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DE L'ART DU COMÉDIEN. ÉTUDE HISTORIQUE ET CRITIQUE. Seconde Partie.

— Critique
Author(s): A. Cochut
Source: Revue des Deux Mondes (1829-1971) , 15 OCTOBRE 1844, NOUVELLE SÉRIE, Vol. 8,
No. 2 (15 OCTOBRE 1844), pp. 285-315
Published by: Revue des Deux Mondes

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DE

L'ART DU COMÉDIEN.

ÉTUDE HISTORIQUE ET CRITIQUE.

Seconde Partie. - Critique.1

Le talent de l'artiste, de celui surtout qui doit payer de sa per-


sonne, comme le comédien ou le virtuose, est un composé de deux
élémens : le sentiment et le savoir-faire, l'intelligence qui conçoit, et
le mécanisme qui traduit. Or, la dextérité plus ou moins grande de
l'exécutant, le genre d'expression dont il a contracté l'habitude, réa-
gissent inévitablement sur sa manière de sentir. Essayons de nous
rendre compte des études qui forment le comédien, et sans lesquelles
les organisations les plus riches n'atteindront jamais un parfait déve-
loppement. 11 nous sera démontré que, si le sentiment de l'idéal s'est
affaibli sur notre scène, si la confusion des styles déshonore trop sou-
vent l'exécution de nos chefs-d'œuvre, c'est moins par inintelligence,
que par impuissance physique d'atteindre un certain ordre d'effets
recherchés avant tous les autres dans notre ancienne école.

(I) Voyez la précédente livraison.

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286 REVOE DES DEUX HÖNDES.

I. - de l'éducation de l'acteub.

Lorsque Garrick vint en France, en 1763, il y eut entre nos artistes


et le représentant de Shakspeare line émulation de courtoisie, bien
digne des deux peuples qui, vingt ans plus tôt, s'étaient mitraillés à
Fontenoy avec une politesse si parfaite. Les salons littéraires et le
foyer de la Gomédie-ÍFrâiíÇaise, qûi était áoürs'le pluà littéraire de tous
les Saloirs, dëviifiréht ÔùtSnt d'académies dramatiques, oů l'on agita
mille problèmes relatifs à l'art de l'acteur. Toutes les discussions sur
le mérite relatif des écoles rivales, auraient pu se résumer, je le pré-
sume, par ce mot de Garrick, que Diderot nous a conservé : « Celui
qui sait rendre parfaitement Shakspeare ne sait pas le premier mot
d'une scène de Racine, et réciproquement. »
Pour vérifier l'assertion deTačteUř anglais, il suffit d'examiner une
même situation dramatique en se plaçant successivement aux deux
points de vue offerts à l'artiste. Représentons-nous sur la scène un
jeune homme à son premier amour, étonné autant que ravi du trouble
qu'il éprouve auprès de celle qu'il aime; interprète d'un poète shaks-
pearien, l'acteur ne s'analysera pas lui-même dans la verbeuse décla-
ration de ses sentimens. Ce sera, pour ainsi dire, contre sa volonté,
par un cri venu du cœur que son cœur parlera; si le mot suprême est
accueilli sans colère, si un regard ardent et pudique lui promet le
bonheur, il restera un instant immobile et sans voix, comme s'H re-
doutait une illusion, et puis soudainement sou ame 'se répandra en
soupirs, en phrases rapides ou inachevées; une agitation fébrile dis-
séminera son geste. Dans ce tableau, la nature aura -été prise sur le
fait. Que l'amant, au contraire, se nomme Hippolyte, et que la -femme
adorée soit-Aricie; qu'au lieu de peindre le premier désordre des sens
par le désordre passionné du langage, le- poète ait esBayé de traduire
l'émotion de l'amour naissant par un couplet ¡poétique d'une suave
mélodie, l'acteur devra chercher-je ne sais quel souffleiprintanier dans
sa voix, je ne sais quel enivrement -de tendresse dans toute sa per-
sonne. La première manière sera -feite pour donner au spectateur la
sensation de l'amour; la seconde en éveillera le sentiment. Four réus-
sir dans l'une ou dans l'autre, fi faut au comédien un1 égal génie, une
souplesse d'organes, une puissance d'observation également grandes;
mais on a compris, suivant le mot de Garrick, que les moyens d'exé-

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DB L'ART DU COMÉDIEN. 387
cutioņ ne sont pas les mêmes, et que lß style ifiéal exige un ap
tissage de mécanisme Beaucoup plus laborieux que la simple
duction de la réalité-
Le premier et le derqier mot de cet art qui offre un reflet fid
a nature, se trouvent exprimés dans cette phrase d'un critique a
« Pour rendre avec justesse l'action théâtrale, il faut agir exact
comme aurait fait celui qu'on représente dans les circonstan
l'acteur est placé par le poète (1). » Il n'y a pas de vqie tracée de
ceux qui marchent dans cette direction : on ne peut que leu
quer certains écueils. Bien difficilement ils concilieront la bell
le parler séduisant, avec la prétention de transporter sur l
l'exacte réalité. « Il y a une raison générale du défaut de no
dans notre théâtre, dit l'auteur que je viens de citer : les comé
sont les copistes de la nature, qui, malheureusement, en fait d
blesse, nous offre peu d'originaux. » Il était beau devoir, dans
ce Barry que craignait Garrick, rougir sous la teinte noire qui
sait son visage, et, vrai lion du désert, lion blessé et, fprieux,
chaque fois qu'il ressentait les pointes de la douleur. « Il sembla
la tradition, s'élever de terre, à chaque mot qu'il prononçait. »
effets nous paraissent admirables, parce que, nous les savons a
à un caractère exceptionnel. Malhpureuseuient, on fut forcé de
porter ces mêmes effets dans la plupart des rôles, et d'abuser,
dans nos mélodrames, de l'exagération de l'énergie, parce qu
ture, copiée exactement, ne peut être intéressante que dans les i
où la passion se manifeste. Une agitation désordonnée devint le
vulgaire d'animer ce drame qui admettait si, difficilement la sim
noble et sympathique. Je parle d'après la même autorité. «
propos jouer des bras, des jambes, et battre tous les reçoin
scène, est un art anglais. S'il plaisait à nos acteurs de prêter pl
tention à leurs voisins, ils se corrigeraient. » Les grands act
l'Angleterre n'ont échappé à cette fatalité fie leur système qu'
rapprochant du style consacré en France, en s' élevant à l'idéal
dans toutes les parties de leur répertoire qui le permettaient.
s'expliquent les changemens et les mutilations que le ^viiie sièc
infliger à Shakspeare, afin d'obtenir une plus granfie unité de t
atténuant la crudité trop réelle de certains détails. Nous pouvo
présentement chez nousr-mêmes les acteurs qui ont établi leur

(1) Garrick ou let acteurs anglais, ouvrage écrit vers le milieu du


siècle, et traduit en français par le comédien Sticotti.

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388 REVDE DBS DEUX MONDES.

tation dans le drame convulsif, recaler devant les mêmes é


manifester des velléités de retour vers l'ancien répertoire.
Veat-on constater les résultats du naturalisme poussé
dernières limites? qu'on observe nos scènes secondaires, où
duction minutieuse de la réalité semble la mesure du méri
rais signaler plusieurs acteurs de vaudeville qui sont d
rôles d'une exactitude frappante. Ils excellent, hélas! à rab
qu'au trivial des compositions déjà trop communes; ils
beaucoup de peine pour exprimer la pensée comme on
la vie ordinaire quand on ne s'y observe pas, c'est-à-dire p
lange de remuemens confus et de sons inarticulés. C'est de
entendons-nous dire; oui, la nature du daguerréotype
sans couleur, sans perspective. Il ne faut pas croire que to
font preuve de mérite dans ce genre ingrat produisent su
une impression proportionnée à leurs efforts. Lorsqu'ils ar
popularité, c'est qu'ils ont assez de crédit pour obtenir
des rôles pour eux , qu'on les encadre dans des pièces excep
dont tout l'effet aboutisse à leur personne. Les succès qu'u
tiste s'assure ainsi coûtent cher à bien d'autres. C'est l
ruiner l'inspiration littéraire chez les écrivains, de déc
jeunes acteurs qui se voient sacrifiés, d'affaiblir les direct
trales en les mettant à la merci d'une seule volonté.
Occupons-nous donc exclusivement des acteurs qui, vo
grand répertoire, ont à traduire poétiquement les réalit
A ceux-ci, le vague instinct de l'imitation ne suffit plus. L
de leurs qualités est peut-être l'indomptable vouloir, l'éner
vail, tant est rude la tâchequ'ils entreprennent. Je ne veu
que le travail peut suppléer le naturel; c'est une hérésie
aux pédans. L'art théâtral, à quelque degré qu'on s'y place,
aptitude innée, une vocation. Celui-là ne deviendra pas
en entendant une voix mélodieuse, un accent venu du cœu
saie pas intérieurement à les reproduire. Il n'est pas né po
celui qui, en observant dans le monde l'allure d'un beau
une pose caractéristique dans un tableau, dans une stat
pas son corps s'assouplir par un mouvement involontai
siner d'après ces modèles. Mais, comme il n'est pąs de natu
tinguée qu'elle soit, qui n'ait contracté des habitudes mauv
les hasards de la vie commune, je ne conçois pas qu'un
sé forme et se conserve sans un exercice persévérant. On
je le sais, ceux qu'on appelle dans les coulisses des comé

