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EDUARD MEYER

HISTOIRE

DE L’ANTIQUITÉ
TOME III

L A B A B Y L O N IE E T L E S S É M IT E S
J U S Q U ’A L ’É P O Q U E CASSITE

TRADUIT PAR

ÉTIENNE COMBE, PH. D.


CONSEHVATEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE D*ALEXANDIUE

PARIS
LIBRAIRIE ORIENTALISTE PAUL GEUTHNER
13, RUE JACOB, vU

1926
ERRATA

Page en bas, lire : « 434 », au lieu de : 432.


Pages 36 et 38, lire : « llumailu », au lieu de : Humailu.
Page 37, lire : « Ellil-kudur-usur », au lieu de : Ellil-Kudur-üsur.
» 38, » : « ses savants ont », au lieu de : ses savants sont.
» 39, » : « parut », « par », au lieu de : parût, pour.
» 53, » : « Qidri », au lieu de : Kidri.
» 56, » : « puits », au lieu de : fruits.
» 58, » : a continuelle », au lieu de : interrompue.
» 79, » : a QadeS », au lieu de : Kades. De même, page 85.
» 95, » : « Usu », au lieu de : Usa.
» 104, » : « rationnelle », au lieu de : rationelle.
» 113, dernière ligne, lire : « Nim », au lieu de : Nin.
» 128, lire : « Kes », au lieu de : Kis.
» 131, » : « associés », « auxquels », au lieu de : associées,
auxquelles.
» 140, » : « EreSkigal », au lieu de : Eres Kigal.
» 152, » : « § 370 », au lieu de : § 380.
» 157, » : « Isuil », au lieu de : l§nil.
» 158, » : « Sémites de la steppe », au lieu de : Sémites, de la
steppe.
» 162, » : a fondement », au lieu de : fondemeut.
» 163, » : « El-Hibba », au lieu de : El-Hilba.
» 169, » : « § 370 », au lieu de ; p. 370.
» 171, » : « son fils Lummadur », au lieu de : son fils.
» 177, » : « Enannatum I », « Ukus », au lieu de : Eannatum I,
Ukus.
» 180, » : « semblable », au lieu de : semblable.
» 190, » : « EnmaSt », au lieu de ; Eumast.
» ^ 194, » : « mythiques », au lieu de : mystiques 1
» 197, » : « idéographiques », au lieu de : idiographiques.
Page 200, lire : « Sumériens », au lieu de : sumériens.
» 226, ■» : « 401 note », au lieu de : 401 A.
» 232, » : « Galubau », au lieu de : Galuban.
» 233, » : « Urengur », au lieu de : Unengur.
240, ligne 2, lire : « Simanu : Gimil-Sin, an 3. — Zabsali :
Gimil-Sin, an 7 ... ».
244, dernière ligne de la note, lire : « dynastes ».
239, lire : « Hammurabi », au lieu de : Hammurrabi.
269, » : « § 393 », au lieu de : § 396. Et plus bas : « au
jour de l’An, sur le mont des dieux, ... ».
271, fin du premier alinéa, lire : « ...D e même la sainteté de
3 ... découle de leur caractère particulier.
.. .naturelles, et on ordonne certaines classifTca-
tions suivant un principe numérique ».
277, lire : <i . d’une manière superficielle, mais sans doute
juste dans le fond... ».
313, » : «0 matériaux », au lieu de : matériaux.
340, » ; c
gule après « aussi ».
343, fin du 439, supprimer : p. 203.
349, lire : « llumbanummena », au lieu de : Hambanummena.
331, » : « babyloniens », au lieu de : babylonniens.
365, » : ( influence », au lieu de : influeuee.
367, début
Passim, lire : « Ijammurabi », au lieu de : Hammurapi; et : « Sar-
rukîn », au lieu de : Sarrukîn.
TABLE DES MATIÈRES

Pages.
Les Sources de l’Histoire de Babylonie et d’Assyrie ............ 1-47
Le déchiffrement de l’Ecriture cunéiforme et l’Assyriologie,
§§ 311-313, p. 1-8. — Sources de rilistoire de Babylonie et
d’Assyrie, §§ 314-322, p. 8-26. — Chronologie, §§ 323-329 a,
p. 26-47.
I. Les Sémites........................................................................... 48-101
Bases géographiques. Peuples du Nord et Sémites, §§ 330-
333, p. 48-58. — L«s Tribus sémitiques et leur organisation,
§§ 336-341, p. 58-71. — La Religion sémitique, §§ 342-351, p, 71-
87. — Caractère général des Sémites, §§ 352-353, p. 67-90. —
Histoire et Civilisation ancienne des Cananéens et des Phéni­
ciens, §§ 354-358, p. 90-101.
II. Sumériens et Sémites en Sinéar. .................................... 102-150
Géographie de la Babylonie, §§ 359-360, p. 102-106. — Les
tribus de Sinéar et des pays voisins, §§ 361-363, p. 106-116. —
Les débuts de la civilisation en Sinéar, §§ 364-369, p. 116-128. .i
— La Religion sumerienne, §§ 370-375, p. 129-143. — L’in -V
vention de récriture, §§ 375^378, p. 143-148. — L’Art. Rapports f
de la civilisation sumérienne avec celle de l’Egypte, § 379, *
p. 149-150. ■“
III. Les Textes Sumériens archaïques.................’................ 151-180
X es princes locaux et les rois d’Opis et de Ris, §§ 380-385,
p. 151-165. — Lagas et Umma. L’art sumérien archaïque,
§§ 386-389, p. 165-174. — Autres souverains sumériens, üruk.
Lugalzaggizi, §§ 390-391, p. 174-177. — Les Elamites de Suse,
§ 392, p. 178-180.
IV. Le Royaume Sémitique d’Akkad....................................... 181-216
Les Sémites d’Akkad, §§ 393-394, p. 181-185. — Sémites et
tribus montagnardes du Nord. Subari. Amorrites, §§ 395-396,
p. 185-192. ~ Les conquêtes de Sargon (Sarrukin) et de ses
successeurs, §§~!j»i-4üi, pi 192-207. — Lé royaume d’Akkad,
§§ 402-403, p. 207-213. — L’art akkadien, §§ 404-405, p. 213-216.
V. Le Royaume de Sumer et d’Akkad.............................. 217-281
Fin du royaume d’Akkad. Réaction sumérienne. Dynastie
d’Uruk, S 406, p. 217-219. — Gudéa de Lagas, §§ 407-410, p. 219-
TABLE DES MATIERES

227. — L’invasion des Gûti, §§ 411-411 a, p. 227-230. — Troi-


• siènie dynastie d’üruk, § 411 b, p, 230-231. — La dynastie
d’Ur, §§ 412-415, p. 231-241. — Les Elamites et les dynasties
dTsin et de Larsa. Désorganisation du royaume, 416-418,
p. 241-250. — La Civilisation. La Nationalité. L’Art, §§ 419-420,
p. 250-254. — Rapports sociaux. Droit et Administration,
421-424, p. 254-264. — Religion et Littérature, 425-429,
p. 264-281.
VI. Elamites et Amorrites. Le Royaume de Babylone. .. 282-332
Extension de la civilisation babylonienne. Les tribus mon­
tagnardes, §§ 430-431, p. 282-284. — Elam, §§ 432-432 a, p. 285-
288. — La Mésopotamie. Débuts des Assyriens. Cappadocc,
§§ 433-435, p. 288-298. — L'invasion Amorritc et les débuts du
royaume de Babylone, S§ 436-439, p. 298-304. — Les Elamites
dans Sinéar. Arad-Sin et Rfm-Sin de Larsa, 440-443, p. 305-
311. — Hammurabi de Babylone et son royaume, §§ 444-451,
p. 311-328. — Les rois postérieurs de Babylone et les rois
du Pays de la Mer, §§ 452-454, p. 328-332.
VII. Hittites. Ariens, naaaitftfl Agayi^iapa ....................... 333-371
Invasion Hittite. Fin du Royaume de Babylone. La dynastie
du Pays de la Mer, §5| 454-454 a, p. 335^336. — Irruption des
Ariens. Le Cheval. Les Cassites. §§ 455-456, p. 336-340. — La
domination cassite en Babylonie, §§ 457-461, p. 340-348.— Elam,
§ 462, p. 348-349. — Assyrie, §§ 463-464, p. 350-358. — Le
royaume \ litanni-eLJes Ariens. Autres Etats de la Mésopota­
mie, §§ 465-466, p. 358-361. — Syrie. Horites, peuples du Nord
et Ariens. Iniluences babyloniennes, §§ 467-471, p. 361-371.

Le P u y -e n -V e lay . — Im p rim e rie • La H aute-Loire ».


LES SOURCES DE L’HISTOIRE DE BABYLONIE
ET D’ASSYRIE

Le déchiffrement de l'écriture cunéiforme et Vnssyriolprjie.

311. Les inscriplions des rois perses, en particulier celles


qu’ont fournies les ruines de leurs palais à Persépolis et à Suse,
et le tombeau de Darius près de Persépolis, forment la base du
déchiffrement de l’écriture cunéiforme et par cela même de
l’étude des monuments et de l’histoire de la Babylonie et de
l’Assyrie. Ces inscriptions ont pu être étudiées par les savants,
grâce aux copies scrupuleuses de Karsten Niebuhr. On sait que
leur rédaction est établie en 3 sortes de cunéiformes et en 3 lan­
gues. Grotefend, en 1802, fraya la voie à la lecture de la pre­
mière espèce de ces inscriptions, du texte perse, rédigé suivant
un mode très simple d’écriture syllabique ; en même temps,
par une combinaison géniale, il reconnut le nom des rois aché-
ménides. Kn 1836, Burnouf et Lassen achevèrent sa découverte;
en 1847, enfin, Henry Ravvlinson paracheva l’œuvre du déchif­
frement : dans un travail de longue haleine, il réussit à copier
et à déchiffrer indépendamment la grande inscription de Darius
sur les parois rocheuses de Behistun. La lecture du texte perse
donna aussi la clef du déchiffrement des deux autres systèmes
d’écriture cunéiforme beaucoup plus compliqués : le deuxième
ou susien, souvent appelé autrefois à tortmédique ou scythique,
LES SOURCES DE l ’u ISTOIRE DE BABYLONIE ET d ’ASSYRIE

et le troisième, babylonien. Il apparut que les nombreuses


inscriptions sur brique, trouvées dans les ruines des villes
babyloniennes et provenant surtout des constructions de Nabu-
chodonosor (iNabû-kudurri-iisur) et de Nabonide (Nabû-na’id),
étaient rédigées dans la langue du troisième système d'écriture
cité. On pensa aussi que les inscfl iptions, mises au jour depuis
1842 sur les parois des palais, sur des briques ou des cylindres
trouvés dans les ruines de Ninivc ou d’autres villes d’Assyrie,
appartenaient à la même langue, quoique les signes cunéifoi-
mes présentent de nombreuses différences. Le déchiffrement de
cette écriture et la compréhension de la langue babylonienne-
assyrienne aboutit, grâce aux recherches parallèles menées
depuis 1849 par H. Rawlinson, F. de Saulcy, E, Ilincks et
J. Oppert.
Au début de ces études les combinaisons aventureuses étaient
inévitables; elles ont conduit fréquemment à des erreurs et à
des hypothèses insoutenables. On vulgarisa souvent les résul­
tats acquis en les utilisant à la légère, en dilettante. De plus,
comme les découvertes historiques les plus cei taincs ne corres­
pondaient absolument pas au tableau historique qu’on s’était
formé d’après les informations tout à fait légendaires des
Grecs et les données plus qu’insuffisantes de l’Ancien Testa­
ment, ces déchiffrements ne furent acceptés pendant longtemps
qu’avec la plus grande méliance. Ils provoquèrent fréquem­
ment de violentes attaques, souvent justifiées dans le détail,
mais dépassant de beaucoup le but en tendance et en concep­
tion générale. La lecture et la compréhension de textes histo­
riques faciles n’offraient pas de difficultés sérieuses, et les
noms étrangers étaient lus et identifiés le plus souvent de façon
certaine. Par contre les noms propres indigènes d’hommes,
de dieux et de villes, écrits généralement par des signes idéo­
graphiques, étaient au début d’une prononciation très incer­
taine,’ variant continuellement. Pour plusieurs noms celte
lecture n’a môme pas encore été trouvée. De là naquit, à l'égard
de l’exactitude des bases du déchiffrement, une méfiance com-
LE DÉCniFFREMENT DE l ’ÉCRITURE CUNÉIFORME — § 311

préhensible qui aurait vite disparu, si des critiques comme von


Gutschmid s’élaiont donné la peine d’apprendre les premiers
éléments de Técriture. Car la lecture des textes cunéiformes
présente en réalité de moins grandes difficultés que celle des
hiéroglyphes, puisqu’ils marquent les voyelles ce que ne font
pas ces derniers. 11 ne peut donc subsister aucun doiite sur la
prononciation et les formes grammaticales ; la compréhension
de ces textes est toujours plus sûre que celle des inscriptions
phéniciennes par exemple. Mais ces diverses circonstances
expliquent pourquoi l’assyriologie eut à affronter des luttes plus
longues et plus difficiles que l’égyptologie pour se faire recon­
naître. En Allemagne, Eberhard Schrader dès 1872 et Friedrich
Delitzsch dès 1874 lui ont donné gain de cause. Cette étape a
depuis longtemps été franchie. Grâce au travail sérieux et pro­
gressif d’un grand nombre de savants capables, ayant fait des
études méthodiques, la grammaire et l’explication philologique
des textes assyriens sont assurées même dans le détail sur des
bases solides. Ainsi, eu égard à la particularité de son écriture
que nous avons fait ressortir, l’assyriologie a pu faire de plus
grands progrès que l’égyptologie, puisqu’un texte cunéiforme
se laisse facilement transcrire d’une manière lisible, ce qui
n’est pas le cas pour un texte hiéroglyphique, et elle a produit
un grand nombre de travaux scientifiques remarquables, métho­
diques et toujours supérieurs aux précédents. Cependant, elle
souffre de la maladie de la jeunesse : elle n’a pas encore barré
assez sévèrement le chemin au dilettantisme. De hâtives et
folles hypothèses sont encore trop souvent construites et répan­
dues avec une précipitation fougueuse dans des cercles plus
étendus, entre autres dans des domaines où leurs inventeurs
manquent de toute préparation sérieuse et d’éducation scienti­
fique. Il faut ajouter que les assyriologues négligent beaucoup
l’étude des monuments et des documents archéologiques, ce
qu’on ne saurait reprocher aux égyptologues. Ces défauts parti­
culiers retombent sur la science entière, et ce qu’elle gagne en
popularité éphémère nuit à sa position scientifique et retarde
LES SOURCES DE l ’i IISTOIRE DE BABYLONIE ET d ’a SSYRIE

souvent d’une manière excessive la reconnaissance et la mise


en valeur de nombreux et importants résultats acquis.

Sur les bases du déchiffrement et des résultats obtenus dans


l’ancienne période de l’assyriologie, voir surtout J. Oppert, Expédi­
tion en Mésopotamie, 1859 et suiv. (mais dont beaucoup de supposi­
tions erronées et de lectures arbitraires se sont longtemps mainte­
nues); les travaux de E. Schrader, die assyr.^babyl. Keilinschriften,
ZbMG, XX VI, 1872, et Keilinschr. u. Geschichtsforschung, 1878
(contre les attaques de A. v. Gulschmid, Neue Beitraeye z. Gesch. d.
ait. Orients, 1876). — On ne connaissait auparavant du déchiffrement
de Grolefend que ses idées exposées dans lleeren, Ideen, I, 2® éd.
1805; ses premiers travaux (1802 et 1803) ont été publiés par
W, Meyer, Nachr. Gôtt. Gesell. d. 1893.

312. L’écriture cunéiforme babylonienne, dérivée de l’appl


cation d’une écriture hiéroglyphique' primitive au matériel
d’écriture, a été inventée par les Sumériens et servait donc tout
d’abord à écrire la langue sumérienne. On trouve ici aussi,
comme dans l’égyptien, un mélange d’idéogrammes pour les
mots et de signes syllabiques phonétiques. Seul l’élément du
pur signe pour le son articulé, la lettre, leur manque totalement.
Cette écriture fut adoptée ensuite par la population sémitique
de Sinéar (Chaldée), les Akkadiens, et adaptée aussi bien que
possible à leur langue, quoique peu appropriée à son caractère.
Il en sortit une écriture, qui marquait chaque syllabe par des
signes propres, comme par, kit, etc., ou pouvait les décompo­
ser en signes simples, formés d’une consonne et d'une voyelle,
pa-ar, ki-it. Cependant on trouve en même temps non seule­
ment de nombreux idéogrammes, soit empruntés au sumérien,
soit nouvellement formés, mais aussi beaucoup de mots entiers
et de groupes de mots empruntés au sumérien. Ces signes ne
doivent pas être prononcés phonétiquement, d’après leur valeur
.consonnantique, mais doivent être remplacés à la lecture par le
mot sémitique correspondant, là où la forme grammaticale ou
bien reste indéterminée ou bien est indiquée par ce qu’on
LE DÉCUIFFREMENT DE l ’ÉCRITÜRE CUNÉIFORME — § 312

appelle un complément phonétique. De tels « idéogrammes »


sumériens sont très fréquemment employés dans les textes
sémitiques pour les mots les plus communs, ainsi pour les
noms propres dont la prononciation est dès lors très difficile
à découvrir. La supposition que l’écriture cunéiforme a été
inventée à l’origine pour une langue non sémitique, s’est im­
posée par ce fait déjà de très bonne heure lors du déchiffre­
ment et trouva ensuite sa confirmation dans de nombreux
lexiques et textes grammaticaux de la bibliothèque d’Assur-
bâni-apal. Dans ces tablettes, les mots des deux langues sont
disposés côte à côte comme des paradigmes sur deux colonnes
parallèles; puis nous avons des textes dans cette langue étran­
gère, sumérienne, avec une version interlinéaire assyrienne,
et enfin, en Babylonie même, des inscriptions purement sumé­
riennes, en nombre toujours croissant, datant des plus anciennes
époques du pays, et aussi en caractères d’écriture archaïques.
Depuis 1874 (felte conception établie surtout par J. Oppert, avec
beaucoup de sagacité, a été combattue par J. Halévy. Ce der­
nier prétend que le sumérien n’est pas une langue, mais seule­
ment une autre manière, idéographique, d’écrire l’assyrien.
Cette hypothèse est tout à fait insoutenable, bien qu’elle ait
trouvé un temps de nombreux adeptes. Non seulement elle ne
pouvait pas arriver à résoudre aucun des problèmes que pose
l’écriture sumérienne, mais elle aboutit à des hypothèses tout
à fait impossibles touchant la langue sémitique babylonienne-
assyrienne, qui sont impuissantes à expliquer l’origine de
l’écriture sumérienne et la valeur consonnantique des signes.
Le plus fort argument d'Halévy, qu’on ne pouvait montrer, ni
inscriptions archaïques à lire certainement en sumérien, ni
donc une antiquité sumérienne de la Babylonie est réfuté : en
effet, si plusieurs des inscriptions royales postérieures qui pa­
raissaient alors sumériennes ne sont en réalité que des textes
sémitiques écrits avec des mots sumériens ou des traductions
en sumérien de textes sémitiques, on a trouvé depuis de nom­
breuses inscriptions royales purement sumériennes et une
0 LES SOURCES DE L’h ISTOIRE DE BABYLOME ET d ’a SSYRIE

masse de documents privés sumériens du troisième millénaire,


surtout à Tello. En même temps les représentations figurées
montrent avec la plus grande netteté que deux peuples étaient
établis alors côte à côte en Babylonie, d’un type ethnique
tout à fait diiïérent, l’un sémitique, l’autre non sémitique.
Peu à peu on a réussi à pénétrer plus profondément dans la
compréhension du sumérien, dans sa syntaxe tout à fait étran­
gère aux langues sémitiques comme dans son vocabulaire,
grâce surtout aux travaux de Thureau-Dangin. On peut au­
jourd'hui considérer que la question posée par Ilalévy est défi­
nitivement vidée; il ne lui reste que le grand mérite d’avoir
provoqué une réaction énergique contre l'opinion qui prévalut
un temps, que toute là culture de la Babylonie, la religion,
l'Etat, l’art et la littérature, était d’origine purement sumé­
rienne et avait été prise servilement par les Sémites. On voit
au contraire plus nettement, avec le progrès des recherches,
tout ce que les Sémites ont ajouté de particulier à la civi­
lisation sumérienne et ce qu’ils ont créé en dehors de leurs
prédécesseurs. •

Ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans le détail, notamment pour la


linguistique ; plusieurs des questions ardemment discutées alors
sont résolues maintenant, comme de savoir si les Sémites de Baby­
lonie s’appelaient .\kkadiens, les autres Sumériens, ou vice-versa.
On parlera plus loin des dialectes sumériens ancien et récent {§ 361
rem.) : cf. Haupl, Akkad. u. Sumer. Keilschrifttexie, 1881 et suiv.
où les deux dialectes sont ainsi faussement nommés. Orientation
sur les questions de langue dans Weissbach, Die sumer. Frage^
1898; sur les problèmes ethnographiques et historiques, le mémoire
de l’auteur, Sumerier u. Semiten in Dabylonien, dans Abh. Jierl. Ak.^
19(X). Ilalévy a présenté un exposé systématique de ses idées dans
l’ouvrage intitulé, Précis d'allographie assyro-bnbylonienne, 1 9 1 2 .

313. Les Sémites de Babylonie, les Akkadiens, adoptèrent


l’écriture sumérienne et la répandirent dès la formation du
grand royaume sémitique de Sargon. Les Assyriens l’adop-
LE DÉCOIFFREMENT DE l ’ÉCRIT ü RE CUNÉIFORME — § 313

tôrent comme d’autres tribus voisines de la Mésopotamie et


parlant une langue sémitique, les Lulubi et les Gutî, et de
môme les Elamites de Suse, qui lutilisèrent plus tard pour
écrire leur langue propre, représentée par la deuxième variété
des inscriptions achéménides. Les signes de l’écriture ont subi
en môme temps de grandes modifications et ont affecté une
forme différente chez chaque peuple. Ce développement pos­
térieur présente partout un caractère commun, la séparation
des signes en clous et le changement de direction des signes.
A l’origine, cette dernière était verticale et de droite à gauche;
elle devint horizontale et de gauche à droite. Au plus tard au
deuxième millénaire la langue ainsi que récriture sémitique
babylonienne servit aux besoins commerciaux universels de
l’Asie antérieure ; elle fut non seulement employée par des
Sémites de Syrie et les pharaons d’Egypte, mais aussi par les
royaumes de la Syrie du Nord et de rAsie-Mineure,’les Mitani
et les Hittites. Ces derniers môme ont souvent écrit leur propre
langue en cunéiformes babyloniens. L’écriture cunéiforme assy­
rienne fut aussi utilisée dans le royaume arménien (urartéen,
chaldien) dès le ix® siècle. Pendant ce temps, les territoires
sémitiques de l’Ouest étaient conquis par l’écriture alphabé­
tique phénicienne, qui fut introduite aussi en Assyrie et en
Babylonie par les marchands araméens et prit une importance
toujours plus grande dans l’usage privé dès l’époque assyrienne
postérieure; mais dans les documents otficiels et la .littérature,
comme aussi dans les affaires, le cunéiforme s’est au contraire
maintenu jusqu’au i*" siècle avant notre ère. De plus, il conquit
pour un certain temps un nouveau territoire : le cunéiforme
perse a été constitué par la réduction de l’écriture assyrienne
à quelques signes syllabiques simples qui ont servi à écrire
l’iranien. Ce dernier type fut peut-être créé tout d’abord pour
le royaume raède ; les Achéménides l’employèrent pour leurs
inscriptions royales et y ajoutèrent les traductions en susien
et en babylonien ; mais pour tous les documents et les ordon­
nances, le perse fut écrit dès cette époque sur cuir et sur
() LES SOURCES DE L HISTOIRE DE BABYLONIE ET D ASSYRIE

masse de documents privés sumériens du troisième millénaire,


surtout à Tello. En même temps les représentations figurées
montrent avec la plus grande netteté que deux peuples étaient
établis alors côte h côte en Habylonie, d’un type ethnique
tout à fait diiïérent, l’un sémitique, l’autre non sémitique.
Peu à peu on a réussi à pénétrer plus profondément dans la
compréhension du sumérien, dans sa syntaxe tout à fait étran­
gère aux langues sémitiques comme dans son vocabulaire,
grâce surtout aux travaux de Thureau-Dangin. On peut au­
jourd'hui considérer que la question posée par ïlalévy est défi­
nitivement vidée; il ne lui reste que le grand mérite d’avoir
provoqué une réaction énergique contre l'opinion qui prévalut
un temps, que toute là culture de la llabylonie, la religion,
l'Etat, l’art et la littérature, était d’origine purement sumé­
rienne et avait été prise servilement par les Sémites. On voit
au contraire plus nettement, avec le progrès des recherches,
tout ce que les Sémites ont ajouté de particulier à la civi­
lisation sumérienne et ce qu’ils ont créé en dehors de leurs
prédécesseurs. ♦

Ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans le détail, notamment pour la


linguistique ; plusieurs des questions ardemment discutées alors
sont résolues maintenant, comme de savoir si les Sémites de Baby-
lonie s’appelaient Akkadiens, les autres Sumériens, ou vice-versa.
On parlera plus loin des dialectes sumériens ancien et récent (§ 361
rem.) : cf. Haupt, Akkad. «. Suvier. Keilschrifttexte, 1881 et suiv.
où les deux dialectes sont ainsi faussement nommés. Orientation
sur les questions de langue dans Weissbach, Die sumer. Frage^
1898; sur les problèmes ethnographiques et historiques, le mémoire
de l’auteur, Sumerier u. Semlten in /io/jylonien, dans Abh. Jierl. Ak.,
1906. Halévy a présenté un exposé systématique de ses idées dans
l’ouvrage intitulé. Précis d'nllographie assyro-bnbyIonienne, 1 9 1 2 .

313. Les Sémites de Babylonie, les Akkadiens, adoptèrent


l’écriture sumérienne et la répandirent dès la formation du
grand royaume sémitique de Sargon. Les Assyriens l’adop-
LE DÉCHIFFREMENT DE l ’ÉGRITÜRE CUNÉIFORME — § 313

tèrent comme d’autres tribus voisines de la Mésopotamie et


parlant une langue sémitique, les Lulubi et les Gutî, et de
môme les Elamiles de Suse, qui Tutilisèrent plus tard pour
écrire leur langue propre, représentée par la deuxième variété
des inscriptions achéménides. Les signes de l’écriture ont subi
en môme temps de grandes modifications et ont affecté une
forme différente chez chaque peuple. Ce développement pos­
térieur présente partout un caractère commun, la séparation
des signes en clous et le changement de direction des signes.
A l’origine, cette dernière était verticale et de droite à gauche;
elle devint horizontale et de gauche à droite. Au plus tard au
deuxième millénaire la langue ainsi que récriture sémitique
babylonienne servit aux besoins commerciaux universels de
l’Asie antérieure; elle fut non seulement employée par des
Sémites de Syrie et les pharaons d’Egypte, mais aussi par les
royaumes de la Syrie du Nord et de l’Asie-Mineure,*les Mitani
et les Hittites. Ces derniers même ont souvent écrit leur propre
langue en cunéiformes babyloniens. L’écriture cunéiforme assy­
rienne fut aussi utilisée dans le royaume arménien (urartéen,
chaldien) dès le ix* siècle. Pendant ce temps, les territoires
sémitiques de l’Ouest étaient conquis par l’écriture alphabé­
tique phénicienne, qui fut introduite aussi en Assyrie et en
Babylonie parles marchands araméens et prit une importance
toujours plus grande dans l’usage privé dès l’époque assyrienne
postérieure; mais dans les documents officiels et la littérature,
comme aussi dans les affaires, le cunéiforme s’est au contraire
maintenu jusqu’au i" siècle avant notre ère. De plus, il conquit
pour un certain temps un nouveau territoire : le cunéiforme
perse a été constitué par la réduction de l’écriture assyrienne
à quelques signes syllabiques simples qui ont servi à écrire
l’iranien. Ce dernier type fut peut-être créé tout d’abord pour
le royaume mède ; les Achéménides l’employèrent pour leurs
inscriptions royales et y ajoutèrent les traductions en susien
et en babylonien ; mais pour tous les documents et les ordon­
nances, le perse fut écrit dès cette époque sur cuir et sur
« LES SOURCES DE L HISTOIRE DE BABYLONIE ET D ASSYRIE

papyrus en caractères araméens (cf. vol. 111, §§ Ifi, 28); c’est


pourquoi le cunéiforme perse disparut si rapidement.

Sources de l'histoire de Uabylonie et d'Assyrie.

814. Les plus anciens monuments et documents de Sinéar


(Chaldée) remontent au début du troisième millénaire. La nature
du pays, aussi bien que la forme de sa civilisation, explique que
les uns et les autres ne peuvent soutenir la comparaison avec
les monuments et les documents égyptiens, tant pour leur
étendue que pour leur importance historique. En Babylonie la
pierre est une matière très rare et précieuse, qui est rarement
employée pour les monuments figurés et les inscriptions et
presque jamais pour les constructions ; les seuls matériaux
de construction sont les briques d’argile. C’est pourquoi si nous
connaissons tant de ruines de villes, cependant elles produisent
toutes une impression de monotonie et offrent relativement peu
de renseignements importants, tant archéologiques qu’histo-
riques. Les temples et les palais sont des édifices de briques
cuites, uniformes, sans décoration et ils ne fournissent guère
comme butin épigraphique que les briques toujours pareilles
des temples que les rois construisaient.’Les tombes sont tout
à fait simples et les riches informations que nous donnent les
tombeaux égyptiens manquent complètement ici: Seules parmi
les ruines archaïques fouillées d’une manière approfondie jus­
qu’à aujourd’hui, Tello et en seconde ligne Nippur ont fourni
d'amples matériaux, parmi lesquels quelques inscriptions
royales plus grandes, sur pierre ou sur argile. Par contre, la
découverte du palais de Nabuchodonosor (iNabû-kudurri-usur)
à Babylone, si importante pour l’histoire de la civilisation, a
complètement déçu notre attente au point de vue des connais­
sances historiques. D’autres lieux, comme Ur, Uruk, KiS ou
SOURCES DE L’ ü ISTOIRE DE BABYLONIE ET D’ASSYRTE — § 314 9

Ivutlia, cachent encore certainement beaucoup de documents


importants ; mais les matériaux ne se présenteront pas sous un
aspect bien diiïérent. D’autant plus riches et plus surprenants
ont été les résultats fournis par la découverte des ruines de
Suse, non seulement pour l’histoire d’Elam mais aussi pour
celle de la Babylonic : les Elamites, en effet, ont rapporté avec
eux de leurs expéditions et de leurs pillages un grand nombre
(le monuments archaïques babyloniens, remontant jusqu’aux
temps des rois de Kis et d’Akkad, entre autres le fameux Code
de Hammurabi.

Tableau de Thistoire des fouilles dans Hilprecht, Explorations in


lîihle f.ands, 1903; celles des dernières années dans King et Hall,
Egypt and Western in the lighl o f rectinl discoveries, 1907.
— Pour l'Assyrie : Botta et Flandin, Monument de Niniee, 3 vol.
1849, Place, Ninive et l'Assyrie, 3 vol. 1867. Layard, Niniveh and
its remains, 2 vol , 1849; Niniveh and lîabylon, 1853. G. Smith, Assy-
rian Oiscoveries, 1875. — Pour la Babylonie : Loftus, Travels and
Itesearches in Chaldaea and Susiana, 1857. Oppert, Expéd. en Méso­
potamie,. 2 vol., 1859 et suiv. — Sur Tello : Découv.'en Chaldée,
par de Sarzec et Heuzey, dès 1877 et Heuzey, Catalogue des antiq.
ehaldéennes du Louvre, 1902. — Nippur : The liabylonian Exped. of
the Univ. o f Pennsylvania, par Hilprecht dès 1893. Cl. S. Fisher,
Excavations ai N ippur, dès 1906. — Suse ; de Morgan, Délégation en
Perse (3 séries : Uech. archéol. ; Textes élamites sémit., Textes élam.-
anzanites). — Sur les fouilles allemandes: Mittheilungen d. Deut-
schen Orientgesellchaft, dès 1899. — Les publications anciennes de
textes les plus importantes sont celles de Layard, Inscriptions in the
Cuneif. Character, 1851 et les 5 vol. des inscriptions de Londres
publiés sous la direction de Rawlinson : The Cuneif, Inscr. o f Wes­
tern Asia, et sa continuation Cuneiform Texts in the Prit. Mus. —
Collection de la plupart des textes historiques connus jusqu’alors,
en transcription et traduction dans la Keilinsckriftl. Pibliothek,
vol. I-III, publ. par Eb. Schrader; vol. IV, Texte ju ris t. u. gescha/tl,
Inhalts, par Peiser; vol. V, Amarnatafeln, par Winckler ; vol. VI,
Mythen u. Epen, par Jensen. Les ouvrages de J. Ménant, Awjm/es des
rois d’Assxjrie, 1874 et Bahylone et la Chaldée, 1875 étaient tout à
10 LES SOURCES DE L fllSTOIRE DE BABYLONIE ET D ASSYRIE

fait superficiels et sont sans valeur aujourd’hui. Tous les anciens


textes historiques babyloniens jusqu’à la fin du royaume de Sumer
et d’Akkad ont été publiés par F. Thureau-Dangin, Les inscriptions
de Sumer et d’Akkad, 1905 et en allemand die Sumerischen u. Akkad.
Koenigsinschriften (Vorderasiat. Bibl., 1, 1), 1907. — Tableau des
textes historiques dans Bezold, Ueberblick d. bab.-ass. Liieratw \
1886 et O. Weber, Die Literatur der /îab. u. 1907.

315. Une seule espèce de documents est abondamment repré­


sentée dans les ruines de la Babylonie : ce sont les textes com­
merciaux sur tablettes, y compris les comptes, les relevés de
livraisons et d'offrandes ou les lettres. Si le papyrus d’Egypte
est fragile, ici au contraire la matière sur laquelle on écrit est
à peu près indestructible, du moins quand l’argile est cuite.
C’est pourquoi d'innombrables documénts privés, complets ou
en fragments, appartenant aux trois mille années de Thistoire
babylonienne nous sont conservés. Ils remontent jusqu’aux dé­
buts de l’histoire du pays. Déjà les territoires sumériens étaient
animés d’une vie d'affaires fort développée et très diverse.
L'intérêt de ces textes consiste dans l’aperçu qu’ils nous pré­
sentent de la formation de la puissance sumérienne et de ses
ordonnances juridiques, autant que dans les dates qui éclairent
l’histoire politique et lès mentions accidentelles de personna­
lités ou d’événements historiques.
Une grande partie de ces documents provient des archives
des temples ; aussi contiennent-ils des annotations sur les
revenus et les dépenses des sanctuaires ou sur les sacrifices.
C’était également l’usage que les particuliers déposent leurs
documents dans les temples. Nous possédons en outre, surtout
pour l’époque du royaume chaldéen et de la domination perse,
des archives privées considérables de maisons de commerce
établies à Babylone et à Nippur. Les écoles des temples nous
fournissent encore beaucoup de tablettes avec des exercices
d'écriture ou d’arithmétique, puis des annotations et des
manuels grammaticaux ou lexicographiques, de mathématique
ou d’astronomie, des hymnes, des prières, ou des formules
SOURCES DE L HISTOIRE DE BABYLONIE ET D A SS Y R IE — § 316 11

magiques, qui servaient naturellement aussi aux besoins du


eulte, parfois aussi des textes purement littéraires, des mythes
et des contes, comme les papyrus des scribes égyptiens; enfin
on copiait souvent des inscriptions royales. Des contes baby­
loniens passèrent en Kgypte et y furent employés parles scribes
d’Aménophis III et IV comme moyen d’étude de l’écriture
babylonienne.
Il y eut peut-être des archives semblables dans les palais
royaux, bien que les documents d’Etat puissent avoir été déposés
en. partie dans les temples; cependant en Babylonie aucun
texte de ce genre n’est venu au jour jusqu’à maintenant. On
n’a plus retrouvé, non plus, de vraies bibliothèques comme
celle d’Aèsur-bâni-apal 317); l’espoir qu’on en avait reposait
sur une estimation trop flatteuse, qui est encore aujourd'hui
très répandue, du degré de la culture babylonienne. Seule une
espèce particulière de documents babyloniens s’est conservée
en de nombreux exemplaires, les kudurru, documents d’inves­
titure, gravés sur pierre dure, par lesquels le roi accorde un
bien foncier et le dote de privilèges.
Les nombreux cylindres et empreintes de sceaux complètent
la documentation écrite; ils sont souvent très importants tant
pour la civilisation et la religion que pour l’iiistoire politique;
c’est par eux en effet que nous connaissons plusieurs anciens
noms de rois.
Bonne orientation sur l’étal des archives de temples babyloniens
et les écoles, Jastrow, D\d ihe hab. temples hâve Lxbraries? JAOS^
XXVII, 1906. On négligera ici la vive controverse née des préten­
tions de Hilpreclit à l’existence de la « bibliothèque du temple » à
Nippur; les renseignements que ce dernier auteur communique sur
celte bibliothèque, BE, XX, 1, 1906, cadrent avec l'exposé de Jas­
trow, auquel nous empruntons nos données.

31 G. Les matériaux présentent un aspect tout différent en


Assyrie; bien que la civilisation assyrienne repose sur une
base babylonienne, elle n’est pas en effet comme on l’a cru
LES SOURCES DE l ’h ISTOIRE DE BABYLONIE ET D ASSYRIE

longtemps, une copie servile des modèles babyloniens, mais


elle a souvent frayé sa voie en partie sous l’action d'influences
occidentales. Il faut ajouter que les Assyriens avaient à leur
disposition non seulement des briques, mais des pierres, pour
leurs constructions et que les monarques, du moins ceux de la
basse époque, ont revêtu leurs palais de plaques d’albâtre, où
sont gravées en relief des représentations de leurs exploits et
de leur vie accompagnées d'inscriptions explicatives détaillées.
Ces documents sont complétés par les annales royales qui
condensent l’Iiistoire et qui sont ordinairement écrites sur des
cylindres ou des prismes. Leur caractère guerrier et leurs
grands succès militaires ont incité les rois assyriens à donner
de leurs exploits des récits positifs et à les retracer pour la
postérité. Cette tendance paraît être beaucoup plus développée
chez eux que chez les souverains babyloniens. On peut noter
la même différence entre les inscriptions historiques de la
majorité des rois égyptiens, à l’exception peut-être de
Thutmosis 111, et celles des Ethiopiens. De plus la destruction
soudaine et définitive de toutes les villes assyriennes, Assur,
Kalab, Ninive, Dûr-Sarrukîn en G06, a conservé ici la plus
grande partie des matériaux existants jusqu’aux fouilles
modernes. Les villes babyloniennes au contraire ont été cons­
tamment pillées au cours de l’histoire ancienne, tant par les
Elamitcs que par les Assyriens, et de nouveaux matériaux ont
été détruits sans cesse au cours de leur décadence progressive,
quand ils n’ont pas été emportés. Ainsi s’explique que nous
possédions des documents historiques beaucoup plus nombreux
pour l’Assyrie et que l’histoire des grands conquérants, en
particulier celle d’Assur-nasir-apal (884-860) et de Salmanasar ‘
(Sulmanuasaridu) II (860-824) surtout, même celle contempo­
raine de Tiglathpiléser(Tukulti-apal-esara) IV (745-727) jusqu’à
Assur-bâni-apal (668-626), soit si bien connue. Aux documents
et récits royaux s’ajoutent de nombreux textes comme des
rapports aux souverains, des oracles, des prières ou des
lettres; les actes privés ne manquent pas plus qu’en Babylonie.
SOURCES DE L’UISTOIRE DE BABYLONIE ET D ASSYRIE — § 317 13

Pour la période ancienne les matériaux sont encore très


maigres et dépendent des hasards de l'exécution et de la conser­
vation de grandes inscriptions royales; pourtant nos connais­
sances se complètent toujours davantage par les fôuilles d’As-
sur. Nos informations cessent brusquement avec les dernières
années d’Assur-bâni-apal ; nous n’avons guère de textes contem­
porains de la chute et de la disparition de la grande puissance
assyrienne, et aucun jusqu’à maintenant du royaume des
Mèdes. Les rois néobabyloniens ou chaldéens, surtout Nabu-
chodonosor (Nabû-kudurri-usur) (60o-o62) et Nabonide (Nabû-
na’id) (556-539), ont, il est vrai, laissé beaucoup plus d’inscrip­
tions que n’importe lequel des rois babyloniens les plus
anciens, à l’exception de Ilammurabi et de quelques souverains
de ïello; mais ils ne peuvent nullement rivaliser pour l'inté­
grité des matériaux avec les grands rois d’Assyrie et ici aussi
nous manquons à peu près de toute donnée sur l’histoire exté­
rieure de leur royaume; seules les inscriptions de Nabonide
(Nabû-na’id) entrent quelquefois dans les détails.

317. Mais les ruines de Ninive nous ont procuré beaucoup


plus encore. Le roi Assur-bâni-apal organisa dans son palais
une bibliothèque, pour laquelle il fit réunir systématiquement
et copier les matériaux dans les archives d’Assyrie et de
Habylonie ; sans doute aussi il les fit compléter par les travaux
de ses savants. Plus de 20.000 tablettes au moins de cette
imposante collection nous sont conservées dans d’importants
fragments. Nous lui devons non seulement les collections gram­
maticales et lexicographiques mentionnées (§ 312), mais sur­
tout la plus grande partie de ce que nous possédons en fait de
littérature babylonienne et assyrienne, y compris de nom­
breux textes sumériens : notamment parties d’ouvrages
mythologiques ou religieux, de rituels, de magie, d’astrologie,
de mathématique et de médecine, comme de grandes collec­
tions de présages. Une grande partie de ces ouvrages remonte
aux temps do la première dynastie babylonienne (vers 2000)
LES SOURCES DE L HISTOIRE DE BABYLONIE ET D ASSYRIE

et fut copiée sur les originaux de Uabyioiie, tandis que d’autres


proviennent de Nippur, Ur, Kutha ou Assur. On y trouve en
outre un grand nombre de textes historiques, soit des copies
de documents baliyloniens, anciens ou récents, et surtout assy­
riens, des rapports, parmi lesquels des annotations astrolo­
giques ou des consultations d’oracles, des lettres, soit des
chroniques, des listes de fonctionnaires, des Annales, des ins­
criptions dédicatoires ou monumentales de souverains parti­
culiers.
L’ouvrage de Bezold est fondamental : Catalogue of the Cun.
Tablets in ihe Kouyundjik Collection in the Br. Mus.., o vol.
(20549 numéros). Très utile orientation d’après les sujets princi­
paux et la provenance des textes dans le mémoire de Jastrow, p. 174
et suiv., cité § 31o note.

318. Dès l’antiquité il y eut en Babylonie à côté des ins­


criptions royales historiques des annotations continues d’évé­
nements, des annales. Comme en Egypte, elles sont liées aux
listes des noms d’années et de règnes (§ 323), ou bien elles sont
tirées des éphémérides de cour. Des récits détaillés comme
plus tard les annales assyriennes ne se sont guère conservés;
nous n’avons que de courtes notices sur les événements les
plus importants. On possède l’extrait d’une chronique rela­
tive à Sargon (Sar-ukîn) et Narâm-Sin d’Akkad qui remonte
sans doute à une tradition contemporaine (§ 397). Elle a été
utilisée aussi pour un ouvrage donnant l’explication des pré­
sages tirés du foie, qui sont illustrés par les actions qu’elle
mentionne. Il est très probable que les royaumes sumériens
archaïques avaient déjà de pareilles annales ; le besoin s'en
faisait sentir lorsqu’on voulait régler des différends et conclure
des traités concernant les territoires frontières, auxquels se
rapportent fréquemment les anciennes inscriptions de Tcllo.
Les rois assyriens firent rédiger des annales complètes de
leurs actions d’où sont extraits, comme chez Thutmosis III,
les récits plus longs ou plus courts de leurs inscriptions. Nous
SOURCE^ DE l ’h i s t o i r e DE BABYLONIE ET d ’a SSYRIE — § 318 lo

possédons une brève chronique du règne de Nabonide (Nabû-


na’id), rédigée seulement après sa mort et la victoire de Cyrus.
On doit toujours avoir composé de pareilles annales concernant
les règnes particuliers. En outre, on a collationné et étudié les
anciens matériaux conservés, surtout les inscriptions royales,
qu’on copiait souvent dans les écoles de Babylonie; on conser­
vait alors l’ancienne forme d’écriture, comme on le lit plus
tard pour la bibliothèque d’Assur-bâni-apal. On relève fré­
quemment dans les inscriptions royales postérieures un vif
intérêt pour l’histoire ancienne du pays, surtout en ce qui
touche la restauration des temples tombés en ruines. De là
sortirent encore des chroniques plus ou moins longues qui
embrassent cet ensemble de faits; nous avons quelques frag­
ments au moins qui retracent difl’érentes époques de l’histoire
babylonienne et une chronique plus complète des années 745-
668. L’ « Histoire synchronique », tableau général des con­
testations de frontières entre l’Assyrie et la Babylonie du
commencement du xv' à la lin du ix® siècle, remonte à une
chronique de ce genre. Les Assyriens doivent avoir eu aussi
des annales suivies, quoique perdues, comme le montre la fré­
quente mention d’événements plus anciens et exactement datés
dans les inscriptions royales. Il est très compréhensible que des
erreurs ou des confusions soient survenues dans ces chroniques
surtout pour la chronologie (cf. § 327. Sur les listes royales,
325, 329). Comme chez les Egyptiens et chez d’autres
peuples, elles sont précédées par des récits légendaires et la
tradition mythique, qui remontent jusqu’au grand déluge et
aux rois qui le précèdent, jusqu’au règne des dieux et à la
création.
A côté de la tradition reposant sur des documents ofliciels,
nous avons des récits populaires et des légendes. On les a
aussi recueillis par l’écriture, mais ce ne sont plus aujour­
d’hui que de pauvres débris parfois relatés isolément chez les
écrivains grecs. Dans ces récits s’est probablement constituée
de bonne heure la traditionnelle figure de sultan qui domine
LES SOURCES DE L HISTOIRE DE BABYLONIE ET D A96YRIE

jusqu’à ce jour les représentations de l’Orient. Un motif parti­


culièrement cher aux légendes babyloniennes était de tirer des
conditions les plus basses les fondateurs de dynasties et de les
faire monter sur le trône par l’intervention des dieux ou par
un hasard merveilleux. Ainsi l’antique dynastie de Kis (§ 381)
fut fondée par une cabaretière. L’attribution à une femme d’un
pareil rôle, qui reparaît dans la légende de Sémiramis et dans
les récits d’Uérodote sur la reine Nitokris, est un pur motif
légendaire. Saigon (Sar-ukîn) d’Akkad est un enfant trouvé et
croît comme jardinier sous la protection d’Istar (§ 397), de
même Ellil-bàni d’Isin (§ 418). Il y eut sans doute encore
beaucoup d’autres histoires semblables, qui se perpétuent dans
les légendes des rois Assyriens (§ 319), celles de Cyrus, de
Nabuchodonosor (Nabû-kudurri-usur) et de Belsazar du livre
de Daniel. On a souvent donné à ces récits la forme d’inscrip­
tions royales, dans lesquelles les anciens souverains, ainsi
Sar-ukîn d’Akkad, parlent eux-mêmes de leur destin légendaire
à la première personne. Les maigres notices des listes royales
cl des extraits de chroniques ont aussi accueilli une partie de
CCS légendes.

Sur les annales royales, voir les divers règnes. — Chroniques :


Sar-ukîn et Narâm-Sin d’Akkad et leurs successeurs jusqu'à l’époque
cassite ; King, Chronicles conceming early fîabgl. A'ings, 2 vol., 1907
{Sludies in eastern Ilislorg)^ vol. H, p. 3 etsuiv. : 2 chroniques dont
la seconde, fragmentaire, répète en partie et continue la fin de la
première ; puis les textes hépatoscopiques de Sar-ukîn et de
Naràm-Sin, en deux exemplaires; King, ibidem, p. 23 etsuiv. (aupa­
ravant IVIl 34 = KB, III, p. 102 et suiv. entre autres). — Fragment
de l’histoire de Narâm-Sin : CT, XIII, 44 (§ 401). — Chronique S ou
A, très fragmentaire, courte liste des rois babyloniens jusqu’au
X' siècle : King, ibidem, p. 46 et suiv. (avant moins complète,
Smith, Tr.SBA, III, p. 371 et suiv.; KB, II, p. 272 et suiv.). —
Chronique P, sur les combats entre la Babylonie et l’Assyrie au
XIV' et xiii® siècle : Pinches, J llA S , 1894, p. 811 et suiv. Winckler,
Allor. Forsch.y I, p. 297 et suiv. (cf. p. 115-122 et suiv.). Delitzsch,
die babyl. Chronik {Abh. Siichs. G.esel.,, XXV, 1906), p. 43 et suiv. —
SOURCES DE l ’UISTOIRE DE BABYLOME ET d ' a SSYRIE — ^ 319 17

Très semblable est ï « Histoire synchronique » (un texte principal et


fragments de deux duplicata); UH, 65, 1. IIIR, 4, 3. Winckler,
Unters. z. allor. Gesck., p. 148 et suiv. ; traduction du même KB, l,
p. 194 et suiv, — Notices dans le genre des chroniques, d’époque
postérieure : King, ibidem^ pp. 47 et suiv., 70 et suiv. — Chronique
babylonienne B, 745-068 : Wiockler, Z A, II, p. 148 et suiv. Pinches,
TBAS, 1887 et en partie dans Knudtzon, Assijv. Gebele an d. Son-
nengoil, fol. 59. Delitzsch, Assyr. Lesestücke, 5®éd., p. 135 et suiv.
Traduction dans KB, II, p. 274 et suiv. (souvent superficielle) ;
Delitzsch, die babxyl. Chron. (Abh. sàchs. Ges. d. IPm. XXV), 1906. —
Le caractère de la tradition babylonienne et la pénétration des
légendes dans la chronique ont été rendus plus évidents encore par
la liste royale qu’a publiée Scheil (§ 329 a), CBAc. Inscr., oct. 1911,
p. 606 et suiv. On trouve naturellement des tendances analogues
chez les peuples les plus différents (ainsi chez les Israélites la basse
origine de Gédéon, Saül, David de la légende, en opposition aux
données historiques coexistantes), mais il n’est pas nécessaire d’ad­
mettre toujours entre elles des points de contact. 11 n’est pas rare
cependant qu’une légende en passant d’un peuple à l’autre forme
la base du récit qui s’applique à l’un des héros : ainsi l’exposition
de l’enfant sur le fleuve dans les légendes de Sargon (Sar-ukîn),
iMoïse, Persôe, Pelias et Neleus, et de ce dernier transportée en lit­
térature sur Romulus et Rémus. Il y a une parenté aussi entre le
récit personnel de la légende de Sar-ukîn (§ 397) et celui de Xisu-
Ihros sur le déluge dans l’épopée de Gilgames et la légende du roi de
Kutha (Zimmern, Z A, XII, p. 317 et suiv. Jensen, KB, VI, p. 290 et
suiv.; cf. § 411 a note), etc. — La légende babylonienne du jardinier
Ellil-bâni, devenu le successeur du roi Uraimitti, est transposée en
Assyrie par un écrivain grec Bion : Agathias, II, 25, tiré d’Alex.
Polyh. (et de lui Sync. p. 676), sur Beleûs, lils de Derketade, le
dernier descendant de Sémiramis et son jardinier Beletaras. On sait
que de tels usurpateurs heureux ne sont pas du tout rares dans les
royaumes orientaux, de même qu’à Byzance; mais, dans les récits
cités aussi bien que pour Sémiramis, le caractère purement légen­
daire est certain.

319. Si aujourd’hui nous ne sommes que très imparfaite­


ment renseignés sur l’histoire de la Babylonie malgré les
18 LES SOURCES DE L HISTOIRE DE BABYLONIE ET D ASSYRIE

trouvailles qui se multiplient chaque jour (pour les mille ans


qui séparent la fin de la première dynastie de Tiglathpiléser
(Tukulti-apal-esara), soit de 1900 environ à 745, nous ne pos­
sédons que quelques documents suivis), et si l’histoire de l’As­
syrie, tout au contraire, du moins pour l’époque florissante
du royaume allant du ix® au vu* siècle, est mieux connue
qu’aucune autre période que ce soit de l’histoire orientale
avant les Perses ou l’histoire des Etats hellénistiques, il en
allait tout autrement dans l’antiquité classique. Le royaume
assyrien et le peuple, avec ses villes, avaient disparu dans
une grande catastrophe et leur souvenir ne se perpétuait que
dans des cadres légendaires : lorsque Xénophon, en l’an 400,
marcha sur les ruines des capitales assyriennes, on lui
raconta que c’étaient les restes des villes médiqucs, assiégées
en vain par le roi des Perses jusqu’au jour où le dieu du ciel
les lui livra par un miracle. Les villes de Babylonie par contre
continuaient à exister avec leurs traditions, et elles entrèrent
dès l’époque perse en contact multiple et toujours plus intime
avec les Grecs.
Ainsi s’explique qu’à la naissance de l’historiographie
grecque, dès la fin du vi® siècle, les Grecs purent donner de
très bons renseignements sur l’histoire de la Babylonie posté­
rieure à l’époque chaldéenne, sur les coutumes et les monu­
ments de Babylone. Là aussi, comme pour l’Egypte, le tableau
d’Hérodote auquel s’ajoutent quelques notices historiques oc­
cupe la première place. Les historiens grecs ne possédaient,
en revanche, qu’une connaissance tout à fait incomplète et
erronée du royaume d’Assyrie. Certes la grande puissance
assyrienne a subsisté jusqu’à l’époque où commencent les
données historiques des Grecs, et des mentions isolées mon­
trent en effet que les plus anciens historiens ioniens conser­
vaient diverses informations parfaitement utilisables touchant
les Assyriens. Mais nous en saurions davantage si Hérodote
avait pu mettre à exécution son plan d’écrire une histoire
d’Assyrie et de Babylonie (’Ao-Tupio». Xoyot.). Même chez lui
SOURCES DE L HISTOIRE DE BABYLOME ET D ASSYRIE -

cependant, les faits historiques sont souvent déjà déformés :


ainsi il fait régner les Assyriens 520 ans sur TAsie supérieure
(I, 96) jusqu’à la chute des Mèdes vers 710, de sorte que pour
lui la domination assyrienne se termine précisément au
moment où elle atteint réellement son apogée et où les Mèdes
sont complètement soumis par les Assyriens. Il fait remonter
leur royaume à Ninus, fils de Bêlos, un descendant d’Hercule,
et fait aussi descendre de lui les rois Lydiens (I, 7). Mais il con­
naît la Sémiramis historique du viii* siècle {1,184), l’historique
Sardanapale, soit Asâur-bâni-apal (II, 150), la campagne de
Sénachérib (Sin-ahe-riba) contre l’Egypte (II, 141) et la des­
truction de Ninive par Cyaxare de Médie (I, 106), tandis qu'il
remplace Nabuchodonosor (Nabû-kudurri-uçur), qu’il appelle
Labynète, comme dernier roi babylonien, par son épouse
Nitokris à qui il attribue les grandes constructions du roi.
A côté de la tradition historique ou à demi historique qui
pâlissait rapidement, la légende populaire s'est de bonne heure
emparée des figures des souverains assyriens. Cette légende
se trouve déjà dans un livre populaire, très répandu au v* siècle,
le conte du sage Ahiqar, vizir de Sénachérib (Sin-ahe-riba) et
d’Asarhaddon (As§ur-ah-iddin), ainsi que dans les légendes de
Ninos et de Sémiramis et de leurs obscurs successeurs jusqu’à
Sardanapale, auxquelles se relient alors les légendes de Cyrus
et celles par exemple de Nabuchodonosor (Nabû-kudurri-uçur)
et de Belsazar dans le livre de Daniel. Lorsqu’une génération
après Hérodote le médecin particulier d’Artaxerxès IL Ctésias
de Cnide, écrivit un livre complet sur l'histoire de l’Orient
(cf. vol. III, § 4), dans lequel il polémisait partout contre
Hérodote en se fondant sur sa connaissance de la vie orientale,
il accueillit ces récits et les remania. C’est ainsi qu’à la place
des anciennes informations on conçut un grand royaume
assyrien englobant toute l’Asie antérieure de la Mer Egée à
rindus, fondé par Ninus et Sémiramis et ayant existé pendant
plus de 4300 ans sous des rois obscurs, jusqu’à ce qu’il soit
détruit vers 880 sous Sardanapale par le mède Arbakès et le
LES SOURCES DE L HISTOIRE DE BABYLONIE ET D ASSYRIE

babylonien Helesys. A ce royaume vint se joindre un royaume


mède tout aussi fantaisiste qui aurait eu 220 ans d’existence.
Si Ctésias se fondait pour ses listes royales sur d’authentiques
documents sur parchemin àvaypa'^at ou ovpOépai,
Diodore, II, 22, 1. 5. 32, 4), ces renseignements, comme tout
ce qu'il raconte, sont une tromperie notoire. Pour ses autres
récits aussi les légendes orientales sont utilisées, mais trans­
formées par des combinaisons grecques et ordonnées en un
roman fantaisiste. Ces histoires tout à fait légendaires ont
dominé alors, avec de multiples variations, la tradition posté­
rieure de l’antiquité et la conception moderne, jusqu’au jour
où les résultats du déchillrement des inscriptions assyriennes
furent peu à peu reconnus par tous.

Sur l’histoire assyrienne d’Hérodote, voir Meyer, Forsch., I,


p. 161 et suiv ; sur les ’Ajaipiot hjyoi (I, 106, 184), iôid., II, p. 98
et suiv. ’Auajpta désigne chez lui la province perse de Bahylonie
(vol. III, 84 note). — Des restes d’historiographie ionienne plus
ancienne subsistent aussi dans les données sur Sardanapale (Ana-
kyndaraxes), cf. lôid., I, p. 176, 203 et suiv. Il, p. 341'et suiv.
Il y eut aussi un poème d’Hésiode qui racontait la destruction de
Ninive : Aristote, //is/. Anim ., VIII, 18, 2 p. 601 (Hésiod. fr. 208
Rzach ed. min., fr. 279 ed. maior). — La découverte du roman
d’Ahiqar dans les papyrus de la colonne juive d’Kléphaniinc du
v* siècle, connu tout d’abord dans une seule rédaction postérieure,
a jeté une vive lumière sur te développement et le caractère de
l’histoire des légendes orientales : cf. Ed. Meyer, dev Pnptjrusfund
von Elephaniine, 1912, p. 120 et suiv. Le livre a été traduit à la
même époque en grec sous le nom de Démocrite. — L’histoire
assyrienne et médique de Ctésias est conservée en extraits par
Diodore, tiv. II, par l'intermédiaire d’un écrivain hellénistique
probablement Agatharchide, cf. Marquart, die Assyriaka des Ktésias,
dans Philologus, Suppl. VI, 1892.

320. De même que Manéthon en Egypte, ên Dabylonie l


prêtre chaldéen Bérose a composé vers 280 avant J.-G. une
histoire de sa patrie, en opposition aux données grecques et sur
SOURCES DE l ’h i s t o i r e DE BABYLONIE ET d ’a SSYRIE — § 320 21

la hase des traditions indigènes. Il dédia à Anliochus I" cet


ouvrage en 3 livres, Baê’j)v(i)vtaxà. En même temps il chercha
à rendre accessible aux Grecs la « sagesse des Chaldéens »,
l'astrologie, et ouvrit à Gos une école d’astrologie (Vitruve, IX,
7), Le monde grec connut son œuvre historique par les extraits
d’Alexandre Polyhistor (vers 70 avant J.-G.); de là Athénée
(XIV, 639 c) le cite une fois et des extraits se sont introduits
dans la chronique du pseudo-Apollodore qui circulait à l’épo­
que chrétienne, comme la liste royale thébaine d’Eratosthène
(§ 461, note) et les listes royales des temps primitifs grecs.
Ges extraits furent encore remaniés en dialecte ionien par un
nomme Abydène à l'époque impériale, et réunis à l’iiistoire
assyrienne de Ctésias. Au reste, llérose eut le môme sort que
Manéthon : tandis que les doctrines astrologiques gagnaient peu
à peu du terrain dans la civilisation orientale, la tradition his­
torique indigène demeurait ignorée des Grecs. Gela s’explique,
car les Grecs n’ont jamais porté autant d’intérêt à la Babylo-
nie qu’à l’Egypte, et depuis 429 avant J.-G., ce pays leur devint
complètement étranger politiquement et comme civilisation.
Par contre, les Juifs et les chrétiens utilisèrent abondamment
les extraiis de Bérose comme confirmation des textes bibliques.
Les fragments de Bérose, connus surtout par l’intermédiaire
d’Alexandre Polyhistor, ont ainsi été conservés par Josèphe et
Eusèbe (c'est-à-dire Syncelle); nous devons encore au dernier
les fragments d’Abydène. Mais les extraits se bornent presque
exclusivement à l’histoire légendaire des temps primitifs,
avant et immédiatement après le déluge, et à l’époque des
contacts plus intimes entre Juda et Babylone dès Sénacherib
(Sin-ahe-riba) et après lui. Dans ces chapitres, Bérose se montre
particulièrement bien informé. Non seulement il rapporte
fidèlement la légende indigène, mais il donne encore un résumé
sûr et surtout correct au point de vue chronologique des événe­
ments historiques. On n’a pas encore retrouvé les textes cunéi­
formes parallèles de plusieurs de ses récits légendaires ; mais
ils existaient sans aucun doute. Le premier livre traitait des
LES SOURCES DE L HISTOIRE DE BABYLONIE ET D ASSYRIE

temps primitifs jusqu’au déluge, le troisième, de l’époque


qu’inaugure la conquête assyrienne de Tiglathpiléser (Tukulti-
apal-esara) IV en 731. Pour la période intermédiaire, sur
laquelle il ne donnait qu’une brève liste royale (P^usèbe, I,
p. 7), nous possédons uniquement un court aperçu des dynas­
ties dans Eusèbe, I, p. 25. Bérose a évalué à 36000 ans, c’est-
à-dire 10 sares de 3600 années, l’époque qui va du déluge à
la mort d’Alexandre le Grand, de môme à 120 sares, soit
432000 années, l’époque antérieure au déluge. Pour obtenir ce
cliitfre, il attribue à la première dynastie qui commence encore,
après le déluge, avec des rois mythiques, 86 règnes avec
34090 années; les premiers de ces rois régnent encore plus
de 1000 ans. Puis viennent les rois proprement historiques
en plusieurs dynasties jusqu'à Alexandre avec un total de
1902 années. Voici la liste de ses dynasties :
1. Dyn. 86 rois après le déluge 34090 ans jusque vers 2233 av. J.-C.
2. » 8 Mèdes.............................. 224 » = 2232 — 2009 »
3. » H ro is ................................. 48 » = 2008 — 1961 »
4. » 49 Chaldéens....................... 458 » = 1960 — 1503 ’ »
5. » 9 Arabes............................ 245 » = 1502 — 1258 »
6. » 45 rois.................................. 526 » = 1257 — 732 »
[7. » les rois de 731à Alexandre, 401 »] = 731 — 331 »

On peut être sûr que les chiffres de Bérose sont transmis


correctement et que depuis la deuxième dynastie ils se rap­
portent aux dynasties de Babylone énumérées dans les listes
cunéiformes (§ 32.5 sq.); mais, à l’exception de la date du début
(voir § 328), ces données sont en opposition complète qu’aucune
explication n’a pu encore résoudre.

L’auteur a éclairci le système chronologique de Bérose dans Kilo,


III, pp. 131 et suiv. Schwartz, art. Berossos dans Pauly-Wissowa
commet de nombreuses erreurs de détail. La période pour laquelle
Callisthène avait envoyé depuis Babylone à Aristote des observa­
tions astronomiques, embrasse 1903 années jusqu’à Alexandre,
comrfie le prouvent les dires de Simplicius, ad. Arist., de eoelo, II,
SOURCES DE l ’UISTOIRE DE BABYLONIE ET d ’a SSYRIE — § 321 23

12, p. 304, éd. Heiberg (la prenlière année d’Alexandre, 330 avant
J.-C., est comptée comme l’année 1903). Eusèbe dit expressément
que la sixième dynastie s'étendait jusqu’à Phul = Tiglalhpiléser
(Tukulti-apal-esara), IV ; Nabonassar qui est introduit (cf. § 321
note) chez Syncelle, p. 389 sq. (comp. Eusèbe, Chron., l, p. 7J doit
être tenu ici tout à fait à l’écart. Pour la première dynastie Eusèbe
donne 33091 ans, Syncelle (p. 147), 34090 et en même temps 9 sares
2 nères 8 sosses = 34080 ans, où les unités sont tombées. — L’au­
teur ne considère que comme de spirituels jeux de fantaisie les ten-
lives toujours renouvelées de rendre utilisables pour l'histoire les
dates de Bérose dès la deuxième dynastie : ainsi Lehmann-Haupt,
Klio, V lll, pp. 227 et suiv.; X, pp. 483 et suiv. Schnabel, die babyl.
Chronol. d. Derossos, M VAG, 1908 et OLZ, 1911, 19. — La cosmo­
gonie babylonienne conservée par Eudème dans Damascius, De pr.
princ., ch. 123, forme un complément très important à l’ouvrage de
Bérose.

321. Par l’intermédiaire des Grecs nous possédons encore


un autre document important. Les astronomes alexandrins
ont pris et converti les observations d’étoiles faites par les
Babyloniens depuis l’époque du roi Nabonassar (Nabû-nâ?ir)
(7^7-734) ; elles nous sont donc conservées dans l’Almageste
de Ptolémée. Elles étaient naturellement datées à la manière
babylonienne ; mais les dates des jours sont recomptées sur
l’année commerciale égyptienne de 365 jours qui était exclu­
sivement employée par les astronomes grecs. Le compte par
années royales babyloniennes est cependant maintenu. De plus,
il était indispensable, pour pouvoir les convertir, de posséder
une liste royale, que les manuscrits astronomiques nous ont
conservée et qui fut employée à diverses reprises par la chro-
nographie postérieure : c’est le fameux « Canon de Ptolémée »
dont les dates sont parfaitement exactes astronomiquement,
comme le confirment toujours les nombreux documents de
cette époque. On a aussi collationné les années et l’on parle
alors d’une « ère de Nabonassar » qui commence le l"T h o t
(= 26 février 747) d’après les années égyptiennes. Il apparws-
LES SOURCES DE l ’u ISTOIRE DE BABYLONIE ET d ’a SSYRIE

sait dès lors que ce règne sans aucune importance historique


avait fait époque dans Thistoire babylonienne ou qu’il avait
inauguré une nouvelle dynastie. Afin d’expliquer cette ano­
malie, le chronographc chrétien Panodore inventa la fable
absurde, qui trouve aujourd'hui encore créance, à savoir que
Nabû-naçir aurait détruit les documents de ses prédécesseurs
(Syncelle, p. 389 où sont naturellement cités comme garants
de la véracité du récit Alex. Polyhistor et Bérose, bien que ce
dernier ait donné lui-môme la liste complète des rois précé­
dents !). A côté des sources grecques il faut considérer encore,
pour les temps postérieurs à 745, les données tout à fait authen­
tiques, mais très maigres et incomplètes, de l’Ancien Tes­
tament.

La meilleure édition du Canon de Plolémée dans Wachsmuth,


Einleitung in d. Studium d. A lt. Gesch., p. 304 et suiv. ; il faut y
ajouter le texte syriaque d’Elie de Nisibe publié par Noeldeke dans
Schrader, Ber. Berl. Akad.., 1887, p. 947 et suiv. Sur son plan et
.ses rapports avec les documents indigènes, .Meyer, Forsch., II,
p. 453 et suiv. — L’ère de Nabonassar est citée par Censorinus,
de die natali, 21, 9 comme égyptienne, et a aussi influencé Eusèbe,
Chron., I, p. 7 (cf. § 320 note). Panodore, que suivent Syncelle et
d’autres chroniques byzantines, a combiné ses dates avec les extraits
de Bérose et de Gtésias (entre autres Castor) et a introduit aussi
Zoroastre (Sync,, p. 147 et suiv., 169 et suiv., 172, 388 et suiv.).
Remarquons encore que la chronique babylonienne B (§ 318 note)
ne commence pas avec Nabonassar (Nabû-nâsir), en 747, mais avec
Tiglathpiléser (Tukulli-apal-esara), IV, en 745.

322. Les anciens ouvrages sur l’histoire de liabylonie e


d’Assyrie, ceux de sir IL Hawlinson, G. Rawlinson, G. Smith
entre autres, puis de M. Niebuhr, Geschichte A.mirs nnd Babelsy
1857, n’ont plus qu’un intérêt historique. Les nombreux tra­
vaux d’Eberhard Schrader, traitant des problèmes particuliers
et donnant un clair aperçu des matériaux, ont encore une
grande valeur, ainsi ses Keilinschriften u, Geschichtsforschung,
SOURCES DE l ’r ISTOIRE DE BABYLONIE ET d ’a SSYRIE — ^ 322 25

1878 et die Keilinschriften wid das allé Testament, 1883,


2' édit. Puis vient l’étude d’une grande partie de la géogra­
phie des textes cunéiformes par Fr. Delitzch, JVo lag das
Paradles? 1881. Tiele a soigneusement et prudemment réuni
tous les matériaux historiques, qu’il a étudiés d’une façon
approfondie dans sa Babylon. assyr. Geschichte, 1886 et suiv. ;
de môme pour les époques archaïques surtout, llommel, Gesch.
Bahyl. ti. Assyr., 1885. Dans les dix dernières années les écrits
de H. Winckler ont fréquemment donné une nouvelle impul­
sion à ces études, bien qu’ils soient trop souvent liés à des
combinaisons prématurées et insoutenables, car engagé dans
des théories arriérées de mythologie et d’histoire des religions,
il a cru découvrir en Babylonie la pairie d’une « conception
orientale du monde », reposant sur l’explication des appari­
tions célestes, qui aurait dominé toute l’activité terrestre des
hommes. C’est pourquoi toute la partie historique et géogra­
phique de l’ouvrage publié en collaboration avec Zimmern, die
Keilinschriften und das alte Testament, 1903, qui se présentait
faussement comme une troisième édition de l’ouvrage cité de
Schrader, est devenue presque inutilisable ; l’autre partie du
môme livre due à Zimmern contient au contraire une étude
attentive et sérieuse des faits concernant la religion babylo­
nienne. Nous manquons absolüment de travaux fondamentaux
sur l’histoire de la civilisation et de l’art, tant les matériaux
sont abondants : L'histoire de Tart de Perrot et Chipiez,
vol. II, 1884, est insufiisante et dépassée par les nouvelles trou­
vailles; L. Heuzey a posé les bases pour la période archaïque
de la Babylonie dans son ouvrage de Tello (§ 383) ; le travail
de l’auteur, Siimerier u. Semiten in Babylonien [Abh. Berlin.
Akad., 1906) se rattache à celte dernière publication.
Pour l’époque de l’hégémonie assyrienne les matériaux se
sont relativement peu accrus depuis une dizaine d’années ; par
contre, les fouilles des derniers 25 ans ont fourni de riches
dbnnées, toujours plus nombreuses, à l’histoire archaïque de
la Babylonie. A côté des publications des monuments eux-
26. LES SOURCES DE L HISTOIRE DE BABYLONIE ET D ASSYRIE

mêmes {§ 3H), les travaux de Tliureau-Dangin et de L. W. King


(avant tout ses Lellers and inscriptions of Hammurabi, 1900 et
Chronicles concerning earlg BabgL Kinys, 2 vol., 1907), con­
tiennent les plus importantes études d’histoire sur ces maté­
riaux. King a publié un volume condensant Tliistoire la plus
ancienne A History of Sumer and Akkad.^ 1910.

Les ouvrages historiques les plus importants de Winckler sont :


(Jntersuch. z. allorient. Gesch., 1889 et Gesch. liahyl. u. Assgv., 1892.
Dans ses Altorient. Forschungen, 3 vol. dès 1893, sa manière de tra­
vailler, arbitraire et sans méthode, est devenue toujours plus appa­
rente, de sorte qu’un bien petit nombre de résultats auxquels il a
abouti ont été maintenus (de même au surplus sa Gesch. lsraeU\
2 vol., 1895 etsu iv .). Les nombreux écrits dans lesquels Winckler
et ses partisans ont cherché à répandre leurs vues dans des cercles
plus étendus n’ont pas besoin d’être mentionnés. — Les questions
chronologiques ont été spécialement étudiées par C. F. Lehmann-
Haupt, Zwei Hauptprobleme d. altorient. Chronol., 1898. — On
trouve prendre et à laisser dans Radau, Farly Babyl. History,
1900 (cf. le compte-rendu de Thureau-Dangin, Zeitschr. f. Assyr.,
XV, p. 402 et suiv.). — Sur les ouvrages de Ménant, voir § 313 note;
sur les ouvrages récents de Hommel, § 147 note. — H. Schneider,
Kultur U. Denken d. Babyl. u. Juden, 1910 (cf. § 158 note), a étudié
avec beaucoup de sagacité le développement intérieur de l’État, de
la religion et de la culture de Babylonie et d’Assyrie, mais ses
constructions parfois très hasardeuses dans l’exposé du dévelop­
pement Israélite et judaïque en font une parodie.

Chronologie.

323. L’année babylonienne est une année lunaire de 12 moi


ramenée à l’année solaire ou plutôt adaptée à l’état des saisons
et des travaux agraires, selon les besoins, par l’intercalation
d’un mois. Le mois commence le soir oxi apparaît le croissant
CHRONOLOGIE — § 323

de la nouvelle lune; il a donc soit 29 soit 30 jours. A l’époque


archaïque, chaque ville de quelque importance semble avoir
eu son calendrier particulier. C’est pourquoi nous trouvons
employés dans les documents anciens des noms de mois très
différents qui, pour autant que nous pouvons les comprendre,
sont désignés soit d’après des fêtes religieuses, soit d’après les
travaux agricoles, et des événements naturels. Depuis la pre­
mière dynastie babylonienne un calendrier acquiert une valeur
générale. Il est déjà en usage dans les documents de Nippur
lors du royaume de Sumer et d’Akkad ; les autres noms qu’on
donnait aux.mois disparaissent peu à peu, et dans la suite ce
calendrier domine aussi bien en lîabylonie et en Assyrie que
dans le monde sémitique de l’Ouest où il pénètre et dans le
royaume perse qui l’adopte ; les Juifs enfin l’uiilisent jusqu’à
nos jours. Il commence après l'équinoxe du printemps avec le
1*'’ Nisan ; le début de l’année des calendriers archaïques n’a
pas pu encore être fixé avec certitude. Dès l’époque perse on
introduisit une règle d’intercalation fixe au lieu d’insérer pour
des besoins uniquement pratiques un mois intercalaire après
le 6* ou le 12® mois (Elul ou Adar).
En Sinéar (Chaldée), comme dans l’Egypte archaïque, l’an­
née recevait un nom d’après un événement et l’on continuait
alors à compter plusieurs années à partir de ce point jusqu’à
ce qu’on eût fixé un nouveau nom d’année. On trouve fréquem­
ment aussi, à l’époque archaïque, la dénomination des années
d’après les fonctionnaires qui changeaient annuellement
(§ 377). Par contre, on ne compte que rarement par années de
rois ou de patésis (à Lagaè, § 338 et suiv.) ; la première année
d’un nouveau règne s’appelle souvent sans doute « année dans
laquelle un tel devint roi ou patési ». Cette année là était déjà
alors la première année après l’accession au trône, postdatant
donc la désignation, ce qui est bien compréhensible dans un tel
système qui ne permettait pas de changer le nom de l’année
une fois fixé. Dans les listes de noms d’années que nous possé­
dons en divers exemplaires les années de chaque règne étaient
LES SOURCES DE l ’ r ISTOIRK DE BABYLONIE ET d ’a SSYRIE

réunies, la somme indiquée, mais toujours en années pleines


sans les mois ou les jours excédants qui n’entraient pas en
considération dans un tel mode de calcul. A Tcpoque cassite on
introduisit l’usage de collationner les années de chaque règne
particulier (§ 460), mais en continuant aussi à postdater, de
sorte que la première année de règne d’un roi commence avec
le !*'■ Nisan qui suit son accession au trône, et que sa dernière
année est celle de sa mort et de l’arrivée au trône de son suc­
cesseur. Il en est de môme dans le canon de Ptolémée (§ 321).
Les mois excédants pendant lesquels le monarque règne avant
le commencement de sa « première année » sont désignés, dans
les documents, comme « commencement de son règne », car on
ne pouvait guère fixer une date d’après son prédécesseur
décédé. Dans ce mode de calcul les mois et les jours excédants
n’entrent donc pas non plus en ligne de compte ; ils n’appa­
raissent que tout à fait rarement dans les listes royales et seu­
lement dans les règnes courts, en particulier à la tin de la
dynastie.
Les mois babyloniens-assyriens, commençant avec l’équinoxe
du printemps, sont les suivants : iNisan, Ajar, Dôzu (Tamuz), Ab,
Ulul, Tesrit, Arah-samna (c.-à-d. le 8® mois), Kislev, Tebet, Sabat,
Adar. Sur les noms de mois archaïques : Radau, Harly Bah. Hisi.,
p. 287 et suiv. ; Thureau-Dangin, ZA, XV, p. 409 et suiv. ; HA,
VIII, p. 84 et suiv.; 152 et suiv. et ailleurs; Genouillac, Tabl.
sumér. arch., 1909, Kugler, Slernk. u. Sterndienst, II, p. 174 et
suiv., et une opinion contraire Barton, JAOS, XXXI, 1911. Myhr-
mann, BR, III, 1 (1910), p. 45 et suiv. Calendrier de la P* dynastie :
Kugler, ibidem, II, p. 241 et suiv. Mention des mois archaïques sous
la dynastie d'Ur : Myhrmann, ibidem, p. 47. Pour les mois posté­
rieurs, voir par ex. Weissbach, dans Hilprechl Anniü. Volume, 1909,
p. 281 et suiv. — Sur les intercalations de mois par une ordonnance
royale sous Hammurabi, King, lAH , III, pp. XXIV et suiv., 12 et
suiv. On intercale parfois un second Nisan.
Sur la règle postérieure d’intercalation, Mahler, Z A , IX et ailleurs
(mais son opinion est en partie insoutenable aujourd’hui), ainsi que
Zur chronol. d. Babylonier {Denkschr. d. Wien. Ak., Mathem. CL,
CHRONOLOGIE — § 29

LXII), 1895, avec une table des débuts des mois de 747 à 100 avant
J.-G. On comprend aisément que les Babyloniens aient souvent
compté conventionnellement le mois à 30 jours et l’année à 360
jours, bien que le mois eût, en fait, soit 29, soit 30 jours, l’année
334 ou 355, et l'année intercalaire 383 ou 384 jours. Cette constata­
tion a conduit Radau, ibidem, p. 303 et suiv. à faire les hypothèses
les plus bizarres (les faits sont exacts chez Thureau-Dangin) ;
Winckler parle, KAT^, p. 329, sans hésiter d’une année solaire
babylonienne, de 360 jours « avec 5 jours 1/4 à la fin, nommés pour
cela épagomènes, qui valaient comme temps de fête » ! 11 en rappro­
che le mot hamuUu qui n’apparaît que dans les tablettes cappado-
ciennes, oii il désigne peut-être une semaine de 3 jours ; Winckler a
souvent répété et développé celte idée (tout d’abord Altor. Forsch.,
II, p. 91 et suiv.; la même hypothèse dans Sayce, P S IiA . XIX,
p. 288) en en faisant le principe du comput babylonien et de la con­
ception orientale du monde. Sur ces bases Brockelmann, Z A, XVI,
p. 389 et suiv., a construit les plus ridicules fantaisies sur l’origine
des éponymes assyriens. (Pour le rôle des 5®, 10®, 15®, etc. jours du
mois, voir Zimmern, Herichte Sachs. Ges. d. Phil. CL, 1901,
35). — Sur la désignation des années à l’époque archaïque : Peiser,
O L Z ,y i[ \, p. 1 et suiv.; Messerschmidt., ibidem, VIII,-p. 268 et
suiv. Ungnad, BA, VI, 3, p. 1 et suiv. Kugler, op. cil., II, p. 133 et
suiv., 233 et suiv. etc. Le nom de l’année est proclamé par un édit
royal, souvent dans le cours de l’année seulement, après un nouvel
événement; il n’est donc pas rare que la même année soit encore
désignée dans divers documents comme « année après... (suit le
nom de l’année précédente) » et qu’elle porte un second nom dans
d’autres documents ; ainsi an 2 de Pûr-Sin, Thureau-Dangin,,^um.
Akk. Kœnigsinschr., p. 233, et l’an 17 de Sinmuballit : Ranke, O L Z,
X, p. 231 et suiv. L’année d’accession au trône d’un souverain est
désignée depuis la mort de son prédécesseur comme « l’année dans
laquelle un tel entra dans la maison de son père » : Ranke, BF , VI,
1, p. 12, 1.

324. Dés la plus haute antiquité les Assyriens nomment les


années d'après un haut fonctionnaire qui revêt la charge d’épo­
nyme [limmiC) (§ 432 note) ; le roi aussi remplit cette dignité,
ordinairement lorsque sa première année de règne est accom-
30 LES SOURCES DE L HISTOIRE DE BABYLONIE ET D ASSYRIE

plie, mais aussi dans la seconde année ou plus tard encore.


C’est pourquoi, vers la fin du royaume assyrien, on ne compte
que rarement par années de règne {pah)), mais on les colla­
tionne par contre surtout dans les inscriptions royales (ici
aussi « le commencement de la royauté » précède l’an 1) ; on
compte en même temps par campagnes militaires {girru)^
comme chez les pharaons du Nouvel empire. Nous possédons
plusieurs listes d’éponymes qui embrassent en tout les années
893 à 666 avant J.-G. ; pour les époques antérieures et posté­
rieures nous n’avons que quelques noms isolés on des groupes
de noms. Ces listes sont accompagnées parfois de brèves anno­
tations sur le changement de règne et les événements impor­
tants ; elles forment donc un squelette d’annales. La chronologie
de la liste d’éponymes est absolument certaine puisqu’elle
mentionne l’éclipse de soleil du 15 juin 763 ; les dates que nous
obtenons ainsi coïncident entièrement avec celles du canon de
Ptolémée (§ 321) et sont de plus confirmées en tous points par
les nombreuses dates des documents privés provenant des siècles
suivants jusqu’en pleine époque perse. Donc la chronologie de
l’histoire d’Assyrie et de Babylonie dès le commencement
du IX' siècle repose sur une base absolument sûre et nous la
connaissons exactement jusque dans ses détails.

Les listes d’éponymes, découvertes d.’abord par H. Rawlinson,


sont publiées II R 42, 68, 69 et III R 1 (un autre fragment par
Bezold, PSRA^ 1889, p. 286 et suiv.), puis Delit/sch, Lese-
stücke, 2* éd., p. 78 et suiv., G. Smith, Assyr. eponym Canon, 1876;
transcription par Schrader, K AT^, p. 470 et suiv. et KR, I, p. 204
et suiv., cf. III, 2, p. 142 et suiv. — Les documents du royaume
chaldéen et perse sont publiés dans divers mémoires de Strassmaier ;
combinaison de ces données par Meyer, Forsch., II, p. 463 et suiv.,
puis maintenant A. T. Clay, Rabyl. E x p c d .,y \\\-\\ et Vordernsiaf.
Schriftdenkm., III-VI.
325. La chronologie du 2®et du 3' millénaire présente pa
contre aujourd’hui encore les plus* grandes difficultés et n’a
CHRONOLOGIE — § 325

point l’exactitude des temps postérieurs. Nous avons obtenu


cependant au moins une base solide depuis 1884 : une tablette
de Babylone (liste royale A) contient en quatre colonnes une
liste complète des rois babyloniens de la fondation du royaume
amorrite de Babylone au commencement, tout au moins, de
l’époque chaldéenne. Mais il lignes du début et plusieurs
autres à la fin sont complètement détruites, et nous ne pouvons
actuellement qu’en peu de cas combler les vides grâce aux
données tout à fait insuffisantes que nbus possédons pour le
2* millénaire et le commencement du Les fragments con­
servés de chroniques babyloniennes (§ 318) nous sont d’un
maigre secours ; pour les deux premières dynasties seulement
une autre tablette (liste royale B) donne l’énumération com­
plète des rois. Les totaux des dynasties sont au moins conser­
vés, sauf un, et le nombre des lignes que la tablette contenait
se laisse déduire avec certitude pour les 4 colonnes : nous
avons donc là un cadre certain. Comme les dynasties ne sont
désignées sur la tablette que d'après leur origine, il est utile
pour la clarté de l’exposition de les énumérer; voici le schéma :

1. Dynastie de Babylone 11 rois 304 ans


2. — du Pays de la Mer H — 368 —
3. — Cassite 36 — 576 3/4 —
4. — de Pa§e (Isin) 11 — 132 1/2 —
5. — du Pays de la Mer • 3 — 21 5/12 —
6. — de Bazi 3 — 20 1/4 —
7. — un Elamite 1 roi 6 —
8. - (perdu) [prob‘ 13 rois]
9. — de Babylone [‘. S -1 22 —

10. — 16 rois de Tvinzir à Kandalanu 731-626

Il ne manque, comme on le voit, que la somme des années


de la 8®dynastie ; si elle était conservée, nous posséderions un
schéma chronologique qui pourrait avoir pour l’essentiel une
valeur absolue, au moins jusqu’au commencement de la
LES SOURCES DE L HISTOIRE DE BABYLOME ET D ASSYRIE

3® dynastie, bien que de petites erreurs et des om issions soient


sans aucun doute survenues, résultant pour quelques-unes
des docum ents datés.

Liste royale A : publiée d'abord par Pinches, l*SIiA^ VI, p. i93 ;


puis entre autres par Schrader, Herlchle lierlin. Akad., 1887 et A'/?,
II, p. Î28G et suiv. ; Winckler, Unters. z. nltor. Gesch., p. 146 cl suiv. ;
Delilzsch, Berichle Sachs. Ges., 1893, 183; la meilleure publication
est celle de Knudlzon, Assi/r. Gebete an d. Sonnenrjott, 1893, taf. 60 ;
photographie et comparnaisous dans Lehmann-Haupt, Zwei f/aupt-
pi'obleme^ 1898, qui a le plus approfondi l’inlerprétalion et le mieux
complété le texle. Les deux derniers mémoires cités permettent de
reconstruire complètement la tablette; le tableau donné ici est
composé sur ces bases. Gomme la lablelle est retournée pour être
inscrite sur le revers et qu’il est nécessaire de rendre exactement si
possible la. correspondance de chacune des lignes du recto et du
verso, l’auteur a écrit aussi dans la transcription les lignes de bas
en haut, sans placer naturellement les signes la tête en bas comme
sur l’original. Dans la souscription de l’avanl-dernière et 9 ' dynastie
il n’y a aucun chiffre dans la colonne des années, mais par contre
sous les noms « 22 dynastie de Babylone ». Lehmann a prouvé que '
le nombre 22 (ainsi Lehmann et Knudtzon; pour d’autres 21; autre­
fois 31, mais c’est faux) ne peut être que le nombre des années et
non celui des rois; on pourrait tout au plus compter ici 19 noms.
Donc il y avait encore une dynastie, la 8®, dont ta somme se trouvait
probablement dans la colonne 111, dernière ligne; elle comprenait
donc 13 rois, et non 11 comme le dit Lehmann, dont les objections
(A7/0, X, p. 476 et suiv.) n’atteignent pas l’exposé de l’auteur qui
n’est pas modifié, ayant déjà, dans sa reconstruction de la liste,
tenu compte de la hauteur des lignes et des traits séparant chaque
dynastie. Si l’on doit admettre avec Lehmann que la 8" dynastie
n’eut que H ou 12 rois, la chronologie n’en est point changée ; ses
combinaisons {ibidem, p. 483 et suiv.) sont impossibles. Lehmann
a été induit en erreur par le fait môme qu’il a corrigé la date de
l’inscription de Baviaii pour Tiglathpiléser (Tukulli-apal-esara) I
326) en 318 ans, d’où l’attribution, trop courte d’un siècle, à cette
8^ dynastie de 180 ans. La date de Bavian est, en effet, exacte comme
le prouvent au surplus des fouilles d’Assur; nous connaissons main-
F J

Col. I.

[15 ans Sumuabu] Dyn.I 1


[35 » Sumulailu]
ri4 » Sabum]
[18 « Àpilsin]
[30 » Sininuballit]
[53 » Hammurabi]
[35 » Samsuiluna]
[23 » Abiesu]
[23 » Ammiditana]
1 . [21 » Amniisaduqa]
2. [31 » Samsudilana]
3. [304 »] 11 rois [Dynastie de Babylone]
4. 60 » Ilumailu Dyn. II 1
5. 53 w Ittiilini[bi] 2
6. 36 » Damqi[ilisu] 3
7. 13 » IJki[bal] 4
8. 27 » Sussi, (son) frère 3
9. 35 » Gulkisar 6
10. 30 » Pes(?jgal[darainas, son fils] "
11. 28 » Aidara[kalama, son fils] 8
12. 26 » Ekurulfana] 9
13. 7 » Melam[kurkura] 10
14. 9 » Eaga[mil] 11
15. 368 )) 11 rois, Dynastie de Seslia (Pays de la Mer) ,

16. 16 » Gandas Dyn. III 1


17. 22 » Agum I, son fils 2
18. 22 » Kaètiliaèi 3
19. 8 » Usèi, son fils 4
20. [ ] Abiraltas 3
21. [ ] Tazzigurumaè 6
22. [ ] 7
r 1 8
Total 32 lignes.

Les lignes 1, 2 et 22 sont presque entièrement mutilées.


