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L’ENFANT
DE SABLE
Edition POINTS
Roman en texte intégral
1985
Sommaire
Un écrivain fouille sa société, va dans ses plis les plus secrets et dans « ses lieux les
moins fréquentés», estime l'écrivain marocain Tahar Ben Jelloun. À travers une
trentaine d'ouvrages, il raconte l'exil, la quête d'identité et la solitude.
En 1971, Tahar Ben Jelloun quitte le Maroc pour la France. Il souhaite alors
poursuivre ses études supérieures, continuer à écrire et surtout, se sentir libre. À
l'époque, le Maroc vit des jours difficiles: le général Oufkir s'apprête à renverser le roi
Hassan II. «Il m'a fallu beaucoup de temps pour avoir une relation sereine avec mon
pays», témoigne-t-il. Lors de ses premières années en France, Tahar Ben Jelloun
connaît alors la solitude propre à l'exil, un «sentiment universel» qu'il racontera dans
plusieurs de ses livres.
Écrivain humaniste Tahar Ben Jelloun, toujours installé en France, est resté très
sensible à la solitude des autres. Il la sent et la repère. D'après lui, la différence
dérange encore dans son pays d'adoption. «La France n'a pas encore de politique
réelle d'intégration», dénonce celui qui a traité du sujet il y a une quinzaine d'années
dans Hospitalité française. Depuis toujours, l'auteur s'est donné la mission de mettre
au jour les failles de la société.
B- Repérer le genre littéraire : roman
En 1985, le roman « l’enfant de sable » est publié sous la forme d’un conte à travers
lequel on progresse en passant des portes.
En 1987: il publie « La nuit sacrée », récipiendaire du prix Goncourt. Comme dans
plusieurs autres ouvrages, il y aborde le fossé terrible entre les hommes et les femmes
marocains.
– Chap. 1- Homme.
C’est la porte qui rassemble, pour le repos du corps, pour le recueillement de l’âme et
pour la célébration de jour. Cette porte ne laisse passer que le bonheur. Les festivités
du baptême durent des jours, apportant la reconnaissance sociale de toute une famille
aux yeux de la société locale. Cette naissance mâle implique la fin d’une malédiction
posée sur la famille par la société et le début d’une hérésie secrète. Le père est
présenté enfin dans son identité complète : Hadj Ahmed Souleïmanne, potier, père de
Mohamed Ahmed.
Tout continue à se dérouler sans accroc, le secret ne semble pas poser de problème
jusqu’au moment de la circoncision. Le père trouve la solution en mettant son doigt à
la place du sexe présumé, le sang coule : la cérémonie se déroule sans soucis. Le père
est ainsi reconnu comme tel, puissant, déterminé et incontesté.
L’enfant est élevé comme un homme : selon la loi du père qui se charge
personnellement de son éducation. Ses cheveux sont coupés tous les mois, et il va à
l’école privée coranique pour garçon. Au hammam, c’est le premier endroit où
l’enfant découvre le monde des femmes, il s’y ennuie et préfère le bain avec son père
qui est plus rapide
Ahmed apparaît comme narrateur de son histoire, elle-même lue par le conteur. Il est
soulagé de ne pas appartenir à ce monde de femmes même si sa poitrine est bandée à
l’étouffer par sa mère pour empêcher l’apparition des seins : « Je savais que je ne
serais jamais comme elles ; je ne pouvais pas être comme elles… C’était pour moi
une dégénérescence inadmissible ». Les femmes : leur vie lui semble réduite à peu de
choses : la cuisine, le ménage, l’attente, et une fois par semaine le repos au Hammam.
Le hammam des hommes lui fût réservé quand les femmes estimèrent qu’il était trop
grand pour rester avec elles. Chez les hommes la toilette est plus rapide, ils se mettent
dans un coin pour se raser le sexe puis partent.
Au travail son père le présente comme l’héritier et il a accès à la mosquée où seuls les
hommes sont admis. Les prières sont le prétexte à toutes ses rêveries, il peut enfin
libérer son esprit. Toutes ses attitudes féminines sont réprimées par son père, puis par
lui.
C’est la porte de l’adolescence. Ahmed laisse ici le lecteur deviner sa vie. Plusieurs
versions sont rapportées par le conteur, l’un croit qu’il s’est plié aux vœux du père car
« il a vite compris que cette société préfère les hommes aux femmes » ; un autre pense
qu’il a appris à se comporter en homme, à se battre, à battre ses sœurs ; un dernier
imagine qu’il finit dans un asile de fous.
