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LE GESTE D’ALLOCUTION.

UNE REPRÉSENTATION POLYSÉMIQUE DE LA PAROLE


(V e-XIIe SIÈCLES)*
MARCELLO ANGHEBEN

Abstract: The hand gesture of stretching the index and the middle finger has generally been interpreted as a blessing, but
it has almost never been studied in depth while it appears almost everywhere in medieval images. It appears, however, in
very different contexts: biblical, hagiographical and liturgical scenes, illustrated manuscripts of Terence’s comedies or in
theophanies. The analysis of some examples shows that this gesture involves the utterance of a word, and can thus be called
an allocution gesture. It shows especially that this hand’s position can correspond to many different realities: a biblical bless-
ing coming from God directly or through a man, a liturgical blessing, a sign of the cross in a thaumaturgical purpose, an
exorcism, a word pronounced in a narrative image, a designation or an evocation of the divine word and, more specifi-
cally, of the Word of God in a theophany. This article aims to show that for each occurrence of the allocution gesture, its
interpretation requires a specific reflection based on the written sources, the iconic components and the context.

Keywords: allocution gesture, blessing, Old Testament, liturgy, theophany, Word of God, Saint-Savin-sur-Gartempe,
Sant’Angelo in Formis

Dans un nombre incalculable d’images Dans les manuscrits illustrés des comé- l’historiographie allemande en revanche,
médiévales, l’un des protagonistes, géné- dies de Térence, cette dernière position on utilise généralement le terme Redege-
ralement le plus important, tend l’index accompagne très fréquemment la décla- ste, ce qui semble plus conforme à la
et le majeur en repliant les autres doigts. mation d’un discours, ce qui constitue majorité des occurrences et en tout cas
Le plus souvent, ce geste est assimilé à un fondement extrêmement solide à l’ap- plus neutre puisque la bénédiction impli-
une bénédiction, sans plus de précision, plication de cette lecture aux autres ima- que également l’énoncé d’une parole. Ré-
alors que le contexte ne confirme que très ges médiévales 1. À Byzance et, sous son cemment, Chiara Frugoni a défendu cet-
rarement cette lecture. L’étude des textes influence, en Italie, on a adopté une va- te interprétation en se fondant sur de
et des images montre au contraire que la riante de ce geste, qualifiée de “bénédic- nombreux exemples extrêmement élo-
plupart des occurrences se rapportent à tion byzantine”, dans laquelle l’auriculai- quents 4. Elle considère toutefois que ce
l’énoncé d’une parole et que celle-ci ne re est également tendu 2. Dans la littéra- geste n’a commencé à se référer à la béné-
correspond qu’exceptionnellement à une ture francophone, la signification de ce diction qu’à la fin du Moyen Âge, ce que
bénédiction. geste n’a guère été discutée tant elle ap- démentent quantité d’œuvres antérieu-
Lorsqu’un personnage adopte ce geste, paraît comme une évidence. Il est remar- res. Il importe donc de poursuivre ces ré-
l’index et le majeur peuvent être pointés quable à cet égard que François Garnier flexions en essayant d’envisager l’ensem-
vers le haut, inclinés ou encore tendus à ait fait l’impasse sur cette question dans ble du champ sémantique qu’a pu recou-
l’horizontale sans que cela ne semble mo- ses deux célèbres volumes intitulés Le vrir cette formule iconographique.
difier fondamentalement sa signification. langage de l’image au Moyen Âge 3. Dans Les expressions “geste de parole” et “ges-

22 «Iconographica» XII (2013)


LE GESTE D’ALLOCUTION

te d’allocution” me semblent mieux adap- cien Testament, sur quelques exemples


tées à la réalité des œuvres médiévales car provenant du cycle peint de la nef de
elles sont suffisamment génériques pour Saint-Savin-sur-Gartempe.
englober à la fois tous les discours ver-
baux et les différents types de bénédic- L’Ancien Testament
tions, qu’elles soient bibliques ou litur-
giques. J’utiliserai préférentiellement la Le Sacrifice de Noé
seconde car elle correspond au substantif Dans l’Ancien Testament, la bénédiction
latin adlocutio – action d’adresser la pa- émane principalement de Dieu. Elle tra-
role, allocution, exhortation – et surtout duit sa générosité envers les hommes, les
parce qu’elle suppose une certaine em- faveurs ou le destin favorable qu’il lui ac-
phase dans la transmission de la parole. corde. L’homme peut faire de même mais
L’essentiel reste que toutes deux permet- la source de sa bénédiction demeure en
tent de résoudre le problème soulevé par Dieu 7. Le premier type de bénédiction
l’ambiguïté ou la polysémie que présen- peut être illustré par celle que Dieu ac-
tent la majeure partie des applications de corde à Noé à la sortie de l’arche. Après
ce geste. Dans les représentations de la que Noé eut célébré un holocauste sur
Bible et des rituels religieux, il peut en ef- l’autel qu’il avait élevé, Dieu lui adressa la
fet correspondre à une véritable bénédic- parole, en lui promettant de ne plus
tion ou à des paroles d’un tout autre maudire la terre, puis le bénit longue-
ordre. En affirmant sans réflexion préa- 1. Vézelay, ancienne église abbatiale Sainte-
Marie-Madeleine, chapiteau de la nef, 1120- ment en octroyant au patriarche et à ses
lable qu’il s’agit d’un geste de bénédic- 1140, Tentation de saint Benoît. fils quantité de bienfaits. En voici les pre-
tion, on prend donc le risque d’accorder miers mots : «benedixitque Deus Noe et
une importance excessive aux paroles de filiis eius et dixit ad eos: “crescite et mul-
bénédiction au détriment des autres et, croix, comme le font régulièrement les tiplicamini et implete terram”» 8. Si la
dans certains cas, d’accorder une valeur saints pour chasser les démons, étant promesse de ne plus maudire la terre se
rituelle à des scènes qui en sont peut-être donné que cette arme spirituelle lui a rattache directement au sacrifice, la béné-
dépourvues. permis de repousser la tentation précé- diction s’adresse à la fois à Noé et à ses
Ce risque devient maximal lorsque le ges- dente suscitée par un merle et que cet fils et pourrait dès lors s’inscrire dans un
te d’allocution est utilisé dans des con- épisode est évoqué sur la face latérale contexte distinct de celui du sacrifice.
textes où l’hypothèse d’une bénédiction gauche du chapiteau de l’avant-nef 5. La Dans le cycle vétérotestamentaire de
serait erronée voire absurde. Deux exem- présence d’un livre dans la main du saint Bagües (Aragon), qui présente certaines
ples empruntés au programme sculpté de confirme en tout cas que le verbe est mo- analogies avec celui de Saint-Savin-sur-
Vézelay suffiront pour illustrer ce cas de bilisé dans cet épisode 6. Gartempe, la main ouverte de Dieu sur-
figure (fig. 1). Sur deux chapiteaux très Pour évaluer au cas par cas la pertinence git d’une nuée au moment du sacrifice,
semblables, un diable présente à saint Be- de l’interprétation attribuée au geste d’al- probablement pour signifier qu’il l’agrée
noît une femme qu’il avait connue dans locution, il convient donc de prendre en et, peut-être, pour évoquer sa promesse 9.
sa jeunesse pour susciter en lui la tenta- considération d’un côté les textes et, de À Saint-Savin, une figure christomorphi-
tion de la chair, mais le saint résiste à son l’autre, les différentes caractéristiques de que fait un geste d’allocution au moment
attrait en se jetant dans les orties, ce que l’image: la tradition iconographique dont où Noé vient lui apporter deux colombes
montre, dans les deux cas, la face latérale elle dépend, le contexte dans lequel elle et un agneau (fig. 2). On doit dès lors se
droite. Sur la face centrale, il répond au s’inscrit et ses différentes composantes. demander si les paroles prononcées cor-
tentateur avec un geste d’allocution, il Quelques exemples montreront l’impor- respondent à la promesse, à la bénédic-
porte un livre et, sur le chapiteau de l’a- tance de cette démarche mais aussi les tion ou à l’ensemble de ces paroles divi-
vant-nef, il se tient assis. Il est donc évi- difficultés qu’elle présente. Seront abordés nes. Dans la mesure où le sacrifice n’est
dent que, dans ces deux scènes, saint Be- successivement les contextes vétérotesta- pas achevé et que la dextre divine pointe
noît ne bénit pas le diable mais le chasse mentaires, néotestamentaires, liturgiques vers la tête de Noé, la première solution
avec des paroles, peut-être des paroles et théophaniques. Cette réflexion se con- serait à première vue la plus logique, mais
d’exorcisme, même si rien de tel n’est centrera sur des œuvres occidentales réa- rien n’interdit de penser que les paroles
mentionné dans la Vita. Il est possible lisées entre le V e et le XII e siècle et, pour prononcées sont aussi celles de la longue
également qu’il accomplisse un signe de les bénédictions mentionnées dans l’An- bénédiction. Il est possible également

