains cas compléter la phrase » (Lacan, 1955-56, p. 237). Comme le note
53 Luis Izcovich : le paranoïaque « reste maître en matière d’interprétation. C’est une leçon fondamentale pour la
54 psychanalyse, à savoir qu’il est inutile de lui disputer la place de l’interprétation dans la cure » (p. 209).
55 13
Cet élément gagnerait à être repris en mobilisant les enseignements de Lacan au sujet de l’objet a. En effet, il
56
est intéressant de remarquer ceci : au moment où la situation l’amène à incarner par son corps l’objet déchet, le
57
rebut (M. V. est cachectique, grabataire, « prostré », il parle d’une bouche perpétuellement ensanglantée, et est,
58
ainsi, livré au regard de tout qui vient dans sa chambre, à savoir une foule d’intervenants différents), à ce
59
moment, il amène tout à coup l’élément de sa « malignité » à lui, de sa jouissance à lui (quand il était, jusque-là,
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l’innocence même, à laquelle l’Autre nuit), enclose dans la lettre (le livre) et qui, précisément, constitue une
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LA FAUTE ET LE DOMMAGE
1
2 Cette somme d’éléments cliniques nous autorise, dans le cas de M. V., à soutenir l’hypothèse
3
4
5 que les significations subjectives qu’il imprime à l’expérience sont des effets de structure –
6
7 structure entendue comme « la cause du sens ». Comme celui du mélancolique, le discours de
8
9
10 M.V. mobilise les thèmes de la faute et du dommage 14. Comme le mélancolique, le malade
11
12 « évalue la vie, l’être, ce qui vaut, ce qui est juste, ce qui ne vaut pas » (Soller 1988, pp. 37-
13
14
15
38). Il mobilise « un vocabulaire éthique » (id.) - c’est la valeur des existants qu’il évalue. Ces
16
17 thèmes ne sont pas distinctifs de la structure paranoïaque, alors que ce qui signe cette position
18
19 tient dans la localisation de l’origine de la faute, du dommage, dans l’Autre, dans la volonté
20
21
22 de jouissance de l’Autre – qui veut jouir de lui. M.V. semble avoir dû s’inventer dans la vie
23
24 un rapport à l’Autre sans le recours des discours établis. La souffrance et la configuration du
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27 rapport à l’Autre, qu’il endure avec nous à l’hôpital, met à mal cette béquille imaginaire15, et
28
29 le contraint, en un temps extrêmement bref, à inventer une réponse inédite. C’est ce qu’il
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s’atèle à faire, nous le pensons, par sa production discursive soudaine au sujet « du livre »,
33
34 que vient interrompre son décès16.
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39 LA POSITION DU SECRETAIRE DE L’ALIENE
40
41 M. V. a traversé « la fin de sa vie » dans un état quasi-permanent d’angoisse, de tourment, de
42
43
44 questionnements électifs et réitérés, mais aussi de rejet des discours et des soins, ainsi que
45
46 dans une grande souffrance physique. Comme nous le remarquions en introduction, d’aucune
47
48
49 inconnue pour l’Autre – un inaccessible. Il choisit de mobiliser une œuvre sienne, donc de « traiter une poussée
50 pulsionnelle, transformer une jouissance qui habitait un corps et se cherchait une issue hors corps » (Oldenhove,
51 p. 3).
52 14
Colette Soller écrit : « Le sujet se plaint, ou plutôt nous fait témoin d’un dommage qu’il a subi » (1988, p. 38).
53 15
Le réglage du rapport à l’Autre que nous avions vu se manifester par des traits assez typiques, qui relèvent
54 plus de la « structure inscrite » (Miller, 1999, p. 8) que de l’invention, tels que l’attitude hautaine, exigeante, la
55 pédanterie, la méfiance – le positionnement en maître, semble perdre son caractère opérant à mesure que M. V.
56
est davantage « à la merci » du vouloir de l’Autre et davantage l’incarnation imaginaire du déchet (palea). Nous
57
pensons que le sujet cherche à y substituer une invention, un « quart-élément compensatoire ». On lira à ce sujet
58
Philippe Julien, 2001.
59 16
Pour citer Etienne Oldenhove nous dirons que le sujet s’efforce là de « reconquérir une relation aux personnes
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et aux choses du monde, une relation souvent très intense, quoiqu’elle soit hostile » (2011, p. 2).