Après de nombreuses pages blanches Ahmed annonce son état dépressif lié au
désaccord entre son corps et son âme. Le poids de la vérité est trop dur à porter, le
reflet du miroir ne peut être affronté. La voix trahit aussi l’esprit et rejoint le corps,
pour la contrôler, cela implique aussi la totale maîtrise de ses émotions. Son cycle
menstruel lui rappelle périodiquement son double état et les seins finalement ne
poussent pas. Ainsi, il se sent lui et un autre.
Ahmed finit par se résoudre à vivre dans le maintient de son apparence, il n’est plus
une volonté du père, mais sa propre volonté.
C’est une porte minuscule que l’on utilise pour sortir, en fait ce sont des fausses
entrées. Ahmed a 20 ans, il est cultivé, et son avenir interroge. Il rappelle à son père
qu’aucun des deux n’est dupe mais « un musulman complet est un homme marié ».
Pour lui la seule solution qu’il voit pour ne pas tomber dans le précipice de sa vie est
le mariage. Aussi il choisit une cousine, Fatima, malade car épileptique, et handicapée
car boiteuse.
Ahmed est devenu autoritaire, efficace, moderne, cynique, excellent négociateur,
secret, redoutable au point d’être craint et n’avoir aucun amis. Il impose à sa mère son
autorité, sa méchanceté, il sème sa malédiction autour de lui. La mère est confrontée
au machiavélisme de son fils qui lui renvoie son image et le silence des femmes. Elle
pense qu’il est devenu fou, un monstre destructeur et violent.
Les rêves commencent à apparaître. Il est tiraillé entre sa liberté apparente et la prison
de son corps, il a peur de tout, une angoisse permanente que son secret ne soit percé.
Il se demande qui il est. Ces tiraillements lui font croire que la mort serait rassurante
et sécurisante. « Je vis des deux côtés du miroir » et personne ne semble avoir de
réponses à ses questions. Il se considère au-dessus du mal et pourtant il cherche à être
rejeté, abandonné.
En même temps que les rêves, une étrange correspondance commence à s’établir avec
une personne inconnue à qui il parle de ses angoisses. Cette correspondance s’arrêtera
momentanément avec la mort du père. Le décès du père implique les problèmes
d’héritage de patrimoine, d’autorité et de pouvoirs.
– Chap. 6- La porte oubliée.
Ce sont les portes faites dans la brèche de la muraille, les ouvertures oubliées. Le père
est mort. Ahmed prend sa suite et gère les affaires familiales d’une main de fer. Il
soumet ses sœurs, sa femme et sa mère a son autorité sous prétexte qu’en tant que
femmes silencieuses, elles ont choisi l’obéissance aveugle et la soumission. Sa secrète
correspondance montre qu’en même temps qu’il martyrise les femmes de sa maison,
il craint un châtiment divin.
La version de l’histoire de Fatima (sa femme) et Ahmed vient du témoignage du beau-
frère d’Ahmed. Les pères respectifs des mariés étaient frères, la mésentente entre eux
était établie. Aussi la demande de Fatima en mariage est accueillie avec méfiance. Or,
cela semble être la seule occasion pour cette pauvre fille de se marier un jour, aussi le
père de la promise ne consent à cette union qu’après l’avoir consultée. Elle donne son
accord. Ainsi, ils ont pu vivre en dehors des deux familles selon la volonté du mari et
Fatima n’avait le droit de sortir que pour aller aux bains et à l’hôpital.
Suite à la mort de Fatima, Ahmed délègue toutes ses affaires et se retire dans sa
chambre. Là, il renoue avec son mystérieux correspondant ce qui l’aide à réfléchir sur
sa condition, et lui permet à travers ces écrits seulement de vivre sans masque. Dans
une des lettres reçues il est jugé sévèrement, accusé de méchanceté, d’orgueilleux,
d’ambitieux. Le message continue en lui proposant d’enlever les masques pour libérer
ceux qui sont encore sous son joug, c’est-à-dire ses sœurs, sa mère et lui-même. Sa
réponse est de refuser toute culpabilité en s’en remettent à la fatalité musulmane, il
refuse le jugement de la morale sociale par rapport aux schémas psychologiques
qu’elle propose. Il oppose sa haine de la famille selon la définition musulmane au
point de la répudier et de ne plus la reconnaître. Ainsi il s’annonce prisonnier
volontaire la solitude qui c’est imposée à lui, envisageant la mort salvatrice d’un
visage qui ne lui appartient pas (barbe) et d’un désir qu’il ne reconnaît pas. Seule la
fidèle servante Malika peut pénétrer dans son antre et s’occuper du quotidien.