Les chiffres et les noms de la dynastie I et les noms complets de la dyn. II
sont complétés d’après la liste royale B.
Cette liste ne donne aucun chiffre pour la 2* dynastie.
La lecture des chiffres dans la liste A n’est pas toujours certaine, mais elle se
complète par la somme totale.
Historiquement les chiffres de la f* dynastie sont souvent faux; pour la liste
correcte, voir § 458, note.
LISTE ROYALE
?l C E

Dyn. III 9
10
11
12
13
14
13
10
17
18
19
20
[23? ans Burnaburias] 21
1. 22? [Kurigalzu] 22
2. 2 6 ’ » [Nazimarultas] 23
3. 17 » [Kadasmanlurgu] 24
4. X » Kadasmanellil] 23
5. 6 » Kudur[ellil] 26
G. 13 » Sagaraki[surias] 27
7. 8 » Kastiliasu 28
8. 1 » G mois Ellilnadinsum 29
9. 1 » 6 .) Kadasmanliarbe 30
10. 6 » Adadsumiddin 31
11. 30 » .àdadnadinahe 32
12. 13 » Melisipak 33
13. 13 )) Mardukbaliddin, son lils 34
14. 1 » Zamamasumiddin 33
13. 3 Belnadinalie 36
16. 376 ans 9 mois 36 rois, Dynastie [des Kassî]
17. 17(18?) ans Marduk[ Dyn. IV 1
18. 6 [
[
Total 32 lignes.

Ligne 1, Knudtzon lit le chiffre 38. — La suite de.s rois Dyn. III, 21-28 est assu­
rée par les documents de Nippur publiés par Clay, HB, XIV. En même temps ils
donnent pour les n“* 22 et 26 les dates rainima suivantes qui diffèrent de la liste
royale [comme les tablettes sont assez nombreuses, il n’est pas improbable que
les rois ont régné en réalité plus longtemps que ne l’indiquent les dates conser­
vées] :
Rurnaburiaii 23 ans Kadasmanellil 6 ans
22. Kurigalzu Kudurellil
23. Nazimarultai^ 24 âagarakti.^uria^^
24. KadaSmanturgu 16 Kaètiliaêu
La date 22 pour âagaraktisuriaS, que Clay donne pour un seul document,
repose sur une erreur d’impression. La suite complète de ses dates ne coïncide
avec la liste royale que jusqu’à sa 12* année.
BABYLONIENNE A
R E V E R S , à li

Somme ?
13
12
11
10
9
8
7
0

17. 12(?jans
16. 8 mois 12 jours. [ ]
13. 36 » [Nabumukinbal] Dyn. VIII 1
14. 6 » [un Elamite] Dyn. Vil 1
13. 20 » 3 mois 3 rois, Dynastie de Bazi
12. 3 » Silanum (?) — Suqamu[na] 3
11. 3 ans Ninibkudurusur 2
10. 18 » Eulmassakinsum Dyn. VI 1
9. 21 » 3 mois 3 rois du Pays de la Mer
8. 3 » Kassunadinahe 3
7. 3 mois Eamukin[zir] 2
6. 18 » Simassi[pak] Dyn. V 1
3. 132 ans 6 mois 11 rois, Dynastie de Pase
4. 8(9?)ans Nabusum[libbur] 11
3. 12 » Mardnkzir[ ] 10
2. 1 » 6 mois Mardukzir[ ] 9
1. 22 » [ ] 8
7
[ ]
[ ] 6
[ ] 3
[ 1 Dvn. IV 4
Total 32 lignes.

Il n’est pas sûr que la dynastie VIII aille jusqu'à la fin de la colonne, mais il
est possible, quoique cola ne soit pas très probable, que la dynastie IX commence
déjà sur la colonne 111.
Les. colonnes III et IV doivent
re de bas en haut.

£ ll
II!

Il manque environ dix lignes.

23. Illisible, mais ce n’est pas un nom de roi.


22. [22 ans] Kandalanu 16
21. [20 » ] Samaséum[ukin] 13
20. [13 » ] Asurah[iddin] 14
19. 8 » Sinaheriba 13
18. 4 » Musezibmarduk 12
17. 1 » Nergalusezib 11
16. 6 ». Asurnadinsqm, Dynastie Habigal 10
lo. 3 » Belibni, Dynastie de Babylone 9
14. 9 mois Mardukbaliddin de Habi[gal] 8
13. 1 » Mardukzakirsum, fils d’esclave 7
12. 2 ans Sinaheriba, Dyn. Habigal 6
11. O » Sarrukîn 5
10. 12 » Mardukabaliddin, Dyn. du pays de la Mer 4
9. 5 » Ululai, Dyn. Balbi (?) 3
8. 2 » Pulu 2
7. 3 » Ukinzir, Dyn. Saèî Dyn. X 1
6. manque 22 Dynastie de Babylone
5. 1 mois 13 jours Nabusumukin, son fils 3?
4. 2 ans Nabunadinzir, son fils 4?
3. [14 » ] Nabunasir 3?
2. L ] Nabusumi^kun 2?
ï. [ ] [ ]u[ ] Dyn. IX 1?
Dans la col. IV on reconnaît le bord de la tablette sous la ligne 1.
Total environ 33 lignes.

Une réelle confusion règne dans les données ajoutées de la dynastie de la


dernière rangée de rois (Dyn. X).— Les chiffres 1. 3 et 11. 20-22 sont complétés
par le Canon de Ptolémée.

être lues de bas en haut.


-CHRONOLOGIE - § 326 33

tenant 11 noms de rois entre Tiglathpiléser (Tukulti-apal-esara) I et


Tukulti-Ninip II (890-884); donc Tukulti-apal-esara 1 doit être placé
non vers l’an 1000, mais bien vers 1100, ce qui est conforme à l’ins­
cription de Bavian. Le tableau de Schnabel, Stud. z. babyl. assyr.
Chronol.f MVAG, 1908, qui complète la colonne III de la liste en y
plaçant 17 noms est donc inadmissible. — Nous ne pouvons décider
si la tablette a encore compté les 6 rois chaldéens de Nabopolassar
(Nabû-apal-iisur) à Nabonide (Nabè-na’id). — Liste royale B (Dynas­
tie 1 et2) : Pinches, PS/iA, 1880, 20. Sclirader, Berichte Berl.Akad.,
1887, 585, avec phologr. Winckler, ifnlers. z. altor. Gesch., p. 143
et KB, II, p. 288 et suiv. Les fragments conservés de S des Chro­
niques (§318 note) forment un parallèle aux dynasties 3 à 7, avec
beaucoup d’instabilité dans les chiffres; pour l’époque archaïque
les fragments de S sont tout à fait insuüisants. La chronique P et
l’histoire synchronique fournissent les points de repère les plus
importants pour compléter et fixer la chronologie des dynasties 3
. e l4 ; pour la 4* dynastie, voir aussi les notices de King, Chronicles,
II, pp. 57 et suiv.; 72. — Les dates de la 3® dynastie publiées par
Clay sont mentionnées dans le tableau. — La liste des souverains
babyloniens et assyriens publiée par Delitzsch dans les Mittheil. d.
deutsch. Orientgesellschafl a rendu de réels services à l’auteur pour
composer la liste royale. Il y a d’autant moins de motifs d’entrer
dans les détails de la bibliographie considérable sur la chronologie
babylonienne (Winckler, (Jnlers. z. altor. Gesch., 1889; Lehmann.
Zivei fJauplprobl. der altor. Chron., 1898 et beaucoup d’autres) que
nous aurons aussitôt un résultat positif et sïlr.

326. La 10®dynastie .commençant en 731 et la 9*, avec 22 ans


tombant dans les années 753-732, la 8® se termine en 754.
Nous avons les dates suivantes pour déterminer son début
1) le roi Marduk-sapik-zôr-mâti et l’usurpateur araméen Adad-
apal-iddin, qui sont certainement au milieu de la 4* dynastie,
furent contemporains du roi d’Assyrie Assur-bôl-kala, fils de
Tiglathpiléser (Tukulti-apal-esara) 1 (Histoire synchron. 2,
25 et suiv.; Chronique dans King, II, 57 et suiv.). Mais d’après
les données identiques de Sénachérib (Sin-ahê-riba) dans les
trois inscriptions de Bavian (III R14 = KBII p. 118) Tukulti-
LES SOURCES DE l ’h ISTOIRE DE BABYLONIE ET d ’a SSYRIË

apal-esara a perdu deux images de divinités au roi Marduk-


nadin-ahô d’Akkad, que Sénachérib (Sin-ahê-riba) ramena
418 ans plus tard lorsqu’il conquit Babylone en 689. Donc
Tiglatbpiléser (Tukulti-apal-esara) a régné en H 07 (environ
1125-1100), son fils Asur-bêl-kala et par suite ses contemporains
babyloniens vers 1100-1090. Les cbitîres des 4 derniers rois
de la dynastie sont conservés dans la liste royale, en tout
43 années 1/2 ou 44 1/2; le premier, avec 22 ans, pourrait
être Adad-apal-iddin, qui monta sur le trône à l’époque
d’Assur-bêl-kala et lui donna sa fille en mariage. S’il fut
proclamé roi vers 1095, la dynastie se termina au plus tôt
vers 1052, donc commença vers 1184 puisqu’elle embrassa
132 ans 1/2. — 2) Assur-dân, arrière grand-père de Tiglatbpi-
léser (Tukulti-apal-oâara) I, a renversé un temple d’AsSur
60 ans avant son petit-fils (Annales Tuk. Ap. Es. 7, 68 ; KB,
I, 42); la date, environ 1185, tombe nettement dans sa vieillesse
(ibidem, 7, 52) et son règne vers 1215-1180. C’est conforme au
fait qu’A§f^ur-dân fut contemporain de l'avant-dernier roi de la
3® dynastie babylonienne, de Zamama-sum-iddin (Ilist. syn-
cbron. III R4, 3; KB, I, 196, col. 2, 9 et suiv.); celui-ci eut
un règne d’un an qui tombe en 1188 d’après l’évaluation fixée
pour la 4® dynastie. — 3) Sénachérib (Sin-ahê-riba) rapporte
avoir trouvé, après 600 ans lors de la conquête de Babylone en
689, le sceau de Tukulti-Ninib d’Assyrie que celui-ci avait pris
en Babylonie (il appartenait auparavant au roi Sagarakti-suria§)
et qu’il emporta alors au pays d’Akkad (III R4, 2; KB, I, 10 ;
de préférence King, Records of Tvkidti-Ninib, p. 106 et suiv.).
Donc Tukulti-Ninib, probablement le huitième prédécesseur
do Tiglathpiléser (Tuknlti-apal-esara) I, régna vers 1289, ou
plutôt vers 1250 puisque la date est sûrement arrondie. Le roi
Kastilias de Babylone, qu’il a vaincu, régna vers 1263-1256
d’après notre reconstruction de la liste royale et son prédéces­
seur Sagarakti-âurias, vers 1276-1264. — 4) L’appui le plus
important et tout à fait décisif est le suivant : le roi Bur-
nabiiriaè de Babylone et son contemporain ASéur-uballit II
CURONOLOGIE - § 326

d’Assyrie, le 5" ancêtre et prédécesseur de Tukulli-Ninib I,


régnaient à l’époque d’Amenophis IV d’Egypte comme nous
l’apprennent les lettres d'El-Amarna ; Burnaburias monta sur
le trône vers la fin du règne d’Amenophis III. D'après la
chronologie égyptienne, qui peut être suivie ici en toute sécu­
rité à une dizaine d’années près, Amenopbis III mourut vers
1380, au plus tard vers 1375; d’après notre reconstruction de
la liste royale babylonienne, Burnaburias régna de 1382/1
à 1358/7. Donc il n’y a aucun doute que cette reconstruc­
tion et les dates qui lui servent de base sont pour l’essentiel
exactes; la latitude qui subsiste ne comporte guère qu’une
dizaine d’années en chifTre rond, soit pour la Babylonie, soit
pour l’Egypte.
Il suit de ces dates que la 3®dynastie, cassite, a commencé
vers 1760, d’où pour les 13 ou 12 rois de la 8® dynastie les
années 1004-754, soit 251 ans, ou en moyenne quelque chose
de plus que 19 ou 21 ans pour chaque roi. Le schéma général
est donc le suivant depuis le commencement de la domination
cassite :

3® Dynastie 36 Cassites 576 3/4. ans 1760-1185


4* H rois de Paêe (Isin)
132 1/2 » 1184-1052
3 » du Pays de la Mer 21 5/12 » 1051-1031
3 » de Bazi 20 1/4 >> 1030-1011
1 Elamite 6 » 1010-1005
[13 rois enviro 251 »] 1004- 754
[ 5 » ] de Babylone 22 » 753- 732

Il est impossible aujourd’hui de mettre d’accord avec ces


résultats certains la liste royale de Bérose (§ 320), qui, dans
l'arrangement général, comme dans les détails, diffère totale­
ment des faits acquis. Nous n’avons, en effet, aucun point de
repère pour découvrir les événements historiques qui ont pu
déterminer sa division en dynasties. Le seul argument qui
s'offre serait peut-être d’identifier la fin de sa 5* dynastie (6 rois
arabes) en l’an 1258 avec la conquête de la Babylonie par
LES SOURCES DE l ’ o ISTOIRE DE BABYLONIB ET D’a SSYRIE

Tukulti-Ninib sous Kastilias (vers 1263-1256); mais cette coïn­


cidence peut ne reposer que sur un pur hasard.
L’auteur réunit ici les noms et les chiffres de la 3* et 4* dynasties
contenus dans la liste royale (abrégé L.) aux dates obtenues pour
elles et y joint en même temps les dates de Clay (abrégé Cl.) et
entreprend les corrections nécessaires ; il y .ajoute encore les rois
assyriens contemporains et donne leur arbre généalogique autant
qu’on peut l’établir avec quelque certitude. Il ne convient pas de
remplir ici les vides, ce qui n’est possible qu’en partie avec les
matériaux que nous possédons (cf. p. 37). [De plus amples détails
sur les travaux récents dans un autre volume].
Seule la donnée de Nabonide (Nabû-na’id) (VR64, col. 3, 27 =
KB III, 2, p. 106) se trouve en opposition avec cette liste : il dit que
Sagarakti-burias (erreur pour -surias), fils de Kudur-Ellil a régné
800 ans avant lui, donc vers 1350, tandis que la liste indique 1276-
1264. Donc là comme ailleurs Nabonide (Nabû-na’id) a énormément
exagéré en arrondissant violemment les chiffres; 720 ans serait le
chiffre correct.

327. La valeur de la liste royale pour l’époque des Cassites


est beaucoup plus problématique. Il ne peut être douteux
qu’elle les considère comme la suite des rois précédents, donc
que la 2' dynastie vient immédiatement après la prernière.
D’après les dates fournies, la 2* dynastie devrait alors être
placée en 2128-1761 et la l" , en 2428-2129, avec 300 ans; la
liste donne 304 ans pour cette dernière, mais ce chiffre est rec­
tifié à diverses reprises par les documents et les catalogues de
noms d’années contemporains (§ 437). Il faut ajouter que nous
avons de nombreux documents privés datés de l’époque de la
r* dynastie et de la seconde moitié de la 3®dynastie, provenant
de Nippur ou de Babylone, par exemple, tandis que l’on n’a
pas encore trouvé une seule tablette de la deuxième dynastie,
à l’exception du document d’Humailu qui va être mentionné;
ce qui avait déjà fait souvent supposer que la deuxième dynas­
tie avait régné exclusivement dans le Sud, encore peu exploré,
dans « le Pays de la Mer », et devait être séparée de la suite
CHRONOLOGIE - § 327

LISTE ROYALE
BABYLONIE
IIP Dynastie, Cassîtes.
1. Gandas............................ 16 ans 1760-1745
2. Agum I............................. 22 » 1744-1723
3. Kastilias 1....................... 22 » 1722-1701
4. Ussi.................................. 8 » 1700-1693
5-20.........................[311 ou 312 » 1692-1383/2
Assur-nadin-ahê II

21. Burnaburias................... 25 » (Cl.) 1381-1357 .. Assur-uballit II

22. Kurigalzu II.................... 22 » (Cl. 23) 1356-1335 .. Ellil-nirari


I
Arik-dên-ili
23. Nazimaruttas................. 26 » (Cl. 24) 1334-1309 .. Adad-nirari 1
24. Kadasmanturgu............. 17 » (Cl. 16) 1308-1292
25, Kadas-man-Ellil II. . .. 6 » (Cl.) 1291-1286 .. Sulmanu-asaridu I
2G. Kudur-Eim..................... 9 )> (C1.;6L.) 1285-1277
27. Sagarakti-surias........... 13 » (Cl. 12) 1276-1264 )
28. Kastilias II...................... 8 » (Cl. 6) 1263-1256 .. Tukulti-Ninib I
29. Ellil-nadin-êum............. IV 2 » ) \
30. KadaSmanharbe II........ IV 2 «
12od-1253 '
) ■ I .
31. Adad-sum-iddin............. 6 » Tukulti-Aséur
1252-1247 • •
32. Adad-nadin-ahê............ 30 » 1246-1217 .. Ellil-Kudur-usur
33. Melisipak......................... 15 » 1216-1202 .. Ninibapalesar, fils de
Erba-Adad II *
34. Mardukapal-iddin ! . . . . 13 » .1201-1189 ) I
35. Zamama-suni-iddin. .. 1 » 1188 .. Assur-dân 1 env. 1215-
3G. Bél-nadin-ahê................. 3 » 1187-1185 ) 1180

IV* Dynastie, Base (Isin).


1. Marduk-[ahê-erba?]. .. 17/18 ans 1184-1168 )
6 » MulakkU-Nuzku
2 X .... 1167-1162 ) ••
I
4- [Nabû-kudurri-usur I ]., Assur-rês-isi
1
ü. [Ellil-nadin-apalj...........
1161-1095
6. [Marduk-nadin-ahê]. .. \ Tuku l ti-apaiesara l vers
1125-1100
7. [Marduk-èapik-zêr-mâti] ) )
8. [Adad-apal-iddin].......... 22 » Assur-bêl-kala
1094-1073 j • •Son frère
9. Marduk-zêr-[ ] .......... 11/ » 1072 Samsi-Adad IV
10. Marduk-zêr-[ ] .......... 12 » 1071-1060
H. Nabû-sum-[libbur]........ 8/9 » 1059-1052

' MHtkeil, (l, Deut, Or. Ges., 26 , 60 .


LES SOURCES DE L ÜÎSTOIRE DE BABYLONIE ET D ASSYRIE

régulière des dynasties. Cette prévision a été justifiée par de


nombreux documents, dans lesquels son fondateur Humailu
apparaît comme adversaire de Samsuiluna et d’Abieêu de Baby-
lone, le 7* et le 8®roi de la première dynastie. Une chronique,
qui ne donne, il est vrai, que des extraits d’un ouvrage plus
complet (King, II, p. 22), nomme aussitôt après Samsuiluna,
dernier roi de la première dynastie, Eagamil, dernier roi de la
deuxième dynastie; elle le désigne comme « roi du Pays de la
Mer », donc il n’a pas régné sur Babylone. Après sa mort,
Kastilias I, troisième roi cassite, s’empare de son territoire
(§ 458), ce qui prouve que la deuxième dynastie chevauche sur
la troisième. Gulkisar, sixième roi de la deuxième dynastie,
s’appelle aussi « roi du Pays de la Mer », et non roi de Baby­
lone, dans un texte de Ellil-nadin-apal, fils de Nabuchodonosor
(Nabû-kudurri-usur) I, qui régna dans la quatrième dynastie
vers 1130. Donc d’après ce document Gulkisar régna 700 ans
avant Ellil-nadin-apal, soit vers 1830, tandis qu’il devrait avoir
régné en 1935-1881 d’après la liste royale. Ellil-nadin-apal et
ses savant sont par conséquent ignoré la fixation de la deuxième
dynastie que donne la liste royale. Nous rencontrons apparem­
ment le môme état de choses qu’en Egypte à l’époque des
Ilyksos : des dynasties contemporaines ont été transformées en
dynasties successives dans les listes royales postérieures. Il
faut ajouter encore que si tous les chiffres de la liste royale
paraissent dignes de foi et ne fournissent qu’une moyenne
basse, ceux de la deuxième dynastie sont au contraire très éle­
vés et, quelques fois, tout à fait impossibles (pour 11 rois en
moyénne plus de 33 ans, tandis que pour la première dynastie
si puissante on ne trouve guère plus de 27 ans). Le premier roi
doit avoir régné 60 ans, le second 55, de même Gulkiéar 55 et
son successeur 50.
Il n’y avait donc là aucune tradition précise, ce qui est assez
compréhensible pour une dynastie secondaire qui eut de la
peine à se maintenir. La liste royale B confirme ce fait quand
elle indique les chilîres des années de règne de la première
CHRONOLOGIE - § 327

dynastie, tandis qu’elle n’en donne aucun pour la deuxième.


Il nous reste seulement à savoir si nous devons complètement
écarter la deuxième dynastie pour établir la clironologie, ou si
elle a régné un certain temps sur Babylone entre la première
et la deuxième dynastie. Dans l’édition précédente, l’auteur
avait admis la première alternative et placé la première dynas­
tie en 2060-1071. Cette supposition parût recevoir une confir­
mation parfaite paur une donnée chronologique concernant
l’Assyrie : le roi Sulmanu-asaridu I (vers 1300, cf. la liste
p. 37) raconte qu’il reconstruisit après un incendie le grand
temple du dieu Assur, bâti par Samsi-Adad, 580 ans au
auparavant. Ce Samsi-Adad, un fils de Bêl-Kabi d’après une
inscription parallèle d’Asarhaddon (Assur-ah-iddin) qui par
contre présente de forts écarts de date, ou un fils de Igurkap-
kapu (ou Bêlkapkapu et identique à Bôl-Kabi ?) d’après les
inscriptions de ses propres briques de construction, aurait donc
régné vers 1880. Salmanasar (Sulmanu-asaridu) I rapporte
que le temple fut construit d’abord par son ancêtre üspia
(Auspia), puis reconstruit par Iriëum, puis ce temple fut ruiné
pendant 159 années jusqu’à Saméi-Adad qui le releva (§ 463
note). D’après ces données, il faudrait placer Iriàum vers 2040
et vers 2060 son père Ilusuma qu’il nomme sur des briques de
construction du temple d’Assur. Enfin une chronique babylo­
nienne (King, Chronicles, II, 14) rapporte que le roi d’Asàur
Ilusuma fit la guerre à Suabu ; or ce dernier ne p.eut être un
autre roi que Sumuabu, le fondateur de la dynastie de Baby­
lone qui serait arrivé au pouvoir vers 2060 d’après les combi­
naisons précédentes. Donc les deux séries de dates paraissent
concorder au mieux et les résultats se soutiennent mutuelle­
ment.
On a souvent supposé auparavant que la 2' dynastie était contem­
poraine de la !'■*, ainsi Hommel ; l’hypothèse fut confirmée par
Poebel, ZA, 1906, p. 229 et suiv. et Ranke, BE, VI, 1, p. 8, 1 (leurs
idées ne sont pas toutes admissibles), puis prouvée par King, Chro-
nicles, 1, sur la base des éléments de chroniques publiés par lui. A
40 LES SOURCES DE L UISTOIRE DE BABYLONIE ET D ASSYRIE

l’encontre de la conception de King et de l'auteur, Ungnad, ZDMG,


LXl, p. 714 etsuiv.; 1907, col. G38, etThureau-Dangin,
XXI, p. 176 et suiv., font régner la 2* dynastie au moins en partie,
pendant 160 ans environ, entre la 1''® et la 3*, sur toute la Baby-
lonie; ils ont ainsi cherché à sauver pour le début de la dynas­
tie des textes cunéiformes la date 2232 fixée par Bérose pour l’intro­
duction de sa 2« dynastie; on trouve la même idée dans Schnabel,
d'ie babyl. Chronol. d. Berossos, MVAG.^ 1908. Quoiqu’on puisse
démontrer aujourd’hui la justesse de ce point de vue, l’auteur ne peut
tenir pour exacte la manière dont ces savants appliquent les dates
tout à fait insoutenables de la liste royale pour la 2* dynastie. La
liste B donne « 10 rois de la dynastie de Sesha » comme total de la
dynastie quoiqu’elle en compte 11, mais c’est une erreur de scribe à
laquelle on ne peut s’arrêter comme le fait Kugler, Sternhunde, II,
p. 309 et suiv. Il est par contre plus suspect que la 2“ dynastie ait
11 rois comme la première. — Inscription de Ellil-nadin-apal : Hil-
precht, BE^ I, 1, pl. 30 et suiv.; Assyriaca, 1894, p. 1 et suiv. (contre
Oppert, Z A , VII, p. 360 et suiv.), puis Jensen, Gvtlingische Gel.
Anz., 1900, p. 839 et suiv. entre autres. L’inscription est une .
décision sur un territoire près de Dêr donné par Gulkisar à la déesse
Ninâ; ce texte date de la 4* année d’Ellil-nadin-apal et fixe à 696 ans
l’espace écoulé de Gulkisar au dernier prédécesseur de Nabuchodo-
nosor (Nabû-kudurri-usur) I ; donc il est clair qu'on compte en
chiffre rond 700 ans de Gulkisar à la 4« année d’Ellil-nadin-apal. —
Sur les dates assyriennes, voir ^ 463 note.

328. Mais il y a un obstacle à ces combinaisons : récemmen


Kugler, se fondant sur des données astronomiques, a trouvé
pour la 1" dynastie une toute autre date, de 166 ans plus élevée.
Dans la bibliothèque d’Assur-bâni-apal sont conservées deux
données sur la première apparition et disparition de Vénus à
l’aube et au crépuscule, et le temps de l’invisibilité qui les
sépare, le tout combiné avec des prophéties astrologiques; l’un
de ces textes est sur la 63* tablette du grand recueil d’astrolo­
gie, l’autre est lié à des calculs schématiques qui y sont ajou­
tés. Ces renseignements reposent sur une observation réelle et
embrassent 21 ans; ils ont conservé pour la 8* année le nom
CBRONOLOGIE — § 328

de Fan 8 d’Ammiçaduqa, le dixième roi de la 1” dynastie; ce


roi régna en fait 21 ans. Les années intercalaires aussi qui
résultent de ce texte coïncident avec celles de son règne que
nous font connaître les documents. Donc des renseignements
contemporains sont à la base des dates des tablettes. Comme
les dates des mois désignent en môme temps l’aspect de la
lune, Kugler a pu compter les années en question. Il trouve
alors pour Ammiçaduqa 1977-1957. Deux autres évaluations,
2041-2021 ou 1858-1838, que les dates de Vénus rendraient
également possibles, s’excluent parce que Nisan apparaît dans
ces documents comme le mois propre de la moisson ; il doit
donc en réalité correspondre à Mai (mois grégorien) ; on con­
tinuait toujours alors à compenser par un mois intercalaire un
trop fort écart. C’est ce qui arrive pour l’évaluation 1977 et
suiv. où Nisan commence en moyenne fin Avril, tandis qu’il
devrait tomber beaucoup plus tard d’après les preuves des dates
données pour l’apparition de Vénus dans l’évaluation à 2041
et suiv., mais plus d’un mois plus tôt par contre dans l’évalua­
tion à 1858 et suiv.
L’auteur ne peut contrôler la base astronomique de ces com­
binaisons, pas plus que les corrections que Kugler doit appor­
ter à quelques données fausses sans doute des tablettes ; si
tout cela est exact, le résultat est décisif : nous avons alors les
années 2225-1926 pour la 1''* dynastie, et entre sa fin et le
commencement de la 3® un intervalle de 165 ans en nombre
rond (1925-1761), qui doit être rempli par l’invasion hittite à
la fin de la l" dynastie et par la domination des rois du milieu
de la 2®dynastie ; en effet les premiers rois de celte dernière
sont contemporains, comme nous le verrons, avec ceux de la
D® et les derniers avec ceux de la 3*. La date fournie par l’ins­
cription d’Ellil-nadin-apal (§ 327) pour Gulkiâar, probablement
pour la fin de son règne, soit environ 1830, conviendrait tout à
fait à cette évaluation. Au reste la chronologie de la 2* dynas­
tie ne peut être fixée dans le détail, car les dates de la liste
royale.sont, comme on l’a vu, en partie inadmissibles. Le ren-
LES SOURCES DE l ’HISTOIRE DE BABYLONIE ET d ’a SSYRIE

seignement de Nabonide (Nabù-na’id), à savoir que Hammurabi


a conslruit le temple de Sippar 700 ans avant Burnabiirias
(environ 1831-1357 ; voir la liste p. 37), donc vers 2080, coïn­
cide d'une manière surprenante avec les dates de Kugler, qui
fixent la fin du règne de Hammurabi en 2081, exactement
700 ans avant l’avènement de Burnaburias. Par contre la
donnée d’ASsur-bâni-apal, que 1635 ans avant sa conquête de
Suse (vers 645) le conquérant élamite Kudurnahunte a emmené
d’Uruk la statue de Nana, donc vers 2280, ne s’accorderait pas
avec les dates indiquées par Kugler, si le conquérant élamite
doit être combiné avec Kudurmabuk et son fils Rîm-Sin, qui
régnaient peu avant Hammurabi, donc vers 2150 (§ 440 et
süiv.).
Pourtant cet arrangement est probablement erroné et
Kudurnahunte appartient plutôt à l’époque de la dynastie
d’Isin (§ 434), La date de Kugler pour le commencement de
la l ” dynastie de Babylone, 2225, se rapproche de si près de
celle de Bérose pour le commencement de sa 2* dynastie, 2232,
que l’on ne peut douter de l’identité de ces deux dates, bien
qu’il soit fort dilScile de mettre en accord les autres données
de la liste bérosienne avec les monuments et les listes royales
cunéiformes.
Les dates assyriennes citées plus haut {§ 327), soulèvent par
contre les plus grandes ditlicultés. Car on se résoudra difficile­
ment à admettre un second Ilusuma à l’époque de Sumuabu
(2225) à côté du roi connu de ce nom, père d’Irisum, et l’on ne
peut guère placer celui-ci encore un siècle et demi plus haut
que la date fixée pour lui par Salmanasar (Sulmanu-aèaridu) I.
Nous ne pouvons non plus élucider le problème des souverains
différents qui portent le nom de Samsi-Adad. Il y a une autre
difficulté plus sérieuse encore : nous possédons un très grand
nombre de documents privés datés du royaume de Sumer et
d'Akkad, de la 1'®dynastie et même encore d’époque beaucoup
plus ancienne ; nous en avons aussi des derniers temps de la
3' dynastie, tandis que la 2* dynastie ne nous a absolument
CHRONOLOGIE — § 329

rien fourni jusqu’à maintenant, ni à Nippur, ni à Sippar, ni à


Babylone, ni ailleurs. Aucun document privé des quatre pre­
miers siècles de la 3® dynastie (plus exactement 1760-1381)
n’est venu au jour, sinon quelques inscriptions isolées; donc
si les dates de Kugler sont exactes, la grande lacune dans les
monuments et les documents embrasse plus d’un demi millé­
naire (192S-1380). Si nous acceptons les dates obtenues par
Kugler et si nous les plaçons à la base de toutes les évaluations
ultérieures, cela n’exclut pas la possibilité d’une erreur; car
seules de nouvelles fouilles, permettant de combler ce grand
vide de nos connaissances, garantiront l'exactitude de nos
calculs.

Evaluations de Kugler, sur la base de la tablette 111 R 63 et du


texte parallèle : Sternkunde, II, 2, Heft 1, 1912, p. 257 et suiv. —
Nabû-na’id sur Hammurabi : K B ill, 2, p. 83. 91 = Langdon, Neu-
babyl.'Koenigsinschr.J p. 238. 244.

329. Le royaume de Babylone fondé par les envahisseur


Amorrites fut précédé par le royaume de Sumer et d’Akkad
avec plusieurs dynasties et celui-ci par le royaume de Sargon
(èar-ukîn) et de Narâm-Sin d’Akkad. Nous avons déjà men­
tionné (§ 318) les restes des chroniques qui concernent cette
époque. Thureau-Dangin avait fixé exactement la suite et la
durée de règne des plus importants souverains, en se fondant
sur les nombreuses dates des documents privés et les listes par­
ticulières des années, notamment pour Dungi et ses successeurs.
Les résultats sont complètement confirmés et complétés actuel­
lement par un fragment publié en 1906 par Flilprecht d’une
liste royale de Nippur, qui énumère tous les rois des deux pre­
mières dynasties de Sumer et d’Akkad :

Dynastie d’Ur, 5 rois, 117 a^ns (premier roi, Ur-engur).


— d’isin, 16 rois, 225 ans 1/2 (dernier roi, Damiq-iliSu).

La chute de cette dynastie a pour cause la conquête d’isin


44 LES SOURCES DE L’HISTOIRE DE BABYLONIE ET d ’a SSYRIE

par Rîm-Sin de Larsa (§§ 418.443) ; cette conquête est bien


identique à la prise d’Isin qui donne son nom à la 7®année de
Sin-muballit de Babylone, père de llammurabi, ou bien elle a
eu lieu ensuite, 3 ou 4 ans au plus tard, par Rîm-Sin, au cas
où le roi babylonien aurait alors réellement conquis lui-même
a ville, tout en laissant sur le trône le dernier roi de l’ancienne
dynastie. La 7® année de Sin-muballit est 2127 selon Kugler,
donc nous avons 2352-2127 pour la dynastie d’Isin, et 2469-
2353, ou peut-être 3 ou 4 ans plus tard, pour celle d’ür.

Liste royale de Hilprecht : BE^ XX, 1, 1906, p. 39 et suiv. L’au­


teur a admis précédemment l’hypothèse de Hilprecht (p. 30 note)
que la prise d’fsin l’an 17 de Sinmuballit était identique à la con­
quête de Rîm-Sin et fixe la fin du royaume d’Isin (de même Ranke
et Ungnad, OLZ, X, 110; XI, 66), tandis que Thureau-Dangin [OLZ,
X, 256; Journal Asiat., 1909, II, p. 337) et King, History o f Sumer
and Akkad, p. 316 et suiv., placent bien plus tôt la fin de la dynastie
d’Isin, avant l’établissement de la dynastie de Babylone. Thureau-
Dangin a publié ensuite {Ilev. d'Assyr., VIII, 1911, p. 82) une nou­
velle date qui prouve que Damiq-ilisu, dernier roi d’Isin, fut en
réalité vaincu par Rîm-Sin ; donc il ne peut plus subsister de doute
que sur l’identité de cette conquête avec la date de Sin-muballit ou
sur sa postériorité, au plus tard immédiatement après la mort de
ce roi.

329 a. On ne possédait jusqu’à ces dernières années aucune


liste de rois pour l’époque archaïque, bien qu’elles eussent sans
aucun doute existé. Bérose a réuni les anciens rois en une
dynastie à demi mythique de 76 rois après le déluge, ayant
régné 34090 ans. Une tablette fragmentaire de la bibliothèque
d’Assur-bâni-apal groupe de même sans ordre « les rois après
le déluge » jusqu’à l’époque cassite et bien plus bas encore, et
explique leurs noms. Dans la liste royale de Nippur et dans la
chronique S (King, Chronicles, II. p. 46 et suiv.), ils étaient
énumérés dans l’ordre chronologique; mais il n’en reste presque
rien. On savait depuis longtemps par Nabonide (Nabù-na’id)
CERONOLOGIE — § 329 a

que Narâm-Sin, fils de Sargon (Sar-ukîn) d’Akkad, avait régné


3200 avant son époque, donc vers 3750. Mais on reconnaît
généralement maintenant que quelques siècles seulement le
séparent d’Urengur, roi d’Ur (2470), tandis que 750 ans sont
tout à fait impossibles; donc les savants de Nabonide (Nabû-
na’id) ont commis une erreur de 1000 ans en nombre rond. Pour
l’époque antérieure à Sargon (Sar-ukîn) d’Akkad nous avons
outre plusieurs textes épars de Nippur, de nombreux monu­
ments et documents de ïello (Lagas) surtout, qui embrassent
environ deux siècles, du roi Urninâ à la conquête de Lagas par
Lugalzaggisi, et quelques textes encore plus anciens antérieurs
à Urnina. On ignorait la distance qui séparait Lugalzaggisi de
Sargon (Sar-ukîn) ; elle ne pouvait pas être très grande. Or
Scheil a publié en 1911 une nouvelle liste royale des temps
anciens, composée sous la première dynastie babylonienne ;
elle compte les dynasties suivantes :
1. Dynastie d’Opis : 6 rois, 97 ans.
2. Dynastie de Kis : 8 rois, 586 ans [les totaux partiels ne
donnent que 192 ans].
3. (Première) dynastie d’Uruk : Lugalzaggisi, 25 ans.
4. Dynastie d’Akkad : 12 rois, 197 ans (commence avec
Sargon).
5. (Deuxième) dynastie d’Uruk : 5 rois, 26 ans.
La tablette se termine en indiquant l’arrivée d’une dynastie
des- Gûti, tribu guerrière du Zagros. Quelques-uns de ces rois
étrangers nous sont connus; un roi d’Uruk mit fin à leur
domination (§ 411 b), et la fondation du royaume de Sumer et
d’Akkad par Urengur doit venir aussitôt après. Il y a donc ici
encore un vide sensible dans notre chronologie, mais d’après
les matériaux connus on évaluera difiicilement à plus d’un
siècle l’intervalle qui sépare la fin de la dynastie d’Akkad et
Urengur. Ainsi donc, en supposant que les dates de la liste
Scheil sont sûres, on fixerait le royaume d’Akkad en 2775-2575
environ, et Lugalzaggisi en 2080.
LES SOURCES DE l ’h ISTOIRE DE BABYLONIE ET d ’a SSYRIE

Les données de la nouvelle liste pour l’époque antérieure


n’ont par contre plus aucune valeur historique. Les monuments
de cette époque connaissent, il est vrai, des rois de Kis et
d’Opis, mais leurs noms ne se trouvent pas dans la liste, et
l’assertion que la dynastie de Ki§ aurait été fondée par une
cabaretière Azag-bau, avec un règne de 100 ans, est tout à fait
légendaire. De plus les totaux partiels ne coïncident pas avec
la somme générale. Les savants qui rédigèrent cette liste con­
servaient encore sans doute quelques données historiques parti­
culières de cette époque, mais aucune tradition complète et
encore moins des dates précises. Car la dynastie de Kiç avec
laquelle commence la tablette n’a pas été naturellement la pre­
mière qu’on citait, mais d’autres doivent l’avoir précédée en
remontant jusqu’au déluge. Donc si la tradition nous était
mieux conservée nous constaterions plus clairement encore la
prédominance toujours plus forte de figures tout à fait légen­
daires. Il faut par conséquent pour l’histoire nous en tenir aux
données authentiques des inscriptions et des monuments con­
temporains. Il s’ensuit que nous devons placer le roi Urnina
vers 3000 en chiffre rond, soit 250 ans plus tôt que l’indiquait
l’auteur dans la précédente édition. Le roi Mesilim de Kis, la
plus ancienne figure que nous puissions saisir en quelque ma­
nière, sera plus ancien d’un siècle encore. Un certain nombre
de monuments trouvés jusqu’à ce jour et quelques noms de
souverains (§ 384), ainsi que les plus anciennes tablettes, remon­
tent peut-être encore au delà de cette date. Ainsi les monu­
ments de Babylonie les plus archaïques que nous connaissions
touchent aux derniers siècles du 4® millénaire, c’est-à-dire à
l’époque où les Thinites régnaient en Egypte.
La nouvelle liste de rois : Scheil, Comptes rendus, Acad. Inscr.,
oct. 1911, p. 606 et suiv. et note additionnelle, Rev. Assyr., IX,
p. 81 ; études de Hrozny, Die àliesten Dynastien Babyloniens^ WZKM,
XXVI et Thureau-Dangin, Rev. Assyr.^ IX, p. 33 et suiv., 73 et suiv.;
puis le mémoire de l’auteur : Zur àliesten Gesch. Babyl., 1912 {Beri-
chte Berlin. Akad., p. 1062 et suiv.). — Noms des rois après le
CHRONOLOGIE — § 329 a 47

déluge : Pinches, PSBA^ III, p. 37 et suiv., VR 44; Delitzsch, Die


Sprache der /Cossàer, p. 19 et suiv. — Hilprecht, DE, XX, 1, p. 40
compte que la liste des dynasties d'ür qu’il publie (moitié supérieure
de la col. IV) devait contenir encore 135 noms environ. II est diffi­
cile de dire naturellement combien de ces rois sont de pures figures
mythiques. — Nabû-na’id sur Narâm-sin : KD, III, 2, p. 104 =
Langdon, Neubabyl. Koenigsinchr.,p. 226; dans les textes parallèles
(id., 107. 111. 115 = Langdon, ibidem, p. 230. 246. 264), il le désigne
uniquement comme un roi des temps primitifs. — Dans la précé­
dente édition l’auteur fixait Sar-ukîn vers 2500, Lugalzaggisi vers
2575-2550, Urnina vers 2750. Il faut maintenant élever ces dates de
270 en nombre rond, d’après l’évaluation de Kugler pour la l ’’* dy­
nastie et l’accroissement de 200 à 300 ans pour l’intervalle entre
Sar-ukîn et Urengur; par contre l’espace qui sépare Lugalzaggisi
de Sar-ukîn, et par suite Urnina et Sar-ukîn, doit être diminué de
50 ans environ.
LES SEMITES

Bases géographiques. Peuples du Nord et Sémites,

330. Les grandes chaînes de montagnes, comprises par les


anciens sous le nom de Taurus, qui bordent au Sud le haut
plateau d’Asie Mineure et d’Arménie et, déviant vers le Sud-
Est, forment dans les terrasses du mont Zagros jusqu’au Golfe
Persique le bord oriental du plateau iranien, sont géographi­
quement et historiquement la ligne de séparation des peuples
de l’Asie Antérieure. Au Nord, dans les montagnes et les
hautes régions de l’Asie Mineure et de l’Arménie, jusqu’au
Caucase et à la mer Caspienne, habitent de nombreuses tribus
qui, à ce qu’il semble, ne sont qu’en partie apparentées les
unes aux autres ; dans la région du Caucase se trouvent notam­
ment aujourd'hui encore, à part les Arméniens, les Turcs et
les Russes, une douzaine environ des peuples totalement diffé­
rents se côtoyant sur un espace très restreint. La môme obser­
vation vaut pour les peuples que nous rencontrons à l’époque
archaïque dans le Zagros et ses régions avancées. En Asie
Mineure et en Arménie une couche de la population domine
tout particulièrement; elle se caractérise par un crâne court,
hyperbrachycéphale, avec un occiput aplati, un front fuyant
et un nez proéminent. Elle paraît avoir été répandue à l’ori­
gine vers le Sud bien au delà de la chaîne du Taurus, en Syrie
BASES GÉOGRAPHfOUES. PEUPLES DU NORD ET SÉMITES — § 330 49

et en Mésopotamie (§ 395). Au cours de Thistoire, les pays


montagneux furent submergés par des peuples étrangers,
venus soit du Nord et de l’Est, soit de l'Ouest {§ 472 et suiv.).
Enfin, des peuplades indo-européennes prédominèrent partout
jusqu’à ce que, dès le xi® siècle après J.-G., les tribus turques
envahissant en masse le pays prirent leur place sur une vaste
étendue.
Au Sud, entouré par les chaînes de montagnes qui décrivent
un grand arc, l’immense territoire que forme la grande steppe
et le désert d’Arabie, avec les terres cultivées qui en forment la
partie antérieure en Syrie et le long du Tigre et de l’Euphrate,
constitue par contre le domaine des tribus sémitiques. Sans
doute la frontière n’a jamais été absolue ni ethnographiquement
ni politiquement. Bien au contraire, les peuplades du Nord et de
l’Est ont toujours tenté à nouveau de pénétrer dans la plaine
arrosée par le Tigre et l’Euphrate et elles se sont aussi établies
solidement et à diverses reprises en Syrie, tandis qu’à l'inverse
les Sémites cherchaient régulièrement à s’étendre au delà du
désert et du pays cultivé pour pénétrer plus loin dans les mon­
tagnes du Nord. Ainsi une couche fraîche de tribus sémitiques
remplace toujours à nouveau la précédente. C’est de cette ma­
nière que nous apparaît ethnographiquement l’Jiistoire des peu­
ples de l’Asie Antérieure jusqu’à l'époque perse; c’est une lutte
ininterrompue et confuse entre les tribus montagnardes du Nord
et de l’Est et les Sémites du désert, et plus encore des tribus
sémitiques éparses, pour la possession du pays cultivé qui se
trouve au milieu d’elles. La contrée acquiert alors son unité
historique par la forme politique et la civilisation des Etats
nés de ces luttes.
V. Luschan a fixé le type anthropologique de la race hyperbra-
chycéphale de l’Asie Mineure et d’Arménie, conservé le plus nette­
7
ment chez les Tahladjis de Lycie : die ’achtadschy ii. andere Uef/er-
reste d. allen Uevülkerung Lykiens, dans Petersen et v. Luschan,
Relsen in Lykien, 1889 = Archiv f, Anthrop.^ XIX, 1890. Ce type
apparaît nettement dans les représentations des Hittites sur les
50 LES SEMITES

monuments égyptiens (cf. Meyer, Sumer. u. Semîfen, lOOG, p. 90),


dans les sculptures de Sendjirli et ailleurs. V. Luschan croit décou­
vrir encore la pénétra lion de celle race chez les Assyriens et les
Juifs actuels, qui se distinguent les uns et les autres de façon carac­
téristique notamment par la conformation du nez du type plus pur
des Arabes et des Babyloniens vraiment sémites. Cela paraît justifié
et, d'ailleurs, pour l’Assyrie le mélange d’éléments asianiques et
sémitiques est aujourd’hui prouvé historiquement. En Palestine par
contre, ce mélange doit remonter à une population primitive préhis­
torique qu’il est difficile de définir historiquement aujourd’hui. Car
si nous trouvons encore au xv* siècle dans la Syrie septentrionale
une population antérieure aux Sémites, déjà au IV* millénaire la
Palestine et la péninsule du Sinaï sont habitées par des Sémites du
même type (cf. les figures de Sémites du tombeau de Sen, §§ 1G7
note, 227 note), que nous retrouvons plus lard dans les représen­
tations du Nouvel Empire, en Palestine et en Phénicie et chez les
Israélites et les Juifs de Sesonq, et dont l'identité avec le type juif
actuel ne peut être niée. Sur le type des Sémites de Babylonie et la
particularité de la coiffure et du costume des tribus nomades, voir
Meyer, Sumer. u. Semilen, et plus loin § 336. Au reste les recherches
sur le type physique des peuples et des races sont encore toujours
et partout à leurs débuts tant pour l’histoire que pour l’anthro­
pologie.

33i. Les conditions de vie du monde sémitique sont impé


rieusement déterminées parla nature : le grand désert d’Arabie
forme son centre. Il n’y a sans doute de contrées inhabitables
que les grands déserts de sable, soit au Nord de PArabie
(Nefûd), soit à l’Est et au Sud, où un immense territoire jusqu’à
l’océan Indien et au golfe Persique est presque complètement
inaccessible et n’est traversé que par quelques routes de cara­
vanes. Mais l’Arabie englobe encore, surtout au centre, le grand
plateau du Nedjd et au Sud-Ouest (le Yemen et T'Asîr) de
vastes contrées où les plantations de palmiers, l’élevage du
bétail et en partie môme l’agriculture sont possibles, et où
exista par suite,- de tout temps, une civilisation plus élevée de
sédentaires, mômes parfois avec des villes fermées. Le Nord
BASES GÉOGRAPHIQUES. PEUPLES DU NORD ET SÉMITES — § 331 ol

de TArabie occidentale, le Hidjâz, est beaucoup plus stérile,


étant constitué par un plateau rocheux, en partie couvert de
volcans et de scories volcaniques fort étendues (la Harra), avec
des monts dénudés et des rivages brûlants. Dans la partie inter­
médiaire, quelques oasis dans lesquels une population de
paysans cultivant surtout le palmier-dattier peut se développer
comme celle de Yathrib (Médine). Mais des villes telle que la
Mecque ne sont devenues possibles que par le développement
commercial particulier à l’Arabie et révolution religieuse qui
s’y rattache. Le désert syro-mésopotamien, qui s’enfonce pro­
fondément, comme un vaste plateau calcaire fréquemment
coupé de chaînons de montagnes, entre les pays cultivés à l’Est
et à rOuest, n’est pas sans analogie avec les territoires déser­
tiques du nord de l'Afrique. Il s’étend d’Alep au bord du haut
plateau de l’Arabie centrale, de l’Anliliban au bord et au-delà
du Tigre, contourne la Palestine au Sud où il devient vers
rOuest la solitude désolée de la péninsule sinaïtique. L’Eu­
phrate, qui coupe le désert dans un lit étroit et profondément
encaissé, avec des sinuosités sans nombre, ne peut fertiliser
comme le Nil en Nubie qu’une étroite bande de terre en bor­
dure du fleuve et de plus n’est pas navigable en amont, à cause
de son courant rapide.
Le Haboûr, son affluent le plus important, coule par contre
à travers une vallée fertile, large d’environ une lieue et habitée
autrefois par une population très dense. Au bord du Tigre
aussi, entre l’embouchure du grand Zab, au sud de Ninive et de
Kalah, et l’entrée dans la profonde plaine babylonienne vers
l'embouchure de la Diâla (Opis), le pays cultivé n’a toujours été
que fort restreint. Il manque à tout ce territoire des sédiments
suffisants et par conséquent des cours d’eau sans intermittence.
Indépendamment des rivières coulant des monts d’Arménie au
Nord-Est, de l’Euphrate, du Tigre et de leurs affluents, toute
l’Arabie, y compris le désert syro-mésopotamien, ne possède
aucun fleuve propre. Les ruisseaux qui descendent des mon­
tagnes ou les sources qui sourdent, tarissent partout après un
LES SEMITES

bref parcours. Sans cloute les eaux des pluies d’orages se


réunissent souvent en grandes masses d’eau, qui coulent alors
en un large lit profondément creusé souvent jusqu’à l'Euphrate
ou au loin à la mer. Mais elles ne peuvent fertiliser le pays; au
contraire, le flot s’écoule en quelques heures et seules quelques
flaques restent dans le wùdi. Au printemps et après les chutes
de pluie, le sol desséché se couvre bientôt ici et là, suivant la
saison, sur de vastes étendues d’herbe et de buissons qui per­
mettent aux tribus nomades errantes de subsister avec leurs
moutons et leurs chameaux. Les sources, qu’on protège soi­
gneusement comme un bien de grande valeur et qui sont l'ob­
jet de sérieuses contestations entre les tribus, sortent des
roches en plusieurs endroits. Il s’y ajoute des puits creusés
et des citernes pour recevoir l'eau de pluie. Ces points d’eau
permettaient aux nomades et à leurs troupeaux d’affronter les
temps de sécheresse. Mais la vie sédentaire, avec une organisa­
tion politique plus stable et des dispositions à une civilisation
plus élevée, n’est possible qu’aux endroits où des sources abon­
dantes arrosent une plus grande vallée ou une petite plaine, et
créent une fertilité durable. On trouve aussi de tels endroits
au Ilidjâz, dans le désert syro-mésopotamien et dans la pénin­
sule du Sinaï, partout dispersés en oasis, mais beaucoup moins
nombreux et moins importants qu’au Nedjd et au Yemen, par
exemple à Ilatra et Singara en Mésopotamie, Palmyre, l’oasis
Ruhbe à l’Est de Damas, le Djôf, Dûma, Taimâ, Iligr et el-’Ola
dans le désert de Syrie et de l’Arabie du Nord, les localités des
monts d’Edom, Qadès, Wâdi Fîrân et d’autres au sud de la
Palestine et dans la péninsule du Sinaï.

332. Le caractère géographique général de ces territoires n’a


pas changé au cours des cinq milliers d’années de la vie histo­
rique que nous pouvons embrasser du regard; seule la limite
entre le désert et le pays cultivé varie par suite de l’empiètement
des hommes sous les conditions historiques données. Dans l’an­
tiquité, et en particulier à l’apogée du développement matériel
BASES GÉOGRAPUIQUES. PEUPLES DU NORD ET SÉMITES — § 332 33

(le la civilisation en Syrie et en Palestine sous la domination


romaine, d’immenses territoires furent arrachés au désert avec
une énergie admirable, grâce à des installations artificielles
d’irrigation et la répression des nomades ; tandis qu’aujour-
d’iiui, au contraire, ici comme en Babylonie, le désert a conquis
d’immenses terrains autrefois cultivés; ce n’est que depuis une
dizaine d’années qu’on a résisté de nouveau avec succès à cet
envahissement. Il est possible aussi que, comme en Libye
(§ 1G3-168), la végétation et par suite les conditions d’existence
dans le désert syrien pour un plus grand nombre d’éleveurs de
l)étail ont été autrefois un peu plus favorables qu’aujourd'hui,
ainsi notamment dans le « pays de l’Est » (Qedem, § 338 note),
à l’Est de Damas et du Ilaurân. Les expéditions militaires des
rois assyriens dans ces parages, contre les Kidri et les tribus
alliées, le prouvent, car actuellement les anciens lieux occupés
par ces tribus sont tout à fait déserts. Assurément il faut se
défendre d’une estimation trop forte, car les descriptions assy­
riennes notent le caractère désertique, l’accès difficile et le
manque d’eau de ces régions. Les relations les plus anciennes,
notamment les descriptions tout à fait authentiques de l’Ancien
Testament, montrent que la péninsule du Sinaï et les terri­
toires au Sud et à l’Est de la Palestine avaient le même aspect
qu’aujourd’hui ; donc ici dans la configuration particulière il
n’y a pas eu la moindre transformation. La même remarque
vaut pour le désert mésopotamien et le pays à l’flst du Tigre,
entre Opis et le grand Zab à l’époque de Xénophon, pour l’in­
térieur de l’Arabie à l’époque d’Aelius Gallus. Ce fait n’a pas
empêché d’ailleurs divers assyriologues fantaisistes de transfor­
mer la péninsule du Sinaï et le pays d’Edom en un territoire
très peuplé, siège du puissant royaume de Muçri, qu’ils ont
découvert, et de répandre aussi sur l’Arabie d’une main libé­
rale de grands cours d’eau, qu’ils veulent retrouver dans l’An­
cien Testament et les textes cunéiformes.

Les fantaisies en question sont surtout le fait de Winckler et de


LES SÉMITES

Hommel, qui mettent partout au premier plan l’Arabie dans la tra­


dition arcliaïque qu’ils transposent dans ce sens; voir l’idée con­
traire dans Meyer, Israël, u. ihre Nachharstaemme, 190G; le prétendu
Musri en Arabie est en réalité partout l’Kgypte. On trouve assez
souvent cependant les mêmes vues chez des dilettantes qui ne
manquent pas dans ce domaine. — Remarquons encore que la
conception géographique exacte est fortement entravée par le terme
malheureux Mésopotamie, sous lequel on a l’habitude de comprendre
tout le territoire entouré par le Tigre et l’Euphrate, quoiqu’il ne
forme ni une unité géographique ni historique. La llapaTroTaix-la =
Naharain (Osroène, § 405), ainsi que le territoire de collines ver­
doyantes jusqu’au Habûr et à Nisibe (Mygdonia de l’époque macé­
donienne), appartient beaucoup^ plus encore à la Syrie, tandis que
l’Assyrie, comme la Babylonic ou Sinéar, est une contrée à part. Il
ne reste pour la Mésopotamie que le désert du Habûr à la frontière
septentrionale de la Babylonie, qui englobe encore les territoires à
l’Est au delà du Tigre. — Le cours supérieur du Tigre appartient à
l’Arménie.

333. Dans toutes les contrées de cette nature qu’on rencon


tre à la surface du globe, le désert de l’Afrique du Nord, l’Asie
Centrale, la steppe et le désert aralo-caspien, le haut plateau
de l’Iran avec au centre son désert salé, ainsi que l’Arabie et
le désert syro-mésopotamien, la population se divise en tribus
sédentaires, qui ont colonisé les oasis de culture, et en tribus
nomades,.les bédouins. Ces derniers considèrent aussi cer­
tains territoires définis comme leur propriété qu’ils défendent
contre les autres; mais ils quittent plutôt leurs pâturages plu­
sieurs fois dans l’année, suivant l’état du fourrage, et plusieurs
d’entre eux traversent de vastes espaces en expéditions régu­
lières. Ils ne peuvent avoir aucune propriété privée en biens-
fonds ; ils habitent des tentes et ne sont pas liés à la glèbe.
Il leur est donc facile de quitter tout à fait un ancien territoire
contre un nouveau, souvent très éloigné, soit contraints par
une sécheresse exceptionnelle de chercher d’autres lieux de -
pacage, soit que leur puissance interne et la croissance de la
BASES GÉOGRAPHIQUES. PEUPLES DU NORD ET SÉ M IT E S— § 333 35

jeune génération leur donne la possibilité de déposséder le


voisin plus faible en lui enlevant un domaine productif, soit
qu’un rameau se sépare de la tribu principale devenue trop
nombreuse, ou qu’enlin ils soient au contraire supplantés par
des ennemis plus forts ou aussi dispersés. Ils vivent en hosti­
lité continuelle avec les tribus sédentaires, ce qui conduit
souvent celles-ci à racheter leurs brigandages par un tribut
régulier, laissant paître les troupeaux sur les champs mois­
sonnés, en entrant avec les nomades dans une « relation de
fraternité » (arabe hûiva) dépendante. Souvent aussi dans le
désert « leur main est contre chacun », à moins que l’étranger
ne devienne leur allié, ce qui le place pour un temps ou pour
toujours sous la protection de l’organisation et de la paix
tribales. Mais quoique nomades ils organisent simultanément
un commerce réglé à travers de vastes territoires ; car juste­
ment dans le désert les bédouins peuvent beaucoup moins se
passer que les tribus sédentaires d’un échange des denrées
nécessaires à l’existence puisqu’ils manquent de produits natu­
rels. Ce commerce rapporte de riches bénéfices, car en deçà
des territoires désertiques se trouvent des pays de culture
développés dont les produits sont dirigés à travers le désert.
Ainsi ces mêmes tribus qui apparaissent souvent comme des
bandes de brigands, sauvages et peu scrupuleuses, sont en
même temps de sûrs conducteurs de caravanes et valent
comme « les plus justes des hommes » auxquels la vie comme
la propriété de l’étranger est absolument sacrée dès qu’il est
entré dans la protection de la tribu ou seulement même d’un
membre de la tribu. En Arabie l’encens surtout et les essences
précieuses qui abondent aussi bien dans la région du Sud-
Ouest que dans le pays de Punt des Egyptiens sur la côte
africaine opposée, ont alors donné naissance dans cette contrée,
le « pays à droite » (Yemen), à un commerce indépendant et
à une civilisation plus développée.
Les « semi-nomades », dans les territoires frontières entre
le désert et le pays cultivé, occupent une position intermé-
LES SEMITES

diaire entre les tribus sédentaires et les bédouins : éleveurs de


moutons, vivant encore il est vrai sous des tentes, mais pour­
tant déjà dans des villages permanents de tentes, annexés à des
fruits, à des citernes ou à de petits cours d’eau. Ils sont pour
cela fortement attachés déjà à ûn territoire déterminé et s’occu­
pent parfois de travaux agricoles. Ainsi peut se développer
chez eux une organisation politique plus solide; ils arrivent
môme à créer avec le progrès de la culture des colonisations mu­
nicipales. De telles circonstances se rencontrent surtout dans
les territoires frontières de Palestine et de Syrie; elles ne sont
pas rares cependant en Arabie, et ont donné lieu par leur répé­
tition, sous l’inlluence des conditions historiques données, à des
formations politiques plus étendues, éphémères ou durables.

Ouvrages fondamentaux : A. Sprenger, die aile geogr. Araôiens,


1875; G. K. Doughty, Travels in Arabiu Deserla, 2 vol. 1888; puis les
voyages de G. Niebuhr, Palgrave, Wetzstein, etc., et surtout Wrede,
lleise in IJadhramaut, 1870. Voir aussi B. Stade, das Kainzeichen^
Z A TW , xiv et Meyer, Israël, u. ihre Nachbarstaemme^ surtout les
pp. 301 et suiv.

334. Tout autour du désert syro-mésopotamien on trouve d


bandes de terre cultivables relativement étroites. A l’Ouest,
le long de la côte méditerranéenne s’élève le haut plateau
syro-palestinien, aux chaînes de montagnes parallèles qui se
séparent du Taurus ai\. Nord avec la chaîne de l’Amanus. Le
territoire ainsi formé, d’environ 100 lieues de longueur et
d’une largeur moyenne de 15 à 20 lieues, comprend plusieurs
rivières assez grandes ; il est pourvu d’eau en suffisance, sinon
en abondance. Il pouvait donc devenir un pays cultivé et
apparaître comme un paradis aux tribus du désert. De grandes
plaines n’existent que sur la côte de Palestine, au pied orien­
tal de l’Hermon et de l’Antiliban (territoire de Damas) et au
Nord de l’Oronte inférieur (Amq.). La coupure profonde, que
le lit du Jourdain et de la Mer Morte détermine dans le haut
plateau palestinien en s’enfonçant bien au-dessous du niveau
BASES GÉOGRAPBIOUES. PEUPLES DU NORD ET SÉMITES — § 335 57

de la mer, est trop chaude pour être encore cultivable. En


revanche, les hautes montagnes étaient couvertes d’épaisses
forêts d'arhres immenses, surtout des cèdres et des chênes,
ainsi l’Amanus, le Liban, l’IIermon, le plateau de Basan à
l’Est du Jourdain supérieur avec le mont IJaurân qui s’avance
dans le désert. Ce pays ne pouvait guère acquérir une parfaite
unité intérieure par suite de sa trop grande longueur et des
multiples ramifications de ses montagnes. La vie s’organisa
d’autant plus active, dans des territoires petits et resserrés.
A la Syrie du Nord se rattache « le pays du bord du fleuve
(c.-à-d. l'Euphrate) » Naharain, et plus loin la partie anté­
rieure des monts d’Arménie, avec les cours d’eau descendant
du mont Masios (assyr. Kasjar, aujourd’hui Tûr 'Abdîn, compté
ordinairement avec le Taurus par les Grecs), le Balih et le
Ilabûr et leurs alfluenls, contrée qui peu à peu se transforme en
steppe et désert mésopotamien. Puis, plus à l’Est, le territoire
fertile du Tigre supérieur, traversé par de nombreuses chaînes
de montagnes et des rivières, jusqu’à l’embouchure du grand
Zab et au delà, auquel se relie le pays avancé que parcourent
plusieurs gros torrents, des chaînes du Zagros jusqu’à l’Elam
(la Susiane) au Sud. Mais toutes ces régions sont de beaucoup
dépassées en importance par le pays bas, le long du cours
inférieur du Tigre et de l’Euphrate. C'est seulement ici, en
Sinéar ou Babylonie, que les deux fleuves peuvent déployer
toute leur puissance, comme le Nil, après avoir laissé derrière
lui le plateau de grès nubien, et deviennent dans les vastes
terrains inondés les dispensateurs d’une fertilité extrême, qui
a créé ici aussi, mais un peu plus tard qu’en Egypte, une
haute civilisation indépendante.

335. Nous avons déjà vu que le processus historique du déve


loppement de l’Asie Antérieure se présente comme une lutte
incessante entre les tribus des montagnes du Nord et celles
des pays désertiques du Sud pour la possession du pays culti­
vable qui les sépare. Si l’Arabie, et spécialement le désert de
LES SEMITES

l’Arabie septentrionale et syrien, forme le point de départ de


toutes les migrations de peuples qui avancèrent du Sud, le
bas-fond babylonien forme géographiquement et historique­
ment le point central de tout le pays limité par le Taurus et le
Zagros. De là la culture rayonne au dehors dans toutes les
directions, et comme les souverains de Sinéar doivent tenter
d’étendre leur puissance sur les pays qui l’environnent, à
l’inverse tous les peuples qui pénètrent dans ces contrées, qu’ils
soient originaires du Sud ou de l’Ouest ou de l’Est et du Nord,
aspirent en première ligne à la possession de la Babylonie.
D’où il suit que la civilisation de Sinéar, quelque parallèle
qu’elle soit d’ailleurs à la civilisation égyptienne, se trouve
pourtant dès l’origine dans une toute autre relation ethnogra­
phique et historique. Il lui manque d’une part une base
nationale distincte, l’unité intérieure et politique ; de l’autre
elle agit d’une façon beaucoup plus intensive sur de vastes
territoires et des peuples étrangers, tandis que la civilisation
égyptienne n’a pu exercer une inlluence immédiate et inter­
rompue que sur l’étroite vallée nubienne du Nil et ne rayonne
d’ailleurs qu’atténuée et avec une effet moindre sur la Syrie et
au delà de la mer. Ainsi s’explique que la civilisation babylo­
nienne n’a jamais atteint l’éducation interne complète et
l’intensité continuelle de la civilisation égyptienne. En même
temps on comprend que la première se trouve de tous temps
dans un courant de vie historique et de réaction réciproque
plus large que la seconde.

Les tribus sémitiques et leur organisation.

336. Nous comprenons sous le nom de Sémites, dérivé de l


table des peuples de la Genèse, les tribus qui ont donné sa phy­
sionomie à la population qui demeure au Sud du Taurus* Elles
LES TRIBUS SÉMITIQUES ET LEUR ORGANISATION — § 336

forment elhnograpliiquement une unité étroitement fermée.


Les Sémites montrent dans leur caractère et leurs dispositions
spirituelles un particularisme fortement marqué qui les sépare
nettement de tous les autres peuples. Leurs langues sont
étroitement apparentées. Elles ne constituent pas tant des
rameaux indépendants de langues, comme les grands groupes
des langues indo-européennes, que des dialectes d’un groupe
unique de langues ou mieux encore ditTérents degrés de déve­
loppement de la langue sémitique, qui sont dans l’essentiel de
la môme substance, tant par leur construction grammaticale
que par leur vocabulaire.
Physiquement aussi le type sémitique a son unité, qui appa­
raît déjà aussi accentué que maintenant dans les plus anciens
monuments, bien qu’il ait varié chez les Sémites devenus
sédentaires de Palestine, de Syrie et d’Assyrie par l’introduc­
tion d’éléments du Nord, asianiques-arméniens (cf. § 330
note). Le type le plus pur se rencontre en Arabie et là aussi
la stabilité des consonnes et partiellement la construction
grammaticale de la langue sémitique s’est conservée jusqu’à
aujourd’hui le plus purement et le vocabulaire le plus parfai­
tement, bien que nous trouvions, ici aussi, autant de formations
nouvelles que partout dans la vie des langues. Les langues des
Sémites sédentaires montrent partout, en opposition à celle du
nomade, une forte décadence consonnantique qui augmente
toujours, et une perte du vocabulaire originel et de la construc­
tion grammaticale primitive, qui n’est en aucune manière com­
pensée par les néologismes. Cette décomposition consonnan­
tique ressort avec le plus de force précisément dans le dialecte
sémitique le plus ancien historiquementi le babylonien (akka­
dien). L’hébreu qui apparaît beaucoup plus tard, correspondant
au passage qui s’accomplit pour la première fois sous nos yeux
de la population nomade à une vie complètement sédentaire,
présente une stabilité plus pure de son, qui n’a trouvé qu’une
expression imparfaite dans l’écriture, tandis que le phénicien
et surtout l’araméen montrent de nouveau une usure beaucoup
60 LES SEMITES

plus grande. Le même processus se répète chez ces tribus


arabes devenues sédentaires dans les pays cultivés. L'opinion
résultant de ces faits, que le désert arabe doit être considéré
comme la patrie des Sémites, est entièrement confirmée par
leur histoire. Toutes les particularités du génie sémitique, la
manière de penser, la religion, les institutions politiques s’ex­
pliquent par les conditions d’existence d’un peuple du désert.
Donc tous les Sémites sédentaires des pays cultivés doivent
être considérés comme des campements de tribus du désert
arabique à distinguer comme des couches successives. Cette
poussée de nomades contre le pays cultivé s’accomplit sans
interruption, souvent sur un espace de plusieurs siècles, qui se
termine par des événements particuliers peu apparents, tel
que la pénétration des Arabes, au sens strict du mot, à l’époque
perse, hellénistique et romaine, tenus temporairement en
échec, môme refoulés par une organisation politique capable
de résister, — ainsi de nos jours et au dernier siècle le recul
des Wahhabites—, mais qui éclate souvent en de soudaines et
grandes invasions, comme celle des Araméens et des üébreux
au xiv* siècle, et auparavant celle des Ambrrites, entin celle des
Arabes avec l’Islam.. Plus anciennement encore, à l’époque
préhistorique, l’invasion des tribus hamiliques dans le Nord de
l’Afrique peut avoir été provoquée par la poussée des tribus
sémitiques d’Asie qui étaient de la môme famille (§ 166). Tou­
tefois l’égyptien archaïque montre déjà en face du sémitique
une forte décomposition consonnantique et une transformation
grammaticale. Ces faits cependant échappent, jusqu’à mainte­
nant du moins, à la connaissance historique; on peut aussi
poser la question sans y répondre : les ancêtres des Sémites à
une époque encore plus ancienne sont-ils venus d’autres terri­
toires que le désert et sont-ils apparentés linguistiquement et
physiquement à d’autres tribus de la race caucasique?

A. Sprenger a le premier exprimé de façon décisive que l’Arabie


est la patrie des Sémites, en parlant de la théorie sur la formation
LES TRIBUS SÉMITIQUES ET LEUR ORGANISATION — § 336

el le développement historique des Étals, qu’lbn Khaldûn (§ A'i) a


dégagée de Thisloire des peuples islamiques : Sprenger, Leben n.
Lehre Mohammed, 1, 241 et suîv. ; die allé Geogr. Aràbiens, 1873; de
même Eb. Schrader, ZDMG., XXVII ; de Goeje, Hel Valerland der
semit. Volken, 1882 et d’autres. Aujourd’hui, celte conception est
reconnue presque généralement, bien que Guidi, A iti delta R. Acad,
dei Lincei, 1873, suivi par Jacob, Altarab. lieduinenleben, p. 28,
pense au territoire de l'Euphrate el Xoeldeke, die semit, Sprachen,
1887, au Nord de l’Afrique. Hommel a abandonné maintenant
{Grundriss d, Geogr. u. Gesch. d. ait. Or., 2® éd., p. 80) ses idées
antérieures, Namen d. Sàugetiere bei d, Südsemiten, 1879. Winckler
a surtout rigoureusement accentué la séparation des divers cam­
pements sémitiques; il a le premier justement reconnu, en s’ap­
puyant sur les données des lettres d’El-Amarna que les Araméens
n’ont pénétré dans les pays cultivés que depuis le milieu du 2* mil­
lénaire ; cf. aussi Meyer, Israël, u. ihre Nachbarslaemme, p. 235 et
suiv. Les essais naïfs de retrouver dans la Genèse des éclaircisse­
ments sur ces questions n'ont plus besoin aujourd’hui d’être réfu­
tés. L’opinion que l’Arménie ou même les pays du Caucase seraient
la patrie primitive des Sémites n’a pas l’ombre de fondement
(celle hypothèse fait tort au beau livre de Ilehn, Kulturpflanzen u.
Haustiere in ihrem Uebergang ans A sien nach Griechenland und Ita ­
lien), Les questions ultérieures, quand les ancêtres des Sémites
sont-ils venus en Arable, et la parenté éventuelle entre les Indo-
européens et les peuples hamitiques sémiliques, ou en d’autres
termes la question de l’habitat primitif el de l’extension de la race
humaine, sont en dehors des cadres de la connaissance historique
et ne concernent en aucune manière Yhistorien. On méconnaît en
outre que la question de l’habitat primitif des Sémites est en réalité
de tout autre nature : il ne s’agit pas de la question, sans impor­
tance pour l’histoire, de savoir si des Sémites ont habité l'Arabie
environ en l’an 3000, mais de la suivante : comment les Sémites
sont-ils venus en Syrie et dans les pays de l’Euphrate; et cela est
un événement historique qui s’accomplit en grande partie pendant
une période que l’on peut connaître historiquement et que nous
devons donc aussi saisir historiquement.
La permanence des consonnes dans le sémitique se présente
comme on sait le plus parfaitement chez les Sabéens. L’arabe
62 LES SÉMITES

écrit a déjà perda un des nombreux sons « s » et en éthiopien la


marche rétrograde ultérieure du consonnanlisme s’achève sous
nos yeux. La fixation des tribus sud-arabes en Afrique, sur le haut
plateau abyssin (Ge’e/., Ethiopie), constitue le pendant à l’extension
vers le Nord. Les dialectes du Nord et du Sud de l’Arabie forment
avec l’éthiopien une unité plus étroite, que caractérisent surtout les
« plurales fracti », désignés comme « sémitique méridional » ; pour
les trois groupes des dialectes sémitiques septentrionaux, baby-
lonien-assyrien, cananéen (hébreu, phénicien, etc.) et araméen
(syrien), on ne peut ni démontrer ni surtout peut-être accepter une
combinaison en plus grands groupes; le babylonien-assyrien paraît
avoir le caractère le plus indépendant. Il n’y a jamais manqué non
plus de transitions du sémitique septentrional au groupe méridio­
nal; les frontières dialectales ne sont en aucune manière absolues
(cf. Meyer, IsraëlUcn..,^ p. ,‘Î07).
Le nom « Arabe » n’est employé ici que comme expression pure­
ment géographique, s’appliquant aux Sémites habitant le pays appelé
aujourd’hui Arabie. Historiquement, Arabe {'araby 'araba : steppe,
désert) est un mot venu du Nord. Cette dénomination apparaît seu­
lement vers le 1*" millénaire av. J.-C. et n’a prévalu que peu à peu.

337. Nous avons déjà indiqué (§ 333) les conditions extérieure


qui déterminent la vie des tribus sémitiques et les différences
produites par le caractère de leur habitat. Intérieurement les
tribus, et parmi elles de nouveau les plus grands et les plus
petits groupes qui les composent, sont maintenues en cohésion
comme toute formation semblable par l’idée de la communauté
du sang dans laquelle la contrainte de l’organisation sociale
trouve son expression. Les hommes adultes et capables de se
défendre qui composent l’alliance forment une communauté
scellée par les lois inviolables de la coutume, et des concepts
moraux et juridiques. Cette confraternité est directement four­
nie par la vie en commun dans laquelle ils ont grandi et qui
réunissait déjà les générations précédentes. Il importe peu en
principe que la parenté du sang soit comptée d’après le père
(abû) ou la mère (imm, umm) (cf. § 8 et suiv.) ; en fait le
mariage patriarcal règne partout, sous la forme de la polyan-
LES TRIBUS SÉMITIQUES ET LEUR ORGANISATION — § 337

drie chez les Sabéens, bien qu'il arrive fréquemment dans des
tribus nomades qu’un individu s’unisse pour un temps ou pour
toujours à une femme étrangère à son clan. Les hypothèses
modernes qui font exister à l’origine chez les Sémites un soi-
disant « matriarcat » sont en opposition avec tous les faits.
Au contraire l’originalité du patriarcat est prouvée par ceci
notamment que le meme mot 'amm désigne l’oncle paternel
comme le membre du clan en général et tout le clan (« peuple »).
La parenté consanguine physique est aussi remplacée par la
fraternité du sang et l’adoption. Sur la communauté du sang
est fondée l’obligation pour chaque membre de l’alliance plus
étroite de répondre pour chaque allié, de le protéger et de le
venger, à moins qu’on consente à racheter le sang versé par le
paiement d’une expiation du sang. Au-dessus de oette frater­
nité de protection de petits groupes, la complétant et l’élargis­
sant, se trouve la protection que procurent les plus grandes
alliances. La vengeance du sang est la puissance qui domine
toute la vie morale et juridique, qui assure la paix au sein
de l’alliance, protège l’individu contre l’étranger et rend pos­
sible une vie en commun réglée et des relations pacifiques,
précisément dans des circonstances où une contrainte exté­
rieure serait tout à fait illusoire. Son complément est formé
par la loi de l’hospitalité qui assure à l’étranger isolé, qui tem­
porairement est entré en communauté avec un autre individu,
la protection du membre de la tribu comme de la tribu elle-
même.
Chaque alliance du sang, grande ou petite, est regardée
comme descendance d’un ancêtre, le plus souvent mâle mais
parfois considéré comme une femme, car la tribu peut aussi
être conçue comme le sein de la femme (âa/n) ; cet ancêtre
porte le nom qui désigne la tribu comme un tout, tel un sin­
gulier collectif. Ainsi les rapports des divers membres d’une
tribu se présentent comme un arbre généalogique, dans lequel
les petits groupements, jusqu’aux clans ou générations et aux
familles qui leur appartiennent, c’est-à-dire les plus petits
LES SÉMITES

groupes qui habitent ensemble (arabe ddr « habitation », hcbr.


bail « maison » ou bail abi « maison du père » ; afil « tente »
est aussi employé dans ce sens) sont subordonnés dans un
ordre descendant à l’ancôtre qui embrasse tout. Des relations
occasionnelles ou durables d’une tribu avec une autre trouvent
aussi leur expression dans leur liaison généalogique et leur
subordination à un nouvel ancêtre. A la tôle on met le nom
de tout le groupe tribal ou du peuple qui a conscience de son
unité par sa langue, ses mteurs et son histoire commune, en
face des autres tribus qui lui sont étrangères.

En général, cf, § 8 et suiv., notamment aussi sur les formes du


mariage sémitique et les théories modernes fondées sur elles ; voir
encore spécialement Wellhausen, die Ehe bel d. Arahern^ Nachr.
Gôtimg. GeselL^ 1893. L’exposé de ce paragraphe et des suivants
repose surtout sur les conditions anciennes et actuelles des Arabes
(pour la littérature, voir § 333 note, et surtout Burckhardl, Noies on
ihe Hedouiiis and Wahâbys, 2 vol. 1831. Ch. Doughty, Travels in Ara-
bia Deserla, 2 vol. 1888; puis par exemple Wellhausen, Médina vor
d. Islam,-dan?, Sklzzen u. Vorarb., IV, G. Jacob, Beduinenleben,
2* éd. 1897, Cependant la même organisation apparaît partout chez
les autres tribus sémitiques que nous connaissons, surtout dans
l’Ancien Testament, et elle s’est conservée sous une forme rudimen­
taire même dans les régimes plus développés, — En général, les
noms de tribus, de clans, de générations, etc., sont tout à fait diffé­
rents des noms de personnes. Des noms comme Jacob, Joseph,
Ephraim, Benjamin n'ont été employés comme noms propres en
Palestine que très tardivement. Et pourtant il a dû arriver parfois de
tout temps qu'une alliance porte le nom du chef autour duquel elle
se groupait, comme c’est fréquemment le cas chez les Turcs. Mais
alors ce n’est pas le souvenir de cette personnalité historique qui vit
dans l’ancêtre; celle-ci est oubliée au bout de peu de temps et l’an­
cêtre éponyme n'est plus exclusivement que l'expression directe de
l'unité vivante de la tribu actuelle. Cet éponyme n’est ni une tradition
historique, ni même une personnification poétique. La conception
populaire n’est pas la seule à porter un jugement tout à fait erroné
sur ces rapports et les récits liés à ces éponymes, en attribuant aux
LES TRIBUS SÉMITIQUES ET LEUR ORGANISATION — i; 3 3 8 6o

tribus du désert une longue mémoire pour les événements histo­


riques; c’est le contraire en efTel qui arrive; mais les savants aussi,
spécialement les théologiens de l’Ancien Testament, ont à maintes
reprises abondé dans ce sens en acceptant naïvement, comme des
vérités historiques, les récits généalogiques de l’Ancien Testament.
Aujourd’hui ils remplacent celle conception par une opération très
simple en histoire, qui consiste à regarder les récits sur les ancêtres
comme des traditions relatives au sort de la tribu, expliquant par
exemple un mariage comme un mélange de deux tribus; ils ne se
sont pas fait une idée claire des concepts réels d’où sont sortis ces
récits. Cf. d’ailleurs de plus amples détails dans Meyer, Israeliten....
— Pour la critique des données pseudo-historiques des Arabes et les
questions connexes, voir surtout l’ouvrage fondamental de Noeldeke,
Ueber dio. AmalekitPr u. ehnge andere ISachbarvoelker d. Israeliten,
180i .

338. En dehors du pauvre mobilier, armes et ornements, et


peut-être de quelques objets précieux pillés ou acquis dans le
commerce, la fortune du nomade consiste exclusivement en
bétail, moutons et chèvres, ânes et chameaux. Les plus aisés
ont de plus des esclaves acquis comme butin ou achetés. Les
enfants d’esclaves suivent l’état de la mère, s’ils ne deviennent
pas par libération des clients ou ne sont pas acceptés par adop­
tion dans l’alliance tribale. L’influence de l’indivi^n dans la
communauté dépend en partie de ses qualités personnelles, de
son courage et de son intelligence, mais surtout des moyens
que lui donne sa fortune et plus encore de la capacité et du
crédit hérité de la plus intime relation sanguine, du clan et de
la parenté dans laquelle il se trouve. Car le Sémite, comme
tout homme naturel, est absolument aristocrate; en fait aussi
souvent que la coutume peut être brisée par un parvenu heu-
reux, la position une fois acquise et consolidée s'hérite comme
tout bien matériel pendant des générations. Mais ce ne sont là
que des privilèges honorifiques et de pures prétentions au com­
mandement. Car une tournure d’esprit aristocratique n’a pas
nécessairement pour résultat une classification en rangs sociaux.
.m LES SEMITES

nobles qui commandent et vassaux sujets. En effet les condi­


tions d’existence dans le déserl hâtent plutôt le développement
de fortes individualités (§ 100); c’est pourquoi une égalité par­
faite règne parmi les hommes libres au sein de la communauté
tribale. La tentative de contraindre une famille isolée ou un
individu qui résiste à respecter la volonté de la majorité serait
considérée comme une violence injustifiée, qui conduit à une
guerre intestine et à la rupture du lien tribal ; les fils même,
devenus grands, souvent les garçons, ont une situation libre
surprenante (§ 12). Par contre les filles ne sont considérées que
comme un objet d’achat, aussi bien au sein de leur famille
que lorsque le prétendant paie pour elles une dot [mahr). C'est
pourquoi leur exposition ou leur mise à mort, en Arabie, par
ensevelissement aussitôt après la naissance, est très répandue.
D’autre part, la vieillesse est honorée et l’on respecte son expé­
rience de la vie; le plus ancien membre de chaque alliance du
sang la dirige et exerce en même temps le devoir de protection
sur ses adhérents. Souvent les biens appartiennent à toute la
famille et le plus ancien les administre, tandis que les frères les
plus jeunes, de même que les enfants, dépendent de lui et font
paître ses troupeaux; de là sortit la polyandrie chez les Sabéens
(§ H note). Le conseil de la communauté tribale est formé des
« plus aivpiens » (D’’JpT, les cheikhs) qui se réunissent en déli­
bération libre et décident généralement des mesures concernant
la tribu. On ne considère pas comme appartenant à la commu­
nauté tribale, et par suite ne sont pas regardés comme abso­
lument libres, les membres de la tribu qui n’ont aucun bien
particulier et qui vivent du travail accompli pour les autres,
soit comme serviteurs au service d’un particulier, soit comme
artisans, tels notamment les forgerons (travailleurs de métaux),
mais aussi les musiciens, les chanteurs ou les danseurs par
exemple. Ils ne font pas partie non plus des alliances du sang ;
on considère comme honteux tout commerce sexuel avec eux,
sauf dans la prostitution, et celui qui s’écarte de cette règle est
souvent sévèrement puni. Ce sont des manants (ÿér), qui sont
LES TRIBUS SÉMITIQUES ET LEUR ORGANISATION — § 339

comme clients sous la protection de la tribu de môme que les


étrangers, par exemple des meurtriers en fuite qui y ont trouvé
un refuge. Cependant il arrive que ces derniers soient considérés
comme chez eux et que la tribu les accueille dans son sein. Il
n’est pas rare non plus qu’un nomade se lie pour un temps à
une tribu étrangère, s’y marie temporairement et que les enfants
échoient à la tribu de la mère.
Le très ancien schéma de division d’une tribu nomade qui est rat­
taché, Genèse, IV, 19 et suiv., à Lamech, sépare nettement « les habi­
tants de la tente qui ont des biens » et les musiciens (qui comme les
aèdes d’Homère sont très près de l’homme libre), comme fils de la
femme principale, des forgerons, enfants de la deuxième femme (à
côté de celle-ci se trouve une fille, Na'ama, peut-être comme repré­
sentante des prostituées); cf. Meyer, Israelilen,.., p. 218. Les forge­
rons forment, comme on sait, maintenant encore en Arabie une
caste, comme une tribu nettement séparée qui se distingue aussi
par le type physique des membres de la tribu. — Chez les Juifs,
encore à l’époque postérieure à l’exil, ceux qui ne possèdent rien
n’appartiennent pas aux familles, mais sont manants ; seul le bien-
foncier naturellement a pu servir ici de norme; propriétaire et
guerrier sont deux termes identiques, soit Sti “Tina ; cf. Meyer,
Enfstehung d. Judentums, p. 148 et suiv.; Israeliten...^ p. 428 et suiv.
339. Ainsi le concept de Iribu est toujours en droil une
organisation républicaine très lâche, plutôt une fédération
libre de groupes autocrates plus petits qu’un état fermé
(cf. §§ 6, 25 et suiv.). Le contrepoids du lien juridique trop
libre est formé par la force de l’habitude et la contrainte des
mœurs, qui trouve son expression dans le droit du sang et
l’obligation sans réserve d’être garant pour chaque individu
apparenté par le sang et pour la totalité des compagnons de la
tribu. L’individu peut parfois être placé en face d’un conflit
moral difficile; ainsi, si les parents du côté paternel (’amw),
qui ont le droit de réclamer assistance, sont en lutte avec les
parents de la mère {hâl), à qui ses enfants sont liés par des
liens filiaux quelquefois très forts. On ne peut guère se passer,
LES SEMITES

pour la direction supérieure, d’un chef suprême [émir), môme


en temps de paix et surtout en cas de guerre ; d’où résulte la
dignité de roi [malik), surtout si la tribu arrive à demi ou tout
à fait à l’état sédentaire et par suite possède un territoire
lixe. A l'époque de Mohammed la royauté est demeurée rare
dans l’Arabie proprement dite. Mais à l’époque ancienne, par
exemple dans les documents assyriens, les tribus ont toujours
des souverains ou rois, bien que leur puissance soit, ce semble,
toujours très relative et limitée par le conseil des Anciens. La
coutume paraît avoir été très répandue, de confier la direction
de la tribu d’une façon prépondérante ou durable à une femme
d’une famille de souverains (§ 10 note). Chez les nomades
cananéens, Edomites et Israélites, on trouve une organisation
militaire de la tribu en milliers Çeleph)^ qui se divisent en cen­
turies, puis en groupes de 50 hommes. Cette unité militaire, la
compagnie, qui correspond à la pentèkostys Spartiate, se ren­
contre souvent aussi chez les .Vrabes. H semble que le millier
recouvre réellement le clan (hébr. mispàhà), le plus grand
groupe des consanguins à l’intérieur de la tribu, et ainsi les
subdivisions militaires se lient aux groupes de familles de
moindre importance. Mais il est clair aussi qu’il y a là une
division systématique, qui remonte à un acte déterminé et
présuppose donc en môme temps un développement plus grand
de l’autorité tribale.
Sur les milliers entre autres et leur rapport avec les familles, cf.
Meyer, Jsraeliten,.., p. 128 et siiiv., 408 et suiv. Le schéma de divi­
sion jusqu’aux dizaines (— corporations) est indiqué h'xode, XVIII,
2 1 , 2 4 = Deuier., I, 15 et suiv. ; cf. I Samuel, XXII, 7. Amos, V,
3 entre autres. La cinquantaine comme unité militaire II Rois, I, 9 et
suiv. ; d’après cette division UIDn signifie « divisé en 50 » aussi bien
que « armé et ordonné pour la guerre » Exode, XIII, 18 ; Juges, VII,
11 ; Nombres, XXXII, 17 = Josué, I, 14 ; IV, 12; à ce terme corres­
pond l’arabe hamU « seigneur » et le sabéen Dan comme hommes
de la tribu capables de porter les armes (D. H. Müller). On peut évi­
demment dériver le mot aussi bien du singulier hamis « cinq » que
LES TRIBUS SÉMITIQUES ET LEUR ORGANISATION — § 340 69

du pluriel « cinquante » ; mais la dernière dérivation est certaine­


ment la seule exacte, car on ne peut guère songer à une division
militaire de cinq hommes.

340. Les tribus sédentaires possèdent à côté de leurs trou­


peaux des terrains et surtout des palmeraies. Les relations
sociales deviennent plus complexes, et Ton sent la nécessité
d’un régime légal et politique. Un pouvoir suprême plus puis­
sant et une royauté durable peuvent ainsi se former. Mais les
conceptions et les tendances primitives agissent encore ; et ces
territoires ne sont pas à ce point séparés des autres, par leur
situation ou les conditions de l’existence, qu’ils ne ressentent
sans cesse rintluence de la vie nomade de la tribu. 11 n’est pas
rare que de tels territoires, d’une civilisation très avancée,
conservent l’organisation tribale fort lâche et même que cette
dernière se soit encore renforcée (§ 6); ainsi à la Mecque à
l’époque de Mohammed.
D’autre part, les nomades connaissent bien les dangers que
l’établissement sédentaire apporte à leur organisation, à leurs
moyens de défense comme à leur autonomie et au fier senti­
ment d’indépendance de l’individu. Ils regardent de haut, avec
un profond mépris, le paysan lié à la glèbe et les citadins
paresseux qui cherchent à se protéger derrière des murs, qui
servent un maîtVe comme des domestiques, se laissent piller
par les bédouins et rachètent leurs exactions par des cadeaux.
Si séduisants que soient les richesses et les bienfaits de la
civilisation, ils ne valent pas ce prix. C’est pourquoi, chez les
tribus bédouines qui ont pénétré dans les frontières des terri­
toires cultivés, les plus graves dispositions pénales concernent
parfois l’agriculture, les vignes, les habitations fixes, ainsi chez
les Nabatéens à l’époque des Diadoques (Hiéronyme de Kardie,
dans Diodore, XIX, 94). Les mêmes exigences nous appa­
raissent sous un aspect religieux dans le clan édomite (qaïnite)
des Rekabites en Palestine (Jérémie, XXXV, 6 et suiv.) et sur­
tout dans la forme qu’a prise la religion prophétique. Elles
70 LES SEMITES

sont devenues très vivantes et eiïectives dans les commence­


ments de rislam. Nous avons déjà dit qu’en face de ces ten­
dances la participation au commerce et l'escorte des caravanes
est reconnu comme une branche d’industrie honorable et
lucrative {§ 333).

