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U.F.R. S.P.S.E.

PLP PSP 81
HISTOIRE DE LA FOLIE ET EPISTEMOLOGIE DE LA PSYCHANALYSE

Yvette Dorey

MAîTRE DE CONFRENCES

de psychopathologie

ANNEE 2005 - 2006

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Références bibliographiques

ASSOUN Paul-Laurent, Introduction à l’épistémologie freudienne, Paris, Payot, 1981

BARREAU Hervé, Epistémologie , Paris P.U.F., 1990

FOUCAULT Michel , Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard,1972

FREUD Sigmund, 1926, La question de l’analyse profane, Paris, Gallimard, 1985

GRODDEK Georg, Le livre du ça, Paris, Gallimard, 1963

JACCARD Roland, La Folie, Paris, P.U.F.? 1979

POSTEL Jacques et QUETEL Claude, La Nouvelle Histoire de la Psychiatrie, Paris, Dunod, 2004

THUILLIER Jean, La Folie, histoire et dictionnaire, Paris, Robert Laffont, 1996

Outils de travail

Laplanche et Pontalis , Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, P.U.F., 1967

Roudinesco et Plon, Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, Fayard, 1997

De Mijolla, Dictionnaire International de la Psychanalyse, Paris, Calmann-Lévy, 2002

En bleu : A lire +++22

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Ce document est strictement interne.

Il a été realise grâce à l’aide précieuse de Claire Audebert - Plas qui a retranscrit les cours.

INTRODUCTION

Définition générale de l’épistémologie : Étude critique et analyse logique de la connaissance scientifique différente de la théorie
de la connaissance en général.

L’objet de la psychanalyse : l’Inconscient

Histoire : deux modes d’approche :

1. une histoire linéaire reprenant les faits dans la chronologie

2. une histoire des processus

L’histoire fait travailler les sources, les origines (très proche de la psychanalyse).

Exemple : Freud et le fantasme, conscient et inconscient.

Freud a repéré dans sa clinique trois fantasmes originaires fondamentaux :

- la scène primitive : celui qui met en scène les rapports parentaux, les origines, la conception.

- la castration : la théorie sexuelle infantile donnant des réponses et des explications à la différence anatomique entre les sexes

- la séduction : qui est fondée sur la théorie de l’introduction de la sexualité chez l’enfant (séduction par l’adulte).

Ces fantasmes sont universels. Ils structurent la personnalité et permettent au sujet de trouver une identité. Si les fantasmes sont
défaillants, alors peut en découler une pathologie. Exemple de la psychose : les sujets sont peu structurés ; ont des troubles de
l’identité ; le statut de sujet est perturbé.

« Originaire », ne signifie pas premier dans le temps, selon une chronologie repérée, mais en rapport avec l’origine du sujet.

Freud qualifie ces fantasmes originaires de théories sexuelles infantiles car elles sont des constructions du sujet sur son origine.
Elles lui permettent de se construire une histoire individuelle, incluant l’histoire événementielle.

Donc, la deuxième approche de l’histoire consiste à considérer les processus liés à un événement (ou un schéma ou un mythe) pour
lui donner sens.

A propos de l’histoire de la folie : comme exemple de point mythique : la leçon clinique (pris dans l’actualité du Colloque La
présentation clinique en milieu hospitalier)

Cette formation débute au XIXe siècle en psychiatrie ; les fous internés sont soignés par des médecins aliénistes. Une chaire de
psychiatrie fut créée dans le champ de la médecine. Les médecins aliénistes ont pris un statut universitaire, ce qui a généré un
enseignement clinique et théorique. La leçon clinique forme en institution des futurs médecins aliénistes ; elle consiste à présenter
un patient afin d’en dégager la pathologie, puis à « faire une leçon » sur cette pathologie (celles de Charcot à la Salpêtrière sont les
plus connues – hystérie).

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Jacques Lacan a promu la présentation de malades ; il a contribué à changer l’abord du patient en privilégiant l’écoute, selon le
modèle de l’écoute psychanalytique, et donc en abandonnant le modèle de l’objet montré.

Les présentations de malades ont été introduites à l’Université dans la formation des psychologues cliniciens.

Le passage du statut d’objet au statut de sujet est un apport de la psychanalyse : on écoute la souffrance du sujet.

La leçon clinique est un modèle qui permet, entre autres, d’étudier les processus de convergence entre la psychiatrie, la
psychopathologie et la psychanalyse intervenant dans la formation des psychologues cliniciens.

La position par rapport au sujet fou a évolué : il ne s’agit plus d’exclure le fou, de l’enfermer. Il ne nous est plus étranger dans son
fonctionnement car Freud nous a montré qu’il n’y a pas de rupture entre le normal et le pathologique ; il n’y a pas de solution
de continuité entre les deux ; il y a une ligne continue dans laquelle tous les individus se situent. Nous ne sommes pas si éloignés
de la folie. Le fou a un statut d’individu. Chez tout individu il y a de la folie comme chez tout fou il y a de la normalité. Le délire a
un sens. La construction délirante du sujet psychotique est une tentative de guérison. Le sujet est atteint par une déstructuration de
son appareil psychique, qui part dans tous les sens. Le délirant se construit par rapport à une histoire (le délire, une néo-réalité)
pour donner du sens à ce qui n’avait plus de sens pour lui. C’est une construction morbide, mais qui permet au sujet de se
constituer des repères.

(réponse à une question)

Donner du sens à un symptôme (névrose/hystérie/obsession…) Freud nous apprend que le symptôme a une accroché à son
symptôme car celui-ci esignification inconsciente. Ce symptôme le patient ne veut pas s’en débarrasser : c'est-à-dire que le Moi
du sujet est st issu d’une lutte entre l’Inconscient et le Conscient, entre le Moi, le Ca et le Surmoi. Les désirs inconscients chez
le sujet cherchent à se satisfaire. Le moi doit les limiter, mais il entre dans un conflit psychique avec le Ca: le désir essaye de se
satisfaire et quand il franchit les barrières, le Moi va devoir faire un compromis (trouver une solution) ; il met en place une
formation psychique qui va donner le symptôme.

La lutte intra-psychique est un conflit entre désir et interdit. Il faut réaliser un compromis pour satisfaire le désir inconscient et
l’interdit. Exemple : Oedipe => désir incestueux (mouvement tendre envers son parent) => interdit de l’inceste => compromis entre
désir et interdit. Le compromis est le symptôme, c'est-à-dire que le symptôme n’est pas seulement une souffrance pour le sujet,
mais il est également satisfaction du désir inconscient ; c’est ce qui correspond au bénéfice primaire de la maladie. Donc le
sujet/le Moi va vouloir « garder » son symptôme (inconsciemment) car il y a un bénéfice. Il y a donc une résistance à abandonner
le symptôme. Il faut que le désir inconscient trouve sa satisfaction ailleurs.

Il s’agit de montrer à l’individu que ce symptôme, cette souffrance, c’est lui qui l’a créé (inconsciemment). Il va pouvoir alors
« prendre en charge » son symptôme. Dès lors on pourra dégager les fantasmes à l’origine du sujet, dégager l’histoire du sujet
basée sur des souvenirs écrans (cachant des souvenirs inconscients), basée sur des constructions. Il accèdera à la disparition du
symptôme et réorientera ses désirs pour accéder à une plus grande liberté.

Article de Roudinesco sur la Folie (Dictionnaire de la Psychanalyse, Paris, Fayard, 1997)

Wahnsinn / Madness

Elle s’appelle : Fureur, Manie, Rage, Frénésie. Dingue ; Frappé ; Folingue ; Piqué ; timbré.

La folie est toujours considérée comme l’autre de la raison.

Extravagance ; perte du sens ; divagation de la pensée ; emprise de la passion, telles sont les figures de ce mal dont on cherche
l’origine tantôt dans le cerveau ou dans les humeurs. Hippocrate parlera des humeurs dans les mouvements de l’âme. C’est avec
Descartes, XVIIe siècle, dans les Méditations, que se concrétise l’idée que la folie peut être interne à la pensée elle-même : « et
comment est-ce que je pourrais nier que ces mains et ce corps sont à moi, si ce n’est que peut-être je me compare à certains
insensés de qui le cerveau est tellement troublé et offusqué par les noires vapeurs de la bile qu’ils assurent constamment qu’ils
sont rois alors qu’ils sont très pauvres, qu’ils sont vêtus d’or et de pourpre lorsqu’ils sont nus ou qu’ils s’imaginent être des
cruches ou avoir un corps de verre ? Mais quoi ! ce sont des fous et je ne serais pas moins extravagant si je me réglais sur leurs
exemples. »

Bibliographie présentée

Michel Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard (Tel), 1972

Roland Jaccard, La Folie,Paris, P.U.F. ( Que Sais-je ?), 1979

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Hervé Barreau, Epistémologie , Paris P.U.F. (Que Sais-je ?), 1990

Georg Groddeck ,Le livre du ça, Paris, Gallimard (tel), 1963

Sigmund Freud, La question de l’analyse profane, Paris, Gallimard (folio), 1985

La négation

Outils de travail :

Laplanche et Pontalis , Vocabulaire de la psychanalyse

Roudinesco et Plon, Dictionnaire de la psychanalyse

A. de Mijolla, Dictionnaire International de la Psychanalyse

REPRISE DES QUESTIONS POSEES PAR ECRIT PAR LES ETUDIANTS

La souffrance psychique humaine

Ce questionnement, on va l’illustrer au travers d’un film présentant un entretien par un psychiatre avec un patient schizophrène ;
donc un patient souffrant d’une psychose.

Il existe différentes sortes de psychoses :la psychose paranoïaque, la schizophrénie, la mélancolie (troubles de l’humeur).

Si on se penche sur le discours incohérent en en cherchant le sens et la signification, on comprend alors qu’il relève surtout d’une
souffrance existentielle. Par cette compréhension on se laisse toucher par cette souffrance du sujet.

Est-ce que ce qu’on vit dans l’enfance est déterminant ?

La réponse dépendra des abords ; l’abord psychanalytique est le seul à analyser les symptômes, à proposer de remonter à la névrose
infantile. Freud suppose que la névrose de l’adulte est liée à l’enfance. Dans la cure, il a constaté un phénomène particulier et
spécifique : le malade répète en projetant sur l’analyste une symptomatologie dans l’actualité de la cure => c’est la névrose de
transfert. Ceci est propre au cadre de la cure. C’est par le maniement de cette névrose de transfert que le psychanalyste peut
travailler ; c’est son outil, car elle est le représentant de la névrose infantile. C’est grâce à ce qui se passe dans la cure, à ce qui s’est
passé dans le transfert que l’analyste peut remonter à l’origine du symptôme. La répétition, sur le plan conceptuel, est rattachée
par Freud à la pulsion de mort. La pulsion de mort se manifestant par la compulsion de répétition.

Quand on est psychanalyste, il faut se laisser surprendre par l’inattendu, « l’in-entendu », l’inouï. Il s’agit de se laisser aller, de
faire tomber les défenses, de se laisser prendre par la parole de l’autre et également par son propre discours intérieur. Il faut laisser
venir à nous l’association libre.

Nous avons en nous un étranger, un Inconscient qui est méconnu de nous. Le défi de la psychanalyse est de tenter d’accéder à
quelque chose d’inconnu et d’inaccessible par définition On ne fait que tendre vers une connaissance de soi.

Si on suit l’hypothèse freudienne, on peut tenter de remonter jusqu’à la souffrance psychique infantile. Dans le présent se produit
quelque chose qui a un lien avec le passé.

Le mot ‘’fou’’ existe- t-il ?

Dès le Moyen âge, es hôpitaux ont été ouverts aux indigents : on y recevait tous les pauvres, les malheureux. Certains présentaient
des pathologies. Les médecins ont appris ainsi à approcher les maladies mentales. En échange de l’accueil et des soins gratuits, les
personnes prêtaient leur âme et leur corps à la science.

A l’époque de Pinel, fut créée une chaire de psychiatrie dans l’hôpital. On accorda une place à l’écoute et à l’étude de la maladie
mentale.

Quelle reconnaissance du côté du fou ? Que signifiait sa présence dans ces lieux ? Il n’y avait pas vraiment de méthodes de soin
adéquates. Ils ont servi la science. Comme Charcot se servait des hystériques pour travailler sur l’hystérie: on « utilisait » les
malades. Ils étaient proches du statut d’objet.

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L’évolution de la place du sujet fou dans la société est fonction de la reconnaissance du statut de sujet, d’individu à part entière.

Peut-on avoir une approche critique de l’approche psychanalytique ? Existe-t-il une scientificité de la psychanalyse ?

Tout d’abord, on se posera la question : comment une méthode peut-elle être scientifique ? (cf le colloque sur l’Inconscient et la
Science – Edition Dunod)

Freud a défini la psychanalyse selon trois volets :

- une méthode de traitement => la cure analytique, donc la pratique en tant que telle. Cette pratique
doit bien être séparée des autres aspects.

• une méthode d’investigation => donc de recherche, conférant au psychanalyste une position de
chercheur. Pendant qu’il écoute, il doit être attentif pleinement à ce que dit le sujet. Donc à
partir de ce qu’il a entendu, lui, l’analyste va élaborer, une fois le patient sorti du cabinet, un
travail qui le met dans une « attitude »de recherche.

• Quand le psychanalyste écrit sur des cas, il n’écrit pas sur l’intimité de la cure mais il propose des questionnements, des
hypothèses, etc.… En tentant de généraliser et de créer des modèles, le psychanalyste chercheur ne trahit en aucun cas le
secret professionnel. Il s’agit d’une autre activité de pensée, de réflexion théorique.

- un corpus théorique => la psychanalyse est aussi un savoir théorique, donc une science. La
métapsychologie constitue un corpus de concepts(NB –qui dit ‘’concept’’, dit ‘’pure abstraction’’ ; il
s’agit de penser la psyché humaine). Ce volet théorique est la partie transmissible à l’Université. Peut-on remplacer
théorique par scientifique ? La cure relève d’une technique, mais aussi du purement subjectif, difficilement transmissible sur une
chaire. Ce qui est transmissible, ce sont donc les théories et les concepts.

Quand on parle d’Inconscient, c’est une ‘’fiction’’, une création pure. C’est comme une mythologie ; on crée des théories, des
concepts pour penser la psyché humaine. A partir de la métapsychologie et des concepts théoriques. Freud disait, après avoir
proposé une construction, un édifice théorique, qu’il était susceptible d’être modifié, retravaillé, annulé, supprimé. Toutes ses
théories sont inachevées. Se mouvoir dans ce corpus nécessite donc une très grande rigueur, car il est nécessaire d’aborder
l’histoire de la pensée freudienne avant d’essayer de comprendre cette pensée. C’est une pensée en mouvement ; c’est le corpus le
plus large, le plus grand et qui présente le plus de concepts pour aborder la psyché humaine.

Il est important de préciser que le traitement analytique ne vise pas la guérison du symptôme. La guérison du symptôme vient de
surcroît (il y a en permanence des avancées, des régressions, des détours, etc.) C’est pourquoi Freud écrivait dans son article
« Analyse terminée, analyse interminable » que l’analyse reste toujours inachevée : c’est un contrat entre deux partenaires. Aussi il
y a un cadre, et ce cadre c’est le désir de chacun. Le symptôme peut disparaître à partir du moment où on va analyser la névrose de
transfert : par la répétition, par ce que nous sentons de la répétition, par le transfert sur l’analyste.

Texte de 1925 – « La négation ». Dans des formulations comme la négation, il y a des formes sous jacentes. Le patient projette sur
l’analyste la pensée qui vient de lui-même, qu’il attribue à l’autre. Il est dans la projection. Et puis, il dit cette pensée sous une
forme niée (dans la position consciente). Cette idée niée est une idée inconsciente refoulée, qui a commencé à surgir, à passer la
barrière du refoulement, mais le mécanisme de dénégation opère encore, c'est-à-dire le mécanisme de rejet de cette pensée.
Exemple de mécanisme de dénégation : « ne croyez surtout pas que je vous en veuille ». Cette représentation (que c’est à sa mère
en réalité qu’il en veut) est inacceptable pour le Conscient. Donc, dans ce cas de négation, la levée du refoulement est partielle.
Une part du refoulement reste encore active car la personne a besoin de rejeter l’idée correspondant à la charge affective (ou
quantum d’affects) associée à la représentation (cf. énergie psychique). En fait, c’est surtout la charge affective qui est
insupportable. Ce qui est important, c’est de pouvoir accepter en nous qu’il y a des mouvements affectifs différents, tendres ou
négatifs. Freud a appelé cela, l’ambivalence. C’est un phénomène difficile à accepter que de combiner en soi le ‘’haïr’’ et le
‘’aimer’’. S’il y a refoulement, c’est que la charge affective est trop lourde. Et si elle l‘est trop, alors nous mettons en place un
mécanisme de protection pour ne pas nous déstructurer. Le cadre de la cure va permettre au sujet d’apprendre à gérer ses
débordements pulsionnels. Nous devons faire avec ces mouvements très forts en nous. Ces débordements inconscients sont liés à
une série de mécanismes. Il s’agira donc de pouvoir reconnaître des affects inconscients et de pouvoir les supporter sans se sentir
menacé.

Et la morale ? Quels liens entre désirs, pulsions, interdits, etc. ?

Face à ces désirs pulsionnels, nous avons d’autres apports s’inscrivant dans le monde dans lequel nous vivons (cf Structuralisme de
Lévi-Strauss => l’interdit de l’inceste se retrouve dans toutes civilisations). Cet interdit est intégré différemment selon le sujet : soit
il l’intègre dans de bonnes conditions et acquiert donc un équilibre suffisamment stable. Sinon, se crée une instabilité. Tous ces

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processus d’intégration ne dépendent pas de la volonté du sujet : ce n’est pas le sujet qui veut ; il est quelque part agit en lui par cet
étranger en lui-même. La visée de la psychanalyse sera d’aider le sujet à se libérer quelque peu de cet étranger.

La morale : l’instance morale c’est le Surmoi. Le Surmoi va intégrer ces interdits, dont celui, fondamental, de l’inceste. Cela
endigue le mouvement du désir qui pousse, le désir butant sur l’interdit. De ces deux mouvements contraires va surgir le conflit
psychique, et c’est ce conflit intra-psychique qui nous structure. La barrière de l’interdit sert à ne pas être débordé par les affects.
C’est parce qu’il y a interdit qu’il y a refoulement des représentations trop chargées affectivement et donc insupportables.

Dans la psychose, la prohibition de l’inceste n’a pas été bien intégrée. Donc le sujet ne peut contrôler tous ces mouvements
pulsionnels. Il n’a pas la structure de base nécessaire pour affronter ses conflits ; donc il peut se produire un chaos intérieur. Ce
chaos se traduit par un morcellement du moi. Il n’y a plus de distinction entre la réalité extérieure et la réalité intérieure. (Freud a
tenu à parler de ‘’réalité psychique’’ distincte du monde extérieur.)

Jacques Lacan parlera de la Loi comme s’inscrivant dans le registre Symbolique. Quand le sujet n’a pas accès au registre
symbolique, le sujet peut devenir « fou ».

L’écoute psychologique, quand elle est influencée par la psychanalyse n’est pas seulement une écoute du discours, mais aussi la
manière dont on pense, dont on va se laisser penser dans cette écoute, les sentiments qu’on a (indifférence, passion, etc.) Il s’agit
d’être attentif à ce qui se passe en soi quand on est à l’écoute de l’autre, car c’est lié à la relation avec l’autre. Donc, il y a une
réaction qui se produit en nous à ce que l’autre dit, à ce que l’autre pense. Écouter l’autre dans ce qu’il dit et ce qu’il ne dit pas, et
s’écouter soi-même dans ce qu’on ressent et pense.