23
MARCELLO ANGHEBEN

dimension liturgique de ce sujet en accor-


dant au Christ un geste susceptible d’évo-
quer la bénédiction eucharistique.
D’autant que, dans la tradition iconogra-
phique, c’est généralement la main divi-
ne qui agrée l’offrande d’Abel et que cet-
te main peut adopter des positions va-
riées: index et auriculaire tendus à Saint-
Vital, “bénédiction byzantine” à Sant’An-
gelo in Formis, main ouverte sur la porte
d’Hildesheim, à Saint-Gilles-du-Gard et
dans la première version de la peinture de
Saint-Savin, index et majeur tendus à
Ceri, dans le Latium 13 (fig. 4). Le cycle
vétérotestamentaire de Ceri, largement
emprunté au modèle de Saint-Pierre de
Rome, est particulièrement instructif
pour cette problématique car il montre
2. Saint-Savin-sur-Gartempe, ancienne église abbatiale, peintures de la nef, vers 1100, Sacrifice dans un même cadre le sacrifice des deux
de Noé. frères, le meurtre d’Abel et les reproches
de Dieu à Caïn 14. Or, ce panneau est do-
que ce geste ait été destiné à signifier l’ac- dans certains sacramentaires ou sur plu- miné par deux mains divines surgissant
ceptation du sacrifice ou à accentuer son sieurs autels portatifs, et séparément dans du ciel et pointant l’index et le majeur
caractère liturgique puisqu’il se déroule quantité d’espaces liturgiques 12. Ils ont respectivement dans la direction d’Abel
devant un autel, qu’il figure à proximité également été intégrés dans la nef de sacrifiant l’agneau et dans celle de Caïn
du maître-autel de l’église abbatiale et Saint-Savin mais pas dans le même secteur essuyant les reproches divins. Il va de soi
qu’il concerne, outre deux colombes, un et, surtout, à une distance considérable du que Dieu ne bénit pas le fratricide après
agneau dont l’image renvoie au sacrifice maître-autel, à la différence du Sacrifice de son forfait, de la même manière que saint
du Christ. C’est d’autant plus vraisem- Noé. On ne saurait dès lors affirmer que le Benoît ne bénit pas le diable tentateur à
blable que Noé est représenté agenouillé, concepteur a voulu mettre l’accent sur la Vézelay 15. Si l’on considère que la pre-
dans une attitude pouvant correspondre
à la prière, alors que la tradition icono-
graphique le montre debout 10.

Le Sacrifice de Caïn et Abel


Dieu accomplit le même geste dans la
scène du sacrifice de l’agneau par Abel,
figurée en amont dans la nef de Saint-Sa-
vin, alors que la Genèse ne mentionne
pas la moindre parole divine adressée à
Abel et encore moins une quelconque
bénédiction au sujet de cet épisode, ce
qui semble a priori étayer la lecture litur-
gique (fig. 3). Ce sacrifice appartient de
surcroît à la liste des trois paradigmes vé-
térotestamentaires mentionnés dans une
oraison du canon de la messe, le Supra
quae, au même titre que les sacrifices de
Melchisédech et d’Abraham 11. Ces trois
épisodes ont été figurés conjointement 3. Saint-Savin-sur-Gartempe, ancienne église abbatiale, peintures de la nef, vers 1100, Sacrifice
dans le chœur de Saint-Vital de Ravenne, de Caïn et Abel.

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LE GESTE D’ALLOCUTION

dans le pays que je te montrerai. Je ferai


naître de toi une grande nation; je te
bénirai et je rendrai ton nom célèbre. Tu
seras une bénédiction pour les autres. Je
bénirai ceux qui te béniront, mais je
maudirai ceux qui te maudiront. À tra-
vers toi, je bénirai toutes les nations de la
terre”» (Gn 12, 1-3) 17. À Saint-Savin, la
scène est traduite très simplement par un
face-à-face dans lequel une figure divine,
toujours christomorphique, effectue un
geste d’allocution de la dextre et tend sa
senestre ouverte dans la direction d’A-
braham, tandis que celui-ci semble ac-
cueillir ses paroles en ouvrant les deux
mains devant lui 18. Dans la mesure où le
passage illustré comporte essentiellement
la bénédiction octroyée par Dieu, on
peut être assuré que le geste de sa dextre
renvoie plus particulièrement à l’annon-
4. Ceri, Santa Maria Immacolata, peintures de la nef, vers 1100-1130, Sacrifice de Caïn et ce de ces faveurs. Il semble en revanche
Abel, le meurtre d’Abel et les reproches de Dieu à Caïn. dépourvu de toute résonance liturgique.

mière main divine bénit l’offrande d’A- Dans le sacrifice, parole et désignation La Bénédiction de Jacob par Isaac
bel, on doit en déduire que le même ge- semblent en revanche avoir été exprimées Pour clore ce bref aperçu des bénédic-
ste a reçu deux significations radicale- par les deux mains de Dieu. Dans cette tions vétérotestamentaires, il convient
ment différentes au sein du même pan- perspective, sa dextre se tournerait vers la d’évoquer un exemple dans lequel le lo-
neau. On pourrait également conjecturer tête d’Abel pour lui transmettre son hy- cuteur est un homme. Cet épisode, bien
que Dieu parle à Abel, même si ces paro- pothétique discours tandis que sa sene- connu, tourne entièrement autour de la
les ne sont pas mentionnées dans la stre ouverte se tournerait vers l’agneau bénédiction d’Isaac accordée à Jacob, le
Genèse, ou qu’il désigne simplement l’a- pour stipuler que ces paroles concernent cadet, au détriment d’Ésaü, à la suite
gneau pour marquer son approbation. l’objet de son sacrifice. Il se pourrait éga- d’un subterfuge imaginé par leur mère,
En dépit des contre-arguments envisagés, lement que la dextre accomplisse une Rebecca: «Il ne le reconnut pas parce que
ces trois significations – bénédiction, pa- bénédiction mais elle s’adresserait alors à ses mains étaient velues comme celles de
role et désignation – demeurent plausi- Abel et non à l’animal. Dans les sacrifices son frère Esaü. Et il le bénit» (Gn 27,
bles et elles ont même pu agir conjointe- d’Abel et de Noé, on peut donc hésiter 24). Puis il lui dit: «[Eh bien] sers-moi,
ment, mais il me paraît difficile de se entre des paroles prononcées – men- que je mange de ta chasse, mon fils, et
prononcer à ce sujet. tionnées dans la Genèse dans le second que mon âme te bénisse» (Gn 27, 25).
La situation est presque aussi complexe à cas mais pas dans le premier –, une béné- Après le repas, il lui adresse une bénédic-
Saint-Savin où, après le sacrifice des deux diction de type liturgique, une bénédic- tion plus longue dans laquelle il deman-
frères et le meurtre d’Abel, Dieu s’adres- tion divine et une combinaison de ces de à Dieu d’accorder ses bienfaits à son
se à Caïn en tendant vers lui une main différentes significations. fils: «Que Dieu te donne de la rosée du
ouverte tout en désignant du majeur et ciel et de la graisse de la terre, une abon-
de l’index la figure assassinée d’Abel de la La Bénédiction d’Abraham dance de froment et de mout! Que les
scène précédente. Le geste d’allocution peuples te servent, et que les nations se
sert donc clairement à désigner, mais ce Cet épisode constitue un autre exemple prosternent en ta présence! Sois le maître
n’est probablement pas son unique fonc- de bénédiction divine vétérotestamentai- de tes frères, et que se courbent devant
tion. Comme les reproches divins con- re. Il est d’autant plus important qu’il an- toi les fils de ta mère! Maudit soit qui te
cernent le fratricide, on peut supposer nonce la naissance du peuple hébreu: «Le maudira, et béni qui te bénira! À peine
qu’il évoque ces paroles et que son orien- Seigneur dit à Abram: “Quitte ton pays, Isaac eut-il achevé de bénir Jacob (…)»
tation vise à en préciser le contenu 16. ta parenté et la maison de ton père et va (Gen 27, 28-30) 19.