3 il. Si la structure interne de la tribu est solide en opposi­


tion au relâchement des ordonnances et au manque d’autorité
elfective, sa composition se modifie sans cesse. Non seulement
des individus se séparent, soit par vengeance du sang, soit par
le hasard qui les conduit à se lier à d’autres tribus comme
clients ou parents par le mariage, mais des familles ou des
clans entiers; et vice-versa de nouveaux éléments y sont intro­
duits pour les mômes raisons. Une catastrophe extérieure, la
défaite par des ennemis, une grande émigration, une disette ou
aussi une vengeance intérieure inexpiable peut faire éclater les
cadres de la tribu. Alors restent les plus petits groupes, les
familles, qui peuvent se réunira de nouvelles tribus ou cher­
cher à se joindre à des étrangers. La tribu peut devenir aussi
trop grande, pour rester unie, surtout si les conditions d’exis­
tence changent, après la conquête par exemple de territoires
plus vastes. C’est de celte manière que sortirent d’une seule
tribu israélite les tribus postérieures, 12 à ce qu’on dit, comme
groupes locaux, dont chacune contient en im lien lâche plu­
sieurs clans avec leurs familles. A l’inverse plusieurs tribus
peuvent se coaliser, pour un temps ou pour toujours, ou se
réunir à une tribu principale, d’où résulte inévitablement la
fiction qu’elles sortent d’une unité primitive et descendent d’un
ancêtre éponyme. Ainsi les alliances tribales, fondées en appa­
rence et à ce qu’on pense pour l’éternité, et séparées contre tous
les autres hommes par un abîme qu’aucun pont ne pourrait
franchir (i; 33), sont en fait dans un mouvement et un échange
constant. Chaque siècle nous rencontrons de nouveaux noms
de tribus, tandis que les anciens survivent encore dans les
traditions généalogiques. C’est précisément aussi pour ce motif
LA RELIGION SÉMITIQUE — § 342

que, malgré les différences qui les séparent, les tribus particu­
lières se pénètrent continuellement et s’intluencent mutuelle­
ment ; que de plus grands groupes, les peuples se forment,
dont l’unité ne réside que dans l’idée, dans la conscience d’une
langue et de coutumes communes, d’un habitat identique et
d’expériences historiques semblables. Mais ces facteurs peuvent,
pour cela même, beaucoup mieux que chez d’autres peuples,
exercer encore une fois une inlluence puissante lors des grands
ébranlements. Ainsi sont nées les grandes unités nationales
que nous rencontrons dans l’histoire des Sémites, les Cana­
néens, les Araméens et surtout plus tard les Arabes.

La relifjion sémitique.

342. Pour le sémite, le monde n’est pas uniquement peuplé


d’êtres de chair et de sang; il y a encore la foule des esprits
pour le moins aussi nombreuse. Dans la montagne et le rocher,
dans l’arbre et l’animal, mais surtout dans la solitude du désert
habitent d'innombrables fantômes et démons (arab. djinn, ghûl
par ex. ; cf. les démons-boucs chevelus des Hébreux, seirtm,
les formes animales étranges des Babyloniens entre autres).
Tantôt visibles, tantôt invisibles ces êtres effraient l’homme, le
torturent et d’eux vient tout le mal, surtout la maladie. Par
des charmes, ils peuvent devenir serviables mais aussi pénétrer
dans l’homme et le rendre possédé. Déjà dans son être siège,
à côté de la volonté consciente, une force magique semblable,
qui se manifeste par l’effet de paroles et d’actions irréfléchies,
notamment dans le mauvais œil. Contre ces forces, comme
contre les esprits, l’homme cherche à se protéger par des
amulettes, des mots magiques ou des gestes. Il y a aussi des
esprits aimables qui se tiennent aux côtés de l’honimo pour
l’aider. Dans d’innombrables présages, auxquels l’homme doit
/2 LES SEMITES

être attentif, se manifeste à lui, soit comme un avertissement,


soit comme une exhortation, la causalité magique des événe­
ments extérieurs qui dépend de l’activité des esprits; elle est
partout et contrecarre la causalité mécanique de la nature dont
l’homme tient compte dans ses actes. Souvent ces démons
apparaissent en groupes; le philfre 7 surtout a pour tous les
Sémites la valeur d’un nombre mystérieux, qui est souvent
employé dans des pratiques magiques et les rites, surtout dans
les serments. La théologie babylonienne postérieure l’a employé-
parfois pour grouper en une unité le soleil, la lune et les pla­
nètes, qu’elle considéra alors comme les puissances dominant
le destin (§ 427). Mais c’est une erreur de déduire de cette
conception tout à fait secondaire la sainteté du nombre 7 et
d’y voir la trace d’un ancien culte des astres. De telles spécu­
lations scientifico-théologiques sont encore bien loin des repré­
sentations nées de l’observation de la nature.

Sur la religion des Sémites, voir surtout Wellhausen, Iteste arah.


Heidentums, 1887 [Skizzen u. Vorarb., lit), et l’ouvrage cependant
trop partial de Rob. Smith, Lectures on the Religion o f ihe Semiies,
188!) {die Relig. der Sejniieu., übers. von Stübe, 189!)); puis les
mémoires de Noeldeke sur « il », dans les Re?\ Rerlin. Akad., 1880
et 1882 et ses comptes-rendus ZDMG,, XLl, p. 707 et suiv. ; XLII,
p. 471 et suiv.; l’article de Meyer sur « Ba'al » dans Roscher’s,
Mythol. Lexikon [Nachtrag zu Rand, I), où sont souvent mentionnés
les articles plus anciens « Astarte » et « El », enfin ses Israeliten..
1907. — On peut considérer comme vidée la dérivation des religions
sémitiques du culte des étoiles (sabéisme) ; sur la théorie de R. Smith
qui les déduit du totémisme et du culte des ancêtres, que Stade a
admise même pour la religion israélite, voir 55-62.

343. Les divinités (ilu\ hebr. el, fém. ildt) se distinguent du


inonde des esprits; elles se manifestent comme puissances
durables et à la fois agissantes aussi bien dans le cours régu­
lier des apparitions naturelles que surtout dans la vie dos
hommes (§ 50 et suiv.). Le soleil, la lune et les astres de la
LA RELIGION SÉMITIQUE — § 343 73

nuit sont habités par des divinités qui ont ordonné leur révo­
lution et le changement des saisons. Mais dans la terre aussi
demeurent de nombreuses puissances divines, dans les blocs de
rochers et les montagnes, dans les sources et surtout tes arbres
verdoyants, qui sont d’autant plus considérés comme sièges
d’une divinité qu’ils sont plus rares et qu'on ressent plus forte­
ment le particularisme de leur vie mystérieuse. Un être divin
se manifeste souvent aussi dans divers animaux, surtout dans
les serpents ; nous trouvons encore chez plusieurs tribus arabes
un dieu-aigle Nasr, en Palestine et en Syrie, le culte de
taureaux, pigeons, poissons ou dans un arbre sacré près de
liet-el (Juges, IV, 4 et suiv.), une divinité Debora « l’abeille ».
Cependant le culte des animaux n’a jamais été aussi développé
chez les Sémites que chez les Egyptiens et les Grecs. Par contre
dans chaque alliance humaine, et surtout dans l’alliance tribale
qui comprend toutes les autres, vit une puissance divine dont
dépend son existence et sa durée : le dieu iv’est pas seulement
identique à elle dans la vie, mais disparaît avec elle, car il n’a
d’existence que par ses adorateurs, comme eux par lui.
Nous rencontrons partout cette conception à l’époque assy­
rienne dans les Etats de Syrie et de Palestine. C'est pourquoi
le nom propre de la divinité tribale est souvent identique à
celui de la tribu sans que l’on puisse attribuer la priorité à l’un
ou à l’autre : ces deux ndms sont directement et inséparable­
ment lies. C’est un cas typique par exemple pour Assur, qui
désigne aussi bien la ville que le pays ; de même les Amorrites
ont un dieu tribal du môme nom, Amurru (§ 396), et les noms
de tribus Edom et Gad sont aussi des noms de divinités. Dans
la règle, il est vrai, le dieu tribal n’a pas de nom particulier,
mais est simplement « le dieu [ilu) » pour son adorateur. Puis
son activité devient un nom propre, ainsi 'Uzza « la puissante »,
Manàt « la part, le sort », Gad « le destin », Abràm « le père
élevé » ; ou la forme sous laquelle il apparaît, comme Nasr
« aigle », Sams « soleil ». Très souvent ce nom est une phrase
exprimant la particularilé dans laquelle ressort l’essence divine :
Yaghûth « il aide », Ya'ùq « il protège », Yiçhâq (Isaac) « il
rit », plutôt sans doute le sarcasme terrifiant sur les ennemis,
qu'un sourire bienveillant, car cette divinité du « puits des 7 »,
ou « puits du serment » Be’ei âeba' dans le désert au Sud de la
Palestine (Anios, VllI, 14), porte aussi le nom cultuel « la ter­
reur de Yishâq » (pn'S'’ in S Genèse, XXXI, 42-38) ; puis
Ya'qôb « il dupe » et d’autres encore; Yahvvé « (il souille »?).
Le nom du dieu du feu volcanique du Sinaï dans Midian, terri­
toire volcanique à l’Kst du golfe d’Aila, est formé de la môme
manière. Les noms des tribus du Sud et de l’Est de la Palestine
correspondent souvent à des désignations semblables : Yisma'-
el « le dieu (El) écoute » (ou « il écoute, c’est El »), Yisra-el
« le dieu lutte », Yerahm-el « le dieu est miséricordieux ». En
Palestine, ils n’apparaissent que comme toponymes Ya'qob-
el « le dieu ruse », Yezra'-el « le dieu rassasie », Yabne-el « le
dieu fait construire », Yiphtah el « le dieu ouvre [la vallée]. Ils
sont employés comme noms propres chez les Amorrites et au
Sud de l’Arabie, mais non chez les Israélites et les Phéniciens.
De même que la tribu, l’individu est mis par son nom en rela­
tion avec la divinité. Chez tous les Sémites, surtout chez les
Amorrites de Babylone, les Phéniciens, les Israélites et leurs
voisins, les Arabes septentrionaux, les Sabéens et les Minéens,
on trouve fréquemment des noms propres comme « El est gra­
cieux », « élevé », « puissant », <t il bénit », ou « don de El »,
« grâce de El », « œil de E| », « nom de El ». Les noms sont
surtout caractéristiques qui mettent l’homme dans un rapport
de parenté avec le dieu, comme fils, frère, sœur, mais aussi
comme père et beau-père ; car la divinité n ’a pas une autre
situation vis à vis de l’individu que les plus proches consan­
guins sous la protection desquels il croît et prospère.

Sur le rapport du nom de tribu au nom de divinité et sa transfor­


mation en patriarches de l’Ancien Testament, voir Meyer, Israeli-
ten ..., p.' 249 et suiv., 293 etsuiv. ; sur Isaac, ibidem, p. 233 et suiv.
[La donnée, p. 297, que le nom du peuple Guti dans le Zagrps a été
LA RELIGION SÉMITIQUE — § 344. 13

en même temps nom divin, reposait sur une interprétation erronée


de l’inscription publiée Z A, IV, p. 406; il vaut mieux traduire avec
Thureau-Dangin, Sumer, u. Akkad. Kœnigsinschv., p. 170 et suiv. ;
« les deux dieux des Guti, Islar et Sin ». Par contre, les noms de
divinité et de tribu sont probablement identiques pour le dieu des
Arabes du Sinaï OpoTaX(x), Hérodote, III, 8 = Wàdi Gharandel
’Aptvo/jXa, Paptvoaveti;, Meyer, Israeliten, p. 101]. — L’étude des noms
propres, en grande partie ainorriles, de la première dynastie baby­
lonienne, est très importante pour la religion sémitique : H. Ranke,
Early Babijl. personal Names [Jiabyl. Exped.^ Sériés D, III), 1903,
cf. § 436. Il .serait absolument nécessaire de faire une étude com­
plète des noms qui désignent une personne dans un rapport de
parenté avec la divinité ; elle promet des résultats importants. A
l’époque postérieure, les noms sont formés évidemment d’une façon
schématique, mais à la base se trouvent cependant des concepts
religieux fort anciens et réalistes.

344. Cependant, dans le dieu l’essentiel n’est pas son nom,


qu'on ne considère comme élément indispensable que dans les
cas où on désire l utiliser à l’égal des esprits, dans un but
magique, mais son activité ininterrompue et vivifiante et sa
puissance. Il est le « seigneur » (dans lout le monde sémi­
tique rabb; aram. mâr, d’où marna de Gaza « notre sei­
gneur » ; phénic. et hébr. adôn, Adonis) et chez les Amorrites,
les Phéniciens, les Hébreux et leurs parents, aussi le « roi »
{Melck fémin, Malkat). Il vit en complète communauté avec
l'homme, prend part à ses repas, à ses conseils et à ses com­
bats et reçoit un cadeau de tout ce qu’il accorde, produit de la
chasse, butin de guerre, portée du bétail et, chez les sédentaires,
fruits des champs. A époques fixes on célèbre ses grandes
fêtes; ainsi chez les Israélites la fête purement nomade du
printemps, la Passah, où on sacrifie au dieu les premiers-nés
des moutons ; la viande est mangée de nuit par les familles,
tandis que Yahwé va et vient dehors, pour humer le sang
répandu sur les linteaux des maisons (à l’origine des tentes).
Ordinairement le dieu est présent dans le cône de pierre
LES SEMITES

(cananéen, ma.^seba) et dans le pieu de bois [asera) qu’on lui


élève et dans la table, ou Tautel, de terre ou de pierre brute
sur lequel il reçoit le sacrifice. La vie qu’il accorde a son
siège dans le sang; c’est pourquoi il lui est consacré et otîert
dans le sacrifice, versé sur la terre ou sur la pierre d'autel.
En môme temps le repas ou le sacrifice est le moment de la
vie tribale par lequel la communauté en paix des hommes
est toujours renouvelée : pendant le repas la paix règne et
l’étranger, môme celui qui est chargé d’un homicide, est invio­
lable aussitôt qu’il a goûté au repas, qui crée le lien sacré de
l’hospitalité. Ainsi naît aussi une communauté, une parenté
de sang entre les membres de la tribu et la divinité. C’est
pourquoi la pierre sacrée est frottée de sang et, par ce moyen,
l’engagement de la divinité d’aider la tribu est renouvelé. En
concluant un pacte, les Arabes de la péninsule du Sinaï font
une entaille dans le médius des contractants et enduisent de
sang avec des fils de leurs vêtements sept pierres sacrées
(Hérodote, III, 8), pour mêler la divinité au contrat et la forcer
de punir le parjure ou celui qui viole son serment. Dès lors
peut se développer cette conception que les relations entre la
tribu et la divinité reposent surtout sur un pacte. Ainsi à
Sichem les Bnê Ilamôr concluaient annuellement un nouveau
traité avec leur dieu, le « dieu du contrat » El brît ou Ba’al
brît [brU « contrat » n’est peut-être à l’origine que le « repas »),
soit en frottant du sang du sacrifice les pierres de l’autel, soit
en en aspergeant le peuple; ils prenaient alors des engage­
ments déterminés, des ordres divins (Meyer, îsraeliten, p. 533
et suiv.). Cette coutume, dont on trouve de nombreux exemples
chez les Arabes, a été adoptée par les Israélites et a joué un
rôle important dans la formation de leurs concepts religieux.
Le souille de vie est aussi donné par la divinité, notion qui a
achevé de se perfectionner chez les Phéniciens et les Israélites.
La croyance est aussi très répandue que non seulement l’an­
cêtre humain, mais la divinité même a engendré les hommes.
D’après les prophètes, Israël et Juda sont les fils de Yahwé>
LA RELIGION SÉMITIQUE — § 345

représentation tout à fait réaliste et nullement symbolique à


l’origine ; d’après les croyances populaires (Jérémie, II, 27)
les hommes tirent leur origine d’arbres et de rochers, soit
d’objets dans lesquels la divinité se manifeste, comme chez les
Grecs. Les noms cités plus haut correspondent à cette idée qui
fait de l'individu le parent consanguin de la divinité (§ 343).

345. Parmi les aciions humaines la vie sexuelle surtout a un


caractère mystérieux et religieux. L’acte sexuel est considéré
dès lors comme une action sacrée qui exige des consécrations
et des cérémonies purificatoires spéciales, d'où sortit avec le
développement de la civilisation chez tous les Sémites séden­
taires du Nord, en particulier en Babylonie et en Phénicie,
une prostitution sacrée, exigeant des filles du peuple l’offrande
de leur virginité comme sacrifice à une grande déesse de la
vie sexuelle. Un culte des tribus septentrionales a peut-être
influencé cette coutume, car nous la retrouvons en Arménie
et en Lydie. La prostitution des hommes se rencontre aussi,
dont l’envers est la castration sacrée qui pénétra sûrement
d’Asie Mineure dans la Syrie du Nord. On peut donc se
demander si nous devons attribuer de telles coutumes à de
vrais Sémites, car c’est une question tout autre de constater
qu’il y a des prostituées de profession dans toutes les tribus.
La consécration du membre viril par circoncision avant la
puberté ne paraît pas non plus d’origine sémitique, mais, con­
formément à la tradition Josué, V, 9 et Hérodote, II, 104,
paraît avoir pénétré d’Egypte chez les Hébreux et les Phéni­
ciens (Aristophane, Oiseaux, 507); de là elle se répandit en
Arabie, où, selon la règle, et comme c’est souvent la cas en
Afrique, les filles sont aussi circoncises. En revanche elle ne
se rencontre pas, pour autant que nous le savons, chez les
Babyloniens et les Araméens.
On trouve aussi de nombreuses coutumes concernant l’ha­
billement, et d’autres usages qui passent pour être sacrés et
exigés par la divinité. Plusieurs sont communs à toutes les
tribus du désert, comme de se raser la moustache, landis que
la coupe des cheveux varie ; ou encore le port d’anneaux au
nez ou aux oreilles, les prescriptions de pureté rituelle, les
interdictions alimentaires comme celle de la viande du porc.
Sur la chevelure et la barbe des Sémites, voir Meyer, Sumet\ u.
Semiten, p. 20 et suiv. L’Ancien Testament mentionne souvent ces
coutumes et leur rapport avec le culte, de même Hérodote, III, 8 et
Chœrilos dans Josèphe^ c. A pp., I, 138 ; cf. Jérém., XXV, 23 = IX,
25 ; XLIX, 32 ; Lévit. XIX, 27 et dans les textes arabes.

3i6. Les divinités sont considérées tantôt comme dieu (//),


tantôt comme déesse dans ce dernier cas elles sont soii-
. vent appelées "athtar (babyl. is/ar; canan. 'aS/ar; 'akart; aram.
'attar), dont l’étymologie n’est pas encore éclaircie; ce terme
paraît avoir une relation spéciale avec la fertilité et la pro­
création et désigne donc peut-être la divinité comme la force
génératrice de la nature et de la vie sexuelle. liât (avec l’ar­
ticle : Al-ilât, Hérodote, IIÏ, 8; I, 131 corrompu en "AXirra; à
Palmyre, dans le nom propre Wahb-allât par exemple, à Tâif
et ailleurs chez les Arabes contracté en Allât) et Astarté chez
les Phéniciens sont devenus secondairement des noms propres
de déesses particulières. Dailleurs Iç sexe du dieu a peu d’im­
portance pour les représentations religieuses des trihus du
désert à côté de l’essence homogène de la puissance divine.
Chez les Sémites sédentaires la question a par contre son
importance. Il est significatif qu’'Athtar est devenue un dieu
dans l’Arabie du Sud, tandis qu’au contraire le soleil, Sams,
est presque partout un dieu chez les Sémites du Nord, mais
une déesse en Arabie ; pour les Hébreux son sexe est indécis,
correspondant à la position intermédiaire des Israélites.
Sur « il », cf. Noeldeke, Ber. Berlin. AA’., 1880, 1882. L’opinion
antérieure qu’il y eut un dieu sémitique appelé Il(u) est erronée.
Il n’y a pas plus chez les Phéniciens de dieu ’nXo< dans le culte que
de dieu Ba'al. C’est sans doute une méprise causée par l’usage de la
langue populaire qui, pour abréger, désigne le dieu particulier au
LA RELIGION SÉMITIQUE — § 347

moyen de ce simple appellatif. Seuls les Araméens de Zendjirli ont


un dieu spécial appelé El (Sn), à côté de Hadad, Rkb-el, Rsp et
d’autres encore. Par contre liât esl aussi un nom propre de déesse
chez les Phéniciens. — 'Astart comme appellatif se trouve, on le sait,
dans Deutér. VII, 13 ; XXVI, 4. 18. 51 dans une formule stéréotypée,
qui provient probablement de bénédictions rituelles pour la portée
(ou les femelles?) du petit bétail. D^nc 'Athtar est bien à l’origine la
déesse qui enfante, comme la représentent les terres cuites babylo­
niennes connues. Conformément à cette idée ’alhlharX désigne dans
la tradition arabe le pays irrigué : Wellhausen, Skizzen, 111, 170;
R. Smith, Relig. d. Sem., p. 70 et suiv. En même temps nous avons
le pays arrosé par Ba'al, c’est-à-dire par Peau du sous-sol (R. Smith,
ibidem) ; là Ba'al est donc le dieu de la terre, comme chez les Baby­
loniens ; il y a sans doute emprunt. — Le mot daud désigne-t-il dans
le sens de numen, Amos, VIII, 14; Inscript, de Mesa', 1.12; cf. IsaVe,
V, 1, la divinité comme le « bien-aimé » et doit-on expliquer de
même le dieu arabe Wadd ?

347. Chez les nomades le dieu voyage en général avec l


tribu, prend part à ses combats et peut s’incorporer dans la
bannière ou l’étendard (DJ, Exode, XVII, 15), signe visible
de l’unité tribale autour duquel se serrent les guerriers. Les
Israélites emmènent au combat un coffre orné qui contenait
probablement une pierre fétiche, la « châsse de Yahwé ».
transformé, comme on sait, plus tard en arche de l’alliance;
la divinité y prend place si la tribu campe [Nombref!, X, 35 et
suiv.). Mais dans d’autres circonstances, le dieu a une rési­
dence fixe dans un arbre ou un rocher. Par exemple, Yahwé
se manifeste dans le volcan du Sinaï au pays de Midian et dans
le buisson épineux, entouré du feu terrestre à Kades, au nord
de la péninsule du Sinaï. Comme il peut toujours prendre
diverses formes et être en môme temps à différentes places (§ 56),
les deux conceptions s’accordaient parfaitement. Mais les Israé­
lites ont adopté l’explication que le dieu du Sinaï accourt à leur
aide dans le combat (ainsi dans le cantique de Debora), ou
qu’il leur adresse un envoyé [maRak) comme délégué qui s’éta-
80 . LES SEMITES

blit en Palestine. Avec rétablissement fixe, la divinité aussi


devient sédentaire et se confond avec le sol, comme sa tribu
devenue peuple et Etat. Puis la place où il habite devient le
centre du culte ; on y rattache les actes religieux, les proces­
sions et les sacrifices. A la pierre ou à Tarbre, où le dieu a son
siège, s’ajoute peut-être encore une image divine et une maison
de dieu (temple); mais ce dernier ne s’est introduit partout chez
les Arabes et leurs voisins qu’avec d’autres éléments de civili­
sation étrangère, apportés d’Egypte et de Habylonie. Le dieu
sédentaire est désigné alors d’après sa demeure comme son
« possesseur », en sémitique méridional dhû, fém. dhât, au
nord Ba'al, ILValat, avec le génitif de la localité (ou aussi par­
fois de l’attribut) : « celui (celle) de Saraj, du Liban, de Tyr ou
de Byblos » par exemple; de même « la déesse [iUar] de Ninive
ou d’Arbèles » ou « l’Astarté do Sidon ». Dans la dénomination
lîa'al ou Ba'alat d’un lieu, le droit de possession dudit lieu
ressort déjà fortement; le mot désigne, il est vrai, sauf en
babylonien, non pas uniquement « seigneur », dans le sens
opposé à esclave, mais bien par exemple le mari comme posses­
seur de l’épouse. Ba'al ne paraît s’introduire comme désigna­
tion de la divinité qu’avec lîucivilisation sédentaire et n’indique
plus un rapport déterminé avec la tribu, mais avec le sol. C’est
pourquoi ce terme est souvent employé pour former des noms
propres de personnes, mais jamais de tribus. Au reste, la divi­
nité du lieu n’est pour ses adorateurs que « le Ba'al » ou « la
Ba'alat». Il on est de même pour il, ilât, 'astart et les épithètes
divines Adôn, Melek, Maikat qui ne sont jamais dos noms pro­
pres de dieux particuliers. De là est née l’illusion qu’il y a un
dieu sémitique spécial Ba'al ou Ba'alat (Baaltis; de même le
soi-disant El des Phéniciens), tandis qu’il existe autant de
dieux de ce nom que d’objets de culte. Secondairement sortit
de l’épithete « seigneur des pays » bel moltUi, que porte le dieu
babylonien, sumérien, Kllii de Nippur et qui fut appliquée
ensuite à Mardiik, un véritable nom divin Bêl, qui pénétra
ensuite chez les Assyriens et plus tard chez les Araméens.
LA RELIGION SEMITIQUE - § 348

Le mol bn a l dans le sens de « mari » est commun en arabe, tandis


que ses significations particulières manquent à l’arabe septentrional ;
par contre il est toujours employé comme appellalif dans l’arabe
méridional et en éthiopien, et parfois même, comme dhù, dhdt, en
relation avec le génitif du lieu du culte. — La prononciation grecque
lÎT.Xo^ n’est certainement pas la forme babylonienne bel ou l’araméen
b'el, mais la forme ionienne du cananéen ba'al. Voir aussi § 340
note.

348. De nombreuses puissances divines sont associées aux


dieux principaux des tribus, soit pour leur constituer une suite
qui, ainsi pour Yahwé, marche avec eux au combat et forme
leur « armée », soit, par exemple, les divinités tutélaires des
familles, comme les Téraphîm des Israélites. Si les besoins
religieux augmentent avec la vie sédentaire et se fixent en
môme temps sur de multiples objets, le nombre des dieux
croît. Car un dieu siège « sur chaque haute montagne et sous
chaque arbre vert », dans d’innombrables pierres sacrées {ôet-
el = « maison de dieu »), dans divers animaux, comme les
serpents. Une divinité peut aussi se différencier : ainsi chez
les Phéniciens et les Amorrites des dieux spéciaux sortirent
des cônes des pierres et des pieux de Pautel, comme lîa'al-
sammân « seigneur du cône de pierre » et l’Aséra (Asrat) des
Amorrites (§ 39G). Puis viennent les dieux que l'on trouve dans
un territoire conquis ou qui pénétrent du dehors (cf. vol. III,
87). On honore fréquemment les puissances cosmiques soit
qu’on les considère en môme temps comme divinités de la
tribu, soit qu’elles leur soient adjointes, ainsi la déesse soleil et
le dieu soleil (§ 34G), puis la lune, dont les phases sont célé­
brées partout chez les Sémites comme chez les Egyptiens (§ 188)
par des sacrifices et des fêtes. Le nom Sin sous lequel on ado­
rait dès les anciens temps le dieu lune en Babylonie et en
Mésopotamie, à Ijarrân, est peut-être aussi d’origine sémitique.
Il paraît avoir été un dieu Amorrite qu’on retrouve dans l’Ara­
bie du Sud. Le culte d’un dieu du ciel est très répandu, en
sabéen Dhû samawi, canan. Ba'al-samaim, aram. Be'el-samain.
LES SEMITES

Les Sémites babyloniens, les Akkadiens, et les Assyriens ont


accordé, à côté du dieu soleil Samas, une beaucoup plus grande
place au dieu du ciel Anu que les Sumériens auxquels ils ont
emprunté le vocable. Dans ces conditions, il est évident que la
religion sémitique nous apparaît ici sous un vêtement étranger
(§ 392). Souvent, au lieu du dieu, on trouve une déesse du ciel.
Ainsi dans la tribu arabe des Qidri du désert syrien, qui rem­
plaça de plus anciennes tribus araméennes, la déesse araméenne
Atar-èamain, la « déesse du ciel » correspond à la phénicienne
« Astarté du ciel Ba'al » à Sidon. Souvent le dieu tribal devient
souverain du monde. Il aime alors à se manifester spécialement
dans le ciel, le soleil et surtout dans l’orage, comme Yahwé
d’Israël ou Hadad des Amorrites (§ 396). La suite du dieu appa­
raît alors dans les étoiles, comme Tarmée céleste de Yahwé du
Cantique de Débora. Mais en général, même dans le stade
secondaire, le nom distinctif du dieu s’efface devant la puis­
sance divine qui se manifeste dans l’objet spécial du culte. On
ne recherche guère si cette puissance est identique au dieu tri­
bal, si elle représente un être à côté ou au-dessous de lui. Ainsi
les innombrables dieux du panthéon se confondent souvent en
un terme unique : « les dieux » (hébr. ha-elohîm ; phén. alonim ;
sabéen, il-ilôt). Chez les Israélites, ce vocable est devenu pré­
cisément synonyme du nom propre du dieu tribal Yahwé.
Alarsamain (écrit naturellement en assyrien -samain) : KB, II,
p. 214, 220, 222. Zimmern, KAT^, p. 434. — Sur DVT7N, Meyer,
Ismeliteny p. 211 et suiv.

349. L’ordonnance du culte, le repas sacrificiel et les don


de toute sprte, comme l’observation des prescriptions rituelles,
règlent les relations du dieu avec la tribu. Kn retour il con­
serve la tribu et ses lois, lui accorde la victoire sur tous ses
ennemis, qui sont, par le fait, ses propres ennemis, (cf. par
ex., Exode^ XVII, if» : « il y a guerre entre Yahwé et 'Amaleq
de génération en génération »; de même I Samuel, XXX, 26),
à moins qu’un dieu plus fort sc dresse devant lui, qu’il ne
LA RELIGION SÉMITIQUE — § 349

peut vaincre. Mais si le dieu est lié à ses adorateurs par son
propre intérêt et leur accorde ordinairement sa grâce, comme
un roi, il a aussi ses caprices comme lui. C'est un être inquié­
tant que l’on n’approche qu’avec crainte et sa fureur est terrible
quand la colère s’empare de lui. Ces sombres aspects ne sont
dans aucun dieu sémitique aussi marqués que dans Yahwé,
le dieu du feu du Sinaï et du buisson d’épines près de Kades.
Son regard cause la mort à moins qu’il ne veuille par excep­
tion se manifester à un élu de son cœur auquel il accorde sa
grâce. Lorsqu’il se promène de nuit, il est altéré de sang, c’est
pourquoi à la fête de Passah on se protège contre lui par un
charme de sang (§ 344) ; lorsque ses narines se gonflent de
colère, une flamme en sort (ainsi dans les épidémies) et
détruit celui qu’elle peut atteindre, jusqu’à ce^que son cour­
roux soit rassasié. II veille avec envie sur l’étendue de son
domaine, il ne peut souffrir que ses possessions soient sou­
mises à un autre dieu. Plusieurs dieux sémitiques présentent
les mêmes traits, qui caractérisent les dieux phéniciens par
exemple, ou Marduk seigneur de Babylone, ou encore Allah
des musulmans. On cherche à se garantir contre de tels éclats
et à écarter la colère divine par des moyens extraordinaires,
mortifications et sacrifices, avant tout par des sacrifices hu­
mains qui ne sont pas rares non plus chez les Arabes. On offre
au dieu en particulier des prisonniers ennemis, de beaux gar­
çons et de belles jeunes filles. Si la vengeance du sang dégé­
nère en un combat acharné, tout le butin lui est voué et tout ce
qui respire, homme ou bétail, jusqu’au dernier être vivant est
sacrifié « au dieu pour le plaisir des yeux ». La brutalité de la
religion croît avec la civilisation (§ 66 et suiv.); les guerres
des Israélites et des Araméens, des Assyriens et des Carthagi­
nois se signalent par une sauvagerie religieuse qui n’a pas son
égale dans le monde antique. Toutefois, elle s’est transmise
aux guerres de religion du christianisme, et elle rappelle les
mœurs du Mexique et d’autres Indiens. Chez les peuples cana­
néens, le don le plus précieux que l’on puisse offrir au dieu est
84 LES SEMITES

le sacrifice d’un fils adulte, surtout du premier-né. Les Cartha­


ginois pratiquaient encore ce sacrilice dans les cas de détresse
à la lin du iv® siècle. Chez les Israélites cette coutume est fon­
dée sur le droit que Yahwé s’attribue aussi bien sur la première
portée du bétail, que sur la primogéniture de l’homme, et, lors
du passage à l’agriculture, sur les prémices des produits des
champs. Le développement de la prostitution religieuse et la
mutilation volontaire (§ 3io) rentrent dans le môme ordre*
d’idées.

350. En même temps croît l’intluence civilisatrice de la divi­


nité. Les statuts qui règlent les relations sociales des hommes
sont créés et révélés par elle, l'ordre juridique est sous sa pro­
tection, elle donne dans les cas douteux des indications infail­
libles par l’oracle, elle exige la pureté extérieure et intérieure
et l’observance des règles morales. Les préceptes éthiques
d’une tribu sont regardés comme l’expression de sa volonté
dont elle punit la violation. Aussi le progrès de la civilisation
pénètre en môme temps dans la religion; les exigences des
mœurs épurées sont considérées comme le commandement
originel du dieu, dont on s’est écarté à tort. C’est cette évolu­
tion morale qui fait la dillérence entre les divers cultes et les
tribus qui les pratiquent. La prostitution religieuse des filles
et des garçons (qadôs) a pénétré largement aussi dans le culte
de Yahwé; mais l’idée prédomine cependant que Yahwé la
rejette comme immorale et commande de l'extirper. En géné­
ral tout ce qui contredit l’ordre naturel des choses lui déplaît;
d’où non seulement la défense de la castration, mais aussi
certaines prescriptions étranges, comme de ne pas cuire le
chevreau dans le lait de sa mère et de ne pas atteler sous le
joug des animaux différents.
La tradition conserve les prescriptions du rituel et les
ordonnances divines, l’art d’interroger l’oracle et d’expliquer
les présages; elle est avant tout le propre des chefs des familles
■les plus considérées. Mais il arrive souvent qu’un lieu de
LA RELIGION SEMITIQUE -

culte appartienne à une seule famille, qui dirige le service


divin et connaît seule la pratique; il possède alors une prê­
trise héréditaire, comme dans la « palmeraie » (Phoenikôn) de
Tôr, sur la côte occidentale de la péninsule sinaïtique (Aga-
tharchide dans Diodorc, III, 42). H y a en outre des hommes
et des femmes qui sont saisis de Tespril divin, proclament sa
volonté (« voyants » kdhin) et peuvent transmettre alors leur
savoir par héritage à leurs descendants, ou à des aides et des
disciples. On rencontre toujours ici et là de nouvelles figures
de ce genre, nées par inspiration directe, ce qui n’exclut
pas cependant l’organisation d’un sacerdoce fermé. Ainsi au
sanctuaire de Yahwé du buisson épineux de Kades (§ 347),
dans le territoire de la tribu de Lévi, les prêtres n’ont pas
seulement la direction de la tribu grâce .à leur connaissance
des lois juridiques et comme interprètes des oracles divins,
mais ils possèdent de plus une grande autorité sur les tribus
voisines, dont les rivalités s’aplanissent près de « la source du
procès » (ain meriba ou 'ain müpât). Ils racontent que leur
ancêtre Moïse avait conquis, dans une lutte avec le dieu qui
résistait, les secrets de l’oracle du sort ainsi que les prescrip­
tions juridiques et rituelles et qu’il les avait transmis à ses
descendants (fictifs). On trouve fréquemment dans le désert
de tels sanctuaires, dont l’éclat se répand au loin, près d’une
source, où les tribus différentes se rassemblent en paix et où
la fête du dieu est en même temps un marché annuel. La vertu
curative de la source attire souvent aussi des visiteurs. Il n’est
pas rare que de pareilles ordonnances et de tels récits soient
liés à ces faits. Plus tard, le respect qu’inspire la Mecque avec
sa foire et sa pierre sacrée, la Kaba, a la même origine.
La divinité révèle parfois encore sa volonté à tout homme
dans des présages, à condition toutefois qu’il les interprète jus­
tement. On croit aussi d’une manière générale que l’esprit
divin se manifeste mystérieusement dans les fous et les possé­
dés avec leurs actes et leurs paroles absurdes ; ainsi se déve­
loppa le prophétisme chez les tribus cananéennes.
86 LES SEMITES

Sur les Lévites de Qades et les légendes qui les concernent, voir
Meyer, Israel'üen...^ p. 51 et suiv. — A Tfiébreu Kôhen « prêtre »
correspond comme on sait l’arabe Kâhin avec le sens de « voyant »
(hébr. ro’e, I Samuel, IX, 9, ainsi que hôze = arabe hâzi, dans l’ins­
cription de Zakir de Hamât, Pognon, [nscr. sémit., p. 167, qui
contient les promesses de Be'el samain (.< par la main des et la
main des (sens inconnu) »). Wellhausen, Skizzen^ III, p. 130
et suiv., tient le sens de « prêtre » pour le plus ancien. Mais il
est peu probable que l’institution du sacerdoce soit primitive chez
les tribus du désert, tandis qu’il dut toujours exister des voyants
inspirés comme les Kâhin. Avec le développement de la civilisation,
un sacerdoce devint par contre indispensable; chez les Sémites
nous le voyons naître en relation avec l’idole et le temple. Il est
compréhensible, en effet, que les voyants se transforment en servi­
teurs du culte régulièrement institués et que l’ancien nom leur soit
appliqué; une des plus importantes fonctions de ces derniers est
aussi l’explication des oracles. On peut avancer encore en faveur
de cette manière de voir que des Lévites de Qades, avec leurs tradi­
tions religieuses fixes, ne s’appellent précisément pas Kôhen, mais
que le nom de Lévi se rencontre en concurrence avec le premier
Jusqu’à ce qu’enhn les deux termes se confondent,

331. L’homme aussi est le siège d’un élément divin, Tàme


ou le souffle {rüafi, nefeé)^ que le dieu lui a insufflé. Mais il ne
vit pas éternellement comme lui ; avec la mort le souffle l’aban­
donne et son existence est terminée. De l’âme il subsiste tout
au plus un être fantôme, qui habite le royaume des morts sous
la terre, chez les revenants (les refa'îm, « les faibles, les
impuissants » des Phéniciens et des Hébreux), précisément là
où on cache le corps sans vie. Il peut bien revenir un jour sur
terre et effrayer les survivants ; un puissant magicien qui sait
évoquer les morts peut momentanément le rappeler peut-être
à la vie; mais il est séparé pour toujours du monde des hommes
doués de force, des vivants. Pour apaiser sa faim et sa soif, on
apporte quelques offrandes à son tombeau, et on déplore
d’ailleurs la mort par une cérémonie funèbre, où les femmes
surtout se frappent et s’arrachent les cheveux. On élève sur le
CARACTÈRE GÉNÉRAL DES SÉMITES — § 352

tombeau une pierre comme marque [neseb) dans laquelle survit


le nom du mort (cf. II Samuel, XYIII, 18); il est significatif
que les Araméens nomment directement nefeé « âme » cette
stèle funéraire qu’habite l’âme du défunt. Mais c’est là tout ce
que peut exiger le mort. Toute pensée d’immortalité, tout essai
d’assurer au corps mort une survie durable au moyen de pra­
tiques magiques selon la mode égyptienne, sont complètement
étrangers aux concepts sémitiques qui reposent sur des notions
trop réalistes. Mohammed même, en un temps où les repré­
sentations religieuses avancées des peuples civilisés avaient
profondément pénétré en Arabie, a suscité la plus vive oppo­
sition avec sa prédication de la résurrection des morts, c’est-à-
dire que le cadavre puisse être ranimé, car le mort est bien
mort. Il s’est tiré d’embarras par un appel au miracle de la
toute-puissance divine, qui peut rendre possible ce qui paraît
irréalisable. C’est pourquoi les pratiques funéraires n’ont
jamais eu une très grande importance chez les Sémites; il est
d’autant plus étrange que des savants modernes aient voulu
faire dériver la religion sémitique du dogme du culte des
ancêtres.

Caractère général des Sémites.

352. Les conditions dans lesquelles se sont développés les


peuples de race sémitique expliquent les particularités qu’ils
ont conservées et qui distinguent si nettement leur génie et
leur physique de ceux des autres peuples. Les tribus devenues
sédentaires sont toujours restées en contact étroit avec l’an­
cienne patrie et ont été submergées à diverses reprises par de
nouvelles migrations qui en sortaient, ce qui a fortifié cette
tendance conservatrice et a rendu durables, par exemple, les
liens de famille et l’organisation politique aristocratique des
villes de Syrie et de Phénicie. Un trait marquant du caractère
LES SEMITES

sémitique est la platitude de sa pensée. Ils sont doués d’ob­


servation pénétrante pour les faits particuliers, comme on
peut l’attendre de tribus errant dans la steppe et le désert. Ils
montrent un esprit calculateur et tourné vers ce qui est pra­
tique, et cette disposition domine la religion et les concepts sur
le dieu à tel point que, s’ils l’estiment nécessaire, ils ne recu­
leront d’effroi devant aucune conséquence, la poussant jusqu’à
l’extrôme limite et assez souvent avec une cruauté brutale. A
cette tournure d’esprit correspond le fait que les Sémites se sont
toujours montrés d’adroits marchands. Au reste le sentiment
de l’honneur ne leur manque nullement ainsi qu'une manière
idéaliste de penser qui en dérive et qui se manifeste surtout
dans la force de sacrifice que l’individu met au service de
l’alliance contractée, d’abord avec la famille et avec l’Etat,
puis spécialement avec la religion qu'il observe ou à laquelle il
se rattache. Dans ce domaine, les Sémites ont produit de puis­
sants idéalistes, non seulement comme les prophètes d’Israël,
mais aussi comme Mohammed et bien d’autres figures de l’his­
toire musulmane. Il faut mettre au nombre de ces personnalités
les Carthaginois Ilamilcar et Ilannibal. Chez eux la raison
finit toujours par reprendre le dessus, appliquant leur bon sens
aux réalités vraies ou supposées de l’existence, sans négliger
cependant leur intérêt particulier; l'intuition est étouffée par
un froid calcul. Les moments les plus importants des manifes­
tations prophétiques en Israël, chez Mohammed, dépendant de
l’éclat soudain et irrésistible d’une conviction interne, sont trop
souvent unis à des traits qui troublent et qui choquent notre
sentiment. Dans la forme qu’ont prise les deux révélations les
plus parfaites de l’esprit sémitique, le judaïsme et l’isla­
misme, ces aspects sont complètement au premier plan. Les
sacrifices des premiers-nés et la prostitution sacrée des Phé­
niciens forment le revers de ce réalisme prodigieux. L’indo­
européen ne put pas supporter cette manière d’être un instant
seulement : les Perses ont tiré de l’Islam le panthéisme des
soûfis, contre lequel se révolta de nouveau l’esprit sémitique
CARACTKRE GEiNERAL DES SEMITES § 353 89

dans la réaction purement arabe des Wahhâbites. La ferveur


de la vie affective et la chaleur du sentiment qui caractérisent
rindo-curopécn sont étrangères aux Sémites; elles apparaissent
beaucoup plus fortes aussi chez les égyptiens. A cette dispo­
sition d’esprit des Sémites est intimement lié le fait qu’ils
manquent de la force fécondante de l’imagination créatrice et
par suite de la liberté intellectuelle qu’elle procure. L’esprit
logique et l’observation pénétrante régnent en maîtres dans
leur poésie. Elle montre une rhétorique pleine d’effet et se
distingue par le bon sens et la sagacité, mais elle devient
bizarre dès qu'elle doit créer son monde elle-même. On ne
peut pas le méconnaître môme dans les plus grandes créations
d’un Deutéro-Isaïe ou d’un Job ; si l’on passe de là ou de l’an­
cienne poésie arabe à la poésie indoue ou persane, pour ne pas
mentionner les poètes grecs, la différence est frappante. Les
Sémites ont fait sans doute diverses inventions pratiques im­
portantes et aucune n’a eu des conséquences plus grandes que
celle de notre alphabet, mais on ne leur doit guère de grandes
créations originales. Le terrain de la spéculation philosophique
leur est à peu près totalement fermé. Dans ce domaine la
pensée d’analyse ne conduit jamais au but si elle n’est pas
complétée par l'imagination créatrice, qui saisit grâce à l’in­
tuition et évoque ce qui n’est plus sous les yeux. Il en est de
môme pour les arts plastiques; on sait trop combien pauvres
furent leurs productions artistiques ; la seule exception est
fournie par l’art grandiose de l’époque accadienne en Babylo-
nie (§ 404 et suiv.) ; mais en face d’elle se place la stagnation
complète, non seulement de l'art, mais aussi et surtout de la
vie intellectuelle, dans laquelle s’est enfoncée la Babylonie
aux époques suivantes pendant plus de mille ans.

353. Malgré cos imperfections, les Sémites sont une race


bien douée qui a accompli des grandes choses au cours de la
vie historique de l’humanité. On est surpris de voir avec
quelle énergie les tribus d’Arabie ont créé une civilisation
90 LES SEMITES

particulière au sein du désert et ont imposé ensuite leurs


concepts et le sceau de leur particularisme à des peuples
étrangers qui avaient une manière de penser en partie toute
différente. Dans l’étroit territoire que constitue la Palestine le
développement original du petit peuple d’Israël et l’influence
puissante, mondiale qu’il acquit, sont plus étonnants encore.
11 faut insister aussi, malgré le manque de vie intérieure
propre, sur les productions historiques des Phéniciens et des
Carthaginois. La civilisation babylonienne est beaucoup plus
ancienne ; elle n’est pas au reste un pur produit du sémitisme,
mais un produit composite dont un peuple étranger a sa part.
Elle n’a pas atteint, d’ailleurs, une intensité comparable à
celle de la civilisation israélite et arabe, ou seulement de la
civilisation égyptienne. Et peut-être cela seul met-il en relief
le particularisme des Sémites : car les Babyloniens manquent
de l’impulsion que crée le mouvement de la vie sociale, de l’es­
prit d’assimilation et d’élaboration des idées qu’on emprunte à
ses voisins ou qu’éveille leur influence; d’où il suit que leur
esprit n’a subi aucune réaction qui l’obligeât à réfléchir. Ces
circonstances ont eu au contraire une importance décisive dans
le développement des Israélites et des Arabes. Tandis qu’en
Babylonie, en quoi elle diffère de l’Égypte, la vie intime du
peuple s’est aussitôt épuisée; elle n’eut pas la force de dépasser
le point qu’elle avait atteint, et sa civilisation devint de bonne
heure stationnaire.

Histoire et civilisation ancienne des Cananéens et des


Phéniciens.

354. Nous avons déjà vu qu'une ancienne population était


établie dès le commencement de l’histoire égyptienne dans le
Sud de la Syrie, dans la contrée appelée plus tard Palestine,
et dans la péninsule du Sinaï; elle était peut-être mélangée
HISTOIRE ANCIENNE DES CANANÉENS ET DES PHÉNICIENS — § 354 91

de descendants d’une plus ancienne couche ethnique apparte­


nant aux pays du Nord (§ 330). Le même type ethnique se
rencontre régulièrement dans les représentations égyptiennes
des Asiatiques, ainsi chez les 37 Sémites qui envahissent
l’Egypte sous Sésostris IT, 1901 avant J.-C., conduits par Ebsa,
« le prince du désert » (§ 289). Les Sémites sont appelés
’Amü, où il faut peut-être reconnaître le mot 'am « peuple ».
La tribu qui habite la péninsule du Sinai s’appelle Menziu
dans l’Ancien Empire (§ 227). Le costume se compose d’un
pagne ou d’une chemise semblable à un sac de laine bario­
lée, qui est restée la caractéristique des Sémites par opposi­
tion au lin blanc des Egyptiens. Chez les nomades les lèvres
sont rasées, la barbe est courte et pointue ; la chevelure est
relevée en un toupet et retenue par une corde (§ 167). La popu­
lation sédentaire porte au contraire une barbe ondoyante.
L’armement consiste en un arc doublement recourbé, façonné
avec art, en lances, en un javelot de bois et une hache d'arme
particulière, formée d’un bois recourbé garni d’un tranchant
de cuivre. Les textes égyptiens ne nous permettent pas de
reconnaître à quel rameau ethnique appartenaient ces anciens
Sémites de la Syrie méridionale ; on ne peut cependant douter
qu’ils ne fussent déjà des Cananéens, bien que ce nom, Kna',
Kna'an (le sens du nom est tout à fait obscur), ne désigne le
pays et ses habitants qu’à partir du milieu du ii* millénaire.

D’après la légende Israélite, la Palestine est habitée dans les temps


primitifs par les « esprits des morts » Repha’îm (§ 351; le sens
exact a été indiqué par Stade), qui vivaient alors sur terre comme
des géants, semblables aux héros grecs. On les distingue à l’origine
des géants mythiques, vivant au Sud, « les enfants d’ 'Anaq », qui
formèrent plus tard le peuple des 'Anaqites. Dans le commentaire
archaïque du Deutéronome, II, 8 b, 10-12, 20-23; III, 9, 11, 13 b-14,
on donne encore pour ces peuples primitifs des noms locaux parti­
culiers (Emiles, Zamzuinites) et le rédacteur de Genèse, XIV, les fait
apparaître en personne ; de même Josué, XII, 4, XVII, 15 ; Genèse,
XV, 20. Pour ces récits, voir Meyer, Israeliien...., p. 264; 312; 477
et siiiv. Ils n’ont naturellement aucune valeur historique bien que
Schwally soit arrivé <à transformer aussi ces 'Anaqites en un véri­
table peuple, Z A T W , XVIIl. — On pourrait peut-être retrouver le
nom 'Amu dans les 'Auwites qui formaient selon D cidh\, II,
23; Josué, XIII, 3, la population primitive de Philistie. — A l'inverse
de la Syrie du Nord, les noms de lieux, de fleuves et de montagnes
de Palestine sont pour la plupart nettement sémitiques, de sorte
qu’une ancienne civilisation n’aura guère précédé la colonisation
sémitique. — Le sens admis généralement de Kna'an « pays-bas »
est aussi absurde linguistiquement et en réalité que celui de Aram
« pays haut ». Le nom apparaît d’abord dans les lettres d’El-
Amarna comme Kinahhi, c’est-à-dire Kna', d’où l’ethnique Kinah-
haiu, et Kinahna, c’est-à-dire Kna'an comme nom général de
la Syrie sémitique, y compris la Palestine; Kna'an désigne par
contre exclusivement l’extrême Sud chez les Égyptiens du Nouvel
Empire. Chez les Phéniciens on trouve Xvâ comme nom de pays
dans la tradition grecque (Steph. Byz., s. v. ; Philon de Byblos,
2, 27. Bekker,/Inecflf., HI, 1181. llerodian, itepî [zovr^pou; XÉ'ew;, p. 10
Lehrs); Kna'an sur des monnaies de Laodicée (= U m m el-'awàmîd).
C’est pourquoi les paysans africains se nomment encore Chanani à
l’époque d’Augustin, selon une donnée bien connue ad Rom.
incohat. expos., 19).— Les archéologues et les fouilleurs restreignent
à tort le terme de « cananéen » à la civilisation du II* millénaire, ou
même, comme Vincent, à partir de 1600, et désignent comme « pré-
sémitiques » les couches antérieures.

355. Il est probable que la Syrie méridionale fut de'pendante


de l’Egypte déjà à l’époque de l’Ancien Empire ; les guerres y
furent certainement fréquentes {§§ 232.253). Nous avons noté,
au temps de la VI® dynastie, vers 2500, un grand mouvement,
qui partit des « 'Amu sur le sable », des lleriiisa', et conduisit,
sous Pepi 1 vers 2500, à une longue guerre pendant laquelle
les armées égyptiennes sous Una dévastèrent la Palestine et la
prirent à revers par une flotte qui aborda près du « cap de la
gazelle » (le Carmel"?) (§ 26G). Auparavant déjà il y eut de
multiples relations entre la Syrie du Nord et Sinéar ; un sou­
verain sumérien étendit son empire jusqu’à la Méditerranée
UISTOIRK ANCIENNE DES CANANÉENS ET DES PHÉNICIENS — § 356 63

(§ 391) ; puis, vers 2750, le roi Sargon (Sar-ukîn) d’Akkad


entreprit contre les Aniorrites une grande expédition qui lui
donna la domination sur les « pays au bord de lu mer du Cou­
chant » c.-à.-d. la Syrie septentrionale (§ 398), que ses succes­
seurs prétendirent aussi posséder. Co4te division du pays syrien
subsista pendant longtemps : le Nord appartient à la sphère
d’intluence babylonienne, le Sud aux Egyptiens, et les deux
civilisations se rencontrent et se mêlent sur le territoire syrien.
Des relations commerciales et diplomatiques s’établirent sans
doute entre les Pharaons et le royaume de Sargon (Sar-ukîn)
et de ses successeurs, comme nous le montrent mille ans plus
tard les lettres d’El-Amarna pour l’Egypte et la Babylonie. Ces
rapports doivent remonter au temps des grands constructeurs
de pyramides, quoique nous ne possédions, il est vrai, aucun
renseii^nement de celte nature.

336. Les données épar.ses sur les guerres syriennes de


l’Ancien Empire et de la VI* dynastie montrent que la Pales­
tine d’alors, ce qui est compréhensible, était un pays de civi­
lisation sédentaire, avec de petites localités fortifiées (ainsi
Neli’a § 233), des champs et des vignes. Elle était divisée en
de nombreuses petites principautés, où dominait une aristocra­
tie guerrière. Les ustensiles conservent longtemps un caractère
primitif, notamment les vases de pierre ou d’argile, sans orne­
ments ou décores de dessins primitifs incisés. On trouve égale­
ment du cuivre, du bronze et des bijoux. Les pierres et les
métaux précieux peuvent naturellement avoir été connus. Les
monuments mégalithiques très fréquents aussi en Palestine et
dans son voisinage, tombeaux formés de grandes plaques'de
pierre (dolmen), grands blocs dressés et pierres rangées en
cercle, appartiennent probablement, en partie du moins, à
cette population et à cette époque. Les grands blocs et les tables
de pierre sont sans doute érigés en l’honneur du dieu, souvent
en longues rangées, et semblent avoir la même signification
que les stèles votives dans les civilisations plus avancées et les
94 LES SEMITES

statues de la divinité ou de ses adorateurs consacrées dans les


sanctuaires. On trouve à Gézer cos piliers et ces tables de pierre,
en longues lignes au milieu de la ville du II* millénaire, et de
la même manière à Assur. C’est là un développement secon­
daire de l’usage fort répandu, aux époques primitives, d’amon­
celer en l’honneur du dieu au bord des chemins et des terri­
toires des tas de pierres auxquelles chaque passant ajoute la
sienne. Cn Grèce aussi le pilier de pierre (kermès)^ et plus tard
l’image du dieu, est sorti de tas de pierres semblables (eppata,
epjxaxeç).
Les Sémites de Syrie n’ont jamais créé une civilisation artis­
tique personnelle, ni un style particulier; l’activité industrielle
a dû cependant se développer de bonne heure chez eux aussi et
plusieurs établissements auront aussitôt acquis une plus grande
importance, avec des marchés où l’on vendait à côté de ces
objets fabriqués les produits naturels du pays cultivé et du
désert. Les marchands venus d’Égypte, de la Syrie du Nord et
de Babylonie s’y rencontraient avec les bédouins du désert.
C’était le cas notamment pour les côtes fertiles, placées en
avant des contrées montagneuses de l’intérieur, où s’élèvent
déjà très anciennement les villes que nous y rencontrons plus
tard, Gaza, Askalon, Joppe, D’or, 'Akko (Acre). Sur le littoral,
les Cananéens ont pénétré plus au loin vers le Nord, au pied
du Liban qui s’élève en terrasses depuis la mer jusqu’à la
plaine de l’Eleuthère, qui sépare le Liban des monts des Nosaï-
ris au Nord, et môme au delà. L’arrière-pays était probable­
ment encore habité par des tribus non sémitiques que rempla­
cèrent ensuite les Amorrites venus du désert (§ 396). Les
Sémites du littoral par contre se considèrent, eux et leur pays,
comme appartenant à Canaan (§ 354 note); le nom de leur tribu
est Sidonien, qui ne peut guère avoir le sens de « pêcheur »,
mais est plutôt en rapport avec un dieu Sid qu’ils honoraient.
Les Grecs ont nommé les Phéniciens « les Rouges », probable­
ment à cause de l’étoffe rouge qu'ils teignaient avec la matière
colorante fournie par le mollusque de la pourpre et exportaient
HISTOIRE ANCIENNE DES CANANÉENS ET DES PHÉNICIENS — § 356 93

dans le monde entier. On ne trouve guère de terrains cultivés


sur les premières hauteurs et les bandes étroites du Liban ; la
pêche et la navigation produisaient de meilleurs revenus. Les
habitants sont donc devenus un peuple de marchands naviga­
teurs chez lequel se développèrent rapidement aussi les métiers
et l’industrie. Les villes les plus importantes sont situées sur
les récifs devant les côtes, ainsi Tyr [Sdr « le rocher ») qui ne
possède aucune source mais doit tirer son eau d’un point de la
côte, Usa (Palaetyros) séparée de Tyr par un bras de mer
d’environ un kilomètre de large. De même, plus au Nord,
Sidon se dresse sur un rocher qui fut relié de bonne heure au
continen,! par une dune de sable. Puisque cette ville porte le
nom de la tribu, elle a été sans doute son centre le plus ancien.
Beaucoup plus au Nord, devant les monts des Nosaïris, on
trouve Arwad (Arados), également sur une île rocheuse comme
Tyr; elle devint de bonne heure très importante. Ce type
d’établissement laisse nettement deviner l’occupation succes­
sive de la, côte. Sur la terre ferme elle-même, on ne trouve,
indépendamment de toutes petites localités comme Akzîb ou
Sarepta, que la « ville montagnarde » Byblos (Gubl) au pied du
Liban septentrional, avec un territoire étendu. Cette cité avait
une importance particulière, car elle possédait les riches forêts
du Liban avec ses magnifiques cèdres, très recherchés comme
bois de construction.

Les découvertes archéologiques en Syrie et en Palestine ne sont


encore qu’à leurs débuts. Au IIP millénaire appartiennent les plus
anciennes couches de Lakis (Tell Hesy), Gézer, Megiddo (cf. § 471
note), puis celles de Jéricho [MDOG, 41, 10, ainsi que les murs de
briques d’argile, p. 12). Comme orientation, voir H. Vincent, Canaan
d'après l'exploration récente, 1907, ainsi que les excellents rapports
de A. Thiersch dans Archeol. Anzeiger, 1907, 1908 et 1909 {Jahrb. d.
deut. Arch. Inst., XXll et suiv.). Le tableau excessivement primitif,
que fournissent les objets provenant des plus anciens établissements
(comme à Megiddo) découverts jusqu’à ce jour, deviendra plus vivant
sans doute après des fouilles plus systématiques. La ville sémitique
LES SEMITES

Nelia, dont le bas-relief de Desase (V' dynastie) représente la con­


quête (§ 253), a une muraille d’argile avec des tours. Dans le tombeau
de Sahurè' (§ 253) sont souvent représentés des ours et d’autres
animaux du Liban, et souvent aussi des vases phéniciens, de grands
vases de terre cuite rouge, sans décoration, au pied aplati, au long
col et à l’anse dégagée, dont la forme est réellement plus plaisante
que celle des pots de Palestine. — Des monuments mégalithiques
(reproduits par ex. dans Perrot et Chipiez, Hlst. de l'Art, IV, p. 341.
378 et suiv. Vincent, op. cit., p. 408 et suiv., 418 et suiv.) sont sou­
vent mentionnés dans l’Ancien Testament, ainsi en particulier le
grand cercle de pierres de Oilgal près de Jéricho, Josué, IV, 3, 20 ;
cf. Meyer, Jsraeliten, p. 473 et suiv. Les stèles de Gézer doivent être
expliquées comme les longues rangées de stèles des rois et des fonc­
tionnaires d’Assur MDOG., 40, 28; 42, 34 et suiv., 50 et suiv.; 43,
3G ; 44, 36 et suiv. ; 45, 44 et suiv.) qui sont appellées « images »
(salam) de ceux qui les vouent, quoiqu’elles ne soient que des blocs
de pierre avec une inscription sur la face grossièrement polie. La
rangée de pierres de Gézer à tout a fait le même aspect, seule l’ins­
cription manque. Comme les stèles d’Assur commencent au xv* siècle
[MDOG., 44, 39), celles de Gézer ne sont guère plus anciennes. Au
reste, cf. Thiersch, Arch. Anzeiger, 1909, p. 368 et suiv.; mais il fait
conquérir la ville par les Israélites sous Josué, ce qui surprend quand
on sait qu’elle fut cananéenne jusque sous Salomon. — Sidoniens,
D’JTi*, S'.Sôvtot, ne désigne jamais les habitants de Sidon dans l’Ancien
Testament, dans les inscriptions et sur les monnaies de Tyr, dans le
litre des rois lyriens comme dans Homère, mais les Phéniciens en
général, de môme aussi dans le tableau des peuples du Yahwiste,
Gen., X, 15. Josué XIII, 4 (cf. Meyer, Israël., p, 333 et suiv.), dans
le texte original, sépare les Phéniciens du Sud, en tant que « Sido­
niens jusqu’après Aphe({ » (sur leNahr Ibrahim, § 357), des Giblites,
habitants de Byblos. Justin, XVIII, 3, 4 explique le nom de Sidon
par la nature poissonneuse de ses eaux ; « nam piscem Phoenices
sidon vocant ». Si c’est juste, la racine 111* « chasser » a dii signifier
aussi « pêcher » en phénicien, et nous devrions traduire Sîdôn non
par « poisson » mais peut-être par « pêcheur ». Une telle formation
n’existe probablement pas ; il est plus exact de mettre en relation le
nom du peuple et de la ville avec le dieu t ï qui apparaît dans des
noms propres carthaginois très fréquents 'Abd-sid, Yaton-sid, ou
HISTOIRE ANCIENNE DES CANANÉENS ET DES PHÉNICIENS — § 356 97

Han-sid (CI Sem. I, 292), et dans des noms divins Sid-Melqart et


Sid-Tanit. Ce terme est peut-être identique à ’A^pex le « chasseur »
ou à son frère le « pêcheur » dans Philon, II, 9, où ils appa­
raissent comme des hommes des temps archaïques. — Chez les
Égyptiens du Nouvel Empire, la Phénicie s’appelle Zabi ; mais le
décret de Canope rend faussement Phénicie parKaft. La désignation
égyptienne Fnch pour les barbares vaincus (W. M. Millier, Asien u.
Ëuropa, p. 208 et suiv.) n’a rien à voir avec les Phéniciens (contre
Sethe, cf. § 253 note). — Il est certain maintenant par les représen­
tations de la campagne militaire de Sahurê' 253) que les habitants
des villes côtières au IIP millénaire étaient Sémites; on ne peut
d’ailleurs en douter vu l’emploi du nom Canaan pour la Phénicie
(i; 354 note) et le caractère sémitique de leurs toponymes; leur langue
est un rameau du cananéen. L’hypothèse qui les tire de la « Mer
Rouge » c’est-à-dire de la Babylonie du Sud, dans Hérodote I, 1;
VII, 89 (les écrivains postérieurs ont fait le rapprochement avec les
îles Bahrein, Tylos et Arados, Strabon, XVI, 3, 4-27) n’a pas plus de
valeur que celle qui fait sortir les Hébreux de la ville d’Ur dans
l’Ancien Testament; Trogue Pompée (Justin, XVI1I,3), qui fait venir
les Phéniciens du « Syriurn stagnum » c.-à-d. de la Mer Morte, a cer­
tainement été intluencé par la légende de Sodome et Gomorre
(A. V. Gutschmid, Kl. Schrlften, II, 87). — D’après Africanus, apud
Sync. p. 31, les Phéniciens ont une tradition historique de 30.000 ans.
Si ce n'est pas une pure invention, il s’agit naturellement d’histoire
divine; selon Hérodote, II, 44, par contre, Tyr et son temple d’Héra-
clês-Melqart furent fondés 2300 ans auparavant, c.-à-d. vers 2730. Il
ne s’agit pas là de tradition historique bien que ces chiffres puissent
se rapprocher de la vérité. Si au contraire, d’après Justin XVIII, 3,
4, Tyr a été fondée un an avant la chute de Troie et que Ménandre
d’Ephèse (Josèphe, Ant. lu d ., VIII, 02 à combiner avec c. App.^ I,
12G; d’après lui Eusèbe, a. Abr. 745) mentionne une ère tyrienne de
1198/7, il semble qu’un événement historique, qui nous échappe, est
à la base de cette évaluation; mais Tyr même est de fondation beau­
coup plus ancienne comme le prouvent les textes égyptiens et les
lettres d’El-Amarna. Il faut aussi attirer l’attention sur ce fait que si
les villes phéniciennes ont possédé des annales anciennes, celles-ci
n’ont pu être rédigées qu’en cunéiformes, que personne ne savait lire
plus tard. L’écriture phénicienne n’a été inventée que vers l’an 1000.
LES SEMITES

357. Les Egyptiens sont entrés en relation avec ces terri­


toires par la voie maritime, dès peut-être l’époque des Thinites,
mais en tout cas depuis Snofru (§ 232), car ils avaient un
pressant besoin de bois de construction. Ce fait paraît avoir
entraîné une suzeraineté égyptienne sur la Phénicie, que
consolidèrent des interventions guerrières. Le temple funé­
raire de Sahurê' nous a fait connaître (§ 253) une telle expédi­
tion, à la suite de laquelle on emmena en Egypte, sur de
grands navires, des prisonniers sémites en costume d’apparat.
De ce qu’on a choisi la route maritime, on peut conclure qu’il
s’agit de la côte phénicienne et non de la Palestine. Ainsi
s’expliquent les anciennes et profondes relations de l’Egypte
avec Byblos (égypt. Kepni, § 229 note). On honore à Byblos
une grande déesse, la « Ba'alat de Byblos » et à côté d’elle un
dieu qui est simplement appelé « mon seigneur » Adônî. C’est
un dieu de la végétation en fleur qui meurt en plein été; ce
culte donna naissance, comme dans beaucoup d’autres, sur­
tout en Asie-Mineure (cf. § 490), à une fêle de deuil en l’hon­
neur du jeune dieu, enlevé dans la fleur de sa force. Le dieu
habite Byblos dans un fleuve voisin, sortant de la source abon­
dante d’Apheq près du Liban (fleuve Adonis, maintenant Nahr
Ibrâhîm). A l’entrée de l’été, en effet, ce cours d’eau se teint
en rouge du sang du dieu mis à mort. C’était, raconte-t-on, un
jeune homme très beau aimé par la Ba'alat; mais les dieux,
jaloux du bonheur de la déesse, envoyèrent un sanglier redou­
table qui tua le jeune homme à la chasse près de la source.
Ainsi chaque année à Apheq, on célèbre les noces fleuries de la
déesse avec son bien-aimé de retour du monde souterrain et le
jour suivant la cérémonie funèbre du « seigneur » (Adonis) tué.
Le culte a été identifié de bonne heure avec le mythe appa­
renté d’^Osiris et d’Isis. Plus tard les Egyptiens eux-mêmes
adoptèrent cette assimilation ; ils racontaient que le cercueil,
contenant le cadavre d’Osiris jeté par Sêth dans le Nil, fut
porté par la mer jusqu’à Byblos, y fut entouré par les branches
d’un tamaris èpsixTi et caché jusqu’à ce qu’Isis l’eût retrouvé et
mSTOIRE ANCIENNE DES CANANÉENS ET DES PHÉNICIENS — § 357 99

ramené en Egypte. Les Egyptiens connurent de bonne heure


aussi la Ba'alat de Byblos et l’assimilèrent à Hathôr; dans le
Moyen Empire déjà des Egyptiennes portent son nom traduit
en égyptien, nebt-Kepni. A Byblos elle est figurée tout à fait
comme Hathôr, le disque solaire posé sur la tête entre les cornes.
Le papyrus Ebers mentionne une recette pour des maladies
d’yeux « par un 'Amu de Byblos » (63,8), qui est donc venu
•en Egypte au plus tard sous le Moyen Empire.

Les matériaux égyptiens pour Byblos, § 229 note; les relations se


renouent encore sous Sosenq I. — Autant le nom d’Adonis apparaît
nettement chez les Grecs pour désigner un dieu phénicien, autant il
est complètement inconnu aux Phéniciens eux-mêmes; ’adôn n’est
toujours qu’une épithète appliquée à chaque dieu mâle (féminin :
rabbat). Philon aussi ne connaît pas le vocable Adonis, mais nomme,
2, 12 et suiv., le dieu ’EXtoûv (pSy), qui n’est qu’un surnom.
Cf. Aù oùpavitjj Saapvai'tp iirT^xoqj SUT un autel près de Byblos,
Renan, Mission en Phénicie, 234, nommé sans doute d’après une ville
Saarna qui s’y trouve; Ait 64^tox(p à Byblos même, ibidem, 223; cf.
CIGr. 4525. Au cas où le dieu a eu réellement un nom propre, ce qui
n’est nullement nécessaire, on évita de le prononcer. — Sur le culte
d’Adonis et les lieux de culte, Lucien, de dea Syra, G et suiv. Eusèbe,
Vif, Const., III, 55. Sozomène, Hisi. EccL, II, 5, cf. Zosime, I, 58. En
aval de Afqa se trouvent aussi plusieurs temples, et contre une paroi
de rochers près de Ghine au-dessus d’une caverne on représenta plus
tard les destins du dieu (Renan, Mission, p. 283 et suiv. PL 38). Rap­
port de la légende d’Osiris avec Byblos : Plutarque, de Is., 13; cf.
Lucien, dea Syr., 7 ; Apollodore, II, 1, 3, 7 et d’autres. L’arbre èpe-xr,
avec le cercueil est représenté sur les monuments égyptiens. — De
Byblos le culte d’Adonis se répandit chez les Phéniciens puis dans le
monde grec ; il fut plus tard identifié aussi avec le Tammùz babylo­
nien, un dieu de même nature, l’amant d’Astarlé (§ 373). Au reste
voir l’ouvrage soigneux et approfondi de von Baudissin, Adonis und
Esmun, 1911. Les théories fondamentales de Frazer, Adonis Attis
Osiris, 1907 [ihe Golden Bough, IV) sont insoutenables, en particulier
de ramener le mythe d’Adonis à une prétendue immolation du roi-
prêtre, comme d’affirmer que les Sémites avaient coutume d’adorer
LKS SEMITES

les rois. Dümmler, art. Adonis, dans Pauly-Wissowa, est tout à fait
faux. — Chez Philon de Byblos le dieu égyptien Thout (Tâau'o;) joue
aussi un grand rôle. La Ba'alat est représentée sur la stèle du roi
Yehawmelek, ClSem,, 1, 1, cf. Philon, II, 24 sur Astarté.

358. Les ambitions de l’Egypte et de la Babylonie peuvent


avoir provoqué des chocs en Phénicie déjà à l’époque archaïque.
Avec la chute de l’Ancien Empire cesse l’action immédiate
de l’Egypte sur la Syrie, tandis qu’au contraire une poussée
semble s’être produite de Syrie vers la vallée du Nil. En tout
cas des Sémites ont toujours pénétré en Egypte, tant comme
nomades envahisseurs que comme mercenaires. Pendant ce
temps l’influence de Sinéar est encore renforcée par les rela­
tions que créèrent les Amorrites ; nous examinerons ce point
en détail dans l’histoire babylonienne. A cette époque, ce
semble, la langue et l’écriture babyloniennes pénètrent dans
les relations commerciales dans toute la Syrie, y compris la
Palestine, et avec elles les mesures, les poids de Babylonie et
l’étalon des métaux précieux. La civilisation matérielle fit en
même temps de grands progrès (cf. § 471).
Lorsque sous le Moyen Empire la puissance égyptienne fut
rétablie, l’emprise sur la Palesline recommença peut-être dès
la II® dynastie (§ 277), en tout cas avec Amenemhet I,
depuis 2000. A cette époque, comme nous l’apprend l’histoire
de Sinuhet (§ 289), les principicules Syriens sont en relation
active avec le royaume des Pharaons et témoignent de leur
respect pour la cour des bords du Nil.
Le texte nous donne surtout une image nette des conditions
de la Syrie : nous apprenons à connaître les fortifications à la
frontière d’Egypte, les bédouins du désert, et les petits « pays »,
c’est-à-dire les principautés locales, dont « l’un transmet à
l’autre le fugitif Sinuhet », jusqu’à ce qu’il arrive à Byblos et
de là à Qedem, « le pays à l’Est », soit le pays montagneux
au centre du désert syrien que nous connaissons d’après les
textes hébreux comme la patrie des nomades araméens. Puis
HISTOIRE ANCIENNE DES CANANÉENS ET DES PHÉNICIENS — § 3 o 8 101

'Ammienèi, prince du Rezenu supérieur, l’emmène chez lui ;


à sa cour le héros parvient aux plus grands honneurs, épouse
sa fille et obtient la possession du « beau pays Ya’a » qui pro­
duit des figues, du vin, du miel, de l’huile et de nombreux
arbres fruitiers, des céréales et des troupeaux. Il se distingue
dans une guerre contre les voisins et tue dans un combat sin­
gulier un puissant géant de Rezenu, ce qui augmente encore
son influence. Nous rencontrons ici pour la première fois le
nom « Rezenu-supérieur » (par erreur Zenu), que les Egyp­
tiens donnent désormais, et jusque pendant le Nouvel Empire,
à la Palestine. Sésostris III entreprit vers 1900 une expédi­
tion contre ce même pays et semble avoir pénétré jusqu’à
Sichem (§ 280). Nous ne pouvons dire si le nom Rezenu, dont
l’équivalent indigène est inconnu (il devrait s’écrire probable­
ment ]Db), a une origine locale ou s’il désigne quelque nouvel
élément de la population qui pénétra dans le pays.
Puis s’atBrme au xviii® siècle une nouvelle poussée de tribus
septentrionales, venant probablement d’Asie-Mineure ; elle
donne lieu à la domination desHyksos {§ 304). Nous devrons re­
venir plus tard (cf. § 467 sq.) sur ces migrations de peuples, ainsi
que sur la forme prise par la Syrie après l’époque des Hyksos.

Le lien logique dans Sinuhel est devenu beaucoup plus clair


grâce à la découverte d’un nouveau texte par Gardiner [Ber. Berlin.
Akad.., 1907, p. 142 et suiv.). Comme Sinuhet arrive depuis Byblos
dans le pa}"S de Qedem, ce dernier est plus au Nord que nous
ne l’avions cru jusqu’alors. Voir aussi Meyer, Israeliten, p. 242 et
suiv. Dans l’Elohiste, ce pays est la résidence de Laban et des
Araméens : Genèse, XXIX, 1, et c'est le sens primitif de la légende;
son déplacement à Harrân dans le Yahviste est secondaire quoique
plus ancienne littérairement. Il apparaît ailleurs, TVomém, XXIII, 7,
comme patrie de Bile'am; Juges, VI, 3.33; VII, 12; VIII, 10, dans
les additions à l’histoire de Gédéon ; Genèse, XXV, 6;*cf. X, 30
(puis natp fils d’Isma'el dans P (Gode sacerdotal), ’jm pn Genèse,
XV, 19) comme siège de tribus tout à fait nomades, de même
Jérémie, XLIX, 28; Ezéchiel, XXV, 4.10; Job, I, 3; Isaïe, XI, 14.
SUMERIENS ET SEMITES EN SINEAR

Géographie de la Habylonie.

3o9. Après que l'Euphrate a traversé le désert syro-mésopo-


tamien, en de nombreuses sinuosités et avec une forte pente,
il se rapproche de quelques lieues du Tigre et pénètre dans un
vaste bas-fond qui doit son origine aux alluvions des deux
fleuves. L’Euphrate, d’une altitude plus élevée, se divise en
une multitude de bras et de canaux qui se déversent pour la
plupart vers le Tigre et arrosent au loin le pays. Pendant l’hi­
ver, saison sèche et parfois assez froide, les eaux sont basses
et presque tous les canaux sont à sec. En mars, le Tigre com­
mence à grossir et l’Euphrate en avril ; puis, à l’époque des
hautes eaux, en juin et juillet, lorsque les énormes masses
de neige des monts d’Arménie cherchent leur chemin vers la
mer, de vastes étendues de terrain se transforment en lacs
d’où n’émergent que les lieux surélevés, comme on le voit en
Egypte deux mois plus tard. Les eaux et leurs sédiments pro­
curent au sol une grande fertilité, qu’Hérodote par exemple
décrit sous des couleurs presque plus vives encore que celles
de l’Egypte. En tout cas, cette richesse n’est surpassée par
aucune autre contrée de la terre. Il était sans doute nécessaire
pour en tirer profit, comme en Egypte, que les habitants du
pays s’en occupent constamment et prudemment. Le fleuve
GÉOGRAPHIE DE LA BABYLONIE — § 359

qui n’est pas dompté cause autant de ravages dans sa fureur


ou en se transformant en eaux stagnantes et en marécages,
qu’il peut être utile. On doit endiguer les bras du fleuve, creu­
ser de nouveaux canaux et les maintenir en bon état, empêcher
leur engorgement par les masses de limon tout autant que la
coupure inconsidérée des digues par les habitants qui dila­
pident l’eau et la soustraient à ceux qui demeurent en aval.
De plus, les canaux exhaussent très vite leur lit par le limon
qui s’y dépose ; ils coulent alors plus haut que les terrains
qu’ils traversent et doivent toujours pour cette raison être
remplacés par de nouveaux canaux longeant les anciens. Donc
la Babylonie n’a jamais été florissante que sous un gouverne­
ment fort. De nombreuses modifications sont survenues au
cours de l’histoire. A l’époque archaïque les deux fleuves se
jetaient dans le golfe Persique en un large estuaire, situé
sous le 31® de latitude; depuis, leurs alluvions ont rempli le
golfe régulièrement et progressivement jusqu’au 32®. Ainsi
s'est formé le lit du Sait el-"Arab, par la réunion des deux
fleuves et l’absorption du Ghoaspes et de l’Eulaeos. Le bras
principal du Tigre, qui a un débit beaucoup plus fort que l’Eu­
phrate, se déversait autrefois par le Sait el-|j[âi, plus près de
l’Euphrate ; aujourd’hui il se jette dans la mer beaucoup plus
à l’Est. Par contre l’Euphrate se précipite régulièrement vers
le Sud-Ouest. Anciennement la plus grande partie de ses eaux
s’écoulait par le Satt en-Ntl, baignant Nippur, et elles se divi­
saient en plusieurs bras qui communiquaient avec le Tigre.
Plus tard, le bras du fleuve au bord duquel se trouve Babylone
devint plus important : mais déjà à l’époque d’Alexandre la
principale masse d’eau s’écoulait par le bras occidental, qui se
détache bien au-dessus de Babylone, le canal Pallakottas ; à
condition naturellement qu’il ne fût pas bouché après la baisse
des eaux. Ce bras du fleuve formait les grands lacs d’eau
stagnante, au bord desquels se trouvent aujourd’hui Kerbelâ
et Nedjef. Ajoutons encore la variation du niveau par l’exhaus­
sement du pays et le prolongement du lit des fleuves. Ces
104 SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

causes naturelles ont été considérablement amplifiées par la


complète décadence de l’administration musulmane qui suivit
la conquête mongole. Le pays florissant de Nabuchodonosor
(Nabû-kudurri-usur) et des califes n’est plus reconnaissable :
presque toutes les anciennes villes ne sont aujourd’hui que
des collines de décombres au milieu de la solitude du désert.
Sur de grandes étendues on ne rencontre que des marais ou
du sable ou surtout de pauvres tribus de bédouins qui ne se
plient à aucune administration rationelle.

Les données positives que nous avons sur le pays prouvent que
l'on donne généralement une fausse interprétation des mythes
babyloniens de la création et du déluge. On ne peut en effet sou­
tenir que ces légendes se rapportent à des faits annuels : l’hiver
(qui est en réalité la saison sèche !), représentant la saison des
pluies et des hautes eaux, serait le règne du chaos, Tiàmat ; la vic­
toire de Bêl'Marduk, le dieu soleil de l’été nouvellement né (ce dieu
n’est pas en réalité un dieu solaire) marquerait la régression des
eaux et l’établissement de l’ordre dans le monde. Pour les dates
de l’inondation, voir Sachau, Am J^Juphrat u, Tigris, surtout les
pages 74, 70. Pline, Nat. H'ut., V, 90, rapporte faussement à l’Eu­
phrate les dates de la crue du Nil. Pour les difficultés d'une irriga­
tion rationnelle et le danger des formations marécageuses, voir les
excellentes informations que donnent les historiens d’Alexandre
(Aristobule) dans Strabon, XVI, 1, 19 et suiv. et Arrien, VII, 7, 21.
Sur les canaux et les digues, leur ruine rapide et leur disparition,
cf. Herzfeld, Ueber die histor. Geogr. von Mesopotamien, dans Peter-
manns Mittheil,„ 1909, pp. 345 et suiv. Cet auteur montre que les
traces des canaux babyloniens et des anciennes digues ont depuis
longtemps disparu de la surface du sol. — A l’époque assyrienne
encore le territoire actuel à l’embouchure des deux fleuves formait
un golfe profond; fi l’époque d’Alexandre (Néarque) il y avait un
grand lac intérieur; cf. Delit/sch, IVo lag das Paradies, p. 173 et
suiv. Pour la plus ancienne époque historique, voir la reconstitu­
tion des anciens cours des rivières sur la carte de Cl. Fisher, Exca­
vations at Nippur, p. 3. Sur le Pallakotlas (non pas Pallakopas), en
babylonien Pnllakat, cf. Meissner, Mitih. d. Vorderas. Gesell., 1896,
GÉOGRAPHIE DE LA BABYLONIE — § 360 105

Heft A ; le nom s’est conservé dans Fellûga, à l’extrême Nord de


la Babylonie, là où le bras de l’Euphrate se séparait du cours
principal.

360. L’idée populaire que toute la basse Mésopotamie, en


tourée par l’Euphrate et le Tigre, a jadis été un grand pays
de culture, est complètement contredite par les faits. Il a tou­
jours existé au contraire de vastes espaces, que les eaux n’at­
teignaient jamais, qui étaient déserts et que seuls les bédouins
pouvaient habiter. De môme en deçà du Tigre, dans le pays
plat au pied des montagnes jusqu’au Choaspe, on trouve, à côté
de terrains cultivables, des steppes incultes fort étendues. A
rOuest et au Sud de l’Euphrate commence immédiatement le
désert syro-arabe sans aucune ressource. Donc comme le pays
marécageux des alluvions n’a été cultivable et colonisé qu’à
l’époque hellénistique, l’ancien pays cultivé de la Babylonie, ou
Sinéar, est un territoire fort restreint, sensiblement plus petit
que celui de l’Egypte. Les anciennes villes se trouvent toutes
les unes près des autres, dans un espace qui n’a guère plus de
50 lieues de long et 10 de large. Ce territoire part du terrain ma­
récageux, où le Tigre près d’Opis (§ 381) reçoit T’Adêm (babyl.
liadânu), n’est plus séparé de l’Euphrate que de quelques lieues,
là où les deux cours d’eaux coulent parallèlement, et s’étend
jusqu’à Eridu en aval (Abu Sahrein près de Sûq es-§iûh) et aux
canaux ou bras qui réunissent les fleuves, surtout le èatt en-
Nîl, le Sait el-Kâri et le Satt el-Hâi, l’ancien lit principal du
Tigre. Par contre, aucune ville ne se dressait sur le bras prin­
cipal actuel du Tigre, qui décrit une grande courbe beaucoup
plus à l’Est. Il ne faut pas non plus croire que ce territoire ait
été constamment colonisé et cultivable. Ce sont plutôt de lon­
gues bandes de terrains très fertiles, longeant les cours d’eaux,
dans un pays désert ; mais leur étendue a subi des variations '
considérables suivant Bétat de la civilisation et l’organisation
politique.

Contre les fantaisies modernes, voir H. Wagner, die Ueberschâizung


106 SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

der Anbauflàche Babyloniens und ihr Ursprung, dans Nachr. Gôtt.


Ges., Ph. Histor. CL, 1902, qui critique soigneusement les données
arabes et modernes. Les informations des Grecs et les nombreuses
tribus bédouines, que mentionnent les textes babyloniens et assy­
riens, nous enseignent la même chose.

Les tribus de Sinéar et des pays voisins.

361. La contrée que, suivant l’exemple des Grecs, nous app


lons Babylonie, d’après la capitale qu’elle eut un jour, était
pour les voisins San'ar {égypt. Sangar; dans les lettres d’El-
Amarna, Sanh,ar ; hébr. “1373U7, LXX, Sevaap) que nous pro­
nonçons Sinéar suivant une vocalisation massorétique erronée.
L’équivalent indigène de ce nom n’a pas encore été trouvé.
A l’époque archaïque, que nous connaissons un peu par les
monuments, les villes sont nombreuses, ordinairement assez
petites, avec leurs dynasties propres, et se serrent comme
dans la vallée du Nil autour du sanctuaire de la divinité locale.
Les collines de décombres (tell), qui aujourd’hui s’élèvent par­
tout dans la solitude, recouvrent leurs ruines. Les villes de
Sinéar ont joué le même rôle que les districts égyptiens avec
leurs villes principales, car, bien que sous la suzeraineté d’un
roi gouvernant tout le pays, elles sont toujours restées le fon­
dement de la religion et de la civilisation ainsi que le siège
d’une activité historique indépendante. Ce fut même le cas
lorsque le développement politique conduisit pour un certain
temps à l’unité complète et qu’alors la jeune ville de Babylone
parvint à surpasser toutes ses rivales. Mais la population ne
présente pas l’unité que nous rencontrons en Egypte : au con­
traire, aussi loin que peut s’étendre n,otre connaissance histo­
rique, nous trouvons deux races tout à fait différentes par leur
langue et le type. Au cours de leur développement, elles se
sont toujours fortement pénétrées et se sont mutuellement
LES TRIBUS DE SINÉAR ET DES PAYS VOISINS — § 361

influencées. Ce sont au Nord, dans le pays d’Akkad, les Sém ites


qui se nom m ent eux-m êm es Akkadiens {Akkadû) ; au 'Sud,
dans le pays de Sum er [Sumer)^ une population non sém itique,
les Sum ériens.

L’identité de l’égyptien Sangar avec Sinéar a été déjà reconnue


par Brugsch; elle est assurée par la lettre d’El-Âmarna 23, 49 (éd.
Winckler) = 33, 49 (éd. Knudlzon); cf. Aegyptiaca, p. 63. L’hypo­
thèse de Winckler, KA T, 328, qui cherche Sangar = Sanhara en
Asie-Mineure est tout à fait erronée. 11 n’est peut être pas impos­
sible, comme on le croit généralement, que le nom sorte d’une forme
primitive supposée Sungir pour Sumer; mais cette explication reste
fort problématique, non seulement parce que les voyelles sont diffé­
rentes, mais aussi parce qu’alors nous devrions déjà avoir dans la
forme Sumêr la « langue des femmes » dégénérée (v. plus loin).
Il faut aussi remarquer que l’on ne peut tirer des conclusions histo­
riques du récit du tableau Yahvisle des peuples de Nimrod, Genèse,
X, 8 et suiv. Pendant longtemps, l'idée de Smith a prédominé qu’il
fallait lire Nimrod le nom du héros babylonien écrit Izdubar; on
parlait d’une épopée de Nimrod, et ainsi de suite. Celte opinion
réapparaît parfois encore quoiqu’il soit depuis longtemps établi que
le nom se lit Gil-Games. En réalité le « géant chasseur » Nimrod n’a
rien à faire avec la Babylonie, mais appartient à#la Libye où ce nom
est très fréquent (cf. Z A T W , VIII, 47. Meyer, Israeliten, p. 448);
il a été peut-être transporté en Babylonie par suite de la confusion
qui apparaît aussi dans Genèse, II, 13, des Kusites africains avec les
Cassiles (cf. § 163 note). La liste des villes, qui est rattachée à ce
nom, considère Babylone comme la métropole du pays, ce qui est
naturellement faux pour la période antérieure à 2000. On a prouvé
que le nom Chaldéen ne désigne pas l’ancienne population sémi­
tique du pays, mais une tribu araméenne qui pénétra dans le sud
dès le commencement du premier millénaire et qui enfin, dans le
nouvel empire babylonien, acquit la suprématie sur tout le pays :
voir Delattre, les Chaldéens, 1877, Tiele et surtout Winckler, Unters.
Z. altor. Gesch., p, 47 et suiv. Bérose, il est vrai, applique toujours
ce nom à la population de la Babylonie, même aux temps primitifs ;
il emploie BaêuXwvt'a pour désigner toute la contrée, synonyme de
XaXoaîa ; mais les BaouXwvtot ne sont pour lui que les habitants de la
SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

ville de Babylone même. Tout cela prouve simplement qu’il n’avait


plus aucun renseignement sur l’établissement des Ghaldéens et qu’il
reporte aux origines les conditions des temps postérieurs. — Contro­
verse sur le sumérien et l’origine de l ’écriture cunéiforme, § 312.
Bezold a prouvé par un syllabaire, ZA^ IV, p. 434 et suiv., que la
langue non sémitique était appelée « sumérien », par les Assyriens.
Elle se présente dans les textes postérieurs en deux dialectes, l’un
ancien, l’autre plus récent, comme P. Haupt l’a reconnu en 1880.
Le dialecte le plus jeune ne se trouve que dans des textes littéraires,
tandis que l’ancien est identique à la langue des anciennes inscrip­
tions sumériennes. Cette langue est le dialecte appelé « emeku » et
l’autre « emesal » (la langue des femmes). On mettait tout d’abord
ces deux dialectes en relation avec les deux parties du pays ; Haupt,
Akkad. u. Sumer. Kexhchrifltexte, 1881 et suiv., Delitzsch, Wo lag
das Parndies, p. 138,198 et suiv., Pinches et d’autres encore considé­
raient le plus ancien dialecte, seul usité dans les inscriptions, comme
la langue du Nord ou du pays d’Akkad, e*t le plus jeune, dégénéré,
qui par exemple remplace souvent le g par m, comme la langue de
Sumer. Hommel, avec plus de raison, à ce qu’il semble, renversait
les termes de l’explication. Maintenant il est certain qu’aucun des
deux dialectes n’est en rapport avec Akkad ; le dialecte emesal n’est
en réalité que la « langue des femmes » corrompue de l’époque
postérieure. Toutes les autres suppositions fondées sur l’existence
de ces deux dialectes, par exemple leur relation avec les noms de
pays Magan et Meluha (Schrader, Keilinschr. m. Geschichtsforschung,
p. 290 et suiv.; Delitzsch, Paradies, p. 129 et suiv., 137 et suiv.,
cf. p. lOo) sont tout à fait insoutenables. — La langue sémitique de
la Babylonie s’appelle « akkadien », en opposition au texte parallèle
sumérien, dans une ordonnance sur la dénomination d’une nouvelle
année sous Samsuditana : Messerschmidt, OLZ, 1903, 271, cf.
Ungnad, ibid,, 1908, 62; les scrupules de Bezold sur l’interprétation
de ce texte sont peu convaincants, Florileg. de Vogué, p. 32 et
suiv.; AkkadA est toujours alors au deuxième millénaire le nom des
Sémites du Nord de la Babylonie. — La réaction dirigée par Halévy
contre l’opinion courante, qui déclarait sumérienne toute la civili­
sation et la religion de la Babylonie en ignorant complètement
l’élément sémitique, a souvent conduit les adversaires d’Halévy,
comme Winckler et Hilprecht, à reporter l’origine de la civilisation
LES TRIBUS DE SINÉAR ET DES PAYS VOISINS — S 362 109

babylonienne à une époque primitive sans monuments ni écriture,


à prétendre même que le sumérien était déjà langue morte à l’époque
des monuments archaïques et que la race sumérienne avait été
complètement anéantie par les Sémites envahisseurs. Les repré­
sentations figurées prouvent que cette conception est fausse, cf.
Meyer, Sum. u. Sem., Abh. Berlin. Akkad., 1906.

