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26 PSYCHOLOGIE

LES NEUROSCIENCES SE PENCHENT SUR LA PARESSE

Et si ne rien
faire était utile?
Lézarder, se tourner les pouces... Malgré les apparences,
paresser serait une véritable ressource. Mais pourquoi avons-
nous du mal à y parvenir? Texte Marie Lescroart

uller, en contemplant le plafond de opératoires, pédagogiques... Et on apprend

B sa chambre ou les passants qui dé-


filent devant la terrasse d'un café, en
écoutant lefrémissementdes feuilles
ou le déferlement des vagues... L'art de ne
rien faire peut se décliner d'une infinité de
aux enfants à être créatifs, comme s'ils ne
l'étaient pas naturellement ! » Bien sûr, un
enfant qui s'ennuie tout le temps, ça n'est pas
très bon signe. «Mais, dans la plupart des cas,
il se met vite à rêver, à se raconter une his-
façons. Mais de quoi s'agit-il ? Se vautrér toire, à regarder ce qui se passe en dedans
devant la télévision ? Non. Ceci nécessite un de lui. Bref, il apprend peu à peu à compter
minimum d'attention, ne serait-ce que pour sur son esprit pour se distraire, constate
comprendre le sens de ce qu'on regarde. Roger Teboul. En cela, se laisser traverser
«L'esprit n'est donc pas totalement libre», par l'ennui est une voie vers la connaissance
estime Sylvaine Pascual,coach et spécialiste de soi, qui aide à s'affranchir de la peur de la
du plaisir au travail (voir références). Aux solitude. On est plus à l'aise dans ses baskets
personnes qui ne savent pas comment s'y quand on sait tolérer les moments de "vide" ! »
prendre, je conseille de commencer modes-
tement, explique-t-elle. De prendre deux Il n'y a qu'en Occident que l'on
minutes, pas plus au début, pour regarder par parle de temps perdu ou gagné
la fenêtre, puis de descendre dix minutes faire On se sentirait presque coupable de s'en
un tour dans un parc proche... » donner l'occasion, tant l'action est survalo-
Pour le sociologue David Le Breton aussi, risée dans notre société. « Cela vient de la
cette flânerie peut prendre la forme de la tradition gréco-biblique», explique la socio-
marche, qu'il pratique régulièrement. «A logue Hesna Cailliau, auteur de VEsprit des
condition de ne pas rechercher la perfor- religions (éd. Milan). «César disait déjà un proverbe chinois : "On ne tire pas sur le
mance ni de viser un but, la marche est une qu'"on n'a rien fait tant qu'il reste quelque riz pour le faire pousser','ce qui n'empêche
activité inutile, opposée à la vision utilitariste chose à faire','tandis que, pour les chrétiens, pas qu'il faut travailler pour le planter ! Les
du monde. Mais elle est essentielle, car elle ne rien faire est assimilé à de la paresse, l'un Chinois, peuple de paysans sédentaires, le
nous rappelle qu'on est vivant : en nous sor- des sept péchés capitaux. Mais cela est dû à savent mieux que quiconque. Ils sont extrê-
tant de l'ordinaire du quotidien, en nous une mauvaise traduction du mot latin acedia mement laborieux, mais ce sont aussi des
permettant de reprendre un rythme person- qui, en fait, signifie mélancolie. Laquelle était gens qui savent attendre car, pour eux, l'at-
nel, elle fait de nous des créateurs de notre condamnée, car considérée comme conta- tente est une manière d'agir. »
existence. Comme de buller à la terrasse d'un gieuse. De là découle le rapport très tendu « Les Chinois connaissent beaucoup moins
café, elle est presque devenue un acte de que nous entretenons avec le temps. Il n'y a le stress que nous, car ils savent se ressour-
résistance politique dans un monde inscrit qu'en Occident qu'on évoque le temps perdu, cer en permanence, renchérit Hesna Cailliau,
dans la vitesse, où en plus on est tenu à une gagné ou gaspillé.» Dans la religion taoïste, En Chine, les espaces verts sont pleins de
disponibilité permanente.» qui imprègne fortement la société chinoise, gens qui font du qi gong, du tai-chi ou... la
Ces « moments de rien », le pédopsychiatre un concept important est le wu-wei, traduit sieste ! Celle-ci est plus que tolérée car, pour
Roger Teboul (Deviens adulte/, éd. Armand en français sous les termes de «non-agir». la sagesse chinoise, les contraires ne s op-
Colin) les conseille aussi aux enfants. «De « Cette traduction induit en erreur, déplore posent pas mais coopèrent. J'ai déjà vu des
plus en plus de parents angoissent de voir Cyrille Javary, spécialiste de la Chine. Il ne cadres s'endormir pendant une réunion de
leur enfant s'ennuyer. Dans notre société très s'agit absolument pas de se laisser aller mais travail, témoigne la sociologue. Mais là-bas.
concurrentielle, ils tolèrent de moins en de savoir, en temps voulu, laisser agir le personne ne les réveille. On se dit qu'ils se-
moins ces moments de "rien" et la pensée temps et laisser se déployer ce qui doit émer- ront d'autant plus efficaces quand ils auront
improductive. Même les jouets doivent être ger, au lieu de s'agiter en vain. Comme le dit récupéré de leur fatigue... »