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MARCELLO ANGHEBEN

À nouveau, un peintre de Saint-Savin a Le Nouveau Testament les poissons que lui présentent ses disci-
traduit cette bénédiction par un geste Dans les Évangiles, le Père et surtout le ples 22. On doit donc en déduire que ce
d’allocution, effectué ici au-dessus de la Fils accordent leur bénédiction dans de geste a été considéré comme une béné-
tête d’Isaac 20 (fig. 5). À Ceri, ce geste se nombreux épisodes: Annonciation, Nais- diction. Sur un chapiteau de Saint-Nec-
dirige également vers Isaac mais les deux sance du Baptiste, Présentation au Tem- taire en revanche, le Christ tend l’index
protagonistes sont séparés par le grand ple, Entrée à Jérusalem, Ascension. Pour et le majeur vers un pain tenu par un
plat contenant deux chevreaux. À Saint- montrer la polyvalence du geste d’allocu- apôtre 23 (fig. 6). En plus de traduire une
Savin, Isaac palpe de la senestre la main tion, je me limiterai cependant aux deux bénédiction divine, ce geste évoque cer-
de son fils tandis que celui-ci lui tend le thèmes eucharistiques que sont la Multi- tainement celui qu’accomplit le prêtre au
plat que sa mère a préparé pour lui. Dans plication des pains et des poissons et la moment de la consécration car le chapi-
les deux cas, la scène se déroule donc Cène. teau se situe dans le rond-point, autre-
avant le repas et correspond dès lors à la ment dit à proximité du maître-autel. Les
première bénédiction. Aussi peut-on apôtres tiennent de surcroît une nappe à
supposer que le geste n’exprime que cet- La Multiplication des pains et des poissons l’horizontale comme si elle recouvrait
te bénédiction et non les paroles pro- Avec le miracle de Cana, celui-ci préfigu- une table et les pains sont marqués d’une
noncées après le repas. À l’inverse des re par ses deux objets – les pains et les croix, à l’instar de l’hostie. Il apparaît
gestes d’allocution mis en scène dans les poissons – le sacrifice eucharistique et, à donc assez clairement que, dans cette
deux sacrifices évoqués plus haut, ceux la différence du premier, il mobilise les composition, bénédiction divine et béné-
qui apparaissent dans les bénédictions mêmes gestes que la Cène, la bénédiction diction liturgique ont été intentionnelle-
d’Abraham et de Jacob peuvent donc être et la fraction: «Et cum iussisset turbam ment confondues.
interprétés avec certitude comme des ges- discumbere supra faenum acceptis quin-
tes de bénédiction biblique. Pour la que panibus et duobus piscibus aspiciens La Cène
bénédiction de Jacob, en particulier celle in caelum benedixit et fregit et dedit di-
de Ceri, on pourrait conjecturer l’exis- La transformation du pain et du vin en
scipulis panes discipuli autem turbis» 21
tence d’une dimension liturgique puis- (Mt 14, 19). La bénédiction constitue corps et sang du Christ s’est également
que la main bénissant se dresse au-dessus par conséquent un acte indispensable opérée par le biais d’une bénédiction:
d’un plat contenant un ou plusieurs ani- dans l’accomplissement du miracle. À «Cenantibus autem eis accepit Iesus pa-
maux, mais l’hypothèse demeure relati- Saint-Apollinaire-le-Neuf, le Christ nem et benedixit ac fregit deditque disci-
vement fragile. pulis suis et ait accipite et comedite hoc
étend ses mains ouvertes sur les pains et
est corpus meum» 24 (Mt 26, 26). Pour
la consécration du vin en revanche, le
Christ ne prononce pas une bénédiction
mais il rend grâce (Mt 26, 27; Mc 14,
23). Ces paroles sont encore plus liées à
l’eucharistie puisqu’elles en constituent
l’acte fondateur et qu’elles sont répétées
quotidiennement au moment du récit de
l’institution, si ce n’est que ce texte a
ajouté une bénédiction pour la consécra-
tion du vin 25. En prononçant ces deux
bénédictions, le prêtre doit effectuer un
signe de croix, de sorte que dans les re-
présentations de la Cène comme dans
celles de la messe, le geste d’allocution
peut être interprété dans ce sens 26.
S’agissant des représentations de la Cène
comportant ce geste, on peut citer les
exemples de Saint-Apollinaire-le-Neuf,
du Codex Purpureus de Rossano et de
Sant’Angelo in Formis (fig. 7). À Raven-
5. Saint-Savin-sur-Gartempe, ancienne église abbatiale, peintures de la nef, vers 1100, ne, ce geste ne correspond toutefois pas
Bénédiction de Jacob par Isaac. nécessairement à une bénédiction puis-

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LE GESTE D’ALLOCUTION

chargées de fortes résonances eucharisti-


ques – les Noces de Cana et la Multipli-
cation des pains –, ce qui suggère, com-
me pour les sacrifices d’Abel et de Noé,
une lecture polysémique du geste.
Dans l’évolution de l’iconographie du
dernier repas, la désignation de Judas
s’effectue de manière beaucoup plus ex-
plicite: soit le traître plonge la main dans
le plat, comme l’indiquent les Évangiles
synoptiques (Mt 26, 23; Mc 14, 20; Lc
22, 21), soit le Christ lui donne un mor-
ceau de pain, suivant alors l’Évangile de
Jean (Jn 13, 26) 28. À Sant’Angelo in For-
mis, Jésus fait un geste d’allocution dans
la direction de Judas qui plonge sa main
dans le plat, tandis que deux autres apô-
tres se tournent vers lui 29 (fig. 7). Il est
probable dès lors qu’il nomme celui qui
s’apprête à le trahir. Il se pourrait égale-
ment que le geste d’allocution orienté
vers Judas corresponde à une désigna-
tion, comme le suggère un argument dé-
terminant émanant de la scène du repas
6. Saint-Nectaire, chapiteau du rond-point, XII e siècle, Multiplication des pains et des de Béthanie qui a été représentée en
poissons. amont, juste avant l’Entrée à Jérusalem
qui précède directement la Cène.
Cette scène a été construite suivant un
que, comme on vient de le voir, le Christ de la scène. Il y a donc de fortes probabi- schème analogue à celui de la Cène dans
bénit les pains et les poissons en étendant lités pour que sur le panneau de la Cène, lequel le Christ est couché à l’extrémité
ses mains ouvertes à l’horizontale sur le le Christ adopte un geste de parole pour gauche de la table (fig. 8). Elle combine
panneau situé presque en face, sur la signifier qu’il désigne le traître. D’un au- en réalité le repas chez Simon et celui de
paroi opposée de la nef. Il pourrait au tre côté, ce panneau se trouve à proxi- Béthanie. Dans le premier récit, une pé-
contraire traduire l’ensemble des paroles mité de l’autel et en face de deux scènes cheresse, que les théologiens occidentaux
prononcées par le Christ à cette occasion
ou, plus vraisemblablement, les paroles
accusatrices adressées à Judas car saint
Pierre désigne ostensiblement ce dernier,
relégué à l’extrémité droite de la table, et
huit autres apôtres regardent avec insis-
tance dans sa direction 27. Cette lecture
est d’autant mieux fondée que le geste
adopté par le Christ se retrouve dans plu-
sieurs autres scènes néotestamentaires où
il accompagne des paroles dépourvues du
moindre rapport avec la bénédiction.
Ainsi, lorsqu’il annonce le triple renie-
ment de saint Pierre, ce geste ne suggère
naturellement pas que le Christ bénit ce-
lui qui va le trahir mais il matérialise sim-
plement ses paroles prophétiques, au mê-
me titre que le coq représenté au milieu 7. Sant’Angelo in Formis, ancienne église abbatiale, peintures de la nef, vers 1072-1087, La Cène.