362. Les problèmes ethnographiques et historiques que pos


celte réunion des deux peuples ont été en partie élucidés par
les trouvaillés de ces dernières années. Il est certain que les
Sumériens ont dominé sur tout le pays de Sinéar au commen­
cement du troisième millénaire. C’est pourquoi on admet géné­
ralement qu’ils furent à cette époque les seuls habitants du
pays et qu’ils créèrent la plus ancienne civilisation de Sinéar ;
dans la suite, une tribu sémitique pénétra en conquérant dans
le Nord tout d’abord, ou pays d’Akkad, et adopta la civilisation
étrangère. Il est hors de doute que cette civilisution est due
pour la plus grande part aux Sumériens, l’écriture notamment
ainsi qu’une grande partie au moins du panthéon et des con­
cepts religieux. De môme, le plus ancien développement
artistique que conservent les monuments est purement sumé­
rien. Mais, de très bonne heure, les Sémites apparaissent dans
le Nord comme les maîtres et nous pouvons maintenant nous
former une idée de leur fortune. Ils empruntent aux Sumériens
l’écriture et révèlent encore d’autre manière l’influence subie.
Mais, d'autre part, ils présentent tant de traits originaux qui
s’affirment non seulement dans la langue, l’Etat et le monde
des dieux, mais surtout dans leur art qui dépasse aussitôt de
beaucoup les anciennes créations sumériennes et même dans
la disposition particulière des signes de l’écriture, qu’il ne
peut être question d’un simple emprunt aux Sumériens. Les
Sémites ont bien plutôt réellement contribué à là formation de
la civilisation ultérieure de la Babylonie, qui est donc en toute
vérité une civilisation mixte ou plus justement le produit d’ùn
processus historique qui englobe deux peuples complètement
différents.
SUMERIENS ET SEMITES EN SINEAR

D’autre part, il n’est nullement certain que les Sumériens


soient réellement la population primitive du pays. Aussi loin
que nous puissions remonter actuellement, ils constituent
un peuple tout à fait à part et l’on n’a pas réussi à rapprocher
avec quelque vraisemblance leur langue d’une autre langue
connue. Par le physique aussi les Sumériens se distinguent
de leurs voisins. Comme le montrent les tôtes soigneusement
sculptées de l’époque de Gudea, ils se distinguent des Sémites
par un nez pointu et étroit, au profil droit et aux ailes petites.
Les joues aussi ne sont pas charnues comme chez les Sémites
malgré des os maxillaires puissants, la bouche est petite, les
lèvres minces et finement arrondies, la mâchoire inférieure
est très courte, mais le menton anguleux est très proéminent.
Les yeux sont obliques comme chez les Mongols. Le front est
assez bas et fuit obliquement depuis la racine du nez, ce qui a
conduit les sculpteurs des monuments archaïques encore trop
grossiers, à représenter le nez très proéminent, pointu, en bec
d’oiseau, tandis que la bouche et le menton sont fortement en
arrière, que le front disparaît presque et que le crâne se ter­
mine par un occiput beaucoup trop petit. Ces monuments
archaïques ne peuvent fournir une caractéristique ethnogra­
phique, ils s’expliquent comme une naïve interprétation du
type humain que montrent les œuvres d’art plus parfaites. Il
est difficile de les rapprocher de la population hyperbrachycé-
phale de l’Arménie et de l’Asie-Mineurc (§ 330 ; cf. cependant
§ 406, note). Sur quelques-uns des monuments les plus anciens
et les plus grossiers, on trouve, à côté de têtes complètement
rasées, d’autres tôtes à chevelure (perruque) et en partie avec
une longue barbe et une moustache qui paraissent appartenir
également à des Sumériens (§ 384)^ mais plus tard la cheve­
lure et la barbe sont complètement rasées comme chez les
Egyptiens depuis la première dynastie (cf. § 368). Il est très
surprenant qu’à l’inverse des hommes, les dieux sumériens
portent une chevelure soigneusement bouclée et relevée ainsi
qu’une longue barbe frisée; les joues et les lèvres sont, au
LES TRIBUS DE SINÉAR ET DES PAYS VOISINS — § 362

contraire, rasées. Cette coiffure diffère absolument aussi de


celle des anciens Sumériens, mais elle rappelle celle des Sé­
mites. Donc les figures divines paraissent être soiis l’influence
sémitique; et dans la suite, depuis Sargon (Sar-ukîn), bien
que les Sumériens aient repris une fois encore la suzeraineté
sur tout le pays, ils ont partout représenté leurs dieux à la
pure mode sémitique, non seulement pour la chevelure et la
barbe, mais aussi dans les traits du visage et dans l’habille­
ment. Cela nous amène à supposer que les lieux de culte indi­
gènes et les représentations figurées des dieux sont d’origine
sémitique et, par suite, que les Sumériens sont des envahisseurs
qui les adoptèrent et façonnèrent leurs dieux propres sur le type
répandu dans le pays. Mais nous n’obtiendrons quelque certi­
tude que grâce aux recherches ultérieures, d’abord par de nou-
Telles trouvailles, puis par le progrès dans le déchiffrement des
inscriptions et l’explication des monuments de l’époque sumé­
rienne. La Babylonie n'a pas encore livré de vestiges de la pri­
mitive civilisation, comme nous en possédons pour l’Egypte. En
l’état actuel de nos connaissances l’hypothèse qu’à cette époque,
c’est-à-dire au cinquième et au quatrième millénaires, la popu­
lation de la Babylonie était sémitique, que les Sumériens sont
venus du dehors et les ont soumis, est tout aussi vraisem­
blable que l’hypothèse contraire, qui est généralement acceptée
aujourd’hui. Les Sumériens sont un peuple guerrier qui com­
bat en phalange fermée. Il y a de grandes présomptions pour
que, comme plus tard les Gutî et les Cassites, puis enfin les
Perses, ils aient pénétré en conquérants dans le pays bas, des­
cendant des monts du Nord-Est, peut-être par les vallées de
T'Adêm et de la Diâla, en suivant le cours du Tigre. Sans doute
le centre de leur territoire, dans la suite tout au moins, est
surtout dans le Sud, de sorte qu’on peut aussi penser à une
invasion par mer (cf. § 368). En tout cas, ils ont créé alors la
civilisation supérieure dont ils peuvent avoir apporté avec eux
les premiers éléments. Gomme spécialement sumérien on doit
signaler avant tout l’invention de l’écriture ainsi que le système
SUMERIENS ET SEMITES EN SINEAR

de numération sexagésimal, devenu le système fondamental


pour toutes les mesures et modes de calcul sortis de Babylonie
(§ 424).
Dans le Nord de la Babylonie, en dehors de Babylone, on n’a jus­
qu’à aujourd’hui fouillé systématiquement qu’à Sippar : Scheil, Une
saison de fouilles à Sippar, Môm. Inst, franc, du Caire, I, 1902; on
n’y a trouvé aucun monument du troisième millénaire. Babylone
n'a rien livré remontant à la période archaïque et d’après le carac­
tère de toutes les ruines des villes babyloniennes il est très douteux
qu’on réussisse à trouver des restes de cette époque. Les fouilles
de Suse nous permettent d’avoir une intelligence plus claire du
développement archaïque des Sémites dans le Nord (§ 397 et suiv.).
Elles nous font remonter à l’époque antérieure à Sar-ukîn et elles
confirment l’opinion que le développement du Nord, ou pays d’Ak-
kad, a eu dans le détail, malgré toutes les concordances, un autre
cours que celui de Tello. — Pour le reste voir Meyer, Sum. u. Sem.
Les objections de Heuzey {Kestit. matér. de la stèle des vautours
p. 23 et suiv.) manquent leur but suivant l'auteur. La distinction
des deux peuples par la forme de la tête, le port de la chevelure,
dans riiabillement, est bien évidente sur les monuments non moins
que dans la conception artistique. Des hommes barbus se trouvent
sur des monuments sumériens, ainsi sur l’ancien relief circulaire de
Tello, Heuzey, CataL, n° î> (Découverts, 1 bis; 2 ; 1 ter, 1 a. b; 6 ter,
3 a. b ; cf. § 384) ; sur un relief de Nippur, Hilprecht, Explorations
in Bible Lands, p. 487, et sur les monuments Blau (King, Hist. of.
Sumer and Akkad, face p. G2), mais où le dessin des figures présente,
à part cela, quelques différences; un relief semblable de Suse ; de
Mecquenem, Recueil de travaux, XXXllI, p. 38 et suiv. ; Délég. en
Perse, XIll {Rech. arch., V), pl. 40, 3 et peut-être aussi 40, 9. —
Glay a montré {ElUl the God of Nippur, AJSL, XXIll, 1907) que le
dieu de Nippur ne s’est jamais appelé Bel, comme on le croyait
jusqu’alors, mais toujours et seulement Enlil (assimilé plus tard en
Ellil, V, R. 37, 21 b, et SSx dans les documents de l’époque perse),
donc qu’il a toujours eu un nom sumérien et non pas sémitique. Par
suite, les conclusions que l’auteur déduisait du nom de Bêl tombent;
Nippur a toujours été un lieu de cnlte sumérien. Thureau-Dangin
s’élève avec raison contre les conséquences tirées de la notation dans
LES TRIBUS DE SIIVÉAR ET DES PAYS VOISINS — § 363 113

l’écriture du mot « pays » par l’image d’une montagne {Kur) ; il


observe que ce mot n’est employé à l’origine que pour les pays
étrangers et non pour le pays des Sumériens (qui s’appelle peut-être
kalama) Z A, XVI, p. 354, 3. — Il est bien connu que pour les
dieux comme pour les rois, les anciennes coutumes se conservent
ordinairement dans l’habillement et dans l’armement, bien qu’ils
s’accommodent lentement aussi au développement de la civilisation
(ainsi chez les Grecs et en Égypte où l'ancien port de la barbe ne
s’est conservé que pour le dieu Nil et quelques cas isolés). Mais
les plus anciennes figures de dieux sumériens diffèrent précisément
tout à fait de la plus ancienne mode de chevelure connue pour le
peuple, sont beaucoup plus parfaites et s’éloignent encore davan­
tage dans la suite de la coutume populaire. C’est un fait nettement
établi que les Sumériens contemporains du royaume de Sumer et
d’Akkad croyaient que leurs dieux avaient l’aspect de Sémites. —
On ne peut guère conclure, comme on a voulu l’établir, à une ori­
gine d’outre-mer pour les Sumériens d’après les histoires de Bérose
sur Oannès et les autres hommes-poissons, qui montèrent de la mer
Erythrée pour révéler la religion et la civilisation. — Les tentatives
faites pour établir une parenté du sumérien avec le turc (les langues
touraniennes »), ne paraissent pas décisives; le sumérien semble
différer complètement aussi de l’élamife. On pourra s’occuper de
pareilles recherches lorsque l’élude du sumérien aura conduit à une
véritable grammaire sumérienne sur la voie brillamment tracée par
Thureau-Dangin.

363. A l’Est de Sinéar, dans les chaînes de montagnes et l


hautes vallées du Zagros et dans sa partie antérieure se trouvent
plusieurs tribus dont la position ethnographique n’a pu être
déterminée jusqu’à maintenant : ainsi au Nord les Gutî et plus
loin les Lulubî sur la Diâla ou Gyndès (§ 395); derrière eux,
les Kassû, Koaa-aüoi (§ 456) dans le Luristan, sur le Choaspe
supérieur n'apparaissent pas jusqu’à présent à l’époque ar­
chaïque, bien qu'il soit tout à fait inadmissible de s’appuyer
sur l’argument ex silentio en présence des maigres textes que
nous possédons. Dès l’époque archaïque, à l’orient des Sumé­
riens, les habitants de l’Etam (sumérien Nin, sémit. Elamtu,
SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

hébr. dV î!, grec ’FAutxaiç, ’EXuuaîo».), ressortent avec d’autant


plus de vigueur. Dans les inscriptions indigènes ils portent le
nom Ilatamti (§ 4G2), remplacé plus tard chez les Perses par
Uvâdja (grec Oo^'.oi), qui s’est maintenu dans le nom actuel de
la contrée Ilûzistân ; ces noms ont peut être appartenu d’abord
aux tribus montagnardes. Chez les Grecs de l’époque perse,
Eschyle, Hérodote, on trouve au lieu de ce nom la dénomina­
tion encore inexpliquée de Kîtt'-oi, qui ne peut s’identifier avec
les Kassû ou Gassites qui habitent beaucoup plus au Nord. On
n’a pu établir jusqu’à maintenant tout au moins une parenté
de langue entre les Gassites et les Elamites. Politiquement la
partie antérieure du pays montagneux forme le point central
de l’Elam. La capitale Susan (Suse) se dresse dans le pays
Ansan (ou Anzan), là où les deux torrents, le Choaspe (babyl.
Uknu, auj. Kerha) et l’Eulaeos (babyl. Ulâi, auj. Kariin), se
rapprochent à 3 lieues environ l’un de l’autre et coulent long­
temps parallèlement.
Toutes ces populations, comme les tribus de la steppe méso-
potamienne (§ 396), ont subi l’influence de la civilisation de
Sinéar et ils cherchent toujours à pénétrer de nouveau dans les
territoires fertiles ou tout au moins à piller ses richesses; mais
aucune d’elles n’est apparentée aux Sumériens, pour autant
que nous puissions le voir. 11 semble bien plutôt que là comme
au Caucase des tribus parlant les langues les plus diverses se
pressent sur un territoire relativement restreint.

Sclieil a montré qu’on doit lire Hatamti, non llapirti, Textes


Elnm. Sém., IV, 3 . — L e nom Ansan (var. Anzan ; idéogr. A n - d u - a n -
K i), souvent déterminé comme ville (ainsi Gudéa, B, vi, 04 et encore
chez Cyrus), mais en général comme pays, offre des difficultés inu­
sitées et a été l’objet des explications les plus différentes : ainsi
Winckler considère ce nom comme une désignation de la Médie
postérieure, ce qui est tout à fait faux ; les explications de Jensen
ne sont pas moins inadmissibles XV, p. 2 2 3 et suiv.) à savoir
que Ansan se trouverait à côté de Tilmun (§ 3 9 8 note) dans le golfe
Persique. Cyrus, dans un texte de Nabû-na’id, se nomme roi d’Anzan
LES TRIBUS DE SINÉAR ET DES PAYS VOISINS — § 363

{WR 6-4, 1.20; f{R, III, 2, p. 08) et appelle même ses ancêtres roi
(TAnsan (V^ 35, 21 ; K B , III, 2, p. 124) ce qui complique encore
davantage la question; cf. Gesch. d. A lt., III, § H note. — Weissbach,
Anzan. Inschr. dans Abh. Sachs Ges. d. TF/m ., XII, 1801, p. 123 et
suiv. a réuni les anciens matériaux (dans le détail il y a beaucoup à
modifier). II R 47, 18 c explique A n - d u - a n - k i , avec la prononciation
assimilée Asâan, par Elamtu ; dans les textes les deux expressions
sont il est vrai étroitement unies, mais Ansan est défini comme un
territoire séparé; ainsi dans Gudéa, loc. cit. :« la ville An-sa-an
dans Nim-ki (=■ Elam) » et le commandant Anumulabil de Dêr
432 a) défait les troupes d’Ansan, Elam, Simas et Barahsu. Thu-
reau-Dangin, S A K I, p. 176. Dans les inscriptions archaïques de
Suse, on ne trouve pas Ansan ; mais les rois d’Elam (Hatamti) du
XII* siècle se nomment dans leurs inscriptions de Suse « sunkik
Anzan Susunka » ; or, comme « sunkik » a certainement le sens de
« roi » d’après de nombreux textes publiés par Sclieil (contre Foy,
ZDMG., LIV, p. 372 sq.; Jensen, ibid., LV, p. 226 sq.), cette expres­
sion ne peut signifier que « roi de l’Anzan susien » (cf. l’ethnique
« les Susiens » Esdras, IV, 9, expliqué par la glose « ce
sont les Elamites ») ou « roi d’Anzan et de Suse » (ainsi Jensen,
Scheil, etc.). Dans le dernier cas aussi les deux noms ne semblent
exprimer qu’une seule et même idée. Donc Ansan est ou bien le
nom du territoire de Suse, ou bien peut-être celui du pays monta­
gneux voisin (cf. § 432). A l’époque archaïque il est employé pour
Suse même comme résidence de la principauté d’Ansan. Le nom
Susa (idéogr. n i n n i - e r i n ) apparaît pour la première fois chez Uriimns
(,^ 399; écrit Su-si-im), puis chez Gudea, Cyl. A, 15, 6 sq.; pour la
construction de son temple : i<l’Elamile (Nim) vint d’Elam, le Susien
de Suse » (cf. § 410). Mais il est certainement beaucoup plus ancien
coihme le prouve le nom du dieu principal Su.^inak « le Susien » qui
en dérive. Ansan et Suse sont donc séparés de la même manière du
nom du pays Elam et de l’ethnique Hatamti^comme plus tard chez les
Grecs Susiane, Elyméens et Uxiens ( = Uvâdja). A l’époque des rois
de Sumer et d’Akkad, le patesi de Suse est différent de celui d’Ansan
(§ 414); une partie de la contrée de Suse a dû alors être séparée en
un territoire particulier Ansan. Plus tard, le nom Ansan, Anzan a
disparu comme nom archaïque, mais on l’exhume à l’époque de la
restauration des Achéménides et de Nabû-na’id. Dans les inscrip-
116 SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

lions assyriennes Anzan apparaît une fois chez Sénachérib (Sin-ahe-


riba), I U 41, 31 (/f/?, II, p. 106) dans une liste des contrées appe­
lées aux armes par le roi Uminanmenanu d'Elam. — L’ouvrage de
Weissbach est fondamental pour la langue élamite, die Achaemeni^
den^insckriften ziceiter Art, 1890, puis ses Aaraa. Inschr, dans Abh.
Sachs Ges., XII et Neue Beilr. z. Kunded. Sus. Inschr., ibid., XIV,
cf. Foy, ZDMG., LU et LIV et avant tout Scheil, Dêlég. en Perse,
111, V, VII, XI [Textes élam. anzan., I-IV).

Les débuts de la civilisation en Sinéar.

364. Les débuts de la civilisation sédentaire en Sinéar


remontent sans doute à une très haute époque. Nombre de
siècles, et peut-être plus d’un millier d’années avant les plus
anciens monuments conservés, le pays était rendu cultivable
aussi loin que les caprices des eaux et du désert le permet­
taient. On construisait des digues et l’on creusait des canaux.
On semait du blé et du sésame dans les champs, on cultivait le
palmier, la vigne, les figues, les pommes et d’autres fruits
encore. Gomme en Egypte, les pâturages étaient très étendus
et servaient à nourrir de grands troupeaux de chèvres, de mou­
tons, de bœufs et d’ânes; les chevaux- étaient alors aussi peu
connus en Asie antérieure qu’en Egypte. Enfin on pratiquait la
pêche et la chasse, surtout celle des taureaux sauvages et des
antilopes, puis on s’attaquait aux lions cachés dans l’épaisseur
de la jungle ou habitant la lisière du désert, et à d’autres bêtes
sauvages encore. Comme en Egypte, le serpent était regardé
en Sinéar comme un animal sacré et mystérieux, dans lequel
se révélaient de puissantes divinités qui, entourées de soins,
répandaient de riches bénédictions sur les hommes. Ici comme
là l’imagination a créé une quantité d’êtres fabuleux : dragons
où sont unis divers éléments du lion, du serpent et de l’aigle,
figures composites d’homme et de scorpion, d’homme et de
LES DÉBUTS DE LA CIVILISATION EN SINÉAR — § 365 117

taureau, d’homme et d’oiseau, d’homme et de poisson, d’autres


encore. Ce sont les formes sous lesquelles apparaissent les
esprits, bons et mauvais, qui exercent encore aujourd’hui une
action magique puissante et qui avaient seuls peuplé la terre,
avant qu’il y eût des hommes et que les dieux, maîtres actuels
du monde, eussent acquis le pouvoir.

Bérose a donné un beau tableau du pays et de ses produits en


tête de son histoire (Eusèbe, I, p. 11 et suiv. — Syncelle, p. 50 et
siiiv.) [voir aussi les descriptions connues d’Hérodote, d’Arrien et
de Strabon d’après les historiens d’Alexandre]. Il y adjoignit le
Xôyo; d’Oannès, l’homme-poisson sorti de la mer, relatant les
temps primitifs et la formation du monde actuel. Les êtres compo­
sés y jouent aussi un grand rôle; mais la rédaction dans laquelle
Bérose nous donne la légende n’est pas ancienne, car elle introduit
des chevaux, des êtres hippopèdes ou des centaures par exemple.
Dans le mythe de la création et dans la légende du roi de Kutha
(Jensen, KB^ VI, 1, p. 292, cf. § 411 note), les animaux sauvages et
les êtres composites apparaissent comme créations de Tiâmat ; plus
tard, ils sont en partie relégués au ciel (§ 427). On n’a pas encore
retrouvé dans la littérature cunéiforme les noms d'Oannès et des
hommes-poissons de môme nature qui émergent de temps en temps
de la mer sous les rois primitifs (Bérose dans Eusèbe, I, 9 = Syn­
celle, p. 71), pour confirmer et compléter la révélation d’Oannès, cf.
Zimmern, K A 1\ p. 530 et suiv. Les êtres composites sont souvent
représentés sur les cylindres (sceaux) dès l’époque archaïque, plu­
sieurs d’entre eux sont comme on sait conservés par l’art postérieur
babylonien et assyrien et employés pour la décoration des parois
des temples (ainsi par Sénachérib (Sin-ahe-riba), MDOG.y 47, 40). —
Hormis ces données et en dehors des documents juridiques, ce sont
surtout les inscriptions d’Ürukagina de Tello (§ 389) qui nous ren­
seignent sur tes conditions économiques du pays.

365. Le caractère agricole de l’installation apparaît claire­


ment'dans le culte. L’animal de boucherie et de sacrifice le
plus ordinaire est la chèvre, que l’adorateur porte sur les bras
lorsqu’il s’approche de son dieu, comme le représentent les
SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

anciens monuments votifs et les cylindres. On place encore


devant la divinité un gracieux vase avec des rameaux, des
Heurs, des bouquets de dattes, qui sont arrosés avec une cruche
en présence de la divinité. On assure ainsi à la végétation la
bénédiction divine, la pluie et la fertilité. De là sortit plus
tard un entrelacement de rameaux, planté devant le dieu et
ordonné symétriquement, l'arbre de vie comme on l’appelle.
Des démons ailés s’approchent des Heurs du palmier femelle
et les fécondent avec la Heur du palmier mâle qu’ils tiennent
dans leur main. Le don divin le plus riche en bénédictions
est l’eau à laquelle le pays doit sa fertilité et sa vie, en opposi­
tion au désert dénudé et mort qui l’entoure. On raconte ainsi
qu’Anu, le dieu du ciel, possède d’innombrables vases d’où
l ’eau s’épanche comme d’une source de vie, inépuisable, et
abreuve ses fidèles et en particulier les rois, (jui par l’intermé­
diaire de leurs dieux tutélaires ont été recommandés à sa
grâce. L’eau peut aussi exercer une inlluence dévastatrice; on
raconte qu’aux temps primitifs une partie des eaux n’était pas
encore enfermée comme aujourd’hui dans la voûte céleste,
mais couvrait la terre, et on se souvient d’un grand déluge qui,
un jour où les dieux étaient en colère, se déversa avec violence
sur la lerre et anéantit tous les êtres vivants hormis quelques-
uns qui, avertis par les dieux, s’étaient sauvés dans un bateau
sur une montagne éloignée. Il ne faut pas expliquer ces
légendes comme des mythes annuels ou solaires, ce qu’on fait
si souvent de notre temps, car elles sont nées directement de
l’impression que la nature du pays éveille chez ses habitants,
de la conscience que leur existence s’effondrerait aussitôt, si
les dieux changeaient quelque peu l’ordonnance bénie sous
laquelle la contrée et les hommes prospèrent. Ce qu’on ressen­
tait comme une possibilité, comme un danger toujours mena­
çant, qu’écartait seule la grâce, ces récits le présentent comme
un fait historique du passé.

L’auteur a réuni les anciens exemples de sacrifice de la chèvre et


LES DÉBUTS DE LA CIVILISATION EN SIN É A R — § 366 119

les représentations de vases à plantes dans ses Sumer. u. Semiten ;


la source de vie, ibidem, p. 43 et suiv. — Le sens évident de l’arbre
de vie et des démons fertilisaleurs lui appartenant a été fixé par
Taylor, P SB A , 1890, ce qu’indique v. Luschan, Entstehung der ion.
Saule {der allé Orient.^ 1912, 4). — Il serait temps que les assyrio­
logues puissent se résoudre à se débarrasser énergiquement des
explications de mythes héritées de la« mythologie comparée (même
l’exposition excellente de Zimmern, K A 1\ s’en ressent), et veuillent
considérer et exposer les faits comme ils sont en réalité au lieu de
se livrer à des combinaisons fantaisistes. — Les mythes babyloniens
ont été consciencieusement étudiés par Jensen, K B , VI, 1, 1900.
Pour le mythe de la création, voir aussi King, Seven Tablets o f the
Création, 1902. Dans sa forme actuelle, cette légende, à cause du
rôle de Marduk, ne date que du temps de la première dynastie
babylonienne. Elle contient cependant des éléments beaucoup plus
anciens et certainement en partie sumériens ; il est d’ailleurs aussi
ditficile de le démontrer dans le détail que pour la légende du déluge.

366. Il est impossible en Sinéar, aussi bien qu’en Egypte,


trouver une classification par alliance du sang, en tribus et
familles; ces classes ont disparu par suite de l’établissement
sédentaire. Les territoires habités ne forment aucune unité
fermée, mais se décomposent en de nombreux petits districts,
souvent séparés les uns des autres par le marais ou le désert,
dont les capitales avec leur sanctuaire ont été déjà mention­
nées (§ 361). Ils n’ont tous, à l’origine tout au moins, qu’une
étendue très modeste. L’argile alluviale fournissait les maté­
riaux de construction; on lui donnait une solidité plus grande
en y mêlant des roseaux et de la paille. C’est ainsi, en masses
compactes, qu’on élevait les murs d’argile des maisons, recou­
verts probablement de nattes à l’intérieur. On construisait
aussi des huttes plus pauvres, comme aujourd’hui encore, en
roseaux et en nattes entrelacées, enduites d’argile pour se
protéger du froid en hiver. Pour les habitations des princes et
des dieux, on moulait sur une planche des briques d’argile,
plus épaisses dans le milieu pour qu’elles ne se désagrègent
120 SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

pas et arrondies pour cela à la partie supérieure (briques pla-


noconvexes); on les reliait par du mortier d’argile. L’art de
cuire la brique n’a été connu que beaucoup plus tard. Par
contre on manquait de matériaux plus solides. Des blocs erra­
tiques isolés se trouvaient peut-être dans les alluvions, en
dehors desquels on ne pouvait se procurer des pierres, ou du
bois de construction, que par le commerce avec les peuples
voisins ou la guerre. On a employé de bonne heure des pierres
pour la substruction de grands édifices et de grands blocs
comme supports des linteaux de portes. C’est pourquoi les
villes ont un aspect misérable qui rend leurs ruines très peu
apparentes et pauvres. Chaque grosse pluie emportait des murs
de briques et chaque incendie détruisait de grands quartiers
sinon toute la ville. Les inscriptions royales relatent conti­
nuellement la reconstruction dos édifices écroulés. Ainsi le sol
de la ville s’élevait progressivement; des collines artificielles
naissaient avec rapidité, où les diverses couches sont enfouies,
traversées par des canaux de décharge et des fossés d’écoule­
ment avec de la cendre, des os, des restes de mobilier, ainsi
que des tombeaux. Les Babyloniens enterraient, en effet, leurs
morts dans les maisons, soit dans la terre, soit dans des vases
ou sous de gros couvercles d’argile; souvent ces tombes ont
été employées une seconde fois, les vieux os mis de côté, les
cadavres à moitié carbonisés près d’un foyer. Lorsqu’on édifiait
une grande construction, surtout un temple, on élevait encore
la colline et on la consolidait souvent par une couche de
briques épaisse de plusieurs mètres constituant le fondement
de l’édifice.
Il en est pour les canaux comme pour les villes : les canaux
nouvellement creusés se remplissent de limon en quelques
années et finissent par être plus hauts que le pays environ­
nant, de sorte que les digues ne peuvent plus les contenir et
qu’on doit en tracer de nouveaux. Chaque crue conduit à des
déplacements de lits de rivières et souvent les bras principaux
des fleuves changent complètement de cours. Ce qui nécessite
LES DÉBUTS DE LA CIVILISATION EN SINÉAR — § 366 121

le rétablissement continuel des vieux canaux, le creusement de


nouveaux fossés et de nouveaux canaux. Selon que les souve­
rains jouissent d’une puissance assez grande et de moyens
suffisants pour accomplir ce travail, la prospérité s’accroît ou
baisse et la physionomie du pays se transforme.

Les documents relatifs à l’époque primitive qui a précédé l’écri­


ture en Babylonie sont encore très rares. A Nippur les fouilles amé­
ricaines ont pénétré jusqu’à ces couches profondes, mais les trou­
vailles paraissent être insignifiantes. Il en est de même pour un puits
que de Sarzec à Tello a conduit jusqu'au sol vierge (Heuzey, Um
villa royale choldéenne^ p. 61 et suiv.). C’est pourquoi l’auteur a dû
souvent utiliser dans ces paragraphes des matériaux appartenant à
une époque qui employait déjà l'écriture. Il est d’autant moins pos­
sible d’établir une évaluation de l’époque à laquelle appartiennent
les plus anciennes couches à Nippur (le sol primitif est à 4-3 mètres
sous le plus ancien temple présargonique) et à Tello (jusqu’à
3 mètres sous la plus ancienne construction) que l’élévation est en
partie artificielle. — La vue des anciennes ruines (cf. §§ 367.383)
correspondait si peu au tableau que l’imagination s’en était faite,
qu’à l’exception de Tello, on ne voulait pas reconnaître comme
celles d’anciennes villes les ruines de Surghul, 'Fâra, Abu Hatab qui
appartiennent au III" millénaire, si bien que Koldewey les expliqua
comme des « nécropoles d’incinération » Z A, II, p. 403 et suiv.
Ce fut une étrange illusion (correspondant aux fantaisies de Bôt-
ticher sur les ruines de Troie) que les fouilles en d’autres lieux dé­
mentent complètement; les ruines babyloniennes ne correspondent
pas du tout à ce que nous connaissons à Ninive. Les Babyloniens et
les Assyriens n’ont jamais brûlé leurs morts. Là où l’on trouve
des corps à moitié ou entièrement calcinés la' cause en est aux
incendies de la ville ou à sa destruction définitive. Ces peuples
enterrent leurs morts dans le sol de leurs maisons, comme le
prouvent en particulier les fouilles d’Assur. Les prétendues « villes
des morts » ne sont en réalité que les villes des vivants, tout à fait
semblables aux ruines de Nippur. Les grandes constructions en
terrasses à Surghul, Z A, II, p. 421 et suiv., ne sont pas des édifices
funéraires, mais des temples comme à Tello ; on y a même trouvé
122 SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

quelques fragments de statues d’un art identique à celui de Teilo


(p. 426). Les ruines de Sippar et de Bismaja n’avaient pas un autre
aspect; cf. § 385 note. Hilprecht a débuté parla même erreur en
prétendant que le temple de ISippur reposait sur une nécropole
archaïque, ce que démentent absolument les rapports et les dessins
plus exacts (§ 380 note). Mais comme les hypothèses fausses ont, en
général, une vitalité extrêmement tenace, l’idée de nécropoles d’in­
cinération babyloniennes et de combustion de cadavres revient
toujours ; elle a été exposée de nouveau comme un fait certain par
Zehnpfund (§ 369 note) et môme par Genouillac, Tablettes sumér.
archaïques (§ 389 note), p. l x . — Les conifères, qui sont souvent
représentés sur les cylindres de l’époque de Sarru-kîn et de Naràm-
Sin, n’ont poussé que dans les monts orientaux. Il y avait sans doute
des forêts dans le Sud à l’époque de Haminurabi encore : King, LIH ,
III, p. 53.

367. Le mobilier des villes de Sinéar est très primitif. Le


plus anciens vases étaient faits de lattes ou de feuilles de
roseaux enduites d’argile et entourées d’une corde épaisse. Les
plus anciennes couches de Nippur par exemple ont fourni des
copies en argile de ces objets, moitié grandeur d’homme. Puis
des jattes et des assiettes en argile et des objets en os et en
coquille. On a aussi fabriqué de bonne heure des vases de
pierre, mais ils n’atteignent pas la perfection des vases
d’Egypte ; la pierre étant très rare, on les considère comme
objets de prix que les princes offrent aux dieux en don précieux.
On leur offrait souvent aussi pour la môme raison de grands
blocs de pierre brute, comme ailleurs des musses de métal. On
tirait des pays voisins des pierres précieuses de toute couleur
qu’on assemblait en colliers ou en bracelets ; les plus pauvres
les remplaçaient par une parure de coquilles. Le silex qui pou­
vait être fréquent dans les alluVions est d’un usage courant;
on en façonnait des pointes de flèches à arête large comme en
Egypte, des haches, des pierres à aiguiser ou à moudre, ou des
ciseaux. On tirait encore des pays montagneux les métaux pré­
cieux, comme le cuivre elle bronze, convertis en armes, haches;
LES DÉBUTS DE LA C im iS A T IO N EN SINÉAR — § 367

et en ornements, surtout des bracelets. Dans les tombes les corps


sont ordinairement enveloppés dans des nattes de roseaux,
souvent enfermés dans de grossiers cercueils d’argile, toujours
dans la position accroupie. On trouve en fait d’accessoires des
coupes d’argile et des pots, parfois des vases de pierre, ainsi
que des hameçons, des pointes de lances et de flèches, des
haches de bronze, des colliers en pierres de diverses couleurs,
en coquilles et en verre fondu, puis des bracelets de bronze,
des bagues d’argent ou des vases en albâtre pour le fard, rare­
ment des boucles d’oreilles en or. Déjà dans les plus anciennes
couches de Tello on trouve des figures divines en bronze qui se
terminent en un long clou ; fixées notamment à une brique on
les enfouit dans les fondations des édifices pour les dédier et les
consolider pour toujours. Depuis les temps archaïques les mé­
taux précieux servent d’étalon. Sinéar est précisément un pays
très productif et très dense qui pouvait satisfaire ses besoins par
le commerce avec le voisin sans cultures et acquérir en outre
du butin dans les campagnes militaires. Mais, en revanche,
il avait à souffrir des incursions toujours répétées des tribus
voisines. Ainsi, dès le début nous entrons en contact avec une
vie commerciale excessivement active, qui, au moment de l’in­
vention de l'écriture, se présente à nous sous forme de nom­
breux documents privés concernant l’achat et le prêt, les fer­
mages ou locations de champs et de plantations, de maisons,
de travaux, des livraisons aux souverains et aux sanctuaires,
qui surprennent par leur abondance. Dans les villes dont la
situation était favorable, la population et le crédit du dieu local
se sont rapidement accrus. La petite chapelle de la divinité
était alors remplacée par un sanctuaire important, à plusieurs
chapelles, dont les murs de briques reposaient sur un fonde­
ment de pierres. Les cadeaux de toute sorte s’y entassaient : un
souverain ou un particulier aisé suspendait volontiers aux parois
du sanctuaire une petite tablette de pierre, en reconnaissance
de la bénédiction dont le dieu avait récompensé sa piété ; il est
lui-même figuré sur cet ex-voto, s’avançant respectueusement.
124 SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

ranimai du sacrifice sur le bras, vers l’image divine placée sur


un trône. Le fidèle est souvent conduit par le dieu tutélaire
(§ 374) qui veille spécialement sur sa vie et facilite ses relations
avec les autres dieux ; ou bien il se fait représenter en pierre et
érige sa statue devant le dieu pour éterniser la dévotion qu’il
lui témoigne et s’assurer ainsi en même temps sa bienveillance
durable (cf. § 374 a).
Malgré la trouvaille de ces objets épars les ruines de Sinéar
font une pauvre impression. Les pillages renouvelés du pays
par les Elamites et plus tard par les Assyriens en sont en partie
la cause ; il faut y ajouter la mauvaise qualité des matériaux
qu’on était obligé d’employer. Enfin, il faut tenir compte qu’un
culte des morts ne s’est pas développé en Babylonie comme en
Egypte, exigeant une décoration plus riche des tombes et des
dons précieux pour les morts ; au contraire, les tombeaux
restent toujours simples et misérables. Mais il y a des causes
plus profondes : il manque à la nationalité babylonienne, ce
qui forme un contraste frappant avec l’Egypte, non seulement
la vertu formatrice de l’Etat, capable de créer et de maintenir
les conditions essentielles au développement de la civilisation
(cf. § 419), mais aussi'le sens de l’organisation artistique de la
vie. Sans doute nous rencontrerons sous quelques souverains
puissants d’importantes créations d’art, surtout chez les Sé­
mites ; mais l’art n’a jamais embrassé ici comme en Egypte
toute la vie et tous les besoins de l’homme ; les artistes baby­
loniens n’ont pas su créer un mouvement artistique, où le sen­
timent populaire trouve sa vivante expression et qui puisse
donner à toutes les productions de l’esprit humain la forme
idéale que nous rencontrons de si bonne heure en Egypte et
dans le monde grec. Partout dominent les besoins les plus
immédiats et purement pratiques au-dessus desquels on ne
réussit à s’élever qu’en de rares occasions. Cela vaut pour
toutes les manifestations de la vie intellectuelle; la religion,
elle aussi, ne s’est guère épurée, et nous ne constatons en
Babylonie que les débuts d’une véritable littérature, qui, comme
LES DÉBUTS DE LA CIVILISATION EN SINÉ a R — § 368 125

chez les Egyptiens et les Israélites, dépasse les besoins immé­


diats de la vie et du culte.

368. La partie principale de Sinéar a sans doute été


pouvoir des Sumériens vers Tan 3000 ; il est impossible de dire
actuellement s’ils ont occupé alors tout le pays de manière
durable ou si plusieurs des localités qui nous paraissent pure­
ment sumériennes n’ont pas cependant une origine sémitique
(cf. § 362). On peut avancer en faveur de cette dernière hypo­
thèse que quelques-uns des dieux qui régnent dans ces villes,
comme le dieu Sinou Nannar d’Ur, paraissent être sémitiques.
Mais cette question se complique de façon étrange par le fait
que les signes d’écriture employés pour leurs noms sont très
souvent des idéogrammes, qui peuvent être lus aussi bien en
sumérien qu’en sémitique, et que, dans beaucoup de cas, nous
ne connaissons pas du tout ou tout au moins pas certainement
la véritable prononciation de ces noms ; nous ignorons encore
si cette dernière n’a pas varié à des époques déterminées. Ainsi
le dieu lune d’Ur est écrit avec les signes En-zu qui ne
rendent pas le nom sumérien, mais désignent ce dieu d’après
son attribut (« seigneur de la sagesse » ?) Le dieu soleil de
Larsa aura été suméiâen, avec le nom Babbar ou Utu, tandis que
celui de Sippar a pu toujoui’s s’appeler Samas. Seuls le progrès
des recherches pourra apporter quelques éclaircissements dans
ces questions et alors seulement nous réussirons à comprendre
historiquement l'histoire primitive de Sinéar et à régler la
question de l’origine des Sumériens. Gomme nous l’avons déjà
mentionné, ces derniers apparaissent sur leurs monuments
comme un peuple guerrier; ils ne combattent pas en ordre
dispersé comme les Sémites, mais s’élancent en phalanges
serrées sur le champ de bataille. Les grands boucliers carrés,
garnis de métal, qui couvrent tout le corps, forment une
muraille d’où émergent les lances, pointées en avant, des pre­
miers rangs. Un casque (de cuir?) à couvre-nuque protège la
tête. Les Sumériens portent encore la hache d’arme et le court
12 G SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

javelot. Eq outre, les souverains, et souvent aussi les dieux,


tiennent une faucille en métal, recourbée et tranchante, qui,
plus lard, se transforme en une sorte de sceptre. Les dieux
tiennent une masse à pommeau de pierre. Si nous avons h'i
les vestiges de l’armement le plus ancien et d’une tactique
sans ordre, l’arc par contre leur est totalement inconnu qui
forme, avec la lance, l’arme principale des Sémites et des tri­
bus montagnardes de l'Est. Ces derniers ont encore, comme
à rOuest (§ 167), des javelots et la hache d’arme. Chez les
Sumériens les hommes ont de bonne heure abandonné le port
des cheveux et de la barbe (§ 362) et à ce qu’il semble plus tôt
au Sud qu’au Nord {§ 384), tandis que les femmes portent une
longue chevelure comme en Egypte. Seul le roi Enannatum de
Lagas, et une fois aussi sa phalange en bataille, porte une
perruque, tandis que ses prédécesseurs déjà et tous ses succes­
seurs sont toujours représentés la tête rasée. Le seul vêtement
est un manteau de laine, à franges, couvrant la partie inférieure
du corps et les jambes; ils n’ont pas la moindre chaussure. Les
prêtres sont toujours nus s’ils se tiennent devant le dieu, ce qui
pourrait désigner un pays chaud comme lieu d’origine; les
prêtresses paraissent vêtues, déjà à l’époque archaïque, d’un
manteau jeté par dessus l’épaule gauche.

Le nom Sin doit être prononcé d'après les transcriptions Sîn en


Babylonie, Sîn en Assyrie. Sur la forme sumérienne du nom de Nan-
nar, voir Ungnad, Z A ., XXII, 11, 1 et une opinion différente Thu-
reau-Dangin, Recueil de travaux, XXXII, 44; la question de l’ori­
gine sumérienne ou sémitique de ces deux noms reste en suspens.
Les découvertes récentes sur la forme réelle des noms Kllil (lu jus­
qu'alors Bel, ^ 363 note), Nin-ib et Hadad (§ 396 note) ont montré
combien il est difficile de résoudre les problèmes posés par les noms
divins et leur prononciation. — Sur l ’habillement et l’armement,
voir Meyer, Sumer. u. Semiten. L’habitude de se raser la tête et la
barbe a été introduite, ici comme ailleurs, par le désir de se protéger
contre la vermine. Sur la faucille, que l’auteur a considérée fausse­
ment comme un bois recourbé, voir Heuzey, Armes royales chald.,
LES DÉBUTS DE LA CIVILISATION EN SINÉAR — § 369 127

dfins Comptfis-rendus Acad. Inscr., 1908, p. 415 et suiv. On a trouvé


dans un tombeau îi Telle deux faucilles semblables en cuivre, l’une
de forme ancienne et l’autre plus récente {Nouvelles Fouilles de Tello,
p. 128 et suiv.).

369. Les villes les plus importantes de Sinéar sont situées


au Sud, vers rembouchure de l’Euphrate et à l’époque archaï­
que, probablement à peu de distance de la mer, Ur (hébr.
auj. Muqaiyar), la ville du dieu lune Sin (En-zu, Nannar,
§ 368), et plus loin la ville d’Eridu, représentée probablement
par la grande ruine d’Abu Sahrein, au bord d’un contrefort du
désert dans un enfoncement qui formait alors sans doute une
anse de la mer. Eridu était célèbre par le culte du dieu des
eaux souterraines et de la mer, Ea (En-ki, § 370). Plus en
amont se trouve Uruk(hébr. G én., X, 10, avec une fausse
vocalisation Erek ; grec ’'Opyri, Strabon, XVI, 1, 6; Pline, VI,
123; auj. Warka) où siège une déesse de la génération et de
la vie sexuelle Nanai (Navaia, Innana, appelée simplement
d’ordinaire Istar « la déesse » par les Sémites, cf. § 373) ; puis
à l’Est de cette ville, sur un autre bras du fleuve, Larsa (bébr.
peut-être Gén., IV, 1 ; auj. Senkere), la ville du dieu
soleil (sumér. Utu, sémit. Samas). Sur les anciens bras de
l’Eiiphrate qui s’unissaient en partie à l’ancien bras principal
du Tigre (maintenant Satt el-Hài), sont de nombreux tells,
pour la plupart encore inexplorés. Nous ne pouvons donc pas
encore déterminer les anciennes localités qu’ils recouvrent,
ainsi le Tell Ilammâm et en dessous d’Ur la grande ruine Tell
Lafim. Les ruines de Tello à l’embouchure du Satt el-Hai, qui
recouvrent la vieille cité de Lagaâ (écrit Sir-pur-la) ont été les
plus riches en monuments. Le grand tell, situé beaucoup plus
au Nord-Est, Tell Surghul bien qu’ayant été fouillé, n’a pas
livré son ancien nom. Au-dessus de Tello, dans le Tell Djôba, ,
se trouvait Emma (écrit Gis-bu) puis, enfoncées dans les terres,
Adab (écrit Ucl-nun, auj. Bismaja), Suruppak (auj. Para),
Kisurra (auj. Abu Hatab). Nous ignorons la situation de beau-
SUMÉRIKNS ET SÉMITES EN SINÉAR

coup d’autres villes que les textes mentionnent, ainsi Kalnun


(peut-être Gén,^ X, 10). Au centre de Sinéar, sur l’an­
cien lit principal de l'Euphrate (auj. Satt en Nil), se trouvent
les ruines de Nippur, siège du principal dieu sumérien, Ellil.
A l’ouest Marad, résidence d’un dieu Lugal-Maradda, « roi de
Marad » ; plus au Nord, Kutha, ville du dieu à forme de lion,
Nergal, (auj. peut-être Tell Ibrahim) et sur le bras le plus occi­
dental de l’Euphrate Borsippa (Barsip) avec le dieu Nabû,
probablement d’origine sémitique. Dans son voisinage s’éleva
plus tard la ville sémitique Bâb-il (Babel) « la porte du dieu »
qui eut pour berceau le temple du dieu Marduk. Plus à l’Est
nous trouvons Kis (auj. Obeimir) et à l’extrême Nord à la
lisière du pays bas, au confluent de 1’'Adêm et du Tigre, Kis
ou Opis (Upi) (§ 381) dont l’importance à l’époque archaïque
ressort nettement de l’histoire de Sinéar et correspond à celle
de la ville double Akkad et Sippar (§ 392) dans le territoire de
l’Euphrate.

Pour les villes et les divinités locales, voir le mémoire exhaustif


sur l’ancienne géographie babylonienne dans Delilzsch, Wo lag das
Paradies, p. 169 et suiv. ; pour les lieux cités dans l’Ancien Testa­
ment, aussi Schrader, K A 7\ 2® éd. Nous n’avons aucune étude
complète groupant les renseignements nouveaux et les corrections
qu’ont apportées les 30 dernières années. Winckler (KAT“) ne four­
nit presque rien, mais Zimmera (KAT^) donne une étude complète et
sûre sur les cultes. — Résumé des explorations du pays et des
fouilles ; Hilprecht, Explorations in liible Lands, 1003. Orientation
sur les sites des ruines : Z^hnpfund, îîabylonien in d. wichligsten
Ruinenstâtien [der allé Orient^ 1910, 3) avec quelques données insou­
tenables (cf. par. ex. 360 note). Sur Warka et Senkere : Loftus,
Travels and Researches in Chaldaea and Susiona, 1837, sur Warka
encore 7’r. Soc. Lit. 2d sériés, VI, 1839; sur Muqaiyar et Abu Sahrein
(les données sur sa position ont été rectifiées par les Américains) :
Taylor, J R A S , XV. Pour Eridu et Abu Sahrein, cf. Zehnpfund dans
Hilprecht Anniversary Volume et les remarques de Frank, Z A , XXIV,
p. 377 et suiv. Sur d’autres lieux, § 314 note.
LA RELIGION SUMÉRIENNE — § 370

La religion sumérienne.

370. Le dieu principal des Sumériens est un dieu de Tatmos


phèrc, Lnlil ou Ellil (§ 362 note), « le Seigneur de l’ouragan »
qui s'avance dans le tourbillon, lixe le destin des hommes,
investit le souverain et décide du sort des batailles. Le grand
sanctuaire central de Nippur, la « ville d’Ellil », lui appartient.
Mais sa résidence habituelle est dans les monts orientaux : c’est
pourquoi il porte l’épithète « roi du pays montagneux » Lugal
Kurkurra, que les Sémites ont rendu par hèl m a tâ ti et expliqué
simplement par « Seigneur des pays », c’est-à-dire surtout de
la terre. A l’origine il n’a donc aucune habitation dans le pays
bas; aussi, afin de l'enchaîner de façon durable à son sanctuaire,
on lui a élevé de bonne heure à Nippur une montagne arti­
ficielle en briques (la pyramide du temple, comme on l’appellq,
sém. ziqqurrat) appelée ekur « maison-montagne ». Les an­
ciennes figurines de terre cuite le représentent avec une forte
chevelure et barbu. A ses cotés, son épouse Ninlil, déesse de la
génération et de la fertilité (Rêlit,,c.-a,-d. Ra'alat, § 347, pour les
Sémites). La « dame du mont » INinharsag lui est apparentée,
déesse d’Opis, qui trône sur les rochers de la montagne, figurée
avec une abondante chevelure, des tresses et un grand manteau.
Elle est « la mère des dieux », qui allaite « de son lait sacré »
ses enfants, les princes; plus lard, elle a été absorbée par
Ninlil-Bôlil. La déesse Ninâ joue un grand rôle, déesse des
puits et des cours d’eau, « dame du sort » qui prononce des
oracles comme le dieu de la mer Ea ; elle porte une fois aussi
le nom « dame de la montagne sainte ». Cette prédominance
caractéristique des dieux de la montagne semble prouver que
les Sumériens sont venus des monts orientaux. Ellil est le fils
du dieu du ciel Anu, père de tous les dieux, qui garde dans le
ciel la source de vie jaillissante (§ 36o), conduit le monde et
SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

fixe le destin en compagnie d’Ellil. C’est pourquoi Anu porte


aussi chez Lugalzaggisi le titre de « roi du pays (montagneux) ».
Mais à l’origine il joue un rôle aussi effacé dans le culte que le
dieu Rô' en Egypte avant la V* dynastie; il n’acquiert une situa­
tion importante qu’avec le royaume d’Akkad, car les Sémites
l’identifient évidemment avec leur dieu du ciel (§ 348). A côté
de ces divinités se groupent les nombreux dieux locaux, qui
sont pour leurs villes les puissances réellement agissantes,
quoique toujours placés sous la direction des grands dieux
principaux comme lesdynastes locaux sous le suzerain du pays.
Le dieu local le mieux connu est celui de Lagas (Tello), qui
porte le nom de Ningirsu « seigneur de Girsu », d’après le
plus ancien quartier de la ville, le « guerrier puissant d’El­
lil »; il s’avance sur la terre comme un roi, dans un char
attelé d’animaux fabuleux et il abat les ennemis avec sa masse
d’arme (§ 368). Nous possédons un grand nombre de poignées
de masses d’arme en pierre que les souverains lui ont vouées ;
elles sont toujours ornementées de ses animaux sacrés, le lion
et l’aigle. Les armes de la ville sont un aigle léontocéphale,
dont les serres reposent sur le dos de deux lions. Les armoiries
d’Umma (Djôfia), la ville voisine et la rivale de Lagas, sont
un aigle dont les serres saisissent des boucs, et celles de Suse,
un aigle enserrant un canard. L’épouse de Ningirsu est Bau, la
fille aînée d’Anu et « mère » des habitants de la ville, qui dis­
pense la fertilité et l’aisance. Les autres dieux locaux occupent
une position identique : aussi le dieu de Marad 369) et à
Suruppak un dieu qui porte le môme nom que la ville. Plu­
sieurs divinités ont en môme temps des fonctions universelles
et appartiennent donc à la religion du peuple sumérien tout
entier : ainsi le dieu Ea (En-ki) d’p]ridu, dieu des profondeurs
de la terre et des eaux souterraines, par suite de la mer. 11
connaît l’avenir et prononce des oracles, en particulier par le
roseau des marais. Citons <?ncore le dieu soleil de Larsa, le
dieu lune d’Ur et Nana d’Uruk. Les dieux locaux, qui pour
leurs adorateurs sont en première ligne les seigneurs des villes
LA RELIGION SUMÉRIENNE — § 371 131

citées, sont ici évidemment confondus avec les puissances


cosmiques ou physiques, comme on le rencontre en Egypte et
ailleurs.
L’étude de la religion primitive sumérienne en est encore à ses
débuts; Jastrow, die Religion Rahyl. u. Assyy\^ 1902 et suiv., résume
les données les plus importantes. Ea partie principale de l'ouvrage
est consacrée au tableau de la religion postérieure; Zimmern
aussi, AtI P , a restreint son sujet. Tous deux ont négligé les maté­
riaux fournis par les monuments, que Meyer a tenté d’utiliser,
Sumer. u. Semiten, 1906. Pour les inscriptions, le travail deThureau-
Dangin est naturellement fondamental (§ 314, note); le premier il
a dans bien des cas éclairci le célé religieux des textes. On trouvera
dans ces quatre ouvrages les documents sur lesquels se fondent les
§§ suivants. La manière dont Radau traite la religion sumérienne
en construisant une époque d’Anu, préhistorique, suivie d’une
époque d’Ellil {Hymns io Nlnib, R. E , vol. XXIX, 1) est insoute­
nable, car ses théories d’histoire des religions sont erronées. —
Les noms propres Ihéophores sont très importants pour l’établisse­
ment du panthéon; nous* en avons d'importantes séries provenant
du temps des royaumes d'Akkad et de Sumer et Akkad. Ordinaire­
ment, mais non pas toujours, nous pouvons distinguer les noms
sumériens des noms sémitiques ; cf. la collection faite avec soin de
E. Huber, Die Personennamen ans d. Zelt d. Koenige von Ut u . Nisln,
1907. — Pour Ellil, cf. § 362, note. L’auteur remarque encore ici
que Nin-ib et Adad ne sont pas de vieilles divinités sumériennes,
voir § 396. — Nin-harsag : de Sarzec et Heuzey, Découv. en Chnldée,
p. 209; Heuzey, Catalogue des Antlg. chald.^ n® 11; Meyer, Sumer.
u. Sem., p. 97. — Armoiries de Suse ; MDP, XIII {ArchéoL, V),
p. 42, pl. 28, 2 ; 31, 2; souvent l’aigle héraldique volant est repré­
senté seul sans les canards (pl. 18, 44, 6). Armes d’ümma en argile
au Musée de Berlin. Ainsi s’explique le vase d’Entemena [Découv.
pl. 43 bis; CaiaL, n® 218) où, sans l’aigle, les lions de Lagas
mordent les chèvres d’Umma.

371. Aux divinités principales sont associées beaucoup de


dieux secondaires, dieux ou déesses, auxquelles on construit
souvent une chapelle particulière, tandis que d’autres partagent
SUMERIENS ET SEMITES EN SINEAR

le temple du dieu principal. Leurs noms sont très souvent


formés avec Nin « seigneur, dame », la langue sumérienne ne
désignant pas le sexe. Ils sont fréquemment les enfants des
principaux dieux ou leur suite ; • car comme les souverains
terrestres les dieux ont des troupes nombreuses de serviteurs
qui exécutent leurs ordres, gardent leurs maisons et annoncent
les visiteurs, font paître ou attellent leurs ânes ou leurs ani­
maux fabuleux, labourent leurs champs, les divertissent pen­
dant le repas par de la musique. Plus la civilisation progresse,
plus s’accroît Je nombre de ces divinités et elles prennent de
plus en plus une physionomie individuelle et concrète. Il faut
ajouter encore les dieux qui régnent dans une sphère limitée de
l’espace, ou défendent les divers aspects de l’activité humaine ;
tels sont ceux qui accordent la fertilité aux plantes et la fécon­
dité aux animaux, octroient le souille de vie à l’homme, confient
au roi le sceptre et la puissance, ou initient les artisans, sur­
tout les forgerons, à leur art. Nous rencontrons souvent aussi
une déesse Ka-di (?), qui veille sur le droit. Le dieu du feu,
Gibil [Girru) que mentionnent surtout les textes magiques pos­
térieurs appartient à cette série. Les textes religieux citent
fréquemment deux grands groupes de dieux, les Anunnaki,
les puissances terrestres gouvernées parKllil, mais qui habitent
aussi les eaux vivifiantes des profondeurs souterraines, et les
Igigi du ciel, fa suite d’Anu, qui se révèlent surtout dans les
étoiles; les premiers sont souvent mentionnés dans les textes
de Gudéa, mais c’est un pur hasard que les Igigi n’appa­
raissent jamais dans les anciennes inscriptions. Car le destin
fixé parles dieux dépend de l’heure propice qui se révèle par
une quantité d’autres signes (§ 374), mais aussi par la posi­
tion des étoiles. Les épithètes des dieux et les inscriptions
connues n’en font assurément mention qu’une seule fois,
lorsque Nisaba, déesse de la végétation adorée à Umma (§373),
apparaît en songe à Gudéa. Sœur de la déesse des oracles Nina
de Tello, Nisaba connaît « la bonne étoile » et l’a fixée avec le
calame sur une tablette d’argile ; elle sait de même le sens des
LA RELIGION SUMÉRIENNE — § 371 133

chiiïres exacts et des mesures précises et elle ouvre l’enlende-


ment du souverain afin qu’il puisse le saisir. Ces représenta­
tions remontent à une époque très ancienne puisque l’emploi
de l’étoile comme signe pour « dieu » est déjà en usage dans
l’écriture archaïque ; mais elles ne sont pas pour cela dévelop­
pées et organisées en système. L’interprétation des étoiles et
même la supputation d’après les étoiles des heures favorables
n'apparaît dans aucun texte du ni* et du ii* millénaires, même
pas dans le rapport complet de Gudéa sur la pose de la pierre
de fondation et la dédicace du temple qu’il a construit. Donc
l’opinion très répandue, que la religion sumérienne serait un
développement du culte des astres, ne peut se soutenir : chez
les Sumériens aussi, les dieux sont les grandes puissances qui
dominent la vie terrestre. Aussi habitent-ils avant tout sur la
terre et agissent-ils sur la terre, bien qu’ils résident en même
temps au ciel et dans les étoiles. De bonne heure cependant
on a mis en relation Nanai-lstar, la déesse de la vie sexuelle,
avec la planète Vénus (§ 373) ; c’est pourquoi, déjà chez
Gudéa et Anubanini, une étoile entourée d’un disque rayon­
nant est dressée sur une perche devant elle. Mais Tassociation
des dieux avec des étoiles particulières et déterminées n’est
qu’un produit secondaire des spéculations théologiques ; à
l’époque chaldéennc seulement, au premier millénaire, ces
conceptions et avec elles l’astrologie arrivent à leur complet
développement (§ 427).

Les passages importants de Gudéa sont : Cylindre A, 4, 26 ; 3, 22


et suiv. ; 9, 10; 17, 15; 19, 21. — Quelques textes (Zimmern, ATA7’%
p. 426 et suiv.; Kugler, Slern/citnde, I, p. 225, 243 et suiv.) semblent
mettre Istar en relation avec Sirius; on pourrait penser que l’idée
est primitive. L’auteur tient pour impossible cependant une origine
astrale du mythe de la Descente aux enfers de la déesse ou du mythe
de Tainmûz, ce qu’admet Kugler avec beaucoup d’autres savants.
— 11 est étonnant que la figure d’Orion paraisse inconnue en Baby-
lonie, tandis que celte constellation, avec Sirius, joue un grand
rôle dans les textes funéraires égyptiens dès l’époque archaïque;
SUMERIENS ET SEMITES EN SINEAR

les Grecs aussi, comme on le sait, l'ont rapidement mise à pari. La


même remarque vaut pour la Grande Ourse. — D’ailleurs voir plus
loin, S 427.

372. Le panthéon sumérien est d'autant plus considérab


qu’il n’existe aucune limite rigoureuse entre les dieux et le
monde des esprits d’où sortent beaucoup d’ôtres particuliers, ou
de groupes d’êtres de forme bien déterminée, qui servent à la
magie et sont môme invoqués dans le culte. En tant que puis­
sances hostiles qui envoient la disette, les maladies ou la mort,
ils sont apaisés et rendus inoffensifs par des incantations. Les
dieux sont souvent mis en relation avec les animaux : ainsi
Nergal de Kutha est un lion farouche qui dans sa colère envoie
la peste et la mort. Le lion et l'aigle sont les animaux sacrés de
Ningirsu de Tello (§ 370) et tous deux sont fondus en un seul
être composé. De môme Ëa, le dieu de la mer, est représenté
comme un être hybride mi-bouc, mi-poisson (§ 427), d’après
une idée qui n’apparaît que tardivement, il est vrai, quoique
fort ancienne. On trouve souvent parmi les divinités secondaires
et les démons des ligures étranges (cf. § 364) : taureaux au corps
humain, oiseaux à tôte d’homme, dragons composés de serpent,
d’aigle, de lion et de scorpion. Ce dragon est l’animal du dieu
Ningiszida qui siège dans le monde souterrain, mais en sort
apportant le salut comme le soleil, et ménage les relations des
hommes avec les dieux. Le dragon l’accompagne sur sa routé;
mais en même temps, d’après une notion antique et caractéris­
tique de l’esprit et de l’art sumériens, deux dragons surgissent
de ses épaules. Le panthéon sumérien connaît aussi un dieu à
deux visages qui se sont développés en môme temps sur son
occiput à la manière de Janus. Une déesse, probablement
Ninlil-Bôlit, est assise sur un oiseau (une oie? § 373). Divers
dieux sont en relation avec des arbres et des plantes. Ordinai­
rement les dieux se distinguent surtout par l’ornement de leur
tôte, les diverses couronnes qu’ils portent. La couronne à cornes
est très répandue chez les dieux et les démons; c’est un cercle.
LA RELIGION SUMÉRIENNE — § 373

auquel sont fixées deux cornes de bovidés, posé autour d’un


bourrelet; les dieux principaux ont quatre cornes semblables
superposées.
Au reste nous avons déjà indiqué (§§ 362.368) le degré d’in-
lluence sémitique que trahissent ces dieux et leurs représenta­
tions plastiques et comment ils reposent en partie probable­
ment sur d’anciens cultes sémitiques.

373. Le caractère guerrier prédomine chez beaucoup de dieu


principaux, comme chez Ningirsu de Tello (§ 370). Ils luttent
tous pour la communauté qui les honore et ils prennent comme
des bêtes sauvages ou du poisson dans un grand filet, les enne­
mis qui ont violé leur serment. Eannatum note et représente
une telle scène sur la « Stèle des Vautours » (§ 387); le texte
énumère en ordre le filet d’Ellil, de Ninharsag, d’Ea (Enki), du
dieu lune (Enzu, Sin), du dieu soleil (Babbar, Utu), de Ninki.
Celte conception doit provenir du temps où les Sumériens
étaient encore réellement un peuple de chasseurs. Mais ils
devinrent un peuple guerrier de paysans, c'est pourquoi le
souci de l’irrigation, de la croissance et de la fertilité des
plantes joue aussi un rôle très important dans le culte (voir
§ 363). Ils adorent une déesse de la végétation (Nisaba); de ses
épaules sortent les attributs dans lesquels elle se manifeste,
rameaux et boutons de fleurs; elle habile les fourrés de roseaux
des marais, mais elle fait aussi prospérer les champs de blé et,
en même temps, comme dame du calame, elle est la déesse de
la science et des nombres, qui connaît aussi l’heure propice
des étoiles (§ 371).
La vie sexuelle a une place importante dans la religion et le
culte. La déesse Ninlil-Bêlit de Nippur est représentée par de
nombreuses figurines en terre cuite qui lui sont dédiées, ou
servaient peut-être ^ protéger les habitations : femme nue, dont
les parties naturelles sont dessinées par un grand triangle, les
seins gonflés qu’elle presse de ses mains, la chevelure abon­
dante et une parure de colliers et d’anneaux d’oreilles en spi-
SUMERIENS ET SEMITES EN SINEAR

raies. Quelques-unes sont excessivement anciennes, mais elles


se sont conservées presque sans clianjjement jusqu’à l’époque
grecque et se sont répandues Tort loin, surtout à Chypre.
Nanai-Istar d’Uruk est représentée de la môme manière. On
racontait diverses légendes sur scs amours; son favori fut
Duiniizi (Tammiiz, plus tard prononcé Dûzi en babylonien), le
dieu qui, comme Adonis (i; 357, cf. 490) est ravi dans la tleur
de sa beauté en plein été (juillet). Si la végétation souffre alors
de la sécheresse, c’est que la déesse se rend elle-môme dans les
enfers et y est maintenue par la déesse hostile Ereskigal. Toute
vie d’amour, toute naissance s’arrête alors sur la terre jusqu’à ce
que les grands dieux obtiennent la mise en liberté de la déesse.
La prostitution de filles et de garçons est liée à son culte.
Hérodote (I, 199) nous a conservé la description du rite; chaque
jeune fille devait offrir en sacrifice sa virginité à la déesse
(qu’il nomme « Mylitta », c’est-à-dire peut-être « celle qui
enfante ») et, devenue nubile, se donner une fois à un étranger
dans son temple. Cette coutume était très répandue, notam­
ment en Asie-Mineure (§§ 345.487). D’autres déesses présentent
le même caractère, ainsi Minmah (une forme secondaire de la
déesse de la Montagne, Ninharsag, § 370). Un relief archaïque
de Nippur montre une déesse assise sur un oiseau, tenant une
coupe d’une main, devant elle est un vase rempli de tleurs et,
semble-t-il, la figure d’une femme qui enfante. Les déesses
sont souvent invoquées comme « mère », par exemple Bau
(§ 370), Galumdug (prononciation incertaine), Ningal épouse
du dieu lune d’Ur; elles ont été considérées comme les aïeules
du genre humain ou plutôt des habitants de leur Etat. On
ignore si l’identification de la déesse d’üruk avec l’étoile Vénus
(§ 371) a quelque rapport avec les amours nocturnes.

Sur Istar-Nanai, cf. Zimmern, A 'TP, p. 4“20 et suiv. ; la prosti­


tution p. 422 et suiv. Sur les diverses manières d’écrire le nom
(idéogr. RI) Ninni, Innina, Innana, Nana, cf. Thureau-Dangin, Iles-
titution maiér. de la Stèle des Vautours, p. 44, 1. Si dans une date
LA RELIGION SUMÉRIENNE — § 374

de Mammurabi (King, LIH, p. 237, G7) et chez Rîin-Siii (Canéphore B)


la déesse FlI est dislinjijuée de Nanaia, on peut d'autant moins en
tirer un argument que l’idéogramme doit probablement se lire Islar.
Le nom Navata'est conservé Maccahées, II, 1,13, puis chez les Syriens
et les Arméniens (cf. § 477 note) et reparaît sur des monnaies indo-
scyüies, cf. G. Hoffmann, Auszüge ans syrischen Akten persischer
Mariyrer, p. 130 et suiv. La déesse guerrière assyrienne Istar n’a
rien à voir avec la déesse sumérienne, mais est la déesse locale
sémitique de Ninive et d’Arbèles. Plusieurs archéologues ont
récemment nié à lorl l’origine babylonienne de la déesse nue de la
vie sexuelle ; on trouve déjà à une très haute époque les figurines
de terre cuite à Nippur : Hilprecht, Explor. in Bible Lands, p. 343;
de même àTello; Heuzey, Calai, antiq. cliald., p. 348 et à Abu
Hatab : MDOG, 17, 18; cf. Heuzey, Iteo. ArchéoL, 1880; Les origines
orient, de l'art., p. 1 et suiv. — Nisaba : Thureau-Dangin, Nouvelles
houilles de Tello, p. 171 et suiv. (avant : iiev. d'Assyr., VII, p. 107
et suiv.) ; le fragment publié par Meyer, Sumer. u. Sem., p. 23 et
suiv. représente aussi cette déesse et non Istar, comme l’auteur le
croyait d’abord. — L’ancien relief de Nippur dans Hilprecht, op. cit.,
p. 475; Meyer, op. cit., p. 98 et suiv. — Pour Tammêz, cf. Zimmern,
Sumer. babyl. Tamûzlieder, dans Ber. Sachs. Ges., 1907; der babyl.
Gott Tamûz., dans Abh. Sachs. Ges., XXVII, 1909. — Ereskigal se
rencontre souvent sous la forme Epea/i'i-aX dans des formules
magiques et les tablettes d’imprécation (v. Index de Wünsch, De/ix.
Tabell. Alticae, p. 31-32; tablette de Carthage, Bhein. Muséum,
33,230; puis dans un papyrus magique démotique et en transcrip­
tion grecque, Griffith et Thompson, The démolie mag. pap., p. 60 et
pl. 7, 26) ; Ningal dans un texte magique égyptien du Nouvel Empire,
Gardiner, Aeg. Zeilschr., 43, 97.

37i. La position dominante de la religion est encore plus


évidente dans la vie des Sumériens et dans les manifestations
de leur civilisation que sous les Thinites ou les pharaons de
l'Ancien Empire : car il manque ici le contrepoids que crée en
Egypte la divinisation des rois et la préoccupation de perpé­
tuer la vie après la mort. P]n Sinéar aussi les souverains sont
chéris des dieux, nourris de lait sacré aux seins des déesses,
SUMERIENS ET SEMITES EN SINEAR

élus par les dieux et nommés d’un nom, doués de force et


d’entendement, conduits et protégés dans tous leurs actes;
mais ils ne sont pas dieux eux-mêmes, seulement prêtres et
représentants terrestres de divinités. C’est pourquoi, aussi bien
chez les princes locaux que chez les rois suzerains, tout
autrement que chez les pharaons, les titres sacerdotaux et les
fonctions de prêtre sont au tout premier plan et souvent exclu­
sivement mentionnés. Les inscriptions relèvent que le princi­
pal devoir qui leur incombe est le soin du culte, la construction
et l’embellissement des sanctuaires. Tandis que les grands
monuments de l’ancienne Egypte sont les constructions funé­
raires des rois et de leurs fonctionnaires, ceux de Sinéar ne
sont presque uniquement que des te'mples et des ex-voto. Toute
la vie est sous l’inlluence de considérations religieuses. Sans
cesse les dieux donnent aux hommes des instructions sur ce
qu’ils ont à faire pour s’assurer leur grâce, tourner le destin en
leur faveur et choisir l’heure propice. Ce sont des oracles et des
présages de toute sorte, qui s’expriment par des lignes tracées
sur une brique façonnée dans certaines cérémonies, spéciale­
ment la pierre de fondement des temples, ou par le mouvement
et le bruissement du roseau par. exemple. L’oracle d’Ea à
Eridu jouit d’un crédit particulier ; mais Ninà, ou Nisaba par
exemple, dévoilent l’avenir et interprètent les songes. Les for­
mules des devins et des augures, des conjuraleurs et des
exorcistes et les hymnes du culte avec action magique, qui
nous sont conservés en si grand nombre dans la littérature
postérieure, touchent sans doute par leurs racines à l’époque
sumérienne la plus ancienne ; ils ont été certainement utilisés
à la cour d’Eannatum et de Lugalzaggisi comme plus tard sous
Sarru-kîn, Hammurabi ou les rois d’Assyrie.
Ce rituel ne fixe pas seulement les actions du souverain,
mais aussi celles de chaque particulier. On consulte l’oracle et
et on utilise les formules magiques etficaces pour chaque entre­
prise. Une conception spécifiquement sumérienne est que tout
homme, roi ou simple particulier, est placé sous la protection
LA RELIGION SUMÉRIENNE — § 374 &

d’un dieu tulélaire spécial, qui appartient au cycle des grands


dieux, mais se trouve avec l’individu dans une relalion spé­
ciale qui.est ordinairement héréditaire dans la famille (ainsi le
dieu Dun — ? protecteur du roi dans la plus ancienne dynastie
de Lagas). C’est pourquoi sur les anciennes tablettes votives
dressées dans les temples (§ 367) et plus tard sur les cylindres-
cachets le dieu tulélaire ou la déesse protectrice saisissent
ordinairement l’adorateur par la main et le conduisent au dieu
principal assis sur un trône, soit pour lui offrir un animal en
sacrifice, soit simplement pour l’approcher et l’adorer, soit pour
lui demander une faveur, surtout l’eau qui assure la vie.

374 a. Toute cette dévotion pour les dieux et cette soumis­


sion à leurs ordres ne procure guère de secours qui dépas­
sent les nécessités de l’existence. Le destin incalculable est
suspendu continuellement sur la vie terrestre. Toute recherche
ardente du signe qui manifeste la volonté divine, toute obser­
vance rigoureuse du rituel ne donnent encore aucune certi­
tude que les dieux n’ont pas été blessés inconsciemment,
que leur caprice ne se détourne pas, ni que le Dieu tutélaire ne
soit pas maîtrisé par un autre plus puissant et ne doive céder,
et qu’ainsi le malheur n’éclate malgré toutes les précautions
prises. Après la vie terrestre vient la mort et l’existence sans
consolation de Tàme dans le royaume des ténèbres et de la
poussière. La conception à laquelle ont abouti les Egyptiens,
de délivrer l’esprit du mort par un charme et de prolonger
artificiellement pour l'éternité la vie terrestre, est bien loin de
la pensée du Sémite et du Sumérien. Le jugement sain et
positif de ces derniers considère toujours les faits d’expérience
pour ce qu’ils sont — les omina et les prescriptions rituelles
ainsi que leur efficacité sont aussi des faits d’expérience —,
tandis que les Egyptiens remplacent les faits par un produit
de leur imagination. Ainsi un culte des morts ne s’est pas plus
développé en Sinéar que dans le monde sémitique; les funé­
railles sont tout-à fait simples. Lorsque le corps est enterré
SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

avec un viatique de nourriture et de boisson et quelques autres


objets, le tout placé souvent sous un couvercle ou dans un
cercueil d’argile, et que la lamentation funèbre des parents a
expiré doucement, alors l’âme, considérée ici aussi sous une
forme d’oiseau, entre dans le royaume souterrain. Si le corps
ne reçoit aucune sépulture Tàme ne peut naturellement pas
rester en repos, cardans la pensée mythique le lien de l’âme
et du corps subsiste toujours malgré la séparation. Cependant
celui qui tombe sur les champs de bataille a un sort un peu
plus enviable — son père et sa mère tiennent sa tête, sa
femme est penchée sur lui » — il gît sur un lit de repos et
boit de l’eau pure; et celui auquel ses descendants apportent
chaque mois l’olfrande funéraire ne se nourrit pas des détritus
du chemin comme les abandonnés. Mais l’existence de toutes
les âmes est pleine de lamentations, comme chez Homère, et
il n’y a pas de chemin qui conduise hors « du pays sans
retour ». Eres Kigal a bien dû, il est vrai, donner la liberté à
la déesse Nanai-lstar (§ 373), mais les gardiens des sept portes
de son royaume ne laissent sortir aucune âme humaine.
L’usage d’ériger dans les temples des statues de rois, de
personnes de marque ou simplement riches (§ 367) aurait pu
conduire dans la voie suivie par les Égyptiens. Ainsi, en elfet,
on éternisait non seulement leur piété et leur adoration pour
le dieu, mais en môme temps leur nom et leur ligure. La
statue devient ainsi on quelque sorte un double de l’homme
qui survit à son existence terrestre ; nous voyons aussi qu’on
offrait la nourriture du sacrifice à ces statues des siècles encore
après la mort (§ 384). Ces coutumes paraissent avoir eu
quelque importance pour la formation du culte des rois qui a
pris corps plus tard, pendant un certain temps. Ce culte se
trouve ainsi en relation avec l'adoration de leurs statues
(§ 408); mais cela n’a pas conduit à la formation d’une doc­
trine de l’immortalité.
Ainsi un esprit d’un caractère tout à la fois anxieux et pes­
simiste traverse la conception de la vie en Sinéar, on ne peut
LA RELIGION SUMÉRIENNE — § 375

jamais ôlre réellement joyeux de l’existence. Gela résulte de


l’observation minutieuse du cérémonial, par exemple dans les
grandes inscriptions des cylindres de Guééa, et nous le cons­
taterons partout dans les mythes et les légendes.
Pour les représentations du monde souterrain, voir les renseigne­
ments que donnent les tablettes 3 et 12 de l’épopée de Gilgames ou
la descente d’Istar aux enfers; cf. Zimmern, KAT^, p. 635 et suiv.,
Ofîrondes funéraires mensuelles : Thureau-Dangin, dans Hilprecht
Anmversary volume, p. 160 et suiv.

375. Les conceptions populaires trouvent leur expression


dans les mythes, par exemple les essais de comprendre les
problèmes des apparitions particulières et de les condenser en
une représentation du monde. Nous' avons déjà mentionné
plusieurs de ces mythes, comme les récits des temps primitifs,
lorsqu’Ellil, le puissant guerrier, dompta le monslre géant
Tiùmat, sépara l’eau du ciel et de la terre et donna une forme
à la terre. Bien que cette légende, rapportée dans la suite à
Marduk de Babylone, ne soit pas mentionnée dans les textes
anciens, elle est cependant très vieille. Nous avons rencontré
encore les mythes des êtres primitifs et monstrueux, du grand
déluge qui anéantit un jour la race humaine (§ 365); le
mythe de Nanai et Tamûz eide leur voyage dans le royaume
des morts (§ 373). Une légende, souvent reproduite sur des
cylindres-cachets datant des rois de Sumer et d'Akkad, raconte
qu’un berger Elana, afin de se procurer l’herbe de salut pour
ses brebis frappées de stérilité, monta vers le ciel sur le dos
d’un aigle, mais s’abattit hrusquement dans le vide alors qu’il
touchait au but. Beaucoup d’autres contes plus ou moins
semblables se préoccupent du destin de l’humanité : s'il n’y
avait pas la mort, les hommes pourraient être semblables aux
dieux. C’est ainsi que le fils d’Ea, le héros Adapa, est cité par
le dieu du ciel Anu devant son trône, pour avoir dans sa colère
brisé les ailes du vent destructeur du Sud qui avait fait chavirer
sa barque un jour de pêche sur la mer. Anu veut le tuer, mais,
SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINEAR

touché de compassion, sur l'intercession de Tamîiz et de Nin-


gièzida, il lui offre le pain el Teau qui procure la vie éternelle.
Adapa cependant, prévenu par Ea, dédaigne le repas et ainsi la
vie éternelle lui échappe à lui et à toute la race humaine. Le
héros du déluge, Atrahasis (Xisuthros), « le très avisé », est
enlevé par les dieux au loin et reçoit en cadeau l’immortalité,
ainsi que sa femme. Cependant le puissant héros d’Uruk
Gilgames (Elien, Hist. Anim.^ 42, 24 : r0.va|i.o; ; écrit Gis-tu-
bar, lu faussement d’abord Nimrod, § 364 note), qui avait
maîtrisé de nombreux monstres et vaincu le prince ennemi,
Humbaba d’Elam, dans les monts de l’Est, qui avait aussi
résisté victorieusement aux sollicitations de Nanai, perdit
pourtant le salut par sa faute, après avoir abattu le puissant
taureau céleste et acquis l’eau jaillissante (et la plante de vie?)
qui assure la vie éternelle; il semble l’avoir donnée à boire
au taureau céleste. C’est pourquoi, malgré tous ses exploits,
le héros doit souffrir la mort, comme avant lui son fidèle com­
pagnon Ea-Bani (sumér. En-gi-du), l'homme-taureau. Depuis
Sargon (Sarru-kîn), Gilgames et ses exploits sont fréquem­
ment représentés sur les cylindres; il a toujours l’aspect d’un
géant, nu, vêtu seulement d'une ceinture autour des reins, les
cheveux bouclés et une barbe fournie, avec des traits sémiti­
ques évidents. Eabani est un être composite, avec le haut du
corps d’un homme, les jambes et la queue d’un taureau, barbu,
avec des cornes ou une couronne cornue. Les figures légen­
daires, Etana par exemple, sont toujours représentées comme
des Sémites sur les cylindres sumériens du royaume de Sumer
et d’Akkad, les dieux aussi (^ 362). Plusieurs noms encore
sont sémitiques, comme Atrahasis ou Utnapistim {Samas-
napistim), l’appellation la plus fréquente du héros du déluge;
l’origine du nom de Gilgames est, par contre, tout à fait
obscure. Donc ces légendes témoignent d’une forte influence
sémitique, sans compter qu’elles ne nous sont connues que
dans des textes sémitiques. Mais nous ne pouvons pas encore
préciser l’étendue des traditions et des conceptions purement
l ’é c r i t u r e — § 376

sumériennes qui se sont conservées dans leur forme la plus


ancienne.
Sur la littérature légendaire, voir surtout Jensen, Kosmol. der
Babylonier, 1890 et son interprétation approfondie de ces textes,
KH, VI, comme aussi Zimmern, KAT^, p. 488 et suiv., puis
Gressmann, Allor. Texte u. B'üder (§ l o i note). Nouveaux fragments
du mythe d’Etana : Jastrow, JAO S, XXX, p. 101 et suiv. — La forme
la plus ancienne de l'épopée de Gilgames peut être éclaircie, pour
quelques traits du moins, par les représentations figurées; cf.
Meyer, Suin. u. Sem., p. 48 et suiv. Il faut se garder soigneusement
des explications solaires et astrales si répandues; l’opinion qui a eu
cours un certain temps que Gilgames serait un héros solaire,
manque de tout fondement dans la tradition, pour ne pas parler des
fantaisies exagérées de Jensen, das Gilgameschepos hi der Welllite-
ratur, 1 ,1906. Voir maintenant la traduction et l’explication de l'épo­
pée de Gilgames par Ungnad et Gressman, 1911, puis H. Schneider,
Zwei Aufsàtze z u t Religionsgesch. Vorderasiens^ 2. die Eniwicklung
d. Gilgameschepos^ 1909. H. Prinz et Gressmann [loc. cit., p. 96)
contestent que les figures nues des cylindres repré.sentent Gilgames
et Eabani.

L’invention de Técritiire,

376. Le moment décisif de l’élaboration d'une civilisation


élevée et durable, avec des traditions fermes, est aussi marqué
chez les Sumériens par l’invention de l’écrilure ; c’est là sans
aucun doute leur propriété exclusive qui n’a pas été influencée
par les Sémites. Comme l’écriture égyptienne et chinoise, celle
des Sumériens est née de l’image figurée d’objets particuliers
et de certains actes qui ont servi à noter une idée, un
mot et enfin un groupe de sons sans aucun rapport avec le
sens primitif. Les premières étapes de l’écriture n’ont pas dû
manquer aux Sumériens, comme nous le constatons sur
d’anciennes pierres à broyer le fard d’Egypte (§ 201), où un
l4 4 SUMKRIENS ET SEMITES EN SINEAR

dessin figure symboliquement un événement et doit être con­


verti en mots pour être compris. En somme, l'image ici sert à
exprimer imparfaitement des phrases et ne peut pas fixer de
façon durable le souvenir d’antécédents déterminés. Jusqu’à
maintenant, cependant, on n’a trouvé aucun monument de ce
stade du développement de l'écriture, ni des suivants; les plus
anciens documents conservés attestent déjà que le système
d’écriture est tout à fait constitué. Si les principes fondamen­
taux des écritures égyptiennes et babyloniennes sont les
mêmes, — emploi simultané du sens idéographique (abstrait)
et phonétique des signes, ainsi que l’usage de signes pour des
mots et des syllabes, celui de signes explicatifs de lecture, qui
ne doivent pas être prononcés (1) — deux difTérences caracté­
ristiques ressortent dès l’abord : le nombre des signes picto­
graphiques est bien moindre dans l'écriture sumérienne que
dans l'égyptienne, et la première a moins bien réussi à rendre
d’une manière figurée et symbolique les abstractions et les
actions. iMais elle a très rapidement remplacé par une cursive
la pure écriture figurée ou hiéroglyphique. Car en Jlabylonîe
on emploie principalement pour écrire l’argile tendre sur
laquelle on trace les signes au moyen d’un style (on n’emploie
la pierre précieuse que pour des ex-voto et des monuments
royaux). Par suite, dans cette cursive les images se transfor­
ment en figures anguleuses, composées de traits et cela d'au­
tant plus facilement que l'art du scribe était encore à ses
premiers et grossiers débuts en Sinéar, ce qui n’était pas le
cas en Egypte. Dans ce dernier pays, en effet, on a maintenu
toujours à côté de la cursive (hiératique) et pour l’écriture
monumentale, la forme primitive des signes soigneusement,
môme artistement exécutés (hiéroglyphes). En Sinéar, par
contre, on délaisse complètement les hiéroglyphes; les signes

(1) Ces d e rn ie r s s o n t m o in s n o m b r e u x e n s u m é r ie n q u ’e n é g y p tie n , e t, à p a r t


q u e lq u e s e x c e p tio n s c o m m e le d é te r m in a tif k i a jo u té a u x n o m s de lie u x e t de
c o n tré e s , ils p r é c è d e n t to u jo u r s le m o t.
l ’in v e n t io n de l ’é c r i t u r e — s 376

d’écriture se déforment en combinaisons de traits (1) qui


paraissent arbitraires car l’image primitive transparaît à peine
ou même plus du tout. Celte différence n'est pas seulement
externe, elle affecte aussi l’essence intime de l’écriture : l’écri­
ture sumérienne perd rapidement, à l’inverse de l’Egypte, toute
relation avec l’art figuré et elle acquiert une vie propre. C’est
ce qui a permis de composer de nombreux signes graphiques
nouveaux, qui n’ont plus aucune base figurée et comblent ainsi
les vides du système hiéroglyphique le plus primitif. Ces signes
secondaires sont formés soit par la différenciation des anciens,
en introduisant plusieurs traits par exemple qui fortifient ou
changent le sens (appelé gum\ par les grammairiens assyriens),
ou par la combinaison de plusieurs signes. Ces combinaisons
résultent fréquemment de jeux naïfs sur le sens ou l’asson-
nance des mots à écrire. Dans les noms propres on avait
souvent recours à des transcriptions n’ayant rien à voir avec
les sons des mots parlés : ainsi En-zu « seigneur de la sagesse »
pour le dieu lune, Ne-unu-gal « seigneur de la grande
demeure » pour Nergal (de môme plus tard Amar-ad « fils du
soleil » (?) pour Marduk, dingir-pa « seigneur du style » pour
Nabû, etc.), Ellil-ki « lieu d’Ellil « pour Nippur, Unu-ki
« demeure » pour Üruk, Kiengi « pays » pour Sumer, Sirpurla
ou Sirlapur, pour Lagas et ainsi de suite. Ces jeux de mots ont
été ardemment cultivés aussi par les scribes postérieurs, ils
sont cause de notre ignorance des vrais noms de beaucoup de
dieux et de personnes ainsi que de la nécessité où nous
sommes de nous contenter de la simple transcription des
signes syllabiques, bien que nous sachions que le nom n’a
jamais été prononcé de cette manière.
La grande découverte des Egyptiens à savoir que toute
parole humaine consiste dans la combinaison de quelques sons.

(1) S u r l ’a rg ile c e s tr a i ts o n t p e u à p e u affecté la fo rm e d e c lo u s, q u i o n t é té


f in a le m e n t e m p lo y é s s u r le s m o n u m e n ts d e p ie rr e , m a is s e u le m e n t b e a u c o u p
p lu s ta r d .
SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

et la fixation de ceux-ci par de simples signes alphabétiques


est restée complètement ignorée des Babyloniens. Les signes
d’écriture les plus élémentaires qu'ils possèdent notent tou­
jours la consonne précédée ou suivie d’une voyelle. Ce n’est
qu’asse/ tard que les Sémites babyloniens parvinrent à décom­
poser chaque mot en syllabes simples, comme ba + at = bat,
et restreindre considérablement l’emploi des signes syllabiques
compliqués, des signes représentant des mots et des idéo­
grammes.