Utiliser les outils théoriques est le métier du psychanalyste. Ils indiquent comment être à l’écoute de son propre inconscient et de
celui de l’autre. Ils nous aident à penser c qui se passe et ce qui s’est passé dans la relation avec le patient

(PS : problème matériel donc le film sera projeté au prochain cours)

Projection d’un entretien réalisé par le docteur Yves Thoret

Présentation : un homme jeune – trentaine – assis comme sur une estrade – tableau derrière lui. Il parle en enchaînant toutes sortes
de propos désordonnés.

Quelques propos notés :

Les mots sont des pièges /Langage universel / je suis pudique / je ne supporte pas d’être trop aimé / le cancer est provoqué par un
dieu / quel bordel, je sais que c’est fou / les extra-terrestres / c’est la connerie avec Adam et Eve, j’avais fait une bêtise, le paradis
n’existe pas / la mort c’est la jouissance / on renaît ailleurs ou sur terre dans notre pensée / j’ai la bonne parole et tout le monde l’a /
Intérieurement nous avons tous un clitoris et un pénis / attention ne te fais pas mal / si je meurs je me perds / Extraterrestre ou
Carole / espace temps / le temps de l’univers / défoncé, fumé, fixé, si on abuse de l’amour ça fait mal / un ange passe, on pense à
elle / la race la plus intelligente c’est les intellectuels / (il se balance d’avant en arrière sur sa chaise) point de repère c’est le
chapelet des juifs / Y a une voix qui me dit allume cette cigarette / les souvenirs sont là, ils provoquent des absences / les souvenirs
sont plus forts que nous / la réincarnation c’est la fécondation / le problème psychologique de l’enfant c’est que c’est un génie mais
empêcher par ses parents. Ils empêchent l’enfant de ce que veut l’enfant, même si amoureux de lui / la chapelle Sixtine / du fait
qu’on s’aime on s’attire, j’attire les ‘’sounds of silence’’. Satan = l’OTAN = suspendu / l’œil noir de la caméra / dans quelques
années la réincarnation sera inutile / j’étais super mal à l’époque où j’ai créé Adam et Ève / l’expérience passée sera inutilisable car
on trouvera les moyens pour enlever les saloperies dans le corps avec le laser / le passé va s’estomper au fur et à mesure/ je suis le
père, le fils et le saint esprit / le saint esprit c’est nous tous autant les extra terrestres, qu’un noir, qu’un blanc./ je suis le temps, on
l’entend bien / c’est l’émotion qui parle, j’ai toutes les voix / quand j’étais avec Emmanuel, le fils de mon père, j’ai essayé de
trouver quelle âme s’était greffée / morts-vivants ont une âme / l’animal que nous sommes tous / je suis le joint entre les fourmis et
eux / dans l’antimatière il y a la souffrance c'est-à-dire le plaisir / l’humanoïde / ils sont installés dans mes dents, ils m’ont reconnu
/ je prends mon temps sinon les autres sont mal à l’aise / Enfin réaliser le rêve de ce qu’on rêve d’être / les extra-terrestres habitent
la petite ourse / je change de voix car je suis en confiance / l’extraterrestre est tout petit petit / j’suis pas parfait / Amour – Amor –
Amour La Mort / le plaisir c’est la maladie de l’univers / irruption volcanique, une explosion / nous sommes tous des artistes
cachés / pour dire l’univers c’était rien / je trouble chacun – au cul la vieille – enculé quel bordel – je me trouble si je ne m’occupe
pas de l’animal / l’animal a un sexe d’homme ou de femme / horreur des maths toute ma vie, les maths donc X, l’inconnu, le soldat
inconnu, donc musique tempo dans mon dessin 0/1/2/3/ - / pourquoi Dieu ? Pour qui ? c’est dieu, nous sommes tous Dieu /
réalisation de tous nos rêves par des gens très sympathiques / l’Otan, mon père / j’ai perdu le fil de ma pensée en pensant au père /
laisse ton père où il est, laisse la pudeur / les mots sont un piège, ce que chacun de nous entend c’est la vérité / j’ai oublié m mère /
mes parents ils sont ça / c’est un combat très dur au milieu de puissances, comme un hot dog avec de la moutarde, un étau (il heurte
ses deux poings et les écrase les uns contre les autres). / j’ai envie d’avoir plus mal pour comprendre / je suis très ému quand je
vois une femme car je suis amoureux de toutes les femmes / ma mère est la réincarnation de Marie, de l’autre côté Joseph / je suis
la réincarnation de Jésus / Moise, les sales juifs, nous sommes tous des sales juifs / Ca vient du passé : fermer la boucle 9 ou 6
devient une boule ou un rond et on ne peut pas s’en sortir, mais dans l’eau / non respect / on a tous envie d’être un homme volant,
choses merveilleuses : génésis, la porte qui s’ouvre / la musique est un point de repère : c’est un code qui permet d’appeler
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quelqu’un, qui ici c’est moi, je sens que c’est pour moi qu’elle existe la musique / je vais m’occuper de ‘’public-relation’’ chez
Peugeot / rencontre du troisième type, tout est en 3.

LA FOLIE

On l’a vu et entendu, la folie fascine. Elle suscite terreur et attrait. Cette fascination caractérise aussi la position de l’homme face à
l’objet sacré qui suscite le tremendum et le fascinans.

Une double attitude qu’on va trouver dans les positions face à la folie tout au long de l’histoire. Rejet et exclusion (par terreur) et
apologie (par provocation).

La folie n’a pas toujours relevé de la médecine, ce n’est que récemment qu’elle lui a été rattachée, puis à la psychiatrie qui est née
au XIXème siècle. La folie relève à la fois de la philosophie, de la sociologie, de la politique et, aujourd’hui, aussi des sciences
humaines.

Il faut distinguer la folie du fou. La .folie n’est pas un concept, mais se réfère à l’idée que l’on s’en fait à une époque donnée, étant
entendu que ce qui a précédé reste toujours actif. Quant au fou, u sens commun du terme, – celui qu’on a désigné comme fou, car
lui-même ne se désigne pas comme fou – il a été plus ou moins intégré, ou pas du tout, dans son milieu. Il est inscrit dans les
marges, dans les bords, en se montrant différent, comme affranchi des limites (morales, sociales, juridiques, politiques...) Il
offre en spectacle une des conditions de l’humain.(Le fou a pu être considéré comme un monstre, un animal, une bête).

Comme il se situe aux bords de l’expérience humaine, comme il exprime ce qui ne doit pas s’exprimer et/ou ne peut pas
s‘exprimer, on aurait tendance à le réduire au silence, ou (ambivalence) à lui donner la parole, une libre expression. Si le
fou ne distingue pas le permis de l’interdit, le scandaleux de l’anodin, il permet néanmoins aux autres de tracer des limites
et délimitations entre ces zones. Il permet de faire le partage, la séparation ENTRE ce qui fait peur, ce qui effraie, ce qui
déstabilise, ce qui ouvre vers l’illimité et l’inconnu, ET ce qui rassure, ce qui est repérable, identifiable, connu, familier,
cadré. Ainsi, paradoxalement, le fou renvoie à la question des limites, du tolérable et de l’intolérable, du pensable et de
l’impensable, du violent et du non-violent.

Questions existentielles, renvoyées à chacun , et donc à sa propre folie, tapie en lui, et bien enfouie , bien domptée, bien
endiguée par les différentes références sociales, morales, juridiques dans lesquelles nous vivons.

Le fou incarne donc pour chacun la problématique du partage, du seuil, de la limite. On peut dire qu’il sert aussi à tracer
des lignes de démarcation à franchir ou à ne pas franchir. On peut dire qu’il offre aux autres le spectacle des enjeux
individuels et collectifs de l’histoire de la constitution de l’être humain et de la civilisation.

Le mythe freudien de la horde primitive et du meurtre du père (Totem et Tabou)

NB – Ce mythe est rapporté ici, d’une part, dans la continuité de la démonstration sur la démarche historique – créant un schéma,
une fiction, autour duquel viendront s’organiser les autres éléments pour leur donner du sens. Une tentative a été précédemment
faite par la présentation des fantasmes originaires. D’autre part, il permet de mettre en relief la force de ces fantasmes
inconscients, des désirs inconscients qui les structurent et d’établir un lien avec la folie, dans laquelle les processus primaires qui
régissent l’Inconscient envahissent le Conscient, précisément en raison de défaillances des limites psychiques (essentiellement le
refoulement et la mise en place de l’Interdit, de la fonction paternelle).

Le terme de horde primitive est d’origine tartare. Utilisé par Darwin et les sociologues évolutionnistes au XIXème siècle, ce terme
désigne la formation sociale la plus simple possible qui aurait existé aux temps préhistorique. NB - L’histoire ici n’est pas prise
dans la chronologie, mais on crée un schéma qui est considéré comme fondateur, inaugural et qui va pouvoir structurer l’ensemble
des éléments. Donc une approche structurale.

Il y aurait donc eu un groupe simple, une horde primitive qui serait un intermédiaire entre l’état de nature et l’état de culture. Ce
mythe a pour but d’essayer de donner une réponse aux origines de la civilisation : quand s’est fait le passage de la nature à la
culture.

Dans Totem et tabou (1913), Freud reprend la thèse de Darwin pour la développer et introduire la question du meurtre du père. Il
écrit : « Un jour, les frères qui avaient été chassés se coalisèrent, tuèrent et mangèrent le père, mettant ainsi fin à la horde
paternelle primitive. Unis, ils osèrent entreprendre et réaliser ce qu’il leur aurait été impossible de faire isolément ».

Dans ce mythe, le père est tout-puissant, régnant sur les femmes, expulsant les fils adolescents pour ne pas avoir de rival. C’est un
père jaloux, omnipotent, qui se réserve tous les privilèges, en particulier ceux de la sexualité.

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Le meurtre de ce père par les fils chassés et exclus marque un temps primordial, à savoir la naissance d’un groupe et de
l’humanité. Ici donc, le meurtre du père est considéré comme un acte fondateur : c’est la décision commune et unanime des fils
qui fait entrer l’homme dans l’histoire. Les fils deviennent des frères : ils passent d’un état d’impuissance à un état de solidarité,
leur permettant de dépasser l’admiration et la crainte face au père.

Ils tuèrent et mangèrent le père : c’est le repas totémique ; en mangeant ensemble le père mort, ils partagent la responsabilité du
meurtre ; devenant égaux et unis par le même sang ; en incorporant le père, ils s’identifient au père. Ils s’approprient, par l’acte
cannibale, une partie de sa force.

Ainsi, ce geste criminel partagé, avec incorporation du mort, représente pour Freud le moment inaugural des organisations
sociales, des restrictions morales et de la religion.

Car les frères se sont sentis coupables de ce meurtre. Ce temps de culpabilité va conduire les frères à renoncer à la lutte contre le
père, à l’idéaliser et à le mythifier. Le père est alors institué comme totem, fondateur du groupe et fondateur de la loi. Il y a
renoncement aux rapports de force et de rivalité pour donner cours à des rapports d’alliance et de solidarité.

Cette culpabilité va donc engendrer des règles, des interdits, et va permettre de poser des limites. Ces limites sont celles qui vont
constituer l’humanité, et l’individu. L’homme va pouvoir se positionner face à son désir ; ici le désir de meurtre du père, qui ne
peut et ne doit trouver d’expression directe. La loi du père vient donc endiguer les désirs les plus fous ; elle protège la société et
l’individu. C’est cette folie qui est en nous : tous ces désirs violents, pressants qu’on ne peut et ne doit exprimer. On peut dire que
c’est une part de « la folie intérieure de chacun » que le fou vient révéler et confirmer la nécessité d’établir des limites et de les
maintenir.

Le terme de folie n’est pas du tout un terme relevant du langage scientifique. La maladie mentale lui a été rattachée à un moment
de l’histoire, mais elle ne recouvre pas la folie.

L’ idée de la folie, en Occident, a subi des variations , mais elle a toujours été mise en rapport avec la raison : « La folie est
l’autre de la raison ». Ceci marque la notion d’altérité, d’autre, autre que moi, de la différence. Selon psychanalyse, l’autre est
aussi l’étranger en soi, donc l’Inconscient.

La folie reste néanmoins ambiguë, contenant « une vérité tragique » et une menace pour chacun.

Ces constats sont étroitement liés au travail monumental et magistral de Michel FOUCAULT.

Michel Foucault – 1926-1984

Né en 1926, il meurt du sida en 1984. Sa maladie est en rapport avec sa sexualité, puisqu’il était homosexuel.

C’est un historien, un philosophe, un grand penseur. Il est l’une des figures les plus influentes dans le monde de la culture
française. Il a enseigné à l’Université de Tunis, de Clermont Ferrand, de Vincennes. Il a occupé une chaire d’histoire des systèmes
de pensée au Collège de France ; il était donc également épistémologue.

Ses écrits ont suscité des réactions diverses, soit opposition soit passion. Ses idées sont révolutionnaires donc génèrent des attraits
ou des résistances ; il fascine. il est l’objet de multiples critiques, controverses dont une lui reprochant d’être trop lié au courant
structuraliste.

Michel Foucault ne se veut pas un historien des idées ou des sciences. Il se réclame de Karl Marx, de Nietzsche, de Bachelard, de
Canguilhem, de Guéroult. Il ne veut être ni philosophe, ni historien : il se dit être un archéologue qui va reconstituer ce qui est en
profondeur pour rendre compte de la culture : « un archéologue du silence imposé aux fou », ’ dira-t-il en 1961. Il écrit différentes
archéologies du Savoir.

Son premier ouvrage paru en 1954 s’intitule Maladie mentale et psychologie. Il cherchait alors à déchiffrer l’une des figures de
l’altérité. il cherchait les racines de la condition de la pathologie mentale « dans un rapport historiquement situé de l’homme à
l’homme fou et à l’homme vrai ».

Son travail le plus achevé est celui paru en 1961, Histoire de la folie à l’âge classique, qui est d’une actualité remarquable. Dans
ce livre Foucault réalise un travail minutieux, une enquête fouillée qui va lui permettre de travailler le partage entre la raison et la
déraison. Il emprunte des matériaux à la littérature, l’art, la philosophie, l’histoire des institutions et de la vie quotidienne.

Il y pose la question suivante : comment est-on passé de l’expérience médiévale humaniste de la folie à celle qui est la nôtre et qui
confine la folie dans la maladie mentale qui exclut et aliène folie.

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Il ajoute à l’aspect médico-légal, à l’aspect de l’institution répressif de l’enfermement et de l’exclusion sociale, dans Surveiller et
punir (1975), l’aspect de la société disciplinaire caractérisée par la prison, qui est un pont entre la loi et la société. Foucault va
comparer la discipline des prisons à celles des collèges et autres. Pour pouvoir penser la société moderne, il faut se référer à son
ouvrage dans lequel il démonte le savoir par rapport au pouvoir de la société. Il apporte un regard nouveau et différent sur la
question de la folie et de la raison.

Élisabeth ROUDINESCO remarque qu’il ne s’agit pas d’un partage entre raison et folie, entre histoire de la raison versus de la
folie, entre une histoire des fous à côté des gens raisonnables, mais qu’il s’agit, écrit Foucault, de « faire l’histoire de leur partage
incessant mais toujours modifié ».

C’est un partage, dit-elle « entre la déraison et la folie, entre la folie menaçante des tableaux de Bosch et la folie apprivoisée du
discours d’Érasme, ente une conscience critique (où la folie devient maladie) et une conscience tragique (ou elle ouvre sur la
création comme chez Goya, Van Gogh ou Artaud), partage interne enfin du cogito cartésien où la folie est exclue de la pensée au
moment ou elle cesse de mettre en péril les droits de cette dernière. »

Henry EY, psychiatre français du XXe siècle ayant marqué son temps, dira : « c’est un acte psychiatricide », c'est-à-dire un acte
meurtrier de la psychiatrie classique qui va accélérer le déclin de la psychiatrie classique.

Foucault a en effet opéré un renversement de perspective entre raison et folie. Aujourd’hui toutes les études portant sur le
sujet, prennent en considération le travail de Foucault. Avec lui, il y a eu une rupture épistémologique, un bouleversement des
conceptions.

Ce travail monumental n’a eu aucun effet sur le traitement psychiatrique de la folie (seulement un effet sur la pensée). La fin du
XXe siècle et le début du XXIe sont marqués par une approche organiciste et biologique, et une généralisation de la
pharmacologie. Ce qui entraîne « un éclatement du lien entre les trois façons de penser la folie : celle inscrite dans la nosologie
psychiatrique ; celle de l’approche culturelle et celle de l’écoute de la parole. »Les psychiatres espèrent trouver des liens
biologiques mais cela n’annule pas les versants psychologique, sociologique et anthropologique de la folie.

« Histoire de la folie à l’âge classique » – NB - Lecture de Mme Dorey


L’étude porte uniquement sur l’histoire dur monde occidental.

Foucault s’appuie sur de nombreuses références culturelles occidentales, faits historiques, littérature, art, philosophie, ce qui
témoigne de son érudition extraordinaire.

Les éléments sont rassemblés autour de la thématique majeure de L’EXCLUSION et de ses avatars.

Chapitre 1 - Stultifera Navis (embarquement de la grande folie)

La première phrase du chapitre commence par : « A la fin du Moyen Age la lèpre disparaît du monde occidental. » Quel est le
rapport de la lèpre avec la folie ? On trouve la réponse plus loin, à la page 19 : « La lèpre disparue, le lépreux effacé, ou presque,
des mémoires, ces structures [mises en place pour les accueillir] resteront. Dans ces mêmes lieux souvent les jeux d’exclusion se
retrouveront étrangement semblables deux ou trois siècles plus tard ; ….. [se référer à la suite dans l’ouvrage] »

Foucault attire l’attention sur l’exclusion sociale et la réintégration spirituelle.

La peur et l’effroi liés à la lèpre entraînèrent la création de structures d’exclusion ; au XVe siècle, les maladies vénériennes prirent
le relais et furent, quant à elles, prises en charge par le monde médical, avec traitements et thérapies. Mais Foucault affirme que, en
fait, le véritable héritier de la lèpre est le phénomène de la folie, à laquelle la médecine ne se rattachera que plus tardivement

La peur et la hantise de la folie succèdent à la peur et la hantise de la lèpre, intégrant la folie dans un « espace moral d’exclusion et
de purification » de même nature.

C’est vers le milieu du XVIIème siècle que la folie sera « maîtrisée », sur le même mode que la lèpre. Avant cela, il y a un temps
important, celui de la Renaissance : la folie s’est vue associée à toutes les expériences majeures de l’époque. Les figures de la folie
ont considérablement influencé les productions culturelles de l’époque.

Cette histoire faite par Foucault est une histoire dans laquelle il pose des faits et leur donne du sens. La façon de travailler de
Foucault est d’essayer de dégager de l’histoire et des circonstances sociales, politiques, économiques, etc., d’une époque, d’en tirer
du sens, et s’il a fait une histoire de la folie à l’âge classique, c’est qu’il a repéré là un tournant décisif dans l’histoire de la folie et
plus tard de la maladie mentale.

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La folie, jusqu’à l'époque que travaille Foucault, était intégrée en quelque sorte dans le monde, dans les sociétés. Il n’y avait pas à
proprement parler de lieux pour les fous, encore que, en retraçant l’histoire dans le monde, on va retrouver toute une série de
conceptions, de croyances, de conduites à l’égard des fous. Mais le point décisif pour lui, et qui est le support de la façon dont nous
concevons le fou aujourd’hui, c’est à l’âge classique. C’est là que les choses ont changé de façon décisive; avec quoi ? avec
l’enfermement.

Donc, nous avions parlé du lien établi par Foucault entre la lèpre et les fous. La lèpre, pour laquelle on avait créé des lieux
d’enfermement, et ce sont ces mêmes lieux qui, plus tard, serviront à enfermer les fous, et pas seulement les fous, comme nous
allons le voir bientôt. Mais, ce qu’il a dégagé, ce qui est au fond de cette attitude face aux lépreux et face aux fous, c’est la question
de la hantise de la mort, C’est ce qui fait le lien. C’est l’attitude de l’humain face à la mort. Et cela va se reporter sur certaines
" surfaces de projection", on va dire, différentes au cours de l’histoire de l’humanité. Autrefois le fou était considéré comme un
sorcier, on le brûlait, etc. Ce que Foucault montre, c’est qu’ensuite qu’il y a eu une véritable structure pour encadrer, pour
limiter ce qui au fond est l’angoisse de la mort.

