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RÉSUMÉ
Les principaux virus responsables d’infections acquises in utero sont le cytomégalovirus (CMV), le virus de la rubéole, le
parvovirus B19, le virus de la varicelle et du zona (VZV), et le virus Zika. Au cours de la grossesse, la transmission de cer-
tains virus au fœtus et leur retentissement embryo-fœtal est très variable selon l’agent causal et l’âge gestationnel auquel
la mère s’est infectée. Les conséquences les plus sévères pour le fœtus sont majoritairement observées au cours des
primo-infections maternelles survenues en première moitié de grossesse. Le diagnostic prénatal de ces infections virales
congénitales est actuellement possible grâce à des outils biologiques dont la fiabilité est souvent proche de 100 %. L’objectif
de cet article est de faire le point sur les outils du diagnostic anténatal et leurs indications.
En dehors de l’âge gestationnel auquel survient la les plus fréquemment observées sont des déficits de
rubéole maternelle, aucun facteur prédictif de sévérité l’audition et des déficits cognitifs d’apparition parfois
n’a été établi. On peut résumer la prise en charge de tardive, qui justifient une surveillance pédiatrique spé-
la façon suivante : cifique pendant les premières années de vie. À côté de
◗ avant 18 SA : la fréquence des infections fœtales étant ce tableau gravissime, on estime que, dans 90 % des cas,
très importante, une interruption de grossesse pour l’infection congénitale à CMV est asymptomatique à la
raison médicale peut être acceptée, en particulier si naissance. Néanmoins, pour ces enfants une surveillance
l’infection a eu lieu avant 12 SA ; cependant, un examen clinique est indispensable car, parmi ces formes initiale-
échographique détaillé et une recherche de l’ARN ment silencieuses, 5 à 10 % des enfants développeront
viral dans le LA sont recommandés. Si la grossesse est des séquelles neuro-sensorielles à type de surdité le
poursuivie sans recherche virale en prénatal, un exa- plus souvent. Partielle ou totale, cette surdité peut ne
men pédiatrique et la recherche des IgM rubéoleuses pas se manifester dès la naissance et se développer
chez le nouveau-né à la naissance sont indispensables ; ultérieurement au cours des premières années de vie.
◗ après 18 SA : il sera proposé une simple surveillance Au total, parmi les enfants infectés in utero, environ 80 %
échographique. Un examen pédiatrique à la naissance, ne garderont aucune séquelle de cette infection.
incluant la recherche des IgM rubéoleuses chez le Les risques encourus par le fœtus lors d’une infection
nouveau-né, est souhaitable afin de vérifier maternelle secondaire sont moins bien connus.
l’absence d’infection. Si un nouveau-né est Les études rapportent que, même si une
effectivement infecté, un suivi pédia- immunité préexistante à la grossesse
trique et notamment ORL et neuro- confère une certaine protection, celle-
logique peut être proposé même Les infections ci n’est pas suffisante pour empê-
si le pronostic de ces infections à cytomégalovirus cher la transmission du CMV ou
congénitales est excellent. pour prévenir la survenue d’ano-
représentent la malies plus ou moins graves chez
Cytomégalovirus première cause le fœtus. En effet, les dernières
d’infections études montrent que le risque de
On estime que les infections à déficit auditif est équivalent que
CMV représentent la première
congénitales dans les l’infection congénitale soit consé-
cause d’infections congénitales dans pays développés cutive à une primo-infection ou une
les pays développés et serait la prin- infection secondaire maternelle.Toute-
cipale cause de handicaps neurosenso- fois ce déficit semble plus sévère en cas
riels consécutifs à une infection congénitale. de primo-infection [9].