27
MARCELLO ANGHEBEN

oraisons du canon de la messe 33. Il con-


vient de relever plus spécialement celles
du récit de l’institution puisque c’est à ce
moment-là qu’est située la conversion
des Saintes Espèces qui sera progressive-
ment qualifiée de transsubstantiation à
partir du milieu du XIIe siècle 34: l’offi-
ciant effectue à cette occasion le signe de
la croix sur le pain lorsqu’il prononce la
première prolatio – «manducate ex hoc
omnes, hoc est enim corpus meum» – et
sur le calice à la deuxième prolatio – «bi-
bite ex eo omnes, hic est enim calix san-
guinis mei» 35. Le cardinal Lothaire, qui
deviendra pape sous le nom d’Innocent
III, précise que le geste de bénédiction
doit être manifesté avec trois doigts car il
se fait sous l’invocation de la Trinité 36.
8. Sant’Angelo in Formis, ancienne église abbatiale, peintures de la nef, vers 1072-1087, Repas Dans l’iconographie, l’extension de l’in-
de Béthanie. dex et du majeur correspond parfois à un
signe de croix, comme le montrent trois
manuscrits hagiographiques. Dans les
ont confondue avec Marie de Magdala dédoublé la figure du Christ lui adressant
deux versions illustrées de la Vita de saint
et Marie de Béthanie, lave les pieds du des reproches en utilisant le geste d’allo-
Christ avec ses larmes (Lc 7, 36-50). cution. Et, dans la mesure où ce dernier Amand, les manuscrits 502 et 500 de la
Durant le repas de Béthanie en revanche, constitue l’un des gestes emblématiques Bibliothèque municipale de Valencienne,
Marie, la sœur de Lazare, oint avec du de la consécration eucharistique et qu’il le saint chasse un serpent monstrueux en
parfum de grande valeur non pas les est effectué au-dessus de pains et de cou- tendant ces deux doigts dans sa direction,
pieds mais la tête de Jésus, ce que critique pes, il est probable qu’il a également reçu et le texte précise qu’il a effectué un signe
aussitôt Judas qui prétexte hypocritement une dimension liturgique. Dans les deux de croix et ordonné à l’animal de retour-
que cette dépense aurait profité davanta- scènes, il aurait donc signifié concurrem- ner dans son antre 37. Dans la Vita de
ge aux pauvres (Jn 12, 1-8) 30. À Sant’An- ment l’accusation, la désignation et sans saint Aubin d’Angers, celui-ci guérit une
gelo in Formis, Marie lave les pieds de doute la bénédiction sacramentelle. Les femme souffrant d’une tumeur à l’œil en
Jésus, comme dans le premier récit, tandis peintures de Sant’Angelo in Formis l’exorcisant: campé hiératiquement en
que celui-ci s’adresse à Simon, assis en montrent en tout cas avec éloquence que habit d’évêque et tenant sa crosse dans la
face de lui, et peut-être dans le même même dans une scène à fortes résonances main gauche, il accomplit le geste d’allo-
temps à Judas, assis à même le sol, pour liturgiques, ce geste ne peut pas être mé- cution devant elle et au-dessus du diable
leur reprocher les paroles calomnieuses caniquement ni exclusivement rattaché à qui vient de s’en échapper. Cette attitude
qu’ils prononcent respectivement dans le la bénédiction. suggère qu’il effectue un signe de croix
premier et le second récit. On peut en tout en prononçant les paroles que la Vi-
tout cas être assuré qu’il s’adresse à ta lui attribue au moment où il s’adresse
Simon puisque l’inscription courant sur Les scènes liturgiques au diable 38. Dans les contextes particu-
le bandeau inférieur du panneau concerne Le sacrifice eucharistique liers d’une guérison miraculeuse et d’un
la pécheresse 31. exorcisme, le geste d’allocution peut
La participation de Judas et la présence Dans la liturgie, les formules de bénédic- donc correspondre à un signe de croix et
de cinq pains et de deux coupes sur la ta- tion sont extrêmement nombreuses 32. sans doute aux paroles qui l’accompa-
ble renvoient toutefois à la Cène et lais- Pour illustrer la manière dont elles peu- gnent, qu’elles soient rituelles ou adaptées
sent supposer une volonté de rattacher vent être figurées, je me limiterai à celles à une circonstance particulière comme
les deux épisodes. On aurait alors an- qui concernent le sacrifice eucharistique dans ces deux exemples. On peut dès lors
noncé la trahison de Judas à travers la re- et la dédicace de l’église. Un grand nom- envisager la même lecture pour les repré-
présentation du repas de Béthanie com- bre de bénédictions, parfois instaurées sentations de la messe.
binée avec celle du repas chez Simon, et tardivement, accompagnent six ou sept Lorsqu’il est représenté devant l’autel sur

28
LE GESTE D’ALLOCUTION

lequel reposent le calice et la patène, l’of- la bénédiction de l’église ou pour accuser ouverte tandis qu’à Müstair et dans un
ficiant adopte le plus souvent l’attitude la ritualité de la scène, comme une sorte grand nombre de compositions romanes
de l’orant ou celui de l’élévation. Quel- d’attribut destiné à caractériser l’offi- et gothiques, il la tourne vers le haut
quefois, il effectue le geste d’allocution ciant, mais aucune de ces solutions ne pour désigner le ciel en l’opposant à l’en-
au-dessus des Saintes Espèces, comme s’impose. Cet exemple montre donc que fer qu’il montre de l’autre main 47.
dans l’exemple extrêmement précoce de même dans un contexte aussi ritualisé Le geste d’allocution est en revanche om-
l’ivoire du sacramentaire de Drogon où que la consécration de l’église, le champ niprésent dans les Maiestates Domini et
l’évêque tend l’index et le majeur au-des- sémantique recouvert par le geste d’allo- dans les théophanies composites. Sou-
sus du calice posé sur l’autel 39. Les ma- cution demeure imprécis. vent, le Christ accompagne ce geste de
nuscrits hagiographiques évoqués précé- l’exposition d’un livre ouvert sur lequel
demment laissent entendre que dans ces Les théophanies se déploie une inscription. Exceptionnel-
compositions, l’officiant fait l’un des si- lement, cette inscription peut se référer à
gnes de croix accompagnant les oraisons Quel qu’en soit le support, les théopha- une bénédiction 48. Le portail de Con-
du canon et en particulier le récit de l’in- nies comportent généralement une figu- deissiat (Ain) en constitue un bel exem-
stitution 40. Cela signifierait que les béné- re du Christ effectuant un geste d’allocu- ple puisque le livre tenu par le Christ est
dictions de la consécration ont été con- tion. Dans les Ascensions, on pourrait manifestement fermé et anépigraphe,
sidérées comme le moment nodal du ca- estimer qu’il traduit fidèlement le seul tandis que la mandorle comporte une ins-
non 41. Il se pourrait également que ces passage lucanien consacré à cet épisode: cription indiquant que son occupant ré-
scènes aient été chargées d’une valeur «Eduxit autem eos foras in Bethaniam et side dans le ciel et bénit les fidèles: «Ain-
emblématique englobant l’ensemble du elevatis manibus suis benedixit eis» (Lc si, ô Christ, toi qui sièges dans le ciel, tu
rituel, ce qui impliquerait que le geste 24, 50). Ce passage stipule pourtant que nous bénis» 49. Non loin de là, sur le por-
d’allocution se réfère à toutes les paroles le Christ bénit ses apôtres en élevant les tail de Saint-Pierre de Vandeins, le Christ
prononcées par l’officiant au moment du deux mains, ce que ne manque pas de expose un livre fermé et sa mandorle ac-
canon. Il semble néanmoins que dans ce rappeler Lothaire. Lorsqu’il évoque le cueille une inscription mentionnant éga-
contexte, il se réfère principalement aux prêtre élevant les mains au moment où il lement une bénédiction: «Et que la maje-
bénédictions de la consécration. prononce l’ultime oraison de la messe, il sté du Seigneur bénisse cette demeure» 50.
compare en effet cette attitude à celle Le livre est pareillement fermé sur un
qu’a adoptée le Christ dans cet épisode 45. chapiteau de Saint-Isidore de León où
La dédicace Dans les représentations de l’Ascension, deux anges portent des phylactères dont
Dans les représentations de la cérémonie il est toutefois extrêmement rare que le l’inscription évoque la bénédiction pro-
de la dédicace, le geste d’allocution pose Christ lève symétriquement les deux diguée par le Christ: BENEDICAT
des problèmes d’interprétation plus ar- mains, comme au portail nord de la faça- NOS DOMINE DE SEDE MAIESTA-
dus. Au moment où l’évêque pénètre de occidentale de la nef de Vézelay 46. On TIS 51. Dans ces trois exemples, le geste
dans l’église qu’il doit consacrer par pourrait donc conjecturer que lorsqu’on d’allocution se réfère donc bien à une
exemple, il lève quelquefois l’index et le a attribué au Christ le geste d’allocution, bénédiction adressée au fidèle.
majeur alors que les pontificaux ne pré- c’était pour manifester la bénédiction Lorsque le livre est ouvert en revanche, je
voient aucune bénédiction 42. Aussi pour- qu’il a adressée à ses disciples en utilisant pense que le geste d’allocution matériali-
rait-on supposer que ce geste correspond une formule plus largement répandue se les paroles qu’il contient et que procla-
à l’une des oraisons prononcées par l’évê- que celle des deux mains levées et, par me le Christ qui se manifeste ainsi en
que devant la porte, au dialogue qu’il en- conséquent, plus facilement compréhen- tant que Verbe de Dieu 52. Cette qualité
gage avec un diacre qui lui répond depuis sible. On ne peut cependant pas en être est également exprimée par la présence
l’intérieur de l’édifice ou encore aux mots pleinement assuré. presque systématique des Vivants de l’A-
«Pax huic domui» qu’il énonce au mo- Le geste d’allocution pourrait également pocalypse. Ces êtres hybrides remplissent
ment où il pénètre dans l’église 43. Sicard se justifier pour les Jugements derniers probablement plusieurs fonctions au sein
de Crémone signale cependant qu’au puisque le Christ appellera alors les élus de ces théophanies: supporter ou assurer
seuil de l’église, l’évêque fait un signe de les «bénis de mon Père»: «Tunc dicet rex le déplacement de la gloire divine, adorer
croix avec le saint chrême 44. On peut his qui a dextris eius erunt venite bene- le Christ dans le cadre de la liturgie céle-
donc supposer que le geste d’allocution dicti Patris mei possidete paratum vobis ste en entonnant le sanctus ou encore
se rapporte à cette onction cruciforme ou regnum a constitutione mundi» (Mt 25, évoquer la lecture des Évangiles durant
aux paroles mentionnées dans les pontifi- 34). Le Juge n’adresse pourtant presque l’avant-messe 53. Si l’on ne peut que très
caux, à moins qu’il n’ait été attribué à jamais ce geste aux élus: à Saint-Apolli- rarement établir que ces fonctions multi-
l’évêque pour évoquer synthétiquement nare-le-Neuf, il tend vers eux sa dextre ples ont été envisagées par le concepteur,