Les savants indigènes postérieurs ont encore des connaissances


exactes sur l’origine de l’écriture, comme le montrent des tabletles
avec explications de signes hiéroglyphiques simples; Oppert en a
tiré des conclusions justes, comme aussi de quelques inscriptions
archaïques alors connues : E xpM . en Mésopotamie, II, p. G3. —
Fr. Delitzsch, Die Entstehung des altesten Schriflsgstems, 1890 (et
Der. Sachs. Ges., 1896) a réellement hâté la solution du problème
de l’origine des signes simples, malgré quelques explications très
douteuses qui ont donné lieu à de violentes attaques. Depuis, les
matériaux se sont considérablement accrus (cf. § 378 note). On ne
peu plus contester aujourd'hui que la position verticale est primitive
pour tous les signes, avec une direction de droite à gauche; ensuite
on écrivit en longues lignes de gauche à droite et les signes furent
retournés. — Sur la technique, cf. Messerschmidt, Z u r Technik d.
Tontafelschreibens, 1907.

377. Les Sumériens, comme les Egyptiens dans la plupar


des cas, placent les signes les uns sous les autres en colonnes
verticales ; là où plusieurs signes sont les uns à côtés des autres,
ils se suivent de droite à gauche. Mais, à l’inverse de l’écriture
égyptienne, les colonnes sont petites et ne contiennent toujours
qu’un mot ou un groupe de mots formant un tout. Plusieurs
de ces colonnes sont alors rangées l’une contre l’autre de droite
à gauche en une ligne, au-dessous s’insère une nouvelle série
de colonnes formant la deuxième ligne. Aussitôt qtie l'écriture
eut été inventée, elle trouva comme en Egypte de multiples
l ’in v e n t io n de l ’é c r i t u r e — s 377 iil

applications. Nous ne pouvons pas douter qu’en Sinéar, déjà


dans les plus anciens Etats connus, toutes les adaires adminis­
tratives ne fussent mises par écrit et que tout événement de
quelque importance ne fût noté. Antérieurs aux documents
royaux sont les nombreux documents privés (contrats), pour
l’achat et la vente, les prêts, donations, locations, livraisons ou
quittances. On utilisait pour ces annotations de petites tablettes
d’argile ovales, écrites des deux côtés. On apprit ensuite à les
rendre solides et durables par la cuisson après gravure ; peu
à peu les tablettes acquièrent une forme plus consistante,
deviennent plus grandes et carrées.
L’usage du sceau suit la pratique de l’écriture : comme en
Egypte il consiste en un cylindre de pierre ou d’argile, orné de
ligures incisées, animaux, démons, êtres fabuleux de toute
nature, puis plus tard de grandes scènes de mythologie ou
rituelles, auxquelles on peut adjoindre le nom propre de pos­
sesseur. Le cylindre s’emploie en le roulant sur l’argile tendre
des tablettes. Les plus anciens contrats conservés ne connais­
sent pas encore, il est vrai, cet usage. Avant d'imprimer ainsi la
marque de chaque individu on se contentait de noter l’époque
de la clôture des affaires. On désigne l’année d’après les fonc­
tionnaires annuels (surtout des prêtres), auxquels on peut join­
dre aussi le nom du roi. Puis s’introduit l’usage, comme en
Egypte, de donner à l’année un nom olliciel d’après un évé­
nement marquant; à côté de cette pratique, on trouve chez
Entemena de Tello et scs successeurs un compte par années de
souverains (§ 388 note) qui n’apparaît ailleurs en Babylonic
qu’avec les Cassites.
Sur les cylindres et cachets, voir en général Ménant, itech. sur la
glyptique orientale^ 1 ,1883 et Collect. de Clercq, 1 ,1888; Furtwangler,
Die Antiken Gemmen, III, ch. I. Le grand ouvrage de W. H. Ward,
The Seal cylinders o f Western 1910 (et Cylinders and seuls in the
Library o f P. Morgan, 1909) offre une riche collection de matériaux,
dont la critique et l’histoire sont malheureusement insuffisantes. De
nombreux cylindres archaïques trouvés à Para : MDOG, 71, 5. —
148 SUMÉRIENS ET SÉMITES EN SINÉAR

Des comptes par années se trouvent déjà, bien qu’isolémenl, sur les
contrats archaïques de Tello et Sumppak, Thureau-Dangin, Recueil
de tabl. cunéif.^ 1903.

378. Nous n'avons pas encore trouvé de vestiges ni de docu


ments de l’époque des débuts de l’écriture. Pourtant le nombre
commence à augmenter des tablettes d’argile (parfois des
tablettes de pierre) sur lesquelles quelques signes au moins ont
gardé la pure forme hiéroglyphique, tandis que d’autres se
sont déjà transformés en simples traits. Nous pouvons espérer
que les fouilles subséquentes nous procureront en Sinéar des
monuments de l’époque où l’écriture se formait et commençait
à se distinguer du dessin, comme le montrent les représenta­
tions des anciennes palettes à broyer le fard en Egypte (§ 201).
Il est peu probable que celte période de transition ait été très
longue, l’évolution a dû plutôt s’accomplir très rapidement,
aussitôt qu’on eut réussi à faire le premier pas dans la notation
de phrases et la fixation de mots simples par des images. Cha­
que pas conduisait plus loin dans cette voie, et précisément la
lourdeur du dessin et la déformation de l’image en signes
linéaires a facilité et réellement accéléré la marche en avant.
Le fait que l’écriture se détachait de l’image a rendu possible
en même temps la création de nouveaux caractères purement
graphiques. Nous devons donc admettre que les plus anciens
monuments préservés ne sont pas très loin du temps où fut
inventée l’écriture et que les premières étapes furent aussi
rapidement dépassées en Sinéar qu’en Egypte, à l’époque des
derniers serviteurs d’Horus avant Menés.

Tablettes avec écriture en partie hiéroglyphique : monuments


Blau avec signes d’écriture et sculptures, Proc. Amer. Orient. Soc.,
1888 (King, Ilistory o f Sumer and Akkad, face p. 62; cf. § 362, note).
Thureau-Dangin, Rev. Séniit., 1896, Rev. d’Assyr., VI, p. 143 et suiv.
Une importante série a été acquise par le Musée de Berlin, il y a
quelques années. Sur l’écriture élamite, voir § 392.
l ’a r t , c iv i l is a t io n s u m é r ie n n e et é g y p t ie n n e — 8 379 149

Vart. Rapports de la civilisation sumérienne avec celle d’Égypte.

379. Le développement de l’art figuré est lié en Sinéar a


reliefs votifs sur tablettes d’albâtre et aux statues de pierre
consacrées dans les temples (§ 367). De bonne heure on façonna
en argile des figurines de dieux. Les dessins au trait et les
reliefs sur les plus anciennes tablettes votives de Nippur et de
Lagal appartiennent aux manifestations les plus lourdes et les
plus informes que nous connaissions. On peut difficilement se
représenter un stade antérieur plus primitif encore qui puisse
prétendre au nom de civilisation. Sans doute le talent artis­
tique des Sumériens est toujours resté assez faible en face des
Egyptiens; les Akkadiens sémitiques les ont aussitôt dépassés.
Ces manifestations artistiques sont bien au-dessous pourtant
des représentations sur les palettes à broyer le fard du temps
des adorateurs d’Horus, auxquelles on ne peut comparer peut-
être que la stèle des Vautours d’Eannatum. Les Sumériens ne
sont en état de produire d’œuvre comparable à la table de
Narmer et aux créations des Thinites, que sous l’influence de
l’art très développé de Sargon (Sar-ukîn) et de Narâm-Sin.
Comme les signes d’écriture présupposent des dessins de l'art
le plus ancien et le plus grossier, on en conclut que l’écriture
a pris corps chez les Sumériens à un stade de civilisation certai­
nement plus ancien que chez les Egyptiens. Par contre l’an­
cienneté est beaucoup moins haute de plusieurs siècles ; les
plus anciens monuments épigraphiques de Sinéar, qui ont été
conservés, appartiennent au plus tôt au dernier siècle avant
3000, alors qu’en Egypte, sous les Thinites, l’écriture était déjà
employée depuis plusieurs siècles.
La question a été très débattue d’une relation historique
entre l’écriture hiéroglyphique égyptienne et celle des Sumé­
riens. La similitude extérieure de divers caractères comme la
direction et parfois aussi la forme des signes, ne peut pas
SUMERIENS ET SEMITES EN SINEAR

prouver beaucoup; une opinion définitive doit reposer sur une


analyse approfondie des plus anciens signes sumériens d’écri­
ture qui n’a pas été encore entreprise. Mais on peut avancer
contre un rapport de ce genre que récriture et surtout une
civilisation avancée, au ni® millénaire, est encore totalement
étrangère aux territoires syriens qui séparent les deux contrées.
Il ne peut donc s’agir que d’un développement parallèle sorti
des mêmes motifs et donnant naissance pour cela à plusieurs
créations semblables. La même observation vaut, par exemple,
pour l’analogie des animaux fabuleux et des figures symétri({ue-
ment ordonnées des tablettes à broyer le fard égyptiennes avec
les produits de l’art sumérien {§ 200). L’usage des cylindres-
cachets pourrait plutôt avoir été introduit d'Kgypte en Sinéar
(§ 202, note). 11 est impossible de fixer des points de contact
dans la culture des céréales ou la préparation de la bière (§ 229)
qui auraient été empruntées d’un pays à l’autre ou de dire
si un troisième pays, la Syrie, a servi d’intermédiaire. Il n’est
pas rare que des peuples avancés aient été stimulés, surtout
dans les arts techniques, par d’autres très inférieurs en civili­
sation. Cependant, quand il s'agit d’éléments très importants
de civilisation, si nous devons admettre des emprunts, ce ne
peut être que de la part des Sumériens contrairement à l’opi­
nion générale, car leur civilisation est précisément beaucoup
plus jeune que celle de l’Egypte.

L'auteur fait remarquer (jue même si l’on veut placer beaucoup


plus tôt qu’il ne l’admet Urninâ et les plus anciens monuments de
ïello , donc vers 3400 environ, à l’époque des palettes égyptiennes à
broyer le fard, la civilisation et l’art de la Babylonie seraient alors
plus profondément encore sous l’influence de la civilisation égyp­
tienne contemporaine. On ne pourrait donc pas dans ce cas non
plus faire dépendre la civilisation égyptienne de la Babylonie. Celui
qui tient il est vrai pour historique la date de Nabû-na’id et fait
remonter alors les plus anciens monuments babyloniens à 4000,
devrait, pour être conséquent avec lui-même, admettre pour l’Égypte
les dates de Manéthon,
III

LES TEXTES SUMÉRIENS ARCHAÏQUES

Les princes locaux et les rois d*Opis et de KU.

380. Aux temps archaïques sur lesquels nous avons de


renseignements par quelques monuments isolés, Sinéar se
divise en un grand nombre de principautés locales, semblables
à la forme politique que nous devons admettre pour TEgypte
lorsque les nomes particuliers étaient encore à moitié ou tout
à fait indépendants. Les princes de ces petits Etats portent
quelquefois le titre de lugal « roi » ou en « seigneur » (traduit
par sarru et bel en sémitique) ; mais la majorité d’entre eux se
nomment patési. Ce titre désigne certainement depuis Sargon
(Sar-ukîn) un souverain local, dans la dépendance d'un suzerain
et établi par lui, en un mot, un vassal ou régent (traduit par
issakkit en assyrien). Il n’est pas douteux que seul le titre de
roi exprimait à celle époque archaïque Incomplète souveraineté.
Mais il n’est pas rare cependant que le titre de patési se ren­
contre lorsque le prince local est tout à fait indépendant. Dans
ce cas, il a un sens religieux, il indique que le régent est ins­
titué par le dieu local; il n’est donc pas considéré comme indé­
pendant mais uniquement comme le représentant du dieu sur
la terre ; le vrai roi est le dieu. C’est pour cela que les plus
anciens souverains d’Assur, même indépendants, se nomment
^< patési du dieu d’Assur » (§ 434), et que pour le même motif
LES TEXTES SUMÉRIENS ARCHAÏQUES

de pieux souverains des villes sumériennes ont souvent préféré


conserver le titre de patési, bien qu’ils aient pu prendre celui
de roi (§§ 387, 388). Ce terme de patési a peut-être eu simple-.
ment à l’origine le sens de « serviteur », puis devint la désigna­
tion spéciale du serviteur le plus insigne de la divinité (§ 449,
note). Les fonctions sacerdotales sont si évidemment partout
au premier plan chez les souverains sumériens (cf. 374) que la
puissance temporelle est probablement sortie du sacerdoce du
dieu local, auquel se rattachent en môme temps les fonctions
juridiques et la direction des troupes levées dans le district, au
cas où des voisins ennemis se mettent à piller les biens du dieu
et veulent s’emparer des territoires qui lui appartiennent.
Ces princes locaux relevaient toujours d’un prince suzerain
qui devait réunir en une unité tout le peuple et qui porte sou­
vent dès lors le titre de « roi du pays » lucjal kalama\ il est
plus fréquent sans doute qu’ils se nomment d’après la capitale,
siège de la royauté. Le dieu national sumérien Ellil de Nippur,
le « Seigneur des pays » (§ 380), octroie cette royauté par un
oracle au moyen duquel le dieu prononce le nom du souverain.
C’est pourquoi, de bonne heure déjà, on érigea à Nippur sur
une terrasse pavée de briques, reposant sur les décombres des
anciennes installations, le grand temple-montagne, en forme
de pyramide. C’est l’Ekur, « maison-montagne » en briques,
dont on atteint le sommet par une rampe en spirale. Dans les
trésors de ce sanctuaire s'entassent les ex-voto des dynastes des
villes de Sinéar etdes rois suzerains, surtout des vases de pierre
à inscriptions, mais aussi des blocs de pierre brute (§ 367),
puis sans doute de Tor, de l’argent et des pierres précieuses,
dont on s’empara souvent au cours des nombreux pillages des
époques postérieures. Celui qui avait constamment vaincu ses
rivaux et aspirait à la suzeraineté devait y chercher la recon­
naissance de son autorité et légitimer ainsi ses prétentions.

La base de l’histoire ancienne est la traduction générale et l’expli­


cation approfondie des plus anciennes inscriptions historiques par
LES PRINCES LOCAUX ET LES ROIS D’OPIS ET DE KIS — § 380 153

Thureau-Dangln, Les inscriptions de Sumer et d’Akkad, 1903 ; en


allemand, Die Sumer. u. Akkad. Koenigsinschrifterif 1907. Il a le
premier fondé l’explication grammaticale et exacte de l'ancien
sumérien, en suivant les anciens travaux d’Amiaud et de Jensen
(A''/?, III, 1) entre autres. En dehors de Tello (§ 383) les matériaux ne
sont pas nombreux et il n’est pas encore possible d’ordonner chrono­
logiquement dans le schéma que fournit Tello les inscriptions parti­
culières éparses. Le point de repère le plus important est le caractère
de l'écriture. D’ailleurs c’est souvent un pur hasard si nous possé­
dons des textes ou non d’un suzerain ou de princes locaux. Grâce
aussi à la liste royale de Scheil (§ 329 a), nous voyons maintenant
un peu plus clair dans ce dédale, mais nous ne pouvons tracer une
histoire suivie de l’époque archaïque ; cf. le mémoire de l’auteur,
Zur dltesien Gesch. Babyloniens.^ dans Ber. Berlin Akad., 1912,
pp. 1062 et suiv. — Sur les fouilles de l’Université de Pennsylvanie
à Nippur, sous la direction de Peters, Ilaynes, Ililprecht, voir les
ouvrages de vulgarisation de Hilprecht [Ausgrabungen ira Beltempel,
1903; Explorations in Bible Lands \ auparavant l’esquisse dans
Babyl. Exped.^ I, 2), ses publications fondamentales des inscriptions
archaïques [Babylon. Expedit. o f the Univ. of Pennsylv., Séries A,
Cuneif. Texts., vol. 1 ,1 et 2. 1893 et 1896) et le commencement d’une
description systématique des ruines, avec de nombreux plans et
dessins : Cl. S. Fisher, Excaoations at Nippur, 1905 et suiv. Il faut
rectifier les développements de l’auteur sur la position de Nippur
{Sumer. u. Sem., p. 29 et suiv.) d’après l’explication du nom Ellil
(§ 362 note) qu’a donnée avec raison Glay. — La reconstruction
habituelle des ziggurrat babyloniennes et assyriennes en tours à
étages, qui repose sur Layard et Rawlinson et qu’ont schématisée
Perrot et Chipiez, est insoutenable ; il ne s’agit que d’une masse
simple, montant obliquement, sur une base quadrangulaire, avec
une rampe conduisant au sommet comme E. Herzfeld, Samarra,
1907, p. 26 et suiv. l’a prouvé conjointement avec Koldewey. L’an­
cienne disposition s’est maintenue encore à l’époque musulmane
dans le minaret (Malwije) de Samarra, avec cette modification que le
plan est circulaire. Voir de plus Koldewey, Tempel von Babylon u.
Borsippa, p. 57 et suiv., 59 et suiv. Le seul temple de l’époque
archaïque auquel appartienne une ziggurrat est celui de Nippur ;
dans le royaume de Sumer et d’Akkad (et peu avant sous Gudéa)
LES TEXTES SUMERIENS ARCHAÏQUES

cette forme, et avec elle le nom ekur pour temple, a été transportée
sur les autres dieux. — L’expression d’Eannalum, Galet A, 6, est
significative pour le sens de palési, citée § 3 8 6 . Le titre « grand
patési de Ningirsii » que portent Entemena et ses successeurs avec
celui de « patési de Lagas » indique sans doute un degré dans le
sacerdoce et non pas « ancien palési » comme le dit Genouillac,
O L Z ^ 1 9 0 8 , p. 2 1 3 et suiv. ; cf. § 3 8 9 note. — Une fois aussi le roi
Arad-Sin de Larsa (§ A42) ne se nomme que « patési de Samas »
(Thureau-Dangin, lîecueil de Trav., XXXII, 44).

381. Le siège de la royauté n’a donc pas été Nippur, au


moins aux temps que nous pouvons connaître. La ville et son
pate'si avec leur sacerdoce et les nombreux marchands et gens
de métiers qui s’y réunissaient, formait probablement un
territoire en quelque sorte neutre sous la domination du
suzerain d’alors reconnu par son dieu. Dans les plus anciens
monuments nous trouvons comme résidence pour le suzerain
du pays la ville de Kis, située au Nord de Sinéar, à l’Kst de la
cité plus récente de Dabylone, sur un bras de l’Euphrate. Située
beaucoup plus au Nord, à la frontière du pays marécageux et
des palmeraies contre le sol dur du steppe, au contluenl de
r'Adèm et du Tigre, la ville de Kôsu, appelée plus tard Opis
(Upi) dès le milieu du deuxième millénaire, est le centre d’un
royaume et la résidence de la dame du mont, Ninharsag, Près
de là, se trouvait un lieu appelé Ilarsagkalama montagne
du pays », sans doute d’après un ancien sanctuaire de cette
déesse. La nouvelle liste royale (§ 329 a) commence également
avec une dynastie d’Opis; nous ne savons pas si une liste
antérieure mentionnait d’autres dynasties historiques, ou si ces
rois antérieurs étaient des figures purement légendaires. Puis
vient une dynastie de Kis, fondée par une figure légendaire, la
cabaretière Azag-bau qui bâtit Kis et régna 100 ans. Aucun
des noms de rois mentionnés n’est connu par les monuments,
tandis que la liste n’énumère aucun des souverains de Kis que
nous connaissons. Nous ne possédons donc aucune tradition
LES PRINCES LOCAUX ET LES ROIS d ’OPIS ET DE KIS — § 381 153

historique cligne de foi. Au reste les mentions occasionnelles


(les inscriptions montrent qu’au commencement du III* millé­
naire des rois d’Opis, qui ont régné à côté de ceux de Kis,
étaient leurs alliés (§ 382.386) et peut-être plus puissants
qu’eux.
La position d’Opis et de Kis comme villes royales surprend ;
mais elle correspond à celle des capitales pins récentes Akkad
et Habylone, à cela près que ces dernières sont plus à l’Ouest
de l’Euphrate. On doit donc supposer peut-être qu’Opis et Kis
étaient les postes avancés des Sumériens, soit qu'ils soient
descendus des monts orientaux, soient qu’ils aient pénétré par
mer, et que précisément pour cela les rois aient fixé leur
résidence à la place la plus avancée, de même que les adora­
teurs d’IIorus, venus dans la vallée du Nil, ont placé leurs
villes principales dans les marches de Libye et de Nubie (§ 198).
Vases de pierre et tablettes votives de marchands et d'un patési
Ur-ellil, de Nippur : Hilprecht, /y/i*, I, 91-98, 106, 111-114 ; pl. XVI,
I, 2. fi^xplor. in Bible Lands, p. 475 (Meyer, Sum. u. Sem., p. 98 et
suiv.) ; Thureau-Dangin, SAK I^ p. 1.58. Un autre patési, Thureau-
Dangin, Bec. de Trav., XXXlf, 44. — La ville Kesu, écrit UM‘‘‘
(cf. Weissbach, ZBMG, LUI, p. 065 et suiv. est identique, d’après
une glose, à la ville Upî, souvent citée dès l’époque assyrienne
et chez les Grecs. A l'époque néobabylonienne l’ancienne manière
d’écrire ce nom reprend faveur. D'après la Chronique de Nabê-na'id,
revers 12 et suiv., cette ville était sur l’Euphrate (pour la lecture,
voir Dhorme, Bev. VIII, 97); près de là Cyrus vainquit les
Babyloniens. Opis, d’après Xénophon, Anoh., H, 4, 25, se trouve
sur la rive gauche du Tigre à l’embouchure du Physkos qui, d’après
les données des distances jusqu’au grand Zab^ ne peut être que
1’ 'Adêm, le Radànu assyrien. Près de là se terminait la « muraille
médique » ou « mur de Sémiramis » (Eratosthène, dans Slrabon,
II, 1, 26 = XI, 14, 8, avec qui coïncide le texte de Xénophon, II, 4,
12), c’est-à-dire le système de fortifications élevé par Nabû-
kudurri-usur, qui doit être identique à la digue construite « au-
dessus d’Opis (UH*‘') jusqu’à Sippar, du bord du Tigre à celui de
l'Euphrate » d’après le texte de l’inscription du Wàdi Brisa (Weiss-
156 LES TEXTES SUMÉRIENS ARCHAÏQUES

bach, Die Inschr. von Wàdi Dr., 1906). Opis est encore mentionné
par Hérodote, I, 189 et Strabon, XVI, 1, 9 = Arrien, VII, 7, 6.
L’essai tenté par Winckler de déplacer cette ville vers Séleucie {AF,
II, p. 515 et suiv.) est insoutenable, bien que la fixation près de
Tell Mandjûr en face de l’embouchure de 1’ 'Adêm ne soit pas srtre.
En effet, l’ancien lit du Tigre coule ici beaucoup plus au S.-O.
qu’aujourd’hui ; cf. sur la contrée, Kiepert, Karte d. Ruinenfelder
von Dahylon, dans Z. Gesell. f, 1883, d’après les rapports
de Jones. Sur la position d’Opis et de Kis et le système de défense
fortifié de Nabû-kudurri-usur, cf. Meyer, fier. Berlin. Ak., 1912,
p. 1090 et suiv. — D’après l’inscription du Wâ.di Brisa, Kis est à
l’Est de Babylone (NabO-kudurri-usur y construisit une deuxième
digue), non pas sur le Tigre, mais sur un bras de l’Euphrate
(Thureau-Dangin, OLZ, 1909, 20i). Les vestiges se trouvent dans le
tell de ruines Oheimir, où fut trouvée une brique d’Adad-apal-
iddin, qui mentionne la construction du temple de Zamama, le dieu
patron de Kis (I, R, 5, 22) ; depuis lors une quantité de briques sont
venues au jour qui confirment celte identification. Les fouilles
françaises qui y ont été commencées n’ont pas pu être poussées
plus loin. — Le mémoire pénétrant de Jensen sur Ki§, Z A, XV a
donné lieu à diverses hypothèses inadmissibles et se trouve dépassé
aujourd’hui. L’idée que Kis et UHi^' ont été voisines manque de tout
fondement, comme celle de l’existence de villes du même nom dans
le Sud de la Babylonie. — Plusieurs des noms de la liste royale
peuvent remonter à des originaux anciens, étudiés et copiés par les
savants et qui apparaîtront peut-être dans des fouilles ultérieures;
mais cette liste ne donne pas une suite de rois que l’on puisse utiliser
pour l’histoire. Il faut ajouter que la somme totale dans la dynastie
de Kis présente de très grandes différences avec celles des totaux
partiels. Voici cette liste (la prononciation des noms est très sou­
vent douteuse) :
LES PRINCES LOCAUX ET LES ROIS d ’o PIS ET DE KIS — § 382 157

D yn a stie d ’O pis (K e s ). D ynastie de K i s .


Kalam ?-zi....................... 30 ans Azag-Bau......................... 100 ans
Kalam?“dalulu............... 12 » Basa-Enzu, son fils .. . . 23 »
Ur-sag.............................. 6 » Ur-zamama, son f ils ... 6 »
Basa-mus........................ 20 » Zimii-dar......................... 30 »
Isnil.................................. 24 » Uziwalar, son fils.......... 6 »
Su-enzu(GimibSin?],son El?-muli........................... 11 »
fils................................. 7 » Igul-babbar..................... 11 »
Nanijah............................. 3
Total : 6 r o is .. . . . 99 ans
Total : 8 rois___ 386 ans
[les chiffres partiels
donnent 192 ans].

382. Le plus ancien souverain connu de K is est le roi


Mesilim (environ 3100) qui intervint dans une lutte entre Lagas
(Tello) et sa voisine Urama, au Sud de Sinéar, fixa la frontière
par une stèle suivant Tarrêt de la déesse du royaume, Kadi, et
voua au dieu Ningirsu de Lagas une masse d’arme de pierre,
ornée dè sculptures tout à fait grossières représentant plusieurs
lions et un aigle; les yeux étaient garnis de pierres précieuses.
L’inscription qui y est gravée mentionne aussi le patesi de
Lagas, Lugal-sag-engur. Il est significatif qu’un texte postérieur
nous rende compte de celte sentence décisive pour l’avenir
dans la forme suivante, que .Ningirsu et le dieu d’ümma
s’étaient réunis sur la ligne de démarcation « suivant la parole
véridique d’Ellil, le dieu du pays et le père des dieux ». La
négociation humaine paraît ici comme une transaction immé­
diate des dieux, et la suzeraineté de Kis comme celle du dieu
de Nippur, à la sommation duquel ses divins enfants se sou­
mettent. On a trouvé à Tello une grande pointe de lance en
bronze, sur laquelle est gravé un lion, d’un autre roi de Kis,
Lugal..... Nous possédons un vase de pierre voué à Nippur par
un roi Urzage et une tablette de lapis-lazuli donnée à Anu et
à Nanai (Ninni) par Lugaltarsi. Ces rois ont certainement eu
à lutter fréquemment aussi bien avec leurs vassaux qu’avec
158 LES TEXTES SUMERIENS ARCHAÏQUES

les tribus voisines, parmi lesquelles les Elamites, bien que


nous n’en sachions encore rien. Nous connaissons de plus le
roi Al-zu (?) de Kis, qui, comme le roi Zuga d’Opis, fut vaincu
par Eannatum de Lagas (vers 2950). Ce dernier conquit par
celle victoire la royauté de Kis (^ 386). Les noms de ces rois et
la représentation de Alzu (?) el de ses guerriers sur la stèle des
Vautours prouvent qu’ils étaient des Sumériens. Mais Kis
tomba peu après aux mains des Sémites, soit que ces derniers
aient alors seulement envahi le pays, soit que, déjà installés,
ils aient conservé peut-être sur l’Euphrate, à Akkad, une com­
plète ou demi indépendance. Les rois, comme il arrivera sou­
vent plus tard, ont peut-être pris à leur service les guerriers
Sémites, de la steppe dont les chefs se sont emparés alors du
pouvoir. Avec la royauté de Kis ces Sémites ont prétendu à la
souveraineté sur tout le pays, ce qui a toujours provoqué de
nouveaux et violents combats avec les Sumériens du Sud, qui
eurent souvent le dessus. Ainsi des inscriptions sur des frag­
ments de vases de pierre d'un roi Enbi-Istar de Kis nous ap­
prennent qu’il fut vaincu, comme le roi d’Opis, par un souverain
sumérien dont le nom n’est pas conservé (le nom sémitique
du roi de Kis n’esl pas écrit idéographiquement mais phoné­
tiquement). Les deux villes furent saccagées, les statues, les
métaux précieux et les pierres précieuses furent emportés et
voués à Ellil de Nippur. ün autre souverain de cette époque
est Ensagkusanna, le « seigneur de Sumer (en Ki-en-gi) et roi
du pays (lugal kalama) », qui voue également à Nippur « le
butin du mauvais Kis » qui était donc alors aux mains des
Sémites. Ce sont des épisodes de combats qui se répètent cons­
tamment pendant des siècles (cf. § 390). Ils aboutirent à un
succès complet, bien que le but ne fut pas atteint, lorsque
Lugalzaggisi d’Uruk mil fin au royaume de Kis et rétablit
encore une fois la domination sumérienne sur tout le pays
(§ 391).

Mesilim : Entemena, cône n, Thureau-Dangin, SAK J, p. 36; Ean-


LES PRINCES LOCAUX ET LES ROIS d ’o PIS ET DE KIS — § 383 139

natum, galet R, ibidem^ p. 23; masse d’arme, Découv., pl. 1 1er, 2.


Tlmreau-Dangin, ibidem^ p. 100 [ZA, XI, p. 324 et suiv.). Lance de
Lugal..., Dikouv., pl. 3 ter, 1. Il faut sans doute placer avant lui un
patési dont le nom est peut-être Utug, qui a voué à Nippur un vase
de pierre du butin de l.lamazi : Thureau-Dangin, ibidem, p. 160.
Les rois Lugal-lar-si [reproduction de sa tablette en lapislazuli,
King, Hist. o f Sumer and Akkad., face p. 218] et Urzage, Thureau-
Dangin, ibidem, p. IGO; Ililprecht, lîPJ, 1, 108, 109, 93. — Le vain­
queur d'Enbi-islar, Ililprecht, ibid., 102-103, 110. Thureau-Dangin,
ibidem, p. 132. Rnsagkusanna : Ililprecht, 90-92. Thureau-Dangin,
p. 13G. — La prononciation de tous ces noms est naturellement
sujette à caution et doit souvent avoir été toute différente.

383. Les ruines d'une antique cité, cachée sous la colline


décombres de Tcllo au bord du Sait el ITâi, sont presque seules
jusqu’à ce jour à nous faire pénétrer plus profondément dans
riiistoire archaïque de Sinéar. C’est là que les travaux poursui­
vis pendant une vingtaine d’années par de Sarzec ont mis au
jour la résidence de souverains sumériens, dont les construc­
tions, les sculptures et les monuments épigraphiques nous
donnent un tableau clair et presque toujours continu du déve­
loppement séculaire de la civilisation. La ville s’appelait Lagas,
dont le nom est écrit Sir-pur-la. Llle se forma par la réunion
de plusieurs quartiers, dont le plus ancien, le véritable noyau
de l’établissement, porte le nom de Girsu. Là se trouvaient les
sanctuaires des dieux, là le dieu principal Ningirsu (§ 370),
c’est-à-dire le seigneur de Girsu, avait son siège. A l’origine,
un bras principal du Tigre, qui avait reçu un bras de l’Eu­
phrate, coulait le long de la ville et le golfe, où se jetaient les
fleuves, n’était pas loin. Elle fut jadis une des plus importantes
villes de Sinéar, avec un territoire assez étendu, toutefois elle
ne put atteindre que rarement une situation prédominante.
Elle connut encore après 2600, sous Gudéa, une époque de
grande gloire; mais peu après, vers la fin du troisièirie millé­
naire, elle disparaît complètement, comme tant de villes anti­
ques du Sud et elle n’est guère nommée dans la littérature pos- '
LES TEXTES SUMÉRIENS ARCRAÏQUES

térieure. A^ussi le tableau historique de l’ancien Sinéar n’est-il


pas encore complet puisque nous sommes contraints par la
nécessité à ne retracer presque uniquement l’époque arcliaïque
que d’après Tello et son sort. Et parmi les dieux du pan­
théon de Lagas, il y a sans doute des figures auxquelles nous
attribuons une importance beaucoup plus générale qu il ne
convient. Cependant les monuments de Tello peuvent être con­
sidérés comme typiques pour les conditions et le développe­
ment de la civilisation dans le pays; le peu qu'ont fourni
jusqu’à maintenant les autres ruines, en particulier grâce aux
fouilles américaines à Nippur (§ 380), coïncide absolument
avec la description que nous avons donnée.

La grande publication de Sarzec et L. Ileuzey, Découvertes en


Chaldée^ 1883 et suiv., est l’ouvrage fondamental. Après la mort de
Sarzec, les fouilles ont été reprises dès 1903 par Gros; les résultats,
publiés auparavant en partie dans Va Itevue paraissent
dans Nouvelles fouilles de Tello, i>ar G. Gros, L. Ileuzey et F. Thu-
reau-Dangin. Nous ne pouvons pas encore nous former une idée du
plan de la ville, des monuments particuliers et de Thistoire de l’ar­
chitecture. Il faut remarquer que le grand bâtiment, considéré
d’abord comme le palais de Gudéa, est en réalité une forteresse
construite à l’époque hellénistique (après 130 environ) parle dynaste
Adadnadinahe qui employa de vieux matériaux. — Les données
fournies par les Découv. en Chaldée sont complétées surtout par
Heuzey, Catal. des anilq. chald. du Louvre, 1903 et pour l’époque
archaïque Heuzey, Une villa royale chaldéenne, 1900. — Sur les docu­
ments privés, 389 note ; sur les inscriptions historiques, 380
note.— La lecture Lagas pour l’ancien nom de Tello est maintenant
assurée : Meissner, OLZ, 1907, 385. — Ghronologie : Les trouvailles
de l’époque archaïque, avant Sargon (Sarru-kîn), se divisent en
trois groupes: 1. monuments archaïques; 2. d’Urninâ à Enanna-
tum II, six rois en 5 générations, donc en chiffre rond 150 ans; 3.
les souverains suivants, dont la liste est incomplète, jusqu’à Uru-
kagina et à la conquête par Lugalzaggisi, qui ne doivent embrasser
que quelques dizaines d’années. A Tello les documents contempo­
rains des rois d’Akkad suivent immédiatement ceux d’Urukagina et
LES PRINCES LOCAUX ET LES ROIS d ’ o PIS ET DE KIS — g 384 161

nous savons maintenant que Lngalzaggisi a été le prédécesseur


direct de Sarru-kîn (§ 329 a). C’est pourquoi nous devons le placer
vers 2800 et nous obtenons environ 3000-2830 pour l’époque sépa­
rant Urninû d'Knannatum H. Donc les plus anciens rois et monu­
ments connus de Tello appartiennent à la fin du quatrième millé­
naire.

384. Les plus anciens monuments de Tello sont une cons


truction massive en briques, sur une colline artificielle,
quelques tablettes votives de pierre, avec de grossiers reliefs et
anépigraphes, quelques fragments d'inscriptions avec ordres
agricoles et offrandes pieuses pour le dieu local et des docu­
ments d’affaires sur de petites tablettes d’argile (§ 377). Une
tablette de pierre avec un le'ger relief, dont l’inscription est
illisible, paraît appartenir à cette série : elle représente un
dieu, h longue barbichè pointue et avec un bandeau dans la
chevelure, d’où s’élèvent deux plumes; devant lui sont dressées
plusieurs perches, dont il saisit Tune de la main gauche. Le
plus ancien monument historique est la base ronde de pierre
d’un ex-voto sur lequel sont représentées deux files d’hommes
marchant l’un vers l’autre : l’une se compose d’hommes portant
toute la barbe, à la tète desquels maiche un homme imberbe
à la longue chevelure, une faucille à la main, donc un roi ce
semble; il tend au conducteur armé de la lance de l’autre file
un objet étrange, peut-être un diadème ou une calotte. Donc il
peut s’agir d’un traité ou plutôt de l’investiture d’un patési de
Lagas par son suzerain le roi de Kis. Le port de la barbe se
serait donc encore conservé dans cette ville (cf. § 362); seul le
roi ne la porte pas, mais il a, en revanche, la longue chevelure,
une perruque semble-t-il, comme sa suite et le porteur de
lance. La suite de ce dernier, c’est-à-dire du patési de Laga.s, se
signale, à une exception près, par la tète complètement rasée.
On pourrait peut-être placer ce monument à l’époque de Mesi-
lim de Kis et de Lugalsagengur de Lagaé (§ 382).
Les premiers souverains de Lagas, dont nous avons des ins­
criptions sont un roi Enhegal probablement indépendant, mais
462 LES TEXTES SUMERIENS ARCUAÏQUES

nous ignorons s’il vivait avant ou après Mesilim; puis vers


3000 le roi Urninà. Dans ses inscriptions sur pierre (ainsi sur
une crapaudine) et sur brique, Urninà parle uniquement de
ses constructions, du mur de la ville, des temples de Ninâ, de
Ningirsu et d’autres dieux, ainsi que des statues qui s’y trou­
vaient, du mobilier du culte et des offrandes en céréales, enfin
de la construction de canaux et réservoirs ; il fit venir de la
montagne le bois de construction. Les murs de brique d’un
de ces temples sont encore conservés. Sur l’antique édifice,
mentionné plus haut, probablement tombé rapidement en
ruines, Urninà suréleva convenablement le sol pour une nou­
velle construction, magasins d’un temple peut-être, faite de
briques cuites, cimentées avec du bitume, et sur lesquelles
son nom est gravé. Nous possédons trois tablettes de calcaire
qu’il dédia aux dieux. Le roi, avec ses enfants, son vizir et ses
serviteurs, y est représenté apportant dans une corbeille, qu’il
porte sur la tôle, l’argile nécessaire au fondemeut d’un temple
et faisant une libation à la divinité. Tous les hommes sont
représentés la tête complètement rasée comme nous l’avons
noté précédemment. Nous connaissons aussi une statue d’Ur-
ninâet les offrandes qu'on y apportait sont encore mentionnées
dans des comptes {§ 389) un siècle et demi plus tard.
Les sculptures présentent les premiers balbutiements de l'art
plastique. Elles sont établies d'une manière lourde.et mala­
droite, qui n’a guère son pareil dans toute l’histoire de l’art et
rappelle le mieux les sculptures des Indiens du Mexique.
Seuls, les plus anciens monuments des Hittites de Zendjirli
sont peut-être plus grossiers encore.

Sur les constructions et monuments archaïques, cf. Heuzey, Villa


royale Chald.^ p. 32, la stèle avec un relief semblable au monument
circulaire, mais dont seules les jambes sont conservées, est repré­
sentée in situ, DEC^ pl. 56, 2. — Le monument circulaire. Catalogue,
n* 5 et DÉC, p. 355; Meyer, Sum. u. Sem., p. 79 et suiv. Une figure
barbue semblable a été trouvée à Nippur(§ 3.52 note), ce qui prouve
LES PRINCES LOCAUX ET LES ROIS d ' o PIS ET DE KIS — § 385 1G3

qu’elles appartiennent au Nord. Cependant on a trouvé à Suse éga­


lement un relief avec le même costume (§ 3G2 noie). Les plus
anciennes inscriptions, Thureau-Dangin, 5.4A7, p. 2 note. Gomme
le roi Urninâ nomme régulièrement son grand-père Gursar et son
père Gunidu, sans donner leur titre, et que ces derniers ont été cer­
tainement rois, il faut placer avant eux encore le roi Enhegal ;
tablette calcaire dans Hilprecht, Z A, XI, p. 330 et suiv., Thureau-
Dangin, ibid.^ XV, p. 403, 2; Heuzey, CataL, p. 27, 1. Thureau-Dan­
gin a raison de ne plus considérer Badu (?) (Stèle des Vautours, 1,
4) comme un nom de roi [Restiint. matér. de la stèle d. Vaul.j p. 42).

385. Des monuments semblables sont sans doute enfouis


dans les tells qui couvrent les villes de Sinéar. Les fouilles
systématiques de Fara sur le Sait el Kàr, l’ancienne Suruppak,
déchue comme Tello dès la fin du troisième millénaire, n’ont
cependant guère fourni que des restes de maisons en briques
planoconvexes, crues ou cuites, avec des canaux de décharge
et des puits, ainsi qu’un grand nombre de tombes simples avec
un mobilier funéraire assez pauvre (§ 367) ; puis des tablettes
et des cylindres aux grossières gravures {§ 377). Les sculptures
du môme art grossier qu’à Tello sont très rares. Les ruines de
Nippur présentent le même aspect {§ 380). Les grandes et
antiques collines de décombres de Surghal et el-Hilba plus à
l’Est étaient encore plus pauvres : les noms des localités qui
s’y trouvaient ne sont pas même connus. Les ruines en partie
découvertes d’Adab (écrit Üdnun), près de Bismaya sur un
ancien bras de l’Euphrate, à environ 2 lieues au N.-E. de Fara,
paraissent être plus riches ; on y a trouvé, entre autres, les
anciens fondements d’un temple en blocs de calcaire, sur
lesquels se dressent de très anciens murs de briques, recons­
truits à mainte reprise. On reconnaît ainsi que l’édifice s’est
écroulé rapidement et a dû être constamment restauré. Ces
ruines cachent de nombreux fragments de vases en pierre por­
tant des inscriptions. On y trouve aussi des débris de statues :
ainsi celle d’un « roi d’Adab », Esar, donc un souverain indé­
pendant, vers 2800 environ (§ 388). Il est très douteux que les
LES TEXTES SUMERIENS ARCllAlQUES

ruines d’Umma (écrit Giçhu, auj. Djoha au N.-O. de Telle),


d’üruk, d’LT, elc., ou môme de Kis fournissent plus de monu­
ments. Les grandes constructions mises au jour dans ces villes
appartiennent seulement au royaume de Suiner et d’Akkad.
Les ruines de Sippar (Abu Habba) aussi n’ont donné que très
peu de chose et presque rien pour l’époque archaïque. On voit
que le goût pour les constructions monumentales, ou môme
pour un certain luxe, qui distingue les Egyptiens, a totale­
ment fait défaut aux Sumériens (cf. § 367). C’est pourquoi les
inscriptions royales sont aussi très rares et d’autant plus nom­
breux, par contre, les documents privés. Parmi ces derniers
plusieurs provenant de Suruppuk, et contemporains des plus
anciens textes de Tello, sont datés d’après les fonctionnaires
annuels (§ 377 note).
Surghul et El-Hibba : Koldewey, Z A, II (désigné faussement
comme nécropoles d’incinération, cf. ^ 306 noie). — Fara et Abu
Ilalab qui en est voisine (l’ancienne Kisurra qui appartient seulement
à l’époque du royaume de Sumer et d’Akkad). Koldewey et Andrae,
MDOG, 15-17. L’inscription sur cylindre d’un patési Dada de Surup-
pak, ibid., 10, 13 = Thureau-Dangin, SAKI, p. 150, n’est pas très
ancienne; l’inscription sémitique sur brique du patési Itursamas de
Kisurra, ib'id., 15, 13 = Thureau-Dangin, op. cit., p. 152 est encore
plus récente (§ 413 note). Cylindre de Para, ibid., 10, 13 et suiv.;
17, 5. Tablettes : 16, 9. 12. Thureau-Dangin, HTC, n® 9-15; /(A, VI
n® 4, 11 et suiv. — Banks, AJSL, XX, XXI, 1903 et suiv., nous
donne quelques renseignements sur les fouilles brusquement inter­
rompues à Bismaya; mêmes couches qu’à Nippur : plusieurs sont
archaïques, puis Narâm-Sin, Dungi et avec ce dernier toute trace
d’occupation cesse comme dans le Sud. La statue en calcaire pu­
bliée, XXI, p. 58, comme « oldest(!) statue in lhe world », du roi
Esar (Thureau-Dangin, SAKI, p. 132; Banks lisait Daudu), de
type sumérien, est à peu près contemporaine d’Entemena et d’Uru-
kagina de Tello. D’autres têtes sumériennes de bonne époque, en
calcaire, et une tête de Sémite en albâtre, qui ne sont certainement
pas plus anciennes que Dungi, ont été publiées par Banks, Sunday
School Times, 16 mars 1907, p. 133. — Sippar : Scheil, Une saison
LAGAS ET UMMA. l ’a RT SUMÉRIEN ARCHAÏQUE — § 386 163

de fouilles à Sippar {Mém. Inst, franc, du Caire, I), 1902. — A


Djoha (Hrozny a démonlré qu’on doit prononcer Umma el non
Gishu, Z A, XX, p. 421 el suiv.) on a recueilli un grand nombre de
briques cuites et de tessons, des fragments de diorite, parmi les­
quels une crapaudine : Andrae, MDOG., 16, 20 cf. Scheil, R I , XIX,
p. 27 ; CRAc., 1911, p. 320 et suiv.; les trouvailles augmentent
continuellement. — Kpaule d’une statue d’un ancien roi Eabzu
d’Umma, en pierre grise, provenant de Tello (butin?) : DCC, pl. 3,
3; Calai., n“ 84. Thureau-Dangin, SAKI, p. 140. Une statue beau­
coup plus archaïque ; King, Hist. of Sumer and Akkad, face p. 40.

Lagas et Umma. Lfart sumérien archaïque.

386. Les guerres n'ont pas fait défaut dans le pays de Sinéar
soit entre les principautés locales, soit avec les voisins, sur­
tout avec les Elamites de Suse, peuple guerrier qui cherchait
toujours à pénétrer dans le pays des lleuves. Les nombreux
monuments laissés par Eannalum de Lagas (vers 2930), fils
d’Akurgal et petit-fils d'Urninâ, nous offrent un vivant tableau
de ces événements. Si ce souverain ne se donne à lui-même,
et à ses ancêtres presque sans exception, que le titre de patési
et non celui de roi, il semble qu’un motif religieux ait en
première ligne déterminé ce choix : la reconnaissance du dieu
local Ningirsu comme seigneur suprême. Sans doute Eanna-
tura fut-il aussi dépendant des rois de Kié au début de son
règne. Après ses premières victoires, il exprime encore, dans
l’inscription dédicatoire d’un mortier de pierre voué à la
déesse Ninâ, la crainte que ce cadeau tombe aux mains du roi
de Kiê. Il a repoussé d’abord une attaque des Elamites qu'il
rejeta dans les montagnes; puis il vainquit le patési de la
ville Urua (?), localité d’ailleurs inconnue, qui avait « planté sa
bannière devant elle » donc appelé sans doute toutes ses troupes
au combat contre Lagas. La lutte avec la ville voisine et depuis
i66 LES TEXTES SUMÉRIENS ARCHAÏQUES

longtemps rivale, Umma, éclata bientôt de nouveau. Mesilim


avait adjugé à Lagas le territoire frontière contesté {§ 382), qui
avait été dédié au dieu local Ningirsu. Mais Us, patési de Umma,
l’avait occupé et déplacé la stèle de Mesilim, probablement
avec l’assentiment du roi de Kiâ. Kannatum, auquel le dieu
était apparu et avait promis la victoire, marcha alors contre
Umma et reconquit pour Ningirsu le pays enlevé. Il le pro­
tégea par un fossé frontière et rétablit la stèle de Mesilim. Le
roi de Lagas ne réclama aucun des territoires appartenant
légalement à la ville ennemie ; mais il obligea les habitants
d’Umma à reconnaître la frontière pour toujours. Il leur imposa
des serments solennels, au nom de tous les dieux principaux
de Sumer, qu’Eannatum lia par des sacrifices offerts dans leurs
villes : Ellil, Ninharsag, la déesse de la montagne à Opis (Kes),
Enki (Ea), Enzu (Sin) le dièu-lune d’Ur, Babbar le dieu soleil
de Larsa et la déesse Ninki, l’épouse d’Ea. Il prononça : que le
filet de chacun de ces grands dieux les saisisse s’ils brisent
le contrat. De plus, Enakalli, le nouveau patési d’Umma, dut
s’engager à payer un tribut de blé aux dieux de Lagas.
La défaite et le pillage d’autres villes du Sud se rattache à
celte guerre : Ur, Uruk, Ki-babbar peut-être identique à Larsa,
Az (?) dont le patési tomba dans la bataille, Miéime, Arna qui
fut détruite, sont mentionnées dans le texte. Ces faits semblent
avoir fourni aux rois du Nord un prétexte à intervention. Mais
Zuzu, roi d’Opis, fut repoussé jusque sous les murs de sa ville
et tué dans le combat. Sur le monument de la victoire, la Stèle
des Vautours, Eannatum est représenté frappant de sa lance
le front d’AI-zu (?), roi de KiS. Ma'er aussi, située tout au Nord
(§ 393), dut se soumettre. Ainsi Eannatum « le conquérant de
Ningirsu » a « brisé la tête des pays » et par la grâce de Nanaia
(Innina) « acquis la royauté de Ki§ au patésiat de Lagaè ». « Son
nom est prononcé par Ellil » et, bien qu’il ne change pas son
ancien titre, il est temporairement le suzerain de tout Sinéar.

Nous possédons un petitlion d’Akurgal; malheureusement le titre


LAGAè ET UMMA. l 'ART SUMÉRIEN ARCUAVq UE — § 387 107

est brisé dans l’inscriplion : Découvertes en Chaldée, p. 331 s. Ean-


natum se nomme roi une fois dans la Stèle des Vautours (revers,
O, 42), mais ailleurs toujours patési. Il donne aussi le titre de palési
à Akurgal (en dehors de Stèle des Vautours, 2, 31) et à Urninâ. Ente-
mena, par contre, désigne correctement Urninâ comme roi, mais
ses successeurs toujours comme palési. — Inscriptions d'Eanna-
tum : Thureau-Dangiii, SAKI, p. 10 sq. ; ajouter Nouvelles Fouilles
de Tello, p. 220, un contrat de vente. Fragment provenant de El-
Hibba ; Vorderasial. Schriftdenk. d. Derlin. Mus.^ I, 2. Son monu­
ment le plus important est la fameuse Stèle des Vautours dont de
nombreux fragments nous ont été conservés {Découv., pl. 4 et 5 ;
Cntal. de Clercq, n® 10). Voir maintenant l’admirable publication
d’ensemble : Restitution matérielle de la Stèle des Vautours, par
L. Heuzey et Fr. Tliureau-Dangin, 1909. Ce dernier a fréquemment
rectifié sa traduction antérieure. Les données d’Eannatum sont
complétées par l’inscription du cône d’Enlemena (Thureau-Dangin,
SAKI, p. 37 sq.) dans laquelle les inscriptions d’Eannalum sont
en partie reproduites mol pour mot. Sur la succession des guerres
d’Eannatum, voir Meyer, Rer. Berlin. Akad., 1912, p. 1089 et suiv.
— Eannatum évalue le nombre des morts dans la bataille princi­
pale au chifi’re rond de 3600, c'est-à-dire un sare ; en même temps,
il parle de 20 tells funéraires. Cela donne au moins une base pour
évaluer l’importance de ces combats que l’on ne doit pas exagérer.

387. Pour perpétuer le souvenir de sa victoire sur Umma


reconnaître les droits de Ningirsu, Eannatum éleva une grande
stèle de calcaire, ornée d’une représentation figurée de ses
combats et gravée d’une inscription. Le texte, qui couvre toutes
les parties libres de la stèle, mentionne notamment en détail le
lien religieux des cités ennemies. Un court résumé des autres
faits d’armes du souverain y est joint, dans la teneur stéréo­
typée des autres inscriptions royales, les bornes et’les briques.
De plus, on voit représentée la scène du plus grand événement,
la défaite du roi de Ki§. Sur la face se trouve Ningirsu (1), d’une

(1) L’auteur pense que < î dieu n’est pas Ellil, connne Heuzey l’a prétendu,
mais bien Ningirsu.
LES TEXTES SUMÉRIENS ARCRAÏQUES

stature gigantesque, tenant la masse d’arme dans sa droite et


dans la gauche les armes de Lagas, l'aigle léonlocéphale posé
sur deux lions (§ 370) ; devant lui, un grand filet dans lequel
se pressent les cadavres nus des ennemis frappés. Derrière le
dieu s'avance sa suite divine; au second plan son char avec
d’autres dieux à ses côtés. Le revers montre en deux registres
le souverain à la tête de sa phalange, d’abord précédant à pied
l’ordre de bataille, puis en marche, sur le char qui a été attelé
d’ânes, — car il n’y avait pas encore de chevaux. Comme ses
guerriers, il porte sous le casque une grande perruque pen­
dant la bataille, mais non en marche. Une grande toison, en
plus du manteau frangé de laine, couvre le corps. De la droite
le roi tient la faucille (§ 368), de la gauche il brandit une lance
formidable. Les troupes dont l’armement a été déjà mentionné
(§ 368), marchent par-dessus les cadavres des ennemis, tou­
jours représentés complètement nus, d'apres une convention,
môme dans le combat. Des vautours emportent dans les airs
les membres de ceux qui sont tombés; c’est de ce tableau,
constitué par le fragment trouvé tout d’abord, que la stèle tire
son nom de « Stèle des Vautours ». Un troisième registre re­
présente les funérailles des morts de l’armée royale piopre-
ment dite, amoncelés en tells, et le sacrifice funéraire. Dans
un quatrième registre était retracée la bataille contre l’armée
de Kis ; sur le fragment conservé la puissante lance d’Eanna-
tum frappe le front du roi de Kis, autour duquel se pressent
les fuyards.
Comme dans toutes les anciennes œuvres d’art, par exemple
les palettes à broyer le fard de l’Egypte archaïque, la repré­
sentation est symbolique et nécessite un commentaire écrit.
Le dessin est encore tout h fait rude ; les figures humaines, ou
nez énorme (J; 362), au corps informe et lourd, paraissent gro­
tesques. La phalange fermée, qui s’avance avec sa paroi de
boucliers d’où émergent les lances et les haches de combat
des officiers, fait une impression enfantine. Les autres œuvres
plastiques de cette époque ont le môme caractère, ainsi une
LAGAS ET EMMA. l ’a RT SUMÉRIEN ARCHAÏQUE — § 388 169

tablette sur laquelle un prôtre fait une libation à Ninharsag,


la déesse de la montagne {Découv., p. 209 ; CataL, n” 11 ; cf.
p. 370). La statuette toute raide d’une déesse (?), peut-être
Bau {Bèc.y pl. 1 ter 3; CataL, 11“ 82) est sans doute encore plus
ancienne, de l’époque d’Lii-Ninà. Il ne faut pas nier cependant
le progrès sur l’époque d’ürninâ ; malgré la maladresse de
l’exécution, il faut noter que la conception générale de la
grande composition est réussie ; les éléments symboliques,
j)ints aux détails traités d’une manière réaliste, forment une
unité, et le relief est traité avec beaucoup de vigueur.
Les constructions d’Eannalum ont consisté surtout dans la
réfection des murs de la ville qui, élevés en brique crue, obli­
geaient à des réparations continuelles. Il entreprit l’achèvement
du quartier sacré Girsu, rétablissement d'un autre quartier
pour la déesse Nina, et la construction d’un canal avec un
grand bassin d’eau, comme on en a trouvé plusieurs dans les
ruines de Tello.

388. La situation acijuise par Eannatum ne dura pas. San


doute ses victoires sur Opis et Kis peuvent avoir donné l’im­
pulsion à l’établissement de la souveraineté sémitique dans
ces villes (§ 382). Les rois de Lagas aussi durent faire la
guerre avec les rois sémitiques de Kis; nous devons peut-être
en voir une preuve dans l’apparilion du mot sémitique da-
mhara « combat » dans leurs inscriptions. En tout cas, la
puissance de Lagaé a bientôt diminué. Lorsque Enannatum I
succéda à son frère Eannatum, Urlumma d'Umma, fils d’Ena-
kalli, réoccupa le territoire contesté et détruisit la stèle-fron­
tière. Comme son père, il porte le titre de roi dans ses inscrip­
tions, tandis que les souverains de Lagas ne lui accordent que
le titre de patési. La guerre commencée par Enannatum fut
continuée par son fils Entemena (vers 2900) qui vainquit de
nouveau les ennemis, mit en fuite Urlumma, installa un prêtre
lli comme patési d’Umma et fit de nouveau tracer un fossé du
3'igre « jusqu’au grand fleuve » (l’Euphrale ?). Les combats ne
170 LES TEXTES SUMÉRIENS ARCHAÏQUES

manquèrent pas à cette époque : une tablette mentionne, par


exemple, l’attaque de 600 Elamites, qui pillèrent le territoire
de Lagas, mais furent refoulés par un prêtre de Ninmar et
durent rendre leur butin. La puissance d’Entemena se montre
aussi en ceci qu'il établit une conduite d’eau à iNippur pour
Ellil, sans doute par reconnaissance pourses succès. D’ailleurs,
chez tous ces souverains, la place prépondérante qu’occupent
la religion et le culte est manifeste. C’est, avant tout, la carac­
téristique de la civilisation sumérienne. Les rois sont élevés
et élus par les dieux, sinon procréés par eux comme les Pha­
raons. Ils sont leurs mandataires et les exécuteurs de leur
volonté sur terre : Entemena et son fils portent à côté du titre
de « patesi de Lagas » le titre plus large « grand patési de
Ningirsu ». On consulte l’oracle pour chaque entreprise, et leur
devoir le plus pressant paraît être d’élever aux dieux un temple
après l’autre : Entemena érigea à Lagaè des temples aux dieux
locaux, mais aussi aux dieux d'Ur et d’Eridu. Les entreprises
d’intérêt général comme la construction de canaux et de réser­
voirs se présentent aussi comme des œuvres accomplies pour
les dieux et pour leur usage. 11 est évident que cela prouve la
puissance illimitée du sacerdoce : les troupes mêmes sont levées
parles prêtres. Nous verrons tout à l’heure combien ces derniers
savaient exploiter à leur avantage cette situation privilégiée.
On peut saisir un progrès décisif dans l’art à l’époque d’En­
temena et de ses successeurs. La lourdeur diminue dans le
dessin en relief, les statues deviennent plus grandes et plus
élancées. La forme de la tête se rapproche de la réalité. Avec
un nez plus grand, un front plus haut et plus droit; l'occiput
est plus fortement marqué. On ose dans les statues d’albâtre
et môme en calcaire séparer les coudes du torse : la petite
statue du roi Esar d’Adab (§ 385) offre les mômes caractères.

Dans la langue sumérienne « nous ne rencontrons aucun vrai


sémitisme d’Urninâ à Lugalzaggisi ; le mot dam~cha~ra = sém.
tamcharam^ Cône Entemena, I, 26 est la seule exception », Ungnad,
LAGAS ET UMMA. l ’a RT SUMÉRIEN ARCHAÏQUE — § 389 171

Orient. Lit. Z.^ 1908, 63. — Tablette de pierre bleue du roi Uriumma :
Ménant, Coll, de Clercq, II, 10, G, Thureau-Dangîn, SA KJ, p. 130.
— Eannatum î, Thureau-Dangin, ibidem, p. 28 et suiv. On a trouvé
diverses inscriptions de ce roi à el-Hibba, au N.-E. de Tello :
Vorderasiat. Denkm. d. Berl. Mus. I, 4-6, étudiées par Langdon,
ZDMG, 62, p. 399 et suiv. Il se nomme lui-même patési; un de ses
fonctionnaires lui donne le litre de roi dans l’inscription votive
d’une masse d’arme, Thureau-Dangin, ibidem, p. 30 c. Son fils ne
régna pas : Déc. en Chaldée, partie épigr., p. x l ix et ailleurs. — Ente-
mena : Thureau-Dangin, ibidem, p. 30 et suiv. Urukagina, Plaque
ovale, 4, 5 et suiv. dans Thureau-Dangin, ibid., p. 56, mentionne
îiussi sa victoire sur Uriumma, dans une conjoncture peu claire.
D’après l’inscription Thureau-Dangin, ibidem, p. 34, Urua, conquise
par Eannatum, paraît lui avoir été encore soumise. — Sous ce roi
et ses successeurs on introduit l’usage de compter les années de
règne en marquant des traits à la fin des documents.— Attaque des
Elamites : Thureau-Dangin, lieo. d'Assijr., VI, 7 = Nouvelles I^ouilles,
p. 32 et suiv. ; 179, la date année 3 appartient à Entemena. Année 19
d’Entemena, ibidem, p. 179 et Rec. de iabl. cun. — Z. XXV,
211, oii Enlitarzi est dans cette année prêtre (sangu) de Ningirsu. —
Sur l’art de l’époque de transition, voir Meyer, Sum. u. Semiten,
p. 92 et suiv. et 89. Pour le vase d’argent d’Entemena, cf. § 370 note.

389. La dynastie d'Urninâ se termine avec Enannatum II


dont nous ne possédons qu’une crapaudine provenant d’une
construction pour Ningirsu. Puis vient une série de patésis
qui régnèrent seulement quelques années et n’ont laissé ni
monuments ni édifices. Quelques-uns d’entre eux nous sont
connus par un nombre de tablettes de comptes domestiques,
trouvées dans les décombres d’un amas de ruinas. Deux
d’entre eux, Enetarzi et Enlitarzi, apparaissent comme prêtres
de Ningirsu sous le règne d’Entemena. Le second et son fils
Lugalanda appartiennent à la fin du règne et tous deux sont
encore en vie sous le gouvernement suivant. Nous ne savons
pas si les suzerains de Kiê sont intervenus dans ces événe­
ments et ont amené la déposition des patésis en disgrâce ;
mais il est certain qu’à cette époque la prêtrise avait la pleine
•172 LES TEXTES SUMÉRIENS ARCHAÏQUES

possession du pouvoir et qu’elle abusa de sa puissance sans


égard pour personne. La position du chef, du patési, fut rabais­
sée au rang d’une charge élective limitée à quelques années.
Mais, lorsque vers 2800 Urukagina devint patési, il essaya
de mettre un terme à la mauvaise administration de Lagas
par d’énergiques réformes et substitua au titre de patési celui
de roi. ürukagina dépeint en détail dans ses inscriptions la
dure oppression que les prêtres et les hauts fonctionnaires
faisaient peser avant lui sur la population industrieuse du
pays, bateliers, bergers, pécheurs, agriculteurs. Il proclame
la nécessité de surveiller étroitement leurs actes. En eiïet, les
prêtres arrachent aux pauvres les étangs poissonneux et le
produit de leurs arbres fruitiers; les marchandises ne sont pas
payées exactement en argent ; les morts ne sont pas enterrés
avec leurs dons ; en revanche, les biens des temples et la
propriété du patési sont gaspillés et dissipés ; dans les décisions
juridiques et religieuses, surtout dans les cas de divorce, c’est
le règne de l’extorsion et de la corruption. Mais lorsque
Ningirsu eut octroyé à Urukagina la domination sur les
10 sarcs (36.000) d'habitants de son pays jusqu’au bord de la
mer, il rétablit l’ordre, fit de nouveau respecter l’ancien droit
et mit fin aux abus et à l’oppression dont souffraient ceux qui
gagnaient leur pain, les pauvres, les veuves et les orphelins. 11
abolit aussi la coutume établie alors, qu’une femme apparte­
nait en commun à plusieurs hommes. « Autrefois c’était le
règne de la servitude, il établit la liberté ». Nous touchons ici
l’envers de la dévotion sumérienne qui s’affirme dans les
innombrables constructions religieuses des souverains et leur
libéralité envers les dieux, qui, en paralysant l'essor du peuple,
aura été la cause politique déterminante de la chute des Sumé­
riens. L’opposition énergique d’Urukagina n’est pas un signe
d’irréligiosité, au contraire, il veut accomplir la volonté véri­
table des dieux, qu’ont dénaturée leurs serviteurs dégénérés.
11 est d’abord vraiment établi roi par Ningirsu, bien qu’il
dédaigne toute épithète flatteuse par laquelle ses prédécesseurs
LAGAS ET UMMA. l ’a RT SUMÉRIEN ARCRAÏQUE — § 389 173

se plaisaient à rappeler leurs rapports avec les dieux. H rend


ainsi à Ningirsu les champs occupés par le patési, à son épouse
lîau le grand palais du harem, à une autre divinité la maison
des enfants de ses prédécesseurs; comme eux il construit des
canaux et des réservoirs. Mais ces constructions doivent être
en môme temps la propriété de tous, la protection du roi doit
être assurée à chacun, et ainsi « la parole, que son roi
Ningirsu a prononcée, doit habiter dans le pays ». fCn même
temps, en opposition aux conceptions et aux institutions domi­
nantes, se développe une plus haute idée de la divinité et do
sa volonté visant à l’accomplissement de la véritable justice.
Les contrastes que nous rencontrons ici pour la première fois
persistent à travers toute Thistoire du pays jusqu’à Nabù-
kudurri-uçur et Nabù-na'id.
L’adoption du titre royal comportait en môme temps l'idée
de révolte contre les rois de KiS, dont la puissance s’écroule à
celte époque. Cet événement a d’ailleurs facilité l’activité réfor­
matrice d’Urukagina. Il ne put d'ailleurs remporter des succès
durables : il fut aussitôt renversé par son heureux rival, le
roi Lugalzaggisi d’Umma {§ 391).

Enannatum II, Thureau-Dangin, NAA7, p. 40. — Une partie des


1200 tablettes provenant des archives des patésis a été publiée par
Thureau-Dangin, Uec. de iaùl. cunéif.; Allolto de la Fuye, Docum.
jn'ésar<jouiques ; et avant tout Genouillac, l ’abl, sumét'. archaïques,
matériaux pour seroir à l'histoire de la société sumérienne, 1909 ;
enfin M. Hussey, l'ufjlels in the Harvard Muséum, I, 1912. Dans son
introduction, Genouillac a tiré des textes publiés une très substan­
tielle esquisse des conditions politiques, sociales et matérielles de
cette époque. (Voir aussi Kugler, Sternkunde u. Sterndienst, II, 105
et suiv.). Il a aussi fixé la suite des souverains (voir aussi Orient.
Lit. Z ., 1908, 213] avec les plus hautes dates des années mentionnées
dans les textes (cf. Thureau-Dangin, SA K I, p. 224), comme il suit :
Enetarzi, 4 ans; Enlitarzi, 3 ans ; Lugalanda, 7 ans [sur ses sceaux,
Allotte de la Fuye, Rev. d'Assyr., VI, 103 et suiv.] ; roi Urukagina,
7 ans (au début de sa première année il s’appelle encore patési).
174 LES TEXTES SUMERIENS ARCUAÏQUES

Enetarzi apparaît comme prêtre sur la tablette mentionnant l’attaque


des Elamites, Enlitarzi dans la 19® année d'Entemena (§ 988 note);
donc l’intervalle qui sépare Enannatum II d’Urukagina ne doit guère
dépasser une génération. Comme Cenouillac et d’autres, l’auteur a
voulu placer à cette époque le patési Engilsa de Lagas, cité par
l’obélisque de Manistiisu, A, 14, 7, père de Urukagina et considérer
ce dernier comme le roi postérieur (Meyer, dans Ber. Herl. Akad.,
1912, 1084). Cela est faux, car Manistusu est plus jeune que Lugal-
zaggisi (§ 397 a note). Donc Engilsa sera plutôt un descendant du
roi Urukagina, ayant donné à son fils le nom d’un ancêtre. — On ne
peut guère admettre l’opinion de Genouillac, que le titre « grand
patési » a le même sens qu’ « ancien patési ». Entemena et Enanna­
tum II, ainsi que Lugalzaggisi (§ 391) et le roi de Ma'er (§ 393) entre
autres, portent aussi le même litre. — On a des comptes semblables
à ceux de Tello, provenant de Djolja (ümma), qui mentionnent un
patési Ennalum : Thureau-Dangin, Rev. d'Assyr., VIII, 134 et suiv.
— Inscriptions d’Urukagina, Thureau-Dangin, S A K I, p. 42 et suiv.;
Nouvelles Fouilles, p. 213 et suiv. ; 218 et suiv.

Autres souverains sumériens. LJruk. JAigalzagyisi.

390. Nous apprendrons à connaître dans les nombreuses vill


de l’ancien pays sumérien des événements pareils à ceux qui
se déroulèrent à Lagas, si les autres ruines de Sinéar livrent
un jour des documents. Lorsque Djolja, la colline qui recouvre
Umma, sera fouillée, le tableau monotone que présente Tello
se vivifiera et se justifiera aussi de diverses manières. Pour le
moment nous ne pouvons que reconnaître un état de fait :
parmi les villes sumériennes üruk, la ville de Nanaia et du
puissant héros Gilgames, auquel elle attribue la construction
de ses murs, tend à prendre la première place, et reprend
toujours à nouveau la lutte contre les Sémites. Nous ne savons
pas si les vainqueurs d’Enbi-lstar et d’Ensagkuéanna (§ 382)
sont partis de là. Nous connaissons bien un roi, nommé Lugal-
kigub-nidudu, reconnu par Ellil et pour qui le dieu « a réuni la
AUTRES SOUVERAINS SUMÉRIENS. URUK. LUGALZAGGISI — § 391 173

seigneurie et la royauté, a fait d’Uruk une seigneurie, d’ü r une


royauté ». Plein de gratitude pour ces bienfaits, le roi, ainsi que
son fils et le corégent Lugalkisalsi, qui porte en même temps le
titre de « roi d’Uruk, roi d’Ur », a voué à Nippur plusieurs vases
de pierre et de gros blocs de pierre, qui furent dans la suite uti­
lisés par Sarganisarri d’Akkad et Pûrsin. Nous ne savons pas
s’il s’agit pour lui d’une réelle suzeraineté sur tout le pays, ce
qui présupposerait sans doute un combat avec Kis, ou simple­
ment d'une royauté locale comme celle d'Urukagina de Lagas.

Monuments : Hilprecht, Bah. Exped., I, n'’ 23-23, 8G-89, pl. XVII,


XVIII, cf. I, 2, p. 40.37 et suiv. Tluireau-Dangin, SA Kl, p. 136.
Onyx vert de Lugalkisalsi provenant de Warka : Banks, Amer. J.
of Semit. Philol., XXI, 62. Dans la stèle de Lugalkisalsi, élevée par
Gudéa, Cyl. A, 23, 9 le nom doit être un appellatif. Les deux rois
doivent être antérieurs a Lugalzaggisi.

391. D’après la liste royale de Scheil, le roi Lugalzaggi


d’üruk, avec un règne de 23 ans (vers 2800), suit cette dynastie
de Kis qui n’apparaît ici que sous des traits légendaires. Il
mit fin au royaume de Kis ainsi qu’à la domination des
Sémites dans le Nord. Lugalzaggisi était déjà connu; il est fils
d’ükus, patési d’Umma. Comme Urukagina de Lagas, il a pro­
bablement secoué la suzeraineté de Kis, et, encore comme
patési .d’Umma, renversé l’ancien rival de la ville de ses
pères. L’opposition suscitée par les réformes d’Urukagina a
pu l’aider dans ses entreprises. Urukagina fut vaincu et le
même sort funeste atteignit sa ville : les gens d’Umma massa­
crèrent les habitants de Lagas dans les temples et les palais,
y mirent le feu, brisèrent les statues divines et pillèrent l’ar­
gent et les pierres précieuses. Nous possédons une tablette sur
laquelle un scribe de Lagas raconte toutes ces infamies et
appelle la punition sur la tête de Nisaba (§ 371), la patronne
de Lugalzaggisi, tandis qu’aucune faute, à ce qu’il assure,
n’atteint le roi Urukagina.
Après ce succès, Lugalzaggisi a dû étendre au loin sa puis-
LES TEXTES SUMERIENS ARCHAÏQUES

sancc, d'abord dans les territoires de TKiiphrate, puis transfé­


rer sa résidence dans la vieille ville royale d’Üruk. 11 mit ainsi
lin au royaume de Kis, et Ellil de Nippur lui octroya w la
royauté du Pays [Kalama) ». Dans la grande inscription, gravée
sur de nombreux vases de pierre voués par lui à Nippur, il
parie en de tout autres termes qu’Urukagina de Lagaë, surtout
comme représentant du véritable sumérisme. 11 entasse les
titiilatures qui le mettent en relation avec les dieux; il n’est
pas seulement « roi d’Uruk, roi du Pays », mais aussi prêtre
d’Anu, prophète de Nisaba, « grand patési d’KlIil (cf. § 389
note). « Dans les sanctuaires de Sumer [Kiem/i) on le fit patési
des pays [kurkura), à Uruk, grand prêtre ». Ainsi il a pris
soin de ces sanctuaires et de leurs dieux ; il les a remplis de
joie, Uruk, ür, Umma, Nippur et d’autres encore. Il ne
nomme par contre aucune des villes du Nord qui étaient aux
mains des Sémites. Ces cités doivent lui avoir été soumises,
car il n'a pas seulement dominé sin* tout Sinéar, mais, à la
tête d’une armée « nombreuse comme les herbes », dont il
demande dans les prières d’Ellil le maintien et pour laquelle
il implore la nourriture, il a jeté à bas le monde au loin : « Du
levant au couchant, il a fait des conquêtes ; de la mer infé­
rieure au Tigre et de l’Euphrate jusqu’à la mer supérieure
Ellil lui a aplani les sentiers ». Donc il a, en tout cas, pénétré
jusqu’à la mer Méditerranée; son domaine est de beaucoup
plus étendu que celui des rois de Kis; il est le premier des
grands conquérants sortis de Sinéar dont nous ayons connais­
sance. Mais il n’a pu maintenir la puissance acquise qu’un
temps très court : après un règne de 2o ans il ne put résister
au nouveau soulèvement, décisif alors, des Sémites d’Akkad.
L’inscription de Lugalzaggisi, Thureau-Dangin, N.4 AY, p 152 et
suiv. aété restituée grâce au travail pénible et consciencieux de Hil-
precht qui rapprocha ses nombreux fragments, Bab. Exped.^ 1, 87.
Rapport de Tello : Thureau-Üangin, SAKf, p. 56 et suiv. [Rev. d'As-
syr.^ VI, 26 = Nouv. Fouilles^ p. 45, cf. p. 214 et suiv.). — Pour le
tableau ci-joint, voir la liste des dynastes d’Opis et de Ki§, § 381 note.
AUTRES SOUVERAINS SUMÉRIENS. URUK. LUGALZAGGISl — § 391 177


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LES TEXTES SUMEKIENS AKCIIAÏQUES

Les E lam ites df^ Su.sf.

392. Nous avons vu quo les Klamiles de Suse ont cnlrepri


sans cesse des expéditions guerrières et des pillages contre
Sinéar (§§ 386.388). Des tentatives en sens coniraire, guerres
des souverains des pays bas pour soumctlre la plaine fertile de
Suse, n’ont pas manqué à celte époque, de môme que des rela­
tions pacifiques entre les deux pays furimt sans doute établies
de façon durable. Ainsi s’est développée de bonne heure en
Elam une civilisation remarquabb; que nous connaissons gi àce
aux fouilles françaises de, Suse. Ici, comme en Sinéar, les plus
anciens établissements apparliennenl à l’àge de 'a pierre, mais
déjà aussi cependant à l’àge du cuivre. La dépendance par rap­
port à Sinéar ressort partout avec évidence, dans l'art, les
figures et les symboles des dieux, dans l’oiseau héraldique de
Suse, enserrant un canard (§ 370), dans les représentations
des scènes mythologiques qui sont simplement empruntées,
dans les cylindres et les sceaux, dans riiabillement, et, ce
semble, aussi dans les constructions. Mais en dehors de ces
emprunts, les particularilé.s indigènes sont visibles; ainsi les
noms babyloniens des divinités n'ont aucunement pénétré
dans le très nombreux panthéon, quoiqu’on ait emprunté à
Sinéar le.s représentations figurées des divinités. La céramique
aussi est indigène : les gobclels bien ouvragés, les coupes et
les vases sont couverts de dessins linéaires ainsi que de plantes
et d'animaux stylisés dans le sens géométrique. Ce sont des
boucs, antilopes et cerfs, bœufs, chiens, oiseaux, parmi les­
quels l'aigle héraldique planant, rarement des êtres humains.
Ces motifs reviennent sur les cylindres contemporains. Des
modèles de vases semblables sont répandus au loin à travers
les montagnes de l’Asie, tandis ([ue la peinture des vases d'ar-
LES ÉLAMITES DE SüSE — ^ 392

gilc est aussi étrangère à la Haliylonie qu’à l’Egypte, depuis


l’époque tliinile.
L’art de récriture aussi et le matériel pour écrire la lal)lelle
d’argile sont empruntés par les Elamites aux Sumériens ; mais
ils se sont constitué une écriture propre. Los signes graphi­
ques l■emontent ici aussi, à ce qu’il semble, à des images hiéro­
glyphiques; mais ils sont déformés en combinaisons de traits
compîètcmcnl dilTérentes des signes babyloniens. En dépit de
cette divergence, la dépendance ressort avec une évidence
particulière en ce que cette écriture est une pure écriture
syllabique avec peu de déterminatifs. Ici aussi, comme dans
l’écriture sémitique babylonienne, la plupart des signes sylla­
biques ne se composent que d’une consonne et d’une voyelle, et
les syllabes comme tik et ras sont exprimées par li-ik et ra-as.
Celte écritni'e est conservée sur des monuments de pierre au
nom du souverain BaSasusinak (§ 416). postérieur à Naràni-
Sin. Ce roi emploie en même temps la langue et l’écriture
accadicnnes (sémitiques). Même écriture sur de nombreuses
tablettes de comptabilité, qui atteignent à peu près répo<jue
du royaume de Sumer et d’Akkad. Il résulte encore de ces
documents que le système numéral, comme les chiffres de l’écri­
ture susienne, est décimal, non sexagésimal comme en Sinéar.
A l'époque suivante, dans la deuxième moilié du troisième
millénaii'C, l'écriture indigène disparaît; dès lors en Elam c’e^t
le cunéiforme babylonien qui est exclusivement emplojé.

Scheil a publié les inscriptions « proloélamites » de Basasusinak


et les sculptures qui s’y rapportent, Di>Ug. en Perse, ’VI [Textes élam.-
sémit., III) pl. 2; X [Textes él.-sém., IV), pl. 4-3; /iev. d'Assyr., VII,
pl. 2. Pour les tablettes (plus de 300). ibld,, VI, p. 39 sq. D'après les
empreintes de sceaux sur le n“ 3242, pl. 24. elles atteignent l'époque
du royaume de Sumer et d’Akkad. Scheil a correctement distingué
le système numéral, tandis que ses essais de déchiffrement sont
malheureux. Par contre, Frank a réussi à fixer sur le bilingue de
Basasusinak la valeur des signes élainiles et à po.scr ainsi la base
du déchiffrement [Zur fJntzi/ferung der altelamit. Inschriften, dans
LES TEXTES SUMÉRIENS ARCnAÏQUES

Abh. fîerl. Akad., 1912), ce qui assure en même temps l’identité de


cette langue avec la langue indigène, qui, écrite en cunéiforme à
partir du deuxième millénaire, apparaît dans les inscriptions et
les briques de Suse; Scheil l’appelle anzanite. Le plus ancien
établissement sur la colline fortifiée de Suse appartient déjà au
commencement de Tàge du cuivre : vases d’argile fine avec pein­
tures noires soignées. Cette première assise est séparée de la
seconde par une couche de terre (probablement un remblai pour
une nouvelle construction?). Les vases de la deuxième assise sont
d’une technique moins parfaite, mais portent beaucoup plus de
figures d’animaux; la peinture est noire et rouge. La même assise
contient entre autres de^ nombreuses tablettes votives et des vases
de pierre ornés de figures, qui correspondent à l’époque d’Eanna-
tum et d'Entemena; ainsi le plus ancien établissement remonte ici
aussi sans doute jusqu’au delà du troisième millénaire.
Tableau des assises : de Morgan, Dé^g. en Perse^ XIII {ArcheoL,
V). La céramique y est traitée par Pottier, les sceaux par Pézard
(vol. XII). Céramique contemporaine de Tépé Moussian, 100 kil. à
Lest de Suse, Gautier et Lampre, dans le vol. VIII. La portée et
l’originalité des découvertes de Suse sont souvent exagérées. La
décoration géométrique des vases paraît fort répandue en Asie ;
mais il n’y a pas de relations spéciales entre la céramique susienne
et celle d’Anau au Turkestan par exemple. — Les figures imberbes,
avec une longue chevelure sur les reliefs publiés Délég., XIII, 33, 5;
37, 8; 40, 9 (et 34,4 et 5?) représentent sans doute le type indigène;
par contre, les figures barbues, pl. 40, 3, sont peut-être importées;
cf. § 362 note. L’habillement est semblable à celui des Sumériens;
dans la scène symbolique de culte pl. 37, 8 les deux hommes sont
nus comme en Sinéar.
IV

LE ROYAUME SEMITIQUE D’AKKAD

Les Sémites d'Akkad.

393. Tandis qu’au sud de Sinéar la nationalité sumérienn


accentuait la marche progressive de sa civilisation particulière,
au nord les Sémites se sont de plus en plus consolidés. Nous
avons déjà vu (§ 382) qu’ils étaient arrivés à dominer dans le
royaume de Kié, et de môme, ce semble, à Opis, sans doute
peu après la victoire d’Eannatum. Le siège principal des
Sémites est formé par le territoire où l’Euphrate entre dans le
pays marécageux et envoie vers le Tigre les premiers grands
canaux. Là se trouve la ville de Sippar, aujourd’hui Abu Habba,
près de laquelle Sargon (Sarru-Kîn), le fondateur du royaume
akkadien, construisit sa capitale Akkad, dont le nom s’écrit
Agade {§§ 398.403). Le nom est le même pour le pays et pour le
peuple qui l’habite. Sippar est le siège du dieu-soleil Samaé,
que les Akkadiens honorent comme le dieu principal, tandis
qu’Akkad est habité par la déesse Anunît, désignée le plus
souvent simplement comme Istar, (c’est-à-dire 'Athtar, Astarte
§ 346) : c’est pourquoi Akkad est souvent appelée « Sippar
d’Anunît ». Les Akkadiens sont aussi de zélés adorateurs du
dieu-lune Sin; ce nom divin est peut-être purement sémitiqüe
et désigne un dieu que l’on doit distinguer du dieü-lune sumé-
ridrt d’Ur (§ 368). Le dieu Siti se itoüve aussi chez les tribus
LE ROYAUME SEMITIQUE D AKKAP

du sud diî l’Arabie, mais il peut avoir pénétré chez eux en


portant de Babylonie. Plus au su'l d’Akkud, Borsippa avec son
dieu des oracles, iNebo (Nabiu, Nobû) « le prophète », est pro­
bablement aussi d’origirje sémitiijue; car Nebo est un nom
purement scmili<|uc. Il en est <Je même de la ville voisine,
Bàb-il, Babel, la porte du dieu », siège d’un dieu local, Mar-
diik. Ce n’est san*^ doute (ju’iiii hasard si ces deux divinités
n’apparaissent pas dans les textes et les noms propics de la
première dynastie babylonienne ; ces localités n’ont joué jus­
que là aucun rôle historique important et nous ne possédons
aucun document ancien qui en provienne. Dans les noms
propi’cs akkadiens conservés en grand nombre ()ar l’obélisque
do Mauistusu (§ 399). l’emploi du mot bH « seigneur » (§ 347)
est très fréquent pour désigner la divinité. On y trouve aussi
fréquemment Dagan (i; 396), puis le dieu local de Kis, et na­
turellement beaucoup d’autres dieux sumériens parmi lesquels
le dieu du ciel, Anu, est beaucoup plus en évidence (|ue chez
les Sumériens, ce qui correspond aux conceptions des Sémites
(§ m -
La ville Ivasalla, située au nord de la Babylonie, a aussi son
souverain sémitique à l’époque de Sargon (Sarru-Kîn) (§ 401).
De même Ma’er, tout au nord, près de la steppe mésopota-
mienne, conquise par Lannatum (§ 38G), fut sémiti«jue. Nous
possédons la statuette sans tête d’ « un roi de Ma’er, grand
patési d’Lllil », ex-voto au dieu soleil : le roi porte le vêtement
sumérien comme sur les monuments de la dernière époque
archaïque de Tello; mais l’inscription (le nom est détruit) doit
être probablement lue en sémitique.
La position de Sippar a été fixée en 1880 par Itassam (cf. Pline,
VI, 123 : Hippareni) ; sur les fouilles de Scheil, § 383 note. Pour
Sippar et Akkad (écrit Agade, cf. Bezold, Catal. o f the h'ouyuudjik
Collection, lit, 1019 ; Gen,^ X, 10 : t; n‘) et leurs dieux, voir De-
litzsch, Wo lag das Paradies, 210 et suiv.; Zimmern, KAT^^ p. 399
et suiv., 422 et suiv. — De même que Nabû et Marduk le dieu Ner-
gal de Kutha, qui est certainement sumérien, n’apparaît jamais, ce
LES SÉMITES d ’a KKAD — 394

semble, dans les textes anciens. — Statue de Ma’er au Biit. Mus. :


King, Hist. o f Surner and Akkad, pl. face p. 102, cf. p. 98, 1. Thu-
reau-Oangin, SAA'f^ p. 170. La ville doit avoir été située dans le
voisinage de Subi, c’osl-à-dire dans le steppe de l’Euphrate, ainsi
que l'indique l'inscription de Samasresusur, Weissbach, Babylon.
Miscidlen, p. 9 et suiv. C’est pourquoi Eannatuin, galet A, 6, 22, la
noinine à côté de Kis et d’Opis. Voir aussi la destruction de ses murs
par Haimnurupi, King, LUI, lll, p. 230. — Poebel pense que l'on
doit lire Zam a-ina le nom divin an-A-inal, que mentionnent fré­
quemment les inscriptions des plus anciens rois sémitiques (OAZ,
XV, 484), ce ne serait aussi qu’une ancienne manière d’écrire le
nom du dieu local de Kis. 11 se trouve encore dans l’inscription
susienne de Narâm-Sin 402 a) en compagnie de dieu.x purement
élamites.

394. Nous pouvons tracer aujourd’hui un tableau plu


vivant que ces dernières années de la civilisation des Sémites
d’Akkad, car maintenant les éléments de son apogée sous
Narâm-Sin sont connus au moins par quelques monuments.
L’inlluence sumérienne est des plus puissantes, mais les
Sémites n’ont pas emprunté mécaniquement la civilisation
archaïque : ils se la sont appropriée et l’ont développée en lui
imprimant des caractères distinctifs. De môme que leur parti­
cularisme a pénétré au travers de la religion, de l’État et de
l’art militaire, ils ont, en môme temps, continué à développer
l’écriture qu’ils avaient reçue des Sumériens. Sans doute, ils
emploient souvent simplement les mots ou groupes de mots
sumériens pour désigner des expressions propres à leur langue ;
non seulement dans les signes des mots on conserve par
exemple pour sarru « roi », le signe sumérien liigal, pour ilu
« dieu » le sumérien dingir (a/i), et de même pour les noms
des dieux et des villes ; mais ils ont souvent pris des groupes
entiers de signes précisément pour les substantifs et les verbes
les plus usités : ils écrivent par exemple pour uniq « il dédia »
le mot sumérien a-mu-ru, et pour napütu « vie » nam-ti-la.
Par cela, ils ont introduit dans l’écriture un nouvel élément
LE ROYAUME SÉMITIQUE d ’a KKAD

idéographique d’une nature très compliquée, qui rend très dif­


ficile pour les petites inscriptions le choix d’une lecture en
sumérien ou en sémitique. Mais à côté de cela l’élément pure­
ment phonétique et l’écriture composée de signes syllabiques
simples (§ 376 a), dont le nombre augmente considérablement,
l’emportent de plus en plus. Nous le constatons dans les élé­
ments de formation, prépositions et sufRxes entre autres, mais
aussi dans beaucoup de mots et de noms, et cela dès les plus
anciens rois sémitiques. Dans le détail les signes diffèrent
beaucoup des signes sumériens (ainsi le signe pour « roi ») ;
ils montrent un gros trait accentué qui manque aux inscrip­
tions sumériennes archaïques. Déjà les plus anciennes inscrip­
tions sémitiques sont beaucoup plus nettes et mieux ordon­
nées que les inscriptions sumériennes contemporaines. De
même Sarganisarri et Naràm-Sin emploient aussi bien pour
écrire que pour bâtir de grandes briques polies, rectangulaires,
et non plus la petite tablette ovale et la brique de construction
planoconvexe des Sumériens. Les Sémites ont donc dépassé
leurs maîtres, mais cela est surtout visible dans Tart plastique.
Si les prototypes sumériens sont certainement au début de leur
essor, il est d’autant plus facile de marquer immédiatement
leurs tendances à se dégager de leurs formules étroites et de
leur lourdeur, à atteindre une plus grande exactitude et par
cela môme à une vie morale plus riche. C’est pourquoi les
productions artistiques de l’époque de Narâm-Sin laissent bien
loin derrière elles tout ce que les Sumériens ont créé jusqu’a­
lors ; elles témoignent d’une allure plus libre et d’un senti­
ment artistique beaucoup plus vif.
Dans leur aspect extérieur les Sémites se distinguent nette­
ment des Sumériens par la forme du visage, mais aussi par
leur chevelure longue et frisée et leur barbe soignée (§ 362);
c'est pourquoi, au regard des Sumériens, ils s’appellent sou­
vent dans les textes « les tètes noires ». L'habillement est
aussi différent : les Sumériens ne portent qu’une robe de laine
et laissent nu le haut du corps (§ 368) ; les Sémites portent
SÉMITES ET TRIBUS MONTAGNARDES DU NORD — § 395 185

une courte robe drapée en larges bandes sur les épaules et


retenue par une ceinture, surtout dans le combat; ils s’en­
tourent le corps d’un long châle rayé, en larges bandes placées
les unes sur les autres, dont la pointe est jetée par dessus
l’épaule gauche, tandis que la droite reste libre. Ils emploient
aussi les sandales. Chez eux également les insignes de la
royauté sont une faucille recourbée et une masse d’arme ; le
souverain porte encore des bracelets. Au lieu de combattre en
phalanges fermées comme les Sumériens ils adoptent l’ordre
dispersé, comme on le voit sur un relief guerrier du royaume
d’Akkad provenant de Tello (§ 404). L’arme principale est
l’arc; une longue houppe comme une queue pend du grand
carquois; ils emploient encore la lance. Tous les guerriers
portent de courts javelots et quelques-uns une hache d’arme.
Ils se protègent la tôle par un casque à garde-nuque comme
les Sumériens. Leurs batailles constituent donc une série de
combats isolés.

