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Entrevue

La
La culture
culture de
de masse
masse est-elle
est-elle
bienfaitrice
bienfaitrice?? S’agit-il
S’agit-il au
au
contraire
contraire d’un
d’un mal
mal néces-
néces-
saire
saire?? Faut-il
Faut-il être
être pour
pour ou
ou
contre
contre le
le star
star system
system??
Certains,
Certains, en
en effet,
effet, le
le vénè-
vénè-
rent.
rent. D’autres
D’autres le
le condamnent.
condamnent.
Jean-Pierre
Jean-Pierre Désaulniers,
Désaulniers, pro-
pro-
fesseur
fesseur au
au Département
Département dede
communications
communications dede l’UQAM
l’UQAM et
et
grand
grand observateur
observateur de
de la
la cul-
cul-
ture
ture québécoise,
québécoise, répond
répond àà nos
nos
questions.
questions.

Pour une critique du


star system PROPOS RECUEILLIS PAR CAROLE SCHINCK

Réseau : Selon vous, le star system favorise-t-il la culture ou con-


tribue-t-il plutôt à la pervertir ?
Jean-Pierre Désaulniers : Au Québec, il n’y a pas de vrai star
system mais bien un système de vedettariat. Chez nous, les gens
populaires sont en réalité des vedettes plutôt que des stars, puis-
qu’il existe ici un phénomène de proximité. La star occupe un
créneau divin tandis que la vedette est beaucoup plus proche des
gens. Le cinéma, par exemple, fabrique des stars. La télé, elle, pro-
duit des vedettes. Même Céline Dion, quand elle revient au Québec,
retrouve son statut de vedette. Elle redevient la petite Céline qui
chantait La colombe. De la même façon, Ginette Reno est une
vedette puisqu’elle reste très accessible. Pascale Bussières est l’une
des rares qui puissent avoir des prétentions de star, puisque les
gens la connaissent surtout par ses rôles au cinéma.
Par ailleurs, les intellectuels se plaisent à voir le star system comme
un processus d’aliénation des gens, l’instrument de leur perte
d’autonomie. Or, les gens sont beaucoup plus autonomes que cela.
Ils sont beaucoup moins enferrés qu’on pense dans cette concep-
tion d’envoûtement magique. Ils n’aiment pas leurs vedettes pour
des strictes raisons d’idolâtrie.
Réseau : À quoi servent les vedettes, alors ?
Jean-Pierre Désaulniers : À faire parler, à donner des référen-
ces, des pivots, des modèles et des antimodèles. En fait, tout cela
crée du collectif. Véronique Cloutier, par exemple, est une
rassembleuse. Elle contribue à briser l’isolement. Des gens comme
elle aident leurs contemporains à se retrouver, à partager des sen-
timents. Les artistes servent donc à faire de la communauté, le star
system fabrique de la culture. Et à quoi sert la culture ? À recons-
truire des liens au sein de la société.