Sa conscience la rattrape en rêve. Son père l’accuse de trahison, sa mère lui montre sa
déchéance, l’accuse de son indifférence. Une femme forte est décrite, Oum abbas, elle
domine et est crainte des hommes, quel contraste avec sa mère qui a toujours subit le
joug de son mari sans jamais rien dire.
Le conteur est mort depuis plus de 8 mois, le modernisme a transformé les lieux.
Seuls trois vieux, les plus fidèles auditeurs de l’histoire se retrouvent encore et veulent
raconter la fin de l’histoire chacun à leur façon.
Ainsi, Salem propose une suite horrible et sordide. Il imagine que Zahra est
prisonnière des forains, montrée comme une bête, maltraitée et violée, elle finit par
tuer Abbas par des châtiments asiatiques mais celui-ci aura le temps de la tuer avant
de rendre l’âme. Ainsi le corps d’Ahmed est rendu à sa famille qui découvre avec
horreur que c’est une femme.
Tout au long des chapitres 14, 15, 16, 17, 18, 19 plusieurs versions sont avancées par
les conteurs qui, tous, prétendent être les témoins de l'histoire. Quel que soit le
narrateur, le devenir de l'homme-femme débouche toujours sur un parcours chaotique.
Le drame devient d'autant plus intense qu'Ahmed semble redécouvrir son corps qui
parle contre le masque et met le simulacre en procès. Ses certitudes s'effritent.
Parallèlement le conteur qui se disait investi de l'histoire est évacué par d'autres
conteurs prétendant également être les héritiers du livre où l'histoire est consignée. La
narration éclate dans une surenchère de conteurs et de voix en rivalité
Analyse de l’ouvrage
« L'Enfant de sable » se situe d'emblée dans l'espace réservé au conte : la place Jamâ-
El-Fnâ de Marrakech. Cette ville est donc le lieu des récits par excellence, puisque
cette ville en a les caractéristiques : la place où l’on raconte, les portes percées dans
ses murailles, les auditeurs à qui l’on va fournir des clés pour comprendre, et qui sont
invités à revenir, pour entendre la suite !
Inspiré d'un fait divers authentique, ce roman raconte la vie d'Ahmed, né Zahra, qui
par miracle échappe au sort humiliant de la femme qu'il est originellement. Ahmed est
en effet la huitième fille d'un père qui le décrète "mâle" pour mettre fin à la fatalité
qui le poursuit. Etrange destin que celui de cette huitième fille née d'un père prêt à
tout pour échapper à ce malheur, à cette honte! Ainsi en achetant le silence de la sage-
femme, il fera passer l'enfant pour un garçon! La vie de l'enfant est d'abord
minutieusement organisée par son père qui pousse la supercherie jusqu'à célébrer un
simulacre de circoncision. Ainsi, ce dernier peut asseoir son autorité et prétendre à
une certaine respectabilité sociale.
Découvrant peu à peu dans le trouble et l'incertitude ce qui est dissimulé aux yeux de
tous, Ahmed choisit d'assumer la révolte de son père, de vivre en homme. Ahmed
recevra une éducation intellectuelle et spirituelle, héritera de son père, épousera sa
cousine, une fille délaissée, bientôt sa complice dans une vertigineuse descente aux
enfers du mensonge social le plus fou ... mais ne pourra échapper à la folie de cette
situation. Est-il homme, est-il femme? Son corps semble cependant avoir suivi le
projet du père, puisque sa voix est grave, puisque sa barbe pousse !
Après la mort du père puis celle de l'épouse, la narration bifurque. Tel un conte arabe,
l'histoire échappe à son auteur; elle continue à vivre de diverses façons dans la bouche
d'autres conteurs. Plusieurs versions sont avancées par les conteurs qui, tous,
prétendent être les témoins de l'histoire. Ainsi différentes lectures de la vie d’Ahmed
sont proposées au travers le filtre des représentations de chacun. Les conteurs tour à
tour imaginent une histoire qui se rapproche de leur propre culture, de leur propre
expérience, et de leurs fantasmes. Cela donne une carte très diversifiée, voir
contradictoire des routes possibles que pouvait prendre Ahmed.
Dans La nuit sacrée (la suite), Ahmed devenu vieux (ou vieille) prend à son tour la
parole et livre sa propre version des événements - la vraie ?
Le développement d’Ahmed est à replacer dans son contexte, c’est-à-dire dans une
société arabo-musulmane. C’est une société qui est établie et dirigée par la loi
coranique, ou toute dérogation aux lois écrites sont passibles de lourdes peines (ce, en
référence à la religion Sunnite de L’islam, elle est basée sur les textes et suit
Mahomet ; il n’y a pas d’intermédiaire entre l’individu et le Dieu). Il faut noter que le
Maroc est placé sous une monarchie de droit divin (le monarque descendant
directement du prophète). Et la justice de ce pays est rendue en fonction de la loi
coranique (Charia) et de l’interprétation qui peut en être faite.