29
MARCELLO ANGHEBEN

on peut être assuré qu’en tant que sym- Francfort –, mais elle a également été par un geste d’allocution. Contrastant
boles des évangélistes, les Vivants ren- destinée à montrer l’énoncé de la parole 54. fortement avec lui, le prophète ouvre la
voient au Verbe divin. C’est le cas notamment sur une miniatu- bouche de laquelle sortent trois lettres
Pour évoquer les paroles prononcées par re d’une Bible du XII e siècle conservée à «A». La hiérarchie entre les deux prota-
le Christ, on ne pouvait en aucun cas le Cambridge, très finement analysée par gonistes s’établit donc à la fois par la po-
représenter la bouche ouverte ou laissant Isabelle Toinet, qui illustre particulière- sition de la bouche – fermée vs ouverte –
s’échapper un phylactère car sa dignité ne ment bien le surcroît de déférence accor- et par le support de l’écriture – phylactè-
le permettait pas. La première formule a dée au Christ. Celui-ci s’adresse à Jéré- re vs absence de phylactère 55. Il semble
généralement été attribuée à des chan- mie pour lui apprendre qu’il l’avait choi- donc logique que pour les théophanies
teurs – le roi David entonnant les psau- si comme prophète avant sa naissance en christiques, on ait préféré matérialiser
mes ou des clercs célébrant la messe com- dirigeant vers lui un phylactère conte- l’expression de la parole par un livre et un
me sur les ivoires de Cambridge et de nant ces mots et appuyant son discours geste hiératique.

10. Modène, Cathédrale, frise de la Genèse, vers 1100-1110, Christ en


gloire.

9. Baouit, chapelle XLVI, V e-VII e siècles, Christ en gloire.

30
LE GESTE D’ALLOCUTION

Cette interprétation peut se fonder sur Formis où le Christ du cul-de-four tient s’interroger, pour chaque image envi-
un passage de la description de Sainte- un livre sur lequel sont écrits les mots de sagée, sur le champ sémantique dont il a
Sophie de Constantinople composée par Jean – EGO SUM ALFA ET O(MEGA) pu être investi en tenant compte des
Paul le Silentiaire au VI e siècle dans le- PRIM(US) ET NOVISSIMUS – et fait sources écrites, des composantes iconi-
quel il mentionne une pièce de tissu le même geste dit de la “bénédiction by- ques et du contexte.
parfois interprétée comme un ornement zantine” que celui qu’il accomplit dans la
du ciborium mais qui était certainement nef lorsqu’il adresse la parole à un ou plu- Marcello Angheben
destinée à l’autel: «Il semble que le sieurs interlocuteurs, comme dans le re- Université de Poitiers
Christ tende les doigts de sa main droite, pas de Béthanie dont il a été question Centre d’Études Supérieures de Civilisation
comme s’il annonçait la parole éternelle, plus haut 59. Cette interprétation du geste Médiévale
tandis que de la main gauche il tient le d’allocution est donc cohérente avec la marcello.angheben@univ-poitiers.fr
Livre qui enseigne la parole divine» 56. présence d’un livre dans ses mains, celle
Cette description ne permet pas d’établir des Vivants autour de lui et les scènes
avec certitude la nature du geste. Dans narratives de la nef. Les inscriptions de
les théophanies orientales contemporai- Condeissiat, de Vandeins et de León Notes
nes, la main du Christ adopte plusieurs montrent toutefois que l’on ne saurait
* Ces réflexions sur le geste d’allocution m’ont
positions pouvant correspondre à cette préjuger de la nature des paroles ex- été inspirées par Jean-Pierre Caillet à qui je
description: l’index et le majeur tendus primées par le geste d’allocution lorsque veux adresser ma reconnaissance et mon ami-
sur l’icône du Pantocrator de Sainte- les théophanies sont dépourvues d’in- tié. Je remercie également Valentino Pace, Juan
Catherine du Sinaï ou certaines absides scriptions. Antonio Olañeta et Jérôme Baschet pour les
de Baouit (fig. 9), la “bénédiction byzan- photos qu’ils ont très amicalement mises à ma
tine” dans la salle 20 de Baouit et la main Ces quelques réflexions montrent que le disposition.
ouverte à Hosios David de Thessaloni- geste d’allocution peut correspondre à 1) L. W. Jones - Ch. R. Morey, The miniatures
que 57. Il est donc probable que le Christ des réalités diverses et multiples: une of the manuscripts of Terence prior to the thir-
de Sainte-Sophie a adopté un geste d’al- bénédiction biblique émanant directe- teenth century, Princeton 1930-1931; J. C.
locution, quel qu’il soit. Dans cette hy- ment de Dieu ou transitant par un hom- Griffin, Pointing Gestures in Medieval Minia-
pothèse, ce texte établirait non seulement me, une bénédiction liturgique, un signe tures. A Study based on Illustrated Manuscripts
of the Terence Comedies, PhD, New York Uni-
le sens de ce geste dans le cadre d’une re- de croix à vocation thaumaturgique, un versity 1991 (cette étude extrêmement intéres-
présentation du Christ mais aussi la rela- exorcisme, une parole prononcée dans sante traite d’un geste analogue mais distinct);
tion qui l’unit au livre, support du Verbe une image narrative, une désignation ou M. Bernabò, Un repertorio di figure comiche del
divin. une évocation de la parole divine et, plus teatro antico dalle miniature dei saltieri bizanti-
Cette lecture peut également s’appuyer précisément, du Verbe de Dieu dans les ni a illustrazioni marginali, dans «Zograf» 30
sur une particularité de la frise de la théophanies. Et l’on a vu que plusieurs (2004-2005), p. 21-32, en particulier p. 27.
Genèse sculptée par Wiligelmo à la faça- sens pouvaient cohabiter au sein d’une 2) J.-Y. Leloup, L’icône: une école du regard,
de occidentale de la cathédrale de Modè- même image. Pour bien comprendre la Paris 2000, p. 28-9, a interprété le geste adopté
ne (fig. 10). Le Christ en gloire inscrit au richesse et la complexité de ce geste, il par le Christ dans les icônes byzantines comme
début de ce cycle pointe l’index et le aurait naturellement été souhaitable de une bénédiction mais, dans les exemples pro-
majeur vers les premiers mots du livre multiplier les exemples en abordant d’au- posés, l’auriculaire est replié.
qu’il maintient ouvert devant sa poitrine, tres thèmes iconographiques et en élar- 3) F. Garnier, Le langage de l’image au Moyen
attirant ainsi l’attention du spectateur sur gissant le corpus à l’ensemble de l’Occi- Âge. Signification et symbolique, Paris 1982;
les paroles qu’il a adressées à ses apôtres: dent latin et à toutes les périodes du Idem, Le langage de l’image au Moyen Âge, II,
LUX / EGO / SU(M) MU/NDI // VIA Moyen Âge, mais une approche de ce ty- Grammaire des gestes, Paris 1989.
VE/RAX / VITA PERE/NIS (Jn 8, 12; pe aurait largement débordé du cadre de
14, 6) 58. Ce geste semble donc destiné cet article. Et surtout, elle n’aurait pas 4) C. Frugoni, La voce delle immagini. Pillole
iconografiche dal Medioevo, Torino 2010, p. 67-
avant tout à désigner, mais il suggère pro- permis d’établir une grammaire du geste 86.
bablement aussi que le Christ réitère ce applicable à n’importe quelle œuvre. Les
discours à l’adresse des fidèles. exemples évoqués ont en effet montré 5) Grégoire le Grand, Dialogi, II, 2, dans A. de
Dans cette hypothèse, on pourrait inter- qu’il est rarement possible de déterminer Vogüé (éd.), Grégoire le Grand. Dialogues, Paris
préter de la même manière les nombreu- avec certitude sa ou ses significations, y 1979 (Sources chrétiennes 260), p. 136-9.
ses représentations théophaniques du compris dans des contextes qui semblent 6) M. Angheben, Les chapiteaux romans de
Verbe de Dieu tenant un livre ouvert. a priori extrêmement simples. La polyva- Bourgogne. Thèmes et programmes, Turnhout
C’est le cas par exemple à Sant’Angelo in lence du geste d’allocution oblige donc à 2003, p. 297-9.