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DE L'ART DD COMÉDIEN. 289

Stinct. Od assurera, d'après le rédacteur des Mémoires d


selle Dumesnil, que « Préville, le plus achevé des comiqu
analysé ni décomposé un rôle. » Cette assertion est dém
fait, puisque Préville a laissé en manuscrit un plan et d
un cours d'études dramatiques. Il faut d'ailleurs s'en
mots : l'apprentissage de la scène n'exige pas impérie
beur du cabinet. Il y a des artistes heureusement doués
dominés par leur art, que l'observation morale et la rep
mique passent chez eux à l'état d'habitude. Ils font p
qu'ils rencontrent, et sont eux-mêmes toujours en s
travaillent sans s'en douter, et de la meilleure manière
a dû être Préville, qui, sorti d'une bonne famille, et
instruit, fut jeté par un coup de tête dans les folles aven
à tour maçon, colporteur, clerc de notaire et comédi
s'est rompu pour le théâtre par une assez rude pratique
S'il était nécessaire de démontrer l'efficacité du tra
acteurs, il suffirait de rappeler que les plus grands d'en
eu à vaincre des défauts naturels. La touchante Lecou
sentait avec un organe sourd pour succéder à Mlle D
débit était sonore jusqu'à l'excès. L'habile tragédienn
pathétiques accens, qu'on adora sa voix étouffée, pa
croyait voilée par les larmes. Que d'art ne fallut-il p
la superbe reine, pour faire oublier sa petite taille, et c
de grisette qui l'avait désignée pour l'emploi des so
belle ame de Lekain avait une enveloppe épaisse don
aspect était ignoble. Il fit des prodiges d'énergie pendan
de dix-sept mois, quine furent qu'une longue temp
accepté, le succèis, où tant d'artistes s'endorment, dé
une exaltation croissante. A l'exemple des grands peintr
grand peintre lui-même, il se transforma jusqu'à trois f
geant de manières. D'abord, pour trancher avec l'irré
jesté du beau Dufresne, il lâcha la bride à l'inspiration, e
public par une véhémence indomptée. Il ne tarda pas à s
comme a dit Talma, que « de toutes les monotonies , cel
est la plus insupportable. » En plein succès, il sé condam
il éteignit sa fougue et enchaîna sa passion. Aux yeu
l'artiste paraissait faiblir ; il méditait, il essayait. Un jo
volcan en travail se rallume. Pendant les cinq ou six der
de sa vie, Lekain est tellement sûr de lui-même, qu'il ne
les écarts de l'inspiration. « Plus de cris, dit Talma
TOME VIII. 19

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d'un enthousiasme sincère, plus d'efforts de poumons,


pleurs vulgaires qui amoindrissent et dégradent le pers
voix, à la fois brisée et sonore, avait acquis je ne sais qu
quelles vibrations qui allaient retentir dans les ames : les la
il la trempait étaient héroïques et pénétrantes. » L'acte
éblouissant par sa prestesse de bon goût et par ses graces e
resses, Molé, repoussé d'abord par le public de Paris, qui le
froid, alla jouer quatre ans en province, et en revint avec
irrésistible, peut-être même un peu exagéré, au jugeme
connaisseurs. Parmi les comédiens célèbres, ceux qui ne
développés par un travail opiniâtre ne forment véritablem
exception.
Les qualités nécessaires à l'acteur pour s'élever jusqu'à la peinture
idéale, le dessin du geste et le coloris du langage, sont de celles que
la nature ne peut pas donner complètement, si libérale qu'elle soit :
il faut donc s'en assurer la pleine possession par un continuel exer-
cice. En présentant quelques observations à ce sujet, je ne serai que
l'écho des maîtres de la scène. Je me suis laissé aller au plaisir d'in-
terroger leur expérience, en épuisant les divers moyens d'information
que fournissent la tradition écrite et les souvenirs des amateurs.

n. - DE LA VOIX ET DE LA DICTION.

Pour débiter ce dialogue qui, sous prétexte de naturel, reproduit


platement le langage de la vie commune-, le parler ordinaire suffit.
Qu'un acteur de vaudeville ou de mélodrame corrige les vices les plus
choquans de sa prononciation , qu'il donne à son organe le volume
convenable, et tout est fait pour lui. Interprète des grands écrivains,
appelé à faire valoir cet épanouissement de la pensée, cette splendeur
d'expression, ces rhythmes variés, cette chose indéfinissable qu'on
appelle le style , le comédien artiste n'y parviendrait jamais sans une
voix sonore, liante, bien posée, et susceptible de plusieurs nuances.
Il est un mot que Talma n'aimait pas , et qu'il regrettait de voir
employé pour désigner l'art dont il était la gloire : c'est le mot décla-
mation. Notre langue ne possède pourtant pas d'autre terme pour
spécifier ce caractère particulier que prend nécessairement la voix
quand elle doit rendre le langage soutenu de la poésie ou de l'élo-
quence. Le son articulé, formé par un certain travail de la bouche,
produit la parole ; le son modulé par le larynx donne ces vibrations

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WS L'ART »U COMÉDIBNi 291

harmoniques qui constituent le chant. La déclamation


dite semble résulter du double mécanisme de la parol
Comme pour répondre à cette musique intérieure qui
le poète, elle parle aux sens en même temps qu'à la p
qu'est son charme et sa puissance.
L'hygiène de l'organe vocal était fort' compliquée chez
ou le conçoit, puisque chez eux la voix, principal inst
puhlicité, accomplissait beaucoup de fonctions dont la pre
voix des temps modernes, l'a destituée en partie. On ser
croire que l'industrie des phonasques n'était qu'un charla
pudent, à en juger par les indications qui nous restent.
de plantes, auxqueUeson attribuait la vertu d'éclaircir la
suivant Pline et Perse, employées en cataplasmes ou en g
Au dire de Suétone, Néron se soumettait à des ordo
M. Purgon n'eût pas désavouées. Les chanteurs se con
un régime des plus sévères, et ne se nourrissaient q
lorsqu'ils devaient se faire entendre : d'où leur était ven
de fabarii, mangeurs de fèves. Les études de vocalise
Cicéron, consistaient, comme dans nos écoles, à poser, s
tifier, nuancer le son dans tous les tons de l'échelle mu
teurs s'y exerçaient chez eux chaque matin , et quelquef
théâtre, dans l'intervalle d'une scène à l'autre. Je me
d'abord pourquoi les anciens recommandaient à l'élève d
sur le dos pendant le travail de la voix : c'est peut-être p
cette position, on obtient mieux ce relâchement muscula
tissement de tous les organes qui facilitent les vibration
surplus, la vocalise des anciens différait de la nôtre en
vait avoir pour but d'augmenter le volume de la voix, p
qualité. Dans nos salles fermées et construites génér
les meilleures conditions de l'acoustique, ce n'est pas ave
voix qu'on est le mieux entendu. Le public ne se gêne pa
qui crie. Un acteur qui tient bien la scène et soigne son
semble d'autant mieux commander le silence qu'il parle
retient son souffle pour ne pas perdre l'émotion att
syllabe qu'il prononce.
Bien peu de personnes se font une idée du travail que
nos anciens acteurs pour assurer la portée de leur organe
tionner le mécanisme de chaque lettre, peur parvenir à
débit, en obtenant des sons plus ou moins éclatons, d
tionnels, comme on disait dans la langue du métier. C'est
19.

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292 REVUE DES DEUX MORDES,

avec Dumarsais, le plus profond de nos grammairiens, que


vreur acquit la pureté enchanteresse de son articulation. J
mot du vieux Sarrazin , le prédécesseur de Brizard , parce
bien la féroce émulation qui régnait alors : « Viens étudier
disait-il à un débutant inquiet de la faiblesse de sa voix , e
je te ferai cracher le sang. » Je ne crains pas d'avancer
tragédien, largement conçu, exige un apprentissage vpc
nible que celui du chanteur. Mme veuve Talma va plus loin
livre estimable qu'elle a écrit sur les Études théâtrales :
mande des exercices dont les musiciens conçoivent à peine
lité. Je transcris le passage (page 40) : « Que faut-il faire p
l'organe flexible? L'exercer sans y manquer un seul jour, e
rant tous les tons, impératifs, plaintifs, douloureux, et
avant tout, parvenir è satisfaire sa propre oreille. Elle doi
difficile pour apprécier un ton; un demi-ton, un quart
demi-quart de ton, et enfin des valeurs qui paraissent idéa
sonnes peu exercées, mais qui sont, pour la diction, de la p
importance. Il faut savoir élever ou abaisser sa voix dan
gradations imaginables. » De pareilles études sont si pénibl
effraient l'imagination; mais on en tirait anciennement un
tage. C'était la facilité de tout peindre par le caractère de
permettait à nos anciens acteurs d'économiser le geste. Ils
arriver ainsi à une simplicité d'action souvent admirable. L
qui j'ai emprunté quelques détails sur les comédiens an
que ses compatriotes étaient surpris de voir nos artistes t
plus hardis mouvemens de l'ame sans efforts apparens. « L
cipal acteur, dit-il sans le nommer, semble avoir moins d'
cun des nôtres. Il demeure tranquille sur la même ligne, l
gracieusement. Sans remuer un doigt, il emplit la scène d
variété; il déploie dans cette posture presque immobile tou
gemens de passion qui peuvent étonner, attendrir un cœu
Sans remonter si haut dans la tradition, rappefons-nous q
des excellens principes que je viens de transcrire, M™' Talm
velé, par son organe enchanteur, les émotions produites pa
sin, la sirène du xviii* siècle : c'est Mm# Tahna qui a i
expression, restée dans le vocabulaire des théâtres, avoir d
dans la voix.
Le mauvais parler provenant presque toujours d'un vice d habitude,
d'une manière défectueuse d'émettre le son ou d'articuler les mots,
il est bien rare que le mécanisme vocal ne puisse pas être réformé.