Tahar Ben Jelloun soulève le problème du destin des filles prisonnières des mentalités
figées, et des difficultés qu’elles rencontrent pour se construire une identité propre à
elle et non dictée. Il ouvre le débat par l’impact des sociétés arabo-musulmanes sur la
liberté de la femme et des familles (puisque même un père ne peut être reconnu s’il
n’a pas d’héritier). Cette influence se retrouve encore à travers la sexualité,
l’homosexualité, le handicap, sujets jugés tabous et diabolisés au sein de ces sociétés.
Cette œuvre décrit deux grands concepts, le premier est basé sur la construction de
l’individu à travers l’image de soi, et le second explique quel est le poids des sociétés
arabo-musulmanes sur le conditionnement des libertés de chacun. C’est-à-dire
comment une famille dans cette société peut exister et prétendre à une reconnaissance
sociale, base de son équilibre. A travers cela le statut de la femme est développé,
l’influence des usages et des coutumes est démontré au sein de cette famille ainsi que
le pouvoir de la religion sur la vie de chacun.
LES CONCEPTS :
L’identité :
Il fait jouer les mécanismes définis par Wallon et Piaget sur les étapes du
développement affectif en mettant son héros au cœur d’une crise d’identité qui le met
en danger. Le rêve est ici l’allié d’Ahmed, il lui permet d’avancer dans sa quête
identitaire et de trouver les clés des portes. En effet, dans les étapes de son
développement, tout est perturbé car inversé, les phénomènes d’identifications ne
peuvent se faire ni par rapport au père, ni par rapport à la mère. La construction de sa
sexualité à l’adolescence n’est pas possible, pire elle représente la « tare de
l’homosexualité » puisque l’esprit et le corps sont d’un genre (féminin/masculin)
différent.
Il semble parfois qu’Ahmed s’approche des comportements psycho-pathologiques que
décrits S. Freud au sujet d’Anna O sur le dédoublement de la personnalité et de
l’autodestruction. Le correspondant secret ressemble étrangement à la conscience
inconsciente du personnage, au côté refoulé qui n’a pas le droit d’exister. C’est
lorsque les deux facettes du personnage vont se réconcilier et s’aimer que le héros
reprendra goût à la vie et qu’il adoptera son identité telle qu’elle est décrite dans les
chapitres 11 et 12. Effectivement, à partir de ce moment là, les deux correspondants
se renvoient respectivement « un amour absolu » et le mystérieux ami disparaît pour
mieux se retrouver lui aussi. Cet amour trouvé, cela signe la disparition définitive de
cet échange écrit et du personnage qui y est associé.
La société arabo-musulmane
Sur un plan social et psycho social, l’impact des sociétés arabo-musulmanes sur le
groupe.
L’auteur nous décrit une société arabe et musulmane, féodale et traditionnelle. Cela ne
peut que s’opposer au développement, à la modernisation des principales métropoles :
un monde rural presque archaïque d’un côté et un monde moderne de l’autre gouverné
par des lois millénaires. D’autant que la nouvelle société exclue et juge
péjorativement l’ancienne, si bien que certains ne trouvent plus leur place.
Lié à cela, le manque d’éducation (voire l’absence) implique un accès à la
connaissance limité, ce qui laisse une grande place aux superstitions en tout genre et
permet aux leaders dominants d’asseoir leur pouvoir et de dominer les autres souvent
par le biais de corruptions à différents niveaux de la société. Ainsi ceux qui pourraient
prétendre sortir de leurs classes sociales par l’éducation et qui voudraient s’élever au
dessus de leur condition ne le peuvent pas. La notion « d’habitus » telle que l’entend
P. Bourdieu va renforcer ce phénomène de reproduction des comportements et des
prises de décision des individus. En effet, cet auteur entend par la notion d’habitus (in
« les héritiers, les étudiants et la culture » de P. Bourdieu et JC Passeron, 1964,
édition de Minuit) l’ensemble des schémas de perception et d’action d’origine sociale,
qui déterminent de manière implicite et rigide les comportements et les prises de
décision des individus. Selon lui l’habitus ne fait que se renforcer avec l’âge puisque
l’individu n’étant pas conscient de son fonctionnement, ne retient de son expérience
que ce qui conforte cet habitus. Ainsi cela explique la raison des comportements et
des prises de décision des principaux personnages du livre de Tahar Ben Jelloun. Ils
subissent le poids et la pression de leur milieu socio-culturel.