31
MARCELLO ANGHEBEN

7) E. Mangenot, Bénédiction, dans Diction- 12) O. G. von Simson, Sacred Fortress. Byzan- 16) Pour le thème du sang d’Abel, voir von
naire de théologie catholique, vol. II, Paris 1910, tine Art and Statecraft in Ravenna, Princeton Erffa, Ikonologie der Genesis, vol. I, p. 375-9.
cols. 629-39; A. Molien, Bénédictions, dans 1987 [1ère éd. 1948], p. 25-31; R. Suntrup,
Dictionnaire de spiritualité ascétique et mysti- Präfigurationen des Meßopfers in Text und Bild, 17) «Dixit autem Dominus ad Abram
que. Doctrine et histoire, vol. I, Paris 1937, cols. dans «Frühmittelalterliche Studien» 18 (1984), “egredere de terra tua et de cognatione tua et
1361-7. p. 468-528; et M. Angheben, Sculpture roma- de domo patris tui in terram quam monstrabo
ne et liturgie, dans P. Piva (éd.), Art Médiéval. tibi, faciamque te in gentem magnam et
8) «Dieu bénit Noé et ses fils en leur disant: Les voies de l’espace liturgique, Paris 2010, benedicam tibi et magnificabo nomen tuum
“Multipliez-vous et peuplez toute la terre”» p. 131-78, en particulier p. 148-9. erisque benedictionem. Benedicam benedicen-
(Gn 9, 1). tibus tibi et maledicentibus tibi maledicam
13) À Saint-Savin, Dieu a, dans un premier atque in te benedicentur universae cognationes
9) J. Wettstein, La fresque romane. Études temps, été figuré sous la forme d’une main sur- terrae!”» (Gn 12, 1-3). On pourrait considérer
comparatives, vol. II, La route de Saint-Jacques, gissant d’une nuée, avant d’être remplacé par que la scène se rapporte à deux autres appari-
de Tours à León, Paris 1978, p. 97-108; J. Su- une figure christomorphique, cf. M.-F. de tions de Dieu à Abraham – au chêne de Moré
reda, La pintura románica en España, Madrid Christen, La technique des peintures de la tour- (Gn 12, 7) ou au retour d’Égypte (Gn 13, 4) –
1995, p. 304; et G. F. Somoza, Pintura porche et de la nef: couleurs, tracés, repentirs et ou encore à l’ensemble de ces trois apparitions,
románica en el Poitou, Aragón y Cataluña: la restaurations, dans Favreau (éd.), Saint-Savin, mais cela paraît peu vraisemblable.
itinerancia de un estilo, Murcia 2004, p. 111. p. 149-65, en particulier p. 156-7; M. Anghe-
ben, Saint-Savin-sur-Gartempe, nouvelles re- 18) Cette scène n’a fait l’objet que de men-
10) M. Angheben, L’apport des relevés strati- cherches: problématique et méthode, dans Cou- tions extrêmement brèves, I. Yoshikawa,
graphiques à Saint-Savin-sur-Gartempe, dans leurs et lumière à l’époque romane. Colloques Compte-rendu préliminaire de la Mission d’Étu-
«In Situ» 2013 (publication en ligne imminen- d’Issoire 2005-2007, Clermont-Ferrand 2011 des des Monuments d’Art médiéval en France. II.
te). Voir également Y. Labande-Mailfert, Le cy- (Revue d’Auvergne), p. 197-225; et C. Sarra- Peintures de l’église de Saint-Savin-sur-Gartem-
cle de l’Ancien Testament à Saint-Savin, dans de, Les relevés archéographiques des peintures de pe II, Tokai (Japon) 1974, p. 24-5; Idem, Pein-
«Revue d’histoire de la spiritualité» 50 (1974), la nef de Saint-Savin, dans «Revue d’Auvergne» tures de l’église de Saint-Savin-sur-Gartempe,
p. 369-96, en particulier p. 385, 392; G. Hen- (2013) (sous presse). Voir également Hender- Tokyo 1982, p. 15, 24; et Christe, Les peintu-
derson, The Sources of the Genesis Cycle at son, The Sources of the Genesis Cycle, p. 18-21. res murales, p. 28. Pour l’iconographie de ce
Saint-Savin-sur-Gartempe, dans «Journal of the Pour l’iconographie du sacrifice de Caïn et sujet, voir von Erffa, Ikonologie der Genesis, vol.
British Archaeological Association» 26 (1963), Abel, voir H. M. von Erffa, Ikonologie der Ge- II, p. 55-6.
p. 11-26, en particulier p. 22-3; et Y. Christe, nesis. Die christlichen Bildthemen aus dem Alten
Testament un ihre Quellen, München 1989, 19) «Ait tu es filius meus Esau? respondit ego
Les peintures murales. Les sources iconographi- vol. I, p. 357-67. sum, at ille offer inquit mihi cibos de vena-
ques: porche, tribune, nef, transept et chœur, tione tua fili mi ut benedicat tibi anima mea
crypte, dans R. Favreau (éd.), Saint-Savin. 14) N. M. Zchomelidse, Santa Maria Imma- quos cum oblatos comedisset obtulit ei etiam
L’abbaye et ses peintures murales, Poitiers 1999, colata in Ceri. Pittura sacra al tempo della vinum quo hausto, dixit ad eum accede ad me
p. 99-145, en particulier p. 125, pour qui la Riforma Gregoriana, Sakrale Malerei im Zeital- et da mihi osculum fili mi, accessit et osculatus
sortie de l’arche se confond avec la bénédiction ter der Gregorianischen Reform, Rome 1996, est eum statimque ut sensit vestimentorum il-
accordée par Dieu à la famille de Noé. Cette p. 59-60. Pour les rapports entre ces peintures lius flagrantiam benedicens ait ecce odor filii
hypothèse est séduisante mais elle suppose que et celles de Saint-Pierre de Rome, voir H. L. mei sicut odor agri cui benedixit Dominus, det
la bénédiction est intervenue avant le sacrifice Kessler, Studies in Pictorial Narrative, London tibi Deus de rore caeli et de pinguedine terrae
et inverse, par conséquent, l’ordre des événe- 1994, p. 403-4 et p. 460. abundantiam frumenti et vini, et serviant tibi
ments décrits dans la Genèse. On rencontre populi et adorent te tribus esto dominus
des représentations de Noé debout au moment 15) On pourrait considérer que la scène se fratrum tuorum et incurventur ante te filii ma-
du sacrifice dans les Octateuques byzantins, cf. réfère à la fin du dialogue, lorsque Dieu accor- tris tuae qui maledixerit tibi sit maledictus et
K. Weitzmann - M. Bernabò, The Byzantine de à Caïn le signe de sa protection (Gn 4, 15), qui benedixerit benedictionibus repleatur»
Octateuchs, Princeton 1999, vol. I, p. 55; dans mais cela me semble peu probable. Pour expri- (Gn 27, 24-30).
la Genèse de Caedmon, cf. Th. H. Ohlgren mer cette protection, Wiligelmo a montré, sur
(éd.), Insular and Anglo-Saxon Illuminated la frise de la façade de la cathédrale de Modè- 20) Labande-Mailfert, Le cycle de l’Ancien Tes-
Manuscripts. An Iconographic Catalogue, ne, la figure divine posant sa dextre sur l’épau- tament, p. 388-9.
c. A.D. 625 to 1100, New York-London 1986, le du fratricide. Dans l’immense littérature
p. 218; et sur un ivoire de la cathédrale de Sa- concernant les reliefs de Wiligelmo, voir no- 21) «Il prit les cinq pains et les deux poissons,
lerne, cf. F. Bologna (éd.), L’enigma degli avori tamment F. Gandolfo, Note per una interpreta- et, les yeux levés au ciel, il prononça une béné-
medievali da Amalfi a Salerno, Napoli 2008, zione iconologica delle Storie del Genesi di Wili- diction. Rompant ensuite les pains, il les ten-
vol. II, p. 292-4. gelmo, dans C. A. Quintavalle (éd.), Romanico dit à ses disciples, qui les distribuèrent au peu-
padano. Romanico europeo, Parma 1982, ple». Les autres Évangiles synoptiques utilisent
11) Sacramentaire grégorien, Ordo I, 12, dans p. 323-37, en particulier p. 324; C. Frugoni, pratiquement les mêmes termes: Mc 6, 41, Mc
J. Deshusses (éd.), Le sacramentaire grégorien. Wiligelmo. Le sculture del Duomo di Modena, 8, 7 et Lc 9, 16.
Ses principales formes d’après les plus anciens Modena 1996, p. 23; et D. F. Glass, The Sculp-
manuscrits, vol. I: Le sacramentaire, le supplé- ture of Reform in North Italy, ca 1095-1130. 22) F. W. Deichmann, Ravenna, Hauptstadt
ment d’Aniane, Fribourg 1971 (Spicilegium History and Patronage of Romanesque Façades, des spätantiken Abenlandes, vol. I: Geschichte
friburgense, 16), p. 89. Farnham-Burlington 2010, p. 167. und Monumente, Wiesbaden 1969, p. 177.