8 RÉSEAU / ÉTÉ 2002


Sur le plan individuel, les vedettes nous fournissent une manière de nés par l’imaginaire. La culture a
nous évaluer, de nous soupeser. Quand deux artistes qui formaient donc été pendant longtemps notre
un couple se séparent, les gens en discutent. Chacun considère le ciment social, elle a compté énormé-
bien-fondé de ce geste. Les artistes connus nous inspirent. Ils nous ment. D’où notre emportement à son
permettent de nous projeter dans notre propre vie, de vivre par égard et par rapport à tous les modes
procuration en quelque sorte. d’expression. Il n’existe donc pas de
En même temps, ils nous mentent. Ils nous font croire à des vies trous dans notre culture. On appré-
dorées alors que leur existence est le plus souvent tout à fait banale. cie autant la musique électroacousti-
Ils l’interprètent comme une aventure, pleine de rebondissements, que que la danse moderne ou le
nous font croire à une vie royale. En fait, le miroir qu’ils nous ten- théâtre expérimental. Chez nous, se
dent nous montre une image grossie, nettement exagérée. déploie l’ensemble de l’éventail cul-
Réseau : Quels effets la « marchandisation » de la culture peut-elle turel.
avoir sur le public ? Réseau : Comment la culture qué-
Jean-Pierre Désaulniers : Chose sûre, on risque d’homogénéi- bécoise peut-elle se défendre contre
ser l’imaginaire des gens. À la base, la culture se fonde sur un l’impérialisme américain ?
processus de distinction. À la longue, la « marchandisation » abou- Jean-Pierre Désaulniers : L’avez-vous
tit à une fatigue, à une saturation par rapport à certains courants. remarqué : il n’y a jamais eu aussi peu
Il y a donc un grand mouvement, celui de la grosse machine. En d’émissions américaines à la télé
parallèle, se développent des pratiques extrêmement résistantes, québécoise ? On ne peut combattre une culture par son interdic-
vivaces, puissantes, comme le western ou la danse moderne. On tion. Mais on peut la contrecarrer par une autre culture, plus
assiste ainsi à l’éclosion de plein de petits mouvements. La grande vivante, plus forte. Et c’est ce qu’on fait présentement. Il existe
peur, c’est que tout l’art soit télécommandé. Mais nous ne som- un gros risque, cependant, de succomber à un processus
mes pas en U.R.S.S. Il existe des mouvements dominants, des enjeux d’enfermement de soi, de repli sur une génération, celle des gens
sociaux importants. Cependant, ça n’étouffe pas tout. de quarante ans, par exemple.
Il faut en effet tenir compte de la démocratisation de la culture. Plus jeune, j’écoutais les chansonniers français et je regardais des
Autrefois, par exemple, on m’imposait mes lectures. Depuis long- films américains. Il n’existait aucune culture locale en dehors de
temps, je n’ai plus besoin d’un curé pour me dicter quoi faire, lire Félix. Notre culture a pris forme progressivement avec les Vigneault
ou penser. De ce fait, je considère qu’endurer une surconsomma- et Ferland. Petit à petit, nous avons repris confiance en notre
tion de la culture et un déploiement de tendances est un moindre parlure, par l’entremise de nos chanteurs. Nous avons appris à nous
mal. J’ai beau entendre parler du poulet frit Kentucky depuis cin- regarder à travers Mon oncle Antoine. Le star system a contribué à
quante ans, par exemple, il n’empêche que je n’ai jamais mis les maintenir cette vitalité. Dans les années 30, l’ar chevêché de
pieds dans l’un des établissements qui en font le commerce. Les Montréal a eu beau demander à l’abbé Gadouas d’écrire un livre
gens sont libres d’adhérer ou non aux divers courants culturels. Il de chansons pour combattre la culture américaine, Les cahiers de
faut y voir des alternatives plutôt que de mettre le bon peuple en la bonne chanson sont tombés dans le folklore. La solution, au
garde contre les méfaits de la culture de masse. Cessons d’agiter contraire, c’est de se mettre en avant, d’être à l’écoute du monde.
les épouvantails. Nous appartenons à une société démocratique. Chez nous, les artisans sont compétents. On ne fait rien en ama-
Que faut-il voir de mal si les gens trouvent dans la culture popu- teur.
laire des solutions aux problèmes de la dépression, de la solitude Réseau : Que penser de la place énorme que prend l’humour
et de la mort ? Si les Guy Cloutier et René Angélil nous déplaisent, dans la culture québécoise ?
prenons tout simplement leur place. Comment prétendre les cen- Jean-Pierre Désaulniers : Faire de l’humour, c’est être corrosif,
surer alors qu’ils plaisent à un tas de monde ? attaquer. On dénonce les autres par le biais du ridicule. Il y a tou-
Réseau : Quelles pratiques culturelles marginales se démarquent jours une victime, un plan d’attaque. L’humour est normatif en ce
particulièrement au Québec ? sens qu’il établit des normes morales. Il dit : « Si tu fais ceci ou cela,
Jean-Pierre Désaulniers : Il existe un tel foisonnement ! Je suis en tu auras l’air fou ». Et ce discours moral a remplacé celui des curés.
contact constant avec des jeunes de vingt ans. En matière de musi- De nos jours, on apprend tout sur le tas, au fur et à mesure. Il n’existe
que, de cinéma, de littérature, il faut voir comme cela « rebondit ». plus de manuel de bienséance dans notre société et plus de curés
À la librairie, il existe des monceaux de livres. Je n’aurais pas assez pour donner l’absolution. Mais on a besoin de barèmes pour trou-
de mille ans pour tous les lire. Je ne me sens donc pas forcé de ver le droit chemin. Dans La petite vie, tout le monde comprend que
puiser au mainstream. C’est pareil pour le cinéma, la télé. L’émission Réjean, c’est le parasite. Que Thérèse, c’est celle qui n’écoute pas.
La vie, la vie, à titre d’exemple, a renouvelé le genre. On peut dire la Que Karo se perd dans ses excès, ses « trips », ses excentricités. Ces
même chose de Deux frères, de Un gars, une fille, de Quatre et demi, personnages complètement asociaux illustrent la bêtise, l’incons-
de Fred-dy... En ce qui concerne cette dernière émission, certains cience. Ils dénoncent. Et ils font rire.
aspects n’ont pas été compris du public, comme les monologues de L’humour a donc une fonction purgative et normative. Ce besoin
Mona. Voilà tout le travail de la culture : susciter l’implication. pour les humoristes va se perpétuer de génération en génération.
Au Québec, c’est connu, nous sommes des maniaques de culture. Les jeunes ont aujourd’hui besoin de consignes. Voilà qu’arrivent
Il faut comprendre que nous sommes issus d’une culture mysti- les jeunes humoristes. Tout comme Deschamps nous a appris à
que. Pendant deux cents ans, les curés nous ont raconté des his- vivre, à nous tenir debout, à refuser d’être colonisés, de jeunes
toires à propos de Jésus, de la Sainte Vierge, des noces de Cana... humoristes vont proposer à leur tour à leurs contemporains un
Même si la religion n’est plus présente, nous sommes restés façon- nouveau discours moral.

RÉSEAU / ÉTÉ 2002 9

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