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DE L'ART DD COMÉDIEN. 293

Découvrir le vice, prescrire les exercices qui le peuvent


de la part d'un maitre une affaire d'inspiration autan
rience. C'est encore Lekain qu'il faut nommer pour cite
opéré dans ce genre : sa voix, lourde et rebelle à ses
une sonorité si riche en nuances , si expressive, qu'elle
sure-t-on, jusqu'à des étrangers incapables de comprend
Molé établit à ce sujet un principe qu'il n'est pas inutile
c'est que Lekain, en améliorant sa voix, évita d'altérer le
étaient naturels, tandis que trop souvent les acteurs qui
se faire une voix dramatique en ont faussé le timbre en
lemment de leurs habitudes. « Sans le médium de la voi
point de vérité, point d'illusion , point de talent de prem
serait un peintre qui couvrirait son dessin de couleurs t
qu'un acteur qui couvrirait son parler d'une voix factice
jeunes tragédiens qui se tourmentent pour sombrer
aux débutantes de la comédie qui, souvent aujourd'hui, f
parler en cherchant la voix souriante de M11' Mars.
Le goût régnant dans la vocalise musicale exerce une in
marquable sur la déclamation au théâtre, et même sur l
du langage dans la société. Sous Louis XIII, on blâmait d
une ornementation de mauvais goût mise à la mode par
venus d'Italie. Le ton du dialogue alors, à la scène com
était cette affectation, cette préciosité dont Molière a fa
ayant créé ce beau style musical qui , sans sacrifier la s
que, tire ses principaux effets de la pureté et de la just
pression, les maîtres s'appliquèrent aussitôt à développe
le mécanisme vocal de leurs élèves. Le fameux Lambert,
cer aux agrémens du genre italien dont il abusait au poin
gendre Lulli, donna bientôt l'exemple de l'ampleur et de
du style. L'articulation exacte, le ton fin ei galant, la vér
l'accord du sentiment mélodique et de la grammaire
principaux points d'études recommandés par Bacilly, vie
chant qui a laissé sur son art un livre estimable. Sous ce
on commence dans le monde à se piquer de belle pro
sur la scène, on introduit ce système dramatique don
séduction est la mélodie du langage. Au xviii* siècle, on
cipe en l'exagérant. Pour le public comme pour les artis
chant est une déclamation plus fortement accentuée que
ler. On ralentit tous les mouvemens, même pour les opé

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294 REVUE DES DEUX MONDES,

et les airs semblent se transformer en récitatifs. Au lieu de pla


passion dans la vocalise comme les Italiens, on la traduit par la s
rité de l'accent. Nos chanteurs en renom, Chassé, Jéliotte, M"*
Sophie Arnould, phrasent alors merveilleusement, et passent pou
habiles dans l'art de peindre le sentiment par les nuances de la v
Ce règne de la déclamation lyrique coïncide avec la période
tragédiens atteignent la grandeur idéale, où le monde des salons
plique avec le plus de succès à relever les graces de l'esprit par la
d'une énonciation parfaite. Dans l'éblouissement du succès, on p
le système de la déclamation lyrique jusqu'au point où le ridicul
mence. Un jour vient où chacun s'aperçoit que nos chanteurs d'o
pleins d'intelligence dramatique, très beaux à voir en scène,
qu'un léger défaut, celui de ne plus chanter. Alors a lieu une ré
tion légitime au point de vue de l'art musical : la mélodie rhyth
les grands airs, détrôrent le récitatif. Une autre direction est d
à l'étude de la vocalise. Persuadés à tort, j'aime à le croire, que l
tention d'articuler exactement est inconciliable avec la sonorité
souplesse du chant, et exagérant quelques bons principes des
d'Italie, presque tous les maîtres développent la voix de man
en augmenter seulement la puissance sonore et l'agilité. L'art du
teur se réduit peu à peu au secret d'enlever bravement la diffic
Les effets qui résultaient d'une articulation exacte et sentie sont
que généralement négligés, et il devient aussi rare de rencontre
maitre de chant initié à la prosodie de notre langue que de t
un compositeur respectant le sens et le timbre des paroles dans
tribution de ses accens mélodiques.
C'est sous l'influence de cette éducation musicale que la généra
présente s'est accoutumée à la négligence, à l'incorrection du pa
à cet affreux grassaiement qui est devenu chez nous une infirmit
tagieuse. Si notre société ne s'effraie pas de ce mal, c'est qu'elle
a plus même la conscience. Dans un excellent manuel de péda
un inspecteur de l'Académie de Paris, M. Taillefer, a constaté qu
prononciation est détestable aujourd'hui dans toutes les class
vertes à l'enfance. Remercions-le des énergiques paroles qu'il a t
vées pour reprocher aux maîtres leur inexcusable insoucianc
égard : « Ce vice de l'instruction publique, a-t-it dit, est poussé
tel degré dans nos collèges et dans nos écoles, que, si les usages
relations de la vie commune ne venaient pas rompre les hab
prises par les enfans dans les premières années, bientôt ils n'art

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DE l'art du comédien. 295

raient plus qu'un jargon barbare et inintelligible. »


que que chacun doit avoir faite dans nos théâtres :
s'y font d'autant mieux entendre, qu'ils sont plus
Nous avons eu, en ces derniers temps, des acteur
gence et de généreuse ambition. Pourquoi sont-i
à leurs devanciers? C'est, je crois, parce qu'ils ont
par l'étude un instrument vocal assez riche pour t
principaux dans les nuances du langage. L'acteur
gane assez souple, assez nourri pour peindre le deg
par le caractère du son qu'il émet, est obligé de
pour le passionner, de crier pour ne pas paraître f
malheur d'être applaudi, fier de lui-même, il se
plus en plus fort, jusqu'au jour où les applaudiss
déclarent pitoyable. Ce sont ceux dont le mécanism
sant qui affirment, en s'appuyant sur les souvenirs
grands tragédiens, que la poésie dramatique doit ê
la plus grande importance aujourd'hui d'établir la
table de cet axiome. Baron, Lecouvreur, Talma, par
la tragédie, en ce sens qu'ils conservaient le ton vr
du partage instinctif; mais ces accens de la nature
ils les agrandissaient, ils les trempaient de musi
parlaient, en ce sens qu'au lieu de l'ennuyeux ronf
diens écoliers qui écrasent le son pour faire de
chaient une émission de voix facile et franche. Pou
portable psalmodie qui scande les vers en marqu
appuyant sur chaque rime, ils ponctuaient, non
cédés de la poétique, mais suivant la logique des
et le jeu naturel des organes. Leur art était un de
est inhabile à définir, et qui consistait dans une ce
fondre les vers sans en altérer la sublime essence, s
on l'a dit, de la prose. Talma ne retrouva ce secret q
nemens. Pendant quelque temps, vers le commence
parla réellement (1) la tragédie. Il ne résulta de cet

(1) Il y eut au siècle dernier un acteur qui , à ce que j'en


tragédie. Ce fut Aufresne qui débuta en 1765 par le rôle d'A
d'un bel extérieur et fort intelligent, malgré la tournure
prit, il fit sensation. La curiosité excitée par un acteur r
succès. Cependant on ne put garder le débutant dont la si
truisait l'ensemble traditionnel. Aufresne alla exploiter son t
Nord.