L’exclusion est mise en avant par Foucault. Il reprend le traitement des fous à la Renaissance, donc juste avant l’Age Classique. Et
il a repris dans la littérature une figure qui est celle de la NEF DES FOUS : à cette époque de la Renaissance Foucault va constater
que cette image de la nef, cette figure de la nef était une mode, une mode romanesque, qui donna naissance à des contes, à des
mythes, à des histoires, à des romans; il y a toute une série d’ouvrages sur la nef des princes, la nef des dames vertueuses, etc. et
puis la nef des fous.

Mais il nous dit que toutes ces nefs sont imaginaires sauf une : celle des fous est la seule qui a eu une existence réelle.

Cette nef des fous vient d’une tradition allemande : il était coutume, en particulier en Allemagne, de confier les fous à des marins
pour les envoyer loin là bas on ne sait où, à des bateliers (Narrenschiff), qui les menaient sur leurs bateaux d’une ville à l’autre. Et
alors des fous descendaient d’autres remontaient d’une ville à l’autre. C’était des fous errants, on les embarquait, et on les faisait
descendre parce que souvent ils voulaient partir, et puis d’autres montaient et ainsi les fous étaient emportés d’une ville à l’autre
par les marins.

Ainsi, à cette époque, le fou était chassé, il était renvoyé et il était embarqué, une véritable circulation du fou.

Foucault nous montre que ce geste-là, chasser le fou, n’est pas seulement lié à la sécurité ni à l'utilité sociale; c’est ce qu’on
pourrait penser, que la société cherche à se protéger, donc il y a une utilité sociale du geste, mais il nous dit que c’est pas seulement
ça. Il va rapprocher cette pratique d’un rite religieux qui concerne en fait l’eau, et il va montrer un lien entre la thématique du fou
et la thématique de l’eau qui va trouver en fait dans la religion un point important à savoir celui de la purification par l’eau.
Pourtant Foucault remarque qu’à cette époque, l’accès des églises est interdit aux fous. Alors, d’une part, l’église était interdite aux
fous mais le fou avait une reconnaissance dans le droit ecclésiastique, à savoir qu’il pouvait recevoir les sacrements (communion,
etc.) Donc dans le registre religieux, l’eau a une signification : l'eau emporte le fou, mais aussi elle le purifie, selon Foucault. La
navigation livre le fou à l’incertitude du sort, du destin, chaque embarquement étant peut être le dernier. Le fou devient "un
Passager", c'est-à-dire "prisonnier du passage’’; il est tout le temps de passage ; il part vers l’autre monde et débarque en venant
de l’autre monde. L’autre monde, ça raisonne à nos oreilles, c’est l’au-delà, donc la mort.

Cette coutume reste encore très obscure. Si elle reste obscure, on sait toutefois qu’un jour on a embarqué et déplacé les insensés,
renforçant le lien très ancien entre l’eau et la folie. Une fois qu’il a montré ce phénomène de l'embarquement des fous, Foucault
s’interroge sur le surgissement à la fin du XVe siècle de cette figure dans la littérature et l’iconographie (cf. tableau de Bosch, La
Nef des fous), qui se voient envahie par l'image de la Nef surchargée de fous. D'autre part, il repère dans la navigation des fous
une place symbolique, un sens qui existe ‘’jusqu’à nos jours’.

Foucault cherche en fait dans son travail à dégager les traces laissées dans notre conception moderne de la Folie les traces qu’ont
laissé les temps anciens, c’est cela son archéologie.

« Cette navigation du fou, c’est à la fois le partage rigoureux et l’absolu Passage. Elle ne fait ,en un sens, que développer, tout au long d’une géographie mi-réelle,
mi- imaginaire, la situation liminaire du fou à l’horizon du souci de l’homme médiéval - situation symbolique et réalisée à la fois par le privilège qui est donné au
fou d’être enfermé aux portes de la ville : son exclusion doit l’enclore; s’il ne peut et ne doit avoir d’autre prison que le seuil lui-même, on le retient sur le lieu du
passage. Il est mis à l’intérieur de l’extérieur, et inversement. Posture hautement symbolique, qui restera sans doute la sienne jusqu’à nos jours, si on veut bien
admettre que ce qui fut jadis forteresse visible de l’ordre est devenu maintenant château de notre conscience » p.26

C'est-à-dire que, ce qu’il dégage de ce qui à l’époque existait de façon concrète, existe toujours en nous, a laissé des traces; on n’a
plus besoin que ce soit visible, on a enfoui tout ça, mais c’est toujours présent, c’est toujours là et c’est toujours agissant.

Donc on a tous dans notre imaginaire collectif une nef des fous qui se balade.

Foucault interroge ce qui se constitue dans le patrimoine humain à propos d’une question fondamentale. Il fait l’analyse des traces
de notre mémoire pour pouvoir penser la folie. Ainsi cette pratique de l’exclusion du fou "à l’intérieur de l’extérieur" et "à

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l’extérieur de l’intérieur", représente- t-elle la situation du fou dans la société. Réelle, visible à l’époque, elle ne l’est plus
aujourd’hui mais ça ne veut pas dire qu’elle n’est plus agissante dans nos esprits.

La BARQUE symbolise donc une profonde inquiétude, présente depuis toujours dans l’histoire de l’humanité, mais
exacerbée au Moyen Age.

« La folie et le fou deviennent personnages majeurs dans leur ambiguïté, menace et dérision [on faisait jouer les fous au théâtre
pour dénoncer les vices, les défauts, tourner en dérision], vertigineuse déraison du monde et mince ridicule des hommes ». p.28

Dans la littérature populaire, le fou est encore dénoncé, critiqué, tourné en dérision, mais, surtout, le fou prend une place
centrale : c’est celui qui dit à chacun sa vérité. La littérature savante à la Renaissance place également la Folie au centre de la
raison et de la vérité. L’exemple le plus parlant est l’ouvrage daté de 1509 du Hollandais Didier Érasme qui s’intitule Éloge de la
folie. Érasme fait prendre la parole à la folie, et la folie fait son propre éloge dans le monde religieux du début du XVIème siècle.

Jusque-là, c'est-à-dire jusqu’à la deuxième moitié du XVe siècle, ce n’est pas le thème de la folie qui dominait mais c’était celui de
la mort : le thème de la fin de l’homme, le thème de la fin des temps, de l’Apocalypse, qui étaient figurés dans la réalité par la peste
et par la guerre.

Or Foucault constate que le thème de la mort, avec l’inquiétude de la menace à l’intérieur même du monde, de l’espace social, avec
sa gravité, son sérieux, son abstraction, va donner place à la folie et à la déraison.

Pour lui ce n’est pas une rupture ce changement mais c’est une torsion, parce qu’il s’agit, dit-il, toujours de la même inquiétude,
celle du NEANT, l’inquiétude du néant de l’existence; la "limite absolue" de la mort est masquée; la mort, sur le fond, c’est cette
limite qui peut être désignée par rapport au néant.

L’homme nomme les choses pour faire face à son angoisse et, d’ailleurs dans les psychothérapies, nous essayons de relier l’affect
d’angoisse qui est libre à la représentation, de manière que l’angoisse ne soit plus envahissante. Donc on donne du sens.

Donc, dans cette torsion on passe de cette image inquiétante, de la limite absolue de la mort qui est représentée par cette image
inquiétante du squelette avec son rictus on va passer à la folie, et donc cette mort, ce squelette, vont être masqués par la folie. C’est
presque une défense, en un sens. Il y a une torsion. En psychanalyse, on aurait utilisé pour torsion le terme déplacement. Mais une
torsion c’est quand même un mouvement plus fort. Pour sa part, le lépreux renvoyait à la présence de la mort. La mort était
présente, tout en étant vivant. C'est-à-dire qu’il représentait cette limite entre la vie et la mort. Quant à la folie, nous dit Foucault, p.
31, « c’est le déjà-là de la mort ». Et ce lien entre néant et folie au XVe siècle est puissant et subsistera très longtemps; encore
une autre trace.

A cette époque, ajoute Foucault, la folie est référée à la fois à l’animalité et au savoir . L’animalité, c’est le monstre, une figure
de la folie. Dans l’animalité, il y a la bête libérée qui exprime le désordre, la fureur, la monstruosité de l’homme.

Pour le savoir, la folie représente un savoir interdit : un savoir inaccessible et redoutable. Et c’est le fou qui détient ce savoir.

C’est ainsi qu’à la folie sont attribués à la fois les menaces, les inquiétudes, les angoisses et les secrets du
monde.

A partir de là, deux formes d’expériences de la folie sont dégagées par Foucault :

- une expérience tragique : le tragique de la folie du monde, donc une vision cosmique

- une expérience critique, qui se traduit dans le discours par lequel la folie se justifie : elle est une conscience critique de
l’homme dans une réflexion morale.

« Cet affrontement de la conscience critique et de l’expérience tragique anime tout ce qui a pu être éprouvé de la folie et formulé
sur elle au début de la Renaissance.» p.46

« Malgré tant d’interférences encore visibles, le partage est déjà fait; entre les deux formes d’expérience de la folie, la distance ne cessera plus de s’élargir. Les
figures de la vision cosmique et des mouvements de la réflexion morale, l’élément tragique et l’élément critique, iront désormais en se séparant toujours davantage,
ouvrant dans l’unité profonde de la folie une béance qui ne sera plus jamais recouverte. D’un côté, il y aura une Nef des fous, chargée de visages forcenés, qui peu
à peu s’enfonce dans la nuit du monde, parmi des paysages qui parlent de l’étrange alchimie des savoirs, des sourdes menaces de la bestialité, de la fin des temps.
De l’autre côté il y aura une Nef des fous qui forme pour les sages l’Odyssée exemplaire et didactique des défauts humains.» p. 45

C’est là l’intérêt de son travail, c'est-à-dire qu’il donne une unité de la folie à partir de deux expériences, de deux mouvements,
l’expérience tragique et l’expérience critique. Et ce qu’il dit, c’est que, au lieu de garder son unité, la folie va en quelque sorte se
cliver, va en quelque sorte se diviser à tout jamais, il ne va plus y avoir de réunion. Tout ce qui est de l’expérience tragique, de

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l’angoisse, de la fin du monde etc., va être enfoui, mis dans le champ du silence. Et ce qui relève de la morale, de la critique va
aussi se séparer et ce qu’il va montrer c’est que ‘est cette part là qui va prévaloir jusqu’à nos jours. Donc c’est une distinction
fondamentale.

Au XVIème siècle, c’est la réflexion critique qui va prendre la première place. Foucault le formule ainsi :

- Folie et raison entrent dans une relation de réversibilité. On pense que toute raison a sa folie et vice-versa. On aborde dans un
rapport de réversibilité folie et raison et on ne les sépare pas.

- La folie devient une des formes même de la raison : on distingue donc une "folie folle" et une" folie sage". C'est-à-dire qu’on
va inclure, dans cette dialectique, la folie dans la raison et la raison dans la folie. (cf. p. 56)

A l’Age classique, et là est "la torsion", l’abord critique de la folie va donc prévaloir, et avec cette prévalence, la folie va être
maîtrisée. La Nef des fous est mise au second plan, voire oubliée. La folie tragique, située aux confins du monde, de l'homme et de
la mort, limite absolue et fuyante, va être amarrée solidement dans la société : elle est retenue, maintenue par la conscience critique.
Elle va devenir une figure familière au sein de la société. Elle ne sera plus une barque errante mais sera un hôpital. C'est ainsi que
Foucault conclut son premier chapitre : « À l’embarquement des fous va succéder l’internement des fous ».

Chapitre 2 – Le Grand Enfermement

Foucault a l’habitude de donner des phrases fortes en début de chapitre :

« La Folie dont la Renaissance vient de libérer les voix, mais dont elle a maîtrisé déjà la violence, l’âge Classique va la réduire au
silence par un étrange coup de force.» p. 67

Ce coup de force, il va commencer à le montrer par la pensée de Descartes. : le doute, le cogito. Foucault montre que pour
Descartes, il ne s’agit pas – à propos de la folie – de qualifier une pensée de fausse ou de vraie, parce que le fou peut penser des
choses vraies, mais il s’agit d’exclure la folie de celui qui pense. « Moi qui pense je ne peux pas être fou » ; en d’autres termes, « je
pense donc je ne suis pas fou ». C'est-à-dire la folie est « la condition d’impossibilité de la pensée ». La folie ne peut plus concerner
Descartes pensant. Car ce serait extravagant de supposer qu’on est extravagant. Avec Descartes, la folie est exilée; l‘homme peut
être fou « mais la pensée comme exercice de la souveraineté d’un sujet qui se met en devoir de percevoir le vrai, ne peut pas être
insensée » p. 70

Et donc la déraison est exclue du sujet pensant. Cette exclusion de la pensée va être un des déterminants de l’internement des
fous.

C’est pourquoi Foucault va relier ce nouveau mode de pensée à la création, au XVIIe siècle, d’un ensemble d’institutions qui sont
les maisons d’internement. Foucault relie ce nouveau mode de pensée à ces créations et il note que, dès l’ouverture de ces
maisons d’internement à Paris, en quelques mois, 1% de la ville de Paris y a été enfermée. Les insensés vont y être enfermés
pendant 150 ans. Ils y seront mêlés avec les pauvres, les chômeurs et les correctionnaires.

Ce sont les premiers aliénistes comme PINEL (en France), TUKE (en Angleterre)et WAGNITZ(en Allemagne), qui ont montré
cet état de choses quand ils ont pris en main ces maisons d’enfermement, mais dans leurs descriptions ils n’ont jamais, dit Foucault,
précisé quelle « conscience juridique » justifiait ces pratiques.

« C’est entre les murs de l’internement que Pinel et la psychiatrie du XIXe siècle rencontreront les fous. C’est là - ne l’oublions pas - qu’ils les laisseront non sans
se faire gloire de les avoir délivrés.» p.71

Foucault casse le mythe de la délivrance des fous par Pinel qui les a laissés enfermés dans ces maisons « Depuis le milieu du XVIIe
siècle, la folie a été liée à cette terre de l’internement et au geste qui l’a désigné comme son lieu naturel. Prenons les faits dans
leur formulation la plus simple puisque l’internement des aliénés est la structure la plus visible dans l’expérience classique de la
folie » p.71

Donc l’internement c’est la structure – je vous ai parlé de la pensée qui exclut la déraison quand le sujet pense - la structure la
plus visible dans l’expérience classique de la folie – et c’est cette structure d’enfermement qui, plus tard, fera scandale quand on
fera disparaître ces maisons d’enfermement de la culture européenne. C’est cette structure visible là qu’on atteindra.

L’année 1656 est une date repère, car un décret est établi fondant l’Hôpital Général à Paris. On y place tous les pauvres de
Paris (Salpêtrière, Bicêtre, Maison de la Savonnerie), pour les loger, les nourrir. Un Directeur est nommé à vie pour y faire régner
l’ordre; il est tout puissant. Le Directeur nomme un médecin pour visiter les maisons deux fois par semaine. Donc il est clair que
l’Hôpital Général est une structure absolument pas médicale mais plutôt une structure semi-juridique qui décide, qui juge et qui
exécute.

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« Souveraineté quasi absolue, juridiction sans appel, droit d’exécution contre lequel rien ne peut prévaloir - l’Hôpital Général est un étrange pouvoir que le roi
établi entre la police et justice, aux limites de la loi :le tiers ordre de la répression. Les aliénés que Pinel a trouvé à la Salpetrière c’est à ce monde qu’ils
appartenaient ».p.73

Après Paris, chaque ville aura désormais son Hôpital Général (décret de 1676). L’église s’associera à ce mouvement. Foucault nous
dit que ces institutions sont repérables mais qu’on a du mal à définir le statut et le sens de ces institutions. Elles jouent à la fois un
rôle d’assistance (aux démunis) et à la fois un rôle de répression. Toutes ces maisons d’internement comportent des cellules de
détention, des cachots et des quartiers de forces.

Sur le plan financier, on sait qu’elles héritent des biens antérieurs(c'est-à-dire des maisons qui existaient déjà - la Salpêtrière –
toutes les anciennes léproseries), mais obtiennent aussi des finances publiques, des donations du Roi et une part des amendes qui
ont été perçues par le Trésor.

« Dans ces institutions viennent ainsi se mêler, non sans conflits souvent, les vieux privilèges de l’Église dans l’assistance aux pauvres et dans les rites de
l’hospitalité, et le souci bourgeois de mettre en ordre le monde de la misère; le désir d’assister et le besoin de réprimer; le devoir de charité et la volonté de châtier
: toute une pratique équivoque dont il faudra dégager le sens, symbolisé sans doute par ces léproseries, vides depuis la Renaissance, mais brusquement réaffectées
aux XVIIe siècle et qu’on a réarmées de pouvoirs obscurs .Le classicisme a inventé l’internement, un peu comme le Moyen-Âge la ségrégation des lépreux; la place
laissée vide par ceux-ci a été occupée par des personnages nouveaux dans le monde européen, ce sont les « internés ». La léproserie n’avait pas de sens que
médical; bien d’autres fonctions avaient joué dans ce geste de bannissement qui ouvrait des espaces maudits. Le geste qui enferme n’est pas plus simple: lui aussi a
des significations politiques, sociales, religieuses, économiques, morales » pp.76-77

Ce même mouvement, en France, on va le retrouver dans toute l’Europe (Angleterre, Allemagne, Italie, Hollande, Espagne, etc.)
C’est un mouvement européen, général, ce mouvement d’enfermement où on va à la fois assister et réprimer.

Foucault dit que tout ce mouvement là est un signe ; un signe « d’un mode de perception particulier » de la folie à l’Age Classique.
Et c’est cette perception là de la folie il veut analyser, interroger. Il va donc étudier l’internement et ses pratiques. « La pratique
de l’internement désigne une nouvelle réaction à la misère, un nouveau pathétique - plus largement un autre rapport à l’homme à
ce qu’il peut y avoir d’inhumain dans son existence. » p.80

Le protestantisme et le catholicisme vont également condamner la misère; les miséreux, les pauvresoeuvrent pour « la gloire de
Satan ». Ainsi, l’Église aussi procède à un partage entre « les bons pauvres » et « les mauvais pauvres ».

C’est là, dit Foucault, « le premier des grands anneaux dans lesquels l’Age Classique va enfermer la folie. »

« L’internement est ainsi deux fois justifié, dans un indissociable équivoque, à titre de bienfait et à titre de châtiment. Il est tout à la fois récompense et punition,
selon la valeur morale de ceux à qui on l’impose. [.......] L’opposition des bons et des mauvais pauvres est essentielle à la structure et à la signification de
l’enfermement. L’Hôpital Général les désigne comme tels et la folie elle-même est répartie selon cette dichotomie [les bons fous et les mauvais fous] pouvant entrer
ainsi, selon l’attitude morale qu’elle semble manifester, tantôt dans les catégories de la bienfaisance tantôt dans les catégories de la répression. Tout interné est
placé dans le champ de cette valorisation éthique et bien avant d’être objet de connaissance ou de pitié, il est traité comme sujet moral. » p.87

C'est-à-dire que les pauvres, les miséreux, bien sûr il faut les nourrir, il faut les assister ; mais ils doivent abandonner l’oisiveté, la
paresse parce que l’oisiveté est coupable. La pauvreté doit donc être « remise au travail ». C’est donc, montre Foucault, un
impératif de travail qui explique l’internement, et non pas la guérison, au sens médical où on l’entend aujourd’hui, c’est un
impératif de travail.

En étant pris en charge, l’individu va perdre sa liberté individuelle, parce que, en échange de son droit au logement et à la
nourriture, « il doit accepter la contrainte physique et morale de l’internement » (p 92).