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manière il n’est possible de parler de fin de vie paisible, ni de considérer que cette période
1
2 aura produit un « récit de vie », un « retour réflexif sur soi » ni une « élaboration de deuil ». Y
3
4
5 surgit, au contraire, pour M.V., une radicalisation des « symptômes » qui signent son rapport
6
7 à l’Autre.
8
9
10 Dans ces circonstances, la possibilité d’un accompagnement du sujet ne peut être conçue que
11
12 comme une ambition modeste. Elles conduisent à considérer les dires du sujet, qui ne cesse de
13
14
15
parler de l’Autre, comme « une tentative d’instaurer un transfert » (Oldenhove, 2011, p.4),
16
17 c’est-à-dire à ne pas les considérer comme les signes d’un déficit relationnel induit par « une
18
19 perte de rapport à la réalité »17 mais au contraire comme des tentatives, si pas, dans ce cas
20
21
22 précis, comme des inventions. Pouvoir tenir cette place, y compris dans les moments les plus
23
24 « incohérents », « délirants », « interprétatifs » ou encore « agressifs » suppose, nous l’avons
25
26
27 cité déjà, « d’adopter une soumission entière, même si elle est avertie, aux positions
28
29 proprement subjectives du malade » (Lacan, 1957, p. 534). Lacan nomme cela la position « de
30
31
32
secrétaire de l’aliéné » (1955-56, p.). Le psychotique, est-il souvent noté, assigne à l’analyste
33
34 la place du témoin – témoin de ce qui surgit pour lui, de la façon dont le monde se produit
35
36 pour lui. Il l’assigne au psychologue en service de médecine tout aussi bien ; en vérité, il
37
38
39 l’assigne à celui qui pourra ajuster sa présence à ses coordonnées. L’enjeu clinique semble ici
40
41 d’entendre ces tentatives et de ne pas « lâcher » le sujet – de contribuer, avec modestie mais
42
43
44 pugnacité, à ce qu’une équipe épuisée ne lâche pas le sujet, car ce qui spécifie l’orientation
45
46 analytique en institution n’est pas seulement de tenir cette place de scribe, de représentant, de
47
48
49 lieu où les significations singulières peuvent s’énoncer, mais tout aussi bien d’en réfléchir et
50
51 d’en infléchir l’usage. Si, dans la cure, il s’agit de considérer le psychotique comme « un
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54 17
Lacan rappelle que rien dans la structure du langage n’autorise le psychiatre, ni le psychanalyste, à se fier à sa
55 propre compatibilité avec le « bon ordre » (des choses, du monde) pour se croire en possession « d’une idée
56
adéquate de la réalité à quoi son patient se montrerait inégal » (1957, p. 54). Dès lors, « pourquoi frapper
57
d’avance de caducité ce qui sort d’un sujet qu’on présume être dans l’ordre de l’insensé, mais dont le témoignage
58
est plus singulier, voire tout à fait original ? (…) Seul le malade peut en témoigner, et il en témoigne avec la plus
59
grande énergie (…) Méthodologiquement, nous sommes donc en droit d’accepter le témoignage de l’aliéné sur
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sa position par rapport au langage (…). » (1955-56, pp. 235-236).
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analysant de plein droit » (Mattalia, p. 2), alors, il s’agit pour nous, psychologues en service
1
2 de médecine, de contribuer à ce que chaque sujet puisse être, de plein droit, usager de
3
4
5 l’institution médicale.
6
7 Toutefois, si l’analogie entre le clinicien et le secrétaire de l’aliéné décrit une position
8
9
10 supportable, et parfois féconde, pour le sujet psychotique, elle manque à rendre compte de la
11
12 dimension plurielle de la pratique en service de médecine. Il s’agit tout autant de faire exister,
13
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auprès du sujet, une version pacifiante de l’institution elle-même, que d’être désireux des
16
17 enseignements sur la clinique du cas convoyés par les discours de tous les représentants de
18
19 l’institution concernés par le patient. Cette multiplicité dialectique est le terreau de la
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22 construction de la clinique, laquelle, pour être médicale, n’en est pas moins une clinique du
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24 lien social.
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