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296 REVUE DES DBUX MONDES,

heurté, haché, qui cessa d'être la langue des muses sans


cela plus naturel. Averti par son propre goût autant que
des bons juges, il se modifia, et tout en conservant son
tinctive pour le mot déclamer , il se rapprocha de cette
qui a toujours été la grande, la vraie déclamation tra
cuser la fin du vers par une modulation banale, sans la
une pose, il en articulait la dernière syllabe, de telle sor
conservait toute sa vertu. Quant au caractère de sa voix
conservé la sécheresse de la conversation réelle, s'il n
communiqué une certaine puissance de vibration empru
ment à la voix chantante, si ses intonations, bien que pu
nature, n'avaient pas eu quelque chose d'une vague et
lodie, aurait-il osé dire, ainsi qu'il avait coutume dans la
son talent : Je suis musicien, avant d'être acteur et poè
Chose remarquable 1 le travail de l'acteur dans la co
son débit ressemble par beaucoup de points au travai
compositeur. On donne à l'un et à l'autre des paroles
papier, et ils doivent ies ranimer en traçant un dessin m
enchaînant des rhythmes divers, en distribuant des rep
des silences. Il est difficile de trouver l'accent vrai dans les mouve-
mens passionnés, bien plus difficile encore de trouver une accentua-
tion intéressante dans les choses de détail. Il y a dans les longs récits,
et surtout dans ceux des pièces en vers de notre ancien répertoire, des
superfluités, des chevilles, du remplissage poétique. Prêter une inten-
tion, une portée dramatique à des passages faibles ou nuls, c'est en-
core un secret que ne se laissent pas dérober les acteurs de génie.
Les uns glissent sur les longueurs avec une négligence spirituelle qui
les atténue, les autres fascinent leur auditoire en suppléant par un jeu
expressif à l'insignifiance des paroles. Quant aux sujets vulgaires, on
peut leur appliquer avec une variante le mot de Figaro : ce qu'ils ne
savent pas dire, ils le chantent, en retombant malgré eux dans la mé-
lopée monotone qui a déconsidéré notre vers alexandrin.
Une autre difficulté, insurmontable pour celui qui n'est pas parfai-
tement sûr de son mécanisme vocal, est d'approprier sa diction au
style de chaque poète. Tout écrivain dramatique de quelque valeur a
une manière de phraser, des mouvemens, des accens qui lui sont pro-
pres, nuances indéfinissables que l'exécutant doit sentir et faire valoir.
Si la mode est toute-puissante en musique, c'est que les musiciens,
les plus paresseux de tous les artistes, s'en tiennent toujours au style
du maître en faveur, sans prendre la peine d'approprier leur méca-

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DE L'ART DD COMÉDIEN. 297

nisme aux compositions antérieures qui ont eu aussi


gloire. Rendus avec des habitudes qui en faussent le
ouvrages des vieux maîtres ne peuvent plus soutenir la
avec les productions récentes, de sorte que les exécutan
teurs proclament toujours avec une entière bonne foi q
a dit le dernier mot de l'art musical. Les acteurs voués
à la comédie ne peuvent pas rester dans une sembla
ont à faire des efforts sérieux pour mettre en relief les
de leur répertoire. M11" Clairon, dont le débit était im
tenu, redoutait Corneille. Elle avait besoin, pour se me
de ce fier génie, d'emprunter des artifices à l'art musi
grand ou si familier, disait-elle, que sans l'extrême sûr
nations, on court risque de paraître gigantesque ou tri
de Racine, dont on doit ménager la saveur poétique,
lopée grave et insinuante, toujours imprégnée, comm
mandait lui-même de « cette tristesse majestueuse q
plaisir de la tragédie. » Avec Voltaire, la véhémence est
jours préférable à la correction. Il y a, chez Casimir Dela
lange de vulgarité systématique et de pompe racinienn
sition est périlleuse. La difficulté a été surmontée par
notre temps, et notamment par MM. Joanny et Ligier
M. Hugo, si prodigue d'éloges pour les artistes qui ont
prètes, confirme, in petto, les témoignages de satisfac
tomber officiellement du haut de son trône poétiqu
qu'en général fi aurait doublement à se plaindre : on n'
mis en relief ses qualités; on n'a pas assez masqué ses dé
été possible, j'imagine, de justifier ses élans lyriques pa
grandiose, et ses ingénieux caprices par le charme d
ment plus naturel. Le rhythme tourmenté et bizarre,
en haine du vieil alexandrin, n'a pas toujours eu sur la
dont il est susceptible. En somme, les comédiens co
teurs de notre temps, ont à se plaindre, je crois, de re
ment des ouvrages bien écrits pour les voix. Les jeunes
ont fait preuve d'imagination et de style dans le roman
vent au théâtre, parce qu'ils y transportent leur périod
et à métaphores, tandis qu'il faudrait à l'acteur des phr
sonores, sobres d'images et d'un tour naturel sans vulg

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298 REVUE DES DEUX MONDBS.

III. -DU GESTE.

Après ce genre d'expression vocale qne j'ai essayé de caractériser,


le drame idéalisé se distingue du drame prétendu réel par un genre
d'expression mimique, large, puissante, harmonieuse, vraie sans
doute, mais de cette vérité intelligente qui explique la nature plutôt
qu'elle ne la copie; C'est ce qu'on définissait dans l'école par cette lo-
cution : avoir du style dans le geste. Obligé d'éclairer ma pensée par
quelques réflexions générales, je crois devoir rassurer mon lecteur en
promettant de ne pas m'aventurer jusqu'aux régions nébuleuses de
l'esthétique.
Le geste (je comprends, sous ce mot, le marcher, le maintien,
l'action corporelle, le jeu de la physionomie, et je pourrais ajouter
l'exclamation inarticulée), le geste est le langage de l'instinct : c'est
le moyen d'expression le plus énergique et le plus sincère. La parole
est l'analyse de l'idée ou du sentiment, et cette analyse peut être in-
intelligente ou menteuse. Le geste ne saurait mentir complètement :
celui qui parviendrait à fausser son masque trahirait l'imposture,
aux yeux d'un observateur exercé, par une inflexion en sens contraire
de quelque partie de son corps. On sait fort bien dans le monde émi-
nent que le geste est plus franc que la parole, et c'est dans la crainte
de découvrir sa pensée qu'on y évite de gesticuler. Dans la vie com-
mune, on ne se comprend le plus souvent que parce que la panto-
mime corrige et complète le décousu du colloque. H n'est pas d'atti-
tude, pas de remuement, qui ne corresponde à une sensation phy-
sique ou à un certain état de l'ame, et chaque évolution corporelle
peut devenir un coup de pinceau dans la peinture d'un caractère. Je
trouve la confirmation de ce principe dans une remarque de M. Saint-
Marc Girardin aussi judicieuse que finement énoncée : « Dans la
statuaire grecque, dit-il, l'expression, loin d'être concentrée sur le
visage, comme dans la statuaire moderne, est répandue sur tout le
corps, et la nudité est pour les sculpteurs grecs, non pas une habi-
tude empruntée au climat, puisque les Grecs étaient vêtus, mais une
ressource de l'art pour mieux exprimer les idées et les sentimens des
personnages. »
Il y a contestation entre les professeurs de déclamation pour sa-
voir si le geste doit être pour l'élève l'objet d'une étude théorique,
d'un exercice spécial. La gesticulation dramatique chez les anciens,
nous l'avons remarqué précédemment, constituait, sous le nom d'or-

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DE l'art du comédien. 209

chestique, un art très compliqué. Néanmoins, les


blaient protester contre cet art spécial, en affirman
tion physique, tout mouvement de l'ame amène néce
geste, et qu'ainsi il est inutile de s'en occuper isolém
getius naturaliter fundit oratio, a dit Cicéron. Cette
jourd'hui celle de presque toutes les écoles dramat
informations sont exactes, les élèves de notre Con
cevraient d'autres observations, quant au geste, qu
provoquées incidemment par l'étude des rôles qu
prendre. Ce n'est pas assez faire, selon moi. Je co
émotion sincère se traduit forcément par une gestic
tive; mais en est-il de même chez l'actenr, interprèt
factice? Non sans doute. Ses gestes, s'il manque d'étu
seront empruntés et menteurs, comme la passion do
tacle. J'ai pu observer que les élèves, à leurs premier
vent une difficulté extrême à exécuter les monveme
gnifians : soit timidité, soit gaucherie, ils tiennent l
au corps et ne font qu'un bloc de toute leur pers
statues informes de l'enfance de l'art. Rompent-ils le
pétrifie, c'est pour se jeter dans une gesticulation dé
désagréable encore. Il est, je le sais, des professeurs p
tombent dans un inconvénient contraire, en enseign
une nomenclature méthodique des gestes qui peut su
ils, à la composition de tous les rôles. Entre ceux qui
de l'inspiration et ceux qui ont le tort de la proscrir
une mesure à garder. Le professeur intelligent doit,
initier l'élève à la philosophie du langage mimique
pratique spéciale, assouplir le mécanisme corporel; m
faire sentir & l'élève que ces exercices ne sont, pour
qu'est la vocalise pour le développement de la voix, et
blier cette gymnastique en entrant en scène, de mêm
oublie la grammaire en montant à la tribune.
Si la gesticulation est vraiment une sorte de langag
qui tendent à la régler ne doivent pas être prescri
études des modernes sur ce sujet sont bien pauvr
celles des anciens. Appelé à la direction d'une école dr
ville jeta sur le papier quelques notes qui nous sont p
lemand Engel, qui fut, vers le commencement du siè
théâtre de Berlin, a écrit, d'après Lessing, des Idées s
voquées assez souvent à défaut d'autorités plus respect

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sur les passions appliquées aux beaux-arts , publiées il y