On sait aujourd’hui que cette politique a été un échec, qui conduira à la disparition de ces maisons au début du XIXe siècle. Mais
malgré cet échec, Foucault en dégage une signification : celle d’une conscience éthique du travail, d’une affirmation d’une
valeur morale. Ainsi se créé un espace éthique, et c’est dans cet espace éthique qui est régi par le travail et l’oisiveté, donc
l’inutilité sociale, que, étrangement, la folie va s’inscrire et prendre son statut. . C’est-à-dire que l’obligation générale du travail
et la proscription de l’oisiveté vont concerner tout aussi bien les fous . toutes les personnes enfermées seront considérées
comme des « asociaux », en fonction de cette morale, de cette éthique du travail. Et donc on les enferme, on les nourrit mais on les
dresse.

On arrive à la fin du deuxième chapitre, qui porte sur cette idée de la norme et des anormaux.

« C’est dans cet autre monde cerné par les puissances sacrées du labeur, que la folie va prendre ce statut que nous lui connaissons. S’il y a dans la folie classique
quelque chose qui parle d’ailleurs et d’autre chose, ce n’est plus parce que le fou vient d’un autre ciel, celui de l’insensé, et qu’il en porte les signes ; c’est qu’il
franchit lui-même les frontières de l’ordre bourgeois et s’aliène hors des limites sacrées de son éthique » p.102

Il dit donc dit qu’il y a une valeur, un champ éthique dans la société, qui définit une norme, et c’est par rapport à cette norme qu’on
va définir des « étrangers », en quelque sorte, des a-normaux. Et parce qu’ils franchissent les limites de l’ordre bourgeois, t ils
s’aliènent hors des limites sacrées de l’éthique de cette bourgeoisie.

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Et la conclusion pages 108-109 « L’internement est une création institutionnelle propre au XIIIe siècle. Il a pris d’emblée une ampleur qui ne lui laisse
aucune commune dimension avec l’emprisonnement tel qu’on pouvait le pratiquer au Moyen Age. Comme mesure économique et précaution sociale, il a valeur
d’invention. Mais² dans l’histoire de la déraison, il désigne un évènement décisif : le moment où la folie est perçue sur l’horizon social de la pauvreté, de
l’incapacité au travail, de l’impossibilité de s’intégrer au groupe; le moment où elle commence à former texte avec les problèmes de la cité. Les nouvelles
significations que l’on traite à la pauvreté, l’importance que l’on donne à la signification du travail, et toutes les valeurs éthiques qui lui sont liées, déterminent de
loin l’expérience qu’on fait de la folie et en infléchissent le sens.

Une sensibilité est née, qui a tracé une ligne , élevé un seuil, et qui choisit pour, bannir. L’espace concret de la société classique réserve une région de neutralité ;
une page blanche de la vie réelle de la cité est suspendue : l’ordre n’y affronte plus librement le désordre, la raison ne tente plus de se frayer d’elle-même son
chemin parmi tout ce qui peut l’esquive, ou tente de la refuser. Elle règne à l’état pur dans un triomphe qui lui est ménagé à l’avance sur une déraison déchaînée.
La folie est ainsi arrachée à cette liberté imaginaire qui la faisait foisonner encore sur le ciel de la Renaissance. Il n’y a pas si longtemps encore, elle se débattait
en plein jour : c’est Le Roi Lear, c’était Don Quichotte. Mais en moins d’un demi-siècle, elle s’est retrouvée recluse, et dans la forteresse de l’internement, lié à la
Raison, aux règles de la morale, et à leurs nuits monotones »

Donc, ce qu’il cherche à montrer là, c’est l’évolution sur le plan social. Comment le fou va s’inscrire dans ce tournant, dans ce
moment particulier. On va commencer à penser autrement la folie, la raison. C’est ça l’enfermement en fait. Plus que les maisons
elles-mêmes, ce sont les valeurs éthiques et morales.

Chapitre 3 – le Monde Correctionnaire

Une fois qu’il a décrit l’internement et sa formation, Foucault va s’appuyer dessus pour essayer de saisir comment l’expérience de
la folie s’est constituée (p.113). Il répète que « ce geste de l’internement a été créateur d’ALIENATION » Foucault ne porte pas
de jugement là-dessus, ce n’est pas son travail. Il pose les choses et il réfléchit dessus. Démarche scientifique. Il ne condamne pas
mais il montre ce que la condamnation morale a entraîné. Donc, il va se demander comment on peut saisir l’expérience de la folie à
cette époque. Et il dit que ce geste d’internement a été créateur d’aliénation et il va essayer de faire l’archéologie de cette
aliénation.

Il dit que l’internement est un fait uniforme. Il cite ceux qui sont enfermés dans ces maisons : les débauchés, les imbéciles, les
prodigues, les infirmes, les esprits dérangés, les libertins, les fils ingrats, les pères dissipateurs, les prostitués, les insensés, etc. Ce
sont des mots qu’on trouve dans les registres de l’Hôpital Général. Pêle-mêle, de façon indifférenciée, tous ces hommes et ces
femmes sont marqués par le déshonneur.

Mais cette indistinction ne relève pas d’une ignorance de la folie. Foucault affirme et montre que cette expérience
particulière et originale de la folie constitue pour nous un « domaine étrangement fermé et silencieux », qui est la « première
patrie de la folie moderne ».

« L ’internement n’a pas joué seulement un rôle négatif d’exclusion; mais aussi un rôle positif d’organisation » p.115 Il traduit un
travail en profondeur de réorganisation éthique du monde, délimitant de nouvelles frontières entre « le bien et le mal, le reconnu
et le condamné », créant de nouvelles normes dans l’intégration sociale, « un monde uniforme de la Déraison. »

Foucault ne dénonce pas, comme les libérateurs Pinel et Tuke, les conditions d’enfermement. Dans ce geste de rébellion, dit-il, ils
ont masqué un des aspects de la folie. Foucault essaie de faire des lignes de partage. Il montre que la folie s’est insérée dans une
politique sociale à l’Age Classique. Juridiquement et moralement avec la prévalence du moral. On invente un lieu pour les
fous. Il montre ensuite comment la folie arrive entre les mains de la médecine et comment celle-ci la prend en charge avant de
devenir psychiatrie. Notre conception contemporaine vient de cette histoire, c’est donc un moment révolutionnaire que celui de la
folie à l’Age Classique.

Foucault montre qu’il y a eu un écart qui s’est creusé entre l’expérience de la folie, le vécu – pas du tout cadré – et le discours porté
sur la folie, c'est-à-dire la folie comme objet de connaissance.

C’est un discours plus scientifique. Foucault parle de l’instauration en médecine de la relation médecin- malade : c’est la fondation
de l’écoute psychiatrique, puis psychanalytique. Ceci permet de prendre en compte les enjeux

Foucault montre la place de l’éthique et celle des normes morales. Il veut montrer que la folie va être prise dans les filets de ces
normes. :

« Ces expériences, ont peut les résumer en disant qu’elles touchent toutes, soit à la sexualité dans ses rapports avec l’organisation de la famille bourgeoise, soit à
la profanation dans ses rapports avec la nouvelle conception du sacré et des rites religieux, soit au ‘libertinage’, c’est-à-dire aux rapports nouveaux qui sont
entrain de s’instaurer entre la pensée libre et le système des passions. Ces trois domaines d’expériences forment avec la folie, dans l’espace de l’internement, un
monde homogène qui est celui où l’aliénation mentale prendra le sens que nous lui connaissons. A la fin du XVIIIe siècle, il sera devenu évident – d’une de ces
évidences non formulées – que certaines formes de pensées libertines comme celles de Sade, ont quelque chose à voir avec le délire et la folie, on admettra aussi
facilement que magie, alchimie, pratique profanatrice, ou encore que certaines formes de sexualité sont directement apparentées à la déraison et à la maladie
mentale. Tout cela comptera au nombre des signes majeurs de la folie, et prendra place parmi ses manifestations les plus essentielles. Mais pour que se constituent
ces unités significatives, à nos yeux, il aura fallu ce bouleversement opéré par le classicisme, dans les rapports que la folie entretient avec tout le domaine de
l’expérience éthique. » pp. 115 – 116

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Certaines formes de pensée libertine comme celles de Sade ont quelque chose à voir avec le délire. et sont apparentées à la déraison
et à la maladie. Elles en sont ses manifestations les plus essentielles.

Foucault nous explique que sans le bouleversement éthique à l’Age Classique nous n’aurions pas eu notre psychiatrie actuelle.

A cette population hétérogène enfermée, vont se joindre les vénériens. Foucault note que les insensés ont été marqués pendant
longtemps du stigmate de cette maladie sexuelle : « La parenté entre les peines de la folie et la punition des débauches [se fait] au
seuil du monde moderne. »

Il y a un voisinage important entre la folie et le péché et donc un lien entre la déraison et la culpabilité, encore présents
aujourd’hui. Les remèdes moraux sont utilisés : châtiments et thérapies ; châtiments pour ceux qui sont coupables de libertinage et
qui sont atteints de maladies sexuelles. Foucault précise ( p.120) que les châtiments et les thérapies seront « l’activité principale
des premiers asiles du XIXème siècle » Pinel en donnera la formule : « il est bon parfois d’ébranler l’imagination d’un aliéné et lui
imprimer un sentiment de terreur » ; bref secouez un aliéné et ça lui fera du bien !!!

Foucault va ensuite se pencher sur la question des rapports entre l’amour et la déraison car l’Age Classique va distinguer
l’amour de raison et l’amour fou.

La sodomie et l’homosexualité vont être assimilées. Aujourd’hui la tendance est plutôt de dégager l’homosexualité des maladies
mentales : « Deux expériences vont alors être confondues : les interdits sacrés de la sodomie et les équivoques amoureuses de
l’homosexualité. Celle-ci va être rangée du côté de l’amour et de la déraison et va peu à peu prendre place parmi les
stratifications de la folie » p.122 Foucault fait remarquer qu’on associe sexualité et folie par le biais du libertinage. Référence à
SADE qui, le premier, a proposé une philosophie du libertinage :

« À la lumière de son ingénuité, la psychanalyse a bien vu…que la psychanalyse s’enracine dans quelque sexualité troublée ; mais ceci n’a de sens que dans la
mesure où notre culture, par un choix qui caractérise son classicisme, a placé la sexualité sur la ligne de partage de la déraison. De tout temps, et probablement
dans toutes les cultures, la sexualité a été intégrée à un système de contrainte, mais c’est dans la nôtre seulement, et à une date relativement récente, qu’elle a été
partagée d’une manière aussi rigoureuse entre la Raison et la Déraison, et bientôt, par voie de conséquence et de dégradation, entre la santé et la maladie, le
normal et l’anormal » p.123

Pour Foucault, Freud n’aurait pas pu repérer la racine de la maladie psychique dans la sexualité si ce lien entre folie et
sexualité à l’Age Classique n’avait pas été mis en place.

S’y ajouteront la prostitution et la débauche.

A partir de cela, Foucault va désigner un autre regroupement : celui de. « toutes les catégories de la profanation » et auxquelles
s’opposent aussi un refus fondamental de la déraison : Refus fondamental de toutes les formes exclues de la sexualité et de toutes
les violences contre le sacré, avec un nouveau système dans la morale sexuelle et des nouvelles limites dans les interdits religieux.

Le suicide a suivi la même évolution. Les suicidaires ne seront plus condamnés – à mort ! – comme ils l’étaient auparavant, mais
ils seront enfermés aussi . La sanction n’est plus celle d’une profanation, mais une sanction morale. C’est ainsi qu’il sera peu à peu
inclus dans les limites d’une psychologie : « Car il appartient sans doute à la culture occidentale, dans son évolution des trois
derniers siècles d’avoir fondé une science de l’homme sur la moralisation de ce qui avait été autrefois, pour elle le sacré » p 130

Les pratiques de sorcellerie et de magie conduiront aussi leurs adeptes à l’Hôpital Général.

Le libertinage va également glisser du côté de la déraison et de l’internement.

« Ce qu’il désigne alors, ce n’est ni tout à fait la libre pensée, ni exactement la liberté des mœurs ; mais au contraire un état de servitude dans lequel la raison se
fait l’esclave des désirs et la servante du cœur. Rien n’est plus éloigné de ce nouveau libertinage que le libre choix d’une raison qui examine ; tout y parle au
contraire des asservissements de la raison : .à la chair, à l’argent, aux passions ; et lorsque Sade, le premier au XVIIIe siècle, tentera une théorie cohérente de ce
libertinage dont l’existence jusqu’à lui était restée à demi secrète, libertinage, c’est bien cet esclavage qui sera exalté ; le libertin qui entre dans la Société des
Amis du Crime doit s’engager à commettre toutes les actions ‘même les plus exécrables … au plus léger désir de ses passions’ (Justine). Le libertin doit se placer
au cœur même de ses servitudes ; il est convaincu ‘que les hommes ne sont pas libres, qu’enchaînés par les lois de la nature, ils sont tous esclaves de ces lois
premières. » (Ibid.) Le libertinage, c’est, au XVIIIe siècle, l’usage de la raison dans la déraison du cœur. » pp. 137-138

Pour Foucault, avec la pensée de Sade c’est la première fois qu’une théorie du libertinage va dans le sens de l’esclavage de
l’individu face à ses passions, et face à ce qui est l’excès.

Foucault propose ensuite une synthèse à la page 139

«Étrange surface portante des mesures d’internement. Vénériens, débauchés, dissipateurs, homosexuels, blasphémateurs,
alchimistes, libertins : toute une population bariolée se trouve d’un coup, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, rejetée au-
delà dune ligne de partage, et recluse dans des asiles, qui devaient devenir, après un siècle ou deux, les champs clos de la folie.
Brusquement, un espace social est ouvert et délimité : ce n’est ni tout à fait celui de la misère, bien qu’il soit né de la grande
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inquiétude devant la pauvreté ; ni exactement celui de la maladie et pourtant un jour il sera confisqué par elle. Il renvoie plutôt
à une singulière sensibilité propre à l’âge classique. Il ne s’agit pas d’un geste négatif de mise à l’écart, mais de tout un
ensemble d’opérations qui élaborent en sourdine pendant un siècle et demi le domaine d’expérience où la folie va se
reconnaître, avant d’en prendre possession.»

La seule unité qu’a l’internement est son caractère de « police » Il n’a ni cohérence médicale, ni psychologique ou psychiatrique ;
il a cependant une cohérence implicite : c’est la cohérence d’une perception ; perception de la déraison.

Au Moyen Age et à la Renaissance il y avait un éprouvé (de la présence proche de l’insensé), donc un ressenti de la déraison. A
l’Age Classique, la déraison est localisée (elle n’est plus présente partout) ; elle est cernée dans sa présence concrète.

La Déraison devient alors un objet de perception. La folie n’est plus éprouvée, présente partout, mais un objet de perception elle
peut donc devenir un objet d’étude, de science.

Des personnages et des figures émergent : on isole et on reconnaît les hommes de déraison : le débauché, le dissipateur,
l’homosexuel, le magicien, le suicidé, le libertin. On se met donc à mesurer la déraison en fonction d’un écart par rapport à
la norme sociale. (p.141)

La déraison est désormais aliénée, enfermée « dans une quasi-objectivité », elle est mise à distance.

. Foucault conclut par cette interrogation : «N’est-il pas important pour notre culture que la déraison
n’ait pu y devenir un objet de connaissance que dans la mesure où elle a été au préalable objet
d’excommunication ? » p.140

D’autant que l’asservissement de la déraison n’était pas destiné à la connaissance.

Par l’établissement de liens de parenté, de communication dans la population des internés, « un réseau
souterrain » se met en place pour former « les fondations secrètes de notre expérience moderne de la
folie. »

C’est l’expérience morale de la déraison à l’âge classique qui fonde le sol de « notre connaissance
‘scientifique’ de la maladie mentale. p.143

NB – Lire la fin du Chapitre 1, fin p. 46 et p. 47, « Nous autres modernes …… s’est définitivement perdue pour nous. » Ce que dit
Foucault ici, c’est que le renvoi de Sade de l’Hôpital marque une nouvelle distinction : Sade n’est pas un fou, il est un immoral ;: sa
place est dans la prison

Chapitre 4 - Expériences de la folie

Foucault met expériences au pluriel parce qu’il repère deux expériences qui coexistent au XVIIe et au XVIIIe siècles :

D’une part certains fous ont un statut spécial : ils sont accueillis dans les institutions pour être soignés s’ils sont considérés comme
curables. Foucault repère ces institutions spécialisées dans lesquelles, depuis le Moyen Age, on y accueille que des fous. Un des
lieux les plus connus à Paris est l’Hôtel Dieu. A Londres, c’est Bethléem. Des soins rudimentaires y sont dispensés, donc soins
classiques médicaux traditionnels (saignes, purgations, bains ...)

D’autre part, l’Hôpital Général, destiné à « corriger » et relevant du champ juridique : on interne, on punit et on corrige.

C’est, pour Foucault, la juxtaposition de ces deux expériences qui fait problème, et qui peut aider à comprendre le statut des fous
dans le monde classique.

Mais cette histoire de la folie n’a pas servi de « science d’appoint », ni de justification, à la pathologie mentale.

Avant l’Age Classique le fou avait pourtant été individualisé par la création d’hôpitaux qui leur étaient réservés. Foucault pense
que l’Orient et la pensée arabe y ont très certainement contribué.

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« Il semble en effet qu’on ait fondé assez tôt dans le monde arabe de véritables hôpitaux, à Fez dès les 17ème siècle, à Bagdad vers la fin du 13ème siècle, très
certainement au Caire au 14ème siècle. On y pratiquait une sorte de cure d’âme dans laquelle interviennent la musique, la danse, les spectacles et l’audition de
récits merveilleux. Ce sont les médecins qui dirigent la cure » p.159 Et les fous peuvent sortir quand on considère que la cure est finie : ces
choses n’étaient pas théorisées.

La sollicitude et l’hospitalité étaient réservées uniquement aux fous. Et donc avec possibilité d’accéder à une connaissance
scientifique. Or à l’Age Classique, cette individualité du fou a té brouillée : il est désormais inclus dans « une masse
indifférenciée », ce qui entraîne une « altération de la conscience de la folie ». p164

Donc, coexistence de l’hôpital médical et de l’internement.

A l’hôpital, le droit de l’époque désignait le médecin comme seul habilité à expertiser et à diagnostiquer le fou, ainsi qu’à définir
les degrés de la maladie. Il tente de préciser quelles facultés sont atteintes : la mémoire, l’imagination, la raison. Donc il y a des
distinctions. Il distingue la frénésie et la mélancolie ; la manie, la fureur ; l’imbécillité et d’idiotie, etc.

Dans ce sens, c’est le sujet de droit qui est pris en compte, par opposition à la politique d’internement (de l’Hôpital Général) qui
prend en compte le sujet social. La politique d’internement ignore les repérages du droit.

Ainsi, c’est dans ce domaine de la jurisprudence, de la responsabilité civile et des obligations de l’individu, que se développe
l’analyse de l’aliénation, en s’affinant, constituant déjà des éléments psychologiques et psychopathologiques.. Ces éléments sont
fondés sur une analyse philosophique des facultés et une analyse juridique.

Ce qui relève de la classification est jurisprudence et c’est ce qui la distingue de l’éthique et de la morale.

En médecine on a mis l’accent d’abord sur l’aspect éthique de la maladie et plus récemment sur l’aspect juridique de la.
Aujourd’hui on a séparé ces deux aspects (éthique et juridique).

Donc la pratique de l’internement prend en compte les conduites de l’homme social. C’est une pathologie en terme de normal et
d’anormal, de sain et de morbide; elle relève de l’éthique; c’est onc de là que vient l’idée de la norme. C’est une pathologie
« dualiste » qui va servir à décider l’internement.

Au 19ème siècle, la médecine reconnaîtra comme établi que l’aliénation du sujet de droit et la folie de
l’homme social peuvent et doivent coïncider dans la réalité pathologique. C'est-à-dire que la maladie
mentale est l’union « mythique » du sujet juridiquement incapable et de l’homme reconnu comme
perturbateur du groupe social. Et c’est cette réunion de l’internement et de la connaissance juridique
qui va promouvoir le fou au rang d’être humain. La synthèse des deux constitue, pour Foucault, « l’a
priori concret de toute notre psychopathologie à prétention scientifique ».