Les matériaux sont réunis et analysés par E. Meyer, Sum. u. Sera.


Depuis, les monuments de Sarrukîn et de Manistusu ont réellement
fait avancer nos connaissances et nous ont révélé les plus anciennes
formes de Tart sémitique, qui ne pouvaient qu’être supposées dans
la précédente édition de cet ouvrage. Sur l’armement, voir mainte­
nant Scheil, U armure aux temps de Narûm-Sin [Nouvetles Notes,
XVI, Recueil de Travaux, XXXV), élude fondée sur une tablette de
livraisons d’un fabricant de Suse.

Sémites et tribus montagnardes du Nord. Subari. Amorrites.

395. En deçà d’Akkad commence la plaine mésopotamienne


Précisément dans les territoires contigus à Sinéar, le pays
entre les deux fleuves, est un vaste désert dénudé et sans
eau, dont le sol pierreux ne se couvre d’herbe qu’après une
LE ROYAUME SEMITIQUE D AKKAD

chute de pluie, tout comme dans le désert qui, par delà l’Eu­
phrate, se prolonge jusqu’en Arabie. Seules d’étroites bandes
de sol cultivable bordent l’Euphrate; elles sont un peu plus
étendues le long du Cliaboras et du Tigre; et au Nord-Ouest,
dans les collines aux sources du Chaboras et le long du Halilj,
les terrains capables de culture s’élargissent, et se prolongent
vers rOuest par delà l’Euphrate jusqu’à l’Amanus; mais ils
sont cependant partout coupés par des déserts et des steppes
herbeux. Tout ce territoire est occupé à l’époque archaïque
par des tiabiis apparentées aux peuples du haut pays asianique
et arménien, surtout aux Hittites. Plus tard le peuple Mitanni
qui appartient à cette population parvint à dominer sur le
pays du Halih. Les Babyloniens englobent ces tribus sous le
nom de Subaii; le pays s’appelle Subartu. Les localités sont
ordinairement gouvernées par des dynastes locaux ou « rois » :
Ma’er aussi peut déjà leur appartenir (s; 393). Mais ce pays dut
avoir une plus grande unité, peut-être sous l’autorité d’un roi
de clan. Dans la vaste littérature des présages, qui se développa
en Babylonie les siècles suivants (§ 426 a), le roi de Subartu
est régulièrement cité à coté de celui d’Akkad ( ~ Babylonie),
d’Elam et du pays Amorrile. Dans la suite, des clans sémi­
tiques ont aussi pénétré dans ces territoires, soit comme
nomades dans le désert, soit en sédentaires dans les localités
sur l’Euphrate et le Tigre ; ainsi la ville d’Asèur fut à l’origine
fondée par une population rnitannienne (§ 433a). Ce dévelop­
pement doit avoir commencé dès l’époque des rois de Kis ; en
tout cas la civilisation de Sinéar a pénétré très tôt dans ces
contrées et l’écriture s’y est propagée.
On peut faire les mômes observations sur les nombreuses
tribus du pays montagneux à l’Est, dont les plus importantes
sont les Lulubi sur la Diàla supérieure et les Gôti plus au Nord.
Dans les inscriptions isolées de l’époque suivante (§§4Ha, 431),
ils écrivent en sémitique, honorent des dieux sémitiques (Istar,
Sin, d’autres encore), et le roi des Lulubi, Anubanini, porte un
nom sémitique et un costume sémitique. Les Gùli d’après leurs
SÉMITES ET THIBUS MONTAGNARDES DU NORD — § 395

noms propres étaient une tribu étrangère, caractérisée par une


teinte de peau claire (§ 423). Les Lulubi pouvaient être une
tribu sémitique fixée dans la montagne. Des Sémites de ce
genre paraissent avoir aussi pénétré en Klam.
D’après leur langue ces tribus sont étroitement apparentées
aux Akkadiens. Mais les Assyriens, de même que les Gutéens,
se distinguent pourtant d’eux en ceci qu’ils prononcent, (ainsi
les Amorriles), ditréremmenl les sifïlantes. U ne serait pas
impossible que les Akkadiens (et surtout la population primi­
tive de Sinéar au cas où elle aurait été sémitique et les Sumé­
riens des envahisseurs) forment une couche plus ancienne de
Sémites sédentaires, et que les Sémites de Mésopotamie, y
compris les Assyiiens et les tribus montagnardes, soient une
migration postérieure de tribus bédouines, grâce à laquelle
l'élément sémitique en Sinéar fut renforcé et prit une vigueur
nouvelle.
Sur Subari voir Ungnad, Uniers. zu d. Urk. aus Dilbat, ( Heitr. z.
Assyr.y VI, o], p. 10 et suiv. Subari est la forme babylonienne, qui
apparaît donc aussi dans les lettres d'El Ainarna, 109, 40 éd.
Knudtzon [108, 17 Suri est une erreur]; les Assyriens écrivent sur­
tout Subari avec le changement correct de signe, mais souvent aussi
Subari. Ungnad a apporté beaucoup de clarté dans la question,
prouvé l’extension de la population milannienne, de leurs noms et
l’appartenance des plus anciens rois d’Assur à cette population.
Plus tard Subari est la désignation générale des tribus nomades de
Mésopotamie; c’est pourquoi Nabopolassar (Nabû-apal-usur) et
Nabû-na'id emploient le nom pour désigner l’Assyrie, cf. Langdon,
d\e neubabyl. Kœnigsinschr., traduct. R. Zehnpfund, p. 60, 1, 29;
272, 1, 35 et 2, 18 où la note p. 273 contient beaucoup d’inexacti­
tudes. Le pays s’appelle Subartu, écrit Su-edin-ki, c’est-à-dire avec
la consonne initiale de la prononciation véritable, à laquelle sont
joints les idéogrammes pour désert et pays. Winckler, s’appuyant
sur Strassmaier voulait lire ri l’idéogramme edin et considérait
Suri comme la prononciation exacte. Suri aurait été un nom pour
tout le pays du Zagros à la mer Méditerranée et à l’Asie Mineure
orientale, d’où serait sorti aussi le grec Sup-a. Cette opinion n’a
188 LE ROYAUME SÉMITIQUE d ’AKKAD

aucun fondement, comme Meyer l’a montré, Israël, u. Nachbarst.,


p. 4G9 et suiv. ; cf. aussi Weissbach, ZDMG., 53, 662 et suiv. La
défense de Winckler, OLZ, 1907, embrouille la question. — Les
matériaux tirés des présages peuvent être facilement empruntés
maintenant à Jastrow, Helig. fiab. u. /I55 ., vol. II, cf. Ungnad, loc.
cit. La division en contrées célestes, Elam-Sud, Akkad-Nord (!),
Subartu-Est (!), Amurru-Ouest, est assez arbitraire, comme beau­
coup de choses dans cette littérature. Les Gûti, les amman Manda,
tribus nomades de l’Iran septentrional, et d’autres royautés locales
de Babylonie y sont souvent mentionnés. — Anubanini de Lulubî
écrit dans son inscription (§ 431) les sifflantes comme les Babylo­
niens, Lasirab de Gûti par contre écrit presque toujours s pour le
babylonien s, suivant la prononciation assyrienne. Cela arrive quel­
quefois aussi chez Hîimmurabi (ainsi isattar), peut-être sous l’in­
fluence amorrite, car les Amorrites disent aussi samsu et sumu, par
exemple pour le babylonien Samsu et sumu.

396. Dans la première moitié du troisième millénaire app


raît un nouveau peuple sémitique, les Amorrites (Amurru).
Les informations babyloniennes les placent dans le « pays de
rOuest », vers la Syrie; c’est là, dans les districts du Liban,
l’arrière pays de la Phénicie, qu’ils forment un Etat distinct
au XVI* et au xv* siècle. Cependant ils paraissent s’être étendus
alors encore beaucoup plus loin. Et un millier d’années aupa­
ravant ils étaient sans doute un peuple bédouin en train de
devenir sédentaire; leurs invasions se dirigèrent vers Sinéar
et vers la Syrie, comme ce fut le cas plus tard pour les Ara-
méens et les Arabes. Peut-être que le mouvement provoqué
en Syrie par les « habitants du sable » aux temps de la VP dy­
nastie égyptienne est en corrélation avec leur extension (§ 266).
Les Amorrites se distinguent extérieurement des Akkadiens
par le port de la chevelure : dans la suite les Akkadiens portent
la chevelure longue et la moustache, comme les Sémites séden­
taires de la Palestine (§ 354), mais Maniétusu a encore pour­
tant la chevelure rasée (§ 399). Les Amorrites, par contre,
coupent suivant la mode bédouine leürs cheveux ras sur lé cou
SEMITES ET TRIBUS MONTAGNARDES DU NORD § 396

et rasent leurs lèvres. Leur langue paraît avoir été très proche
parente du cananéen, c’est-à-dire du phénicien et de l’hébreu.
Lorsqu’ils pénètrent plus lard en Sinéar, leurs noms propres
se distinguent nettement des noms akkadiens. Ils honorent
comme principal dieu Adad, qui marche dans l’orage, comme
le Yahwé des Israélites, et brandit l’éclair ou encore un puis­
sant marteau (cf. § 490). Les Akkadiens l’ont admis dans leur
panthéon et le désignent souvent par l’épithète Bamânu « le
hurleur (celui qui tonne) » ; de là il pénétra aussi dans le pan­
théon sumérien, chez les Lulubi et surtout chez les Assyriens.
A côté d’Adad se trouve un dieu, qui comme Assur entr’autres
(§ 343), porte le nom de tribu Amurru. Sur les cylindres baby­
loniens il est vêtu d’un costume guerrier, il tient dans la main
droite un bâton recourbé et dans la gauche un épieu. Ce dieu
marche parfois sur un cerf (une antilope?) ou bien un bouc se
tient derrière lui. Il est donc un dieu du combat ou de la chasse.
Plus tard il est souvent identifié avec Adad et peut-être n’est-
il qu’un autre nom de ce dieu, par lequel il est désigné comme
dieu spécial de la tribu. Son épouse est Asera-Asrat, c’est-à-
dire l’être divin qui siège dans le pieu sacré érigé près de
l’autel divin. Un autre dieu amorrite est Dagôn-Dagan, dont la
nature précise nous est inconnue. Son nom est souvent employé
déjà sous Manistusu pour former des noms propres ; il fut donc
peut-être commun aux Amorrites et aux Akkadiens. Il faut
probablement mentionner encore un dieu qui a joué plus tard
un grand rôle en Sinéar comme chez les Assyriens : il pénètre
en particulier dans le culte de Nippur, où il est un fils d’Ellil
et dont l'épouse est Gula. Son nom est écrit idéographique-
ment avec le signe Nin4b. La prononciation était probablement
quelque chose comme En-mast, d’après une transcription ara-
méenne postérieure. Ce nom a un aspect essentiellement sumé­
rien, ce qui est en opposition surprenante avec le fait qu’il
n’apparaît jamais dans l’ancien panthéon sumérien, mais ne
commence à être honoré qu’à l’époque du royaume de Sumer
et d’Akkad. Par contre, il se trouve aussi en Syrie et en Phé-
LE ROYAUME SEMITIQUE D AKKAI)

nicio ; donc il sera sans doiile un dieu amorrite, (jui comme


lladad, Amurru, Asrat, Dagan a suivi les Amorrites en Sinéar.
Il est aussi un dieu de la chasse et de la guerre, qui passe dans
Fouragan ; son domaine spécial est formé par les pierres des
montagnes, dont il détermine l’emploi comme oulils, armes et
sculptures. Il n'est pas surprenant que son nom s’écrive idéo-
graphiquement pour ce dieu, car Adad et Amurru sont aussi
écrits idéographiquement. Il a aussi peut-être un nom suméi’ien
que cache Kumast; malheureusement cette prononciation est
encore très incertaine. Donc le plus sage sera de conserver pro­
visoirement la transcription reçue Ninib môme dans les nom­
breux noms propres où il se trouve, bien qu’il soit tout à fait
certain qu’il n'a jamais été prononcé de celte manière.

Le nom des Amorrites est écrit dans les lettres d’El-Amarna sou­
vent A-mu-ri, A-mn-iir ra, le plus souvent A-mur-rii, ce qu'on lisait
par erreur autrefois A-hur-ru ; à l’époque archaïque en particulier
il est écrit surtout idéographiquement Mar-tu(ki) ; de même le nom
du dieu; mais pour ce dernier, on trouve aussi l’idéogramme Kur-
gal, qui le désigne comme dieu de la montagne. Ce nom est trans­
crit dans les noms propres de l’époque perse en araméen par "Hx
Awur, c’est-à-dire la prononciation babylonienne d'Amurru : Clay,
//A’, X, p. 7 et suiv., XIV, p. vin et suiv., cf. Clay, Aramaic fndor-
sements on the documents of Murahi Sons (Old Test, and Semitic
Sfudifis in Memory of W. It. Harper), n®’ 7, 12-32. Tofï’teen, liesear-
ches in Assyr. Geoyr., I, 1908, p, 29 et suiv., fait remarquer que
sous Ammisaduga xV-mu-ur-ri-i, c’est-à-dire Amiirî, est le nom d’un
territoire près de Sippar (Meissner, fieitr. z. allhah. Privairecht,
n® 42); mais cela ne prouve nullement comme il le prétend que le
nom est parti de là ; mais bien au contraire, qu'à l ’époque de la
première dynastie babylonienne des Amorrites y ont résidé. Les
lettres d’El-Amarna ont apporté d’abord des éclaircissements sur les
Amorrites, en hébreu 'TÜX, en égyptien Amor. Les matériaux se
sont considérablement accrus par les découvertes de Boghazkeui,
mais les communications provisoires de Winckler ne sutfisent pas
pour émettre un jugement {Mitt. D. Or. GeselL, 3.3, 24 et suiv., 42
et suiv.). Les combinaisons aventurées et les hypothèses de Clay
SÉMITES ET TRIBUS MONTAGNARDES DU NORD — ^ .‘196

semblent en grande partie erronées à l'auleur (Glay, Amurru, iJiP


home o f the northeni Semiles, 1909). — Le port de la chevelure des
Amorrites apparaît de façon caractéristique chez IJammurabi, voir
Meyer, Sum. u. Sem., p. et suiv. — Le nom du dieu Hadad (nn,
babyl. Adadu, souvent abrégé en Addu ou Dadu), écrit avec l'idéo­
gramme Im ou U fut longtemps une ceux infcr/jn-c/imi, jusqu’au jour
où l’écrituré phonétique du nom du roi assyrien A-da-di-ni-ra-ri en
fixa la lecture (Lehmann et Belck, Herkhie Berlhi. A k., 1899, 119).
La prononciation lla[m )-m a-nu (Ilimmôn, cf, Hadad-Rimmôn
TTH, Zach , 12, 11 et dans les noms araniéens) a été en même
temps sans doute employée. Voir pour plus de renseignements Zim-
mern, p. 142 et suiv. Hommel a le premier mis en évidence
que ce dieu n'a été introduit en Babylone que par les Amorriles.
Il apparaît aussi dans l'inscription d'Anubanini de Lulubi, à côté
d’Istar. Thureau-Dangin, Koemgslnschr.^ p. 208 c, avait lu le nom
Immer dans les textes sumériens: cf. l’inscription de Untasgal de
Suse ( § 462) qui emporte le dieu Immiriya du roi Kastilias {DH. en
PersEy X, Textes élam.-sém., IV, p. 85). Hroznÿ indique une pronon­
ciation Iskur {Z. XX, p. 424 et suiv.). Ce dieu se trouve isolé­
ment d'abord dans les comptes privés de Telle (§ 389), puis chez
Ulu|)egal d’üruk (Si 411 b). Ainsi il semble que les Sumériens ont
identifié le dieu étranger avec un dieu indigène. Chez Gudéa, Cyl. A,
26, 21, il a l'épithète « tonnant au ciel »; on compare le frac.is des
lourdes portes do cèdre du Temple. Sur ses rapports avec le dieu
hittite Tesub, cf. 481. 490. — Pour les noms Amorriles de la pre­
mière dynastie, ,§ 436 note, et pour ceux de l’époque antérieure, du
royaume de Sumer e td ’Akkad, L. Huber, Personennamen (§370note)
•— Représentation figurée du dieu Amurru (Mar-lu). Meyer, Sum. u
Sern.., p. 66; il est très fréquemment employé dans les noms propres;
de même Winckler, Mitt. I). Or. Ges., 35, 44 mentionne un roi amor-
rite Abi-Marlu. Sur un cylindre de Saint-Pétersbourg, Sayee, Z
Assyr., VI, 161, on trouve le dieu flu-ma a-nu-um, comme le lit Zim-
inern, K A 433, 3, suivant Jensen, à côté de la déesse Aè-ra-ium,
qui apparaît ordinairement comme épouse d'Amurru, Elle est peut-
être invoquée dans l’inscription votive, écrite en sumérien, dTturas-
dum (le nom est ainsi lu par Ungnad) pour Hammurabi (King, LIH.,
III, p. 194) Mroi des Amorrites » comme « .....ratum, fiancée d’Anu
(le dieu du ciel) ». Voir d’ailleurs Zimmern, KAT^. p. 432 et suiv,,
192 LE ROYAUME SÉMITIQUE d ’a KKAD

qui mentionne aussi une épithète « maîtresse du désert ». Elle n’ap­


paraît pas dans les noms propres. Chez les Amorrites du Liban la
déesse Âsera se trouve dans le nom royal Abd-asirta (ou asrat).
— Dagon est, comme on sait, le dieu d’Asdod ; on a aussi le nom du
dynaste palestinien Dagantakala (Amarna, J117-318 éd. Knudtzon).
Sur l’obélisque de Manistusu on trouve les noms Gimil-Dagan et Ili-
Dagan, puis plus tard les noms de deux rois de la dynastie d’Isin
(§ 416) et en Assyrie, au xix® sièle, le nom du patési l§me-Dagan. 11
est le dieu principal de Hana (§ 433 note), et apparaît sous Hammu-
rabi (§ 447). Il n’a rien à voir ni avec les poissons (dag) ni même
avec le démon-poisson des reliefs assyriens (Oannès?), ni non plus,
ce semble, avec les céréales. — Dans les noms de Nippur de l’époque
de Darius II [liabyl. Exped., X), Nin-ip est rendu par Clay,
J. Amer. Or. Soc., XXVIII, 1907. Le babylonien w correspond à un
m plus ancien, et paraît être en « seigneur ». Mais il est encore
très douteux que mast puisse être réellement une variante pour
martu, comme Clay le prétend; le nom signifierait alors pour lui
« seigneur du pays occidental (des Amorrites) ». L’idéogramme
fréquent BAH pour le nom doit-il être lu mas et indique-t-il la pro­
nonciation? Le dieu se trouve dans les toponymes Bit-nin-ib, dans
le domaine d’Abdasvita (lettres d’El-Amarna 74, 31 Knudtzon) et
près de Jérusalem [ibid., 290, 16); dans le nom d’un homme au
service de Ribaddi de Byblos, Abd-nin-ib {ibid., 84. 39). Dungi déjà
lui construit un temple, Thureau-Dangin, SA K l, p. 229, 1, 2; 220,
17. Mais, au contraire de Martu, Ninib est encore très rarement
employé dans les noms propres théophores de la première dynastie
babylonienne; par contre son épouse Gula est souvent nommée. Sur
Nive4» en Cilicie, voir § 476 note. Mythes et hymnes à Ninib : Hroznÿ,
Mythen von d. Gotte Ninrag [Ninib], 1903 [Mitth. d. Vorderas. Gesell.);
Radau, Sumer. IJyrnns and Prayers to Ninib [liab. L x p e d ., XXIX, 1)
1911 et Ninib ihe Déterminer of Paies [ibid., ser. D, V, 2), 1910.

Les conquêtes de Sargon [Sarru-kîn) et de ses successeurs.

397. Le grand royaume sumérien de Lugalzaggisi succomb


après une courte existence, vers 2775, entraîné par un nouveau
LES CONQUÊTES DE SARGON ET DE SES SUCCESSEURS - i 397 193

soulèvement des Sémites, que dirigea le roi Sargon (Sarrukîn)


d’Akkad. Ce dernier représente pour l’époque suivante, lorsque
l’élément sémitique domina complètement même dans le
populaire, le fondateur de la puissance sémitique et le modèle
de tous les rois postérieurs. C’est pourquoi son nom apparaît
dans l’ouvrage qui traite de la science la plus indispensable
à un souverain, la science des présages fondée sur la forme et
les signes du foie de l’animal sacrifié. Pour de nombreux
présages favorables on rapporte une action de Sarrukîn, ou de
son fils Narâm-Sin, accomplie sous ces auspices. C'est là
naturellement une combinaison tardive qui rattache habile­
ment ces événements à un présage qu’on pouvait leur rappor­
ter. Mais les données mêmes sont empruntées à une chronique
constituée avec des matériaux authentiques. Nous connaissons
aussi un extrait d’une chronique semblable, rédigée à la basse
époque babylonienne. Le fils de Sargon, Narâm-Sin, se présente
ici également comme ayant achevé son œuvre. Nous avons en
outre des textes où l’on a donné à la tradition la forme des
inscriptions royales, dans lesquelles les anciens souverains
racontent eux-mêmes leurs exploits. On a pu d’ailleurs utiliser
de véritables inscriptions de ces rois, comme il nous en a été
conservé, soit dans l’original, soit dans des copies postérieures.
Mais les textes mentionnés, comme d’ailleurs la Chronique, se
distinguent des documents authentiques par les récits légen­
daires qui y sont mêlés aux faits historiques. La tradition
rapporte les succès de Sargon (Sarru-kîn) à la faveur de la
déesse IStar, qui protège son bien-aimé. De basse extraction,
elle l’élève à la dignité de roi très puissant. Dans la rédaction
de la légende, Sarrukîn raconte qu’il était fils d’une pauvre
femme et d’un père inconnu; son oncle paternel vivait dans
la montagne. Sa mère le mit secrètement au monde dans la
ville Azupirân sur l’Euphrate et l’exposa dans une corbeille
de roseaux sur le fleuve. Puis « le jardinier » Akki l’éleva et
par l’amour d’Istar, il acquit la seigneurie sur les « têtes
noires » (§ 394). En terminant, il engage les rois postérieurs à
VM LE ROYAUME SEMITIQUE D AKKAD

tenter d’imiter ses exploits. La liste royale de Scheil donne le


môme récit : il fut jardinier et échanson dans le temple de
Zamama, dieu de Kis. Ce texte donc, conformément à la ten­
dance de la tradition historique babylonienne, attribue une
basse origine au béros et transpose sur son nom une légende
qui est souvent d'ailleurs appliquée aux héros et fondateurs de
royaumes chez différents peuples. Ainsi dans l’Inde Ivrsna, chez
les Israélites Moïse, chez les Grecs Persée et les Jumeaux Nélée
et Pelée; de là la légende a été transportée sur Romulus. La
légende de Cyrus aussi et d’autres encore sont proche pa­
rentes. Ainsi âarru-kîn pénétra dans le cercle des rois primi­
tifs mystiques, ce qui explique que les savants de Nabû-na’id
fassent régner Naràm-Sin, son fils, 3200 ans avant leur roi,
c’est-à-dire environ 1000 ans trop tôt (§ 329 a).

Données de la chronique : King, Chronicles concerning carly lia i:


KingSy 1907 (§ 318 note); là aussi la légende de la naissance (aupara­
vant III R 4, 7; KB III, 1, 101 dont la traduction n’est pas en tous
points exacte) et les omina (IV R 34,1; KB III, 1,102) avec les frag­
ments d’un duplicat babylonien. Fragment d’un texte semblable :
« Je suis Sarrukîn, qui ai traversé les 4 parties du monde... »
Clay, Amurruy p. 194. Fragments d’une histoire de Narâm-Sin égale­
ment dans la forme d’une inscription royale, Cun, T c x tS y XIII, 44.
Les données sur Babylone et Marduk (§§ 403, 413) en particulier,
enseignent que la chronique, à laquelle sont pris aussi bien les
omina que l'épitome de King (tous deux concordent mot pour mot
en plusieurs points), est non pas contemporaine mais une œuvre
historique d’époque postérieure. A la base cependant sont les dates
contemporaines, qui étaient condensées déjà sans doute comme
plus tard dans les listes chronologiques. Jastrow a ouvert la voie à
l’interprétalion des présages du foie {cf. § 426 a), cf. Bel. Babyl. u.
Assyr.y II, p. 227 efsuiv. — La prétention défendue avec beaucoup
d’énergie autrefois, surtout par Winckler, que Sarrukin n’était nulle­
ment une personnalité historique, est maintenant démentie par les
documents contemporains. — Pour la liste Scheil, sa note supplé­
mentaire Bevue d'Assyr., IX, p. 81 a une réelle importance.
LES CONQUÊTES DE SARGON ET DE SES SUCCESSEURS — § 397 a 193

397 a. Aucun roi d’Akkad n’esl nommé dans celle tradition,


hormis Sargon (Sarrukîn) ol Narâm-Sin. La liste Scheil par
contre compte 12 rois de cette dynastie, mais malheureusement
les quatre noms qui suivent Sarrukîn, son fondateur, sont
brisés. Le sixième nom est Sarganisarri qui jusqu’à mainte­
nant était identifié à Sarrukîn. Les monuments nous font
connaître 3 souverains appai’tenant à cette série : Sarrukîn ï,
Urumué, Manistusu, Sarganiâarri et Naràm-Sin. Mais alors
surgissent de nombreuses difficultés. Les trois premiers rois
sont sans doute plus anciens que Nârâm-Sin, aussi bien par
^le style de leurs monuments que par d’autres indices. L’art
akkadien est chez eux encore à ses débuts, tandis que, sous
Nàràm-Sin, il a atteint Tapogée de son développement. D’où
il suit que Naràm-Sin ne peut avoir été le fils et le successeur
de Sarrukîn I et qu’il doit y avoir eu un assez grand intervalle
entre lui et Manistusu. De plus Sarrukîn, Urumus et Manistusu
s'intitulent « rois de Kis »; ils ont donc pris le titre des
anciens rois suzerains de Sinéar. Malgré cela il est impossible
de leur assigner une place dans la dynastie de Kis : sur une
tablette de Nippur en effet, des inscriptions de Lugalzaggisi,
Sarrukîn 1, Urumus et Mani.stusu sont ordonnées dans celte
suite désignée justement comme chronologique; do plus if y
est indiqué que Sarrukîn a fait prisonnier Lugalzaggisi. Il
porte aussi ici parfois le titre do « roi d’Akkad » à la place ou
à côté de celui de « roi de Ki.s ». Les trois rois écrivent encore
toujours leur nom sans le déterminatif divin, bien que leur
divinisation soit déjà exprimée dans les'noms propres dérivés
des noms royaux (§ 402). Le signe divin se trouve isolé dans le
nom de Sarganisarri qui se nomme partout « roi d’Akkad ».
Narâm-Sin par contre a toujours le signe divin et est désigné
comme « dieu d’Akkad » ; son titre est « roi des 4 régions du
monde ». D’où il suit que Sarganisarri doit avoir été le prédé­
cesseur de Narâm-Sin ; mais il ne peut être identique au
sixième roi de la dynastie ; ce dernier est un roi postérieur qui
portait le môme nom. 11 faut ajouter encore que Sarganisarri
ly b LE ROYAUME SEMITIQUE D AKKAD

et Narâm-Sin ont tous deux travaille au temple de Nippur,


que tous deux sont nommés dans les nombreux documents de
Tello et que sous leur règne, fait unique parmi tous les rois
de la dynastie, l’art de la gravure sur sceaux se tient à la
môme hauteur. Ils forment donc un groupe étroitement uni.
Si Sarganisarri nomme son père Ittiellil, ou Datiellil (?), sans
lui donner le titre de roi, cela prouve aussi qu’il ne fut pas
l’héritier légitime du trône, mais un usurpateur, ou issu d’une
ligue collatérale de la dynastie. D’un autre côté les noms des
années qui nous sont conservés sur les documents de l’époque
de éarganiSarri le montrent en lutte avec les mômes peuples,*
Elamites et Amorrites, que Sarrukîn I a vaincus suivant la
tradition. Cela peut naturellement être la suite de ces rébellions ;
mais on est bien près de la vérité en supposant que la tradition
a confondu Sarganisarri et Sarrukîn I et fait pour cela de
Narâm-Sin le fils du dernier, ce qui est un'^ erreur. Seules de
nouvelles fouilles donneront une solution définitive à ces
problèmes. Provisoirement l’opinion la plus probable est que
Sarganiâarri I (Sarrukîn II), fils de Ittiellil, a suivi les trois
premiers rois de la dynastie d’Akkad et que Narâm-Sin fut
son fils et successeur. Le sixième roi devrait alors être dési­
gné comme Sarganisarri II (Sarrukîn III) et serait probable­
ment un fils de Narâm-Sin. Ces 6 rois ont régné ensemble
158 ans d’après la liste Scheil, c’est-à-dire de 2775 à 2620.

En opposition à Scheil, Thureau-Dangin, OLZ^ 1908, 313 ; et


llevi. d'Assyr., IX, p. 33 et suiv. ; 73 et siiiv. ; et Hroznÿ, W ZKM ,
XXIII et XXVI, l’auteur a cherché à prouver que Sarrukîn I, Ma-
nistusu et Urumus appartenaient à la dynastie de Kis antérieure­
ment à Lugalzaggisi {Ber. Berlin. A k., 1912, p. 1061 et suiv.) et
que l’opinion admise depuis la publication par Hilprecht des ins­
criptions de Nippur [Bab. Exped., I) était juste : Sarganisarri a
bien été le fondateur de la dynastie d'Akkad et le père de Narâm-
Sin. King, PSBA., 30, p. 233 et suiv. et Hist. o f Sumer and
Akkadf a défendu le même point de vue. Mais cela est faux comme
le prouvent les communications de Poebel, OLZ^ XV, 481 et suiv..
LES CONQUÊTES DE SARGON ET DE SES SUCCESSEURS — § 398 197

sur une tablette de Philadelphie, qui contient des copies d’inscrip­


tions de Lugalzaggisi, Sarrukîn, Urumus et Manistusu : ce texte
assure les noms et la succession des trois premiers rois d’Âkkad.
D’où il suit que Narâm-Sin ne peut être fils de Sarrukîn, le fonda­
teur de la dynastie, comme l’indique la tradition ; ici l’auteur ne
voit d’autre issue que celle proposée plus haut. Mais, de plus, tant
par sa titulature que par le style artistique de ses monuments
Narâm-Sin appartient à la fin de la série. De soigneuses recherches
techniques par exemple des constructions de Sarganiâarri et de
Narâm-Sin à Nippur devraient apporter la pleine lumière. — Poebel
a de plus reconnu que les signes de la liste Scheil, qui paraissent
conserver le nom du sixième roi, se rapportent plutôt aux 4 rois
qui suivent avec une durée totale de 3 ans et disent « qui fut roi et
qui ne fut pas roi {ne peut être décidé) ». Donc le premier nom
conservé dans la liste, Sar[ganisarri], n’est pas le cinquième, mais
le sixième roi et entre lui et Sarrukîn I il y a place pour un premier
Sarganiéurri à côté de Urumus, Manistusu et Narâm-Sin. Le sixième
roi, Sarganisari II, sera le prince Sarganisarri que mentionne un
compte deTello (Thureau-Danj^n, Rev. d'Assyr., IX, p. 81) à côté de
son frère Binganisarri, un fils de Narâm-Sin (Thureau-Dangin, SAKU
p. 168, 1 et 3 a). — Le nom de Sarrukîn est écrit Sa-ru-gi dans les
documents contemporains et plus tard Sar-gi-na o\x Sar-DU. Ce sont
des écritures idiographiques pour Sarru-kinu a le roi véridique ».
[Le texte cité § 397 note, dans Glay écrit Sa-ru~ki-in; un vieux roi
assyrien Sar-ki-in, fils de Ikunum, § 463]. Sarrukîn d’Assyrie écrit
son nom de la même manière ; mais la transcription hébraïque
Ksaïe, 20, 1 le rend par Sargoh. Donc il est prononcé Sargani
comme le premier élément du nom Sarganiëarri. Cette lecture est
adoptée partout maintenant, au lieu de -èar-ali. Boissier, se fon­
dant sur l’écriture Sar-ka-li-e-sar dans les textes de présages, Cun.
Texts, XX, 2-18, veut lire Sarganisarri. De même Hroznÿ et Poebel
Le sens serait « le roi du Tout est mon roi » ou « roi de la totalité
des rois ». Mais cette signification, d’ailleurs très problématique,
tombe, car la syllabe sar est écrite avec des signes différents dans
la première et la troisième partie du mot. — Hroznÿ veut lire Rimus
le nom Urumus; il a peut-être raison.

398. Nous manquons de toute donnée historique sur la


LK ROYAUME SEMITIQUE D AKKAD

manière dont ï^arrukîn est parvenu au pouvoir et a fondé sa


puissance. Car malgré ce que la légende rapporte de sa basse
extraction il pouvait très bien appartenir à une famille noble,
môme à l’ancienne famille royale de Kis, aussi bien que Cyrus
ou Ardesir I, par exemple, bien qu’il ait pu aussi commencer
par être le chef d’une bande de pillards comme licaucoup de
fondateurs de royaumes orientaux. Il est en tout cas certain
que ses succès signifient en môme temps un soulèvement des
Sémites d’Akkad contre la domination sumérienne. iNous
savons en outre qu’il a fait prisonnier Lugalzaggisi et relevé
le vieux titre de roi de Kis, ce qui exprime la prétention à la
suzeraineté sur tout Sinéar. Il n’a pas fixé sa résidence à Kis,
il est vrai, mais s’est construit une nouvelle capitale près de
Sippar, avec le sanctuaire de sa protectrice Islar (Anunit,
§ 393). Il devait être en relation avec Nippur, car son succes­
seur se nomme « oint par Anu, patesi d’Ellil w^Mais Sa mas de
Sippar apparaît comme le dieu principal, particulier du
royaume; à côté de lui on invoque, ainsi que sa « fiancée »
Aya, le dieu Amal, peut-être identique au dieu Zamama de
Kis (§ 393 note).
Mais Sarrukîn a poussé ses conquêtes bien au delà des fron­
tières de Sinéar : il a vaincu l’Elam et rendu tributaires ses
princes. Il faut sans doute compter parmi ces combats les trois
campagnes « dans le pays de la mer », dont il se glorifie dans
l’inscriptioii légendaire : c’est alors qu’il prit Dilmun, une île
du golfe Persique à l’embouchure des grands tleuves, et « la
grande Dôr (Dùr-ilu) » en deçà du Tigre. 11 a soumis le pays
de Subartu « dans sa masse » c’est-à-dire sans doute dans toute
son étendue, vaincu scs u troupes nombreuses » et emporté
le butin à Akkad. Lorsque le dynaste Kastubila au Nord de
la Mésopotamie se révolta, il fut dompté et sa ville si complè­
tement détruite « que môme les oiseaux ne pouvaient plus y
nicher ».
Mais le plus grand succès de Sarrukîn fut la soumission des
Amorrites ; c’est par cette‘victoire qu’il acquit « la domination
LES CONQUÊTES DE SARGON ET DE SES SUCCESSEURS— §398 199

sur les 4 parties du monde ». Les documents sur les présages


mentionnent trois campagnes contre les Amorrites, par quoi
il faut sans doute comprendre le centre de la Syrie. Dans une
autre expédition, il soumit « le pays du couchant jusqu’à son
extrémité » ; il faut songer ici à la partie septentrionale de la
Syrie et à l’Asie Mineure Orientale. 11 s’attarda pendant trois
ans dans ces contrées et érigea en divers lieux ses images
comme signes de sa domination (cf. § 400). 11 franchit aussi
la mer du couchant et rapporta de riches butins dans sa capi­
tale. Il a probablement passé dans l’île de Chypre : depuis
l’époque du royaume d’Akkad, en effet, on y trouve des
cylindres babyloniens, dont l'un d’eux contient le nom d’un
fonctionnaiie de Naràm-Sin (§ 498). La figure d’argile de la
déesse nue, déesse de la vie sexuelle (§ 373) a passé alors dans
nie et y est souvent reproduite. De là elle s’est répandue au loin
dans la mer Egée. Cette déesse, qui attribuait une consécra­
tion religieuse à l’acte naturel, a exercé, ce semble, un attrait
particulier sur les représentalions des peuples de l’Occident.
Ces campagnes militaires tombent à peu près à l’époque où
les pharaons de la I V« dynastie (depuis 2840 environ) étendaient
leur puissance sur la Palestine et la Phénicie (cf. § 232.253) ;
il en résulta sans doute de nombreux contacts entre eux et le
royaume d’Akkad, qui n'ont probablement pas provoqué de
conflits armés.
Ainsi Sargon (Sarrukîn) a réuni par la conquête un royaume
qui s’étendait bien au-delà de celui de Lugalzaggisi. On a
trouvé dans les ruines de Suse, où ils avaient été emportés
par un roi postérieur comme butin pris sur Sinéar, les restes
d'un bloc triangulaire de diorite avec son nom; les sculptures
rappellent la manière de la stèle des Vautours : dans le
registre supérieur, des scènes de combat et des prisonniers
nus, dans le registre inférieur le roi est assis sur le trône,
devant lui se tient le porteur du parasol et la cour; là se ter­
mine le champ de bataîlhi avec les cadavies qui sont dévorés
par les vautours et les chiens. Un autre fragment qui appar-
200 LE ROYAUME SÉMITIQUE d ’a KKAD

tient probablement au môme monument représentait un dieu


armé de la masse d'arme, tenant comme sur la stèle des
Vautours un filet où sont entassés des prisonniers ou des enne­
mis tués; sur le revers une figure assise. Si l’emprunt des
vieux motifs sumériens est ici évident, d’un autre côté la mus­
culature n’y est pas exagérée; la bataille est divisée en une
série de combats individuels ; le roi porte une longue barbe en
pointe et la moustache, une chevelure soignée et relevée, de
môme qu’une partie des ennemis, tandis que sa suite a la
tôte rasée et ne porte pas la barbe ; elle est donc en partie tout
au moins composée de sumériens. Nous ne savons pas qui
sont les ennemis, car l’inscription est presque complètement
détruite. On peut d’autant moins émettre une hypothèse que
les sculptures n’ont pas encore été publiées, et que nous ne
possédons toujours qu’une description du monument.
Il est clair que l’ordre des actions de Sarrukîn indiqué par la
chronique et les omina ne peut être chronologique. Ainsi l’assujet­
tissement de Subartu est rapporté après la rébellion contre Sarru­
kîn devenu vieux. La campagne contre les Amorriles (Martu) n’est
pas mentionnée dans la chronique, pas plus que celle contre l’Elam,
mais les omina en parlent trois fois de suite (n®* 2, A, 5). — 1/expé-
dition dans le pays du Couchant (omina, n“ 7) est au commencement
dans la chronique, placée à ce qu'il semble dans la 11* année; dans
la légende on en a tiré « j ’ai assiégé trois fois le pays de la mer ».
Au lieu de v< franchir la mer du couchant » comme les Omina l’in­
diquent, la Chronique parle de « la mer du levant » ; il est douteux
que la chronique contienne le texte original, comme King l’admet.
— Construction de la ville d’Akkad avec le palais royal : Omina 3 et
8 et Chronique 11. 18 et suiv. en relation avec la ruine de Babylone,
citée pour la première fois ; les détails ne sont pas clairs. Il est
absurde de prétendre avec Winckler qu’il fonda Babylone et l’éleva
au rang de capitale. — Tilmun ou Dilmun (écrit Ni-tuk-ki) se
trouvait d’après l’Assyrien Sarrukîn, Annales, 370, à 30 Kasbu
( = 22 1/2 milles) loin « comme un poisson » dans la mer orientale.
11 faut donc la chercher à l’embouchure du Satt el Arab actuel comme
Delilzsch, Parad., 178.218. [L’auteur abandonne l’opinion exprimée
LES CONQUÊTES DE SARGON ET DE SES SUCCESSEURS — § 399 201

dans la précédente édition]. Jensen, KeUinschr. Bibl., III, i, 53 et


Z A , XV, p. 225 et sniv., la cherche sur la côte persane; on l’iden­
tifie ordinairement avec la plus grande des îles Bahrein (Tylos chez
les Grecs); en effet, l’inscription babylonienne d’un bloc de basalte
qui y fut trouvé (Durand, J. o f the Royal Soc., New Ser., XII,
1880, p. 193j mentionne un dieu Enzag qui apparaît parfois comme
dieu de Tilmun. Mais les îles Bahrein sont éloignées d’environ
60 milles même de l’embouchure actuelle du Tigre, donc beaucoup
plus que ne l’indique Sarrukîn ; la pierre y a donc été apportée. —
Kasalla fut de nouveau combattue par les premiers rois de Babylone
(§ 437 et suiv.), donc doit avoir été située au Nord. Elle est men­
tionnée aussi dans la liste de dates de Dungi (Hilprechl, Rab.
Exped., I, 123; Thureau-Dangin, SA K /, p, 229, 8) et dans une liste
des patésis fonctionnant comme officiers mensuels (Radau, Early
Rab. History, p. 302). — Monument de Sarrukîn trouvé à Suse :
Gautier, Recueil de Travaux, XXVII, p. 17G réimprimé dans Scheil,
Del. en Perse, X, 4 et suiv. Seul le nom du roi est visible. Il conserve
le titre « roi de Kis » dans l’inscription de son fils (§ 399). L’auteur a
montré [Rer. Rerlin. A k., 1912, p. 1073 et suiv.) que ce titre
marque la suprématie sur la ville et le royaume de Ki§, comme
chez les anciens rois sumériens, et non, avec Hrozny, Thureau-
Dangin et d’autres, sar Kissati « roi du monde » ou quelque chose
de semblable, comme plus lard chez les rois assyriens.

399. « Plus tard dans sa vieillesse (1), raconte la chroniqu


tous les pays se révoltèrent contre Sarrukîn et l’assiégèrent
dans Akkad. Mais Sarrukîn marcha contre eux, les battit et
anéantit leur grande armée ». Une inscription de son fils,
gravée sur un bloc en forme de prisme cruciforme, nous donne
de plus amples renseignements sur cette grande rébellion. Nous
apprenons que « quelques pays, que mon père èarrukîn m’avait
laissés, s’étaient révoltés contre moi, pas un seul ne m’était
resté fidèle ». Mais le roi a son armée à sa disposition; il bat
le roi d’Ansan et de Kurihum, donc un dynaste élamite qui se
trouvait probablement è la tête du soulèvement, le fait prison-
(1) L 'e x e n tp la irp a s s y rie n d e s o rn in a a é c r it f a u s s e m e n t « le.s a n c ie n s de to u t le
p a y s » (v. K in g ).
LE ROYAUME SÉMITIQUE D’a KKAD

nier et le conduit « devant son seigneur le dieu soleil » auquel


il offre de riches presenis dans Sippar. Ce fils de Sarrukîn, dont
le monument ne conserve pas le nom, ne peut être un autre
roi que son successeur Urumus, ou Itimus, car la prononciation
véritable fut certainement différenle. Plusieurs vases de pierre
voués par ce roi à Nippur et la copie postérieure d'une ins­
cription mentionnent une expédition plus importante contre
l’Klam : il vainquit alors le roi Abalgamas de Baraljsu
(cf. § 432a) près de Suse cl anéantit son peuple : ainsi « Urii-
mus, roi de Kis, devint souverain d’Elam ». Dans une autre
inscription il se vante d'avoir fabrique sa statue en plomb, ce
que personne n’avait fait auparavant, et de l’avoir érigée devant
Ellil. Cette inscription est rédigée en sumérien et en sémi­
tique, c'est la plus ancienne bilingue que nous possédions. Elle
prouve que ces souverains sémitiques se préoccupaient aussi
de leurs sujets de langue différente. Comme en témoigne le
relief de Sarriikîn, les Sumériens paraissaient à sa cour; on
pouvait difficilement se passer d’eux à cause de leur grande
connaissance des affaires.
Nous avons encore l’indication qu’Urumus fut assassiné par
ses courtisans. Son successeur fut Manislusu. On a trouvé à
Suse un fragment de stalue en albâtre de ce roi, de gros yeux
en calcaire et des pupilles noires y étaient enchâssés. La barbe
longue pend plus basque chez Saigon (Sarrukîn), et les cheveux
sont coupés ras à la manière bédouine, autrement qu’aupara-
vant. Le travail est encore très rnaladioit et lourd; la tête,
comme dans les statues sumériennes, est maladroitement posée
sur les épaules, presque sans cou ; le front est encore très bas,
mais le corps est vraiment plus dégagé que dans les statues
précédentes, comme sur le relief de San ukîn. Elle fut vouée au
dieu élamite Naruti par un fonctionnaire de Maniètusu; l’Elam
lui fut donc soumis. C’est pour cela que, lorsque plus tard,
vers 1200, le roi èutruknahunte de Suse, saccagea les villes
d’Akkad, il rapporta à Suse de nombreux monuments de cet
ancien souverain de sa patrie : notamment 3 statues de Sippar
LES CONQUÊTES DE SARGON ET DE SES SUCCESSEURS — § 399 203

cl (le Tuplias, {Esnunnak, § 413 note), située à l’Kst du Tigre,


sur la route d’Elam ; puis un obélisque do diorite que le roi
avait érigé à Sippar : il y avait fait graver le grand acte d’achat
concernant de vasles terrains dans les quatre villes Diir-Sin,
Kis, Marad et Sidtab (la prononciation de ce nom est inconnue),
l'armi les 49 témoins apparaissent, à côté des neveux du roi, les
lils des palésis de Lagas, (rUmma et de la ville inconnue Hasime.
Quelques-uns sont appelés « lils d’Akkad », c’est-à-dire bour­
geois de la capitale Akkad à laquelle ils sont incorporés par
une fiction juridi(|ue. Les fragments d'une autre inscription
sur les restes de deux blocs de pioi rc érigés à Sippar et de deux
statues de Suse mentionnent les combats heureux du roi :
« 32 rois des villes en deçà de la mer » s'claicnt coalisés contre
lui ; mais il a les vaincus et a conquis leurs villes. On cher­
chera sans doute le théâtre de ces combats dans les contrées
où Sarrukîn a livré des batailles au bord de la mer cl où il l’a
traversée, c’est-à-dire en Syrie, en Asie Mineure et peut-être à
Chypre. Donc il semble que Manistusu a de nouveau rétabli
dans ces contrées la domination de Sarrukîn ébranlée par le
grand soulèvement.

Inscription du prisme cruciforme, Cnn. Texts, XXXII, pp. 1 etsuiv.


Figure dans King, Hist. o f Sumo.r and Akkad^ face p. 224; elle est
complétée par une copie postérieure : Thureau-üangin, llev. d'Assyr.^
VII, pp. 179 et suiv. King et Thureau-Dangiu voulaient l’allribuer à
Mani§tusu ; cela est impossible, puisque d’après Poebel nous devons
placer Urumus avant Manièlusu. — Urumus : deux inscriptions en
copie postérieure, Thureau-Dangin, Itev. d'Ass., VIII, pp. 133 et suiv.
Inscriptions votives : Thureau-Dangin, S A K I, p. 160 et suiv. (Hil-
precht, Bab. E xped., I, n** 3-8, 13). Sa mort, Jaslrow, Z A, XXI,
p. 277 et suiv. d’après les textes de mantique. — Statue de Manistusu
de Suse : Dél. en Perse, X; ibid., p. 2 et suiv. sur les autres monu­
ments qui y avaient été transportés. Obélisque, ibid., I, avec com­
mentaire de Scheil, vol. II. Recherches exhaustives de Hrozny sur
ce monument, W ZKM , XXI, p. 11 etsu iv.; XXIII, p. 192 et suiv.
Le but de cet achat de terrains n’est pas indiqué; Hrozny pense au
204 LE ROYAUME SEMITIQUE D AKKAD

creusement d’un canal, mais il doit s’agir plutôt d’un grand domaine.
— Victoire sur la coalition, Scheil, Ilev. d'Ass.^ VII, p. 103 et suiv.
Fragments des monolithes de Sippar, King, Hist. o f Sum. and
Akkad, p. 211 et suiv., publiés maintenant CT, XXXII, pl. 5. Ins­
cription d’une masse d'arme et d’un vase de Nippur, Thureau-
Dangin, S A K I, p. 162.

400, Le roi èarganisarri I, fils d’Ittiellil, paraît avoir succé


à Manistusii ; la tradition postérieure Ta probablement con­
fondu avec Sarrukîn, le fondateur de la dynastie (§ 397 a). Un
grand nombre de tablettes datées, provenant de Tello, appar­
tiennent au règne de ce roi et de son fils Naràm-Sin. Ces deux
rois, dont le gouvernement forme l’apogée du développement
du royaume d’Akkad, nous sont beaucoup mieux connus par
les monuments que leurs prédécesseurs. Leur règne n’a pas
non plus manqué de guerres. Les dates des années de Sarga-
nisarri mentionnent un combat avec üruk et le lieu voisin
Naksu, donc une insurrection des Sumériens dont le centre
fut la capitale de Lugalzaggisi. Puis nous avons une attaque
des Elamites contre Opis, qui fut repoussée, et une victoire
sur les Amorrites près de Basar ; la défaite des Gûti dans les
monts à l’Plst et l’emprisonnement de leur roi èarlak. Narâm-
Sin eût à soutenir des luttes semblables. Une copie, conservée
par la bibliothèque d’Aèsur-bâni-apal, d’une inscription royale
où le roi parle à la première personne (§ 397 note), résumait
toutes ses actions ; malheureusement les fragments conservés
sont insuliisants. Il y était question de ses combats dans les
montagnes, contre l’Elam, les Gûti et les troupes des Manda,
tribus barbares du Nord-Est, puis contre Subartu et le pays de
la mer, Tilmun, Magan et Meluhha. Il subjuga une coalition de
17 rois avec 90000 guerriers, prit sous la protection d’Ellil et
d’Iétar les villes ennemies et abattit ses adversaires. Il n’est
pas surprenant qu’il combatte fréquemment dans les mêmes
régions que ses prédécesseurs : car dans tous ces royaumes les
soulèvements reviennent régulièrement à chaque changement
de prince surtout, comme cela se répète plus tard sous les rois
LES CONQUÊTES DE SARGON ET DE SES SUCCESSEURS — § 400 ^205

Assyriens. L’exagération est évidente; mais Narâm-Sin parle


aussi dans l’inscription d’une statue emmenée à Suse, aujour­
d’hui détruite, d’une coalition de 9 rois qu’il délit en un an.
Nous avons des détails plus précis sur ses guerres contre les
tribus montagnardes. Une stèle, transportée à Suse 1500 ans
plus lard comme butin de Sippar, montre le roi à la tête de son
armée, où ligurent à la fois des guerriers barbus et d’autres
sans barbe, des lanciers et des archers, pénétrant dans les
hautes montagnes du Zagros. Narâm-Sin vainquit les Lulubi et
d’autres tribus alliées. Les ennemis ne tentent plus de résister,
mais brisent les pointes de leurs lances et demandent grâce. Le
roi l’accorde : lui et ses guerriers qui se pressent sur ses pas se
tiennent au milieu du combat et tiennent leurs lances en arrêt.
Une autre expédition conduisit Narâm-Sin dans la plaine du
haut Tigre entourée de montagnes. On a trouvé une stèle de
basalte avec son image, quelques milles au Nord-Est de Diâr-
bekir, sur un affluent du Tigre. Il semble qu’il y établit aussi
une forteresse. Les images que Sarrukîn éleva à l’Ouest (§ 398)
doivent avoir été semblables. Un autre texte nous renseigne sur
la défaite de Harsamatki, roi d’Aram et Am, qui lui permit de
pénétrer dans les monts Tibar, où il y éleva aussi sa stèle qu’il
consacra à Ellil. Un troisième mentionne la conquête du pays
Arman. La chronique et les omina parlent d’une guerre contre
le prince Ri§-Adad d’Apirak, dont la ville fut assiégée métho-
quement et obligée de se soumettre ; nous devons sans doute
la chercher en Mésopotamie ou en Syrie, car le nom du souve­
rain est formé avec le nom du dieu amorrite Adad.
Inscriptions de Sarganisarri et de Narâm-Sin : Thureau-Dangin,
S A K I, p. 162 et suiv. ; dates des documents, ibid.^ p. 223 et suiv.
(auparavant Thureau-Dangin, CRAc. Jnscj\, 1896, p. 333 et suiv.;
Rec. Tabl. Cun,\ aussi Radau, Early Bab. Hisl., p. 138 et suiv.). —
Naksu près d’üruk se trouve aussi dans l’inscription d’ütuhegal,
col. 3, 12 (cf. § 411 b). -• Les matériaux de la chronique et des
omina sur Narâm-Sin et les inscriptions, Thureau-Dangin, SAK I^
p. 164 et suiv. (une date, p. 226, g). Stèle de victoire : Morgan, Dél. en
SÜ b LE ROYAUME SÉMITIQUE l> AKKAO

Perse, I {liech. Arch., I), p, 144 et siiiv. ; II [Textes élnm. sém., I;, pl. H
[prise à Si-ip-pir = Sippar, par Sutruknahunle, id., III [Textes
élam. Anzan., I), p. 40], cf. Meyer, Snm. ii. Sem,, p. 11 et suiv. Il
est urgent que nous possédions une publication exhauslive et appro-
londissanl tous les détails de ce magnifique monument. — Combat
contre le roi d’Aram : Thureau-Dangin, Peu. d'Assyr., VIII, p. 199
(copie postérieure de son inscription); contre Arman : plaque de
Tello, Thureau Dangin, SA K l, p, ICC d. Stèle figurée de Diàrbekir :
Hilprecht, Pab. TJxped., I, pl. X; Meyer, Sum . u. Sem., p. 10 et
suiv., pl. 3; la localité est donnée par King, flist. o f Sum. and
Akkad., p. 244 et suiv.

401. Le principal exploit de Narâm-Sin est la conquête d


pays de Magan : c’est un pays montagneux qui livrait surtout
la diorite noire et apparaît déjà sous ses prédécesseurs. Dès
lors, on le tire en masse des carrières et on l’emploie pour faire
des statues, parfois aussi des vases. Son roi, qui fut fait prison­
nier, est appelé Mannudannu, nom probablement sémitique.
Cela cadre avec la supposition que Magan désigne l’Arabie ou
la partie orientale de la péninsule ; mais nous n'en serons sûrs
que lorsque nous aurons trouvé la terre d’origine de la diorite
des statues conservées. Il est plus dilïicile encore d’identilier
iMcluba, indissolublement lié avec Magan. Meluha ne fut pas
conquis, mais entra en relation de commerce permanent avec
Sinéar. Il livrait surtout du porphyre et de la poudre d’or; on
tirait, en outre, de ces deux pays diverses essences, surtout du
bois usu. Nous ne pouvons être certain que de leur position,
ils devaient toucher à la mer. Plus tard, déjà dans les lettres
d’El-Amarna, Meluha est toujours le nom babylonien pour la
Nubie ou Kus ; le nom Magan est donné parfois à l’Egypte par
Assur-ah-iddin et Aéèur-bani-apal dans une formule archaïque.
Il est clair que ces deux identifications sont fausses pour l’épo­
que de Narâm-Sin et de Gudéa : une soumission de l’Egypte
est peu probable et la diorite ne provient pas d’Egypte. Il est
de plus tout à fait inconcevable que la vallée nubienne du Nil
soit entrée en relations commerciales avec Sinéar. On peut
LE ROYAUME d ’a KKAD — § 40*2

encore moins penser aux misérables Iroglodyles de la mer


Rouge. D’ailleurs le porphyre ne se trouve pas en Nubie mais
bien le grès rouge, qui n'est pas parvenu jusqu’en Siuéar.
Donc l’opinion provisoire la plus probable est que Magan
désigne la partie de l’Arabie la plus voisine de la Rabylonic et
Meluha les contrées situées au delà; la géographie babylo­
nienne devait comprendre sous ce dernier nom tous les pays
au delà du golfe Arabique.

Narùm-Sin contre Magan : Chronique, omina et base d’une statue


de diorite transportée à Suse : Dél. en Perse, VI [Textes élam. sém.,
III), p. 1 et suiv. Thureau-Dangin, S A h'/, p. 166 h (là le roi s’appelle
Mani....); le vase d’albàtre (//?, 3, 7) qui coula à l’embouchure du
Tigre provient de ce butin. Le même vase, Del. en Perse, IV [Textes
sém., II), pl. 1, 1. — Gudéa mentionne la diorite de Magan presque
sur chacune de ses statues; Magan et Meluha ensemble. Statue I),
4, 7 (du bois); Cyl. A, 9, 19 (de la pierre); 13, 8 (du bois); il fait
venir du porphyre de Meluha, Cyl, A 10, 22; B, 14, 13; du bois usu,
Statue B, 6, 26 et suiv. et de la poudre d’or, id., 6, 38 et suiv. (cf.
l’or du mont llahum, id., 6, 33 sq.). Les deux pays sont aussi men­
tionnés dans les tablettes de l’époque de Sarganisarri et de Narâm-
Sin : Radau, Early Bab. Hist., p 161. Sur l’emploi des deux noms
à basse époque, voir Schrader, KGF, p. 282 et suiv. [Mais l’hypo­
thèse était tout à fait erronnée qu’on devait chercher originairement
les deux pays en Babylonie, cf. ^ 361 note] et Meyer, Israël, p. 463
et suiv., contre les combinaisons de Winckler qui ont entraîné la
plus grande confusion.

Le royaume d'Akkad.

402. Avec la soumission des Amorrites, rapportent les omin


Sargon (Sarrukîn) a acquis la suzeraineté sur les quatre parties
du monde. En fait, le royaume que Sarrukîn a fondé et que ses
successeurs ont maintenu et agrandi en écrasant les révoltes
LE ROYAUME SÉMITIQUE d ’a KKAD

embrasse à peu près la totalité du monde alors connu par les


Babyloniens. Seule l’Égypte, contre laquelle ils se heurtèrent
en Syrie, maintenait son indépendance. Donc le royaume d’Ak-
kad est le premier empire mondial que l’histoire connaisse.
Cette position est obtenue par des efforts conscients et trouve
par conséquent son expression dans la titulature. Tandis que
Sarrukîn et ses deux successeurs conservent encore le vieux
titre de « roi de Kis » (§ 397 a), èarganisarri s’appelle « roi
d’Akkad », une fois aussi « roi d’Akkad et du territoire seigneu­
rial [haulat) d’Ellil », mais Narâm-Sin ne s’intitule toujours
que « roi des quatre régions du monde ». Ici aussi la monar­
chie universelle se présente sous la forme qui revient souvent
plus tard, la divinisation du souverain. Des dispositions à cette
dignité se font déjà jour sous les premiers rois : on rencontre
à cette époque des noms comme Sarrukîn-ili « Sarrukîn est
mon dieu » et lli-Urumus « mon dieu est Urumus ». Sargani-
sarri place occasionnellement le signe divin devant son nom,
mais Narum-Sin le fait toujours et, souvent, les inscriptions le
nomment « le dieu d’Akkad ». Comme dieu, Narâm-Sin porte
deux puissantes cornes à son casque de guerre sur la stèle de
victoire. Il faut nettement marquer que cette représentation
est totalement étrangère à la royauté archaïque babylonienne
et qu’elle n’est nullement sumérienne. Elle a été créée par les
Sémites, non pas comme attribut de la principauté limitée au
peuple particulier, mais comme expression de la monarchie
universelle qui gouverne les peuples les plus divers et leur
impose à tous la loi ; en cela elle se distingue nettement de la
divinité naturelle des pharaons.

Le nom de Sar-ru-gi-i-li, obélisque de Manistusu, A, 12, 8. I-Ii-


u-ru-mu-us sur une tablette de Tello : OLZ., 1908, 313. — Winckler
a fixé le premier l’acception des anciens litres royaux [Unters z.
Gesch. d. ait. Orients)^ 1889 et ailleurs. Là où nous avons nettement
devant les yeux l’origine et le sens des titulatures, l’hypothèse qu’il
défendit avec passion a été démontrée fausse, à savoir que les titres
LE ROYAUME D AKKAD — § 402 a 209

particuliers seraient liés à la domination sur certaines villes et en


relation avec leurs cultes (par contre Wilcken, ZDMG.^ XLVII,
p. 476 et suiv.).

402 a. Le royaume d'Akkad porte aussi la marque de tous


les Etats formés par la conquête, c’est-à-dire le manque de
structure solide que constitue une nationalité unie : seule la
contrainte la maintient en un tout compact. Dans la rébellion
contre éarrukîn, l’armée est la seule institution qui soit
restée à son successeur, mais elle était assez forte pour lui
permettre de reconstruire son royaume. Les rois d'Akkad ont
réellement réussi malgré tous les contrastes ethnographiques,
économiques et de civilisation à grouper le monde de l’Asie
antérieure pendant plus d’un siècle. Nous ne savons pas jus­
qu’où leur royaume a pu s’étendre dans les monts d’Arménie
et en Asie-Mineure. 11 ne serait pas impossible que la coloni­
sation assyrienne que nous trouvons peu après dans le bassin
du Halys {§ 435) soit liée en quelque sorte à ces conquêtes. Les
relations du Nord de la Syrie et des Amorriles avec Sinéar
ont sans doute été de longue durée. Les montagnes de Syrie
livraient aux souverains des pierres et des poutres de cèdre
pour leurs constructions ; Gudéa tirait encore ces produits
des monts d’Amurru et de l’Amanus. D’autre part de nom­
breux Amorrites et leurs dieux pénètrent de cette manière en
Sinéar (§ 396). Ce peuple acquiert une importance décisive
pour l’histoire postérieure du pays, car il était évidemment
bien supérieur en force guerrière aux Akkadiens agriculteurs
et fournissait des mercenaires utiles.
En Mésopotamie (Subartu) l’expansion des Sémites a pu être
provoquée par le royaume d’Akkad. La soumission des mon­
tagnes à l’Est a été achevée par Sarganiëarri et Narâm-Sin. Ils
tiraient de là aussi du bois de construction : c’est pour cette
raison que les empreintes de sceaux de cette époque montrent
souvent des conifères, qui ne peuvent avoir existé que dans le
Zagros ; quelquefois ces arbres sont mis en relation avec
LE ROYAUME SÉMITIQUE d ’a KKAD

l’image du soleil qui se lève dans les montagnes. L’Elam fut


souvent complètement abattu dans de violents et fréquents
combats. A Suse c’est un palési installé par les roisd’Akkad
qui commande, comme dans les villes <le Sinéar. On y a trouvé
une tablette de Naràm-Sin dans laquelle le souverain étran­
ger emploie le cunéiforme babylonien poqr la langue élamite,
et même dans une écriture purement phonétique; cet exemple
ne fut imité que plusieurs siècles plus tard. Celte inscription
mentionne une longue série de dieux élamiles, et un seul dieu
babylonien, le dieu auquel les rois d’Akkad adressent particu­
lièrement leurs dévotions, dont le nom est écrit Amal, c’est-à-
dire probablement le dieu Zamama de Kis (§ 393 note). Sous
le règne de ces rois un fort contingent sémitique doit avoir
pénétré en Elam : la position de Suse vis-à-vis du royaume
dans les siècles suivants est semblable à celle des villes de
Sinéar, politiquement et au point de vue de la civilisation. La
langue sémitique y domina longtemps.

D’après les données de la statue B, Gudéa se procure des cèdres


de l’Amanus (5, 28), de grandes pierres des monts Uinanu en
Menua et Ba(?)salla en Amurru (6, 3 et suiv.), du marbre des monts
d’Amurru Tidanuin (6, 13 cf. Gyl. A 10, 24 et § 413 note) ainsi que
pour la masse d'arme A [Découu.^ pl. 23 bis, 1; Thureau-Dangin,
S A K I, p. 144) « des monts üringeraz sur la mer supérieure », puis
par bateau sur l’Euphrate (?) des pierres iNalua des monts de
Barsip (0, 39). — Conifères sur des sceaux, Meyer, S u m .u .S e m ., 01.
— Un patési de Suse à l’époque du royaume d’Akkad, Thureau-
Dangin, op. cit., p. 177 note, 3,1. Inscription élamite de Narâm-Sin,
Dél. en Perse, XI [Textes élam. Anzan., IV), p. 1 et suiv. A côté
d’Amal la liste des dieux mentionne aussi la déesse Ishara (§ 433
note); par ailleurs il n'y aucun nom babylonien de divinité.

403. L’élément sémitique a tout submergé en Sinéar. On n


pouvait se passer sans doute de la culture sumérienne ; ainsi
Ubil-Istar « le frère du roi » a un secrétaire sumérien (§ 403).
Mais on n’a pas encore trouvé d’inscriptions bilingues saut
LE ROYAUME DAKKAD — § 403 211

celle d’Urumus (§ 399) ; môme à Lagas on écrit surtout en


sémitique sous les rois d’Akkad, quoique la population soit ici
presque entièrement sumérienne encore. Pourtant un docu­
ment sur des assignations agricoles, adressé ce semble aux
fidèles du roi, est rédigé en sumérien; ce ne doit pas ôtre le
seul texte de ce genre. Tous les soulèvements sont écrasés ;
Sarru-kîn intervient dans le règlement des affaires territo­
riales de Lagas, comme autrefois Mesilim. Les fonctionnaires
sémites prédominent ; les patésis des villes sont aussi devenus
des officiers civils investis par le roi. Nous avons rencontré
leurs fils et leurs neveux comme « fils (citoyens) d’Akkad »
(§ 399) à la cour de Manistusu, où ils étaient sans doute élevés
et servaient en môme temps d’otages. Sous Sarganisarri et
Naràm-Sin un patési de Lagas s’appelle sur son sceau « écri­
vain » comme d’autres fonctionnaires.
La résidence royale n’était plus Kis, renversée par la vic­
toire de Lugalzaggisi, mais Akkad ville purement sémitique.
Là se trouvait le palais de Sarru-kîn mentionné par les
Omina et c’est là encore que Naràm-Sin avait érigé dans
le temple après la victoire sur Magan sa statue de diorite
(!^ 401, note), emportée plus tard à Suse et aujourd’hui détruite.
De nombreux monuments s’élevaient aussi dans la ville
voisine Sippar : son dieu, le dieu-soleil Samas, est le patron
particulier de la dynastie ; il apparaît souvent sur les sceaux,
passant glorieusement par dessus les montagnes, avec trois
rayons à chaque épaule. C’est là une survivance de l’ancien
art sumérien qui avait coutume d’attacher aux épaules les *
attributs de la divinité (§ 372). Sarganisarri et Naràm-Sin ont
reconstruit son temple ; mais ils mirent tous leurs soins sur­
tout au vieux sanctuaire central de Nippur. Ils réédifièrent le
temple à étages, la « maison de la montagne », en lui donnant
de plus grandes dimensions, sur une terrasse gigantesque cons­
truite avec des briques énormes ; ils bâtirent aussi les murs de
la ville. Les briques portaient l’estampille des rois, usage qui
subsistera désormais : les fabriques de briques appartenaient
LE ROYAUME SEMITIQUE D AKKAD

probablement aux rois. De plus Naram-Sin construisit des tem­


ples dans le sanctuaire de Nanaia d’Uruk à Adab (lîismaya),
à Marad et sans doute en beaucoup d’autres lieux encore.
Sarru-kîn éleva déjà des constructions dans la ville sémitique
de Babylone, qui est mentionnée pour la première fois sous son
règne ; une date de Sarganisarri indique qu'il « a posé à Baby­
lone les fondements du temple d’Annunit et du temple d’Amal
(== Zamama de Kis) ». La chronique et les omina, il est vrai,
qui sont dominés par l’idée postérieure de la position centrale
de Babylone, font l’amer reproche à Sarru-kîn d’avoir fouillé
dans le sol de cette ville et d’avoir fait d’Akkad une ville aussi
grande qu’elle : pour le punir, Marduk allîigea son peuple de
famine.
« Depuis les jours de Sarru-kîn (Sur-rii-gi), Kalum et Eapin
appartenaient au territoire de Lagas », tablette do Tello, Thureau-
Dangin, OLZ, 1908, ; si le patési d’Ur sous Narâm-Sin est
nommé en connexion avec ce fait, cela ne'prouve pas naturellement
que ce roi succéda immédiatement à Sarru-kîn. Sur l’obélisque-de
Manistusu le patési de Lagas est Engilsa, dont le fils Urukagina vit
à la cour d’Akkad; Engilsa était donc bien un descendant (fils?) du
roi Urukagina de Lagas (§ 389 note). Thureau-Dangin, Itev. d'Assyr.,
IX, p. 76 a publié une inscription sur plaque perforée de pierre du
nommé Surus-gi (Suruskîn ?), fils du patési Kur-ses de Umma, que
mentionne l’obélisque (A, 12, 21). — Stèle fragmentaire avec
assignations de terrains, probablement sous Sarganisarri, Découv.^
pi. 5 bis, c 3; Thureau-Dangin, SMA7, p. 170; elle n’a rien à voir
avec la scène de combat mentionnée § 401. — Empreintes de sceaux
de fonctionnaires de celte époque de Tello, qui sont en partie des Sé­
mites ; Découv., p. 281 et suiv., cf. Meyer, Sum. u. Sem.^ p. 60 etsuiv.
Cylindres d’autres fonctionnaires de Tello en partie Sémites aussi,
Thureau-Dangin, S’AA7, p. 164, 167. — Les patésis de Lagas sous
Sarganisarri et Narâm-Sim s’appellent Lugalusumgal « fécrivain »
(sous les deux rois), Ur-e, Ur-babbar (ou Amel-Samas), Lugal-bur:
Thureau-Dangin, S A K I, p. 39, 1, cf. p. 164 f; 168 k ; 223 note. —
Nabû-na’id mentionne les constructions de temples à Akkad et
Sippar, Langdon-Zehnpfund, Neubab. Koenigsinschr.^ pp. 226, 230
L ART AKKADIEN ■ § 404 213

et suiv., 246, 264; Nabû-kudurri-usur celle de Marad, îd., p, 78.


Les constructions de Sarganisarri et de Narâra-Sin à Nippur que
les fouilles ont mises au jour sont aussi mentionnées dans les dates
des années ; de même les conslructions de Sarganisarri à Babylone,
Thureau-Dangin SAK I^ p. 225 c, et celles de Narâm-Sin au temple
de Nanaia à Ninni-es près d'Uruk, p. 226 g.

Vart akkadien.

404. Les plus anciens monuments du royaume d’Akkad qu


nous sont conservés en fragments, le relief de victoire de èarru-
kîn (§ 398) et la statue dé Manistusu (§ 399), permettent de
reconnaître les débuts d’un art sémitique qui commence len­
tement à s’émanciper de ses modèles sumériens. Le fragment
d’une stèle de Tello qui appartient peut-être à l’époque de Sar­
ganisarri montre un progrès notable dans ce sens ; les deux
faces portent des scènes de combat en plusieurs registres. Il
est impossible de déterminer le théâtre du combat, car ennemis
et vainqueurs portent la barbe et une courte chevelure. Ce
monument représente une victoire sur les Amorrites, ou la
défaite des Elamites ou peut-être d’autres rebelles. Les monu­
ments de Narâm-Sin forment le terme du développement artis­
tique : le relief de Diârbekir, le fragment de la statue de diorite
et avant tout la grande stèle de Tictoire de Suse qui représente
le combat dans le Zagros (§ 400). Il faut y ajouter de nombreux
cylindres de fonctionnaires de Sarganisarri et de Narâm-Sin.
Les points de contact avec l’art archaïque sumérien ne man­
quent pas non plus ici : comme lui l^art akkadien conserve en
opposition à l’art égyptien le haut-relief ; il accepte diverses
traditions conventionnelles, comme l’ordonnance symétrique
des figures sur divers cylindres, la forte courbe des sourcils
qui rejoignent en angle aigu la racine du nez, et avant tout la
coutume étrange de représenter l’ennemi toujours nu. Sur la
214 LE ROYAUME SEMITIQUE D AKKAD

stèle de victoire de iNarâm-Sin seuls, il est vrai, les morts sont


nus, mais sur le relief de bataille de Tello, par contre, comme
sur la stèle des Vautours les ennemis qui combattent le sont
aussi. F^nfin, l’art akkadien partiigc avec l’art sumérien la ten­
dance à la composition de grandes scènes. Mais le sujet est
traité d’une autre manière, beaucoup plus libre, en opposition
aux formes lourdes et peu harmonieuses des Sumériens, telles
qu’elles se présentent encore dans la statue de Manistusu. La
figure humaine, sur les monuments plus récents, est bien pro­
portionnée, elle est même devenue élancée, la musculature
n’est pas exagérée, les visages sont noblement traités; un
esprit vif et artistique se dégage surtout de ces créations et non
plus un maladroit balbutiement. Donc ces monuments prou­
vent que les Akkadiens-Sémites n’ont pas seulement dépassé
les Sumériens dans l’art militaire, mais qu’ils ont possédé une
civilisation supérieure. Ils ont beaucoup appris des Sumériens,
mais .dans tous les domaines ils ont surpassé leurs maîtres. La
puissance sumérienne était épuisée, elle ne pouvait plus rien
produire de ses propres forces. Les rôles sont donc renversés
et ce sont les Sémites qui apportent quelque chose de plus
élevé. Cette constatation ressort avec évidence jusque dans les
plus petits détails, comme dans la forme des signes d’ée.riture
et dans les briques imposantes des constructions et des tablettes
akkadiennes faciles à distinguer de celle des Sumériens (§ 394).

Stèle de Tello : Meyer, Sum. u. Sem.^ pl. 9 et p. 115 et suiv. (Les


anciennes publications, Découv., pl. 5 bis, 3; CataL, n® 21 sont
insufTisantes). Heuzey a montré avec beaucoup de sagacité qu’elle
appartient au royaume d’Akkad ; elle est sans doute plus ancienne
que Narâm-Sin, mais plus récente que la statue de Manistusu.

405. Entre les monuments archaïques et ceux de Narâm-Sin


il y a un progrès énorme qui s’accomplit presque tout d’une
traite. On peut comparer le mouvement qui s’accomplit en
Égypte de la IV® à la V®dynastie et en Grèce des guerres mé-
diques à Périclès. Sur le relief de Narâm-Sin de Diârbekir le
l ’a r t a k k a d ie n — § /lOo

rendu exact du visage n’est sans doule pas encore réussi; au


contraire, rœil vu de face est placé dans un visage de profil
et le partage dans une certaine mesure en deux parties. Nous
ne pouvons pas porter un jugement sur la ronde bosse, car
le torse de Suse est complètement détruit. Mais si l’art de
Narum-Sin est en arrière des créations de la V® dynastie pour
la finesse dans l’exécution du détail, sa stèle de victoire est
cependant un des grands spécimens de l'histoire générale de
l'art. Sur le monument de bataille de Tello les combats sin­
guliers dans lesquels la bataille se décompose (§ 394), sont
encore simplement placés les uns à côté des autres comme sur
les scènes guerrières du tombeau de Desase de la V* dynastie
(§ 253), sur une ligne principale, sans indication de terrain.
L'essai n’a pas réussi de donner une unité aux groupes com­
pacts de combattants surtout parce que l’on veut condenser
en un seul tableau toutes les phases de la lutte, le décourage­
ment de l'ennemi, ses supplications, le coup mortel, l’écrou­
lement du blessé. Ajoutons encore, indépendamment de la
nudité absurde de rennemi, la dureté et l’exagération dans le
rendu de la musculature et la contorsion qu’apporte avec lui,
ici comme en Egypte, le dessin en profil. On veut représenter
des hommes vivants, mais on n’est pas encore devenu maître
de la matière. Dans la stèle de victoire de Narârn-Sin par contre,
on a créé une unité interne pour l’ensemble de la composition.
Le terrain montagneux s’élève imposant, jalonné par des
arbres. En haut, au sommet du col et au pied d'un pic qui se
dresse dans les airs, surgit l’imposante stature du roi divin; à
ses pieds les ennemis frappés se précipitent au bas des rochers,
tandis que l’un d'eux s'affaisse, frappé de sa lance. De la droite
le roi tient son javelot tandis que les ennemis crient grâce.
Derrière lui son armée, représentée comme les ennemis par
quelques figures, grimpe sur les rochers. Tous les yeux sont
tournés vers le roi qui dépasse du double toutes les autres figures.
Il n’est pas question de perspective ou d’observation des pro­
portions, tout est symbolique, en opposition au naturalisme des
216 LE ROYAUME SÉMITIQUE d ’a KKAD

scènes particulières traitées avec beaucoup d’efforts, bien que


sans succès, dans le relief de Tello. Mais on a réussi à condenser
toute une action s’étendant sur plusieurs lieues en un tableau
général qui a son unité : l’irruption dans la montagne, la vic­
toire, le désespoir des ennemis, leur soumission et la grâce
donnée. Cette unité est immédiatement perceptible pour l’obser­
vateur, sans un mot d’explication, par sa vérité interne, et elle
atteint au maximum d’effet. Il faut encore ajouter la hardiesse
du dessin de quelques figures, celle du roi par exemple et des
ennemis qui tombent, comme seul l’art grec l’osera plus tard à
l’apogée de son développement.
Sur les cylindres la figure du soleil franchissant glorieuse­
ment ies montagnes n’est pas conçue avec une moindre largeur,
des rayons sortent de scs épaules; ici aussi un symbole conven­
tionnel de l’art archaïque sumérien s’est transformé en une
grande idée artistique. Les représentations mythologiques des
cylindres, surtout celles qui sont tirées de la légende de Gil-
games, ont le même caractère. Elles sont toutes remarquables
par le profond et vigoureux relief qui caractérise l’art archaïque
akkadien. Un cylindre, qui représente « Ubil-Istar, le frère du
roi » en marche, a un intérêt particulier ; derrière lui son secré­
taire sumérien Kalki a la tête chauve, puis plusieurs serviteurs,
et en avant un guerrier avec un arc et un carquois. L’artiste n’a
pas réussi un dessin en profil correct; mais l’unité de la scène
est ici encore obtenue, comme sur la stèle de Narâm-Sin, par le
fait que tous les yeux sont dirigés vers la figure principale.

Cylindres du royaume d'Akkad (cf. § 403 note pour les empreintes


sur tablettes de Tello) : Ménant, Recherches sur la Glypt. orient., I et
Coll, de Clercq, I; Furlwangler, die antiken Gemmen, III, ch. 1.
— Cylindre de Ubil-lstar, Thureau-Dangin, SAKI, p. 168 ; Furt-
wangler, Gemmen, I, pl. 1, .3 (explication fausse); Meyer, Sum. u.
Sem., p. 72 et suiv.
LE ROYAUME DE SüM ER ET D’AKKAD

Fin du royaume d'Akkad. Réaction sumérienne.


Dynastie d’Uruk.

406. Les six premiers rois de la dynastie d’Akkad ont régn


ensemble 158 ans (environ 2775-2618) d’après la liste royale de
Scheil. Cette dernière nomme 4 rois, après Sarganisarri II,
qui ne régnèrent que 3 ans en tout, en remarquant « qui fut
roi, qui ne fut pas roi [on ne peut le dire] » ; ce furent donc des
prétendants qui se disputèrent le trône. Puis viennent deux
rois, père et fils, avec’de plus longs règnes, et ainsi se termine
la dynastie d’Akkad, que remplace une nouvelle maison royale
originaire d’üruk et fondée par Urnigin. Cette dynastie n’est
pas parvenue à s’établir définitivement; elle embrasse cinq
souverains dont la vie fut courte et qui régnèrent en tout 26 ans
(environ 2578-2552); seul le second est désigné comme fils de
son prédécesseur. Tous ces souverains étaient inconnus avant
la découverte de la liste Scheil et nous ne possédons, d’ailleurs,
aucun monument de cette période. La dynastie d’Akkad est
probablement tombée en décadence dès Sarganiéarri II le suc­
cesseur de Narâm-Sin et cet état fut aggravé encore par les
compétitions visant le trône. Elle fut emportée par une nou­
velle réaction sumérienne qui prit son origine dans la ville
royale de Lugalzaggisi. Mais bien que maintenant des siècles
vont s’écouler avant que les Sémites du Nord retrouvent l’auto-
LE ROYAUME DE SUMER ET DAKKAD

nomie, rinfluence du royaume d’Akkad a cependant élé durable


et très elficace. Non seulement nous continuons à rencontrer
vers le Sud un fort contingent sémitique qui s’accroît réguliè­
rement, au point que de nombreux mots sémitiques pénètrent
dans le lexique sumérien et que même plusieurs rois sumériens
postérieurs portent des noms sémitiques, mais les Sumériens
ont complètement adopté et conservent la civilisation du
royaume d’Akkad. L’art sumérien des époques suivantes est
complètement dominé par l’influence des créations de Sarrukîn
et de Naràm-Sin. Les dieux sémitiques pénètrent dans leur
panthéon (§ 396) et tous les dieux indigènes ont dès lors dans
leur forme et leur liabillement une tournure sémitique (§ 362).
L’ancien costume sumérien a aussi subi des transformations :
au lieu de l’ancienne robe à franges on porte non pas, il est
vrai, le chàle sémitique, mais un grand manteau frangé qui
comme le châle des Sémites est jeté par dessus l’épaule gauche
et pend du bras gauche fort bas, tandis que l’épaule droite reste
découverte. De plus, les rois et patésis couvrent leur tète rasée
d’un bonnet semblable à un turban. Malgré la grande différence
que présentent la langue, l’apparence extérieure et les usages,
il n’existe plus, semble-t-il, d’opposition nationale tranchée.
Une civilisation uniforme s’est constituée qui repose sans doute
sur une ancienne base sumérienne, mais refondue et perfec­
tionnée par les Akkadiens. Les faits permettent de supposer que
les anciens Sumériens n’ont toujours élé qu’un peuple de sei­
gneurs au milieu d’une population sémitique. Là où cette der­
nière se fortifie continuellement par de nouveaux éléments,
les Sumériens sont peu à peu épuisés par elle malgré la supré­
matie qu’ils regagnent encore une fois.
Les communications établies par les rois d’Akkad avec
l’ouest, spécialement avec les Amorrites, continuèrent aussi
pendant les siècles suivants, surtout les relations avec Magan
et Meluha. Nous ne savons pas, il est vrai, le temps pendant
lequel les rois d’üruk purent maintenir leur puissance. Déjà
après un quart de siècle la dynastie succomba à une attaque
GUDÉA DE LAGAS

des Gûli, le peuple montagnard du Zagros, que vainquit Sar-


ganisarri.
Nous connaissons un fils de Naràm-Sin, Binganisarri, par deux
sceaux de ses scribes (Thureau-Dangin, SA K [, p. 108; mais nous
ne savons pas s’il a régné. Sur une tablette de livraisons de brebis
(Thureau-Dangin, Hev. d’Assyr., IX, p. 81) paraissent, à côté de la
reine, les fils du roi Sarganisarri et Binganisarri; le premier peut
être le Sarganisarri de la liste, le sixième roi de la dynastie. — Le
même auteur publie (IX, p. 35) le fragment d'une inscription, dans
une copie postérieure d’un « roi d’Akkad et des 4 régions du monde »>
qui pourrait être un successeur de Narâm-Sin. Le vase de Nippur
appartient à Sarrukîn ou à Narâm-Sin (Hilprecht, Bah. Inscr., 1,
119; Thureau-Dangin, S A K I, p. 170 a). Poebel a expliqué la ligne
qui suit Sarganisarri dans la liste Scheil {OLZ, XV, 482), où l'on
croyait d’abord trouver un nom de roi Abêilum. — Dans les docu­
ments de l’époque suivante provenant deTello et d’ailleurs les noms
propres sémitiques sont très fréquents (Beisner, Tenipelurkundcn
nus Tello. Mitthell. aus d. Berlin. Orient. Snmmlung, XI et les
ouvrages mentionnés § 370 note). Sémites sur les monuments de
Tello ; petit socle circulaire, fh'couo., pi. 21,5. Stèle des musiciens.
Déc., pl. 23, les deux fois avec des Sumériens. Des trois petits
fragments de l’époque de Oudéa qui proviennent de scènes de
combat, les uns {Déc., pl. 2 2 , 6 et pl. 26, 1 0 b) montrent des ennemis
ou des prisonniers Sumériens, l’autre des Sémites, pl. 26 ,1 0 a.
Comme les deux types apparaissent radicalement séparés les uns à
côté des autres sur les monuments, il est absurde de prétendre,
comme on le fait généralement, que les Sumériens soient dès cette
époque une race éteinte et leur langue une langue morte. Voir
d'ailleurs, en particulier sur les ditférences des vêlements natio­
naux, Meyer, Sum. u. Sem.

Gudéa de LagaL

407. A l’époque de la chute du royaume d’Akkad et de la


220 LE ROYAUME DE SUMER ET D AKKAD

brève dynastie d’Uruk s’épanouit à nouveau Laga§, qui, au


moment où tous les autres documents manquent, nous offre
encore une fois dans une série de monuments un tableau bril­
lant et vivant de la civilisation sumérienne. On mena vie
tranquille sous les rois d’Akkad lorsqu’on eût remis de l’ordre
dans les affaires; les effets des ravages de Lugalzaggisi dimi­
nuent sous le gouvernement des patésis qui se succèdent,
investis par les rois. Quelques petits monuments nous ont été
conservés, sceaux, gobelets de pierre ou briques de construc­
tion. Aucun des souverains ne nomme son père et nul n ’a pu
avoir un long règne. Urbau ressort avec quelque importance
dont le règne marque un réel essor. Il reconstruit plusieurs
temples en grandes briques cuites ; dans l’un d’eux on a trouvé
sa statue en diorite consacrée à Ningirsu, moitié grandeur
nature ; la tête est perdue. L’usage de la diorite de Magan a été
introduit depuis les guerres de Narâm-Sin. Mais on n’est pas
encore devenu complètement maître de cette manière dure : la
statue paraît donc plus compacte et plus massive que les sta­
tuettes en calcaire et en albâtre de l’époque archaïque tardive
deTello(§ 389). Le vêtement n’est pas rendu avec ses plis et l’on
ne se hasarde plus à séparer les bras du corps. A cela s’ajoute
la caractéristique de l’art sumérien, le manque complet du sens
des proportions, qui a créé dans quelques autres monuments
de diorite de cette époque les formes les moins souples qu’on
puisse voir.
Les deux gendres d’Urbau, Urgar et Nammahni, lui suc­
cédèrent; le nom du second a été souvent intentionnellement
effacé sur ses monuments. Suivent peut-être encore quelques
patésis éphémères; seul le gouvernement de Gudéa aura de
nouveau une plus longue durée. On évaluera à environ cin­
quante ans l’intervalle qui sépare la fin du règne de Narâm-
Sin de î’avènement de Gudéa : ce dernier arrive au moment de
la décadence des rois d’Akkad et de la dynastie d’Uruk, donc à
une époque où le su mérisme était en état de se relever lui-
même.
GUDÉA ET LAGAS — § 407 221

II faut placer peut-être aussi à cette époque le patési Galubabbar


de Umma, Thureaii-Dangin, SA Kl, p. ITJO. — Documents de Tello ;
Thureau-Dangin, lîecueü de Tablettes dans Rev. d'Assyr., V, p. 67 et
suiv. ; les dates y mentionnées, Thtireau-Dangin, SAKI, p. 226
et suiv., les inscriptions, ib'id., p. 58 et suiv., cf. Découv., p, 347 et
suiv. En tout nous connaissons jusqu’à maintenant 10 palésis allant
de Narâm-Sin à Gudéa (les noms, § 412 note), parmi lesquels seuls
Urbau a eu un long règne. La suite des patésis n’est pas très sûre
et nous ne pouvons pas connaître tous les noms ; malgré cela l’éva­
luation de cette période à un siècle en chiffre rond que l’auteur
donnait dans la précédente édition est déjà très élevée. Nous savons
maintenant que l’intervalle entre Narâm-Sin et Urengur d’ür com­
porte au moins 170 ans environ ; donc Gudéa ne peut être abaissé
jusqu’à l’époque d’Urengur. Le plus vraisemblable est de le placer
à la fin du règne des rois d’Akkad et aux temps de la dynastie
d’Uruk, avant l’invasion des Gûti. On comprend maintenant qu’Ur-
ningirsu, prêtre de Nina sous Dungi (Thureau-Dangin, SAKÏ,
p. 194 x), auquel appartiennent probablement aussi la brique
(Thureau-Dangin, ibid., p. 146 a) et un petit gobelet de pierre
[Découv., 26,5), ne peut être identique au fils de Gudéa qui porte
le même nom (§ 410), ce qu’on admettait généralement à la suite
de Winckler [Untevs. z. Gesch. d. ait. Or., 42) (ainsi dans la pré­
cédente édition). II est d’autant plus étonnant qu'aucun de ces
patésis ne nomme son père, contrairement aux anciens souverains,
que les deux tilles de Urbau et de même Urningirsu, le fils de
Gudéa, nomment leur père ; on revient donc à l’ancien usage aus­
sitôt qu’une dynastie commence à se former. Donc tous ces patésis
ont probablement été investis par un suzerain. D’après une suppo­
sition de Thureau-Dangin, complétant l’inscription de la statue de
femme B [Rev. d'Assyr., VII, 185), Gudéa a aussi épousé une fille
d’Urbau; d’où il suit qu’il faut placer avant Urbau les patésis Urnin-
sun, Ka-azag et les autres. — Quelques pans de murs des construc­
tions d’Urbau ont été trouvés sous la forteresse d’Adadnadinahê
(§ 383 note). — Statue d’Urbau, Découv., pl. 7, 8 . La statuette
de diorite intacte et de moitié plus petite, aussi avec le manteau
sumérien, est considérablement plus rude, Coll, de Clercq, II, pl. 11;
la tête a encore un front très bas. La statuette de Berlin est d’un
style un peu meilleur, Sum. u. Sem., pl. 8 . Mais la plus lourde est
LE ROYAUME I>E SUMER ET D AKKAD

la Statue de diorite restaurée par Heuzey, C. K. Ac. Inscr,^ 1907,


p. 516, à laquelle appartient la tète, Dec., pl. 6 ter 1 ; une inscrip­
tion y est fçravée mentionnant la propriété territoriale que Lupad,
fonctionnaire d’ümma, a acquise à Lagas; la statue représente sans
doute ce personnage. Heuzey et Thureau-Dangin, loc. cit., p, 519,
placent cette statue à une époque beaucoup trop reculée, comme le
prouvent la diorite et le style de la tête; cf. Meyer, Sum. u. Sem.,
pp. 81, 2. 9:2. Lupad éternise donc à la fois sa piété et son travail
devant le dieu en érigeant la statue dans le temple.