Il y aurait chaque année en Europe environ 0,4 % Le dépistage systématique de l’infection à CMV
des nouveau-nés qui auraient acquis cette infection in pendant la grossesse n’est actuellement pas recom-
utero [5-7]. La transmission materno-fœtale du CMV mandé dans la plupart des pays, et de nombreuses
résulte d’une primo-infection maternelle péri- ou post- infections à CMV au cours de la grossesse passent
conceptionnelle, ou d’une infection secondaire mater- inaperçues. Toutefois, en présence d’anomalies écho-
nelle (réactivation ou réinfection). graphiques évocatrices [retard de croissance intra-uté-
Le risque de séquelles pour le fœtus est maximum rin (RCIU), anomalies cérébrales, oligoamnios, intestin
(20-60 %) lorsque l’infection maternelle survient avant hyperéchogène, anarsaque…], une infection congénitale
la 20e SA et moindre par la suite. Les manifestions cli- à CMV doit être envisagée (mais uniquement si la mère
niques observées peuvent être une microcéphalie, une est séropositive pour le CMV : IgG positives quel que
hydrocéphalie, une hypotrophie, une hepatosplénomé- soit le titre) et recherchée.
galie, des calcifications cérébrales ou intra-hépatiques… L’indication du diagnostic prénatal suite à une primo-
Les atteintes fœtales les plus graves se traduisent par infection maternelle, mais sans signe échographique, est
la maladie des inclusions cytomégaliques qui s’accom- discutée dans la mesure où les traitements pouvant
pagne d’une mortalité de 30 % à court/moyen terme, être proposés en cas d’infection fœtale, sont encore
et en cas de survie induit des dommages qui peuvent en cours d’évaluation, tandis que le risque de l’amnio-
persister et occasionner dans 80 % des cas de lourdes centèse n’est pas nul. De plus, en l’absence d’anoma-
séquelles à long terme [8]. L’amélioration de la qualité lies échographiques, il est encore difficile actuellement
des échographes et de la résolution de l’IRM permet d’évaluer le risque fœtal car il n’existe pas de para-
maintenant de diminuer le nombre de cas où la gravité mètres fiables pour faire la distinction entre un fœtus
de l’atteinte neurologique ne peut pas être appréciée infecté et un fœtus cliniquement atteint.
en anténatal. La souplesse quant au délai de recours à La vérification de la négativation de la virémie mater-
l’interruption de grossesse pour raison médicale, dans nelle, avant de pratiquer un diagnostic anténatal, est sou-
notre pays, contribue à diminuer le nombre de nou- haitable pour éviter tout risque d’infection fœtale iatro-
veau-nés naissant sévèrement atteints. Les séquelles gène même si ce risque est probablement exceptionnel.
échographiques, il peut être proposé de ne pas faire nelle et l’apparition des premiers signes d’anasarque
de diagnostic invasif mais d’effectuer uniquement un à l’échographie.
suivi échographique spécifique et répété et éventuelle- Le diagnostic d’anasarque est échographique. Elle est
ment une IRM [17-19]. Comme il a été rapporté pour définie par la présence d’au moins 2 signes fœtaux
d’autres infections congénitales, il est possible que (ascite, épanchement péricardique, épanchement pleu-
l’échographie seule ne soit pas un outil diagnostique ral, œdème sous-cutané > 5 mm mesuré perpendicu-
optimal, et que sa valeur prédictive positive puisse êtrelairement au niveau du front), ou d’un signe fœtal et
améliorée si l’infection congénitale est avérée (PCR d’un signe annexe (œdème placentaire, hydramnios). La
positive dans le LA). prise en charge d’une anasarque fœto-placentaire est
une situation d’urgence. La recherche de signes indirects
d’anémie fœtale est réalisée par mesure Doppler de la
Parvovirus B19 vitesse systolique dans les artères cérébrales moyennes
fœtales. Cette évaluation indirecte du taux d’hémoglo-
En France, environ 50 % à 60 % des femmes en âge bine fœtale permet d’orienter éventuellement vers une
de procréer sont immunisées vis-à-vis du parvovirus transfusion fœtale in utero. Cette procédure invasive est
B19. Il n’existe pas de politique de dépistage séro- le plus souvent l’occasion de prélever du LA ou à
logique systématique des femmes enceinte, défaut (en cas d’anamnios) du sang ou de l’as-
et le diagnostic maternel (confirmé par cite fœtale afin d’y rechercher le génome
la sérologie) est donc le plus sou- viral. Bien que l’on puisse diagnosti-
vent évoqué soit en cas de signes quer l’infection congénitale même en
maternels évocateurs (éruption l’absence de signes fœtaux, ce dia-
maculo-papuleuse, arthralgies), La plupart des
gnostic n’est en général pas requis
soit à l’occasion d’une épidé- infections congénitales dans les cas d’infection mater-
mie (30-50 % des infections sont nelle soupçonnée ou confirmée si
asymptomatiques). Le diagnostic à parvovirus B19 se
l’échographie fœtale est normale.