Mais précise Foucault, l’indignation manifestée par Pinel, Tuke et Wagnitz, a masqué les deux
expériences de la folie à l’Age Classique. A cette époque ils ont fondé une unité qui fait que le fou sera
hospitalisé médicalement parlant et qu’il sera soigné par l’internement. C’est là le coup de force du
19ème siècle.

Le concept « d’aliénation psychologique » (en psychopathologie) est constitué par la confusion entre la
dépossession juridique des droits et de l’exclusion de l’étranger, l’autre, le fou ; entre le déterminisme
de la maladie et la condamnation éthique

Chapitre 5 - Les insensés

Les formues d’internement des « insensés « sont hétérogènes , peu cohérentes. Certes, on peut y retrouver les grandes catégories de
la psychiatrie classique : psychoses hallucinatoires, déficience intellectuelles, évolutions organiques ou états paranoïaques. Mais ce
ne sont pas des maladies qui sont repérées : ce sont des défauts, défauts selon un jugement moral : « La folie s’enracine dans le
monde moral » (p. 185). Cela relève de la conscience éthique de l’époque, qui y a inclut la raison.

C’est pourquoi dit il, à l’époque il n’y avait pas lieu de se révolter contre les pratiques et les traitements que subissaient les
internés ; puisque c’était selon la morale il n’y avait pas lieu de se rebeller. C'est-à-dire que, pour les gens à l’époque, c’était
quelque chose de tout à fait logique en fonction de la conscience morale de l’époque. On ne trouvait pas indécent d’interner toutes
ces personnes que Foucault repère. C’est seulement quand il y a eu, au XIXe siècle, l’avènement de « la conscience morale », et
non pas de la conscience éthique, que les individus de la société pourront être indignés face aux traitements destinés à toute cette
population hétérogène, et en particulier aux fous. Donc ce XIXe siècle, c’est la fameuse époque de Pinel, et Foucault nous explique
qu’il y a eu une inversion du rapport de l’éthique à la raison, la raison venant en premier avec Descartes. Donc, une inversion
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du rapport de l’éthique à la raison, en rapport second, de la raison à la morale. Et donc à ce moment là au XIXe - dont nous
parlerons plus tard – la folie sera considérée comme « un avatar involontaire arrivé à la raison » . p.189

Il revient sur le fait que l’on internait les individus pour éviter le scandale et la honte (par exemple, tous ces fils trop prodigues
qui faisaient honte à la famille, on les internait et ce n’était pas seulement les fous). On mettait donc au secret toutes ces personnes.
Seulement précise-t-il, seuls les fous échappaient à ce mouvement. On « mettait au secret » tous ceux qui transgressaient, mais
les fous on ne les cachait pas on les montrait. On avait pris l’habitude de les montrer, de les exhiber, on les offrait en spectacle à
travers leurs grilles, comme des bêtes, comme des bêtes curieuses, comme des monstres (= qui valent d‘être montrés - le terme
« monstre » vient de monstration => montrer). La folie devient alors un « scandale public ». Les gens se bousculaient et payaient
pour voir les fous. Donc mise au secret des scandales et mise en spectacle des fous.

Quant à l’hébergement dans l’Hôpital Général, les insensés sont entassés dans des cellules ou bien dans des cachots très
insalubres (cf. descriptions de Foucault : eau, boue, rats énormes qui dévoraient les personnes qui étaient là, etc., toutes,
descriptions horribles). Et ceux qui étaient dangereux étaient enchaînés, aux murs, aux lits, on les mettait même en cage.

Foucault cherche à montrer dans ce chapitre, la thématique animale qui prévaut dans la façon dont les fous sont traités : monstres,
cages, grilles, spectacle, et enchaînements; certains étaient même tenus en laisse. Foucault mentionne que ces pratiques très
violentes n’étaient pas liées à la punition ou à la correction; ce n’était pas pour les punir parce qu’ils étaient dangereux, ce n’était
pas dans un but de correction, d’éducation, ni de quoi que ce soit ; c’est, écrit Foucault, « une sorte d’image de l’animalité qui
hante alors les hospices » p.197 (point fondamental de ce cinquième chapitre concernant les insensés => thématique de l’animalité
qui prédomine dans ces hôpitaux.) C'est-à-dire que l’on enchaîne des bêtes et non pas des hommes, d’où la justification et
l’absence d’indignation de l’époque. On enchaîne des bêtes et non pas des hommes qui sont prises par une sorte de rage naturelle.
C'est-à-dire que, très clairement, le fou n’est pas un malade. La folie est directement liée à l’animalité, et comme le fou est proche
de l’animalité, on pense aussi qu’il ne souffre pas. Le fou est endurci ; endurci contre la faim donc on ne lui donne pas beaucoup à
manger, contre la chaleur, donc c’est pas grave s’il a trop chaud, contre le froid, donc on n’a pas besoin de le chauffer, il est
endurci contre la douleur, il ne souffre pas. Il est comme invulnérable de part son animalité. Et donc il n’y a pas à le protéger. « Il
faut dresser et abêtir ce fou animal », dit Foucault.

Conclusion de ce dernier chapitre : Foucault établit un rapport dans la culture classique entre la folie,
l’éthique et l’animalité. Il va dans sa conclusion anticiper sur les développements ultérieurs dans cette
conclusion.

« La psychiatrie positive du XIX siècle et la nôtre aussi, si elles ont renoncé aux pratiques, si elles ont
laissé de côté les connaissances du XVIIIe siècle, ont hérité secrètement (c’est ça son archéologie, précise
la prof, c’est d’étudier toutes les couches, et les couches secrètes, en voilà donc une, de notre perception et de
notre conception actuelle de la folie), (donc) « ont hérité secrètement de tous ces rapports que la culture
classique dans son ensemble avaient instauré avec la déraison; elles les ont modifiés, elles les ont
déplacés » p. 212

Commentaire parallèle de la prof => il y a eu un travail qui s’est fait, ce qui me rappelle le travail psychique que Freud décrit de
l’individu, le travail de l’appareil psychique : il y a des déplacements des représentations, des condensations des représentations, et
c’est ainsi qu’il y a donc un travail psychique qui se fait. Et là, Foucault décrit un travail psychique « collectif » concernant la
folie et ses figures : «[les rapports] ont été modifiés, ont été déplacés; elles ont cru parler de la seule folie dans son objectivité
pathologique, malgré elles, elles avaient à faire à une folie toute habitée encore par l’éthique de la déraison et le scandale de
l’animalité ».p.212 C'est-à-dire, la psychiatrie du XIXe siècle, comme la nôtre aussi. C'est-à-dire que ces figures, que ces images,
que ces thèmes de l’éthique de la déraison et du scandale de l’animalité sont présentes secrètement dans les couches profondes de
la psyché humaine et dans le fonctionnement collectif.

Commentaire-aparté prof =>et quand je dis cela, je me dis qu’il fait un travail du même ordre que le travail psychanalytique, car on
procède quasiment de la même manière. Freud aussi parle des couches de la psyché ; vous savez qu’il aimait beaucoup
l’archéologie. Sa théorie repose sur cette même méthode que Foucault utilise : à savoir essayer d’aller au-delà du visible; par
exemple : l’Hôpital Général, c’est visible, mais il y a aussi des choses secrètes. Eh bien Freud et les analystes procèdent de la
même manière : chercher au-delà du visible, au-delà de ce qui est manifeste, de ce que nous observons, pour aller chercher des
représentations, des figures, des fantasmes secrets enfouis, pas au fin fond de la terre mais dans l’Inconscient, enfouis par un
processus tout à fait précis qui est le refoulement. Ce sont des figures qui sont refoulées, les représentions sont mises au secret
mais sont néanmoins agissantes. Et ce sont souvent ces couches secrètes, refoulées, enfouies qui sont les plus agissantes. Ce qui
justifie le traitement psychanalytique : le principe est qu’il est nécessaire d’aller fouiller, d’aller chercher dans les profondeurs de
l’Inconscient, ces figures, ces thèmes qui ont été mis de côté, mais qui sont les plus agissantes. C’est ce qui justifie les traitements
longs et approfondis, c'est-à-dire qu’on travaille à la racine, à la base, un peu comme le fait Michel Foucault dans son travail sur la
folie. D’ailleurs, Foucault n’est pas contre Freud ou la psychanalyse. Il cite souvent Freud dans son ouvrage, il le reconnaît,
néanmoins il a son opinion sur cette approche. Il pense qu’elle est issue de ce mode de fonctionnement. Et donc dans sa méthode, il
est dans la même ligne que l’abord psychanalytique, au plus loin, sans fin, et d’ailleurs son ouvrage est tellement énorme que cela
nous montre l’aspect multidirectionnelle d’une fouille qui peut nous entraîner vers diverses voies, et c’est interminable.
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Histoire générale de la folie
J’ai pensé qu’il était utile de commencer par Foucault pour aborder l’histoire de la folie. Et maintenant nous allons aborder les
autres ouvrages, car on peut le faire avec un regard critique à la lumière de ce que nous a apporté Foucault. C’est vrai qu’il y a un
avant Foucault et un après Foucault. Je me suis référée à de nombreux ouvrages pour essayer de voir comment les uns et les autres
parlent de la folie. Alors c’est soit un peu trop vulgarisé, soit trop technique, soit trop médical, enfin c’est toujours à travers un
filtre qu’on aborde un sujet. J’en ai apporté deux :

- Un grand classique : La Nouvelle Histoire de la Psychiatrie d’un psychiatre contemporain du nom Jacques POSTEL et de
Claude QUETEL

- Un autre, ouvrage de vulgarisation : La Folie de Jean THUILLIER – neuropsychiatre, pharmacologue et chercheur à l’INSERM
à Sainte-Anne, et donc bien placé pour faire une histoire et un dictionnaire de la folie.

En fait c’est de la psychiatrie. C’est inévitable, c’est ce que j’ai constaté dans mes lectures ; le regard psychiatrique et médical est
très influent dans le discours sur la folie aujourd’hui. J’ai essayé de m’en dégager, c’est très difficile. C’est pour cette raison qu’on
va trouver des analyses, des descriptions cliniques antiques avec les concepts d’aujourd’hui; comment sait-on s’ils conviennent ou
pas? De la même manière, les personnes lisent aujourd’hui les observations de Freud – les Cinq psychanalyses, par exemple, mais
aussi d’autres – en essayant d’interpréter sous le regard d’aujourd’hui. Ce ne sont que des hypothèses, des interprétations, parce
que c’est sorti du contexte de l’époque, des descriptions de l’époque.

LA QUESTION DE LA NORME

Aujourd’hui, la référence habituelle pour la folie se fait par rapport à une norme. Mais quelle norme ? A l’époque de l’Age
Classique c’était la raison et la déraison, cette ligne de partage entre les deux. La normalité aujourd’hui, classiquement dans tous
les ouvrages, est repérée à partir d’une conformité à un ensemble de règles ; être normal c’est être conforme à une ensemble de
règles et donc ne pas perturber le fonctionnement général. C’est vaste; qu’y retrouve-t-on là ? On y trouve aussi un jugement de
valeur. On ne peut pas être objectif. C’est ce que nous a montré Foucault; c’est que nos définitions, nos points de repères sont
toujours intriqués avec les différents enjeux d’une époque dans la société, et dans une société précise. C’est toujours relatif. Donc
aujourd’hui, c’est soit la conformité à un ensemble de règles, soit un autre point de repère, la norme statistique – avec des
chiffres -, c'est-à-dire que la norme, c’est la majorité dans un groupe à un moment donné et à un temps donné (exemple la courbe
de Gauss, la majorité de la population étudiée est au centre, elle définit les normes, et sur les bords vous avez en courbe
descendante tout ce qui devient marginal, sans connotation péjorative). C’est en général cette norme-là qu’on préfère de nos jours.

Dans ce cas-là, il y a un fou, pas si fou que ça, nous dit Thuillier. Il rapporte la phrase d’un patient qui était venu demander à son
psychiatre de sortir pour le week-end, toujours cette question de l’enfermement – il y a beaucoup de patients qui veulent sortir et
quand ils ne le peuvent pas, ça crée des conflits importants, des discussions, des agressions – et donc ce patient qui demandait à son
psychiatre de sortir et qui lui dit : « Évidemment si c’était nous qui étions les plus nombreux ce serait vous qui seraient à notre
place derrière ces murs ». Logique!

Alors la question est de savoir quelle définition donner à la folie?

Eh bien celle qu’on va retrouver dans la plupart des travaux qui cherchent à approcher au plus près ce que pourrait être la norme et
le hors norme, dans le champ de la folie bien sûr et ensuite de la pathologie. Il y a une citation qu’on va retrouver partout et qui va
faire référence partout. C’est celle de Freud qui écrit :

« Est anormale et pathologique la conduite de celui qui ne peut aimer ou qui ne peut travailler ». Particulier comme définition,
comme repérage. C'est-à-dire qu’il se dégage de la norme, du jugement de valeur. Anormal, c’est quelqu’un qui ne peut pas faire
quelque chose. C'est-à-dire que Freud, dans ce repérage, se dégage, se décentre de la norme et du jugement de valeur. Cela
correspond exactement à la position qu’il prône dans l’écoute du patient. Vous connaissez la neutralité bienveillante, la
suspension du jugement, la suspension de tout jugement de valeur, des a priori, de toutes les réactions affectives : la
neutralité. Écouter de façon neutre et bienveillante, c’est ça le « sans jugement », afin de pour pouvoir ouvrir l’espace d’écoute et
l’espace de parole du patient. Eh bien c’est la même chose , là, il suspend son jugement par rapport à la norme et par rapport aux
jugements moraux.

Donc, Freud place la norme dans la capacité à avoir des rapports affectifs: la capacité affective, c’est-à-dire l’amour. Ce n’est pas
seulement le partenaire, le conjoint, c’est vraiment avoir des relations affectives, des relations amoureuses, des relations avec
d’autres. C’est la relation à l’autre ; c’est ce qu’il appelle l’investissement libidinal de l’objet, l’investissement de la libido sur
l’autre. L’objet en psychanalyse, ce n’est pas l’objet concret, au sens courant du terme; c’est la personne en fait, c’est un concept.
Donc la possibilité d’investir son intérêt, sa libido, son amour sur une autre personne. C'est-à-dire ne pas être replié sur soi ; ne pas
investir toute sa libido sur soi. C’est quoi l’investissement de toute la libido sur le moi ? C’est le narcissisme. Grand concept
psychanalytique. Donc aimer de façon relativement stable et satisfaisante. Et puis c’est aussi, deuxième volet du repérage, c’est la
question du travail. C'est-à-dire la capacité de l’individu à exploiter ses ressources personnelles dans son milieu social et donc à
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être autonome. C'est-à-dire que cette définition, c’est une définition qui est fondée sur un équilibre psychique intérieur, donc
concernant l’individu, la personne, qui s’intègre dans un milieu. Donc l’ordre social est pris en compte. A partir de là, on peut
travailler toute la théorie psychanalytique, car ça va directement renvoyer à plein de concepts.

Anecdote avec une autre définition donnée par Anna Freud, la fille préférée de Freud.. Si Freud a pu parler de l’Oedipe, c’est
parce que lui-même en a pris une certaine conscience, d’abord par rapport à sa jeune mère et son vieux père, et sa fille aussi. Elle
est devenue psychanalyste et a écrit un ouvrage intitulé Les mécanismes de défense du Moi. Sa définition de la normalité : « Une
conduite psychique normale dépend de l’intégrité de la capacité du Moi, à réconcilier les pulsions du Ca avec les exigences du
Surmoi et l’impact du milieu, ainsi que de la fonction de la régulation du Moi » Elle, parle du normal, alors que Freud parle du
pathologique ; il ne s’est pas du tout aventuré à décrire la norme. Et c’est sa définition à elle qui va régner dans le milieu anglo-
saxon et en particulier aux États-Unis. C’est très important, parce que est lié à cela la question de l’adaptation du Moi à la société,
c’est « l’ego psychology» (la psychologie du Moi) qui est prédominante aux États-Unis et qui n’est plus vraiment psychanalytique;
cette position a été fort critiquée par les Français et plus particulièrement par Lacan qui a été le premier a dénoncer cette approche
dans laquelle il s’agit d’adapter le moi du sujet à la société. Vous voyez c’est une aliénation d’une certaine façon ; c’est aliéner le
sujet à la société.

La psychanalyse française se désolidarise de cette approche ; il ne s’agit pas du tout d’adapter le moi, qui est une instance abstraite,
ça n’existe pas le moi, c’est un concept, c’est abstrait, c’est de la théorie. L’Inconscient ça n’existe pas., le Moi ça n’existe pas, le
Ca, ça n’existe pas, les pulsions de mort ça n’existe pas. Ce ne sont que des concepts, que des abstractions pour rendre compte de
quelque chose. Mais je peux pas dire « ah tiens votre Moi est perturbé » comme si je l’avais constaté, comme si je l’avais vu. Ca
réifie d’une certaine façon l’individu. Or la perspective de l’analyse n’est justement pas de réifier mais de donner pleinement un
statut de sujet à l’individu, et de sujet libre.

Alors cette définition d’Anna Freud est tout à fait valable. Elle est juste théoriquement parlant. Elle utilise un jargon parfaitement
compréhensible pour des spécialistes. Thuillier va préciser que c’est le type de discours qu’il tâchera de ne pas utiliser dans cet
ouvrage. Et donc à la suite il donne la fameuse définition de Freud qu’on trouve partout.

Pour terminer cette question de la norme, ce qu’on a constaté à travers le travail de Foucault, c’est qu’il y avait une séparation
nette, un clivage très net entre le normal et l’anormal. Et le normal n’a vraiment rien à voir avec l’anormal., avec la folie, avec
les vices, avec les transgressions, avec les passages à l’acte, avec la sorcellerie, il n’a rien à voir avec toutes ces choses-là. C‘est,
avec le postulat de Descartes, si je peux penser et si je peux penser quelque chose, c’est que je ne suis pas fou. Vous vous rendez
compte de ce que cela entraîne ? Que le fou ne pense pas ! Et donc, c’est Freud qui a proposé de passer au-delà de cette
conception, de ces clivages nets entre raison et folie, et donc l’exclusion de la folie.

L’exclusion de la folie ce n’est pas seulement dans l’enfermement (l’enfermement c’est ce qu’il y a de visible). L’exclusion de la
folie, c’est en fait la projection, l’exclusion de soi-même, d’une part de soi-même. C’est la projection hors de soi, la mise hors de
soi, à l’extérieur, de la folie. Et donc, dans ces conditions, ça ne me concerne pas. Si c’est à l’extérieur, ça ne me concerne pas. Je
suis bien protégé, je ne serais jamais fou. Erreur. Et donc Freud a montré, je vous l’ai dit dans les cours introductif, a essayé
de mettre en avant que le normal et le pathologique n’étaient pas en rupture l’un avec l’autre et qu’il y avait donc une
continuité entre le normal et le pathologique et que le pathologique n’est qu’un grossissement du normal. C'est-à-dire
que, c’est grâce à l’étude des états pathologiques que Freud a pu élaborer une théorie de la psyché concernant tout
individu.

Exemple - Ce n’est pas seulement chez les hystériques qu’il y a des fantasmes de séduction. Alors, justement puisqu’on en
parle, ce n’est pas le fantasme de séduction dont, aux États-Unis en particulier, on pense que ce sont des réalités. Il y a des procès
qui se font contre les pères ou contre les oncles parce qu’ils auraient séduits leur fille ou leur nièce, donc il y a de véritables procès.
Quand un médecin entend dire par une patiente qu’elle a été séduite par son père, on ne va pas chercher plus loin, ça va être un
procès immédiatement. Bon c’est une caricature que je fais, mais c'est dire que ces médecins vont se dégager de la notion de
fantasme, c'est-à-dire de la notion de construction imaginaire.