M. Delestre (1), pourraient être aussi utiles aux com
peintres. M. Delsarte aîné, très habile professeur de dé
que, a recueilli de son côté beaucoup de remarques d
nieuse pénétration, qui trouveront un jour leur plac
d'un grand ouvrage. Tous ces observateurs ont constaté
cidité plus ou moins grande, ce fait primordial, que les
de l'ame, de l'intelligence ou de la sensation corporelle,
caractère selon leur origine. Mais la classification de Pr
celle de Engel. Pour simplifier ces notions, mieux va
gestes humains à deux espèces, les uns, qu'on peut ap
nels, parce qu'ils expriment instinctivement, invariable
vement de l'ame ou une sensation physique, les autre
criptifs (2) ou intellectuels, parce qu'ils traduisent d
pittoresque ce que l'intelligence a conçu.
Le geste passionnel précède la parole, ou du moins
lorsque la parole elle-même est instinctive comme dans
Le geste descriptif vient au contraire après la parole, po
pour la compléter. Ce principe fondamental dans l'ar
besoin, je le sens, d'être éclairci par un exemple. La
pose, s'éveille en moi à l'aspect d'une femme que j'aime;
timent qui entre en jeu, et qui s'exprime d'abord par u
instinctive. Mon œil s'enflamme, une aspiration arde
poitrine, toute ma personne s'élance vers l'objet aim
verts décrivent un mouvement moelleux et doux comm
ces mots m'échappent : Qu'elle est belle ! Dans ce pre
le voyez, la parole est venue confirmer ¿ mon insu ce q
déjà dit mon geste passionnel. Ài-je vu au contraire une
la beauté me frappe, mais qui néanmoins me laisse i
n'est plus mon ame qui sent, c'est mon esprit qui rema

(1) Un succès honorable, d'autant plus qu'il est modeste, a réco


La première édition de ses' estimables Études s'est épuisée à pe
prends qu'une réimpression, vraiment désirée, va paraître.
(2) Cette classification, basee sur l'observation analytique, semb
le peu que nous savons de la mimique des anciens. Plutarque d
chestique, on distinguait trois sortes de gestes : Io le mouvement
2o la figure ou l'attitude; 3° la démonstration, l'indication. Les gest
ordre sont assurément descriptifs. Quant à l'expression passion
des deux premiers genres, c'est-à-dire qu'elle est produite ou pa
ficatives, comme celles que saisit la statuaire, ou par des mouve
signification précise, comme de secouer la tète en signe de menac

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DE ťART DD COMÉDIEN. 301
lyse. Je m'écrie au premier coup d'œil : Qu'elle est bellet E
mon geste, calme et indifférent, achève ma pensée, en déc
lignes qui caractérisent les belles formes. Dans ce secon
mon geste descriptif, dessinant, illustrant une simple conc
mon esprit, est venu après ma parole pour lui servir de co
La confusion des deux sortes de gestes est souvent ce q
dans le jeu des acteurs médiocres. Si les pantomimes nous p
assez souvent ridicules, c'est qu'à défaut de dialogue on
presque toujours la passion par un jeu descriptif qui n'est p
nature. Bien que disposé à recevoir avec une soumission res
en fait d'art, les traditions favorables aux anciens, j'incline
que leurs pantomimes si vantées n'étaient pas moins défect
les nôtres, qu'ils y abusaient du geste descriptif, et qu
avaient, parmi leurs moyens d'expression, certains signes c
nels avec lesquels on se familiarisait à la longue, par la fré
des spectacles. On sait que Cicéron et Roscius s'étudiaient à
éloquemment certaines pensées, l'un par la parole, l'autre p
muet. A plusieurs reprises, l'orateur changeait les mots
vant toujours l'idée, et aussitôt, dit Macrobe, le comédien p
à traduire exactement cette même idée par des gestes diff
demment, ces gestes que Roscius différenciait ainsi n'étaie
de la passion.
Les gestes descriptifs ne peuvent pas devenir un sujet d'e
parce qu'ils sont capricieux et accidentels. Les gestes instin
passion , qui se reproduisent constamment sous l'influence d
causes, sont les seuls qu'un artiste doit observer et reprodu
étude n'est autre que celle de l'ame humaine dans ses mani
extérieures. M. Delestre, rectifiant une théorie émise par
éditeurs de Lavater, expose que les gestes qui traduisen
correspondent aux trois états divers qui peuvent affecter
maine : excentration, état dans lequel l'individu semble se
son corps se porte en avant, où l'ame se précipite, pour
dans l'organe qui est en jeu; concentration, état opposé,
loureuse dans laquelle l'individu éprouve le besoin de se
lui-même, et enfin un état intermédiaire, qui est celui du
de l'impuissance. Si l'on faisait la grammaire du geste, com
ciens l'avaient faite, j'en suis convaincu, on verrait que ces t
d'expression mimique correspondent aux formes active
neutre du langage grammatical. Une anecdote fera com

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302 REVUE DES DEUX MONDES.

portée de ce principe beaucoup mieux que les ratsonnemens


En disant ces deux vers :

Tous les hommes me sont à tel point odieux,


Que je serais fâché ďétre sage à leurs yeux ,

Alceste, en proie à un noir accès de misanthropie, voudrait


se réfugier en lui-même, afin de s'isoler du reste du mo
intention est si claire, qu'il semble difficile de la déme
geste. Cependant, tous les acteurs qui ont joué le Misant
qu'à Molé déployaient les bras par un effort excentrique, e
taient violemment comme s'ils avaient eu à repousser les at
l'univers. Ramené à la nature par son rare instinct, Molé se
était plus vrai de concentrer son action en resserrant ses b
poitrine avec une contraction douloureuse : idée qui fut sai
plaudie à une époque où pas une intention, pas un mou
n'échappaient aux juges attentifs de l'orchestre.
Je demande grace pour la métaphysique que je viens de fa
m'a semblé indispensable pour définir ce qu'il faut enten
terme employé plus haut : le style dans le geste. Si la ge
humaine constitue un langage naturel qui a son vocabulaire
gique, comme les idiomes de convention, le style résult
langage aussi bien que dans l'éloquence parlée, d'un puissant
térieux ensemble de qualités : justesse et force d'expression
nement et progression logique des idées, élégance et m
tenue. Observez les êtres supérieurs dans ces instans su
débordent, pour ainsi dire, les richesses de leur nature : leu
fortement accusé, s'épuise lentement. Annoncé par l'écla
défini par un jeu de physionomie, il descend de là dans les
eb jusqu'au bout des doigts, qui deviennent alors, selon l
de Garrick, autant de langues qui paient. Ainsi moctal
s'arrondit, se phrase, et acquiert cette profondeur d'intent
noblesse expressive, qui nous ravissent dans les bons ouv
peinture. Mais l'acteur a plus à faire que le peintre. Il suffi
de prêter à des figures immobiles des attitudes significa
teur, vivante peinture, doit se renouveler continuelleme
chaînant les aspects d'une manière logique et toujours a
L'acteur parfait, s'il pouvait exister, serait le premier das a
Dans la vie commune, les gestes n'arrivent au style que
sont commandés par la passion. Ordinairement, chez pr

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DE L'ART DU COMÉDIEN. 303

le» individus, le langage muet est ce qu'est la conver


incorrect et diffus, terne et indécis. De même à la s
vais acteurs, qui n'ont pas le sentiment de l'éloquenc
lent une gesticulation babillarde et vagabonde, un bred
supportable de tous les membres. Ils disent tout ce qui
les bras, et c'est pour cela qu'ils n'ont pas plus de style
vaient avoir dans leur dialogue ces anciens improvisateu
tout ce qui leur passait par la téte. S'il y a quelque vérit
adage : « La majesté n'a pas de bras, » on peut conclure
de notre temps, une dizaine peut-être exceptée, son
moins majestueux de la création.
Au théâtre comme dans le monde, la sobriété express
ces mouvemens lents, précis et soutenus, qui semblent
pire de l'ame sur le corps, sont des marques à peu près
la supériorité. Rester vivant aux yeux du public, tou
cette réserve officielle de la bonne compagnie, indique
térieur, et, suivant l'expression de Molé, « laisser devin
sous les apparences de l'impassibilité, c'est pour l'acteur
difficulté extrême. M"* Contât, dont la vivacité spirit
pas moins dans ses rapports avec ses collègues qu'en pr
blic, se faisait un devoir de guider, d'encourager les dé
jeune personne à qui elle avait conseillé vingt fois d
gesticulation désordonnée, lui ayant avoué à une répéti
ses efforts pour se contenir étaient inutiles : - D f
recours à un moyen de rigueur, dit la souriante coméd
sitôt, s'étant fait apporter un fil, elle attacha à sa prot
long du corps, en lui recommandant expressément d
gager. Bien plus enchaînée par le respect que par le
débutante s'efforce à grand'peine d'observer la consign
augmente à mesure que la scène s'échauffe : hors d
fin, elle éclate, le fil casse... « A merveille! s'écrie M11
le fin mot de la bonne comédie! Peu ou point de g
moment où la passion fait rompre le fil des convenanc
actrice était, comme je l'ai ouï dire, M'1" Mars, on c
jamais leçon n'a été mieux mise à profit. Jamais femm
scène n'a poussé plus loin la discrétion unie à la fra
nières, le facile accord de la pensée et de l'action corpo
diffuse qui est la grace et qui ravit.
Si l'instinct du geste n'est pas fécondé par une étude
il est bien difficile de réussir à la scène dans l'art d

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304 REVUE DES DEUX MONDBS.