L’auteur illustre cela, en décrivant le statut de la femme dans ce type de société. En
effet, la citation (pages 160-161 à la fin du chapitre 15-AMAR) résume bien la
condition des femmes de ce pays : « Dans ce pays, une femme a pris l’habitude se
taire ou alors elle prend la parole avec violence. Moi, je suis à présent vieille, c’est
pour cela que je suis avec vous. Il y a trente ans ou alors si j’avais une trentaine
d’années, croyez-vous que j’aurais été avec vous dans ce café ? Je suis libre parce
que je suis vieille et ridée. J’ai droit à la parole parce que cela n’a pas d’importance.
Les risques sont minimes ». La femme est définie comme peu de « chose », ses
fonctions sont reproductrice et esclave. Sa vie se résume à peu de choses : la cuisine,
le ménage, l’attente et une fois par semaine le repos au hammam. Son existence
dépend totalement des hommes : elle ne sera considérée comme mère que si elle
engendre un garçon ; son mari peut la battre, avoir plusieurs femmes et les répudier à
sa guise ; ses fils peuvent la soumettre à leur autorité même en présence du père.
Autrefois, les arabes d’avant l’Islam enterrait leur fille vivante pour n’avoir que des
garçons. Aussi la naissance de filles est souvent synonyme de deuil dans les familles
qui n’ont pas eu encore de garçon. L’auteur en faisant parler la femme d’Ahmed,
Fatima, accentue cela : « nous sommes femmes avant d’être infirmes, ou peut-être
nous sommes infirmes parce que femmes ».
Le poids de ces coutumes est tel que le statut d’un père et de toute sa famille peut
changer du tout au tout en fonction de la naissance d’un hériter. Les conséquences
s’étendent aussi jusqu’à la répartition de l’héritage. La loi coranique décrète que s’il y
a un garçon, il récupérera les deux tiers des biens et les sœurs un tiers seulement (car
ses dernières devront s’intégrer dans la famille de leur époux et totalement
abandonner leur famille de naissance). Aussi, dans le but de ne pas disperser des biens
comme des terres, tout est fait pour que l’héritage se fasse du côté masculin
uniquement. Par contre si le père d’Ahmed n’avait pas eu de garçon, la religion
musulmane indique qu’il aurait pu être dépossédé en tant qu’aîné en faveur de ses
frères.
Commentaires et débats
A- Exposer votre regard critique sur l’ouvrage, notamment, de ce que vous avez
compris ou pas :
Dans un souci de clarté cette partie a été développée en parallèle aux concepts afin de
les illustrer et de justifier leur intérêt par rapport à l’ouvrage.
B- Relier l’ouvrage à votre future pratique professionnelle (en quoi éclaire-t-il vos
questionnement ?) :
Cet ouvrage m’a apporté des renseignements précieux sur les pratiques culturelles des
sociétés arabo-musulmanes en général et celles du Maroc en particulier. Cela m’a
permis aussi de faire des recherches historiques sur ce pays afin de mieux comprendre
certaines clés du livre, notamment des allusions à certaines émeutes réprimées dans le
sang qui me paraissaient, de prime abord liées à l’imagination de certains conteurs. Le
fait de connaître le statut politique du pays permet de mieux comprendre le rôle de la
religion sur la gestion de tout le pays et son impact sur les actes des gens. La fin de
l’ouvrage propose différentes versions de la suite de la vie de Zahra, et chacun
imagine cela en fonction de ses propres représentations. Ainsi, nous avons la version
d’un homme dont la vie a été très tumultueuse, son récit l’est aussi ; la version d’un
vieux sage est plus modérée, celle d’une vielle femme est liée à la religion, à son âge
et à sa féminité, celle d’un dernier est fantasmagorique. Pourtant tous vivent est
connaissent les pratiques sociales du pays mais chacun a un parcours propre
permettant la construction des représentations particulières qui vont transformer la
perception d’une même histoire.
Sur le plan de ma future pratique professionnelle, tous ces éléments me serviront
d’une part à mieux cerner un usager qui a construit ses repères dans ce type de société
et d’autre part à relativiser son histoire par rapport à ses représentations et aux
miennes.
Un élément surprenant toutefois est à noter au sujet de mes représentations, je savais
ces sociétés d’un type patriarcal, mais je n’imaginais que le poids de la société était
aussi lourd pour l’homme. J’imaginais l’homme tout puissant, j’ignorais que le fait de
ne pas avoir d’héritier mâle pouvait avoir de telles conséquences sur la vie de tout son
groupe.
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