Ce fantasme de la séduction, cette construction imaginaire que Freud a repérée chez les femmes hystériques, il va en faire une
théorie – vous vous souvenez des trois grands fantasmes dont je vous ai parlé au début le fantasme de la scène primitive, le
fantasme de castration et fantasme de séduction En fait pour lui le fantasme de séduction ,c’est ce qui vient donner des explications
et des réponses à l’introduction de la sexualité dans l’individu et d’abord chez l’enfant. Parce qu’il y a en fait un décalage énorme -
bon je m’éloigne du cours sur la folie (note après-coup : pas si sûr que ça!)– il y a un décalage énorme entre la psyché immature
de l’enfant et l’arrivée de la sexualité. La sexualité qui est présente, ne serait-ce que par la présence des adultes, dans son
entourage, chez sa mère en particulier mais aussi le père et la fratrie; ils vont introduire la sexualité dans le milieu de l’enfant. Et
ceci, l’enfant étant immature, cette sexualité va faire effraction en lui ; et c’est le postulat de la théorie freudienne ; à savoir que
la sexualité est traumatique chez l’enfant. C’est une des bases fondamentales de la théorie psychanalytique, à savoir que la
sexualité fait une entrée, une intrusion traumatique chez l’individu, et que l’individu va avoir à faire toute sa vie avec ce
traumatisme. Et ce fantasme de séduction est précisément une des constructions imaginaires pour donner une réponse à
cette effraction traumatique de la sexualité dans l‘individu. Une des réponses. Et donc tout ceci, c’est pour vous dire, qu’au
fond, le fantasme de séduction existe chez chaque individu comme réponse à une question sur les origines et en particulier les
origines de la sexualité. Et que ce fantasme de séduction peut prendre des formes particulières dans certaines pathologies comme

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dans l’hystérie. Le fantasme sera alors qu’il y aurait eu séduction, en particulier d’un adulte, en particulier par le père. Et ce
fantasme – le fantasme c’est quoi ? C’est la mise en scène d’un désir, inconscient – or cette mise en scène de la séduction sexuelle
par le père est en fait (c’est comme ça que Freud nous a appris à l’entendre ; et que certains réfutent parce qu’ils se braquent sur la
question des violences réelles ; bien sûr qu’elles existent, bien sûr qu’il faut les traiter et les prendre en charge ; mais on oublie que
la sexualité est quelque chose qui est fondamental dans l’imagination de l’humain. Et que chez l’hystérique par exemple, ce
fantasme d’avoir été séduite par le père, c’est un scénario qui permet de réaliser le désir inconscient d’aimer le père et d’avoir une
relation avec lui et d’avoir un enfant de lui. C'est-à-dire, la configuration oedipienne classique. Et si nous disons :« oui, en effet
vous avez été séduite par votre père ; eh bien on va aller traquer votre père et le mettre en prison, eh bien on aura bien fait les
chose ; qu’est-ce qu’on aura fait ? On aura cautionné le désir incestueux de la fille et on n’aura pas posé d’interdit sur ce désir
incestueux de la fille, ce dont précisément elle souffre. A savoir que si elle n’a pas pu résoudre ce désir incestueux, son conflit
oedipien, c’est que l’interdit de l’inceste n’a pas été suffisamment efficace. Alors on cautionne.

Je ferais un peu de provocation : quand on voit tous ces étalages dans les médias de conduites incestueuses, de viols, de victimes
etc., ce sont des scoops pour attirer les auditeurs et les spectateurs. Ce n’est pas le fait qu’on identifie un agresseur, qu’on le juge et
qu’on le punisse qui va aider la personne agressée. Parfois ça peut compliquer les choses. Car il y a l’action dans la réalité, mais
l’action psychique est oubliée. Je vais parler des femmes agressées. Elles vont prendre une identité d’agressée et de victime. Et ce
n’est pas très bon. Et le travail ce sera d’essayer de décentrer au maximum la personne de sa position de victime, de son
traumatisme. Et de dégager la personne de cette identité de traumatisée, de victime pour pouvoir la remettre dans sa position de
sujet à part entière, et non pas seulement de victime. Il s’agit de faire revenir les choses à l’intérieur pour que l’individu puisse
travailler, penser, maîtriser ce traumatisme réel, mais aussi le traumatisme originel de la sexualité.

La dernière fois je m’étais longuement attardée, suite à vos questions, sur la question du normal et du pathologique et j’étais passée
par l’exemple de la séduction réelle et du fantasme de séduction et la position des victime. Ceci, c’était pour vous dire que ce
fantasme de séduction, comme tous les autres fantasmes, on va les retrouver avec des configurations différentes chez chaque
individu, C’est ce que Freud nous a appris, et chacun est structuré en fonction des grands fantasmes universels. C’est ce qui
structure un sujet, mais, dans le même temps, c’est ce qui peut être défaillant, et cela en raison d’un certain nombre de
perturbations ou de fragilités; ça peut entraîner, ça risque d’entraîner le pathologique. Donc ceci pour vous dire qu’on est vraiment
tous concernés par la folie et par le pathologique. Et que le pathologique n’est selon Freud qu’un grossissement, qu’une caricature
du normal. Pour pouvoir étudier le normal, il faut en passer par le pathologique. D’où la nécessité impérieuse de travailler la
psychopathologie quand on veut être psychologue. C’est ce qui fait le sol commun avec les psychiatres : psychiatres et
psychologues cliniciens sont les seuls reconnus pour se former à la psychothérapie.

Aujourd’hui nous allons essayer d’aborder deux points de l’histoire de la folie : de la préhistoire à l’Antiquité et l’Antiquité
classique. Puis on bordera le Moyen Age en étudiant en particulier tout ce que la culture islamique a apporté à la question de la
folie. Quand on regarde de près tout ce qui se passe autour de ces conceptions, on voit que la plupart sont fondées sur les causes de
la folie. L’étude des causes s’appelle l’étiologie ; c'est-à-dire la genèse. On fait des hypothèses. Et quand on cherche des causes, il
s’agit toujours d’hypothèses. On va donc repérer trois causes majeures qui sont les mêmes partout et de tout temps. On va
retrouver des conceptions qui se fondent sur des causes magiques ; c’est Dieu ou le Diable qui rendent fou, c'est-à-dire que c’est
une cause extérieure, une cause transcendante. Et par conséquent, pour guérir, on fera appel aux Dieux ou aux Démons. Deuxième
cause, ce sont les causes organiques ; dans ce cas-là, ce sont les maladies du corps qui sont censées provoquer la folie, en
particulier le cerveau. C’est une thèse qui a été introduite par Hippocrate dans l’Antiquité. Il a donné cette localisation corporelle
des troubles de l’esprit, de ces troubles de l’âme. Et enfin, il y a les causes psychologiques, et donc dans ce cas l’esprit est perturbé
par les sentiments, les passions, et tout est mouvement de l’âme. Dans ce champ-là, on va avoir de nombreux travaux en
philosophie et en médecine. Donc les causes magiques, les causes organiques et les causes psychologiques. Cette énumération a
non seulement un intérêt historique mais est aussi tout à fait actuelle, parce qu’on sait très bien que ces trois modes de pensée,
malgré toutes les avancées, continuent d’ exister aujourd’hui. Que ce soit ouvertement ou que soit souterrainement. Les pratiques
magiques, comme vous le savez continue d’exister partout, en France y compris. Ceci était un préambule, et maintenant nous
passons à un premier chapitre, la folie et l’antiquité.

La folie de la Préhistoire à l’Antiquité

On ne sait quasiment rien de la conception historique de la folie. On ne peut que supposer, donc ce sont des hypothèses. On ne
peut que supposer, bien sûr, que les manifestations existaient et que le groupe social devait réagir à ces manifestations d’une
manière ou d’une autre. Ce qu’on sait cependant, ce sont des choses concernant la médecine, qui relevait de la magie, la magie
du sorcier ou du guérisseur ou du chaman. On suppose que le fou relevait de cette médecine, et qu’il était soumis aux mêmes
procédés que les autres maladies, à savoir des procédés comme les incantations pour agir sur les possessions démoniaques, avec à
l’appui l’absorption d’infusions de plantes. Je vous en ai déjà parlé, on a trouvé des crânes trépanés et on a supposé qu’il s’agissait
de tentatives de guérison de l’esprit fou localisé dans le cerveau, déjà à l‘époque. Donc c’était apparemment, selon les suppositions,
un magicien-médecin qui s’occupait des individus qui étaient considérés comme fous. Il faut mentionner quelque chose
d’important par rapport au corps médical, à savoir que ce magicien-médecin possédait un grand pouvoir, un mot clé dans
l’histoire de la médecine jusqu’à nos jours et qu’on va retrouver chez Foucault. Grand pouvoir donc, et dès la préhistoire,
médecine, magie et pouvoir devaient être associés.

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C’est en Mésopotamie qu’on va trouver les premières traces d’une médecine de la folie plus développées; elles appartiennent à
la civilisation sumérienne, laquelle était installée à Babylone, donc en Mésopotamie. En 1900, on a trouvé à Suse une stèle – qui
se trouve d’ailleurs au Musée du Louvre - de l’époque du roi Hammourabi, qui a régné à partir de 1730 avant Jésus Christ; sur
cette stèle est gravé un code de282 articles qui concernent le droit, la justice, l’administration, les coutumes et la médecine. .Ce
sont les prêtres qui prenaient en charge les fous, et non la médecine. Donc c’était du côté du religieux. Il existait des procédés
magiques et astrologiques qui étaient destinés à régler les conduites perturbées. Le prêtre recourait aux plantes et surtout aux
Dieux et aux incantations. Une aide était demandée aux Dieux concernés par la maladie, par les troubles présentés, afin de
combattre le démon responsable de la maladie.

Petite note : dans cette médecine Babylonienne, les rapports médecins malades étaient codifiés par une déontologie et il y avait
aussi un serment médical, 1000 ans avant Hippocrate., dont le serment est encore celui de la médecine actuelle. Donc déjà à
l’époque, des règles pour la relation médecin-malade.

L’Egypte - Les médecins babyloniens étaient très réputés et donc on les appelait souvent en consultation en Égypte. On trouve
dans le papyrus SMITH la première description connue du cerveau dans lequel,+ semble t-il, les Égyptiens plaçaient les
fonctions mentales. D’après Hérodote, les fous de l’ancienne Égypte étaient groupés et confinés sous des tentes spéciales. On a
trouvé aussi des papyrus dans les cryptes d’Abdou une formule pour chasser le diable du corps des enfants malades de délire. Il
s’agissait d’un talisman fait de racine d’alfa, des oignons et du miel, principaux produits de la région. Les Égyptiens ont aussi
connu ce que les grecs appelaient plus tard hystérie et qu’ils soignaient par des fumigations du vagin. La médecine égyptienne avait
aussi recours à des pratiques magiques et religieuses et à des mesures d’hygiène. Elle aura une certaine influence sur la médecine
hébraïque.(Thuillier, p.23)

Les Perses - Thuillier précise qu’au nord-est de l’Iran actuel, donc du côté de l’ Afghanistan, vivait au VIe siècle avant Jésus-
Christ, le prophète et réformateur religieux Zarathoustra. (ou encore Zoroastre). Pour ce mage, un combat permanent se livrait
dans l’homme – c’est intéressant parce qu’il est question de conflit en fait – entre les besoins du corps et les vertus de l’âme. Et
dans ce combat qui faisait rage, certains paroxysmes pouvaient aboutir à la folie. Ceci est très proche de la conception moderne et
de la conception psychanalytique. Un combat qui fait rage à l’intérieur de la personne et ce combat peut conduire à la folie. .

Pour les différentes médecines du corps et de l’âme, on pouvait choisir entre les hommes du scalpel (donc la chirurgie), des plantes
ou de la parole. La parole préconisant la pureté de l’âme et du corps pour rester en bonne santé. p.24

Les Hébreux

C’est un des fondements de notre civilisation occidentale. La civilisation hébraïque est influencée par celle de la Mésopotamie et
celle de l’Égypte, mais elle se distingue de toutes ces autres civilisations par le fait qu’elle se rattache à une conception
monothéiste, qui exclut le culte des dieux mais aussi les croyances magiques qui sont exprimées par les devins et par les
sorciers. Dans cette conception, va prévaloir le sentiment de culpabilité. Foucault en parlait beaucoup. Prévalence du sentiment
de culpabilité, c'est-à-dire que les péchés entraînent une punition, et la maladie est une punition, la folie est une punition de Dieu.
C’est pourquoi les maladies, qu’elles soient corporelles ou mentales, étaient traitées par des prophètes qui étaient des prêtres
guérisseurs, des messagers divins, en général de rang social élevé. Il y avait des remèdes bien sûr, mais c’est la cure par la prière
qui prévalait.

Cette civilisation hébraïque est importante pour la civilisation actuelle parce qu’il y a eu le passage par la civilisation chrétienne et
la civilisation chrétienne romaine, avec des mélanges d’éléments hébraïques et hellénistiques.

Dans l’Ancien Testament et dans le Nouveau également, on trouve des descriptions d’états de folie. La plus classique est la folie
du Roi Saül; on peut dire que c’est la première description clinique classique. Il y a Job également avec l’histoire de son
anéantissement.

« La description clinique classique de la Bible est celle de la maladie du Roi Saül dans le Premier livre de Samuel. Saül, semble-t-il, était une personnalité instable
depuis sa jeunesse, du moins est-ce ce qui ressort de sa conduite après qu’il fut oint roi. Il est écrit qu’il rencontre une ‘’troupe de prophètes‘’; alors ‘’l’esprit de
Dieu le saisit et il prophétisa au milieu d’eux [...] et devint un autre homme.’’ Et plus loin : ‘’Il ôta ses vêtements et il prophétisa aussi devant Samuel; et il se jeta
nu par terre tout ce jour-là et toute la nuit.’’ Après que Dieu l’eut rejeté comme roi, l’état psychique de Saül alla s’aggravant, comme il est écrit : ‘’Et l’esprit de
l’Éternel se retira de Saül qui fut agité par un mauvais esprit suscité par l’Éternel.‘’On chercha un homme qui su jouer de la harpe : ‘’Et lorsque l’esprit de Dieu
était sur Saul, David prenait la harpe et jouait de sa main; Saül respirait alors plus à l’aise et se trouvait bien et le mauvais esprit se retirait de lui.’’ Et plus loin, il
est écrit : ‘’Dieu envoya à Saül un esprit mauvais qui le fit délirer au milieu de la maison. David jouait de la harpe comme les autres jours, et Saül avait sa lance à
la main. Saül leva sa lance, disant en lui-même : je frapperai David ‘’. Le terme hébreu traduit ici par ‘délirer’ est le même que celui emprunté précédemment pour
‘prophétiser‘, il appartient à la classe des mots archaïques à double sens. Cela rappelle que le peuple ressent une sorte de parenté entre la prophétie et la folie,
comme il est écrit dans Osée : ‘’Le prophète est fou, l’homme inspiré a le délire.’’ Quant à la méfiance de Saül, elle alla croissant jusqu’à englober même
Jonathan son fils et les gens de sa cour - système paranoïde schizo-affectif avec des intervalles de lucidité. » Postel, pp.26-27P

Pour ce qui est de la place du fou dans la société, Postel écrit la chose suivante :

La culture hébraïque ancienne a apporté une contribution toute spéciale à la psychiatrie légale. M. Guttmacher, psychiatre légal bien connu aux États-Unis
prétend que le peuple juif fut le premier parmi les peuples antiques a abandonner le principe des représailles automatiques, et à prendre en considération la
personnalité du délinquant, les raisons de sa conduite criminelle, son degré de responsabilité et sa capacité personnelle à remplir les devoirs religieux. De même
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fut abandonné le principe de l’exclusion du délinquant de la société, ou sa suppression. Afin d’établir des instructions en ce domaine, il fallait définir ce qu’était la
maladie mentale. Une des définitions les plus connues se trouve dans le supplément talmudique, ’Tosephta Troumot’, en ces termes : ‘’Qui est fou ? Celui qui sort
seul la nuit, qui couche dans les cimetières, jette des pierres, déchire son vêtement. et perd ce qu’on lui donne.’’ Cette définition convient mieux à l’image populaire
du malade mental qu’à la réalité mais elle est caractéristique, et de telles définitions étaient très répandues. Citons comme exemple Aristote dans son Éthique à
Nicomaque : ‘Le malade mental est celui qui tue sa mère et en mange la chair.’’ , ou, ‘’l’esclave qui tue son camarade et en mange le foie.’’ A la période
talmudique et post-talmudique, on modifia et perfectionna la définition. Citons le talmudiste Rish Lackish (IIIe siècle) qui émit l’idée que l’homme ne transgresse
les commandements que si l’esprit de folie entre en lui. Il prétendait aussi que ‘’ceux qui commettent des péchés et envient sans raison sont en fait des malades
mentaux et il faut essayer de comprendre leurs mobiles‘’.

La plus connue des définitions est celle de Maimonide [XIIe siècle] [...] : ‘’N’est pas fou seulement celui qui va tout nu, qui brise des objets et jette des pierres,
mais encore celui dont l’esprit est égaré, dont les pensées s’embrouillent toujours à propos d’un même sujet bien qu’il parle et questionne normalement dans les
autres domaines. Celui-ci est inapte et on le rangera parmi les fous.‘’ Maimonide évoque aussi la périodicité de nombreuses maladies mentales et dit que, dans
leur période lucide, il faut accorder à ces malades les droits de tout citoyen. Il est intéressant que Maimonide estime que certaines personnes avouent des fautes
qu’elles n’ont pas commises, ceci, entre autre afin d’être tuées. Ce n’est que récemment, et dans certains pays seulement, que les institutions juridiques ont porté
leur attention sur la possibilité de faux aveux provenant d’un sentiment de culpabilité et du désir inconscient de châtiment. A l’époque talmudique, on discuta en
particulier du droit des malades mentaux à se marier, à divorcer, à faire leur testament, à témoigner en justice, à gérer leurs biens, et la tendance fut très libérale
en général . Du fait qu’il n’y avait pas de psychiatre, les juges décidaient qui était malade (comme on a trouvé à l’Age Classique, c’était les juges aussi), donc qui
décidaient qui était malade, si le délit était le fait de la folie et aussi quelle était la part de responsabilité du délinquant. » Postel, pp. 28-29

Enfin un mot en ce qui concerne le traitement. Dans cette littérature hébraïque, on ne trouve quasiment pas de référence sur le
traitement des maladies mentales. On peut supposer que ces traitements étaient à peu près les mêmes que ceux qui se pratiquaient
dans diverses civilisations. En revanche il y a un point important qui apparaît : le rêve. Vous savez que les anciens « considéraient
le rêve comme une révélation des forces supérieures et qui parfois donnaient la clé d’une thérapeutique adéquate». C’est dans le
rêve que se trouve la méthode de soin. « L’interprétation des rêves tient une place importante dans la Bible et la littérature post-biblique. , La
signification et la symbolique du rêve, selon les Anciens, n’étaient pas comprises des rêveurs, c’est pourquoi ceux-ci devaient. recourir aux experts en la matière.
La technique de l’interprétation des rêves telle qu’elle est décrite dans le Talmud ressemble beaucoup à celle du livre d’Artemidoros de Daldis (IIe siècle avant
notre ère), livre qui résume ‘’l’Oneirocritica‘’, citée fréquemment par Freud dans le premier chapitre de son ’’magnum opus’’ sur le rêve. » Postel pp.29-30

La musicothérapie, qui ne s’appelait pas comme ça., était également un remède. Ce traitement par la musique, vous l’avez
entendu tout à l’heure à propos du roi Saül, on avait fait venir David qui jouait de la harpe pour calmer l’esprit de Saül. Sauf que
Saül à un moment a voulu le tuer avec sa lance. « Dans l’Antiquité biblique, il était d’usage de traiter l’asthénie du malade ou du
vieillard, en faisant coucher près de lui un être jeune et sain, dans l’espoir de lui transmettre, par le contact corporel, vitalité et
chaleur. » Postel, p.30

La prière était le principal mode de guérison. « La guérison des malades mentaux par la prière et par la parole, on la trouve dans
le Nouveau Testament, dans Mathieu. ‘’[Jésus parcourait toute la Galilée, guérissait toute maladie et toute langueur parmi le
peuple; sa renommée gagna toute la Syrie, et on lui amena tous les malheureux atteints de maladie et de tourments divers, des
démoniaques, des lunatiques, des paralytiques et il les guérit’’ » Ibid.