32
LE GESTE D’ALLOCUTION

23) Z. Świechowski, Sculpture romane d’Au- P.-A. Mariaux, Warmond d’Ivrée et ses images: un ivoire de Francfort (Liebighaus), cf. J.-M.
vergne, Clermont-Ferrand 1973, p. 75-109; J. politique et création iconographique autour de Hanssens, Une pseudo-concélébration presbyté-
Wirth, L’image à l’époque romane, Paris 1999, l’an Mil, Berne 2002; A. Prescott, The Bene- rale de la messe, dans «Recherches de Science
p. 241; et M.-L. Bertolino, Les thèmes icono- dictional of Saint Æthelwold: a Masterpiece of religieuse» 55 (1967), p. 393-412; E.-M.
graphiques romans sculptés dans l’ancien diocèse Anglo-Saxon Art, London 2002; et E. A. Gatti, Knop, Der Liturgiker als Liturge. Zu den Elfen-
de Clermont au XII e siècle, dans «Recherches en Building the Body of the Church: a Bishop’s Bles- beintafeln mit Darstellungen der Messfeier in
Histoire de l’art» 5 (2006), p. 7-25, en parti- sing in the Benedictional of Engilmar of Paren- Cambridge und Frankfurt, dans «Ecclesia
culier p. 20. zo, dans J. S. Ott - A. T. Jones (éd.), The Bi- Orans » 7 (1990), p. 23-42; et U. Surmann,
shop Reformed. Studies of Episcopal Power and Studien zur ottonischen Elfenbeinplastik in
24) «Pendant le repas, Jésus prit du pain, il Culture in the Central Middle Ages, Aldershot Metz und Trier. Nordenfalks Sakramentar- und
prononça une bénédiction, le rompit, et le 2007, p. 92-121. Envangeliargruppe, Witterschlick-Bonn 1990,
donna à ses disciples en disant: “Prenez et p. 22-103; sur un ivoire du Louvre (MR 368),
mangez, ceci est mon corps”». On retrouve les 33) R. Suntrup, Die Bedeutung der liturgi- cf. A. Goldschmidt, Die Elfenbeinskulpturen
mêmes propos dans Mc 14, 22. schen Gebärden und Bewegungen in lateinischen aus der Zeit der karolingischen und sächsischen
und deutschen Auslegungen des 9. bis 13. Jahr- Kaiser. VIII.-XI. Jahrhundert, Berlin 1969-
25) Sacramentaire grégorien, I, 9, dans De- hunderts, München 1978, p. 267-84. 1970 [1ère éd. 1914-1923], vol. I, p. 70-1, fig.
shusses (éd.), Le sacramentaire grégorien, p. 89. 144: IXe-Xe siècles; et sur une peinture de
Voir également J.-A. Jungmann, Missarum sol- 34) Voir par exemple Lothaire (le futur Inno- Saint-Clément de Rome figurant la messe du
lemnia. Explication génétique de la Messe ro- cent III), De sacro altaris mysterio, V, 14, dans saint éponyme, cf. S. Romano, Le pareti e i pi-
maine, Paris 1956-1958, vol. III, p. 111-8. J.-P. Migne (éd.), Patrologia latina, vol. 217, lastri con storie di san Clemente e sant’Alessio
col. 896 A. L’instant précis de la transsubstan- nella chiesa inferiore di San Clemente, dans S.
26) Ibidem, vol. III, p. 119. tiation a cependant été situé à différents mo- Romano (éd.), Riforma e tradizione: 1050-
ments du canon, cf. Jungmann, Missarum sol- 1198, Milano-Turnhout 2006 (La Pittura
27) C’est l’opinion de Deichmann, cf. Deich- lemnia, vol. III, p. 105-6; H. Jorissen, Die Ent- medievale a Roma: 312-1431, Corpus IV),
mann, Ravenna, p. 183. Von Simson a soute- faltung der Transsubstantiationslehre bis zum p. 129-50, en particulier p. 138-40.
nu une interprétation eucharistique de la Cè- Beginn der Hochscholastik, Aschendorff 1965;
ne, du miracle de Cana et de la Multiplication et J.-C. Schmitt, La raison des gestes dans l’Oc- 41) C’est ce que montre très clairement une
des pains et des poissons, cf. von Simson, Sa- cident médiéval, Paris 1990, p. 346-8. miniature allemande (Berlin Dahlem Mu-
cred Fortress, p. 76. seum, Kupferstichkabinett, Catalogue Praum
35) Suntrup, Die Bedeutung, p. 276. Voir en Wescher n. 63) remarquablement analysée par
28) Voir notamment, G. Schiller, Ikonographie particulier Lothaire, De sacro altaris mysterio, Jean-Claude Schmitt sur laquelle le Christ ap-
der christlichen Kunst, Gütersloh 1966-1991, III, 12, et V, 14, dans Migne (éd.), Patrologia paraît dans le ciel pour bénir le pain en même
vol. II, p. 35-51; et D. Rigaux, À la table du latina, vol. 217, cols 851 A-C et 896 A. temps que le prêtre, cf. Schmitt, La raison des
Seigneur: l’Eucharistie chez les Primitifs italiens, gestes, p. 348-50.
1250-1497, Paris 1989. 36) Ibidem [II, 45], col. 825 C-D.
42) Palazzo, L’évêque, p. 322-4 et fig. 17,
29) H. Toubert, Un art dirigé. Réforme grégo- 37) Bibliothèque Municipale de Valencienne, 90bis, 93, 94 et 95. Certaines de ces illustra-
rienne et Iconographie, Paris 1990, p. 159-66. ms 502, fol. 7r et ms 500, fol. 54v, cf. B. tions concernent toutefois le rituel de la récon-
Abou-el-Haj, The Medieval Cult of Saints. For- ciliation de l’église.
30) Pour le personnage de Marie Madeleine, mations and Transformations, Cambridge
voir V. Saxer, Le culte de Marie Madeleine en 1994, p. 166-7. 43) Pour ce passage du rituel, voir C. Vogel -
Occident. Des origines à la fin du Moyen Âge, R. Elze, Le pontifical romano-germanique du
Auxerre-Paris 1959; et V. Ortenberg - D. Io- 38) Paris, Bibliothèque Nationale de France, dixième siècle, Città del Vaticano 1963, vol. I,
gna-Prat, Genèse du culte de la Madeleine ms n.a.l. 1390, fol. 1r, cf. M. E. Carrasco, So- p. 82-3 et p. 92-5 (Ordo XXXIII); et M. An-
(VIII e-XI e siècle), dans «Mélanges de l’École me Illustrations of the Life of St Aubin (Albinus) drieu, Le pontifical romain au Moyen Âge, vol.
française de Rome, Moyen Âge» 104 (1991), of Angers (Paris, Bibliothèque Nationale, Ms I: Le pontifical romain du XIIe siècle, Città del
p. 9-11. Voir également les autres articles réu- N.A.L. 1390) and related Works, PhD, Yale Vaticano 1938, p. 178-80 (Ordo XVII). Pour
nis dans cette publication. University 1981, p. 53-62. le rituel de la dédicace, voir également D.
Méhu (éd.), Mises en scène et mémoires de la
31) J. Wettstein, Sant’Angelo in Formis et la 39) R. E. Reynolds, Image and Text: A Ca- consécration de l’église dans l’Occident médiéval,
peinture médiévale en Campanie, Genève 1960, rolingian Illustration of Modifications in the Turnhout 2007.
p. 47 (qui considère très justement que Jésus Early Roman Eucharistic Ordines, dans «Viator»
s’adresse à Simon en levant la main droite); et 14 (1983), p. 59-75, en particulier p. 66, 73. 44) Sicard de Crémone, Mitrale, I, 8, dans G.
C. I. Minott, The Iconography of the Frescoes of Sarbak - L. Weinrich (éd.), Sicardi Cremonen-
the Life of Christ in the Church of Sant’Angelo 40) Voir à ce sujet les figures reproduites dans sis episcopi Mitralis de officiis, Turnhout 2008
in Formis, PhD, Princeton University 1967, Schmitt, La raison des gestes, p. 330-353; et É. (Corpus christianorum. Continuatio mediae-
p. 142-4. Palazzo, L’évêque et son image. L’illustration du valis, 228), p. 35. Voir également Suntrup, Die
Pontifical au Moyen Âge, Turnhout 1999, fig. Bedeutung, p. 292.
32) Pour l’iconographie des bénédictions li- 26 (l’officiant prend le calice), fig. 43 et 49 (at-
turgiques, voir par exemple R. Deshman, The titude de l’orant), et fig. 84 (mains sur l’au- 45) Lothaire, De sacro altaris mysterio, VI, 11,
Benedictional of Æthelwold, Princeton 1995; tel?). L’officiant adopte l’attitude de l’orant sur dans PL, vol. 217, col. 912 B.