nuance du talent dramatique est pourtant une des plus


l'illusion. Celui qui tient la parole a besoin, pour se com
même, de lire sur le visage de son interlocuteur les eff
cours, de même que l'écrivain a besoin de suivre l'en
ses propres idées sur le papier où il les jette. C'est b
personnage qui écoute qui fait applaudir celui qui parle.
peut être citée comme modèle dans cette partie de
marche n'est pas toujours assez bien caractérisée, ses at
tout dans le jeu muet, sont ordinairement irréproch
même l'étincelle de l'inspiration l'élève jusqu'à la bea
Je l'admirais dernièrement dans Bérénice , au mom
chus vient lui apprendre qu'elle doit se séparer de l
amant. Impatiente de savoir, Bérénice craint d'appre
tout, elle cherche à s'abuser. Cette duplicité d'impression
par M11* Rachel d'une manière saisissante. Une main ou
qu'un peintre l'eût copiée pour exprimer l'interrogation
vers Antiochus et le pressait de s'expliquer avec un
d'impatience. En même temps que le visage se refusa
yeux égarés dans l'espace semblaient y chercher un ref
malheur trop certain. Ces intentions diverses étaien
une pose aussi noble que touchante. Ce n'est pas là un
que les applaudissemens récompensent immédiatement;
De pareils traits se gravent dans les souvenirs des bons
ribuent plus tard à faire vivre le nom d'un acteur.
Autre avantage de celui qui a poussé loin la science du
a plus pour lui de mauvais rôle : il donne de l'impor
pauvre dialogue en préparant les mots par un jeu muet
tion silencieuse, il fait un petit poème (1). Lekain, a
Molé et de Garrick, excellait dans ce grand art des prép
rick lui-même possédait ce qu'un de ses biographes app
du silence. Concevoir des jeux de scène comme celui
. dans Virginie, plate tragédie d'un auteur oublié, nomm
vraiment composer les pièces. Le peuple encombre le fo
.siège au tribunal. D'un côté est Virginius (Garrick remp
de l'autre côté l'indigne client du décemvir qui ose
jeune vierge comme une esclave fugitive. Pendant l
ravisseur, Virginius reste debout, le visage morne, la t

(l) Ces tempt de silence étaient appelés, par les contempora


graces additionnelles .

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DE L ART DD COMÉDIEN. 305

baissés, les bras croisés sur la poitrine, immobile et mu


statue sur un tombeau. Le juge inique lui défère la paro
è se défendre. On dirait que Virginiusn'apas compris
ques instans, il conserve la même attitude. Seulement on
s'animer : les passions dont il est agité, s'y venant
tour, attirent sur lui tous les yeux. La foule attend; on
Yirginius lève la tète lentement, et lentement la tourn
la direction du tribunal. Appuyant alors ses regar
chef des décemvirs avec une fierté pleine d'amertume,
lence un moment encore, et enfin, de cette voix sourde
qui échappe quand le cœur se brise : Traître! s'écrie-
dit, il se tait long-temps encore en regardant son enne
Les personnes qui ont vieilli dans le métier ne manqu
dire que la science abstraite du geste est inutile, puisqu
pas lorsque nos plus grands acteurs ont illustré la sc
que les âges les plus heureux pour les arts sont ceux où
le moins. Les grands génies arrivent au beau sans se
du travail qui s'opère en eux : l'éducation des artistes s
fait sympathiquement, par l'imitation et par la pra
époque où on ne concevait pas autre chose sur notr
large et poétique interprétation de la nature, le mot id
par opposition au mot naturel, dans le sens que lui a dé
attribué l'esthétique allemande, n'existait peut-être pas
bulaire de l'acteur. Les définitions, les analyses, les
papier ne sont, je l'avoue, que des ordonnances pou
Mais, hélas ! ne sommes-nous pas un peu dans le cas d'en
Ce que j'ai dit plus haut de l'influence de la diction usi
sur le ton du parler habituel dans la société est applica
à la tenue. Au siècle dernier, l'Europe disait d'une façon
qu'un homme accompli devrait avoir les jambes d'u
main d'un Allemand, la tête d'un Anglais, le regard
corps, la taille et le maintien d'un Français. C'était l
acteurs se distinguaient par l'éloquence corporelle et
nières. Aujourd'hui que le sentiment de la distinction n
pagé par les modèles que nous offre la scène, je doute q
permis de nous croire encore supérieurs aux autres peu
gance et la noblesse du maintien.

TOME VIII. 20

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306 BEVUE DES DEUX HÖNDES.

IV. - PRATIQUE DR LA SCkNB,

Il n'est pas rare de rencontrer des artistes qui, ap


rieusement exercés, après avoir acquis certaines qualit
restent sans empire sur le public , tandis que d'autr
étude, sans style, doués pour tout mérite d'un vague i
tion, d'un sans-gêne presque insolent, recueillent sur
rieures tous les avantages de la célébrité. C'est qu
d'exécution, mieux vaut un entrain naturel que la
cieuse d'un talent inachevé. Ce contraste est d'un f
pour les natures incomplètes et vulgaires. Le décourag
au milieu de leurs études : elles accusent les rigides pr
de s'affliger sur leur propre pusillanimité. Elles se jett
dans l'exagéré et le trivial, et lorsqu'elles ont à leur to
ces effets qui secouent la foule grossière, elles se décl
d'emportement que les autres, contre tout ce qui est d
probation réfléchie. Telle est l'histoire de la plupart de
petits théâtres.
Dans l'art théâtral , on ne devrait jamais se laisser al
gement. Cet art diffère des autres en ce que le talent
s'y accroissent ordinairement avec l'âge. La faculté de
entier dans un personnage, de débiter les pensées d'un
l'expression d'un sentiment réel, ne s'obtient qu'à la lo
acquise, cette puissance de transformation semble éter
Baron à soixante-quinze ans, Préville à soixante-qua
glais Macklin à quatre-vingt-quatre ans, jouaient avec
la jeunesse. « Il a- soixante-cinq ans, disait Mlle Contât
ne connais pas un de nos jeunes amoureux pour se
aux genoux d'une femme. » Les dernières années
Talma, de M,,e Mars, leur ont assuré leur réputatio
C'est qu'il fout aux intelligences les plus vives le se
pour amener à point les créations importantes.. Le
était le triomphe de Lekain : ce grand artiste avait pl
souvent, et cependant il avouait n'avoir dit à son gré
dans sa vie le « Zaïre, vous pleurez !» Un personnag
que par une continuité de petites trouvailles, d'imperc
qu'on s'approprie, quand on a la mémoire de l'accen
beaucoup plus rare que la mémoire des mots.
On dit et je crois que le mécanisme une fois acquis,

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DE L'ART DD COMÉDIEN. 307

profitable est celle qu'on fait devant le public; mais comb


ne faut-il pas à l'acteur pour apprendre à se faire du pub
dans lequel il s'examine comme devant sa glace! Talma po
faculté au plus haut point. Lorsqu'il sortait de la scène, r
qu'à la coulisse par ce frémissement d'émotion qui enivre
se tenait à l'écart, isolé dans un enthousiasme que chacun
Se préparait-il à la scène suivante? Concentrait-il ses for
lever au-dessus de lui-même? Nullement. Il ne songeait q
qui venait de finir. Il cherchait à se rendre compte des r
nus, des parties défectueuses, des lacunes à remplir. C
sentation ajoutait au rôle quelque effet qui devait enrich
sentation prochaine. Si M"6 George conserve, malgré le g
son talent, le prestige de la majesté royale, c'est que, dan
rôles de son ancien répertoire, elle n'abdique pas non p
raineté pendant les entr'actes. Elle en profite au contrair
jeunir en se retrempant dans les inspirations de sa brilla
Même fierté d'allure, même accent de physionomie derr
que devant le public : son regard haut porté ne descen
qu'au peuple de la coulisse. Elle marche silencieuse et
même, indiquant seulement par un simple mouvement d
fasse passage. Place à Sémiramis! La foule s'écarte, la r
on s'indine.
On a long-temps divinisé la tradition. Aujourd'hui , bea
teurs semblent se faire un point d'honneur de ne rien
eux-mêmes. Entre ces deux extrémités, il y a une mesur
U faut étudier les traditions théâtrales avec respect, mai
glement. La création complète d'un des grands rôles d
pertoire est une œuvre si vaste, que peu d'acteurs y parvi
le secours de leurs devanciers. Les pièces de Molière, s
tant d'hommes habiles se sont exercés, sont, je crois, les
en effets traditionnels. Un comédien nommé Fierville, q
âgé de cent six ans, en 1777, avait connu, dans sa jeuness
lière, comme on' le prétendait, du moins les élèves du gr
« Ce FiervHIe, dit dans ses Lettres le judicieux Noverr
une foule de beautés que les autres acteurs m'avaien
Telles qu'elles nous sont offertes aujourd'hui, ces pièces r
surtout dans les scènes gaies, nombre d'intentions fines
santes, dont nous serions ravis, si nos impressions n'étai
blies par la satiété. En disant, dans le Misanthrope, les
le roi m'avait donné Paris, sa grand' ville, etc., les acteur
20.