408. Gudéa (environ 2600-2500) aussi ne nomme jamais so


père. Gomme ses prédécesseurs il fut probablement institué par
un suzerain, ou arriva au pouvoir par son mariage ou grâce à
l’usurpation. Mais Lagas acquit sous son règne un éclat que
nous ne rencontrons ni avant ni après lui. A ce point de vue
aucune autre ville de Sinéar ne peut lui être comparée môme
de loin. Lagas doit alors avoir été habitée par une population
très aisée et nombreuse grâce aux revenus agricoles el surtout
au commerce. Gudéa (Statue H, 3, 10) estime les habitants de
son territoire à 60 sures (216.000 hommes) contre les 10 sares
d’Urukagina (§ 389). Cela indique des temps paisibles; nous
nous rendons compte du commerce actif et étendu de cette
époque par les monuments (§ 410). Gudéa a employé tous les
moyens de son royaume pour honorer les dieux plus qu’aucun
de ses prédécesseurs. A Ningirsu, « son roi », qui dans sa
grâce a « choisi Gudéa comme véritable berger dans le pays »,
puis à Bau et à beaucoup d’autres dieux, il élève des temples;
il couvre les sanctuaires de i)outrcs de cèdre de l’Amanus; il
les orne de reliefs en calcaire, de stèles et de tout le mobilier
du culte. Le temple principal comprenait en outre une petite
tour à étages (ziqqurrat), car on commence maintenant à copier
à l’usage d’autres dieux ces constructions du temple d’Ellil.
Gudéa a aussi pris soin de sa propre mémoire : il dédia dans
le temple ses propres statues, soit debout, soit assises, taillées
dans la diorite de Magan et les dota de fondations, qui ont
maintenu vivant pendant des siècles encore le culte qu’on leur
GUDÉA ET LAGAS — 409

rendait. On voit comment l’idée de la divinité du souverain


s’établit de plus en plus et comment en môme temps, mais avec
des conséquences moins étendues qu’en Egypte, la pensée de
la prolongation sur terre de la vie de l’homme est liée à son
image (cf. § 374 a). Les fôtes de la pose des fondements et de
la dédicace du temple de Ningirsu furent célébrées par la ville
entière avec toutes les solennités prescrites par le rituel. Pen­
dant les jours sacrés, le travail cesse, les différences de situa­
tion disparaissent, aucun esclave ne peut être châtié, aucun
jugement rendu et aucun cadavre enterré. Gudéa a éternisé la
mémoire de ses actions pieuses sur les inscriptions de ses sta­
tues et sur deux énormes cylindres d'argile.

II ne reste que peu de chose de la ziggurat et des murs du temple


principal de Gudéa; une de ses statues le représente, tenantle plan du
sanctuaire sur les genoux ; la construction que l’on désignait aupa­
ravant comme « palais de Gudéa » est en réalité une sorte de for­
teresse du dynaste Âdadnadinahê (§ 383 note), qui est construite en
grande partie avec des briques de Gudéa sur l’emplacement de son
ancien temple. — Par contre, comme Heuzey le communique, CH
Ac. Inscr.y 1903, p. 73, les fouilles de Gros ont mis au jour le plan
de la ville, les murs et les portes, le bassin du port et les nécro­
poles. — Gudéa a naturellement construit un canal ; date dans
Ïhureau-Dangin, SAKJ^ p. 227, cf, p. 228 h.

409. L’art sumérien atteint son apogée dans les créations d


Gudéa. Les constructions, en rapport avec les matériaux de
briques, auront été lisses et sans ornement; l’extérieur, comme
le montre le tracé conservé sur une statue du souverain,
animé par des ressauts et des niches, les parois revêtues peut-
être de nattes et de tapis. Les poutres de cèdre permettaient
d’établir de plus vastes locaux à l’intérieur. Comme support on
construisait des colonnes rondes en briques, dont on a trouvé
plusieurs vestiges ; elles ont sans doute remplacé des supports
plus anciens en bois. Dans la plastique, par contre, on a de
beaucoup dépassé l’époque archaïque et aussi Urbau. L’influence
224 LE ROYAUME DE SUMER ET d ’AKKAD

de Tart akkadien est partout visible. Les têtes des statues sont
finement travaillées; on est arrivé à donner de justes propor­
tions aux statues en diorite, que l’on a appris à travailler soi­
gneusement, aussi bien qu’à celles en calcaire qui représentent
de hauts olïiciers du gouvernement. Ces sculptures rendent
de façon intéressante le type sumérien. En revanche, pour le
corps, l’ancien penchant à une structure ramassée, à une
exagération de la musculature, qui s’oppose aux reliefs de
Narâm-Sin, est toujours très sensible. Ces statues ont quelque
chose de rude et de lourd, qui est encore accentué par l’absence
du sentiment des proportions du corps. Il semble que le sculp­
teur ne porte jamais son attention que sur un détail de son
modèle. Ainsi la relation entre la tête et le tronc fait complè­
tement défaut : le cou n ’est presque pas indiqué et les épaules
sont trop hautes. C’est pourquoi la seule statue conservée en
entier, statue assise moitié grandeur naturelle, produit dans
l’ensemble une fâcheuse impression. Ce résultat est d’autant
plus surprenant que la tête et particulièrement belle. Gudéa
apparaît ainsi comme un nain contrefait. Des autres statues on
ne possède que les têtes ou les torses, en tout onze pièces, qu’on
ne peut assembler avec quelque certitude.
On fera la même réflexion, quoique l’effet produit soit moins
frappant, devant les reliefs qui sont exécutés d’ailleurs avec
beaucoup de finesse et une forte accentuation des caractéristi­
ques ; ainsi dans le type sumérien des hommes et le type sémi­
tique des dieux. On ne peut comparer aucun monument des
restes de l’époque de Gudéa au mouvement qui anime la stèle
de Narâm-Sin; les détails sont sans doute traités avec soin et
sobrement, et souvent dans des formes agréables. On essaie de
modeler plus exactement l’œil vu de profil ; mais on n’est jamais
arrivé à acquérir un dessin exact en profil de tout le corps, pas
plus que chez les Egyptiens. Ici comme en Egypte, la tête et
les jambes sont présentées complètement de profil, tandis que
le corps et la couronne à cornes sont de face. Les reliefs sont
particulièrement bien réussis où Gudéa est représenté conduit
GUDÉA ET LA GAS — § ^llO

devant le dieu du ciel par son patron Ningiszida, (avec des


dragons sur les épaules sj 372), dont il a introduit le culte à
Tello. Il cherche à obtenir l’eau qui assure la vie et le dieu du
ciel lui tend un vase aux eaux éternellement jaillissantes. Celte
scène est aussi représentée sur le sceau de Gudéa. Un autre
relief, dont malheureusement nous ne possédons que quelques
fiagments, représente l’entrée d’un dieu sur son char attelé
d’animaux fabuleux ; un autre plus petit montre la déesse Bau
sur les genoux de son époux Ningirsu. 11 faut ajouter les restes
d’un grand bassin du temple de Ningirsu : sur le relief extérieur
des jeunes filles tiennent le vase d’où jaillit la source de vie.
On trouve peu de travaux métallurgiques de quelque importance
(ainsi des têtes d’animaux aux yeux incrustés de pierres de
couleur), mais par contre plusieurs vases de pierre très bien
travaillés : ainsi un vase sur lequel se dressent en haut relief
les dragons blasoniiés de Ningiézida à côté do deux serpents
entrelacés. On a trouvé encore de jolis dessins ciselés sur nacre
destinés en partie à des incrustations.

La statue devenue complète par les fouilles de Gros; Ituo. d'Assip\,


VI. Nouvelles Fouilles, 21 et pi. l. Les œuvres d’art conservées au
Louvre dans de Sarzec et Heuzey, Découo, en Chaldée, et Heuzey,
Une des sept slèles de Goudea, Fondât. Piol, XVI, i908; celles de
Berlin surtout dans je travail de l’auteur Sum. n. Semiten : p l. 7 le
grand relief, et pl. 8 le char divin en particulier; les animaux ne
sont malheureusement conservés qu’en partie ; mais on peut facile­
ment reconnaître que ce ne sont ni des ânes ni des chevaux, mais
des animaux fabuleux.

410. Si brillant que paraisse le règne de Gudéa, il est douteux


qu’il ait été un souverain indépendant. Il se glorifie de ce que
Ningirsu lui a ouvert les chemins de la mer supérieure (Médi­
terranée) à la mer inférieure (golfe Persique) pour la construc­
tion de son temple (Statue B, 5, 23 et suiv. ; cf. Gyl., A, 9, 18
et suiv. ; 15, 1 et suiv.); que tous les pays et tous les peuples
y ont contribué, l’Amanus et les monts d’Amurru, Magan et
^>26 LE KOYAUME DE SUMEK ET D AKKAD

Meliilia, Madqa (probablement sur l'Adôm, cf. ^ 414 note) avec


son asphalte, Kimas, qui est probablement voisine, avec son
cuivre, puis l’MIam (Nim) et Ansan, le mont Gubin et la ville
insulaire Tilmun dans le golfe Persique (cf. §§ 401 A, 402 a
note). Mais il ne dit nulle part que ces pays lui aient été sou­
mis ; et s’il se vante d’avoir emmené les poutres et les pierres
depuis les montagnes et de l’or de Meluba, il n'a certainement
pas mis le pied lui-même dans ces régions. La seule guerre
qu’il mentionne est un combat avec Ansan en Klam, dont il
employa le butin pour le temple de Ningirsu (Statue B, 6, 64
et suiv.); c’est pour cela qu'il tire vanité de ce que des Elamites
et des Susiens ont participé à la construction du temple (Cyl. A,
lo, 6 et suiv. Cf. § 363 note). 11 peut très bien avoir fait cette
guerre à la suite d’un suzerain. Le problème se résoudra par
la date que nous avons obtenue pour Gudéa : s’il appartient à
la dernière époque des rois d’Akkad et au commencement de
la nouvelle dynastie d’üruk, les événements ont pris probable­
ment une tournure telle que, tandis qu’extériourement la sta­
bilité du royaume était encore intacte, le patési d’une ville
sumérienne pouvait avoir une beaucoup plus grande liberté de
mouvement que sous les anciens souverains d’Akkad et occuper
par conséquent une place semblable à celle des princes des
provinces égyptiennes à la lin de la VI“ dynastie et au com­
mencement du Moyen Empire. En tout cas Gudéa est un repré­
sentant des nouveaux efforts sumériens au môme litre que la
dynastie d’Uruk qui a renversé le royaume d'Akkad. Urningirsu,
(ils de Gudéa, aurait alors été dépendant de ce loyaume d’Uruk.
Dans les documents datés au nom d’Urningirsu, il est de nou­
veau question du roi, de la reine, des fils du roi et de livraisons
à leur cour. Ce prince a encore ajoulé des construclions au
temple de Ningirsu à Lagas. Mais les monuments cessent dès
lors brusquement; nous n’avons plus que des renseignements
de l’époque des rois d’Ur qui mollirent les patésis de Lagas
dépendant complètement de cetle dynastie. La disparition sou­
daine de la fortune de Lagas et l’absence de renseignements
L INVASION DES GÜTl — ü 1

sont le fait de l’irruption des Gûti, qui a déterminé la fin rapide


de la domination des dynastes d’Uruk.

Documents de l’époque d’Urningirsu : Thureau-Dangin, Rec. de


iabl.y p. V (et les dates Kœnigsinschr.y p. 227); ses inscriptions
SAKIy p. 14o et suiv., n®» b et c; les n“* a et d appartiennent au
prêtre de ce nom sous Dungi, cf. § 407 note.

Vinvasion des Gûti.

411. Les peuples montagnards duZagros avaient été dompt


par Sarganisarri et Narâm-Sin ; ils peuvent s’ôtre tenus tran­
quilles depuis lors pendant une période assez longue. Mais la
chute du royaume d'Uruk et les vaines tentatives de ses rois
pour fonder une dynastie stable, offraient sufiisammeut d’at­
trait; il faut y ajouter probablement des mouvements de peuples
sur leurs derrières, mouvements qui n’ont jamais fait défaut,
bien que nous n’en ayons aucune connaissance. Ainsi les Gûti
ont marché contre Sinéar * ils n’ont pas seulement pillé le
pays de fonds en comble, mais s’y sont établis et y ont fondé
un royaume. Leur occupation est dépeinte sous les couleurs
les plus sombres, comme celle des Hyksos en Egypte ; ils sont,
comme le dit l’inscription de leur vainqueur (§ 411 b) « les
dragons de la montagne qui arrachent l’épouse à l’époux, les
enfants à leurs parents et ont traîné dans les montagnes la
royauté de Sumer ». Ln hymne, en plusieurs copies, en l’hon­
neur de Ninib, dieu très vénéré aux époques suivantes à Nip-
pur comme fils d’Ellil (§ 396), dépeint les temps où le pays était
aux mains de l’ennemi dévastateur, où les dieux étaient emme­
nés prisonniers, la population lourdement chargée de corvées
et d’impôts, où les canaux et les fossés tombaient en ruines,
où l'on ne pouvait plus naviguer sur le Tigre, où les champs
n’étaient plus irrigués et la moisson faisait défaut, jusqu’au
230 LE ROYAUME DE SUMEH ET D AKKAD

jour OÙ Ninib procura de nouveau sa jjràcc a u pays. Un autre


hymne, copié à répof|iie sélcucide décrit les plaintes d’Uruk,
Akkad, l.larsagkalania, Nippur, Dôr et d’autres villes du pays
sur les épreuves ({ue les Gûti leur font subir. Nous apprenons
par une kiscription de Nabû-na’id que les Gûti avaient détruit
le temple d’Anunit à Sipfmr et traîné l’image divine à Arrapba
(Arrapachilis), pays montagneux sur le cours supérieur du Zab.
Il est sutlisammenl compréhensible qu’à côté de Nippur avec
ses riches trésors, les anciennes capitales. Akkad avec Sippara
au Nord et Uruk, le siège de la dynastie subjuguée par les Gûti,
aient eu particulièrement à soulTrir. Un compte de cette époque,
provenant de Lagas, est daté de « l’année dans laquelle Uruk
fut saccagée ».

Hiiprecht d’abord, puis Scheil se fondant sur les textes mention­


nés § 411 a, ont reconnu que les Gàti ont régné quelques temps sur la
Babylonie ; plus tard la liste royale de Scheil a confirmé cette hypo­
thèse. Tous deux ont aussi rassemblé les autres mentions des Gûti
dans la littérature babylonienne. Hyinnc de l’époque Séleucide :
Langdon, Sumer. aud Habyl. /*salms, n“ 25, cf. X A , XXIII, p. 220.
Hymne à Ninib, Radau, Bab, h'æped., XXIX, 1, p. 03 et suiv.
Comme le texte existe déjà depuis l’époque de la dynastie d’Isin,
Radau pense avec raison qu’il fait allusion à la conquête des
Gdti. Au reste il faut user de la plus grande prudence en rapportant
de tels textes à des événements historiques précis. La Babylonie
fut si fréquemment éprouvée par les invasions qu’un thème générîil
s'est développé, qui considère en même temps les événements
naturels toujours menaçants, sécheresse, ruine des canaux, épidé­
mies, et qui illustre la puissance divine, ordinairement celle d’un
dieu local précis, dans sa colère et sa compassion 11 est aussi très
douteux que la légende dite du roi de Kutha, où des monstres,
sortis des montagnes, nourris par Tiâmat, battent l’une après
l’autre les armées du roi, qui avoue alors son impuissance et son
incapacité, se rapporte à un événement historique, comme l’ad-
meltent Hommel et Hiiprecht {Zimmern, XII, p. 317 et suiv.
Jensen, A7y, VI,p. 290 et suiv.,548 et suiv. Ungnad dans Gressmann,
Altor. Texte A lt. Test., p. 76 et suiv.). En tout cas, l’événenoent
l ’in v a s io n des guti — § 411 a 229

est reporté aux temps primitifs. Le fragment sur la détresse d’Uruk


pendant un siège de trois ans (Jensen, KB, VI, p . 272) ne peut
guère conserver un souvenir de ces combats ; dans la rédaction
actuelle il suppose d’ailleurs l’hégémonie de Babylone. Donnée de
NabO-na'id ; Inscription de Constantinople, 4, 14 et suiv. (Langdon-
Zehnpfund, Neubabyl. Koenigsinschr., p, 170). Date de Tello ; Nouv.
Fouilles^ p. 183.

411 a. Le centre de gravité propre de la puissance guléenne,


comme résidence royale, doit toujours avoir été dans la mon­
tagne, d’où les Gûti descendirent en Sinéar, e.n suivant
r'Adem, par Opis et Harsagkalama. Mais lorsque leur domi­
nation fut établie, ils adoptèrent aussi, comme les Hyksos en
Egypte et plus tard les Cassites, les formes de la civilisation
de Sinéar et celles du gouvernement établi : des patésis dépen­
dants administraient les villes, apportaient aux dieux des pré­
sents, prenaient le style des anciens souverains et ajoutaient à
leurs noms, comme les rois d'Akkad, l’épithète « le puissant ».
Leurs inscriptions sont rédigées en sémitique, comme celles
des rois d’Akkad, bien qu’avec quelques divergences dans la
prononciation. Nous connaissons jusqu’à maintenant 4 rois
Gfiti. Le plus ancien est Lasirab « roi des Gûti » qui, d’après
un ancien usage, a voué une masse d’arme à Sippar. L’ins­
cription gravée sur cet ex-voto est une invocation « aux deux
divinités des Gûti, Istar et Sin ». Un patesi Lugalannatum,
qui régna 35 ans à Umma et qui prit soin de son temple, date
d’après Basium « roi des Gûti ». On a trouvé à Nippur une
grande inscription dédicatoire d’un troisième roi Enridupizir
« roi des Gùtî et des quatre régions du monde » ; il se pré­
sente donc comme le successeur des souverains du monde de
la dynastie akkadienne. L’avenir nous fera sans doute con­
naître encore d’autres noms de rois Gûtî; pour le moment nous
connaissons encore le dernier souverain de la dynastie, Tiriqân.

Lasirab : Winckler. Z A , IV, p. 406. Thureau-Dangin, SA K l,


p. 172. — Basifini : Scheil, CB. Àc. Inscr., 1911, p. 318 et suiv. —
LE ROYAUME DE SUMER ET d ’a KKAD

Enridupizir : Hilprecht, The. earliest version of the Déluge Story


[Dab. Exped. Ser. D, V, 1 ), p. 201 et suiv., ce texte n’a pas encore
été publié. Thureau-Dangin pense que Sar-a-ti-gu-bi-siri, cité par
un relief votif d’Umma (Djoha) est aussi un roi de cette dynastie
{Rev. d'Assrfr., IX, 73).

Troisième dijnastie d'Uriik.

411 b. Un nouveau soulèvement des Sumériens, qui prit son


origine à Uruk, a mis fin à la domination étrangère. Nous
sommes renseignés sur ces événements par la copie d’une
inscription du vainqueur des Gûti, le roi Utuliegal d’üruk. Il
s’avance au nom d’Ellil ; Nanaia, Tamûz, Gilgamès, les dieux
et les héros de sa ville, lui ont prédit la victoire. Il ose alors
appeler aux armes les guerriers de sa ville, qui le suivent avec
joie, contre Tiriqàn, le fier roi des Gûti, qui se vante que per­
sonne ne tente de lui résister, que le Tigre jusqu’au bord de la
mer et le pays bas de Sumer lui obéissent. Comme au départ,
il ofiVe chaque jour un sacrifice pendant la marche à Iskur,
l’Adad des Sémites (§ 396), ou à d’autres dieux, parmi lesquels
le dieu soleil. Les gouverneurs de Tiriqân appellent leur roi,
mais celui-ci est battu et doit prendre la fuite. Ses sujets
l’abandonnent, il est pris avec femme et enfant à Dubrum, et
Utuhegal « place son pied sur sa nuque ». Ainsi « ütuhegal a
rétabli la royauté de Sumer dans sa puissance ».
Utuhegal se présente tout à fait comme un Sumérien. Nous
ne savons pas si les Akkadiens s’allièrent à lui ou s’il les a
soumis. Mais comme il s’intitule « le héros puissant, roi d’Uruk,
roi des 4 régions du monde, dont la parole est sans rivale » il
a sans doute émis des prétentions sur ces contrées. Nous igno­
rons s'il a régné longtemps et laissé des successeurs. Il est
cependant peu douteux que le royaume d’Uruk ait dû aussitôt
faire place à une nouvelle dynastie, originaire de la ville voi-
LA DYNASTIE d ’u R — § 412 231

sine, Ur, située plus en aval sur l’Euphrate. Nous n’avons


aucune date qui permette de fixer la chronologie de celte
époque; c’est le vide le plus sensible qui subsiste encore dans
notre documentation; nous ne pouvons pas non plus détermi­
ner la durée de la domination gutéenne. Cependant on n’éva­
luera guère à plus d’un siècle en chiffre rond (2575-2469 envi­
ron) l’intervalle qui sépare la lin de la dynastie d’Akkad et la
fondation de la dynastie d’Ur, si l'on s’appuie sur les argu­
ments fournis par le développement de la civilisation et sur­
tout de l’écriture.

Inscription de Utuhegal : Thureau-Dangin, Rev. d’Assyr.y IX,


p. 1 1 1 et suiv. ; p. 1 2 0 il mentionne d’après un texte de présages
postérieur « un présage pour le roi ïiriqân, qui dut fuir au milieu
de ses troupes » et il renvoie à la « ville de Tiriqân » sur le Kudurru
de Nazimaruttas, I, 24. — Voir la liste royale ci-jointe.

La Dynastie d'Ur.

412. Urengur d’Ur fut le fondateur de la nouvelle dynastie


qui a créé de nouveau un royaume stable et bien ordonné.
Nous obtenons dès lors une chronologie sûre : d’après les dates
évaluées § 329 son règne, qui dura 18 ans, tombe en 2469-2452.
Nous ignorons par quel moyen il établit son pouvoir; il se
révolta probablement contre les rois d'Üruk et les renversa du
trône. On peut voir peut-être une allusion à ce fait dans le
titre plus large, « le fort héros, roi d'Uruk », dont il fait précé­
der une fois son titre « roi d’Ur » sur les briques de construc­
tion d’Ur. Une année île son règne s’appelle « année dans
laquelle le fils du roi Urengur fut institué par les présages
comme prêtre de Nan d à Uruk ». Ordinairement au commen­
cement de son règne il ne se nomme que « roi d’Ur » ; puis il
prend le titre complet « le héros puissant, le roi de Sumer et
23'2 LE ROYAUME DE SUMER ET D’a KKAD

LISTK ROYALE
D y n a s t i e d ’A k k a d . P a t é s is d e L a g a s .

. Sargon (Sarrukîn), vers 277rî


. Urumus
, Manistusu................................... Engilsa, père d Urukagina II
Sarganisarri I ? \ ( Lugalusumgal, Ur-c
Narâmsin j I Urbnbbar, bugalbur
Sarganisarri II jusqu'à env. 201S Basamaina, Ugme, Urmama
llidinnam ] l Kaazag, Galuban
Imi-ilum ( 3 { G.ilugulu, ürninsun
Aanum-sarrum ( I Urban
Iluluqar ) ’ Urgar et Nammahni
Dudu prononciation J 2 1 ans
Suqarkib,son lils i inconnue ( 13 ans
Total : 12 rois, 197 ans.
►Gudéa, depuis env. 2G00
D e u x iè m e d y n a s t ie d ’U r u k (vers 2375)
Urnigin, 3 ans
Urginar, son fils, (» ans
Kudda, G ans
Urningirsu, son lils
Basaili, 5 ans
Ur-utu, G ans
Total : 3 rois, 2G ans

D y n a s t ie d e s G u t i (environ 2330-2300)
Sont connus :
Lasirab
Basiûm
Enridupizir
(Saratigubisin ?)

Tiriqân

T r o is iè m e d y n a s t ie d ’ ü r u k
(environ 2300-24G9)
Utuhegal
LA DYNASTIE d ’u R — ^ 412 233

d’Akkad ». Ainsi la nature du royaume est clairement fixée :


les Sumériens sont les seigneurs, le point central est dans leur
territoire; mais en môme temps, ce qui n’était pas le cas sous
la dynastie d’üruk, on a égard aussi au pays d’Akkad, le siège
royal de Sarrukîn et Naràm-Sin, quoi()u’il soit relégué aussi à
la seconde place. Les deux peuples sont confondus en un
royaume, dans lequel les Sumériens, Tancien peuple civilisé,
a le premier rang. La langue olïiciellc est par conséquent le
sumérien; dans quelques territoires seulement, où la popula­
tion était exclusivement sémitique, ou prédominait, les rois
emploient aussi l’akkadien, ainsi Dungi à Iviitlia. Nous ne pos­
sédons pas de dates fixes du règne d’Urengur, de sorte que
nous' ne pouvons pas saisir le développement progressif de sa
puissance. Les restes de ses constructions à Ur, Uruk, Lar.sa,
Lagas, Nippur, assurent qu’il a régné sur tout Sinéar. Une
date mentionne « l’année où le roi Urengur dirigea sa route du
pays bas au pays élevé ». Son fils Dungi qui lui succéda eut un
long règne de 58 ans (2451-2394).

Winckler, Lehmann, Hilprecht et surtout Thureau-Dangin, ont


mis de l’ordre dans cette période du royaume de Sumer et
d’Akkad, où régnait autrefois la plus grande confusion (Thureau-
Dangin, d'abord dans ftev. d'Assyr., V, 71 et ZA, XV, son compte­
rendu de Radau, Eavly Babyl. History, où malgré de nouveaux
matériaux importants la confusion et la multiplication des rois sont
poussées le plus loin). Les dates des documents ont apporté une
base solide à la discussion : voir Thureau-Dangin, Sumev. u. Akkad.
Koenigsinschr., p. 186 et suiv. ; 228 et suiv. [La réunion de ces
textes dans la Keilinschriftliche Blbliothek^ III, 1, est dépassée par
ce nouveau travail]. Maintenant ces résultats sont entièrement
confirmés et considérablement élargis par la liste cunéiforme des
dynastes d’tJr et d’Isin, trouvée à Nippur, qu’a publié Hilprecht,
Babyl. Exped.y XX, 1, 190G, p. 39 et suiv. (Cf. § 329). — Le nom, lu
aujourd’hui Urengur, était lu autrefois Urham, ürbau, Urea, Urgur,
etc. Nous ne possédons que quelques dates de son règne qui
dura 18 ans, par contre nous avons une liste de 41 noms d’années
23-4 LE ROYAUME DE SUMER ET D AKKAD

qui se suivent pour Dungi, complétée par d’autres documents; de


sorte que nous conservons aujourd’hui, de la 13*' année de Dungi
( = an 1 chez Thureau-Dangin) jusqu’à la 2® année d’Ibi-Sin, la liste
complète des noms d’années (Hilprecht, fiab. Exped., I, J23 rappor­
tait faussement à Ibi-Sin, la liste des années de Dungi), cf. Thureau-
Dangin, SA Kl, p. 289 et suiv. L’auteur ne croit pas nécessaire d’ad­
mettre comme Thureau-Dangin, Hev. d'Assyr., VII, 184, que la
donnée de la liste d'Ililprecht sur la durée du règne de Dungi soit
fausse et que ce roi n’ait régné qu'environ 30 ans. La seule variante
est que d’après cette liste Gimil-Sin n’a régné que 7 ans et non 9 ;
cf. § 413 note. Autres travaux sur ces listes : Myhrman, Doc. of the
second. Dyn. of Ur, liab. Exp., III, 1 , 1910. Kugler, Sfernkunde
U. Sierndienst, II, 1, 1909, p. 130 et suiv. ; on ne peut guère soute­
nir avec cet auteur que les dates « année où un tel devint roi »
ne désignaient pas l’année d’avénement mais la nouvelle année
complète du nouveau roi. — Les Tempelurkunden ans lello,
publiés par Reisner (§ 40G note) appartiennent à l’époque de Dungi,
Pur-Sin et Gimil-Sin. Puis les tablettes publiées par Radau (ouvrage
cité) de la collection E. Hoffmann et la trouvaille des tablettes de
Drehem près de Nippur sur des livraisons de bétail, cf. Thureau-
Dangin, Rev. d'Assijr., VII, 186 ; de grandes collections de ces
tablettes ont été publiées par Genouillac surtout et maintenant par
L. Legrain, Le temps des rois d'Ur, 1912, qui emploie toutes les
données des textes pour montrer l’organisation et les conditions
agricoles et sociales du royaume. Enfin de nombreuses tablettes de
Djoha (Umma) : Thureau-Dangin, Rev. d'Assyr., VIII, p. 153 et suiv.
— [Le travail de Janneau, Une dynastie chaldéenne : les rois d’Ur,
1911, est sans valeur et plein d’erreurs].

413. Urcngur et Dungi se complètent de la même manière


que Sàrrukîn et Narâm-Sin. Tous deux ont déployé une vaste
activité de constructeurs dans toutes les villes de Sinéar, car
la restauration des sanctuaires et des canaux, qui s’effondraient
toujours rapidement, est comme le devoir sacré le plus impor­
tant d’un seigneur puissant, comme aussi sa plus forte mani­
festation et cela surtout pour une nouvelle dynastie. A Nippur
tous deux remplacèrent la tour à étages des rois d’Akkad, qui
LA DYNASTIE D’UR — § 413

s’était écroulée, par une nouvelle construction placée plus


haut; ils construisirent des temples pour les dieux locaux, à
Uruk pour Nanai, à Larsa pour le dieux-soleil, IJrengur à
Opis pour Ninharsag, Dungi à Lagas pourNingirsu et Ninâ, à
Kutha pour Nergal, à Adab (Bismaya), à Kaçallu, à .Dêr,
ainsi que pour Ninib (à Nippur ?). La part du lion revient à la
ville royale Ur, dont le dieu-lune Sin est maintenant le dieu
propre du royaume. Il est parfois représenté avec la barbe et la
chevelure sémitique, mais ordinairement avec le turban et le
manteau sumérien (§ 406), comme les rois, et se confond par
exemple à Lagas avec son dieu local Ningirsu. Gomme Ellil à
Nippur, Sin à Ur a un temple montagne (ziqqurrat) de briques,
commencé par Unengur et terminé par Dungi ; ce genre de
construction fut dès lors peu à peu introduit généralement
dans tous les cultes (cf. § 408). Les noms officiels d’années
sont fréquemment empruntés aux constructions de temples et
à l’introduction des dieux dans leurs sanctuaires, comme à la*
transmission d’offices sacerdocaux sur les enfants du roi : la
prédominance des idées et des préoccupations religieuses dans
la civilisation sumérienne réapparaît ici avec force. Il est
significatif que l’épitome de la chronique babylonienne raconte
que Dungi a pris le plus grand soin d’Eridu, la ville d’Ea, au
bord de la mer. Cette notice se trouve aussi dans ses dates
et celles de son successeur Pur-Sin ; par contre Dungi pilla
les trésors de Babylone, c’est pourquoi le Bêl de Babylone
l’éprouva. Quelque sommaire que soit cette relation (cf. § 397
note), il est certain que les villes d’Akkad eurent beaucoup à
souffrir sous les souverains sumériens.
Urengur dédia aussi au dieu-lune d’Ur un canal qui passait
devant Lagas ; il reconstruisit encore les murailles d’Ur. Les
anciens princes de villes, les patésis, sont de nouveau abaissés
au rang de fonctionnaires, institués ou déposés par les rois. Un
document montre que quelques-uns d’entre eux avaient à rem­
plir des fonctions, probablement rituelles, fixes et changeant
chaque mois, ainsi ceux de Girsu-Lagas, Umma, Babylone,
2a 6 LE ROYAUME DE SUMER ET D AKKAD

Marad, Adab, Ur, Sukiirru, Kaçallu, et les patésis cliarge's du


culte royal. D’autres lieux sont sous des commandants (sakka-
nakku), surtout sans doute dans les territoires conquis.

Nous connaissons les constructions surtout par les inscriptions


sur briques et les noms d’années. Dungi à Bismaya : Amer. Jour, o f
Semil. Lang., XX, p. 2C1. Ur : Nabii-na’id, Ht, 08, 1 {K/J, 111, 2,
p. Di ; bangdon, Neuhab. h'oenigsinschr., p. 250). L'opinion était
fausse, qui lirait de l’inscription de Nabii-na’id I H 69, 2, 4-9 {K/i
lll, 2, 82, cf. 88 et suiv. ; Langdon, ibidem, p. 244, cf. p. 238) une
date pour l’époque d’Urengur : Winckler, (Inters, r. Gesch. d. ait.
Or., 19, 2. Lehmann, Hnuptproblème, .50. — Représentations de
Sin de celte époque, soit en manteau sumérien, soit avec le châle
sémitique, mais presque toujours avec le turban sumérien, Meyer,
Sum. U. Sem., p. 04 et suiv. — Donnée de la chronique : King, II,
p. 11 ; Dungi est le-seul roi de la dynastie qu’elle mentionne. —
Liste de patésis en relation avec les noms de mois ; Radau, Larbi
liabgl. Ilist., p. 281 et suiv., 299 et suiv.; cf. Thureau-Dangin, Z A ,
XV, p. 409 et suiv. sur les combinaisons des mois et de la longueur
des années, faites par cet auteur. Le premier et le sixième mois
n’ont pas de patési. Les patésis connus par les inscriptions qui
appartiennent à l’époque du royaume de Sumer et d’Akkad sont ;
Patésis de Lagas, Thureau-Dangin, S A K I, p. 148; p. 228 et suiv.
sous Gimil-Sin le patési Arad-Nannar de Lagas est en même temps
commandant ou patési de nombreux autres lieux ou populations,
Thureau-Dangin, S A K I, p. 148 ; — l.lashamer de Iskun-Sin (lieu
inconnu) : sceau dans Thureau-Dangin, SAfC/, p. 188 n, sous
Urengur ; — les patésis de Nippur sous Dungi, Thureau-Dangin,
ibidem., p. 196 a’, et du lieu Dingir-babbar (-samas ?), n° d’ ; —
d’ür sous Gimil-Sin, Thureau-Dangin, ibidem., p , 2 0 0 c; — Itur-
Samas, fils d’Idin-ilu de Kisurra (brique de Abu-hatab, cf. § 385
note, inscription sémitique), Thureau-Dangin, S A K I, p. 152, Mitth,
DOG, 15, 13, sans doute de la même époque que la brique de Pur-
Sin d’Abu-hatab, idem, 17, 15; — les inscriptions sur briques et les
sceaux de 4 patésis de Tuplias [lu autrefois Umlias, écrit Asnunnak
§ 416; d’après Scheil, Recueil de Trav., 19, 55, ce lieu est près de
Nippur, mais probablement à l’Est du Tigre, près de la frontière
élamile, cf. Jensen, Z A, XV, p. 219 et suiv.] : Thureau-Dangin, SAKI,
LA DYNASTIE D’ ü R — 414

p . 174 [n “ 1 = B e r lin V A s ’a p p e l l e , d 'n p r è s une c o m m u n ic a ­


t io n d ’ü n g n a d , U r n i n g i s z i d a , c o m m e l e n® 2 ] . R adau, E IW , p . 433
e t s u i v . H pA. en Perse, VI [Textes f:lam. sém., III) p 1 2 e t s u i v . e t la
sta tu e em m enée par le s B la m ite s p l. 3. — P a lé s is de B a b y lo n e ,
S ip p a r , K is , K u L lia , M arad, A d a b , N ip p u r , Suruppak, A sn u n n ak
(= T u p iia s ], K a s a lla e tc . d a n s le s te x te s de D réh em : T liu r e a u -
D a n g i n , Iteo. d'Assyr., V i l , p . 1 8 0 ; I X , p 1 2 1 ; G e n o n i l l a c , Tablettes
de Dréhem, 1 9 1 1 . L e g r a i n , Temps des rois d'Ur, p . 8 e t s u i v . L e s
p r é t e n d u s p a t é s i s d ’K r id u ( S m i t h , Tr. SB A , I, 3 2 ) , s o n t d e s s o u v e ­
r a i n s d e S u s e ; T h u r e a u - D a n g i n , 5 /1 A V , p . 1 7 0 , n “ 1 a ; p . 1 8 2 , n® 4 a .
— L a to u r n u r e d e p h r a s e q u 'e m p lo ie U r e n g u r d a n s u n e in s c r ip tio n
d e T e llo c a r a c té r is e la p o s itio n a c tu e lle des p a té s is , T h u reau -
D a n g in , SA K I, p . 1 8 8 i : « q u i m a r c h e (?) a v e c S i n , r o i o u p a t é s i o u
hom m e qui [p o r te u n nom ( a in s i d a n s le C od e d e H a m m u r a b i, 2 0 ,
40 et s u iv . o ù c e tte e x p r e s s io n est rép étée)], q u ’il r é ta b lis s e le
t e m p l e d e S in )>.

414, Nous ne savons rien des guerres d’ürengnr; par contre


les noms d’annc'es de Dungi dans la deuxième moitié de son
règne, dès la 34® année (2418). mentionnent souvent des cam­
pagnes militaires, de môme chez ses successeurs. Les années
précédentes sont pour la plupart nommées d'après des événe­
ments paisibles, religieux. Donc on peut supposer qu’il a
d'abord bâti à l'intérieur de son royaume, puis ensuite
seulement fait des conquêtes dans les pays qui l'environnaienl.
Ces noms d’années et les quelques autres dates conservées par
liasar<l ne sutfisent en aucune manière à obtenir un tableau
d'ensemble qui ait en partie tout au moins quelque exactitude.
Nous pouvons encore moins dire combien l’ancienne position
dominante du royaume d’Akkad s’est maintenue dans les
années qui suivent. 11 était urgent avant toute chose d’amener
les tribus montagnardes de l’Orient à respecter de nouveau la
puissance du pays civilisé ; Dungi partit neuf fois en expé­
dition contre Simuru et Lulubu ; les Gûti par contre ne sont
jamais nommés à cette époque. L’Elam aussi fait de nouveau
parlie du royaume (cf. 416) comme sous les rois d’Akkad ; le
238 LE ROYAUME DE SLMER ET D AKKAD

patési d’Ansan est cit^ à côté de ceux des villes de Sinéar ;


une année est nommée d’après le mariage de la fille de Dungi
avec ce patési. Mais 4 ans après, Dungi a ravagé Anêan ; en
dehors de ce fait d’armes, les combats ont du être nombreux
comme à Tépoque de Gudéa (§ 410), Dungi et ses successeurs
ont construit des temples <à Suse. Les rois de Sumer et d’Akkad
ont également élevé des prétentions sur la domination de la
Mésopotamie (Siibartu), sur les contrées le long du Tigre, les
principautés Haréi ou Ilurâitu sur l’Adôm gouvernées par des
patési, la ville voisine Maqda avec ses sources de naphte.
Kimas et d’autres, ou ont repris ces pays. Mais la puissance
du royaume s’est probablement étendue beaucoup plus loin
encore : non seulement le pays qui a constitué plus tard l’As­
syrie et le territoire des sources du Tigre lui ont été soumis,
mais, si nous pouvons invoquer un témoignage, encore isolé il
est vrai, ils s’emparèrent de l’Asie-Mineure orientale (§ 433).
De môme on ne peut guère douter que la domination sur les
Amorrites ait été rétablie, bien qu’une documentation très in­
suffisante ne nous permette pas de l’afTirmcr. Cependant la pro­
fonde influence de Sinéar ne s’explique que de cette manière,
comme aussi le Ilot ininterrompu de la population sémitique
et spécialement amorrite qui pénètre avec ses dieux dans les
villes sumériennes. Il est bien possible que l'armée des rois ait
déjà été en grande partie recrutée dans ces tribus, de môme
que les pharaons se sont adressés de tout temps à la Nubie et
plus tard aussi à la Libye et à l'Asie. Si nos calculs chrono­
logiques sont exacts, la dynastie d’Ür est contemporaine de
la VIII® dynastie cgytienne et de la profonde décomposition
de l’Ancien Empire ; par suite les deux puissances n’ont guère
pu se heurter.
Donc, pour autant que nous puissions le savoir, le royaume
de Sumer et d’Akkad tout au moins sous ses premiers rois est
devenu un royaume, qui embrassait de vastes territoires de
l’Asie Antérieure, du golfe Persique à la mer Méditerranée et
à l’Asie Mineure orientale, et qui ne fut guère inférieur au
LA DYNASTIK d ' u R — i; 4 1 4

royaume d’Akkad. Dungi se rattache d’ailleurs à ce dernier :


car, de bonne heure, il fait précéder son nom du signe divin
comme Narâm-Sin, ce qui ne fut jamais le cas pour Urengur.
Depuis le milieu de son règne environ il a renoncé au titre de
roi de Sumer et d’Akkad et s’appelle dès lors « le héros fort,
roi d’Ur, roi des 4 régions ». Gomme les rois d’Akkad donc,
il prétend aussi bien à la souveraineté universelle qu’aux hon­
neurs divins. Il a constitué un prêtre de sa royauté avec le
titre de patési, s'est construit un temple et a donné au septième
mois le nom de la fêle qui était célébrée en son honneur, en
tant que dieu.

L es te r r ito ir e s c o n q u is , m e n tio n n é s par le s lis te s d e d a te s de


Ü ungi et de ses su ccesseu rs s o n t l e s s u i v a n t s d ’a p r è s la lis te d e
T h u r e a u - D a n g in , S A K I, p . 2 2 9 e t s u i v . e t n o t e s ( s e s c h i f f r e s d ’a n n é e s ,
con servés par l ’a u t e u r , d o iv e n t to u jo u rs êtr e é le v é s de 12 pour
D u n g i) : A n s a n , D u n g i , a n 2 8 e t 3 2 . P a t é s i s d e so n époque venant
d ’É la m ( c f . § 4 1 6 ) : d e S u s e , A n s a n , A d a m d u m s u r le s ta b le tte s de
Heo. d'Assyr., V , p . 7 6 ; p u i s S c h e i l , Dél. en
T e llo , T h u r e a u - D a n g in ,
Perse, V [Textes élam. anzan., II ), p . i x , 1 ( = T h u r e a u - D a n g i n , p . 1 7 7 ,
n o te 3 , 3 ) e t le s t a b le t t e s d e D r é h e m , § 4 1 2 n o te . — G a n h a r (K a r h a r ? ),
D u n g i, a n 2 2 e t 2 9 , c f . 4 3 n o t e ; s o u s G i m i l - S î n le p a t é s i d e L a g a s
e s t e n m ê m e te m p s p a t é s i d e G a n h a r , e n t r e a u t r e s T h u r e a u -D a n g in ,
S A K I, p . 1 5 0 ; u n s c e a u d ’u n r o i K is ê r i ( S é m i t e ? ) , T h u r e a u - D a n g i n ,
ibidem, p . 1 7 4 , c f. 4 3 3 . — S im u n i e t L u l u b u , D u n g i a n 2 3 , 2 4 , 3 0 ,
42, 43, P u r -S in 2, I b i-S in p. 236 n. (T h u r e a u -D a n g in , ibidem).
— f f a r s i, D u n g i a n 2 5 ; e n 4 6 a l l i é à K im a s e t H u m u r t i (to u s d eu x
a u s s i a n 4 4 ). S c e a u de l . lu n in i, p a t é s i d e K i m a s e t c o m m a n d a n t d e
M a d q a , T h u r e a u -D a n g in , ibidem, p. 176. T ou s d eu x a u ssi d a n s G udéa
c o m m e c o n t r é e s m o n t a g n e u s e s , K im a s a v e c d u c u iv r e , M adqa, su r
u n f l e u v e , a v e c d e l ’a s p h a l t e ( S t a t u e B , 6 , 2 1 çt s u iv .; 51 e t s u iv .;
C y l. A , 1 6 , 9 , 1 5 ) ; d o n c a u s s i p r o b a b l e m e n t l e s s o u r c e s d e n a p h te
de T iiz H u r m a tly s u r le s a fflu e n ts o r ie n ta u x de T ’A d ê m ou au ssi
c e l l e s s i t u é e s p l u s à l ’O u e s t p r è s d e K e r k û k ( c f . S t r a b o n , X V I , 1 , 4 ;
C u r t ., V , 1 , 1 6 . H e r z f e ld , Unters. ueber d. Topogr. d. Landschafl am
Tigris, dans Memnon, I, 1 9 0 7 , p . 1 2 9 ). H a rsi e s t s a n s d o u te id e n tiq u e
à H u r s i t u s u r P ’A d ê m ; c f . § 4 3 3 . — S a s r u , D u n g i a n 4 0 . — U r b i l l u ,
2 iU LE ROYALME DE SUMER ET D AKKAD

D ungi a n 4 3 ; T u r - S in an cf. 464 n o ie . — I ju lm n u r i, P u r -S in


a n 7 . — S i r n a n u : G i m i l - S i n , a n 7 , c f . T h u r e a u - D a n ^ i n , p . 23.7 m o ù
l e p a l é s i é p o u s e u n e f ille d u r o i . — L a p i e r r e a v e c u n e in s c r ip lio n
s é i n i f i q u e d e D u n g i s u r l e t e m p l e d e N e r g a l à K u llia a é t é t r o u v é e à
N in iv e , m a is fu t p r o b a b le m e n t e m m e n é e p a r l e s A s s y r ie n s ( ? ) , S c b r a -
d er, ZDMH, X X I X , p . 3 7 . A m i a u d , Z A , 111, p . 9 4 . T b i i r e a u - D a n g i n ,
SA A l, J). 1 9 0 g . — L e t e m p l e d e D u n g i e s t m e n t i o n n é d a n s u n
d o c u m e n t s u r d e s l i v r a i s o n s d a n s U a d a u , lutrin P- î
l ’i n t r o n i s a t i o n d e s o n p r ê t r e d a n s u n e d a t e , ib'id., p. 4 2 0 = T b u r e a u -
D a n g i n , SA K l, p . 2 3 5 b ; s o n p a t é s i d a n s l a l i s t e d e i n o i s § 4 1 3 n o t e .
S u r l a d i v i n i s a t i o n d e s r o i s , T h u r e a u - D a n g i n , llecueil des Trav.,
X IX , p . 18 5 e t s u iv .; d e p u is , le s m a té r ia u x se s o n t c o n s id é r a b le m e n t
accru s.

415. Trois autres rois succédèrent régulièrement à Dungi :


Pur-Sin (9 ans, 2393-238.5), Gimil-Sin (7 ans, 2384-2378) et Ibi-
Sin (25 ans, 2377-2353). Ils portent tous trois des noms sémi­
tiques, composés avec le nom du dieu Sin, preuve manifeste de
la vitalité de l’influence sémitique. Ils portent toujours, comme
Dungi à la fin de son règne, le litre de « héros puissant, roi d’Ur,
roi des 4 régions du monde » et ils écrivent leur nom avec le
signe divin. Pur-Sin se glorifie, comme les anciens rois du pays,
de ce que « son nom a été prononcé par Gllil », c’est-à-dire
que ce dieu l’a élevé par son oracle à la dignité de roi et il
adresse ses prières à Ninib, le fils guerrier d’Ellil, dont le culte
à Nippur tend de plus en plus à prendre la première place
(§ 396) : que le dieu lui accorde un règne aussi long qu’à Dungi.
Mais en môme temps il se nomme, à Ur, le fils chéri de Sin
et le dieu-soleil de son pays; de môme Gimil-Sin s’appelle
chéri d’Anunit. Le palési d’Ur et celui de Lagas constiuisent
à Gimil-Sin un temple et ses statues sont l’objet d’un culte dans
les temples de Ningirsu et de Bau à Lagas. Pur-Sin a construit
des temples à Ur, Eridu, Nippur, Kisura (Abu Ilatab), et Gimil-
Sin à Ur et Suse. Les dates de scs années mentionnent en outre
la construction du « mur des Amorrites », donc d’un bastion
qui devait barrer aux tribus bédouines de l’Ouest l’accès en
LES ÉLAMITES ET LES DYNASTIES D ISIN ET DE LARSA — § 4 iG 241

Sinéar; une inscription sur pierre met en corrélation avec ce


fait la résistance des Arnorrites. Gela nous conduit à un ébran­
lement de la puissance du royaume ; il peut cependant avoir
fait aussi des guerres heureuses. Mais il ne nous est guère
possible d’avoir une idée claire de l’histoire de ces souverains,
bien que les documents de celte époque soient très nombreux,
qui relatent des livraisons à la cour et aux temples, notam­
ment une grande ferme avec abattoir (cf. maintenant Drehem,
§ 412 note) appartenant au temple de Nippur. On a aussi d’au­
tres textes sur toutes sortes de transactions. La chute de cette
dynastie fut provoquée par l’élévation de l’Elam.

L a l i s t e r o y a l e d e N i p p u r (§ 4 1 2 n o t e ) d o n n e p o u r G i m i l - S i n 7 a n s ,
t a n d i s q u e 9 n o m s d ’a n n é e s n o u s s o n t c o n s e r v é s p a r l e s d o c u m e n t s
(T h u r e a u -D a n g in , S A K I, p .2 3 4 ) . Il fa u t p e u t-ê tr e c o m b in e r q u e lq u e s -
u n e s d ’e n t r e e l l e s ; m a i s il e s t a u s s i p o s s i b l e n a t u r e l l e m e n t q u e la
lis te r o y a le c o n tie n n e u n e e r r e u r . N o u s d e v r io n s a lo r s é le v e r to u te s
l e s d a t e s p r é c é d e n t e s d e 2 a n s (c f . M y h r m a n n , Babyl. E xped., III, 1,
p . 3 0 e t s u i v . ) . — P r i è r e s d e P u r - S i n e t d e G i m il- S in à N in ib : R a d a u ,
Babyl. E xped., p . x x i x , 1 , p . 4 4 e t s u iv , — I n s c r ip t io n d e G im il-S in :
Cnn. Texts, X X X I I , 6 . D a n s des v a r ia n te s d e la d a te , le m u r d e s
A r n o r r it e s e s t d é s ig n é c o m m e « m u r d u d ie u A m u r r u » e t m is e n
r e l a t i o n a v e c T i d n u m , c ’e s t - à - d i r e le m o n t a m o r r i t e T i d a n u m (§ 4 0 2 a
n o te ) : J a n n e a n , Dynastie Chaldéenne, p; 50. Z A, X X V , p. 207.

Les Élamites et les dynasties d'Isin et de Larsa.


Désorganisation du royaume.

416. Sous les rois d’Akkad comme de nouveau sous Dungi


et ses successeurs, l’Elam était une province du royaume de
Sinéar. Mais entre temps, à l’époque de la décadence de ce
royaume, il dut avoir reconquis son indépendance. Un dynaste
doit appartenir à celte époque, qui écrit son nom Basa(?)-âu-
ëinak et porte ordinairement le titre de « Patési de Suse et
LE ROYAUME DE SUMEH ET 1) AKKAD

gouverneur d’Élam ». Son nom est dérivé de Suèinak, nom du


dieu local de Suse ; mais son père porle un nom sémitique,
Simbi (?)-Ishuq ; donc il a pu être un fonctionnaire installé par
les rois d’Akkad, et devenu dans la suite indépendant. Nous
possédons de Basa-Susinak quelques rudes sculptures, qui se
rattachent tout à fait aux prototypes babyloniens, et un assez
grand nombre d’inscriptions, qui mentionnent des construc­
tions de temples ou des ex-voto, l’érection de statues ou la
construction d’un canal. Elles sont écrites en partie dans la
langue indigène de l’Elam {§ 392), qui est aussi employée dans
de nombreuses tablettes de comptabilité, à peu près de la
même époque; mais on emploie aussi la langue et l’écriture
du royaume sémitique d’Akkad. Ses successeurs continuèrent
cet usage, tandis qu’ils n’employèrent jamais ni l’écriture indi­
gène, qui doit avoir bientôt disparu, ni la langue indigène en
cunéiformes comme Naràm-Sin l’écrivit (§ 402 a). Tous les
comptes privés des siècles suivants sont écrits en sémitique,
preuve de la force avec laquelle l'élément sémitique a pénétré
la population de l'Elam. La réaction n’apparaît qu’au milieu
du deuxième millénaire, et le résultat est de rendre à la langue
indigène la première place.
Sur deux stèles Basa-éusinak ne se nomme pas patési, mais
« roi puissant de Zavvan » ; elles sont datées de l’année « où
Susinak le regarda et lui donna les 4 régions du monde ». Donc
il semble qu’il gagna le territoire frontière de Zawan dans ses
luttes contre les rois d’Akkad ou d’Uruk, prit dès lors le titre de
roi et émit môme des prétentions à la domination universelle.
Ce succès n’eut pas de durée; ses successeurs, qui ne nous
sont connus qu’en partie, se nomment de nouveau simplement
patésis de Suse. Ils appartiennent à une famille qui remonte à
Hutrantepti. Du plus ancien d’entre eux, Idadu I, nous possé­
dons un bassin de calcaire voué au dieu local; l’inscription
nous apprend qu’il entoura Suse d’un nouveau mur et l’embelliL
de constructions. Son fils Danruburatir épousa la fille d’un
patési de Tuplias (Asnunnak) dans le territoire frontière entre
LES ÉLAMITES ET LES DYNASTIES d ’ISIN ET DE LARSA — § 416 243

Sinéar et r É l a m (cf. § 4 1 3 note) ; ce dernier a probablement


cherché un appui à Siise, car son suzerain légitime ne pouvait
plus le protéger. Idadu JI, fils de Danruburalir, a reconstruit
les murs de la ville. Puis cette dynastie s'éleint. Il est probable
que cette éclipse coïncide avec l’établissement du royaume
de Sumer et d’Akkad et les entreprises énergiques de Dungi :
il aura mis de côté l’ancienne famille royale, institué des pâté-
sis d’après son propre choix et divisé aussi le territoire élamite
en plusieurs principautés. Les tablettes de Tello nous font con­
naître quelques patésis de Suse, d’Ansan et d’Adamdum (c.*à-
d. peut-être le nom indigène Hatamti, § 363), qui appartiennent
à cette époque. Nous avons déjà mentionné les constructions
de Dungi et de ses successeurs dans les temples susiens ; elles
ont livré des documents privés sémitiques, provenant de Suse,
qui sont datés d'après les années de Pur-Sin. C’est peut-être
alors que la nouvelle dynastie s’établit, dont les fondateurs sont
Ebarti et son fils Silhaha. Ils ont été d’abord vassaux des rois
d’Ur; nous rencontrerons plus loin leur descendants.
L e s i n s c r i p t i o n s d e B a s a - S u s i n a k (lu K a r i b u - s a - s u s i n a k p a r S c l i e i l )
o n t é t é p u b l i é e s p a r S c h e i l d a n s l e s « M é m o ir e s d e la D é l é g a t i o n e n
P erse»; le s in s c r ip tio n s s é m itiq u e s a u s s i d a n s T h u r e a u -D a n g in ,
Kwnîgsinschr., p . 1 7 6 e t s u iv ., a u x q u e lle s il fa u t a jo u te r le s d e u x
s t è l e s , Del, en Perse, X {Textes élam. sém., IV ), p . 0 e t s u iv . S u r le s
i n s c r i p t i o n s e n l a n g u e i n d i g è n e e t le d é c h if if r e m e n t d e F r a n c k , v o ir
3 9 2 . L e s s c u l p t u r e s , Délég. en Perse, II, 6 3 ; V I, p l . 21; Hev.
d'Assyr., V I I , p l . 2 , p r o u v e n t , c o m m e la m e n tio n des klbràiim
arùairn s u r la s t è l e Délég., X , p . 9 , q u e c e p r in c e e s t p lu s j e u n e q u e
N a r â m - S i n ; il n ’e s t j a m a i s m e n t i o n n é d a n s l e s te x te s p o s té r ie u r s .
L e p a t é s i d o n t n o u s p o s s é d o n s u n p e t i t f r a g m e n t d ’in s c r i p t i o n s u r
v a s e , lu i e s t p e u t - ê t r e a n t é r i e u r , Délég., V I, 1. — L ’o r d r e fixé p o u r
le s s o u v e r a in s s u iv a n ts r e p o s e s u r le s in s c r ip tio n s d e S ilh a k -S u s in a k
(v e r s 1 1 5 0 ); e lle s m e n tio n n e n t le s s o u v e r a in s a r c h a ïq u e s le s p lu s
im p o r ta n ts : Délég. en Perse, V {'Textes élam. anzan., II), p . 2 0 et
s u iv . e t XI [ibîd., I V ) , p . 6 4 et s u i v . ( le tex te p . 6 3 , n* 9 3 , r é p é t é
V I , p . 2 9 e t d a n s le t a b l e a u X , p . 1 5 , e s t r a c c o u r c i à l a fin e t t r a n s ­
p o s e le s n o m s) ; p u is so n r e n o u v e lle m e n t d e s c o n s tr u c tio n s d e so u -
LE ROYAUME DE SUMER ET D AKKAD

v e r a in s p lu s a n c ie n s , n o m m é s d a n s le s in s c r ip t io n s m o n u m e n ta le s ,
Délég.y I II [Elam. anz., I), p . 5 3 e t s u iv . L a c o m b in a is o n d e S c h e il,
X f , p . 6G e t s u i v . , r e p o s e s u r c e s m a t é r i a u x ; l e s t a b l e a u x a n t é r i e u r s
( V , p . VII e t s u i v . e n t r e a u t r e s ) s o n t d o n c d é p a s s é s . L e s lis te s ne
s o n t p a s c o m p l è t e s ; T e x p r e s s i o n 7*a/<.va A* s i g n i f i e c e s e m b le u n iq u e ­
m e n t « d e s c e n d a n t » , t a n d i s q u e l à o ù le t e x t e n e d o n n e q u e sak (o u
$ak hanik « f ils c h é r i » ) , n o u s d e v o n s c o n s i d é r e r c e l u i q u e c e t t e é p i ­
th è te c o n c e r n e r é e lle m e n t c o m m e le fils d u p r é c é d e n t . S o n t n o m m é s
c o m m e a p p a r te n a n t à la m a is o n de H u tr a n te p li : s o n d escen d an t
I d a d d u , p e u t - ê t r e id e n t iq u e à I d a d u - S u s in a k , p a té s i d e S u s e , g o u v e r ­
n e u r d u P a y s d 'E la m , fils d e B ê b i ( T h u r e a u -D a n g in , SA K E P- 1 8 0 );
so n fils D a n (o u K a l)-R u l)u r a lir (in s c r ip t io n d a n s T h u r e a u - D a n g in ,
iùid.), et son f ils K i n d a d d u , p e u t - ê t r e i d e n t i q u e à I d a d u , T h u r e a u -
D a n g in , iùid., p. 182 et Délég., X , p . 1 3 , o u s o n fr è r e . S u r la d y n a s t ie
d ’E b a r t i e t S i l b a b » , c f . § 4 3 2 e t s u i v . Il f a u t p l a c e r e n tr e le s d e u x
d y n a s tie s le s p a té s is d e l ’é p o q u e d e D u n g i : T h u r e a u - D a n g i n , Eev
d'Assyr., V, p. 76 ( = T h u r e a u -D a n g in , Kœnigs'inschr., p . 177 n o te
n® 3 ) , c f . § 4 1 4 n o t e . D o c u m e n ts d a té s d ’a p r è s P u r - S i n , a n 4 e t 3 :
Délég. en Perse, X [Elnm. sémil., I V ) , 7 3 e t s u i v . , n<> 1 2 6 , 1 2 3 ; là a u s s i
n® 1 2 4 u n a u t r e t e x t e d e « l ’a n n é e o ù l e t e m p l e d e N a n a i a à L a r s a f u t
c o n s t r u i t » , s a n s d o u t e d e l ’é p o q u e d e s d y n a s t i e s d e L a r s a .

416 a. Nous sommes encore bien loin de pouvoir coordonner


les renseignements particuliers en un tableau historique pré­
sentant quelque continuité. Mais le renseignement conservé
par hasard qu’lbi-Sin, le dernier roi d’Ur, devint prisonnier des
Elamites (en 2333), nous montre que TP^lam s’était de nouveau
fortifié et pouvait intervenir d’une façon décisive dans l’his­
toire de Sinéar. Tout autre fait échappe à notre connaissance
sinon que de violents mouvements à l’intérieur du royaume —
et cela concorde avec le renseignement précédent — non seule­
ment écartèrent la dynastie, mais amenèrent une nouvelle ville
royale, Isin, à prendre la place d’ür. ïsin doit aussi avoir été
située au sud de Sinéar; le tell qui couvre ses ruines n’a pas
encore été identifié.
Nous n’avons que des renseignements épars sur le nouveau
royaume d’Isin ; bien que le fondateur Isbi-Ura et ses deux
LES ÉLA MITES ET LES DYNASTIES d 'ISIN ET DE LA RSA — § 4 1 6 a 245

successeurs aient régné ensemble 65 ans, nous ne possédons


que quelques mentions de ces souverains. Les monuments des
rois suivants sont aussi peu nombreux, ce qui constrasle avec
les monuments relativement abondants de la dynastie d’Ur.
Cela atteste une complète décadence que confirment les titres
royaux. Les rois d’Isin conservent, il est vrai, le signe divin
devant leurs noms ; mais aucun d'eux ne se nomme plus « roi
des 4 régions » et ils se contentent de nouveau, comme Urengur,
du titre « roi de Sumer et d’Akkad ». A ce titre s'ajoutent tou­
jours d’autres désignations, qui marquent leurs relations étroi­
tes avec les villes et les sanctuaires les plus importants de
Sumer : protecteur, bienfaiteur, seigneur d’Ur, Eridu, Uruk, et
à la première place « le berger pieux de Nippur ». Ils étaient
donc reconnus parEllil; mais ils n’ont pu prétendre, ce semble,
à la domination sur les provinces extérieures. Nous ne savons
pas s’ils ont regagné la suprématie sur l’Elam ; mais d’après une
donnée d’Assur-bâni-apal une nouvelle invasion dévastatrice de
Kutirnabundi suivit en 2280, au cours de laquelle Uruk, entre
autres villes, fut de nouveau saccagée (§ 432). Les Amorrites
aussi et les tribus de Mésopotamie secouèrent la domination
des rois sumériens et entreprirent de nouvelles expéditions en
Sinéar. Donc Sinéar, on peut le supposer, fut éprouvé à diver­
ses reprises de deux côtés à la fois ; il faut peut-être placer à
cette époque le pillage du temple de Nippur et la destruction
des ex-voto des anciens rois, dont les gobelets de pierre et les
coupes sont brisées. La dynastie d’Isin a peut-être elle-même
une origine amorrite : car tandis que les rois écrivent toujours
en sumérien et continuent les traditions de la dynastie d’Ur,
quelques-uns d’entre eux ne portent que des noms sémitiques,
comme déjà les successeurs de Dungi, et les noms du troisième
et du quatrième souverain, formés avec le nom du dieu Dagan
(§ 396), Idin-Dagan et Isme-Dagan, paraissent être spécifique­
ment amorrites. Donc ces rois étaient peut-être d’heureux chefs
de mercenaires amorrites, élevés au rang de seigneurs du
royaume devant les dangers de l'invasion élamite, comme on
LE ROYAUME DE SUMER ET D AKKAD

l’a VU plus tard des Germains dans l'empire romain et des


dynasties turques dans l'Islam. Ces princes n’ont pas changé le
caractère sumérien du royaume, parce qu’il n’ont pas été les
défenseurs d’une nationalité vigoureuse, ni d’une civilisation
mue par ses propres forces comme les Akkadiens de Sarrukîn.

Captivité d'Ibi-Sin : Meissner, OLZ^ X, 1 d’après Boissier,


Divin., II, 04. — Les documents très maigres (Thureau-Dangin,
SA Kl, p. 204 et suiv.) ne confirment pas rétablissement d’une
dynastie; la liste royale de Hilprecht (§412, note) a seule apporté
quelque éclaircissement. — Le premier roi Isbi-Ura (formé avec
Ura, épithète de Nergal à Kutha) se trouve IV R 35, 7, ligne 8 , et
dans un texte de présages, Boissier, Choix de textes relat. à la
divination, 30, 1. 10; le troisième Idin-Dagan dans un texte de
Sippar, Scheil, Recueil de Trav., XVI, p. 187 et suiv. Radau, E R IÏ,
p. 232; le quatrième Isme-Dagan sur des briques d’ür, I R 2, 5, 1
et 2 ; le cinquième Libil-lstar, I R 3, 18 (souvent appelé à tort
Libit-Anunit) sur un clou d'argile d’origine inconnue. Il est très
douteux que la tablette CT, IV, 22 fasse allusion à sa défaite par les
Amorrites (ainsi Ranke, OLZ, X, 112; Meissner, ibid., 114; — cf.
Lindl, id., 387 et suiv.). — Seuls des documents de Nippur de
l’époque des rois postérieurs de la dynastie nous sont connus jus­
qu’à m aintenant: Hilprecht, Rab. Exped., XX, 1, p. 49 et suiv. ;
Z A, XXI, 20 et suiv., et isolément parfois. — Sur le pillage de Nip­
pur, cf. Hilprecht, Rab. E xp., XX, 1 , 54.

417. L’énumération des villes principales du Sud dans la


titulature royale laisse supposer que la dynastie ne gouver­
nait plus tout Sinéar. Nous notons en effet des indices évidents
de la désorganisation du royaume. iSme-Dagan (2289-2270)
eut pour successeur à Isin son fils Libit-lstar (2209-2259).
Mais Enannatum, un autre fils d’Iéme-Dagan, roi de Sumer
et d’Akkad, qui se nomme prêtre de Sin à Ur, a construit
à Sin un temple « pour la vie de Gungunu, le héros fort, roi
d’Ur ». Il se trouve donc sous la suzeraineté de ce roi, et de
même la ville d’Ur, bien que non seulement Isine-Dagan,
mais aussi Libit-lstar, son successeur, se vantent des soins
LES ÉLAMITES ET LES DYNASTIES d ’i SIN ET DE LARSA — § 417 247

qu’ils prodiguent à cette ville. Gungunu a aussi pris le titre


d’un roi de Sumer et d’Akkad ; mais le siège propre de sa puis­
sance était beaucoup plus en amont, à Larsa, située sur un
bras du fleuve. Il construisit les murs de sa ville, qui portent
le nom significatif « le dieu soleil (le dieu local de Larsa) est le
vainqueur des ennemis », allusion évidente aux combats grâce
auxquels il acquit le pouvoir. Plusieurs rois s’enchaînent à lui,
qui se nomment rois (ou bienfaiteurs, etc.) d’Ur et surtout aussi
rois de Larsa.
Le royaume de Larsa s’est forme vers 2270, peut-être en
corrélation avec la nouvelle invasion élamile (§ 432); par ce
fait Sinéar est partagé en deux Etats sumériens. Car Isin aussi
a affirmé son indépendance; Libit-Istar est suivi en 2258 par
une nouvelle dynastie que fonde Amel-Ninib (ou Ur-Ninib). Il
a reconstruit de nouveau le temple de Nippuret son fils Pur-
Sin II (2230-2210) a continué son œuvre. Dans leurs titres tous
deux nomment, en outre, comme les villes auxquelles ils por­
tent intérêt, Ur, Eridu, Uruk et Isin. Leur royaume comprend
donc encore la plus grande partie de Sinéar, tandis que le
royaume de Larsa est essentiellement limité à cette ville et
aux territoires voisins, parmi lesquels peut-être Lagas. A
l’ouest de Larsa, Uruk appartenait au royaume d’Isin, tandis
qu’Ur, et Eridu sans doute, paraissent avoir été l’objet des riva­
lités entre les deux Etats. On pourrait supposer aussi qu’on se
soit partagé pacifiquement la domination sur ce royaume.
Comme ancienne résidence royale du royaume de Sumer et
d’Akkad, Ur et son dieu-lune jouissent encore d'un grand res­
pect; dès lors, le dieu soleil que l’on honore à Larsa devient
un fils de Sin, qui est lui-même de nouveau un fils d’Ellil de
Nippur, le seigneur des pays, qui confère la couronne.

Gungunu et les autres rois de Larsa, Thurean-Dangin, 5AA7,


p. 200 et suiv. On ne peut rétablir la liste complète de la dynastie ;
même dans les détails il y a encore beaucoup de choses douteuses.
De l’époque «le Ni*ir-Adad el de Sinidinam nous possédons de non-
LE ROYAUME DE SUMER ET d ’a KKAD

veau un document daté (plus loin un de Gungunu , de Tell Sifr près


Senkere (Larsa), auquel se joignent directement ceux de l’époque
de Rîm-Sin, Hammurabi et Samsiiiliina : ils ont été publiés par
Strassmaier sous le litre erroné Urkunden von Worka [Abh. lierl.
Orient. Congres,, I) ; cf. Meissner, Beitr. z. althab. Privatrecht, 1 et
suiv. ; LindI, B e iir .z . Assyr., IV, p. 382 et suiv. ; les dates dans
Thureau-Dangin, S A K I, p. 236. — Il faut peut-être rattacher à la
dynastie de Larsa Sumuilu, « roi d'Ur », pour la vie duquel un
prêtre a voué à Lagas l’image d’un chien en stéatite noire : Heuzey
iMonum. Piol, XII, 1903=: Nouv. Fouilles, p. 137 et suiv. e tp l. 3
Thureau-Dangin, S A K I, p. 208. — Amel-Ninib (comme tous ces
rois portent des noms sémitiques, celui-ci ne peut guère s’être
^appelé en sumérien Ur-Ninib) et Pur-Sin II : Thureau-Dangin, S A K I,
p. 209. Le nom de son successeur Iter-Kasa doit se lire Iter-Pisa
d'après Hilprecht, Beluge Storg, p. 38.

418. Pendant ce temps, en 2225, quelques dizaines d’années


après la formation du royaume de Larsa, une dynastie amor-
rite s’était établie au Nord, à fîabylone, qui aussitôt commença
à étendre ses conquêtes. Nous verrons plus loin son histoire
et ses combats avec les états sumériens {§ 436 et suiv.). Les
rois d’Isin ont encore prétendu à la domination sur Nippiir,
l’ancien sanctuaire central; par contre ils ont perdu mainte­
nant Uruk, la ville sainte du Sud, qui devient une fois encore
le siège d’un royaume indépendant. Nous connaissons deux
rois Singasid et Singamil qui se nomment « rois d’Uruk »
et ont construit des temples et un palais dans cette ville; le
premier porte, en outre, le titre de « roi d’Amnanu » qui doit
sans doute avoir été un district voisin; ces souverains ne peu­
vent guère être placés à une autre époque. Une seconde tablette
de pierre loue un fonctionnaire d’Uruk d’avoir reconstruit les
murs de la ville « l'ancienne construction de Gilgameè ».
Donc les héritiers du roi légitime à Isin étaient en très mau­
vaise posture. D’autres troubles dynastiques surviennent. Pur-
Sin II eut ses deux fils pour successeurs ; le plus jeune porte,
semble-t-il, le nom Uraimilti. L’épitome de la chronique
l e s ; é l a m it e s et les d y n a s t ie s d ’i s in et de larsa — § 418 249

babylonienne rapporte la légende que son jardinier Ellilbâni


lui aurait succédé. Ellilbâni succéda, en effet, à Uraimitti après
le court interrègne d’un usurpateur et régna pendant 24 ans
(2197-2174); il reconstruisit encore une fois les murs fortifiés
d’ïsin. Puis viennent trois autres usurpateurs avec de courts
règnes, et une situation plus stable ne paraît revenir qu’avec
Sinmagir (2161-2151).
L’histoire du royaume de Larsa n’a guère été plus heureuse.
Le dernier roi de ce royaume, qui fut probablement Sinidi-
nam, fils de Nûr-Adad, porte de nouveau le titre de « bienfai­
teur d’Ur, roi de Larsa, roi de Sumer et d'Akkad ». Il se vante
d’avoir consolidé le trône de Larsa, battu tous les ennemis, et
rétabli les anciennes ordonnances des Annunaki qui habitent
dans les profondeurs de la terre (cf. § 421). 11 a régularisé à
nouveau le lit du Tigre, construit des temples à Larsa. Comme
son père, à Ür, il a construit une grande forteresse « pour
donner aux habitations de son pays le repos et la sécurité ».
Ces titres de gloire montrent précisément combien sa puissance
était fragile et peu étendue. A cette époque se font sentir jus­
tement de nouveaux grands mouvements, à la suite desquels
Larsa devint le siège d’une dynastie élamite (§ 440 etsuiv.).
Le royaume d’isin a encore prévenu ce danger; mais ses der­
niers rois, Sinmagir (2161-2161), nommé plus haut, et son lils
Damiqilièu (2150-2128), qui a reconstruit encore les murs
d’isin, doivent avoir été d’autant plus faibles qu’à la même
époque le royaume de Babylone étendit de plus en plus ses
conquêtes (§ 439). A Uruk aussi la dynastie indigène semble
avoir prolongé encore son existence. Mais peu après, d’abord
Uruk, puis en 2127 Isin, succombèrent à l’attaque du roi éla­
mite Rîm-Sin de Larsa; trente ans plus tard, en 2093, Hammu-
rabi de Babylone mit fin au royaume de Larsa et réunit de
nouveau sous son pouvoir les pays de Sumer et d’Akkad.

Uraimitti et Ellilbâni (King lit faussement Belibni) : King, Chro-


nicleSy IT, 12 et suiv., 15 et suiy. ; cf. Hilprecht, Z A , XXI, p. 20 et
20Ü LE ROYAUME DE SUMER ET D AKKAD

suiv., qui a prouvé qu'ils étaient rois d’Isin. Poebel explique élé­
gamment le texte obscur, Z d , XXI, p. 1G4. Pour la forme grecque
de la légende, cf. § ^118 note. — Inscription d’EllilbAni, Scheil,
Recueil de Tj'av., XXXIÜ, p. 212 et suiv, ; ses dates, Scheil, Ibid.^
XIX, p. o9 ; celles de son successeur Zambia, Hilprecht, loc. cit.,
p. 29 {OLZ, X, 385); de Sinildsa (probablement avec EllilbAni, règne
de G mois), Poebel, OLZ, X, 4G1.— Champignon d’argile de Sin-
magir d’Isin, trouvé à Babylone, où il fut probablement apporté :
Weissbach, liabyL Miscellen^ p. 1 ; Thureau-Dangin, SA K !^ p. 204.
Tablette avec date de Damiqilisu : Scheil, Recueil de Trav., XXIII,
p. 93 (attribué faussement par lui à la 2 « dynastie de Babylone),
soi-disant de Sippar ; mais Thureau-Dangin remarque justement,
Rev. d'Assyr.., VIII, p. 83, 8 , que cela est impossible et rend pro­
bable que ce texte provient de Nippur. Document de Nippur, Ilil-
precht, Babyl. Exped.., XXI, p. 49 et suiv. ; mais Hilprecht rapporte
la date à des constructions de Babylone, ce qui est très douteux.
Hilprecht, Deluge Storr/y p. 10, remarque que Nippur dut appar­
tenir au royaume d’Isin jusqu’à Rîm-Sin. — Rois d’Uruk : Thureau-
Dangin, S A E l, p. 220 et suiv.; p. 238, tout en émettant des doutes,
il place ici aussi les dates d’Anam et Aradsagsag (?) de Scheil,
OLZ, VIII, 331 (de même aussi Sineribam, Scheil, OLZ, VIII, 330?).
Il est étrange qu'Amnanu apparaisse de nouveau dans la titulature
de Sarnassumukîn : KB, III, p. 198; Lehmann, Samassumukîn,
p, 40. 73. — Nûr-Adad, pour Thureau-Dangin Nùr-Immer, et Sinidi-
nam de Larsa, Thureau-Dangin, S A E /, p. 208 et suiv. — Liste des
rois, voir le tableau ci-joint.

La civilisation. La nationalité. U art.

419. Le royaume de Sumer et d’Akkad eut un siècle d'éclat


sous des souverains puissants et plus de deux siècles de décom­
position et d'alTaiblissement, remplis par les invasions du
dehors qui l’ont saccagé. Le développement de Sinéar se carac­
térise ainsi : il n’a jamais réussi, à l’image du royaume des
pharaons, à instituer pour un long temps un gouvernement
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252 LE ROYAUME I>E SÜMER ET D AKKAD

solidement établi et Tunion interne du pays ; les Etats qui s’y


forment ont toujours un caractère éphémère. C’est pourquoi
malgré tous les efforts de souverains énergiques l’apogée de la
civilisation n'a eu qu’une courte durée ; le pays n’a à son actif
que bien peu de grandes et durables créations (cf. § 453). Mal­
gré cela le temps du royaume de Sumer et d’Akkad, tout au
moins sous la dynastie d’Ur, constitue une époque glorieuse
pour Sinéar qui survit comme telle dans le souvenir : le pro­
tocole attribué alors au royaume est toujours relevé dans la
suite. Dans l’usage courant, il est vrai, la langue sumérienne
n’est plus du tout employée, dans le Nord tout au moins. Elle
devait être fortement battue en brèche dans le Sud, dans le
pays de Sinéar, comme le montre la prédominance des noms
sémitiques de rois dans toutes les dynasties et aussi l'emploi
exclusif de la langue sémitique à Suse. Mais sur le terrain
religieux tout au moins, et par suite également dans l’éducation
de la jeunesse qui briguait les titres plus élevés de « scribes »
et de prêtres, l’ancienne langue sumérienne maintenait toujours
sa position privilégiée, de même que le latin au moyen âge, le
sanscrit dans l’Inde, le chinois au .Japon. Les formes qui se
sont alors constituées pour le culte, les conceptions religieuses
et les mythes, les types des constructions et de l’art, dans les­
quelles les anciennes traditions sumériennes se pénètrent avec
les nouvelles impulsions données par les Akkadiens et se fon­
dent en un tout, ont dorénavant dominé la civilisation indigène
jusqu’à la décadence du pays.

Pour la question des nationalités, cf. E. Huber, Die Personennamen


aus d. Zeii d. Kœnige von Ur u. Isin, Assyr. Bibl., XXI, qui admet
que les noms de cette époque, de Tello et de Nippur, sont sumériens,
mais formés le plus souvent suivant le schème sémitique; comparer
Thureau-Dangin, ZA^ XXI, p. 267 qui veut pour le moins limiter
cette phrase.

420. Pour nous les trois siècles du royaume sont presque en


tièrement vides. Ils n’ont laissé en fait de grands monuments.
LA CIVILISATION. LA NATIONALITE. L ART -

autant que permettent d’en juger les decouvertes actuelles, que


les puissantes tours des temples avec leurs cours, et il est
douteux que de nouvelles fouilles à Ur ou à Uruk par exemple
fournissent davantage. La ditférence avec le royaume d’Akkad
ressort ici de façon caracte'ristique sur une question de détail :
tandis que les énormes briques de Sarrukîn et de Narâm-Sin
font une imposante impression, celles de Dungi et de ses suc­
cesseurs sont beaucoup plus petites et nullement remarqua­
bles ; il en est de môme des signes de l’écriture. Cet aspect
terne a une cause technique : on avait reconnu que les fortes
dimensions de l’ancien temps étaient inutiles et incommodes.
Mais cela aussi peut servir de symbole du manque de vigueur
du nouveau royaume; car on ne constate pas ici les progrès
que montrent, par exemple, en Égypte les créations de la
V® dynastie sur celles de la IV®. Le nouveau royaume n’a pas
créé de nouvelles idées, il vit uniquement de celles dont il a
hérité. Il est à regretter que nous ne possédions pas un seul
grand monument figuré postérieur aux productions de Gudéa
et se rapportant à cette époque. Toutefois, la plastique peut
difficilement avoir dépassé celle de Gudéa, qui par la sobriété
du travail et l’habileté de la technique atteste un progrès réel
sur l’art de Narâm-Sin ; par contre dans la ronde bosse, en
opposition au relief, l’ancienne lourdeur sumérienne domine
encore (§ 409). A l’exception de quelques petites trouvailles de
Tello, les cylindres sont les seuls objets d’art qui subsistent du
royaume de Sumer et d’Akkad.' Parmi les monuments de Tello
il faut citer le joli petit chien de Sumuilu, travaillé avec une
parfaite observation de la nature (§ 417 note); il n’est horri­
blement défiguré que par des signes d’écriture qui lui couvrent
le dos suivant la mode sumérienne. Les cylindres servent à
compléter les reliefs de Gudéa ; et l’on devra admettre qu’ils
remontent souvent à des prototypes encastrés dans les parois
des temples. Ils représentent très fréquemment l’introduction
du possesseur du sceau devant un dieu principal, avant tout
Sin d’iir, par un dieu patron. On y trouve en outre des scènes
204 LE ROYAUME DE SUMER ET D AKKAD

m ythologiques, tirées notam m ent de la légende de G ilgamès,


com m e chez Sarrukîn. On remarque aussi une aptitude à de
plus grandes com positions, qui a créé d’importantes œuvres
d’art, surtout par exem ple les représentations très fréquentes
de l’ascension d’Etana (§ 375). L’ascension d’Etana sur le dos
d’un aigle est placée dans une scène gracieusem ent exécutée de
la vie journalière, qui lui sert de cadre : les bergers qui pous­
sent leurs troupeaux hors de leurs enclos et les boulangers qui
cuisent des galettes rondes, de môme deux grands chiens de
bergers, regardent en l’air, adm irant le m iracle. La tendance
aux dispositions sym étriques qui est caractéristique de l’art de
Sinéar, est très nette. Dans la technique des cylindres, le fort
relief profondément taillé qui distingue les créations de l ’art
akkadien a fait place à un traitem ent plus plat. Mais là aussi
se remarque un travail fin et sobre, que nous devrions présup­
poser aussi pour les reliefs.

La seule statue connue qui appartienne à cette épo(jue est le torse


d’un souverain en manteau sumérien, avec un collier, les mains
jointes, sans tête, que Sutruknahunti a emmenée de Tuplias à Suse :
Délèg. en l^evsCy VI {Textes élam. sém., III), pl. 3. — Sur les cylin­
dres, voir ^ 403 note ; Meyer, Siun u. Sem., p. 63 et sniv. La plupart
des exemplaires datés appartiennent à l’époque d’Ur ; un de Pur-
Sin II d’Isin. — Mythe d’Etana, Ileuzey, Oécouv., pl. 30 bis, 13 et
p. '299; Hermann, OLZ, IX, 477 et suiv. Le meilleur est conservé
au musée de Berlin, Am ll. Berichle ans d. Kgl. Kunslsammlungen,
1908, p. 233 et suiv.

Rapports sociaux. Droit et administration.

421. Si les monuments artistiques et les documents histo­


riques manquent, par contre les données sur la vie commerciale
et agricole de cette époque sont aussi abondantes que pour les
autres périodes de l’histoire de Sinéar. Mais malgré de nombreux
RAPPORTS SOCIAUX. DROIT ET ADMINISTRATION — § 421

travaux préparatoires on n’a pas encore poussé l’analyse de ces


matériaux au point d’en tirer un tableau complet des faits
sociaux et des ordonnances juridiques qui les dominent. On n’a
pas séparé non plus, là où c’est possible, le bien sumérien pri­
mitif du sémitique. Du moins à l’époque tardive du royaume
de îSumer et d’Akkad de telles distinctions, au cas où elles
auraient existé originairement, paraissent avoir disparu depuis
longtemps. A Larsa et à Ur régnent les mômes lois que nous
trouvons alors dans le royaume de Babylone. Toutes les aiïaires
sont conclues devant témoins, puis on dresse un acte : le docu­
ment écrit sur l’argile est entouré d’une enveloppe d’argile et
scellé par les témoins ; on répète le texte sur l’enveloppe, afin
de pouvoir le lire commodément en tout temps sans endom­
mager l’original. Dans chacun de ces actes on invoque par
serment les dieux principaux de la ville et le roi. Depuis long­
temps la procédure, ainsi que le droit matériel, est condensée
en phrases fixes, en codes. Si nous remontons jusqu’aux temps
des anciens princes sumériens, il ne peut être douteux que de
nombreuses annotations de sentences juridiques ont précédé
l’établissement du code de IJammurabi. Urukagina de Lagas
déclare déjà qu’il a rétabli les anciennes ordonnances et la
parole du roi divin de la ville, Ningirsu, c’est-à-dire les décrets
(ju’il a révélés. Si Sinidinain de Larsa (§ H8), qui procura
le bien-être et la sécurité à ses sujets en construisant des
canaux et des forteresses, se glorifie d’avoir rétabli les décrets
des Anunnaki, les puissances gouvernant la terre (§ 371), il
fait allusion à une activité semblable de législateur. A la
môme époque Singasid d’Uruk {§ 418) mentionne dans une
inscription qu’il introduisit un prix maximum pour le blé et
l’huile, la laine et le cuivre, de même que Hammurahi fixa les
prix pour la main-d’œuvre et le louage entre autres choses.
A Dana aussi sur l’Euphrate un document (§ 433 note) porte la
date : « année où le roi Kastilias fixa le droit ». De telles ordon­
nances, des modifications de l’ancien droit, des essais de régu­
lariser de façon durable la vie commerciale et d’éviter les fortes
LE ROYAUME DE SUMER ET d ’a KKAD

oscillations des prix, ine'vilables en particulier aux temps de


troubles politiques, ont été sans aucun doute fréquents jus­
qu’au jour où la codification de blammurabi eut constitué une
mise au point définitive.

Parmi les ouvrages antérieurs à la publication du Code de IJani-


murabi, celui de Meissner est fondamental : lieilraege zum ait'-
babyl. Prhatrecht, 1893, sur la base des documents de Tell Sifr,
§ 417 note, Sippar, etc. Les lois de famille sumériennes, comme on
les appelle, bilingues et conservées dans la bibliothèque d’Assur-
bâniapal, sont certainement plus anciennes que Hammurabi ;
Winckler, Geselze Hammur., p. 84; Kohler-Peiser, Ifam mur. Geselz,
p. 133. La question de savoir si elles sont d'origine sémitique ou
sumérienne dépend avant tout du sens donné à galàbu. Ce terme
désigne l’action par laquelle le fils dégénéré reçoit le signe extérieur
de l’esclavage, punition mentionnée aussi bien dans le Gode de
Hammurabi que dans de nombreux documents. Galàbu signifie-t-il
« faire une marque » comme on le traduit le plus souvent, ou
« couper les cheveux » comme on l’expliquait auparavant; Scliorr,
W ZKM , XVIII, p. 233 (cf. Büchler, p. 91 et suiv.; Schorr,
dans Hilprecht Annïversary Vol., p. 31) paraît avoir prouvé l’exac­
titude de la seconde interprétation ; dès lors les lois sont d’origine
sémitique, car chez les Sumériens les hommes se rasaient la cheve­
lure. — Règlements de Singasid : Thureau-Dangin, SA K l, p. 222 ;
3 gur de blé, 12 mines de laine, 10 mines de cuivre, 30 qa d’huile
doivent être vendus chacun pour 1 sicle d’argent. D’où il suit que
le cuivre était alors dans un rapport de 600 à 1 avec l’argent. Sous
Samsi-Âdad III (§464 note) par contre, après scs conquêtes, les prix
du marché à Assur avaient tellement baissé qu’il les énumère dans
son inscription ; pour 1 sicle d’argent, 2 gur de blé, 13 mines de
laine, 2 0 qa d’huile.

422. Le fondement de toutes les relations sociales est cons­


titué par les ordonnances fixes de l'Etat, établies par la
royauté et ses fonctionnaires. On ne trouve, soit chez les
Sémites, soit chez les Sumériens, aucune trace d’alliances du
sang, de vengeance du sang et d’autres dispositions semblables
RAPPORTS SOCIAUX. DROIT ET ADMINISTRATION — § 422 257

(§ 306). La famille forme bien inic unité solide; les enfants


et la femme sont sous la puissance du maître de la maison,
et peuvent être tués pour de graves délits, violation de piété,
adultère, etc. (les femmes sont jetées au fleuve), ou vendus
en esclavRge. mais toujours seulement sur la base d’une pro­
cédure réglée. L’Ktat et son statut social sont partout l’autorité
sur laquelle on se règle, et non pas le lien du sang et la puis­
sance autocratique du père de famille. Le mariage est con­
tracté dans la forme d’un mariage par achat, par un acte offi­
ciel qui fixe la dot, mais la femme conserve la disposition de
ses biens propres. L’homme peut la répudier en tout temps,
contre restitution de la dot et d’une indemnité fixée par la
loi, tandis que l’épouse n’a qu’un droit de séparation, si
l’homme manque à ses devoirs envers elle, A côté de son
épouse légitime, l’homme aisé, comme chez les Israélites et
les autres tribus sémitiques, a toujours d’autres femmes dont
les enfants ont droit à l’héritage, puis des concubines parmi
ses esclaves, dont les enfants ne sont pas libres, mais peuvent
être légitimés et acquérir le droit à l’héritage. En outre l’adop­
tion, également par un acte accompli devant témoins, est très
répandue, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants de basse extraction
ou d’esclaves. Ainsi le père de famille ou la maîtresse de
maison acquièrent en même temps d’utiles ouvriers, qui leur
sont attachés par un lien de piété.
La plus haute unité sociale est partout la cité, l’alliance de
ceux qui habitent ensemble. Leurs dieux sont invoqués à côté
du roi, les témoins sont les « anciens » — sibùti — de la localité.
Chez Hammurabi, comme aujourd’hui encore dans des condi­
tions analogues de civilisation, on trouve, pour les cas de bri­
gandage par exemple ou de libération de prisonniers, une res­
ponsabilité collective de la localité ou une responsabilité de son
président ou même des biens du temple. Tout le pays, comme
la vallée du Nil, est couvert de localités, groupées autour des
capitales des districts avec leurs sanctuaires. De môme que
plus tard les Israélites se rassemblent « aux portes de la ville »,
2o8 LE ROYAUME DE SEMER ET D AKKAD

dans les villes de Sinéar les anciens se réunissent au mur de


la ville, là où la vie commerciale est le plus active. Les
décrets royaux et les documents juridiques de Sippar, sous la
première dynastie, désignent ces lieux de réunion comme
« murs de Sippar », c’est-à-dire quelque chose comme « forum ».
Les « anciens » remplissent alors des fonctions juridiques et il
est certain qu’ils ont eu d’abord une juridiction administrative.
Au reste les juges de l’époque archaïque paraissent avoir été
tirés du clergé du temple local, pour autant que le roi n'ait
pas imposé directement son autorité. Aucune de ces villes n’a
eu une grande superficie, comme le montrent les ruines décou­
vertes. Les villes gigantesques comme Babylone n’apparaissent
qu’à une époque beaucoup plus tardive. La population se ser­
rait d’autant plus étroitement dans les rues tortueuses, comme
d’ailleurs aujourd’hui. C’est pourquoi les biens fonciers et les
maisons que mentionnent les documents d’affaires n’ont le plus
souvent qu’une très petite surface, parfois même quelques
mètres carrés comme en Chine; souvent même on en revend
une partie, ou on la loue. Dans d’autres cas par contre, comme
à Sippar, la ville entourée par la muraille ne paraît avoir été
composée que du sanctuaire avec ses annexes et des édifices
pour le gouvernement; la population vivait alors en grande
partie sans doute dans les localités ouvertes, devant les portes
du centre fortifié, à la fois politique et religieux, du district.