Il y avait aussi des remèdes qui étaient fondés sur des liquides. On oignait d’huile, de salive ou d’autres liquides, en particulier la
tête du malade.

Conclusion de Postel sur cette place de la médecine hébraïque dans la civilisation : « Au cours des siècles, l’attitude du peuple juif
envers les troubles mentaux évolua, transformant la conception antique des peuples du Moyen-Orient, sous l’influence du
monothéisme. qui pénétra de plus en plus la vie spirituelle des anciens Hébreux. L’approche magique de la compréhension et du
traitement des maladies mentales fut progressivement rejetée, bien qu’elle ne disparue pas complètement. A l’époque de la Mishna
et du Talmud, c'est-à-dire (du IIe à la fin du Ve siècle), et en particulier après que l’État Juif devint une partie de l’empire romain,
les cultures gréco-romaine et hébraïque s‘influencèrent réciproquement. L’influence juive grandit avec la montée du christianisme
dans cette région du globe. De nombreux médecins juifs [...] conservèrent la tradition et les découvertes de la médecine hellénique
et contribuèrent à leur transmission à la culture islamique. » Ibid.

Donc, montée du christianisme, puis de l’Islam. L’Islam qui se répandit et qui régna sur une grande partie du monde
méditerranéen ; de nombreux médecins juifs conservèrent la tradition . Ce sont les médecins juifs et arabes qui ont assuré la
transmission des textes grecs et romains, lesquels ont été pour la plupart perdus. Ce qui est intéressant, c’est qu’on va retrouver ces
textes traduits en arabe et qu’on va retraduire en latin. La transmission des écrits antiques de la médecine est due en grande partie à
l’Islam. De là, à la fin du Moyen Age, ces pratiques et connaissances passèrent aux pays européens, où elles furent à la base du
développement de la médecine, y compris la psychiatrie moderne. A l’époque, transmission orale prédominait; certaines ont été
écrites, donc retranscrites plus ou moins tardivement, et parfois en passant par des traductions. Tout ce qui n’a pas été écrit à été
complètement recouvert – comme par exemple la médecine des Vikings.

Conclusion à cette première approche concernant la préhistoire et l’antiquité : dans ces conceptions on aura remarqué que la
folie est attribuée à des causes extérieures. En termes psychanalytiques, c’est un processus de projection, c'est-à-dire le
passage de sentiment, de souvenirs, de l’intérieur vers l’extérieur. Et la projection, telle que la définit Freud, est un mécanisme
fondateur de l’appareil psychique et prévalent dans les fonctionnements primitifs, sans connotation péjorative. Primitif c'est-à-dire
chez le nourrisson, chez l’enfant et dans les peuples antiques. Donc les causes sont extérieures. Ces causes sont liées à des
influences mauvaises, malveillantes, des influences humaines ou bien divines. L’esprit est envoûté, il est pris il
est contaminé, il est souillé. D’autre part la maladie peut être la conséquence d’une faute commise à l’encontre

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des divinités ou bien d’une violation d’un interdit, ou bien encore le résultat d’une imagerie apparue en rêve, le
rêve permettant la communication avec le monde et les esprits. Et donc pouvant contenir en soi parfois la
méthode de guérison.

Donc, pour conclure ; et pour comparer aussi avec ce que nous dit Foucault de la raison à l’Age Classique ; Postel dit ici : « la
maladie est expliquée selon un mode irrationnel. Par des croyances fondées sur l’imaginaire ». Ces croyances imaginaires
attribuent aux phénomènes de la nature des motivations humaines. C'est-à-dire que c’est un fonctionnement animiste qui relève de
ce qu’on appelle, et que Freud a étudié, la pensée magique.

La folie dans l’Antiquité classique

L’histoire va être ordonnée en fonction du premier grand médecin grec qui est Hippocrate. Alors considère ce qui a existé avant
Hippocrate, c'est-à-dire :

La période pré hippocratique, qui va jusqu’au 5ème siècle avant JC. La folie, on va la trouver racontée dans la mythologie,
dans la dramaturgie, la philosophie, la juridiction. Dans tous ces écrits, il y a des témoignages de la folie. On va trouver de
nombreux héros qui sont atteint de folie, comme Ajax, Oreste, Télémaque, etc. Il faut se référer entre autre à l‘Odyssée dans
laquelle on trouve des descriptions clinique de la folie de ces héros.

A cette époque la manifestation de ces troubles était considérée comme sacrée, précisément parce qu’ils étaient inspirés par les
dieux.

Les atteintes de l’esprit étaient rangées parmi les maladies du corps, parmi les maladies somatiques. Il n’y avait pas de
distinction entre maladie du corps et maladie de l’esprit. Et elles étaient donc soignées comme les maladies du corps, par des
traitements dits « empiriques», c'est-à-dire fondés sur l’expérience. On peut citer un des traitements connus de cette époque qui
est « le sommeil d’incubation ». On en trouve un récit situé à Épidaure, où un Temple avait été dédié à Esculape (en Grèce de
nombreux temples sont dédiés à Esculape). Ce sommeil d’incubation agissait en particulier sur les troubles de l’esprit. C'est-à-dire
qu’on disait que, pendant le sommeil, le malade recevait des inspirations des prêtres, et que les rêves lui révélaient ce qu’il lui
fallait pour guérir.

De leur côté, les philosophes de l’époque avaient travaillé à dégager les principes fondamentaux de la vie et de la matière, et la
théorie qui prévalait à l’époque était la théorie des quatre éléments : l’air, le feu ; l’eau, la terre. Ca c’est un premier
fondement sur lequel tout va reposer.

- De ces quatre éléments là ont été dégagées quatre qualités : la chaleur, la sécheresse, l’humidité et le froid. Ces quatre qualités
correspondent à quatre humeurs du corps. Vous voyez comment on va de la vie et des sciences de la vie et de la matière => quatre
éléments, quatre qualités, quatre humeurs du corps qui sont les liquides ou les sécrétions du corps : le sang, le phlegme, la
bile jaune et la bile noire ou atrabile. Toutes les classifications médicales et psychiatriques reposent sur ces quatre humeurs.

- De plus, ces quatre humeurs se situent dans quatre organes du corps : le cœur, le cerveau, le foie et la rate.

Ca c’est le schéma théorique, donc qui repère des notions élémentaires, dégagé par la philosophie et qui va servir dans le monde
occidental de modèle à la médecine, depuis Hippocrate jusqu à nos jours, et en tout cas jusqu’au XIXème, avec bien sûr des
modifications. Il faut savoir qu’à cette époque la médecine reposait toujours sur des systèmes philosophiques. C’est la
philosophie qui théorise la médecine. C'est-à-dire que la compréhension des maladies passe par une conception philosophique du
monde. Et cela veut dire que l’observation et le repérage des maladies est systématisé à partir de ces conceptions. Donc on observe,
on repère une maladie en se fondant sur ces conceptions philosophiques. C’est ce qu’on continue à faire aujourd’hui. Les modèles
théoriques nous servent à écouter, repérer, classer, diagnostiquer, analyser; un modèle théorique en référence qui fait tiers. Ceci
est très important, un modèle théorique qui fait tiers entre le malade et le médecin, c'est-à-dire qu’on ne peut pas travailler sans
modèle théorique. Ce qu’il faut noter c’est que les descriptions cliniques sont très fortement influencées par les théorie utilisées.
C'est-à-dire qu’il n’y a pas de description a-théorique. Je dis cela pour faire un constat valable jusqu’à aujourd’hui. Pourquoi ?
Parce que il existe un manuel que vous connaissez qui s’appelle le DSM – Manuel Diagnostique et statistique – manuel de
psychiatrie qui a été élaboré aux USA mais en réunissant un certain nombre de spécialistes du monde. Ce manuel est devenu un
manuel clinique pour les psychiatres auxquels ils se réfèrent pour travailler. Un certain nombre de descriptions cliniques de la
maladie y est énoncé, une symptomatologie. Il est dit que si le patient présente, par exemple, quatre de ces 10 critères on peut poser
tel diagnostic. C’est quasiment un diagnostic automatisé. Ca a ses avantages et ses inconvénients. Et si je dis ceci à propos de la
théorie, c’est parce que ce manuel statistique et diagnostique se veut a-théorique, c'est-à-dire qu’il veut se dégager de toutes les
approches théoriques. Et je peux dire que c’est une tâche impossible. Je l’ai utilisé dans le cadre de mes recherches et j’ai constaté
que les repérages et descriptions sont considérablement influencés par les approches allemandes, comportementalistes, et tout ce
qui relève de la psychanalyse est mis de côté parce que c’est une théorie. Donc on a voulu s’en démarquer, malgré parfois pas mal
de dommages. Par exemple dans ce manuel on ne trouve plus du tout le mot « hystérie ». La fameuse hystérie qui existe depuis la
nuit des temps, n’existe plus dans le DSM IV ; on parle de troubles somatoformes. Pas à tort d’ailleurs, parce que, quand on dit ‘’ce
symptôme est une conversion hystérique’’, on a déjà posé un diagnostic et établi une théorie. Il y a donc une tendance à vouloir être
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a-théorique, mais c’est comme vouloir être a-politique; c’est bien difficile, car comme nous le montrait Michel Foucault, les
positions qu’on peut prendre aujourd’hui, on a beau croire qu’elles sont a-quelque chose, qu’on est en dehors d’un champ
symbolique, en fait on ne peut pas ne pas s’y inscrire. Il y a toujours des éléments souterrains qui agissent à notre insu. Donc « l’a-
théorisme » du DSMIV, c’est assez illusoire. On ne peut jamais se dégager des systèmes existants sur lesquels notre savoir, nos
connaissances et notre pensée reposent.

A partir des travaux d’Hippocrate, des théories de la maladie vont être progressivement proposées, y compris sur la folie.

HIPPOCRATE est né en 460 avant JC. Il a beaucoup voyagé, a connu beaucoup de pratiques, de modes de pensée, avant de
s’établir à Cos où fut fondée une école de médecine visant à introduire la raison par opposition à la démarche empirique.
Hippocrate est mort en 377 avant J.C., il a donc vécu 83 ans.

Il faut noter que, sur le plan historique, à cette époque, la Grèce est en plein épanouissement. Cette époque correspond au siècle de
Périclès. Hippocrate, considéré comme le père de la médecine, s’était efforcé d’apporter des explications cohérentes sur la
maladie, donc fondées sur la raison. Il est le premier à avoir précisé que le cerveau représente l’organe le plus important du corps
et qu’il est le siège de l’intelligence. Et qu’il est le siège des troubles mentaux, de la folie.

Hippocrate a donc rejeté tout ce qui relevait des causes et explications surnaturelles des maladies, et donc rejeté l’influence des
forces divines. Il s’est attaché à promouvoir des explications naturelles. Sa médecine est fondée sur des emprunts aux
philosophes, qui souvent étaient eux-mêmes des médecins, mais aussi fondée sur l’observation. Une observation alliée au
raisonnement. .« Considérer ce qui est saisissable par l’intermédiaire de la vue et du toucher et de l’ouie et du nez et de la langue
et de la pensée, ce que l’on peut parvenir à discerner par tous les moyens qui sont à notre disposition .» Voilà une véritable
méthode clinique d’observation. D’ailleurs Hippocrate était considéré comme un clinicien remarquable.

Les observations qu’il établit sont ensuite critiquées, puis elles vont être classées, en s’appuyant sur des conceptions
philosophiques, ce qui va donner naissance à une première nosographie, une classification des premières maladies de l’esprit.

Dans le système d’Hippocrate, sont distinguées : la manie et la mélancolie: cette classification binaire englobaient quasiment
toutes les folies.

Hippocrate travailla aussi à l’épilepsie et la dégagea de sa signification sacrée qu’elle avait jusque-là; il lui attribua « une cause
naturelle », comme pour les autres maladies, ici l’atteinte du cerveau.

Il analysé les symptômes du delirium tremens, de la folie puerpérale, de la phobie, de la mélancolie (sans pour autant les nommer
ainsi). Quant à l’hystérie, il la décrit dans un traité sur les maladies des femmes : « la suffocation, le blanc des yeux qui se renverse, la femme
qui devient froide, quelquefois livide et se convulse comme les épileptiques. » Il ne la considérait pas comme une maladie mentale et prescrivait le mariage pour les
veuves et jeunes filles hystériques.

Sa médecine repose sur la théorie humorale; c’est la première théorie médicale de l’Antiquité.

« [...] la santé repose sur l’équilibre des humeurs (sang, phlegme, bile jaune, bile noire), au moment où cette théorie est la plus parfaite) et sur l’équilibre des
qualités qui les accompagne (chaud, froid, sec, humide, essentiellement). La maladie en général et toutes les maladies en particulier reposent sur leur déséquilibre.
Il n’y a pas de problème de dichotomie entre maladies de l’âme et maladies du corps; toutes les maladies sont des maladies physiques, toutes ont une explication
physiologique, toutes relèvent de traitement somatiques. La théorie humorale n’exclut pas cependant la notion de parties du corps. l’une de ces parties est
spécialement affectée dans la maladie mentale, c’est le cerveau, [...] » Postel, p.4

Traitement par les plantes - Mentionnons l’ellébore, plante vomitive et purgative redoutable; il fallait la doser, tout comme pour
la mandragore (on recommandait au malade de faire son testament avant de prendre le remède à base d’ellébore ...)

Pendant sept siècles, la théorie d’Hippocrate (Corpus hippocraticum) va se répéter et va constituer

l’École dogmatique. Celle ci va progressivement s’appauvrir pour oublier ses grands principes (en particulier que le cerveau est
l’organe de l’intelligence et le siège des maladies mentales).

L’Ecole empirique va lui succéder. Celle-ci rejette l’étiologie, et donc la détermination des causes

de la maladie; du même coup, elle exclut le rationalisme des philosophes grecs des VIIe et VIe siècles av. J.C. Pour elle, la
guérison es fondée sur l’expérience : l’expérience personnelle du médecin, l’expérience collective, rédigée dans des textes
médicaux, et l’expérience analogique (face aux nouveaux cas).

La médecine grecque s’introduisit à Rome au Ier siècle av. J.C., par l’intermédiaire d’un médecin : ASCLEPIADE. Celui-ci se
pencha plus spécialement sur les maladies mentales, soignant ses malades dans des chambres claires, bien aérées, pratiquant bains
et massages.

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« [..] le corps est un assemblage de particules toujours en mouvement que traversent des conduits par ^ù passe le pneuma ou spiritus - un air élaboré - et les fluides
du corps. L’état de maladie et de santé dépend du mouvement de ces particules, de leur vitesse, de leur nombre, de leur taille, de leur forme, ainsi que de l’état des
conduits et de la liberté de passage qu’y rencontrent ou n’y rencontrent pas le souffle et les liquides corporels. L’œuvre d’Asclépiade ne nous est pas directement
connue, mais ses opinions sont conservées chez Célius AURELUIEN. On constate qu’il n’y a pas de distinction de nature entre les maladies somatiques et les
maladies psychiques, la seule différence étant dans le siège ou se produit le trouble mécanique, ainsi le cerveau pour la maladie appelée phrénitis. Après
Asclépiade, on considèrera que toute maladie est en rapport avec un état de relâchement, ou un état de resserrement, ou un état mixte. Relèvent par exemple de
l’état de resserrement, la phrénitis et la suffocation utérine.

Dans ces conditions, la thérapeutique est elle aussi essentiellement mécanique : on agit pas les massages, la promenade à pieds, toutes sortes d’exercices ‘passifs’
dans lesquels le corps se contente de se laisser agiter, comme la promenade en voiture ou le voyage en bateau.

[...] Cette école ne s’intéresse pas à l’étude des causes, quelle considère comme cachées et devant rester cachées. » Postel, p. 5

Asclépiade fut le premier à inspirer

l’École méthodiste, née de l’opposition entre les écoles dogmatique et empirique. Sa théorie repose sur la philosophie d’Épicure
(fondée sur le plaisir).

Au courant méthodistes, s’étaient liés toutes sortes de guérisseurs, voire de charlatans. Pour s’y opposer, naquit

l’École pneumatiste , qui s’inspira du stoïcisme.

« Le pneuma ou spiritus, produit élaboré de l’air extérieur circule dans le corps humain et lui apporte la santé, si toutefois sa tension est celle qui
convient. Cette tension se manifeste par le pouls, que l’ingéniosité des médecins qualifie avec une précision extrême. Dans ce courant, se
distingue Rufus d’Éphèse, (IIe siècle de notre ère) auteur [...] d’un traité, Du pouls, mais aussi neurologue et grand observateur des troubles
psychiques. [...] Ces récits, dont la technique est visiblement inspirée de celle des Épidémies d’Hippocrate, reposent sur une base théorique assez
originales [.] : les dyscrasies humorales, qui causent les maladies sont de deux types : ou bien il y a tout simplement un déséquilibre humoral; ou
bien il s’introduit une matière peccante qu’il faut éliminer avant d’entreprendre la ré équilibration humorale. Cette deuxième vision
physiologique prendra une importance particulière au Moyen Âge. » Postel, p.6

On en arrive au Ier siècle avec ces quatre écoles : dogmatique, empirique, méthodiste et pneumatique.

On peut deviner que, de cet ensemble, va naître

une approche éclectique refusant de s’inscrire dans un système unique tout en s’inspirant de tous.

C’est le cas d’un grand écrivain latin du Ier siècle : Aulus Cornélius CELSIUS , dit plus simplement CELSE. Il ne pratiquait pas
la médecine, mais l’a étudiée de manière systématique, en encyclopédiste.

Celse, « le Cicéron de la médecine », a décrit la manie (insania), la fureur frénétique, et le délire hallucinatoire. Il prônait la
manière forte : réprimandes, jeûnes, châtiments, usage des chaînes pour les agités; mais aussi : musique pour les déprimés, lectures
pour les intellectuels mélancoliques; rasage de la tête pour les aliénés et les épileptiques; applications d’onguents et de tisanes sur
le crâne; ellébore.

Il a divisé les maladies en aiguës et chroniques, en générales et locales. ainsi : la phrénésis est locale et générale, la mélancolie est
chronique et générale, les délires en généraux et partiels, la manie étant un délire partiel.

Dans le même temps, un mouvement d’éloignement médical s’instaure à Rome.

« L’épilepsie était redevenue le mal sacré qu’avait combattu Hippocrate, le haut mal, le mal comitial, parce que, si une crise d’épilepsie survenait chez l’un des
membres des comices, au cours de la réunion, on suspendait la séance. Les traitements hygiéniques d’Hippocrate étaient bien oubliés pour l’épilepsie, que l’on
soignait en faisant absorber du sang de gladiateur récemment égorgés, ou de la cervelle d’enfants.

Cette médecine si éloignée de celle d’Hippocrate était proche du charlatanisme, aussi faut-il souligner le mérite d’Aretê de ne pas s’être trop intéressé à la
thérapeutique, mais d’avoir précisé avec soin d’important symptômes de maladies mentales. Il décrivit avec beaucoup de soins l’aura épileptique qui précède
la crise, la mélancolie amoureuse et les perversions sexuelles, il reconnut également les troubles de la démence sénile et préconisait surtout des cures thermales.
Aretê, qui avait fait d’Hippocrate son idéal, essaya de débarrasser la médecine romaine de tout un fatras de thérapeutiques inutiles, désagréables, et souvent
dangereuses pour le malade. Sept cents ans s’étaient écoulés depuis la médecine d’Hippocrate, lorsque apparut le génie de Galien, dont l’influence fut
considérable jusqu’au XVIIe siècle. » Thuillier, pp. 32-33

Claude GALIEN s’inscrit dans le mouvement éclectique. On le considère comme le plus grand médecin de l’Antiquité après
Hippocrate. Il es est né à Pergame en Asie Mineures en l’an 130 ou 131 et mort vers 201. Il se fit connaître comme médecin à
Rome et y écrivit quelques 500 traités médicaux.