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308 REVDE DES DEUX MONDES,

leur voix d'accens chaleureux et sympathiques. Ce contra


sens grivois des paroles et le ton enthousiaste de l'ac
Baron, qui mettait de la coquetterie à conduire, dans
spectateurs jusqu'aux larmes. Lorsque Talma, au secon
fameuse entrée du rôle de Néron, disait : «C'est ma m
respecter ses caprices , » on comprenait, à un frémissem
tience mal contenu, que le monstre serait bientôt à bout d
filial. On applaudissait Talma : il eût fallu admirer Le
auteur de ce trait. Voilà de ces inspirations que tout arti
fier de s'approprier. Mais, combien de fois la routine, fi
la paresse, a-t-elle usurpé les droits de la légitime tra
quelques exemples.
Pendant plus d'un siècle, il fut d'usage que le même act
les rôles de rois et de paysans, et comme Montfleury, le
eût cumulé ces titres, était grand, gros, largement entrip
a dit de lui Molière, une forte complexion fut exigée
qui abordèrent ce double emploi. Il se trouva quelques su
rillière l'ancien, Brécourt, Sallé, Ponteuil, qui réussirent
nuances; mais la plupart étaient déplacés au moins da
comme le poète comique Legrand, qui, parfait dans le gr
de son droit pour faire rire dans la tragédie aux dépens
royale. Par analogie, la même actrice devait remplir les r
et de soubrettes. Mu< Desmares ( 1699-1721 ) jouait avec
dans la même soirée Athalie et Lisette, Jocaste et Né
les défauts, les infirmités physiques de ceux qui ont fait
passés dans la tradition. Le nazillement des comiques est
de ce Julien Geoffrin, qui créa, il y a plus de deux siècl
Jodelet, dans la farce improvisée. Béjart, à qui s'adre
nellement ce mot que Molière a mis dans la bouche
Chien de boiteux! a fait boiter long-temps tous les héro
livrée. Les trois excellens comiques du nom de Poisson on
douiliement contagieux. Théramène, quand il vint pou
fois débiter à Thésée la magnifique amplification qui ter
portait, comme les héros tragiques de son temps, une va
à la Louis XIV. Arrivé à ce passage : J'ai vu, seigneur
malheureux fils, etc., il exprimait le désordre de son dé
jetant par derrière une des touffes de devant, de mê
d'iiui, dans les grandes crises, on passe ses doigts dan
Cette tradition du bonhomme Guérin a duré autant que
à la Louis XIV. Qu'on ne croie pas que les sujets inept

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DE L'ART DD COMÉDIEN. 309
aller seuls à de telles puérilités; l'imitation est tellement dan
stincts du comédien, qu'à moins d'une attention soutenue, o
au théâtre le bien comme le mal. Dans le Pasquín de f H
bonnes fortunes, Dazincourt, artiste décent et de bon goût,
quait jamais d'aller tordre son mouchoir trempé d'eau de Co
la téte du souffleur. Cette grossièreté ayant attiré une fois
de sifflet, les spectateurs routiniers vengèrent aussitôt l
déclarant tout haut que ce jeu de scène avait toujours été
depuis un siècle. A une des dernières représentations du
Gentilhomme, j'ai vuM. Jourdain, lorsque son maître d'arme
La main à la hauteur de l'œil, prendre l'alignement de son œ
s'il en tirait un fil, en écartant sa main horizontalement. Ce
niais, qui est un contre-sens, puisque M. Jourdain est un
teux plutôt qu'une bète, provient sans doute de la tradition
qui s'en est rendu coupable a trop d'esprit et de finesse pour
risqué de son chef. Je pourrais citer d'autres jeux traditionn
les gens de goût condamnaient déjà il y a un siècle, et qu'on
encore aujourd'hui.
De toutes les traditions du bon temps, la plus utile à notre
serait un certain secret qui a été celui de tous les grands act
siècle dernier, en Angleterre comme en France. Ils avaient l
s'emparer des plus mauvais ouvrages, de les recomposer,
un poème dont ils devenaient les auteurs véritables, et avec le
attiraient le public. « Il y a dans chaque rôle, disait Talm
trois vers qui en sont la clé, c'est là ce qu'il faut savoir sa
deux ou trois vers, que les acteurs de génie savaient discern
misérables rapsodies, les mettaient sur la voie d'un type
d'un caractère à peindre. La pièce du pauvre poète disparaiss
n'était plus qu'un cadre vulgaire destiné à recevoir un p
main de maître. C'est ainsi que Molé, que Préville, ont trouv
de créer d'une manière honorable pour eux et utile pour
cinquante à soixante rôles nouveaux dans des pièces inférieure
qui se font communément aujourd'hui. Lorsque les comédien
çais, à défaut de pièces de grand style, empruntaient des
aux petits répertoires, ils les élevaient jusqu'à eux par le
leur exécution. Aujourd'hui, en admettant un genre infé
n'évite pas assez de s'abaisser jusqu'à lui.
Un dernier mot sur les accessoires, dont on a fait sur beau
scènes le principal élément du succès. Le premier réform
costumes, Lekain, s'écriait ; « N'usons du pittoresque qu'a

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310 BBVUB DBS DEUX MOTTOES,

gement. » C'était l'instinct prophétique de l'inventeur qui e


avec anxiété l'abus qu'on pourra faire de sa découverte.
mise en scène est poussé assez loin aujourd'hui pour que
théâtrale soit complète. Ce progrès a l'incontestable avanta
un champ plus vaste aux conceptions poétiques. Je dou
également favorable à l'art du comédien, et je crains fort q
prestige du pittoresque ne fasse négliger le genre de peint
voudrait admirer au théâtre, celle des passions. C'est un fa
rience que sur toutes les scènes connues, on a vu décroître
moraux et matériels en raison inverse du perfectionnemen
soires. Quel vaudevilliste laisserait jouer la moindre de ses p
les conditions qui suffisaient à Corneille? A cette époque, l
foyer himmeux, au lieu d'être placé comme aujourd'hui
ceinte réservée au public, était accroché au milieu de la scè
lorsque la décoration représentait une forêt ou une plac
Une scène de nuit, une poétique invocation au soleil, étaien
sous un buisson de puantes chandelles groupées en manière
Les bougies ne furent substituées aux chandelles, mêm
que sous la régence, par un acte de libéralité du célèbre
Law. On appelait alors les balcons des rangées de banquet
que côté des coulisses d'avant-scène, où les gens du bel
naient -rendez-vous. L'insolent marquis entrant avec fracas
d'une tirade, le jeune fat agaçant les actrices , semblaient n
parterre, qui ripostait souvent par des sifflets vigoureu
spectacle était attrayant, on était obligé de placer des sentin
trée des coulisses pour contenir l'affluence des spectateurs.
brement de la scène donnait souvent lieu à des incidens
A la première représentation de Sémiramis, la foule étai
devant le tombeau à l'apparition de Ninus , que le factionna
à crier de toutes ses forces : « Place à l'Ombre , messieurs ,
plait ! place à l'Ombre ! »
Quant aux costumes de ce temps , ils étaient arbitrair
vent même grotesques, surtout dans les allégories de l'O
lait-on figurer les Vents? on les faisait paraître avec un pe
à la main. On imagina une fois de représenter le Mond
habit bariolé comme une carte de géographie : sur la place
on avait écrit en gros caractères, Gallia; sur une jambe, Ital
ventre, Germania; à l'opposé, terra incognita. Si les pers
la tragédie étaient costumés d'une manière capricieuse e
ce n'était pourtant pas par ignorance, car on connaissai

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DE L'ART DU COMÉDIEN. 311
aussi bien qu'aujourd'hui l'antiquité grecque et latine. No
conformaient naïvement à leur poétique, qui avait pour base
sation , et , au lieu de viser, comme nous, à cette couleur lo
n'est souvent qu'un mensonge, ils voulaient qu'un héros é
premier coup d'oeil l 'idée de son caractère moral et de sa for
faut, dit l'abbé Dubos, donner toute la vraisemblance po
personnages qui représentent l'action : voilà pourquoi on hab
jourd'hui ces personnages de vétemens imaginés à plaisir. Les
des actrices sont ce que l'imagination peut inventer de plus ri
plus majestueux. » En Angleterre, au rapport d' Addison, on
mandait à l'acteur chargé de traduire les infortunes d'un
de s'offrir au public avec un habit râpé : en revanche, le héro
par le sort se présentait avec un panache si haut, que souven
avait plus loin du sommet de cette parure à son menton q
menton à la pointe des pieds. » Le costume français, sous
règne, était le même pour la tragédie et la haute comédie : ha
cienne mode, tricorne à plume, perruque longue, gants b
lotte courte, bas de soie, talons rouges. Les personnages
endossaient par-dessus tout cela un simulacre de cuirasse. Ce
réservé dans le monde aux plus hauts personnages, éveillait
sur la scène une idée de majesté; mais altéré peu à peu par le
reries de la mode et les coquetteries d'artistes, il dégénéra e
trement ridicule. Vers 1740, les Romains conservaient les gr
veux; de plus, ils les poudraient. Les cuirasses tragiques furen
cées par des corsets lacés, avec des écharpes en bandoulière.
et femmes prétendaient à la finesse de la taille : les premiers
des hanches , c'est-à-dire des paquets de crin qui les élargiss
demi-pied de chaque côté. Les héroïnes traînaient d'énormes
qui alourdissaient leur démarche et empêchaient beaucoup d
scène.
Un soir que Gustave Vasa, proscrit et fugitif, sortait des c
de la Dalécarlie, en habit de satin bleu, avec des paremens d'
on se prit à sourire, mais bien bas, et avec tout le respect q
mandait le beau Dufresne. L'explosion du ridicule éclata un p
tard à l'Opéra, une fois qu'on vit Ulysse, long-temps ballotté p
pête, sortir du sein des flots avec une perruque magnifiquem
drée. La réforme inévitable fut entreprise par Chassé à l'Op
Lekain et M1" Clairon à la Comédie-Française. Croirait-on qu
un demi-siècle et l'influence dès plus grands noms pour réd
prit de routine? Lekain, osant supprimer les hanches pour T