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MARCELLO ANGHEBEN

46) Voir par exemple F. Salet, Cluny et Véze- 53) M. Angheben, Apocalypse et liturgie: le cas Early Churches of Constantinople: Architecture
lay. L’œuvre des sculpteurs, Paris 1995, p. 108-9. des absides romanes, dans R. E. Guglielmetti and Liturgy, University Park-London 1971,
(éd.), L’Apocalisse nel Medioevo, Firenze 2011, p. 165-7; Ph. Verdier, Dominus potens in praelio,
47) Pour l’iconographie des Jugements der- p. 329-50. dans «Wallraf-Richartz-Jahrbuch» 43 (1982),
niers, voir B. Brenk, Tradition und Neuerung p. 35-106, en particulier p. 45; R. J. Mainsto-
in der christlichen Kunst des ersten Jahrtausends. 54) Pour les représentations du roi David, ne, Hagia Sophia: Architecture, Structure and
Studien zur Geschichte des Weltgerichtsbildes, voir I. Toinet, La parole incarnée: voir la parole Liturgy of Justinian’s Great Church, London
Wien 1966 (Wiener byzantinische Studien, 3); dans les images des XI e et XIII e siècles, dans «Me- 1997, p. 222 ; et Fobelli, Un tempio per Giu-
Y. Christe, Jugements derniers, Saint-Léger- dievales» 22-23 (1992), p. 13-30, qui s’est ap- stiniano, p. 158-60.
Vauban 1999; V. Pace (éd.), Alfa e Omega, Il puyée principalement sur des exemples issus
Giudizio Universale tra Oriente e Occidente. X- du Psautier de Saint-Alban. Pour ce manuscrit, 57) J. Clédat, Le monastère et la nécropole de
XIV secolo, testo di M. Angheben, Milano où le psalmiste a souvent la bouche ouverte, Baouit, vol. I, Le Caire 1904; J. Maspero,
2006; et M. Angheben, D’un jugement à l’au- voir également O. Pächt et alii, The St. Albans Fouilles exécutées à Baouit, 2 voll., Le Caire
tre. La représentation du jugement immédiat Psalter (Albani Psalter), London 1960. Pour 1931 et 1943; C. Ihm, Die Programme der
dans les Jugements derniers français: 1100-1250, l’interprétation des bouches ouvertes sur les christlichen Apsismalerei vom vierten Jahrhundert
Turnhout 2013 (sous presse). ivoires de Cambridge et de Francfort, voir, en bis zur mitte des achten Jahrhunderts, Wiesba-
plus des études mentionnées plus haut, É. Pa- den 1960, p. 182-4, 200; K. Weitzmann, The
48) On peut citer à cet égard les peintures du lazzo, Le Visible, l’Invisible et les cinq sens dans Monastery of Saint Catherine at Mount Sinai:
cul-de-four de Frétigny (Eur-et-Loir) datées du le haut Moyen Âge. À propos de l’iconographie de the Icons, vol. I: From the Sixth to the Tenth
XIIIe siècle, même si elles sont plus tardives l’ivoire de Francfort, dans S. D. Daussy et alii Century, Princeton 1976, p. 13-5; J.-M. Spie-
que les exemples envisagés ici. Je remercie très (éd.), Matérialité et immatérialité dans l’Église ser, Thessalonique et ses monuments du IV e au
chaleureusement Vincent Debiais pour cette au Moyen Âge, Bucarest 2012, p. 11-38, en VIe siècle. Contribution à l’étude d’une ville
précieuse information. Pour la question des particulier p. 23-4. Schmitt, La raison des ges- paléochrétienne, Athènes-Paris 1984, p. 157-
inscriptions associées aux théophanies, voir R. tes, p. 154-62, a examiné très attentivement 64; et A. Iacobini, Visioni dipinte. Immagini
Favreau, Le thème épigraphique de la porte, dans une série de représentations de combats entre
«Cahiers de civilisation médiévale» 34 (1991), della contemplazione negli affreschi di Bāwı̄t,
p. 267-79; et V. Debiais, Au-delà de l’efficacité. béatitudes et malédictions dans lesquelles la Roma 2000.
Figurer les paroles de Dieu et du Christ dans les parole est matérialisée par des sorte de flûtes
images monumentales romanes, dans «Cahiers qui se terminent par des têtes animales, cf. Li- 58) A. Campana, Le testimonianze delle iscri-
de Fanjeaux» 47 (2013) (sous presse). vre de prière dit de Hildegarde de Bingen; Mu- zioni, dans Lanfranco e Wiligelmo. Il duomo di
nich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 935, Modena, Modena 1984, p. 363-403, en parti-
49) R. Favreau - J. Michaud - B. Mora, Cor- fol. 32v-39v. Cette façon de matérialiser la pa- culier p. 383.
pus des inscriptions de la France médiévale, vol. role demeure toutefois exceptionnelle et n’au-
17: Ain, Isère (sauf Vienne), Rhône, Savoie, rait en tout cas pas pu être appliquée au Christ. 59) Pour les peintures de l’abside et l’inscrip-
Haute-Savoie, Poitiers 1994, p. 5-6. tion, voir Wettstein, Sant’Angelo in Formis,
55) Toinet, La parole incarnée, p. 23-5. Elle p. 31-2; Eadem, La fresque romane. Études com-
50) Ibidem, p. 21-2 ; et C. Treffort, Paroles ins- n’a cependant pas donné le numéro de ce ma- paratives, vol. I: Italie - France - Espagne, Paris
crites. À la découverte des sources épigraphiques nuscrit (Cambridge, Corpus Christi College, 1971, p. 67; G. Gunhouse, The Fresco decora-
latines du Moyen Âge (VIII e-XIII e siècle), Ros- fol. 196). Cet auteur a également examiné les tion of Sant’Angelo in Formis, Ph.D., The Johns
ny-sous-Bois 2008, p. 105-12, dont j’ai repris représentations de la parole sous forme de Hopkins University 1992, p. 147-53; et G. M.
la traduction. mots sortant de la bouche. Jacobitti - S. Abita, La basilica benedettina di
Sant’Angelo in Formis, Napoli 1992, p. 50. Il
51) Chapiteau n. 92, cf. M. Durliat, La sculp- 56) Le texte a été édité et traduit en italien par faut toutefois relever que, dans le cycle néotes-
ture romane de la route de Saint-Jacques. De M. L. Fobelli, Un tempio per Giustiniano. San- tamentaire de Sant’Angelo in Formis, le Christ
Conques à Compostelle, Mont-de-Marsan ta Sofia di Costantinopoli e la “Descrizione” di adopte souvent d’autres gestes, comme celui de
1990, p. 371. Paolo Silenziario, Roma 2005, p. 82-3 (lignes la main ouverte, pour s’adresser à autrui et que
776-8). Pour l’interprétation de ce texte com- quand il utilise celui de l’allocution, il concer-
52) C’est également l’opinion de Frugoni, La me une évocation d’un tissu décorant l’autel et ne généralement des paroles de reproches ou
voce delle immagini, p. 79-83. non pas le ciborium, voir T. F. Mathews, The d’admonestation.

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