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Il établit la théorie des tempéraments : sanguin, phlegmatique, colérique et mélancolique, et cela en fonction de la
prédominance d’une des quatre humeurs (sang, phlegme, bile jaune, bile noire). L’humeur de la bile noire provoque la mélancolie;
l’humeur de la bile jaune provoque les délires aigus.

Son influence est allée bien au-delà du Moyen-Âge . Cette durée a été expliquée par sa référence majeure à Hippocrate mais aussi
parce qu’il appuyait l’idée du monothéisme, position fort appréciée par le christianisme des premiers siècles, par le judaïsme, puis
par l’islam.

Donc : HIPPOCRATE et GALIEN : deux grands médecins et théoriciens de l’Antiquité. Grands observateurs
(cliniciens) et penseurs (théoriciens), ils s’intéressèrent aux manifestations de la folie, en leur donnant une
étiologie organique, et en rejetant les approches divines et sacrées.

Il faut également mentionner après ces deux grands médecins, CICERON et SORANUS.

Cicéron, (Ier siècle av. J.C.), est considéré comme le précurseur de la psychothérapie car il insistait sur la nécessité de distinguer
les maladies du corps des maladies de l’âme. Il est également considéré par certains comme le précurseur de la médecine
psychosomatique, parce qu’il pensait que les maladies physiques pouvaient émaner de facteurs émotionnels. C’est alors, dans ce
cas, la philosophie qui doit guérir.

Quant à Soranus, (93-138 apr. J.C.),. on le citera pour la sollicitude qu’il préconisait dans l’abord des maladies de l’âme, les
traitant selon des méthodes psychologiques : parler au malade, le questionner sur ses activités, sur l’origine de ses troubles, sur
son anxiété, qu’il tentait de .soulager par « des bonnes paroles »; c'est-à-dire qu’il insistait sur l’établissement d’une bonne
relation et d’un bon contact entre le malade et le médecin.

Bilan sur les grandes entités nosologiques, puisqu’on entre là déjà dans l’histoire de la psychiatrie à proprement parler. Ce
qu’on sait, c’est que la maladie mentale n’est pas individualisée en tant que telle parce qu’il s’agit comme les autres maladies
d’un disfonctionnement d’ensemble. Postel, dans son ouvrage retient quatre catégories qui sont distinguées à l’apogée de la
médecine gréco-romaine : ce sont la frénésie et la léthargie d’une part et, d’autre part, la manie et la mélancolie.

« Dans la vision antique, on peut dire grosso modo que les deux premières sont des folies aiguës avec fièvre, l’une avec un état d’excitation, (la frénésie), l’autre
avec un état d’abattement profond (la léthargie); et que leur font pendant deux folies chroniques sans fièvre : la manie avec excitation et la mélancolie avec
abattement. .Le contenu de ces deux derniers termes, manie et mélancolie, a sans doute connu bien des vicissitudes depuis la fin de l’Antiquité, mais les mots eux-
mêmes sont encore bien vivants. Les deux . ils recouvrent, des états toxi-infectieux de toutes sortes avec fièvres intenses et manifestations pseudo-psychiatriques,
états confusionnels, affaiblissement du niveau de conscience ou même abolition de la conscience, délire, agitation ou stupeur. En fait, les Anciens savaient qu’il
fallait distinguer les états psychiatriques des états pseudo-psychiatriques, mais ils ne faisaient pas placer la barre là où nous la mettons .» Postel, p.8

Bilan sur la position de l’Antiquité classique vis-à-vis de la folie

« Si notre goût pour les récits imaginaires ou les légendes nous fait apprécier les aventures des héros de la mythologie grecque, il
faut aussi reconnaître à l’antiquité classique le pas formidable qu’elle a fait franchir à la raison dans l’histoire de l’humanité.

Préparée par l’école pythagoricienne, la philosophie de Platon a introduit la réalité du fait psychologique dans l’étude de la
conscience dont Aristote devait magistralement décrire le contenu. Grâce à ces ouvertures sur la raison et au génie réaliste
d’Hippocrate et de Gallien, la médecine a pu se débarrasser des explications magiques et mystiques, qu’elle donnait
aux maladies et plus particulièrement à la folie. On ne s’est plus désormais tourné vers le sacré, vers le divin ou le
démoniaque pour reconnaître et traiter la maladie, et le corps a .repris sa place entre le monde physique extérieur et la conscience
supérieure. Hippocrate le premier a su séparer le corps et l’esprit, séparation qui s’est maintenue jusqu’à présent.

Diffusées par Asclépiade et Aretê, les conceptions hippocratiques, complétées par les compilations de Galien, et
l’humanisation du traitement des malades mentaux par Soranus et Cicéron, ont bien éclairé au cours de l’Antiquité
classique de nombreux aspects de la folie que le Moyen Âge allait recouvrir d’incompréhension et
d’obscurantisme » Thuillier, p. 35

« Ce que cette médecine a d’éminemment positif, c’est qu’elle a enlevé à la magie, aux prêtres, aux charlatans, à la haine et au
mépris, une première fournée de malades mentaux; c’est qu’elle les a observés et qu’elle les a classés ; c’est qu’elle a
tenté de les soigner, parfois avec une certaine brutalité, qui d’ailleurs était celle de la médecine en général; jamais avec une
méchanceté, parfois avec une espèce de tendresse humaine et un grand optimisme. Ainsi aux pionniers de la psychiatrie
proprement dite, à une époque où la pathologie humorale n’était pas encore éliminée, ces médecins anciens ont-ils pu servir de
maître. Le lecteur moderne qui s’intéresse à l’histoire des idées médicales ne restera pas insensible à leurs considérations
pathogéniques, et partout, comme les psychiatres du XIXe siècle, il s’enchantera de la présence partout sensible des germes du
futur (notion de maladie maniaque dépressive ou de folie partielle, par exemple), et de la finesse d’observation des cas
particuliers. » Postel, p. 20

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On peut donc noter l’apologie des contemporains concernant l’abandon de la pensée magique et religieuse. C'est-à-dire qu’on porte
un jugement de valeur, qu’on le veuille ou pas, qui est fondé sur la conception actuelle de la science, de la médecine et de la
psychologie. On peut noter aussi qu’il y a une filiation qui est reconnue, une filiation ancienne et toujours active par rapport aux
médecins de l’Antiquité. Les médecins d’aujourd’hui s’y reconnaissent. Alors, que penser de l’apologie de l’abandon de la pensée
magique et religieuse, je ne sais pas trop, mais en tout cas c’est ce que je constate : nous sommes dans notre société dominée par la
raison., par le rationalisme.

a parte de la prof sur la méthode après la pause:

La méthode c’est essayer de repérer les points essentiels dans un discours, déjà dans la prise de notes, mais aussi, vous l’aurez remarqué dans ma méthode d’exposé
il y a des moments où je lis et je parle assez vite ; il y a des moments où je m’arrête et je dicte quasiment des passages qui sont des passages importants qui sont des
conclusions et qui permettent des repérages. Et en général aussi je répète à la fin pour remarquer ces points de repérages. Pour vous aider je vous ai dit que je vais
faire un résumé, une synthèse de ce que j’ai exposé, que vous aurez à la rentrée. Ceci ne vous dispensera pas de travailler vos cours avec méthode. Tous les cours. A
savoir qu’on ne vous demande pas de tout savoir – d’ailleurs on ne peut jamais tout savoir, il faut renoncer à tout savoir pour s’engager dans le savoir - . Car on se
dit comment je vais retenir tout ça. Il ne s’agit pas de retenir tout ça. Il s’agit après de s’être laissé prendre et d’avoir plongé dans ces eaux complexes, de pouvoir,
pour vous constituer ce qui vous semble important de retenir et d’acquérir des méthodes pour travailler vos cours. En extraire la substantifique moëlle. Mon résumé
donnera des références pour les questions que vous aurez à l’examen. J’ai en tête environ cinq questions pour tout ce que nous avons faits. Cinq questions courtes et
des réponses courtes, quatre à cinq lignes. Donc pas vraiment lourd avec les supports que vous allez avoir.

La folie au Moyen-Âge

Il recouvre un certain nombre de siècles. Tout ce qu’on peut lire et raconter sur cette période, relève aussi de reconstructions parce
que les données sont très controversées, il nous en manque beaucoup, et donc comme l’a dit Foucault, il faut faire un travail
d’archéologue. Ce sont donc des reconstructions qui sont proposées sur cette histoire de la folie, dans la Préhistoire, l’Antiquité, le
Moyen Âge.

Ce qu’on peut situer sur le plan historique, c’est que cette époque est marquée par l’écroulement de l’empire romain et
l’anarchie dans les colonies.

Les dix siècles du Moyen Âge sont marqués, en Occident, par l‘horreur des épidémies et des guerres. Toutes ces catastrophes,
tous ces désastres ont renforcé la recherche d’une aide, d’un réconfort dans le christianisme, le Christ étant aussi aimé en tant
qu’il était médecin du corps et de l’âme. C’est pourquoi la maladie mentale va se rattacher au domaine de la foi; la guérison de la
folie va devenir le champ privilégié des saints.

En ce qui concerne la médecine, on va se placer du coté du rationnel – donc vous voyez il y a ce courant général du côté de la
religion, de la foi, des croyances du sacré et le courant médical dans lequel on se place du côté du rationnel. Et on va chercher à
comprendre les états de folie en s’étayant sur la philosophie, même si l’origine de la maladie est essentiellement somatique.

Sur le plan nosographique (noso en grec : la maladie => classification des maladies), il va y avoir une première période, le Haut
Moyen Âge, qui va conserver les références des auteurs antique et leurs œuvres qui ont été traduites en latin. Et puis une deuxième
période du Moyen Age, à partir du XIe siècle, au cours de laquelle des textes vont être traduits de l’Arabe, des textes des anciens
qui, jusque-là n’étaient pas connus, et que l’approche des maladies mentales selon la culture islamique va s’introduire dans
l’Occident chrétien. Vous repérez le mouvement. Perte des textes anciens, qui avaient été saisis par les Arabes dans leurs conquêtes
et qui ont été traduits, et qui vont revenir à l’Occident chrétien au XIe siècle. Dans ces conceptions arabes, on trouve une
systématisation qui va marquer toute la médecine occidentale en lui donnant un cadre scientifique qui est actif jusqu’à l’époque
moderne. On a donc dans cette grande période médiévale, deux périodes à distinguer dans la médecine, et deux courants qui sont
présents tout du long. Il y a le courant médical d’une part et, d’autre part la conception populaire de la folie; tous les deux
étant influencés par la religion. Voilà l’une des grandes structures que l’ont peut dégager de cette grande période.

C’est en 570, que Mahomet, le prophète, est né à la Mecque. Un siècle après, bien des pays sont conquis : la Syrie, la Perse, la
Mésopotamie, l’Afrique, l’Égypte, l’Arabie, et, en Europe, l’Espagne conquis par les descendants de Mahomet. Et c’est ainsi que
va arriver une culture brillantissime, la culture arabe qui vient jusqu’en Occident. En effet à chacune des prises de ville, le premier
de leur butin était les manuscrits des bibliothèques qu’ils amassaient, qu’ils travaillaient, qu’ils traduisaient et qu’ils intégraient
dans leur culture. Le monde arabe va donc se répartir dans deux zones : autour du Califat Bagdad et autour de l’Émirat de Cordoue.

Le médecin arabe considéré comme le plus illustre porte le nom de RHASES (865-925). Il a écrit 200 ouvrages et traités; l’un
d’eux offre une véritable compilation de tout le savoir médical grec, perse, indien et arabe. Ce médecin a exercé à l’hôpital de
Bagdad, l’un des premiers hôpitaux qui avait une salle réservée aux malades mentaux. On dit qu’il eut recours à ce qu’on appelle
aujourd’hui la psychothérapie – c’est plutôt exagéré, on peut dire , après-coup que c’est une inspiration).

Autre médecin illustre : AVICENNES (980 – 1037). C’est un des disciples de Rhasés. Il est décrit comme un jeune prodige qui est
devenu médecin de la cour à l’âge de 20 ans.

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On citera aussi comme médecins célèbres en Andalousie, aux XIIe et XIIIe siècles, Avenzoar et Averroès, qui sont renommés
dans toute l’Europe bien que rejetant l’approche de Galien. Sur le plan de l’approche de la maladie mentale, ces deux médecins
sont connus pour s’être opposé à l’utilisation du cautère qu’on appliquait sur le crâne rasé des fous ; c'est-à-dire qu’on leur brûlait
le cuir chevelu pour entraîner un dégonflement, un vidage des vaisseaux sanguins, ceux-ci étant considérés comme responsables du
délire. Et donc ces médecins arabes se sont opposés à cette méthode cruelle, mais à laquelle on croyait – d’ailleurs on faisait aussi
des croix et on ouvrait le crâne parce que tout était censé se passer là .

Il y a un troisième médecin qui n’est pas arabe mais juif et qui est cité dans cette culture arabe et espagnole, c’est Maimonide.
Médecin juif célèbre surtout pour des conseils divers et variés qui concernent l’hygiène mentale des aliénés. Point important :.il a
été un des premiers à décrire le passage de la mélancolie à la manie, l’évolution de la mélancolie en manie, bien qu’il n’ait pas
perçu le lien structural entre ces deux états.

Il y avait deux écoles à cette époque qui régnaient en Europe : la fameuse École de médecine de Montpellier qui est la plus
ancienne, et l’École de Salerne. L un des noms les plus connus de Salerne est Constantin l’Africain (1020-1087). Ces écoles de
médecines remplissaient leurs fonctions qui étaient de transmettre les acquis de la médecine et de les discuter.

Sur le plan de la conception de la pathologie, il s’agit d’une pathologie arabe et greco-latine. Elle distingue les désordres
généraux ou fièvres (maladies d’origine infectieuse) et les affections ayant leurs sièges dans une partie spécifiques du corps.

C’est ainsi que les arabes ont repéré ce qu’ils ont appelé « les maladies de la tête : en font partie, par exemple, les migraines, les
blessures du crâne et les troubles mentaux. Tout va ensemble.

On trouvera aussi dans les parties très distinctes de l’approche des troubles mentaux, des désordres qui sont liés aux organes de la
génération (l’hystérie et les désordres sexuels, qui ne font toujours pas partie des désordres mentaux).

Vous vous souvenez .que Michel Foucault a montré comment toutes les maladies allaient être mises ensemble. Là, elles sont
séparées. Donc ces classes de la maladie de la tête sont une reprise des principaux axes qui avaient été dégagés dans l’Antiquité.
Certaines descriptions cliniques énumèrent simplement les manifestations, sans se fonder sur un ordre précis. D’autres fondent leur
travail sur la classification de l’époque : en fonction de l’existence ou pas d’une lésion anatomique et de la fonction perturbée.

Une importance est donnée aux esprits ; ce sont : l’esprit naturel, l’esprit vital et l’esprit animal. Ces médecins ont donc donné de
l’importance à ce qu’ils ont appelé l’esprit. Les théologiens ont pris peur , effrayés par cette approche liant l’esprit et le corps; ils se
sont dépêchés, au XIIe, siècle de préciser que les vertus naturelles ne sont pas l’âme mais seulement les instruments de l’âme. Ce
qui fut en général respecté par les médecins, qui ne touchaient pas à cette zone sensible, qui ne posèrent pas de questions, qui ne
donnèrent pas de solution sur la question de l’âme et donc ont évité de traiter cette question. Ils se sont plutôt intéressés à l’esprit.

La rencontre entre la philosophie naturelle et l’esprit donne naissance au Moyen Âge à une théorie sur les sens internes, répandue
chez les auteurs arabes et hébraïques. Les sens internes sont conçus comme des forces ou des vertus qui sont transmises par
des esprits; esprit naturel, vital et animal. Leur siège est situé dans les trois ventricules cérébraux., chaque ventricule cérébral étant
lui-même divisé en deux (ceci étant issu de la médecine arabe). Le nombre de sens internes et le nom vont varier selon les auteurs.
Le plus clair dans l’exposé de cette théorie des sens internes, c’est Avicenne. Il repère cinq sens internes qui sont : le sens commun,
la vertu imaginative, et la mémoire.

Dans les récits de cas, on dégage la cause déclenchante et on rapporte l’histoire, l’anamnèse du passé immédiat (anamnèse =
histoire de la maladie et histoire du patient); donc on se cantonne aux évènements récents. Ceci par comparaison avec ce qu’on fait
aujourd’hui, à savoir, passer en revue toute l’histoire de vie et tous les évènements de vie qui vont pouvoir constituer l’anamnèse
d’un patient. Là, on ne s’intéressait qu’à l’actuel, ce qui veut dire qu’on ne pensait pas du tout qu’il y a des évènements
déclenchants bien plus anciens et bien antérieurs à l’histoire actuelle.

A côté du monde médical, il y a deux personnages qu’on va trouver cités dans tous les manuels qui s’occupent de la folie et de la
psychiatrie, deux personnages connus de tous, au moins par le nom; il s’agit de Saint-Augustin et de Saint Thomas d’Aquin. Ca
peut paraître bizarre que ces deux personnages soient évoqués ici; mais je vais essayer de vous dire pourquoi. L’un, Saint Augustin
.vit au début du Moyen Age et l’autre, Saint Thomas d’Aquin, vers la fin du Moyen Age. N’oubliez pas qu’on faisait appel aux
saints guérisseurs pour se soigner, que le saint avait vocation de guérir les maladies, en particulier la folie.. Pour vous citer des
noms de grands saints guérisseurs – il y en avait au moins une centaine au Moyen Age qui guérissait les troubles mentaux : Saint
Roch, qui guérissait la peste; . Saint Léonard qui guérissait l’épilepsie, et Saint Guy, qu’on connaît jusqu’à présent, qui soignait les
tremblements; ces tremblements étaient attribués à l’action du diable (danse de Saint Guy).Il y avait aussi Saint Valentin qui
guérissait les convulsions (on se demande pourquoi il est devenu plus tard le patron des amoureux!c’est le même)

Il y avait des guérisons qu’on disait miraculeuses, effectives, qui sont recensées. On soignait donc dans les églises, on faisait des
grands rituels, des messes, et des ingestions de concoctions de plantes médicinales. On verra plus tard, que ces traitements étaient
complétés par des exorcismes. Donc Saint Augustin et Saint Thomas d’Aquin étaient des grands théologiens. En raison de la
méthode que Saint Augustin a utilisée dans les Confessions, qui est celle de l’introspection, de la confession autobiographique,

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certains le considèrent comme un des précurseurs de la psychanalyse; je vous signale que Freud a utilisé également cette
méthode, de l’autoanalyse, pas la confession mais l’autoanalyse, de ses rêves en particulier.

A suivre ....

GENERALITES SUR L’EPISTEMOLGIE DE LA PSYCHANALYSE

Par manque de temps, ce cours n’a pas pu être retranscrit.

Une question sera posée sur ce sujet le jour de l’examen.

Références bibliographiques

ASSOUN Paul-Laurent, Introduction à l’épistémologie freudienne, Paris, Payot, 1981

GORI Roland , Epistémologie psychanalytique, Dictionnaire International de la Psychanalyse, DE

MIJOLLA Alain (sous la direction de), Paris, Calmann-Lévy, 2002

ROUDINESCO Elisabeth, Histoie de la psychanalyse, Dictionnaire de la psychanalyse,Paris, Fayard, 1997

EXAMEN LE 21 JANVIER A 11H. BAT. G AMPHIS B ET C.

REPONDRE A 5 QUESTIONS PARMI LES 10 PROPOSEES

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