fœtal est quant à lui évoqué lors résolvent spontanément Le diagnostic prénatal de l’infec-
de la découverte d’une anasarque tion fœtale à Parvovirus B19 s’ef-
à l’échographie de façon fortuite, sans séquelle
fectue par recherche du génome
ou au cours de la surveillance écho- viral par PCR dans le LA ou le sang
graphique instaurée après notion fœtal (éventuellement l’ascite fœtale).
d’infection maternelle. La recherche d’IgM dans le sang du fœtus
En cas de primo-infection en cours de prélevé par cordocentèse n’est pas suffisam-
grossesse, le risque de transmission de l’infec- ment fiable car sa sensibilité n’est que de 50 %
tion à parvovirus B19 de la mère au fœtus est de [23-24].
l’ordre de 30 % et existe tout au long de la grossesse
à partir de 7-8 semaines d’aménorrhée [20]. La plu-
part des infections congénitales à parvovirus B19 se Virus Zika
résolvent spontanément sans séquelle. Lorsqu’il sur-
vient, l’anasarque foeto-placentaire s’explique notam- Bien que connu depuis de nombreuses années, le virus
ment par l’anémie fœtale. Une insuffisance cardiaque Zika a été à l’origine d’une épidémie massive en Amé-
liée à la myocardite virale peut également être un rique du Sud et centrale ainsi que dans les Caraïbes
facteur d’anasarque. Les connaissances actuelles ne courant 2015-2016. À cette occasion le potentiel téra-
semblent pas indiquer que l’infection à parvovirus togène du virus a pu être confirmé [25]. Par analogie
B19 soit responsable d’anomalies congénitales. Tou- aux autres virus tératogènes, certainement que suite
tefois, une anémie grave peut constituer un facteur à l’infection maternelle, seuls certains fœtus seront
indépendant de risque de séquelles neurologiques infectés et que parmi ceux-ci, une fraction seulement
à long terme. C’est au 2nd trimestre de la grossesse développera une fœtopathie sévère tandis que d’autres
que l’infection par le parvovirus B19 semble la plus resteront asymptomatiques. Les données actuellement
redoutable. Il est alors responsable de fausse couche disponibles tendent à montrer que le risque de trans-
spontanée ou d’une anasarque dont la fréquence est mission serait plus élevé en cas d’infection maternelle
de l’ordre de 30 à 40 % en cas de passage transpla- au 1er trimestre de la grossesse même si ce risque per-
centaire dans les infections de la première moitié de siste toute la grossesse [26-27]. Parmi les enfants nés
la grossesse [21-22]. Une femme infectée au cours de mères ayant été infectées en cours de grossesse, la
de sa grossesse bénéficie en général d’échographies proportion d’enfants ayant des atteintes neurologiques
hebdomadaires, ou toutes les deux semaines pendant en lien avec une infection congénitale à virus Zika est
8 à 12 semaines après l’infection afin de déceler la probablement de l’ordre de 5-7 % bien que des chiffres
présence d’anasarque. Il existe une période de latence plus alarmants (jusqu’à 42 %) aient pu être publiés au
d’environ 6 semaines entre la séroconversion mater- début de l’épidémie [28-29].
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