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312 REVUE DES DEUX MONDES.

et substituer dans Gengis-Kkan une peau de tigre vérit


fetas chiné, conserva la coiffure à la française, avec les ro
poudre. Condamner la poudre en présence de deux mille tê
rinées, n'était-ce pas, pour un acteur, jouer bien gros
n'avait pas osé faire Gengis-Khan, un humble chanteur l'es
pas sans une certaine prudence diplomatique. 11 devait joue
Il se présente avec des flots de cheveux noirs répandus sur
portant d'une main la redoutable massue, de l'autre un
poudrée à blanc. Son geste indique qu'il est tout prêt à rev
cienne mode, si le public l'ordonne. Un murmure appr
fait comprendre que sa témérité est excusée. Reprenant
pose de demi-dieu, il rejette au loin la fausse chevelure
éclate en applaudissemens en voyant le nuage blanc qui s'él
la perruque tombe à terre. De ce jour, tout devint possible
fit coiffer à la Titus; Talma, inspiré par le peintre David, se
rigoureusement de la réalité, pour la forme et même pour
des vétemens antiques: le sévère manteau de laine rem
les vieux Romains, les étoffes de luxe dans lesquelles on
draper. De notre temps, les études pittoresques tiennen
trop grande peut-être dans l'éducation théâtrale. On voit s
les scènes, même les plus infimes, des acteurs qui savent c
porter les costumes historiques. Je voudrais pouvoir en di
des costumes du jour. Les recherches entreprises particuliè
chacun des artistes ont un inconvénient; ces costumes,
être exacts isolément, ne s'accordent parfois pas plus entre
la décoration : il en résulte un bariolage disgracieux et fat
l'œil du spectateur. Les bons décorateurs d'Opéra de la f
dernier avaient pour maxime de considérer la scène comm
mouvant où les tons doivent être assortis de même que su
et ils sacrifiaient la réalité douteuse des détails à l'harmon
semble.

y.

Rapprochons en peu de lignes les traits caractéristiques du tableau.


En France seulement, au xvne siècle, on produit des ouvrages qui
laissent entrevoir la possibilité d'approprier à la scène moderne quel-
ques-uns des effets de la scène antique. Après un longtemps passé en
expériences et en tâtonnemens, commence vers le milieu du xvme siècle
une période d'environ trente ans, où nos acteurs conçoivent pleine-

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DB L'ART DÛ COMÉDIEN. 313

ment, où ils appliquent avec supériorité le genre d'idéa


nique en rapport avec nos chefs-d'œuvre littéraires. C'est
trop le répéter, une manière d'anoblir et d'agrandir la na
s'arrêter précisément au point où commencerait l'invr
c'est le secret d'imprimer dans l'ame des spectateurs le se
la pensée du poète par une indéfinissable magie de ge
role. A notre école nationale, on oppose cette théorie d'or
gère qui prétend faire de la scène le miroir de la réalité. So
la verve du prosélytisme, elle fait sur les esprits une impr
parce qu'elle présente un des aspects de la vérité, aspect n
notre public. Au lieu de reconnaître mutuellement leur lé
écoles se nient et se combattent. Après la bruyante mêlée
cette crise d'épuisement dans laquelle nous sommes. L
trouvent confondus, les doctrines se sont altérées en se m
Ceux qui prétendaient aborder la réalité par de franch
sont sous le poids d'une sorte de défaveur. L'instant serai
à l'ancienne école pour réagir; mais elle en est au lend
déroute, amoindrie, désorganisée, obligéedeconcentrerpre
ses espérances sur un talent dont le développement et le
nent du phénomène. En somme, les seuls ouvrages qu'il so
de représenter aujourd'hui avec un ensemble pleinement
même & notre premier théâtre, sont ces compositions de
tère et d'un genre indécis qui n'exigent pas impérieuseme
tion et la pureté du style.
Dans la confusion présente, le point capital pour l'acteu
bien pénétrer de la diversité des styles qu'exigent les ouv
sur notre scène, de diversifier en conséquence le mécanis
exécution , afin de pouvoir nuancer franchement chacun
selon son véritable caractère. D importe surtout d'assurer
d'œuvre du répertoire national une interprétation qui en
prestige. C'est dans ce but que j'ai essayé de rappeler c
grands maîtres comprenaient la poétique traduction des r
vie, quel rude apprentissage les initiait au sentiment de l
admirable enthousiasme les soutenait dans leur carrière.
Au siècle dernier, tous les poètes qui travaillaient pour
française, on en comptait trente à quarante, se faisaie
autant qu'un plaisir de diriger ceux qui se vouaient au th
ques-uns même, comme Laharpe, Collé, Colardeau, étaient
assure-t-on, d'appuyer leurs conseils par des exemple
taire, on sait qu'il était de feu sur" ce point. Quels sont ce

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314 REVOE DES DEOX MONDES.

teurs contemporains qui ont approfondi l'art de la déclam


l'ignore. Ils ne font preuve de leur habileté qu'en traçant
tions matérielles de la mise en scéne. Ce n'est pas seulement
conseils, c'est encore par leurs ouvrages que leur influence p
manifester utilement. Qu'ils fournissent plus souvent des rô
pour exciter l'intelligence , qu'ils ne cherchent plus l'effet q
puissante personnification des caractères, que la plénitud
style commande une diction exacte et mélodieuse, et ils verr
fleurir des talens qu'on croyait épuisés; que les rôles seco
soient pas tellement sacrifiés qu'on ne puisse y faire ses pre
des talens nouveaux , qu'on verra apparaître, répondront de
Et le public lui-même ne semble-t-il pas avoir abdiqué?
dien de notre temps n'entend presque jamais que cet affreux
ment de la claque salariée qui sonne faux comme un menson
différence entre les conditions où le place notre froideur et ce
panouissaient les talens de ses devanciers! La clientelle de la
française, à sa plus belle époque, était peu nombreuse; m
l'élite du peuple qui donnait le ton à tous les autres. Suivant
de Lekain, le théâtre était fréquenté par quatre à cinq mille
au plus, dont un dixième avait ses entrées gratuites. A ce co
admettant un minimum de mille personnes par soirée, la sal
trouvait garnie des mêmes figures tous les quatre ou cinq jo
preuve de ce fait, c'est que sur une recette d'environ 400,000
petites loges louées à l'année procuraient au moins 200,0
Ainsi, l'acteur et le spectateur se connaissaient, se comp
possédaient également bien le répertoire, les traditions,
du métier, communiquaient directement par les annonce
vive voix, par les discours de rentrée et de clôture, avaie
mot, mainte occasion de se renvoyer mutuellement l'enth
« Après la pièce, disait à l'âge de quatre-vingt-six ans M1U D
en dictant ses Mémoires dans le grenier où la révolution l'av
duite, le foyer de la Comédie française offrait l'aspect d'un
beaux salons de compagnie de Paris. On ne s'y montrait
magnificence, graces, manières, élégance, politesse, galanter
conversation piquante, tout y était réuni pour l'instruction
acteur qui savait observer. Les actrices y avaient le maintien
grand monde et la plus aimable décence. »
Les applaudissemens de la bourgeoisie, les cajoleries de la n
flattaient les comédiens sans les satisfaire. U fallait à leur lég
gueil l'assentiment d'un petit nombre d'hommes à qui la

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DE l'art du comédien. 315

mune attribuait l'amour de l'art et la sûreté du g


jouais, dit la fière Clairon, je cherchais à découvr
connaisseur qui pouvait y être, et je jouais pour lui ;
cevais pas, je jouais pour moi. » Ceux à qui les acteurs
magistrature littéraire, la prenaient au sérieux et s'en
que sorte un état Leur approbation ne s'exhalait p
et en métaphores, comme celle des mélomanes de no
par une attention soutenue, par la fréquence de lèur
vaient à l'acteur le cas qu'ils faisaient de son talent e
La philosophie du langage, la littérature, l'histoire, l
science des mœurs et de la nature, telles étaient l
puisaient sans cesse pour contribuer, par d'utiles con
position des grands rôles; ainsi étaient-ils forcés
ce courant d'idées où se plaisent les intelligences sup
un rare privilège, le plaisir se réalisait pour eux en s
Mis dans la confidence de tous les travaux du théâtr
pour ainsi dire, en collaboration discrète avec les artis
leur arrivait de participer aux émotions du triomphe
qu'ils avaient inspiré enlevait les applaudissemens de
Si les esprits distingués de notre temps pouvaient b
les fines jouissances de ceux qu'on appelait autrefois
la Comédie, s'ils entreprenaient de faire leur propre
trale en dirigeant celle de nos jeunes comédiens, le b
faiblissementdevient un sujet d'inquiétude ne tarderai
son ancien éclat.
A. Cqchut.

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