C S AOÛT 2014
sus sociaux et émotionnels et la créativité. Ce
qui fait dire à Andrew Smart, neurobiologiste
américain, qu'il est urgent de travailler moins.
Dans son livre Autopilot, The Art and Science
ofDoing Nothing, véritable plaidoyer pour
le droit à l'oisiveté et la réduction du temps
de travail (traduit en sept langues mais pas
en français), il explique : « Lorsqu'on se repose,
le réseau en mode par défaut ouvre des
connexions entre des régions du cerveau
normalement trop occupées pour communi-
quer entre elles. C'est de cela que peuvent
émerger la vraie créativité et l'inspiration. Ce
réseau se maintient tant que l'on se détend.
Chaque fois que l'on est occupé à regarder la
liste de ce que l'on a à faire, à vérifier sa
comptabilité, à être productif au travail, il se
désactive.» Cela pourrait expliquer que les
mots que l'on cherche nous reviennent en
mémoire sitôt qu'on arrête d'y penser...

Notre vrai potentiel ne peut


être réalise qu'à travers
des périodes où l'on ne fait rien
«Tout comme notre corps a besoin de
repos, notre intellect a besoin d'arrêter sa
mécanique, de temps en temps, pour se res-
sourcer », rappelle Hesna Cailliau. « Les
Chinois savent que l'une des fonctions essen-
tielles de l'homme est d'être capable de
calmer la "folle du logis" ou le "singe fou"
des pensées. On retrouve alors le calme inté-
rieur qui laisse se déployer nos forces, notre
plein potentiel, et on goûte à la vie, vécue
dans la plénitude de l'instant présent.» Elle
poursuit : «Se ménager des plages où l'on ne
fait rien, où le temps est comme suspendu,
c'est se permettre de prendre de la distance
avec ses émotions pour mieux voir le réel et
les petits signes annonciateurs du futur im-
médiat. C'est s'ouvrir à l'intuition et laisser
sa créativité se déployer.»
L'Occident ferait peut-être bien de s'ins- suivre le mode d'emploi : rester plutôt habillé Et Andrew Smart de conclure : «Notre
pirer de leur exemple. C'est du moins ce que sur un lit, ou confortablement installé dans système de pensée nous fait croire que sans
préconise l'Institut national du sommeil et un fauteuil, et se limiter à vingt minutes, une activité ininterrompue, nous ne vivons
de la vigilance (INSV). «La baisse de vigi- quitte à programmer son réveil, sous peine pas à notre plein potentiel. Les neurosciences
lance du début d'après-midi est inévitable, de se réveiller « vaseux». modernes pourraient bien nous montrer
elle correspond à un rythme naturel chez qu'en fait c'est tout le contraire : notre vrai
l'adulte», explique Joëlle Adrien, directrice Selon un neurobiologiste américain, potentiel ne peut être réalisé qu'à travers des
de recherche à l'Insérai et présidente du H est urgent de travailler moins périodes où l'on ne fait rien. » •
conseil scientifique de l'INSV (Mieux dormir Tout autant que le sommeil, laisser l'esprit
et vaincre lïnsomnie, éd. Larousse). «Seuls vagabonder est indispensable au bon fonc-
les enfants entre cinq ans et la puberté y tionnement de notre cerveau. C'est ce que POUR ALLER PLUS LOIN
échappent. Pour les autres, inutile d'enchaî- suggèrent les résultats de recherches récentes
ner les tasses de café : la sieste est le seul en neurosciences. Elles révèlent que chaque I Livres I Internet
moyen de restaurer rapidement sa vigilance.» fois que notre attention n'est pas dirigée vers • «L'Art de ne rien • www.ithaquecoaching.
Et de faire passer le «coup de barre» qui un objet spécifique, un réseau particulier de faire, la reconquête de soi- com/articles/apologie-de-
nous terrasse quotidiennement entre 14 et connexions neuronales se met en place, impli- même», Catherine la-glandouille-1556.html
16 heures. Quelques rares études sur de petits quant des régions du cerveau éloignées les Laroze, éd. Âubanei. Buller, glander, peigner
échantillons se sont penchées sur la question. unes des autres. Baptisé par les scientifiques la girafe... Dans un éloge
• «Marcher, éloge des savoureux, Sylvaine
Selon elles, un temps de sieste au travail le «réseau en mode par défaut», il jouerait chemins et de la lenteur», Pascual nous parle de
augmente la vigilance, la créativité et la un rôle important dans la connaissance de David Le Breton, l'art de ne rien faire
productivité des salariés. A condition de soi, la mémoire autobiographique, les proces- éd. Métaillié. sur son blog.

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