Documents juridiques : Genouillac, Textes ju rid . de l'époque


d^Ur, Rev. d'Ass., VIII. — L’auteur n’a pas hésité à employer ici le
Gode de Ilammurabi, car les documents (en particulier les nombreux
actes de ses prédécesseurs à Babylone) montrent clairement que ses
sentences juridiques n’ont pas innové, mais codifient définitivement
le droit existant, avec de nombreuses modifications dans le détail.
La démarcation entre ce qui est particulier ou innovation, et ce qui
est d’origine ancienne, exige encore de pénétrantes recherches;
cf. Meissner, Théorie u. Praxis im altbab. Recht.y Assyr. Studien,
III, p. 25 et suiv. dans Miltheil. d. Vorderas. Geseli, 1905; mais
souvent il ne saisit pas franchement en juriste les cas particuliers et
RAPPORTS SOCIAUX. DROIT ET ADMINISTRATION § 423

arrive A de fausses conclusions; voir par contre D. II. Millier, Senti-


iica, I, p. 19 et suiv. [fier. Wien. A k., 1900) et Schorr, Pas Gesetz-
buch Ifammur, u. die zeitgenOssische Hechlpraxis [Pull. Acad, de Cra-
come, juillet 1907) et Z u r Frage d. sumer. u. sentit. Elemente iin
althah. Pecht, Pev, Sémit., XX, 1912, p. 378 et suiv. Ici il ne s’agit
pas des particularités de détail mais des dispositions fondamentales.
— Les « anciens » comme autorité administrative de Sippar, contre
lesquels on se plaint au roi (époque de Hammurabi), sont aussi cités
dans le texte traduit par Schorr, W ZKM , XX, p. 119, et dans les
sentences des textes de Genouillac. Sur « le mur [kàr) de Sippar »
c’est-à-dire le forum, cf. King, Letters of Hammurabi, III, p. 122.2
(à cOlé des « juges » daidne) et Cuq, Essai sur Uadministration judic.
de la Chaldée à Vépoque de la :/'■* dyn. bab., dans Rev. d'Assyr., VII,
1 et suiv., surtout p. 2 2 et suiv. qui apporte plusieurs éclaircisse­
ments. — Sur la grandeur des biens-fonds dans les documents,
voir par ex. Ungnad, Z A , XXIII, p. 84 et suiv. Pour Sippar, voir la
description des ruines, Scheil, Une saison de fouilles à Sippar, qui
est illustrée par les textes, Thureau-Dangin, Rev. d'Ass., VIII, p. 94
et Hilprecht. Anniv. Vol., p. 162 et suiv.

423. Dans le corps social, la position de ceux qui possèdent,


les <( fils d’un homme », est distinguée de celle des « pauvres »
qui doivent travailler eux-mômes. Les peines sont plus légères
pour ces derniers : ainsi, si le « fils d’un homme » frappe un
homme de môme rang, il doit payer une mine selon le Code de
ÎJammurrabi, le pauvre, par contre, qui frappe le pauvre, ne
paie qu’un sixième de mine; en cas de blessures, c’est la loi du
talion qui est en vigueur pour les premiers, œil pour œil, dent
pour dent, pour les seconds la peine est rachetée par de l’ar­
gent, les esclaves paient la moitié de leur prix. Le degré de
servitude dans laquelle se trouvaient les « pauvres » n’est pas
clair; il est très surprenant qu’ils puissent posséder aussi des
esclaves et non pas seulement du bétail, bœufs, ânes, brebis,
cochons et un bateau qui, comme dans la vallée du Nil, forme
le moyen de transport le plus ordinaire. L’esclavage est géné­
ralement très développé en Sinéar ; les esclaves se recrutaient
LE ROYAUME DE SUMER ET D AKKAD

en partie dans les tribus voisines, ainsi chez les Subari et les
Gûti « à la peau claire », en partie par vente volontaire ou
décrétée comme punition, en partie aussi par discipline inté­
rieure. Outre les services personnels qu’ils rendent, les esclaves
sont indispensables aux exploitations agricoles comme main-
d’œuvre. Bien qu’ils n’aient avant tout que la valeur d'une
chose, ils sont cependant aussi sous la protection du droit
public, qui peut seul par exemple les condamner à mort. Et il
est très fréquent qu’ils obtiennent lu liberté par libre achat ou
par libération, en particulier par adoption, mais aussi par
donation de l’esclave à la divinité ; cette dernière forme est
devenue la coutume dominante en Grèce ; on peut dans ce cas
lui imposer encore des obligations spéciales envers celui qui l’a
affranchi. A côté des esclaves on emploie des ouvriers libres
qui louent leur travail à un maître pour un temps déterminé
contre un salaire et l’entretien ; les esclaves sont aussi loués
pour quelques jours et pour des travaux fixes, comme la mois­
son, pour des mois ou toute une année.
Deux groupes de la population se séparent nettement : la
cour [ekal « palais ») et le dieu, c’est-à-dire le temple. Tous
deux ont de grands biens fonciers et de riches revenus, qui
occupent et entretiennent de noml3reux fonctionnaires, ser­
viteurs ou prêtres. Les deux groupes jouissent de privilèges
particuliers et sont sous une protection juridique supérieure.
A la cour s’adjoignent encore les fonctionnaires elles troupes
du roi, que concernent de nouveau des arrêtés juridiques
spéciaux (§ 449). Les temples jouent un grand rôle dans la vie
économique, ce qui est conforme au caractère religieux des
anciens Etats sumériens dont héritèrent les gouvernements
sémitiques. Il semble qu’une grande partie des terrains et du
sol leur appartenait ; leurs riches revenus permettaient aux
temples et aux prêtres particuliers et aux prêtresses de prendre
une part active à la vie industrielle. Les affaires d’argent
surtout, les prêts et les avances, paraissent avoir été concen­
trées en grande partie dans leurs mains : aussi les actes com-
RAPPORTS SOCIAUX. DROIT ET ADMINISTRATION § 423

merciaux élaient-ils surtout déposés dans les temples. Sous les


rois de SiimerjatjlLil^ (§ 422) les arrêts’dépendent ordi­
nairement du sacerdoce. Les dons aux dieux sont très fré­
quents, avant tout des hiérodules (qui sont souvent les propres
filles de celui qui donne le cadeau), qui servent à la prostitu­
tion sacrée (§ 375), mais occupent en môme temps une position
sociale privilégiée.

La position du muskniu (Zimmern : idéogr. mas-en-kak), du


« pauvre » (souvent expliqué par affranchi, serf, etc.) dans le Code
de IJammurabi, n’est pas encore éclaircie. Il est évident qu’il est
séparé juridiquement du mdr atrelhn « fils d’un homme » , c’est-à-
dire l’homme tout à fait libre (« né libre » en opposition à esclave
7), et a une situation bien inférieure à lui (cf. §.^ 140, 196 et suiv.,
203 et suiv., 207 et suiv. du Code). Mais d’après les §§ 8 , 15, 16,
17 et suiv., 219 du Code, il semble que le bétail, les bateaux et les
esclaves ne pouvaient être possédés que par le palais ou les dieux
d’une part, les « pauvres » de l’autre. L’énumération doit, en effet,
être complète, car il n’est pas fait mention ailleurs du vol des
biens ou des esclaves d'un homme libre. Cependant cette concep­
tion paraît impossible, ou bien tout ce que possèdent les fils des
hommes, pour autant qu’ils ne font pas partie de la cour, appar­
tient-il aux dieux, c’est-à-dire tous les hommes libres font-ils partie
du clergé? On pourrait trouver la confirmation de celte idée dans
le § 6 , où les meubles, en cas de vol, ne sont mentionnés que
comme possession du dieu et du palais. Là comme ailleurs il est
urgent d'avoir des recherches exhaustives fondées sur tous les maté­
riaux ; nous pourrons seulement alors tracer un tableau d’ensemble
vivant de ces conditions sociales; cf. aussi § 449 note. Les déci­
sions dans les documents relatifs à la libération (Meissner,^4 5 ^. Stu -
dien, III {MVAG, 1905), p. 32) concordent entièrement avec celles
des nombreux actes grecs ; il est impossible de songer à une dépen­
dance historique ; ce qui nous montre de la façon la plus nette
combien l’on doit être circonspect en admettant des influences et
des transmissions historiques, là où il n’y a que des développements
parallèles, qui conduisent très souvent, dans le domaine du droit
aussi bien que dans celui de la religion, à des formations tout à fait
LE ROYAUME DE SUMER ET D’AKKAD

identiques. L’auteur s’élève ici contre les hypothèses soutenues par


D. H. Millier d’une influence du droit babylonien sur le droit
Israélite et romain.

424. Conformément à la nature du pays, l’agriculture —


céréales, huile, dattes, — forme la base de la vie économique;
il est très remarquable de noter aussi l’importance de l’élevage
du bétail. Mais le tableau donné plus haut montre déjà
l’importance acquise par la mise en valeur du capital et la vie
commerciale. Les marchands — damqaru — et les merciers
jouent un grand rôle et en outre l’industrie est active dans les
grandes villes; d’où il suit que le commerce de l’argent est
tout à fait développé. Sans doute on peut user du prêt en nature,
et un fermage, une dette ou une marchandise peuvent encore
être payés de cette manière ; mais môme dans ce cas, c’est l’ar­
gent qui est la base de toute transaction, ce qui est contraire à
la coutume égyptienne. D’après la loi de IJammurabi (§ 59),
le paiement en céréales par exemple doit avoir lieu d’après le
cours du marché, fixé par le roi. Pour les prêts on paie chaque
mois des intérêts, en moyenne environ 20 0/0 par an, mais
souvent même beaucoup plus. Singasid fixe pour les prix des
marchandises et Hammurabi pour la main-d’œuvre le maximum
en argent. L’étalon est l’argent, mais nous ignorons encore
totalement d’où il venait ; l’or existe aussi tandis que le cuivre
ne sert qu’à la fabrication d’outils et a très peu de valeur, ce
qui est différent de l’Egypte (§ 421 note). L’argent est calculé
d’après des unités de poids, divisées suivant le système sexa­
gésimal : le talent — biltu — a 60 mines (livres) ; la mine a
60 sicles (1/2 once) à 180 grains de blé (iV) chacun. La mine
pèse 505 gr. en chiffres ronds, le sicle 8,5 gr. ; un sicle d’argent
est donc un peu moins de 2 francs. Par rapport à l’or, l’argent
a été, comme nous le voyons, encore beaucoup plus rare à
cette époque sans doute qu’au deuxième et au premier millé­
naire. C’est pourquoi l’or a un taux beaucoup plus bas que
plus tard ; d’après un texte de l’époque de Hammurabi, il ne
RAPPORTS SOCUUX. DROIT ET ADMINISTRATION — § 424 263

paraît avoir atteint alors que six fois la valeur de l’argent.


Mais nous ne pouvons prétendre que cette proportion ait été
admise partout, d’où l’on aurait déduit un rapport fixe entre
les deux métaux. Nous n’aurons des notions plus précises sur
cette question que si nous découvrons un jour la provenance
de l’argent qui circulait dans la Babylonie et l’Asie antérieure.
Pour les besoins du commerce, l’argent était apporté soit en
barres, soit en anneaux comme en Egypte ; les anneaux de
1/3 de sicle sont très fréquents; les petites sommes ont été
pesées probablement en morceaux d’argent.

Sur le système babylonien des mesures, voir, à côté des anciens


travaux de Boeckh et Mommsen, Brandis, Das Münz-, Mass- und
Geiüichtswesen in Vorderasien, 1866, et Hultsch, Griech. u. roemische
Métrologie^ 2® éd., 1892; puis Lehmann, Das allbaàyl. Maszystem^
dans les Actes du 8 * Gongr. des Orient., Stockholm, 1893; Thureau-
Dangin, /JU , le qa et la mine, dans J . Asiat., janvier 1909, p. 79 et
suiv. — Au reste il est impossible d’approfondir ici davantage ces
questions embrouillées. Weissbach a donné une bonne étude sur les
poids babyloniens connus, ZDMG, LXl, p. 379 et suiv,, 948 et suiv.;
mais il va trop loin dans sa réaction contre les opinions courantes.
Ce travail a provoqué une vive controverse avec Lehmann-Haupt,
ZDMG, LXIII, LXV, LXVI.
Les poids de Suse, étudiés par Soutzo, Délég. en Perse {Rech.
archeol.y IV), ont fourni de riches matériaux nouveaux. En Babylonie
on ne paraît avoir connu que les mines légères d’environ 505 gr. et
leur sixième partie, tandis que la mine qui pèse le double, environ
1 . 0 1 0 gr., avec 60 sicles lourds, appartient au royaume assyrien
postérieur. — L’auteur doit reconnaître qu’il est devenu toujours
plus sceptique à l’égard des fixations et des combinaisons dans le
domaine mélrologique : il est séduisant de jongler avec les chifiFres
et facile de faire des hypothèses qui paraissent évidentes. Quoi qu’il
en soit, il considère l’opinion de Nissen et de Lehmann-Haupt, qu’ad­
met aussi Thureau-Dangin, comme injustifiée : ces auteurs attribuent
sans hésiter aux anciens Babyloniens la spéculation moderne qui,
dans le système métrique, déduit le poids de la mesure de longueur.
D’autres, et le plus aventuré est Winckler, AA P , p. 337 et suiv.,
264 LE ROYAUME DE SÜMER ET D’AKKAD

ont même mis les mesures terrestres en relation avec celles du ciel.
En réalité, avant le système métrique, toutes les mesures ont été
fixées arbitrairement, bien que les mesures de longueur soient natu­
rellement en rapport avec celles des diverses parties du corps
humain, doigt, main, coudée, pied. D’abord l'ajustement ne réussit
toujours qu’imparfaitement, même si les poids et les pièces d’argent
sont en métal, et encore moins si les poids sont faits de pierre; de
sorte que nos précisions jusqu’à des décigrammes ne doivent être
considérées que comme des valeurs moyennes et des expédients.
Les mesures ne sont pas des règles idéales, qui devancent forcément
la pratique, comme des grandeurs mathématiques que la théorie
détermine, mais que le calcul ne résout qu’imparfailement. Car,
lorsqu’il s’agit de mesures, les règles n’ont rien d’absolu; elles ne
peuvent être exprimées et comprises que par une mesure existant
déjà; elles subissent donc toutes les variations des connaissances.
Dans un contrat de la 37* année de IJammurahi, à « 10 se (grain)
d’or » on ajoute « 1/G son argent » ; üngnad, OAZ, XIV, lOG
explique cette formule : « 1/G sicle est l’équivalent en argent de
10 se ( = 1/18 sicle) d’or » et il obtient ainsi le rapport 3 à 1, qui n’est
guère admissible. Donc l’explication de Tliureau-Dangin, OAZ, XII,
382 et Rev. d'Assyr., VIII, 92 sera juste : « 1/G de son équivalent
d’argent » ; il étudie un texte de Tello de l’époque du royaume de
Sumer et d’Akkad qui donne à l’or 8 fois la valeur de l’argent; un
autre donne pour l’argent et le cuivre le rapport 240 à 1.

Religion et littérature.

425. L’époque du royaume de Sumer et d’Akkad fut égale­


ment importante dans le domaine religieux. Les innombrables
divinités des localités et des cultes particuliers se groupent en
un panthéon qui est reconnu dans tout Sinéar, bien que les diffé­
rences locales subsistent toujours. Dans ce système, les trois
grandes puissances cosmiques prennent la première place : le
dieu du ciel Anu, le seigneur de la terre Ellil de Nippur et le
dieu de la mer Ea d’Eridu. Mais dans le culte, les dieux des
RELIGION ET LITTÉRATURE — ^ 425

villes principales du royaume se placent au premier plan : le


dieu lune Sin d’Ur et le dieu soleil Samas, qui était le dieu
royal aussi bien dans le royaume d'Akkad (avec Sippar pour
capitale) que dans celui de La rsa ; puis Ninib, honoré surtout
à Nippur (§ 395). Dans la suite tous sont dépassés par Marduk
de Babylone : la tendance à lui attribuer la royauté sur les
dieux comme sur la terre a entraîné son identification avec
Ellil de Nippur, le seigneur des pays, et on a transporté sur lui
des mythes et des formes de culte des dieux Ellil, Ea et Sin
(§ 426). Mais cette assimilation se produit aussi pour d’autres
divinités principales : si elles se distinguent en efTet par leur
sphère d’influence, par les rites du culte, et souvent aussi à
l'origine par leurs fonctions et leur activité particulière sur la
terre et dans la vie des hommes, cependant leur essence est
toujours la force qui émane de chacune d’elles. C’est pourquoi
par une scrupuleuse observance du rituel prescrit par le culte
particulier, les formes générales et les conceptions, issues à
l’origine peut-être d’un tout autre culte, peuvent être trans­
portées sur n’importe quelle divinité. En cela le développe­
ment qui se produit en Sinéar ressemble à celui que présente
l’Egypte à la môme époque (§ 272) ; en Sumer et en Akkad
aussi le concept universel de la divinité, dieu -ilu et déesse
-ütar^ s’élève au-dessus des dieux particuliers. Mais les con­
ceptions religieuses de Sinéar n’ont jamais progressé autant
qu’en Egypte : là un élément spéculatif, une théologie sort de
ces idées, qui entreprend de réédifier l’image du monde sur
une base religieuse, en partant du concept d’un dieu-soleil
qui gouverne l’univers. Par ce travail înlellectuel, la religion
acquiert une nouvelle substance; elle devient un élément in­
dépendant et conducteur du développement progressif de la
civilisation. En Sinéar par contre, à toutes les époques, le
premier devoir, purement pratique, de la religion est au pre­
mier plan, la satisfaction des besoins immédiats, matériels de
l’existence, qui forme sans doute en Egypte aussi un mobile
réel du développement. L’évolution des conceptions religieuses
2bb LE ROYAUME DE SUMER ET D AKKAD

se reconnaît bien en Sinéar dans des locutions particulières et


dans la transformation successive, interne du concept de dieu ;
mais la religion n’a pas acquis, une position directrice dans la
vie spirituelle, malgré tous les hommages qui lui sont appor­
tés sans cesse. L’ancienne civilisation sumérienne, développée
déjà par la pénétration intensive des Akkadiens sémitiques a
atteint son apogée à l'époque deOudéa. Mais les Sémites, qui
submergent et éliminent dans les siècles suivants l'ancienne
population par de nouveaux apports, ont adopté cette civilisa­
tion et sa religion, et l’ont fondue avec leurs conceptions par­
ticulières. Or par cela môme elle n’a pu arrivera un complet
épanouissement de son individualité, et c’est là aussi la cause
qui empêche la civilisation de Sinéar de s’épurer; elle n’a pas
dépassé le point atteint pendant le royaume de Sumer et d’Ak-
kad. L’époque brillante de llammurabi, il est vrai, a créé
encore une fois pour peu de temps un royaume vigoureux sous
la domination amorrite, mais il ne forme que le terme de
l’ancien développement, non le commencement d’une ère nou­
velle. Alors la civilisation s’enfonce dans une stagnation com­
plète pendant plus de mille ans. Seuls les Assyriens et les
Chaldéens, qui relevèrent et vivifièrent l’antique civilisation,
l’ont de nouveau fécondée et ont effectué un nouveau pas en
avant.

426. Nous ne possédons pas beaucoup de vestiges littéraires


directs du | royaume de Sumer et d’Akkad. Mais il n’est pas
douteux qu’une notable partie des textes religieux surtout,
conservés dans des documents postérieurs, en particulier sous
forme de copies d’originaux babyloniens provenant de la biblio­
thèque d’Aséur-bâni-apal, ne remontent à cette époque. Dans
leur rédaction actuelle ils proviennent surtout de Babylone et
dès lors accordent à Marduk la première place ; mais on se
convainc aisément que ce dieu a pénétré dans ces textes par
suite de remaniement des originaux et que ces mythes et
hymnes concernaient primitivement Ellil de Nippur, Sin d’Ur
RELIGION ET LITTÉRATURE — § 426

et Ea d’Éridu. D’où il sait en même temps que les textes ori­


ginaux, qui leur servent de base, doivent être pins anciens
que le royaume de Hammurabi, en d’autres termes qu’ils
appartiennent au royaume de Sumer et d’Akkad. La même
constatation ressort du fait qu’une grande partie de ces textes
sont rédigés en deux langues, sumérien et sémitique, et que la
règle s’est maintenue dans la suite d’ajouter une version sumé­
rienne à un texte religieux même d'origine sémitique. Cette
position prédominante, que le sumérien a conservée jusqu’à la
fin en tant que langue sacrée de Sinéar, ne s’explique que si les
Sumériens ont laissé une vaste littérature religieuse, acceptée
par les Sémites et élargie par eux. Les nombreuses figurations
de scènes mythiques sur les cylindres et les allusions à ces
mythes dans les inscriptions supposent l’existence de celte
littérature. Au reste tout est à créer ici; mais quoique dans la
suite ces textes aient été transformés par des retouches cer­
taines et fréquentes, nous devons cependant ramener sans
hésiter à l’époque de Sumer et d’Akkad les conceptions fon­
damentales des textes postérieurs; car, nous l’avons déjà dit,
on ne trouve nulle part trace d’une féconde évolution de la
pensée.

Les hymnes de Nippur, publiés par Radau, remontent à l’époque


du royaume de Sumer et d’Akkad (§§ 411-41a), ainsi que les hymnes
publiés par H. Zimmern, Sumer. Kultlieder aus altbab. Zeit [Vorde-
ras, Schrifldeuk.y II), 1912 ; cf. p. viii la mention des rois d’isin
dans ces textes. — La retouche et la fusion d’anciennes légendes et
l'introduction secondaire de Marduk a été prouvée par Jastrow pour
le mythe de la création {On the composite character o f the Babyl.
Création Story, dans Orient. Stud. Noeldeke) ; il le relève souvent
aussi dans son ouvrage, Die Religion Babyloniens und Assyriens,
2 vol. 1902 et suiv. Pour les textes magiques, les prières, les présa­
ges, cet ouvrage, maintenant achevé, offre une si ample collection
de documents qu’il n’est nécessaire de citer les autres ouvrages
qu’exceptionnellement. Sur l’âge de l’épopée de la création, voir
King, The seven Tablets o f Création, 19U2, 1 , p. l x x ii et sufv. Le
268 LE ROYAUME DE SUMER ET D AKKAD

mythe d’Adapa a été retrouvé, comme on sait, sur une des tablettes
d’El-Amarna, où il servait d’exercice de lecture babylonienne pour
les Egyptiens du xv* siècle ; ce qui montre en môme temps l’anti­
quité de ces textes. — Coup d’œil du contenu de la littérature
dans O. Weber, LUteratur d. Bahylonier u. 1907. — L’auteur
insiste encore sur ceci qu’en Egypte les époques principales du
développement se séparent nettement et qu’on ne peut avoir aucun
doute sur le moment où les textes religieux ont pris naissance, tant
par des arguments linguistiques que par des arguments internes;
mais dans la littérature babylonienne, un pareil développement et
une telle séparation des périodes n’a pu être démontré jusqu’à main­
tenant et n’a guère existé. Malgré cela les recherches doivent tendre
à fixer au moins approximativement l’époque de rédaction des
textes provenant de la bibliothèque d’Assur-bâni-apal ; ainsi on
créera les bases d’une véritable histoire de la religion et de la
civilisation. Entre temps plusieurs ouvrages ont paru dans ce sens,
voir surtout Be/.old, Verbalsuffixformen nls Allerskriterien ùab.-ass.
Inschr., lier, Heidelberg Akad., 1010. Pour autant que nous puissions
en juger, les recherches subséquentes nous permettront sans doute
de mieux saisir le long intervalle qui sépare la première dynastie
de Babylone et les Sargonides, et de reconnaître la refonte et la
transformation des textes qui s’y accomplit ; enfin aussi que beau­
coup de textes ont existé sous la première dynastie et même avant
et se sont perpétués en de bonne copies. Mais dans la formation
des idées fondamentales (et fréquemment^ aussi des idées particu­
lières) le royaume de Sumer et d’Akkad a sans doute eu une beau­
coup grande importance que le royaume de Babylone. L’influence
de ce dernier se reconnaît facilement, en particulier dans la pré­
dominance de Marduk. Aussi l’auteur insère-t-il ici la description
générale, bien que plusieurs des textes employés puissent être cer­
tainement beaucoup plus jeunes.
426 a. La plus grande partie des textes religieux sert à des
buts pratiques : ce sont soit des rituels et des hymnes de culte
pour des fêtes (ainsi une partie des mythes), soit des formules
magiques contre les mauvais esprits, comme des prières aux
dieux, qui doivent calmer leur colère, assurer ou regagner leur
faveur, soit des annotations systématiques pour expliquer les
RELIGION ET LITTÉRATURE — § 426 a

présages. Avec le progrès de la civilisalion, la magie, et la ten­


dance qui lui est intimement liée de sonder la volonté des
dieux et de la conduire alors, si possible, suivant la volonté
personnelle, de détourner le malheur qui menace, de soulager
la peine lorsqu’elle est survenue, a pris aussi un Irès grand
développement. On saisit partout le lien avec des conceptions
très anciennes, sumériennes, qui sont tout à fait prépondé­
rantes ; mais elles sont maintenant fixées en un système et
développées, semble-t-il, scientifiquement jusque dans les
moindres détails, soit par l’empirisme, à l’aide des événements
consécutifs de quelque accident, soit par la trame logique des
hypothèses, en mettant les événements extérieurs en relation
avec les aspirations et le sort des hommes, ou plutôt des Etats
et de leurs chefs. Car les peuples et leurs gouvernements sont
au centre des préoccupations de l’existence, et c’est leur des­
tinée que présagent clairement les événements naturels qu’ex­
plique l’augure. A la première place on trouve les quatre
peuples qui sont réunis en un tout dans le « royaume des
4 régions » sous Sarrukîn et ses sucesseurs, Akkad, Elam,
Subartu et Amurru (cf. § 396 note). On trouve aussi souvent
des allusions à certaines villes ou principautés particulières de
Sinéar et à d’autres peuples. Dans les systèmes achevés plu­
sieurs des conceptions fondamentales sont sumériennes : ainsi
celle que les dieux fixent le jour de l’An sur le mont des dieux
le sort des Etats et des rois et le révèlent par des signes. Mais les
formules que présente partout l’exécution du schème paraissent
trahir une influence sémitique ; ce n’est pas sans raison qu’on
fera remonter la divination par le foie au fondateur du royaume
akkadien, au sémite Sarrukîn (§ 397). La spéculation sur les
nombi es joue aussi un grand rôle : dans le monde des esprits,
surtout chez les méchants démons qui apportent la maladie et
la ruine, le chiffre 7 domine ; les grands dieux par contre
sont ordonnés suivant le système sexagésimal — Anu 60, Ellil
50, Ea 40, Sin 30, Samaè 20, Istar 15— et dans les groupes
de divinités la trinité est particulièrement recherchée. Parmi
270 LE ROYAUME DE SUMER ET D AKKAD

les signes que les dieux donnent aux hommes, le plus impor­
tant est la révélation de l’avenir par le foie de l’animal sacri­
fié. On sait que les lignes et les excroissances du foie alTectent
une forme différente dans chaque animal (ainsi que les lignes
de la main), de môme aussi la position de la vésicule biliaire
sur le foie. Mais l’animal voué en sacrifice entre par ce fait
en relation immédiate, magique, avec la divinité ; ainsi s’ex­
plique que l’on croyait avoir un moyen certain de reconnaître
le destin fixé par les dieux, aussitôt que l’attention était dirigée
sur ces phénomènes. Un système des plus détaillés de divina­
tion par le foie s’est formé sur ces observations. Plus lard, à
l’époque assyrienne, cette croyance a eu plus d’extension; de
là elle pénétra chez les Grecs et chez les Etrusques. Homère
ne la connaît pas encore, mais toute l’époque suivante est sous
sa domination, ün pratiquait en outre la divination par les
coupes (des figures formées par l’huile qu'on y versait), l’ex­
plication des songes, etc., puis la consultation des oracles que
révélaient surtout, avec Ea, le dieu-soleil et le dieu des oracles,
Nabû de Horsippa. La médecine offre le môme caractère de
mélange d’observations empiriques avec le système magique
perfectionné. La médecine égyptienne n’est pas indemne non
plus d’éléments magiques, mais par une observation établie
déjà à l’époque thinile, et toujours progressive et soigneuse,
elle a acquis en môme temps un riche trésor de connaissances
sûres, condensées en un système scientifique auquel la médecine
babylonienne n’est jamais arrivée. En regard de la renommée
des médecins égyptiens, ceux de Babylonie ne jouent qu’un
rôle tout à fait subordonné; c’est pourquoi Hérodote (1, 197)
a pu raconter, sur la base de ses observations personnelles
quoique avec quelque exagération, que les Babyloniens n’em­
ployaient pas de médecins, mais apportaient leurs malades au
marché et arrêtaient chaque pasèant pour lui demander s’il
connaissait le remède.

On a sur le nombre 7 le travail très sensé de Hehn, Siebenzahl und


RELIGION ET LITTÉRATURE — § 42G a 271

Sabbat [Leipz. Sem'it, Stud., II, 1907); il n’admet pas que la sainteté
de ce nombre procède du concept des prétendues « 7 planètes » (cf.
§ 427), mais il a - tort de faire intervenir les phases de la lune ; car
c’est le contraire qui est arrivé : la semaine ayant 7 jours, le mois
lunaire qui varie de 29 à 30 jours n’est nullement un multiple de
7, dont le caractère sacré est déjà présupposé. Cette sainteté et
l’inquiétude qui en résulte reposent bien plus sur le caractère mys­
térieux de ce nombre qui, comme le nombre 13, est indivisible et
prépare les plus grandes dilficultés dans tous les comptes. De même
le caractère sacré de 3, 9, 12, GO et d'autres nombres dépend de leur
caractère ; c’est pourquoi on les cherche alors dans les apparitions
naturelles.
Contre la déduction du système sexagésimal de l’astronomie, cf.
par ex. B. Kewitsch, Z A , XVIII, p. 73 et suiv. — Il n’est pas ques­
tion d’un cercle de 12 dieux ni chez les Babyloniens, ni chez les
Assyriens [en opposition à la première édition de cet ouvrage, dont
la donnée a aussi égaré Boll, Sphaera, p. 477]. Assur-bâni-apal énu­
mère une fois au commencement de ses Annales 12 dieux, mais il
ne cite pas Bêlit, donc n’en nomme que 11. D'autres rois énumèrent
de préférence 7, 8 ou 11 noms, mais sans règle fixe, parfois même
2o ; voir le classement dans Jastrow, lifiligioa, p. 244 et suiv. Les
1 2 mois sont naturellement mis en relation avec des dieux déter­
minés (les Assyriens comptent aussi, IV R 33, le mois intercalaire et
y casent Assur) ; mais ce n’est rien de moins qu’un cercle fixe de 12
divinités comme chez les Grecs. — Zimmern, K A T^, porte toujours
un jugement très sensé sur toutes ces questions. — Sur les rituels
d’exorcismes et de magie, voir Jastrow, liab. Religion, et surtout
Zimmern, Reitr. z. Kenntnis d. bah. Rel. {die Beschwoerungstafeln
Surpu), 1901, puis King, Rab. Magic and Sorcery, 1896. Sur les pré­
sages tirés du foie, Jastrow, ibidem (cf. Z A, XX, p. 103 etc.), a
apporté beaucoup de clarté. Allusions à cette divination dans Gudéa,
Jastrow, ibidem. II, p. 273.303 A; cf. encore Jastrow, A n Omen
School iext [Old Test, and Sein. Studies in memory of Harper, II,
p. 279 et suiv.); Ungnad, E in Leberschautext aus d. Zeit Ammisa-
duqas [Rabyloniaca éd. Virolleaud, II, p. 237 et suiv.) où l’on trouve
une description exacte de l’état de choses positif lors du sacrifice
d’une brebis, la 10' année du roi. Reproduction assyrienne d’un foiè
de brebis avec indication exacte de toutes les parties et de leur
272 LE ROYAUME DE SUMER ET I) ARKAD

signification comme présages (elle est tout à fait pareille au foie


étrusque de Piacenza) : C I\ VI. Hoissier, A'o/c sur un monument
babylonien se rapportant à l'eætispicine, 1899, l'a le premier expliqué
exactement. — Puis encore lu grande collection et étude des textes
par Boissier, Choix de textes et son mémoire Iatrornantique, physio­
gnomonie et palmomantique babyl. {lieu. d'Assyr., VIII). — Dans
toute la littérature des présages, et astrologi<jue aussi, on suppose
que le royaume de Sarrukîn, Akkad, et les trois autres royaumes
Elam, Subartu et Amurru continuent d'exister (§ 395 note); en
outre les Gûti, les Ummân Manda, c'est-à-dire les nomades du NE
(Iran), puis des villes babyloniennes entre autres, sont aussi parfois
nommés. Mais on ne peut en déduire aucune chronologie précise. —
Pour la médecine, voir Küchler, Beitr. z. Kennlnis d. ass.-bab. Medi-
zin, 1904.

427. Dans la suite, la croyance s’est encore alfirmée davan­


tage que le destin fixé par les dieux se manifeste dans les appa­
ritions célestes, dans les phases de la lune, les e'elipses, les
halos du soleil et de la lune par exemple, dans la position des
constellations au jour où l’on doit exécuter quelque entre­
prise ; c’est pourquoi les apparitions célestes sont notées et
expliquées copime d’autres oinina. Chez les Sumériens on ne
trouve que les premières dispositions à cette « science », môme
dans les inscriptions de Gudéa (§ 371). La conception que les
dieux ont leur habitation au ciel et dans les étoiles n ’a pas
acquis chez eux une grande importance, et ils sont bien loin
d’avoir déduit de leurs observations une supputation de l’heure
exacte. Pour la religion sumérienne, seule Vénus, parmi les
étoiles, a quelque imporlance. Dans cet astre la déesse Nanaia-
Istar se révèle à l’œil humain; c’est pourquoi elle porte comme
insigne le disque étoilé (§ 371). Donc l’étude des étoiles, l’astro­
logie, paraît être une invention des Sémites; elle se développa
peu à peu. Nous pouvons avoir une idée de ce développement
grâce aux variantes que présentent les nombreux symboles et
figures des dieux gravés sur les kudurrus de l’époque cassite,
ou documents en pierre relatifs à l’investiture de biens fonciers
HELIGION ET LITTERATURE — § 427 273

(§ 315). Ces images remontent en grande partie, semble-t-il, à


une époque beaucoup plus ancienne, le plus souvent purement
sumérienne, bien qu’on ait constamment ajouté quelque chose
de nouveau à ces motifs. En règle générale, on y trouve les
représentations du soleil (1), de la lune et de Vénus ; à côté
d’eux on trouve surtout un serpent, que l’on doit certainement
considérer comme la voie lactée, et un scorpion. Ce dernier
est d’abord l’animal consacré à la déesse Ishara empruntée aux
Hittites (§ 433 note); il est en même temps identique à la
constellation que nous désignons encore de ce nom, comme le
prouve l’être composite, scorpion aux pieds d’oiseau ou de
lion, portant une tête d’homme barbu avec un arc bandé que
l’on trouve parfois à côté.. Dans cette figure se sont encore
réunies les deux constellations de l’archer et du scorpion, bien
qu’ils fussent déjà distingués tous deux dans la pratique ; le
scorpion là encore est représenté spécialement à côté. Nous ne
savons pas à quel dieu correspond cette figure. On en trouve
une déformation au type du centaure ailé, — qui ne peut avoir
été conçue naturellement qu’après l’introduction du cheval,
donc pas plus tard que l’époque cassite. Le scorpion est rem­
placé par un corps de cheval, qui outre su queue porte une
queue de scorpion recourbée en l’air. Le buste de l’archer
porte une tête d’homme barbu et de plus une tête de dragon.
Sur une représentation le scorpion est en outre placé sous le
corps de cheval ; il est très clair ici que les deux constellations
doivent être représentées. Cela est confirmé par le fait que ces
deux figures ont été prises par la représentation grecque des
constellations ainsi que par les représentations égyptiennes
récentes, les zodiaques de Dendéra et d’Esne. On a aussi
retrouvé dans la constellation que nous appelons le Bélier,
l’être mixte chèvre et poisson, l’antique image du dieu de la
mer Ea. Cette figure fut aussi empruntée par les Grecs et les
(1) Les Assyriens ont plus tard remplacé le simple disque solaire par le disque
ailé, qui a été accepté avec beaucoup d’autres symboles égyptiens dans l’art de
l’Asie occidentale et hittite (§ 478) et de là emprunté par les Assyriens.
LE ROYAUME DE SUMER ET DAKKAD

Égyptiens de basse époque. D’autres symboles divins des


kuduiTus peuvent sans doute se reconnaître encore dans les
constellations : ainsi le chien de la déesse Gula, épouse de
Ninib (sans doute identique à l’ancienne déesse Dau), qui
revient fréquemment sur les kudurrus, correspond à la cons­
tellation du Lion. La lampe (— le dieu Nusku) doit aussi être
une constellation. Ces représentations nous enseignent d’abord
que l’on commença à s’orienter dans le ciel et à réunir en
groupes les étoiles particulières, que l’imagination concevait
comme des êtres composites suivant l’ancienne représentation
sumérienne. Dans la légende, chez Bérose (§ 364 note), ces
êtres apparaissent comme les plus anciens habitants du pays
avant qu’il y eût des hommes. Enfin nous apprenons qu’on
mettait quelques constellations en relation avec les dieux et
qu’on croyait ainsi qu’ils influençaient et révélaient le sort par
les étoiles. Nous ne pouvons pourtant pas penser à un système
scientifique de la connaissance du ciel, encore moins à une
condensation de 12 étoiles en une unité du zodiaque, et même
à une division de l’écliptique en 12 parties d’égale grandeur
et nommées d’après les constellations. La présence sporadique
de quelques constellations sur les kudurrus exclut une pareille
conception ; on ne trouve nulle part sur les monuments baby­
loniens ou assyriens une représentation du zodiaque ou de
l’écliptique. Un nouvel élément apparaît alors au premier mil­
lénaire, « l’étoile sept » (siâù/t) des Pleïades; elles n’appa­
raissent jamais avant ; elles sont représentées souvent comme
sept petits cercles, à la première place, devant le soleil, la lune
et Vénus, et sont placées aussi aux portes des maisons comme
talisman contre les mauvais démons, suivant les renseigne­
ments des textes religieux (1). Enfin au premier millénaire,
le nouveau clan sémitique des Ghaldéens, qui pénétra alors

(1) Zimmern, KAT^, p. 620. Seraient-elles peut-^tre à l’origine simplement les


têtes des clous qui ferraient les portes et desquels on forma alors un nombre
sept dont on chercha le symbole au ciel? Ainsi s'expliquerait qu’elles soient
représentées non comme des étoiles, mais comme des cercles.
RELIGION ET LITTÉRATURE — § 427

dans Sinéar, développa ces éléments en un système perfec­


tionné de science des astres, l’astrologie chaldéenne. Cette
science, comme l'ancienne interprétation des signes célestes
particuliers et l’hépatoscopie, veut servir surtout aux buts pra­
tiques de la prédiction du sort ; mais elle entreprend cette
tâche méthodiquement et fonde ainsi en même temps sur une
base empirique la science de l’astronomie. C’est alors qu’on
commença à diviser l’équateur et l’écliptique en 360 degrés,
l’écliptique en 12 « zodiaques », puis à considérer les 5 pla­
nètes comme les véritables souverains du sort, à côté du soleil,
de la lune, du roi des dieux et dieu du ciel Anu. Dans ces élé­
ments se manifestent par conséquent les grands dieux du
panthéon babylonien postérieur : Marduk, c’est-à-dire l’ancien
Ellil, en Jupiter, Ninib en Saturne, Nabû en Mercure, Nergal
en Mars, et naturellement Istar en Vénus. Le groupement de
ces 5 planètes avec le soleil et la lune en une unité de 7 pla­
nètes est encore plus récent, il se trouve parfois dans les textes
postérieurs : il suppose d’une part une connaissance scienti-
lique très avancée qui puisse s’élever des données de l’obser­
vation directe à une pure abstraction; d’autre part il a natu­
rellement aussi subi l’influence de la tendance magique à
retrouver le nombre sacré 7 au ciel, chez ceux qui fixent le
sort.
Cette science acquiert peu à peu une grande importance
depuis le huitième siècle environ : sous le règne de Nabû-
nâsir (747-734) commencent les observations chaldéennes des
étoiles, qui ont passé dans l’astronomie grecque (§ 321). Les
Assyriens ont pris les éléments de celte conception, l’empire
chaldéen les a développés. La science est arrivée à son perfec­
tionnement à l’époque perse et grecque (cf. vol. III éd. allem.,
§ 82 et suiv.). C’est alors qu’adoptée après une longue résis­
tance par la culture hellénistique tardive elle a parcouru sa
route victorieuse à travers le monde. Même les prêtres égyp­
tiens de l’époque impériale ne purent rester inaccessibles à
cette sagesse, comme le montrent les zodiaques de Dendéra
LE ROYAUME DE SUMEH ET DAKKAD

d’Esne. Précisément l’astrologie grecque postérieure considéra


les Egyptiens et leurs antiques sages comme ses principaux
auteurs et révélateurs à côté des Chaldéens.

Le'dilettantisme ne s’est jamais si gravement alFirmé que dans ce


domaine. Les dernières données de la science chaldéenne, résultat
de recherches méthodiques et de longue haleine du premier millé­
naire, ont été placées à l’origine sans aucune hésitation, et l’on en
a déduit la religion et la pensée des temps primitifs. Winckler fut
le principal défenseur de cette théorie, l’inventeur de la concep­
tion universelle « babylonienne » ou « orientale » (panbabylonisme).
11 a accueilli sans aucune critique et développé les fantaisies mytho­
logiques publiées par Stucken sous le titre « Astralmythen », et acquis
ainsi de nombreux adeptes. Hommel en particulier a émis de sem­
blables hypothèses. Cette époque primitive aurait même déjà connu
la précession des équinoxes, suivan'l Winckler {KAT^y pp. 13,24,
326, 332 par'ex. ; de même Hommel). On attribue de même sérieuse­
ment aux Babyloniens la connaissance des phases de Vénus et des
lunes de Jupiter, et « leurs computs des mouvements des astres
remontent à l’époque où le soleil se trouvait, à l’équinoxe du prin­
temps, dans la constellation des Jumeaux », c’est-à-dire au G' ou
au 3® millénaire. Winckler déduit naïvement la fondation de la nou­
velle capitale Babylone, qu’il place à l’époque de Sarrukîn, du
déplacement du point équinoxial des Jumeaux dans le Taureau, qui
a ouvert une nouvelle période. 11 applique la même méthode au
calendrier, cf. KAT^y p. 328, où il méconnaît totalement les faits et
les remplace par un tableau fantaisiste (cf. § 323 note). Il traite de
même naturellement les mythes et la religion. Il est complètement
indifférent aux défenseurs de ces doctrines, que les données des
monuments et l’état de la civilisation concordent ou non avec elles,
en Sinéar aussi bien que chez les Sémites, et chez les Grecs, par
exemple, auxquels ils imposent ces conceptions. En réalité celte
sagesse mystique n’a pas plus d’importance scientifique que la révé­
lation primitive de toute mesure mondiale dans les grandes pyra­
mides, enseignée en son temps par Piazzi Smith et qui a encore au­
jourd’hui des adeptes. Voir le tableau et la critique de ces fantaisies
parKugler, A u f d. Trûmmern d. PanbabyL, dans Antkropos, IV, 1909,
et Im Bannkreise Babels, 1910. L’élude scientifique de l’astronomie
RELIGION ET LITTÉRATURE — § 427 277

babylonienne a été entreprise, après les travaux préparatoires d’Ep-


ping, par Fr. X. Kugler, Sternkunde u. Sterndienst in Babel, I, 190.7;
n , 1909 et suiv., dont les résultats sont admirablement complétés
par ceux auxquels est arrivé Boll dans ses études sur l’astronomie
grecque, Fr. Boll, Sphaera, 1903; cf. Die Erforschung d. anliken
Asfrol., Neue Jahrh.^ 1908, p. 124, où il dit avec raison : « la « con­
ception orientale du monde » est la fille de l’astrologie grecque en
ce qu’elle a d’historique et non uniquement de fantaisie moderne »;
puis Bezold, Astronomie, Himmelschau, und Astrallehre bei d. Babyl.,
Ber. Heidelberg Akad., 1911. Parmi les anciens travaux, ceux de
Letronne, rectifiés en quelques points par Boll, qui se fondent sur
les représentations égyptiennes du zodiaque, ont une importance
capitale: voir surloul Analyse critique des représentai, zodiac, de
Dende.ra et d'Esne, 1843, Mém. Ac. Inscr., XVI, 2. Zimmern, comme
toujours, porte des jugements réfléchis sur toutes les questions qui
se rapportent à ces études, A'AP, surtout pp. 613 et suiv., 627 et
suiv., en opposition tranchée à la partie de cet ouvrage traitée par
Winckler. La forme postérieure des doctrines astrologiques chal-
déennes est présentée superficiellement et sans doute juste dans
le fond par Diodore, II, 29 et suiv. ; cf. aussi Strabon, XVI, 1, 6,
Pline, VI, 123, Vitruve, IX, 2, 1; 6, 2, et Hérodote, II, 109. — Les
représentations astrales et les symboles figurés principalement sur
les cylindres seront bientôt traités d’une façon complète par H. Prinz,
en les rapprochant des images semblables figurées sur les autres
monuments de l’Asie antérieure ou de l’Égypte. Les figures des
kudurrus sont condensées et analysées par Hinke, A ne2v boundary
Stone of Nebuchadnezar, I, 1907 {Bab. Exp., Ser. D, 4) avec de nom­
breuses illustrations (cf. Frank, ZA, XXII, p. 103 et suiv.; Zimmern,
ibid., XXV, p. 196 et suiv.). Un grand nombre de ces monuments
emmenés à Suse sont publiés dans les Mémoires de la Délégation
en Perse, ceux du Musée Britannique par King, Babylon. Boundary
stones, 1912. Comme Boll, Hinke repousse de façon décisive les
hypothèses de Hommel, entre autres [Aufsàtze u. Abhandl.) celle
qui cherche le zodiaque sur ces bornes. (H est douteux que les
figures sur le cylindre hittite (?) de üézer, étudié par Hinke, p. 321,
aient quelque rapport avec les constellations.) Le nombre et la na­
ture des symboles varient partout, ce qui montre que l’on ne peut
pas parler d’une représentation du zodiaque, mais seulement de
278 LE ROYAUME DE SUMER ET D AKKAD

constellations particulières qui sont en partie entrées plus tard


dans le zodiaque. D’après les indications des textes mêmes, il
s’agit bien plutôt d’images divines, ce que l’analyse a tout à fait
confirmé : 20 de ces figures sont maintenant à peu près ou tout à
fait identifiées par les inscriptions (p. 96, 2). Frank et Zimmern
avaient déjà reconnu que le scorpion appartient à Ishara, K. Frank,
Bilder u. Symbole bahyl.-assyr. Goetter, mit Beitrag von. H. Zim­
mern, Ueher die Symbole d. Nazimaruttas-Kudurru, Leipz. Semit.
Stud.y II, 1906; ce que confirme maintenant le kudurru publié par
Scheil, Dêlég. en Perse, X, pl. 13, 2. — Le sagittaire comme homme
et scorpion, Hinke, p. 131 (King, p. xci, Nabôkudurriusur 1) etp . 232
(Melisipak, King, pl. XIX-XXII); comme centaure, ibid.^ p. 76 (Suse
U® 4, époque cassite) et p. 98 (Melisipak, King, pl. XXIX), puis
sur une empreinte de cylindre de l’époque cassite dans Clay, Bab.
Exped., XIV, pl. XV, 6 et pl. 15. Sur cette figure, le scorpion et le
« poisson-chèvre » == bélier, voir aussi iioll, Sphaera, p. 188 et suiv.
— L’apparition d’Istar tantôt comme étoile du malin, tantôt comme
étoile du soir, a créé maintes fantaisies chez les Babyloniens : ainsi
elle serait pour eux mâle et barbue comme étoile du matin (Zim­
mern, KAT'^^ p. 431). — Les « 7 planètes » sont tout à fait étran­
gères au langage courant; on ne connaît que les « 3 planètes », de
même Diodore, II, 3 et Bérose, frag. 1, 6; Kugler, p. 213 et suiv., a
montré que l’opinion avancée par Hommel et Winckler n’est pas
soutenable, à savoir que les noms des planètes auraient dans l’ancien
temps désigné d’autres planètes que plus tard. Parmi les étoiles
fixes, Betelgeuse dans la constellation d’Orion [Kak-si-di ou l’étoile
rnesrê, cf. Kugler, p. 326 et suiv.) ressort particulièrement; elle est
en relation avec Ninib ; puis Sirius, kakkab yasti, « l’étoile de l’arc »,
îbid.y p. 239 et suiv.

428. Le ministère du culte est dans les mains d’un nombreux


clergé, divisé en plusieurs classes : devins, bàrû, qui recueil­
lent les oracles et expliquent les signes du foie et autres omina ;
prêtres exorcistes, asipu ou maàmam, contre les maladies et
les démons, qui accomplissent les cérémonies d’expiation ;
chanteurs d’hymnes du culte, zammeru. Ils ménagent les rap­
ports de l’homme avec la divinité, lui donnent des instructions
RELIGION ET LITTÉRATURE — S 428

pour sa conduite et récitent pour lui, au cours des cérémonies


prescrites, les textes religieux qu’il emploie pour ses fins. Ils
sont avant tout indispensables au roi que les textes visent en
premier lieu, car de son sort dépendent ceux du royaume et du
peuple. Souvent nous trouvons une conception morale élevée,
la conscience que la divinité ne se met point en colère inuti­
lement, si elle éprouve l’homme de ses coups violents. C’est
pourquoi les confessions de péché sont très fréquentes, ainsi
que l’assurance de n’avoir commis aucun délit et de n’avoir
violé aucun devoir envers le prochain. Ainsi l’état moral de la
communauté se reflète dans ces textes, on entrevoit même le
postulat éthique, sans doute encore vague, mais admis comme
axiome et principe de pensée et d’action, que la divinité est liée
à la loi morale et ne peut commettre aucune injustice. Assu­
rément on ne doit pas exagérer l’importance de ces « psaumes
pénitentiels » : ils ont toujours pour but de regagner la grâce
divine par la contrition et l’humilité, comme on le ferait devant
le roi en colère ; on suppose donc que la divinité est dans son
droit. Aussi iraplore-t-on souvent à côté de divinités détermi­
nées « le dieu, ou la déesse, que je ne connais pas, de retour­
ner à sa place », c’est-à-diré de laisser passer son courroux, et
on.leur demande pardon « pour les péchés inconnus ». Ces
formules n ’expriment pas le sentiment du penchant arrêté de
l’homme pour le péché ; mais on concède uniquement que
le dieu aura un motif suffisant, bien qu’inconnu, d’être en
colère. Ces prières ne forment qu'une partie, et non vraiment
la plus importante, du rituel des incantations et des purifica­
tions, qui s’emploient en toute occasion, par exemple après
une maladie, où l’on offre un sacrifice en purifiant la maison
et l’on place de petites figures divines. Plusieurs textes doivent
leur origine à des événements historiques précis, ainsi un
malheur qui a atteint Nippur ou Babylone (comme l’attaque des
Élaniites), et ont été composés spécialement d’après ces faits.
Il y aurait lieu de rechercher si nous pouvons reconnaître ici
une évolution des idées religieuses. Dans plusieurs hymnes
280 LE ROYAUME DE SUMER ET D AKKAD

la conscience de la toute-puissance de la divinité, comme de


l’inanité de toute action humaine, est extrêmement forte; elle
se manifeste déjà dans les vieux mythes d’Adapa, Etana, Gil-
games, où s’exprime la puissance invincible de la mort (§ 375).
De profondes idées religieuses se font sentir dans un texte, qui
ne peut avoir acquis sa forme actuelle avant la première
dynastie, mais qui doit remontera une composition antérieure :
Marduk de Babylone et son temple Esagil y sont partout au
premier plan, c’est lui qui accorde la guérison. C'est le récit
d’un bourgeois de Nippur, Tâbi-utul-Ellil qui a en toute cons­
cience rempli ses devoirs envers le roi et les dieux, mais que
les plus lourdes peines ont cependant atteint : une maladie
horrible qui le rend semblable au plus humble esclave et le
précipite dans la misère, de sorte que les lamentations funè­
bres retentissent sur lui avant qu’il soit mort. Aucun devin ni
exorciste n’a pu découvrir la cause de son destin ni le guérir,
jusqu'au jour où Marduk a eu pitié de lui et lui a rendu par un
miracle son ancienne force et sa puissance. Ici la souffrance
qui atteint l’innocent apparaît comme une épreuve ordonnée
par le dieu; il doit s’y soumettre et attendre l’intervention de
la miséricorde divine. En môme temps la conscience de l'abîme
qui sépare Faction divine et la conduite morale de l’homme
commence à se faire jour.
Sur les classes de prêtres, cf. Zimmern, lieiir. ztir babyl. Itellg.
Sur les « psaumes pénitenliels », Jastrow, Religion, II, e lJ . Morgen­
stern, The doctrine of sin in Uhe Bab. Relig. [Miitheil. d. Vorderas.
Gesell.), 1905; Schrank, Priester u. Büsser in babyl. Sùhnriien
{Leipz. Semif. Slud.), 1907. — Tâbi-utul-Ellil : Jastrow, Babyl.
Relig., II, pp. 120 et suiv. et A Rabylonian parallel to ihe siory of
Job {Journ. of Bibl. Liler., XXV, 1906); cf. ZA, XX, p. 191 et suiv.;
Fr. Martin, Le juste souffrant babylonien, J. Asiat., 1910, I, p. 75 et
suiv., qui prouve aussi que le héros de l’histoire n’est pas du tout
un roi ; le même nom se trouve, en effet, dans la liste d’anciens
noms royaux, V R 44, 2, 17.

429. Parmi les autres productions littéraires, les premières


RELIGION ET LITTÉRATURE — S 429

collections grammaticales et lexicographiques, où le sumérien


et le sémitique sont Tun à côté de Tautre et d’où sont sortis
les innombrables « syllabaires » de la bibliothèque d’Aèsur-
bùniapal, remontent sans doute à l’époque où les deux langues
étaient employées côte à côte dans l'usage courant. D’autres
recueils du môme genre ont pu s’y joindre, ainsi des listes de
noms de lieux et de peuples, de dieux et de leurs épithètes
par exemple. Les listes de noms d’années et les chroniques
appartiennent aux mômes séries. Ces écrits étaient indispen­
sables pour les besoins pratiques; mais ils servaient avant tout
aux écoles de scribes dans les temples, où se pressait la nou­
velle génération de prôtres et de fonctionnaires. Les scribes
professionnels, qui rédigeaient les documents privés, ont aussi
appris leur art dans ces écoles. Ils ne pouvaient certainement
exercer leur profession que s’ils étaient reconnus par l'Etat.
On trouve encore des exemples pour l'étude du calcul et de
l’arpentage; beaucoup d'autres textes enfin, comme des récits
de légendes, ont été sans doute composés primitivement dans
un but scolaire.

Le calcul babylonien repose partout sur le système sexagésimal;


le chiffre 60 et ses plus hautes puissances sont toujours écrites
avec le signe 1. Un texte d’arithmétique étudié par Hilprecht, Bab.
E x p ., XX, 1, p. 11 et suiv., opère avec la 4* puissance = 12.900.000.
Si Platon pense à ce nombre, comme c’est peut-être le cas, dans la
spéculation mystique, Républ., VIll, 546, il ne s'en suit pcTS natu­
rellement le moins du monde que la philosophie grecque ait été
influencée par la Babylonie, bien que le nombre même, comme
nombre mystique, ait pu pénétrer de là en Grèce.
VI

ÉLAMITES ET AMÔRRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

Extension de la civilisation babylonienne.


Les tribus montaynardes.

430. Nous avons déjà vu comment, sous l’influence de l’ac­


tion conabinée que créent les contacts incessants de la paix et
de la guerre avec les peuples voisins, la civilisation de Sinéar
rayonne de tous côtés et lance de vigoureuses racines dans les
steppes de Mésopotamie comme dans la Syrie du Nord, chez les
tribus le long du Tigre et dans les montagnes orientales, mais
surtout dans l’Elam ; elle exerce môme un puissant attrait sur
les tribus du désert. Pour tous ces territoires, le pays bas à
l’embouchure des fleuves forme le centre civilisé et politique.
Sous Lugalzaggini, Sarrukîn et ses successeurs, sous les rois
d’Ur, ils subirent la domination complète ou partielle de cette
contrée. Mais d’un autre côté les tribus et les Etats vassaux
ont toujours la tendance à se rendre indépendants; et chaque
succès conduit à la tentative de renverser l’ordre établi, d’ob­
tenir pour soi-môme le pouvoir. Le riche butin qu’on en rap­
porte attire toujours; et si l’on ne peut atteindre à une sou­
mission durable du pays, du moins saccage-t-on les villes et
emporte-t-on leurs trésors. Les Elamites surtout, et plus tard
les Assyriens, opèrent ainsi, car ils possédaient un empire
puissant et un Etat qui avait son organisation indépendante ;
ils ne pouvaient donc avoir la pmsée d’émigrer. Mais les
EXTENSION DE LA CIVILISATION BABYLONIENNE — § 431 283

bédouins du désert par contre et les tribus montagnardes


tentent de s’établir, quand ils le peuvent, dans le pays fertile.
Nous reconnaissons toujours l’influence profonde et durable
que la culture de Sinéar a faite sur tous ces peuples. On ne
s’approprie pas seulement ses conquêtes matérielles, telle
l’écriture, mais lorsqu’on pille ses villes et ses temples, on
éprouve pourtant le sentiment qu’ils représentent quelque
chose de plus élevé que ce que l’on possède chez soi. Les
grands dieux qui y habitent, et qui les ont comblés de tous les
biens de ce monde, peuvent se détourner d’eux un jour de
colère et les livrer à leurs ennemis ; toutefois, ces dieux
restent par cela môme des puissances que les vainqueurs
reconnaissent et respectent. C’est pourquoi le culte des dieux
de Sinéar se répand chez toutes les tribus voisines. A leur
suite pénètrent les représentations religieuses, qui influencent
les conceptions et les cultes du pays dont les dieux sont sou­
vent immédiatement identifiés avec ceux de Sinéar ou direc­
tement supplantés par eux.

431. Quelques monuments isolés, appartenant à l’époque


du royaume de Sumer et d’Akkad, donnent un tableau ins­
tructif de l’extension de la civilisation de Sinéar dans les
montagnes de l’Orient. Sur une paroi rocheuse près de Seripul,
le long d’un affluent de la Diâla (Gyndes) dans les contreforts
de la chaîne du Zagros, se trouve un relief soigneusement
exécuté : il représente Anubanini, le roi des Lulubi (§ 395),
auquel la déesse Istar a accordé la victoire sur l’ennemi voisin.
Le style du relief montre nettement l’influence de l’art akka­
dien. Le roi porte la barbe pleine, la moustache, mais la cheve­
lure est coupée ras et couverte du bonnet royal sumérien. Il
est vêtu d’une robe bariolée et de sandales comme Narâm-Sin ;
il porte aussi des anneaux comme lui ; la droite tient un bâton
recourbé et la gauche peut-être un arc. Il place son pied sur
un ennemi étendu sur le sol ; Istar lui en amène un autre,
dont les lèvres sont traversées par un lien. Trois fleurs de
284 ÉLAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

pavot sortent de chaque épaule de la déesse, comme c’est le


cas ordinairement pour Nisaba (§ 373) ; elle porte une haute
couronne et dans la droite une hampe surmontée de son sym­
bole, le disque étoilé (§ 371). Elle est vêtue, comme toutes les
déesses de cette époque, du châle sémitique drapé autour du
corps. Sept autres prisonniers suivent; tous les ennemis sont
représentés nus suivant la mode sumérienne ; ils portent la
barbe comme le roi, ont les cheveux coupés ras et sont coif­
fés du bonnet; un seul porte de longs cheveux et une coiffure
cylindrique cannelée, qu'on retrouve plus tard chez les Perses.
L’inscription sémitique mentionne les dieux Anu et son
épouse Antu, Ellil et Ninlil, Adad et Istar, Sin et èamas ; les
autres noms sont détruits. On voit que ces adversaires achar­
nés de Narâm-Sin et de Dungi ont adopté leur panthéon tout
entier.
Dans le voisinage, près de Schèhhân, une sculpture rupestre
beaucoup plus grossière, avec une inscription sémitique pres-
qu’entièrement détruite, montre un autre vainqueur, un guer­
rier puissant avec l’arc et le carquois, qui marche sur un ennemi
abattu, tandis qu’un autre ennemi demande grâce à genoux.
Ce relief se distingue de celui d’Anubanini en ce que le roi et
les ennemis sont sans barbe et que le souverain ne porte
qu’un court vêtement autour des reins; ils ont tous le bonnet.
Peut-être y a-t-il là une influence sumérienne ; mais de tout
cela ressort clairement la confusion des tribus (bien que sémi-
lisécs) de la montagne et la diversité de leurs coutumes.

Les deux sculptures dans de Morgan, Mission scientifique en


Perse^ IV, 1, p. 161 et pl. X (auparavant Scheil, Recueil de Trav.y
XIV, p. 103; Berger, Rev. d'Assyr., II, p. 113); cf. Meyer, Surti. u.
Sem., p. 24 et suiv. — Les inscriptions dans Thureau-Dangin,
S A K I, p. 172.
§ 432

Élam.

432. L’Élam qui est constamment intervenu dans l’histoire


de Sinéar, subit un développement semblable à celui que nous
venons de voir. La dynastie d’Ebarli et de son fils Silbaba y
règne maintenant (§ 416). Leurs descendants citent Sirukdub,
qui appartient probablement à la deuxième moitié de la dynas­
tie d’Ur. Nous n’avons aucune inscription ni de ce roi ni de
ses successeurs immédiats, mais seulement de Temtiagun, qui
s’appelle « fils (c’esl-à-dire descendant) de la sœur de Siruk­
dub » et porte le titre de « ministre (sukkal) de Suse ». Il a
construit à Suse un temple de briques « pour la vie de Kulir-
nalmndi (et de plusieurs autres personnes, peut-être des frères
ou des fonctionnaires de ce dernier) et pour sa vie propre ».
Donc Kutirnahundi paraît avoir été son suzerain. Son nom
purement élamite, constitué avec le nom du dieu Nahundi,
revient souvent plus tard. De plus Assurbâniapal raconte
qu’après la conquête de Suse, vers 645, il rendit à la déesse
Nanaia d’Uruk sa statue, qui avait été emmenée 1635 années
auparavant par l’élamitc Ivudurnahundi « lorsque ce roi sac­
cagea les temples du pays d’Akkad ». Akkad désigne dans
ce texte tout Sinéar suivant l’ancien usage. Si la date est
certaine, l’expédition du roi élamite tombe en 2280, précisé­
ment à l’époque où le royaume d’Isin se désagrège et où le
royaume de Larsa prend sa place (§ 417). Le temple de Nip-
pur a peut-être été aussi ravagé alors par les Élamites. Kutir-
nabundi a probablement régné sur un plus grand royaume
dont le centre était dans les montagnes, peut-être le pays qui
s’appelle plus tard lamulbal (§ 440). Les souverains de Suse
étaient alors ses vassaux. Les expéditions militaires des Ela-
inites, comme il advint plus lard, seront le fait des tribus
guerrières de la montagne beaucoup plus que des habitants
ELAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

industrieux et à moitié Sémites de Susc et du pays bas. Les


noms Ansan et Ilatamti (§ 363), qui n’apparaissent jamais dans
les inscriptions susicnnes de cette époque, appartiennent peut-
être précisément à ces tribus, qui plus tard, au deuxième
millénaire, ont occupé Suse elle-même et rendu de nouveau la
première place à la langue nationale.

Inscription de Temliagun : DéUg. en Perse, VI, p. 23 (==Thureau-


Dangin, SAKI, p. 184), 23. Scheil a raison de la placer avant les
souverains mentionnés au § 432 a, à cause de son lien avec Sirukdul).
— Renseignement d’Assurbâniapal : Cylindre Rassam (V R 1 et
suiv.), col. G, 107 et les parallèles [une fois une erreur : 1335 années],
surtout III R, 38, 1; KR, II, p. 208. Le texte III R, 38, 2 se rap­
porte par contre à Kudurnahundi II, vers 1160. Autrefois on a mis
l’invasion de Kutirnahundi en relation directe avec Kudurmabuk et
Kedorla'omer (§ 440 et suiv.), mais cela n’est pas justifié.

432 a. Cette situation a dû se prolonger sous les rois suivants


de la même dynastie. Le premier que nous connaissions, Kuk-
kirmas, se nomme « grand ministre, ministre d’Elam (Nimma),
Simas et Suse » et en même temps, comme tous ses succes­
seurs, « fils (c’est-à-dire descendant) de la lille de Silbaba ». Il
est très difficile d’expliquer cette insistance à noter la descen­
dance par rapport à la fille de l’ancêtre ; nous l’avons déjà
signalée chez Temtiagun. Il ne s’agit pas de succession matriar­
cale, comme l’auteur l’admettait auparavant (1), car les sou­
verains qui portent également ce titre embrassent plusieurs
générations. Le suzerain dont Kukkirraas est « ministre » doit
avoir été un descendant de Kutirnahuiiti. L’extension de sa
puissance ést attestée par l’inscription dédicatoire d’un dynaste
de Dêr, la grande ville frontière mentionnée dans la guerre
de Sarrukîn contre l’Elam (§ 398); cette ville a acquis pendant
quelque temps une position très indépendante lors de la chute
du royaume de Sumer et d’Akkad. Son roi Anumutabil, « le

(1) Biffer donc le renseignement donné, trad. fr., vol. I, p. 24.


ÉLAM — § AS'l a 287

héros puissant, commandant (sakkanakku) de Dôr », se vante


d’avoir brisé la tète des troupes d’Ansan, Elam et Simas et
d’avoir vaincu Barahsu (pays frontière, § 399), ce qui serait
une victoire non seulement sur les princes de Susc, mais aussi
sur les autres souverains d’Elam (Ansan).
Il y a corrélation entre cette donnée et le fait que le souve­
rain qui suit immédiatement ne porte plus le titre de ministre,
mais se nomme « berger des troupes de Suse » ou « berger
de Susinak ». Mais il n’était pas indépendant; bien plus une
tablette de Suse, scellée par son serviteur Adadrabi, fils de
Rîm-Adad, est datée de « l’année où Sumuabi.... » ; les noms
propres de ce texte montrent en outre l’importance de l'élément
sémitique. Sumuabu est, en effet, le fondateur du royaume de
Babylone; mais la date ne peut qu’appartenir au royaume
d’Isin, ou à celui de Larsa (?), et doit se rapporter à des combats
contre les dynastes babyloniens. D’où il suit qu’Addapaksu a
régné vers 2220 et a reconnu la suzeraineté de Sinéar. Nous
retrouvons de nouveau chez les rois suivants, ïemtihalki et
Kuknasur, le titre « grand ministre, ministre d’Élam, seigneur
de Simas et Suse, fils (c’est-à-dire descendant) de la fille de
Silhaba ». Kuknasur appartient déjà à l’époque d’Ammisaduga
de Babylone (1977) dont il est devenu le vassal (§ 448). Mais
entre temps les souverains élamites sont intervenus encore
souvent et avec succès dans les affaires de Sinéar (§ 440 et suiv.).

Inscriptions de Suse, Thureau-Dangin, SAKI, p. 182 et suiv., de


Dêr, p. 176. Date d’Addapaksu : Délég. en Perse, X [Textes élam. sém.,
IV), p. 18, dont l’explication de Scheil est combattue à tort par
Ungnad, Unters. z. d. Urk. ans Dilbat [Beitr. z, Assyr., VI), p. 2 et
suiv.; nous ne devons pas nous attarder à des considérations chro­
nologiques vu les grandes lacunes de nos matériaux. La date citée
§ 416 note, montre aussi que l’Élam reconnaissait l’autorité des rois
de Sinéar (Larsa?). — Temtihalki est aussi nommé dans l’inscrip­
tion d’un roi beaucoup plus récent, Délég. en Perse, Il [Textes élam,
sém., I), p. 120, qui a réédifié sa construction, de même que Silhak-
Susinak (§ 416 note). — Date de Kuknasur : Ungnad, ibid., p. 3.
200 ELAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

— Il est dilUcile de déduire de nos sources le rapport existant entre


les dynastes de Suse et les autres souverains de l’Élam ; il est très
possible qu’ils ont cherché appui et protection chez les souverains
de Sinéar contre les tribus sauvages de la montagne. — Sur les
sources de la liste des souverains, cf. § 416 note (continuation de la
liste § 462).
Souoerains de Suse.
Le plus ancien patési? {Del. Perse, VI, 1, § 416 note).
Simbi?-ishuq.
Baèasusinak.
Dynastie de JJuirantepli.
Idaddu, descendant de Hutrantepti = Idadususinak, fils de Bêbi?
Danruhuratir, fils de Idaddu.
Kindadu, fils de Danruhuratir = Idadu 11?

Patésis sous Dunyi, § 414 note.

Dynastie d'Ebarli et de Silhalia.


Ebarti.
Silhalja, son fils.
Sirukdulj, son descendant.
Sime-balar-huppak, son descendant.
Teiiitiagun, fils de la fille de Sirukdub, vers 2280.
Kukkirmas, fils de Lankuku, descendant de la fille de Silhafia.
Addapaksu, descend, de la fille de Silhaha, vers 2220.
Temtihalki, descend, de la fille de Silhafia.
Kuknasur, fils de Dan-uli, descend, de la fille de Silbaba, vers 1977.

La Mésopotamie. Débuts des Assyriens. Cappadoce.

433. Les vastes steppes de l'Euphrate et du Tigre, le pays


Subartu (§ 393), étaient occupées par des populations appa­
rentées à celles d’Asie Mineure, Milanni, Hittites.' La civilisa­
tion et la langue akkadiennes s’y sont propagées, poussées sans
LA MÉSOF’OTAMIE. DÉBUTS DES ASSYRIENS. CAPPADOCE — § 433 289

doute par des élémenls sémitiques qui ont pénétré ici aussi
dans les colonies parliculières et doivent avoir déjà acquis l’hé­
gémonie. Nous n’avons que des données isolées sur plusieurs
des petits Etats qui y vivaient, tantôt complètement indépen­
dants, tantôt sujets des rois de Sinéar. La principauté de Hana
sur l’Euphrate, au-dessous du confluent avec le llabûr, était
particulièrement importante ; dans la capitale Tirqa la société
et l'État s’étaient organisés comme dans les villes de Sinéar.
Nous en avons la preuve dans divers actes commerciaux
que cette cité nous a laissés. Les noms de rois appartiennent
en partie à l’ancienne population, mais les noms des particu­
liers sont surtout des Sémites de l’Ouest, les dieux principaux
le dieu-soleil, àamas, et Dagan qui se rencontre à Aséur ainsi
que dans la dynastie d’Isin.
l.larrân (Charrae) sur le cours supérieur du Balih est sans doute
une très ancienne colonie de Sémites ; nous ne possédons encore
aucun document de cette ville. Le dieu-lune, qui y a un grand
sanctuaire et doit appartenir primitivement à la population de
l’Asie Mineure (§ 483), porte le nom de Sin comme en Sinéar.
Dans le territoire du Tigre on trouve sur V 'Adôm (Physkos)
la principauté de Ilursitu, état vassal sous Dungi (§ 414) ; plus
tard un roi Puhia, fils d’Asiru, y construisit un palais, dont
nous possédons des briques. Il faut chercher sans doute plus
au nord, près de Kerkûk, les principautés de Ganhar (roi Kisàri)
et Malgù (roi Ibiq-I§tar), dont subsistent quelques monuments.
Une tablette de cuivre du roi Arisen, du milieu du troisième
millénaire, nous fait connaîlre sa principauté « de Urkis et
Nawar »; c’est une dédicace à Nergal, qui doit avoir été trouvée
à Samarra sur le Tigre. Le nom Ari-sen suit la formation
caractéristique des noms mitanniens; on trouve souvent des
noms semblables en Babylonie depuis l’époque du royaume de
Sumer et d’Akkad. De môme quelques divinités de celte popu­
lation septentrionale, comme la déesse Ishara, figurée sous les
traits d’un scorpion (§ 427), sont adoptées de bonne heure dans
le panthéon de Sinéar.
290 ELAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

Royaume de Hana (le nom est identique à Hanigalbat, § 465) ; sa


capitale est Tirqa dans les documents et le roi assyrien Sam§i-Adad
(§ 464) y construisit un temple à Dagan : Condamin, XXI, p. 247
et les remarques de Bezold, p. 251. La pierre provient de Tell
'Isâr, près de Salhiye, au sud du confluent du Habûr. C’est un grand
tell, d’après les communications de Herzfeld, dont l’Euphrate
emporte un des côtés, avec de nombreux restes qui remontent à
l’époque préhistorique et à l’époque archaïque de Sinéar. On a trouvé
d’autres tablettes de Hana dans celte contrée, ce qui confirme sa
position (cf. aussi § 454, 464). On connaît jusqu’à maintenant : un
contrat de Tirqa, de l’année où le roi Isarlim, fils de Ibi-Marduk, a
construit la grande porte du palais de la ville Kasdah, avec un grand
nombre de noms propres, Thureau-Dangin, Rev. IV, p. 85 ;
une vente d’un terrain à Tirqa, avec serment par les dieux Samaè,
Dagan, Idurmer et le roi Kaètilias, de « l’année où le roi KaStilias
fixa le droit » (cf. § 421) : Thureau-Dangin, J. Asîat., 1909, II, p. 149
et suiv ; cf. Sayce, PSRA, XXXIV, p. 52. Mais comment ce nom
cassite de roi apparaît-il i c i ? — Une donation d’un terrain par le
roi Ammibail, fils de Sunu’rammu, avec serment par les mêmes
dieux et par le roi, de l’année de son avènement : Ungnad, ÜJ'k. aus
Dilbat {RA, VI), p. 2 6 et suiv. — Contrat de « l’année où le roi Ham-
murapih ouvrit le canal Ijlabur-ibal-bugas » donc un canal du Rabùr :
Johns, XXIX, p. 177; Thureau-Dangin conteste l’identité de ce roi
avec le roi de Babylone. Pierre noire de Tukultimêr, roi de IJana,
fils de Ilusaba, Pinches, Trans. SBA^ VIII, p. 352. — Ilursitu : ins­
cription sémitique sur brique de Puhia, Scheil, Recueil de Trav., XVI,
p. 189; XIX, p. 61; Vorderas. Schri/tdenk. d. Rerl'in. Mus.., I, 115;
Thureau-Dangin, 5.4AY, p. 172. — Ganhar : § 414 note. — Inscrip­
tion de Malgù, Vorderas. Schriftdenk., I, 32; là aussi des tablettes
de Kerkùk. — Inscription d’Arisen ; Thureau-Dangin, Rev. d’Assyr..,
IX, p. 1 et suiv. Là aussi des noms Mitanni dans les tablettes de
Dréhem; de même de la première dynastie : Ungnad, Urk. aus Dilbat
[RA.., VI, 5), p. 8 et suiv. ; cf. § 454 note. — Ishara est souvent citée
en Babylonie ; sur les kudurrus son symbole est le scorpion (§ 427).
Il est surprenant qu’elle se trouve aussi parmi les dieux mentionnés
dans l’inscription élamile de Narâm-Sin à Suse (§ 402 note) sous la
forme Ashara. Mais elle est une déesse hittite à l’origine : traité avec
Ramsès II, ligne 30 (W. M. Müller, dans Milih. d. Vorderas. Gesell.,
LA MÉSOPOTAMIE. DÉBUTS DES ASSYRIENS. CAPPADOCE — § 433 a 291

1902, 3, p. 19. 39; cf. §481) : son nom est écrit ’s-hr. ; Sayce l ’a
reconnu le premier; de plus sur le cylindre de Indilimma, « servi­
teur de Ishara », Sayce, Recueil de Trav.^ XV, p. 28; Messerschmidl,
Corpus inscr. hetit. {Mitth. Vorderas. Ges,, 1900), pl. 45, 8, et dans
les textes de Boghaz-Keui (Winckler, OLZ, 1906).

433 a. Le royaume assyrien, qui à plus tard de beaucoup


dépassé tous ces petits Etats, a la môme origine. Il est sorti de
la ville d’Assur, fondée sur une hauteur surgissant au milieu
du désert sur la rive occidentale de la rivière ; la colline est
abrupte au Nord et fait face au pays situé* entre les deux
Zab. AsSur fut à l'origine habitée par une population de l’Asie
Mineure. Car les deux noms de souverains qui nous sont
donnés comme les plus anciens appartiennent à cette popu­
lation : Auspia (Uspia), le premier constructeur du temple
d’Aééur, et Kikia, le premier constructeur des murs de la ville.
Ces noms confirment l’observation anthropologique, que le
type physique des Assyriens atteste un mélange d’éléments
asianiques — arméniens et sémitiques. Si plus tard Aséur-
ahiddin nomme comme fondateur du royaume et son ancêtre
le plus ancien Ellilbâni, fils d’Adasi, la tradition paraît avoir
conservé en lui le nom du plus ancien souverain sémitique
d’Aèèur. Mais ce changement s’est accompli sans brusque rup­
ture, ici comme ailleurs, car les rois sémites ont respecté le
souvenir de leurs prédécesseurs étrangers à leur race. Les
Sémites, de même que plus tard les Araméens et les Arabes à
l’époque hellénistique et romaine, s’établissent dans les loca­
lités comme marchands et agriculteurs ou y arrivent comme
mercenaires. Leurs chefs doivent être souvent montés sur le
trône par mariage ou par héritage, comme les'rois aux noms
sémitiques dans les dynasties d’Ür et d’Isin, et auparavant les
rois sémitiques de Kis.
Au reste, les débuts des Assyriens se perdent encore dans la
plus grande obscurité, malgré les riches résultats des fouilles
systématiques allemandes d’Aësur. Le nom de la ville est iden-
ti9 2 JiLAMlTES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE RABYLONE

tique à celui du peuple et du dieu. A l’époque archaïque le


nom du dieu est écrit Asir (Asir); Assur paraît être une alté­
ration de la prononciation. Son nom, comme celui du peuple,
ne paraît pas avoir une origine sémitique; cependant il peut
être en relation avec le nom du pays Aser en Palestine (d’où
est sortie plus tard une tribu sémitique) et avec le pieu sacré
Asera (Asrat) et la divinité des Amorrites qui s’y incorpore.
Les Sémites, qui ont si complètement supplanté l’ancienne
population à Assur qu’on ne trouve plus trace dans la suite
ni de sa langue ni de ses noms, doivent être étroitement
apparentés avec les tribus de Palestine et de Syrie et avec
les autres tribus sémitiques de Mésopotamie (cf. § 395). A
côté d’Assur et d’une grande déesse désignée sous le nom
d’Islar, ces populations honorent surtout le couple divin étroi­
tement uni Anu et Adad (Hadad) ; ce dernier est le dieu amor-
rite de l’orage et Anu est le seigneur sémitique du ciel (§ 348),
qui a conservé ici comme en Akkad le nom du dieu sumérien
du ciel. Dagan aussi est un dieu assyrien. Elles adoptèrent le
dieu sumérien Ellil qui est souvent désigné simplement comme
Hôl « le seigneur». Avec la civilisation de Sinéar, le panthéon
s’imposa à la religion officielle. Gomme pour les dieux babylo­
niens, on construit à Aèsur, dans le sanctuaire d’Ellil, une
pyramide de briques en forme de tour, qui porte le nom sumé­
rien d’Eharsagkurkurra « maison de la montagne des pays ».
Le plan du plus ancien temple concorde tout à fait avec le plan
babylonien et offre également une large cella, non une salle
longue comme les temples assyriens postérieurs. Il est plus
significatif encore qu’à Assur on ne construisit que des bati­
ments de briques, jusqu’au commencement du premier millé­
naire, bien qu’il fût plus facile de s’y procurer des pierres qu’en
Sinéar.

V. Luschan a montré depuis longtemps que le type des Assyriens


dans leurs sculptures n’est pas purement sémitique, mais présente
comme le type juif, en particulier dans le nez, une influence asia-
LA MÉSOPOTAMIK. DÉBUTS DES ASSYRIENS. CAPPADOCE — § 434 293

nique-arménienne; celte opinion esl confirmée par Ungnad, qui a


prouvé que les plus anciens noms de rois sont des noms « Mitanni »
{Uniers. z. d. Urk. dus Dilbat {HA, VI, 5), p. 13. — Ellilbâni, fils
d’Adasi : Sinilh, Aeg. Zeits., 1809, p. 93; cf. Bezold, Bnb.-ass. Liler.,
p. 107 n.; Slèle d'Assuraljiddin de Zendjirli, rev. l. 18. — Différence
entre les temples assyriens et babyloniens, Andrae, Der Anu-Adad-
Tempel hi p. 83 et suiv., MDOG, 43, 43 ; 44, 42 sur le plus
ancien temple d’Assur.

434. Les plus anciens souverains d’Assur, et peut-être déjà


leurs prédécesseurs, ont sans doute été des vassaux des rois de
Sumer et d’Akkad, bien qu’ils ne soient pas encore menlionnés
h cette époque. Plusieurs siècles après, ils portent encore le titre
de patési (assyr. issakku). On trouve aussi, souvent sans aucune
règle, le titre royal. Le titre de patési Asir, bien qu’il puisse
exprimer tout d’abord la dépendance du roi'de Sinéar, a été
considéré par les souverains mêmes surtout comme un titre
religieux, de même qu’à Lagas et ailleurs (§§ 380, 388), signi­
fiant « représentant d’Assur ». C’est pourquoi le nom Aésur est
presque toujours écrit dans cette expression avec le détermina­
tif divin. Les souverains se nomment encore très fréquemment,
ou exclusivement « prêtre (sangû) d’Assur ». èulmanuaâa-
ridu I entreprend sa première expédition « au commencement
de son sacerdoce » et les grands rois postérieurs portent avec
prédilection le titre de prêtre. La principauté d’Aééur a donc
sans doute pour point de départ, comme les anciennes prin­
cipautés locales de Sinéar (§ 380), le sacerdoce du dieu sié­
geant dans cette place. Ainsi s’expliquerait que l’année n’est
pas désignée d’après les événements extérieurs ou les années
de règne, mais d’après les fonctionnaires qui changent an­
nuellement, usage qui se trouve sporadiquement'aussi dans
Sinéar (§§ 377, 385). Cela montre une organisation dans laquelle
les magistrats élus siégeaient à côté des prêtres héréditaires,
comme à Sparte les éphoresjà côté des rois-prêtres. Peu à peu
ceux-ci l’emportèrent, notamment parce qu’ils avaient la direc­
tion de la guerre. Dans les combats avec les ennemis, les
ELAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

hommes capables de porter les armes se groupaient autour de


la bannière du dieu, qui dans les inscriptions est toujours en
première ligne le dieu de la guerre.
Nous ne savons pas si les Assyriens ont étendu leur puis­
sance à l’est du Tigre déjà au troisième millénaire ; c’est là
que se trouvait Assur, en face de la ville sémitique « aux
4 dieux » Arbèles, au pied de la montagne; beaucoup plus au
nord, au-delà du grand Zâb, la ville Ninua, qui ne porte pas
un nom sémitique, appelée faussement par nous Ninive d’après
la vocalisation massorétique. Ces deux cités étaient le siège
de puissantes déesses, làtar d’Arbèles et Istar de Ninua.
Le plus ancien souverain d’Assur que nous connaissions,
abstraction faite des rois primitifs, est Ilusuma : suivant une
notice de chronique il se battit avec Suabu, c’est-à-dire Sumuabu
le fondateur du royaume amorrite de Babylone (§ 437), donc
il doit avoir régné vers 2225 (cf. § 463).

Sur les éponymes, cf. § 324 et sur l’hypothèse de Brockelmann,


ZA, XVI, § 323 note. Plus tard l’éponymat (Hmmu) devint une fonc­
tion honorifique comme le consulat dans l’empire romain, que le roi
et ses plus hauts fonctionnaires revêtirent suivant un ordre réglé
par la coutume ; mais l’autorité particulière des plus hauts fonc­
tionnaires de la ville est attestée par les étonnantes stèles trouvées
à Aësur (§ 336 note).

435. L’histoire des débuts de l’Assyrie soulève des questions


complexes. Bien loin d’Asâur, dans la Cappadoce postérieure,
surtout dans la colline Kültepe à l’est de Kaisariye (Mazara)
au sud du Halys, on a mis au jour de nombreuses tablettes
cunéiformes concernant la vie économique. L’écriture et la
langue sont de l’ancienne époque babylonienne, avec des par­
ticularités locales, qui reparaissent aussi dans les empreintes
de sceaux qu’elles portent. Mais les personnes ont surtout des
noms assyriens, composés avec Asir ou Asur en particulier
(on trouve les deux formes de ce nom) ; d’autres noms doivent
appartenir à la population asianique. Ces documents sont datés
LA MÉSOPOTAMIE. DÉBUTS DES ASSYRIENS. CAPPADOCE — § 435 295

d’après un calendrier inconnu, mais aussi d’après les épony­


mes. Donc ils remontent à une époque ou l’Etat assyrien exis­
tait déjà avec ses particularités ; il est clair aussi qu’il ne peut
s’agir ici d’une ville vassale de l’Assyrie, mais uniquement
d’un territoire lui appartenant directement. Gela concorde avec
la coutume des plus anciens géographes grecs, jusqu'à l’époque
perse, qui appellent Assyrie la côte sur les deux rives du Halys,
de Sinope à l’embouchure de l’Iris environ. Par suite, ils qua­
lifient de Syriens, abréviation pour Assyriens, les habitants
de la Cappadoce postérieure, ou encore « Syriens blancs »,
Leukosyriens, pour les distinguer des Syriens au sud du Tau-
rus. Plus tard, pour autant que nous puissions le savoir, ce
n’est que sous Tiglathpiléser (Tukulti-apal-esara) I, vers 1120,
que les Assyriens ont encore pénétré jusqu’à la mer Noire,
qu’ils n’ont plus jamais atteinte à l’apogée de leur puissance.
Donc la colonisation assyrienne de ces contrées doit être très
ancienne et fut intensive, puisque le nom s’est maintenu
encore si longtemps sous la domination étrangère.
Comme les Assyriens n’ont certainement pas exercé leur
domination en Asie Mineure pendant les siècles antérieurs à
Tiglathpiléser (Tukulti-apal-esara) I, et que dès le commence­
ment du XV* siècle ces pays formaient le grand royaume hittite,
avec Boghaz-Keui pour centre au nord du Halys, l’auteur a placé,
dans la précédente édition, sous Samëi-Adad III, vers 1600
(§ 464), la domination assyrienne et la colonisation de la Cappa­
doce. Le caractère de l’écriture, la langue et la formation des
noms des documents trouvés, étroitementjapparentés à ceux de
la première dynastie de Babylone, lui défendaient de descendre
plus bas ; le xvii* et tout au plus le xvi* siècle paraissaient déjà
le point le plus éloigné possible. Maintenant que la première
dynastie doit être placée un siècle et demi plus tard, cette
date n’est plus guère possible déjà en elle-même. Mais depuis
on a trouvé une tablette sur laquelle est empreint, à côté
d’autres sceaux, celui d’un scribe du roi d’Ur Ibi-Sin. Donc
cette tablette a été écrite entre les années 2377-2353. Des argu-
ELAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

ments extérieurs ne s’opposent pas à cette opinion; au con


traire, un pareil arrangement est très possible, soit d’après
l’écriture et le contenu, soit aussi d’après les empieintes de
sceaux. Mais on est encore plus embarrassé d’expliquer ce fait
historiquement. La puissance des rois de Sumer et d’Akkad
s’est-elle réellement étendue jusque dans l’Asie Mineure orien­
tale? Et devons-nous admettre qu’alors un grand Etat vassal
assyrien s’élendait d’Assur sur le Tigre pardessus le Taurus
jusqu’au Halys? Ou bien les Assyriens se trouvaient-ils primi­
tivement, ét peut-être encore à l'époque de la dynastie d’Ur,
non pas dans les territoires que nous leur connaissons posté­
rieurement, mais là au nord en tant que tribu sémitique s’étant
avancée parmi une population étrangère? Plusieurs faits s’op­
posent à cette manière de voir; tout d'abord que la ville pos­
térieure Assur existait cerlainement déjà à l’époque de IJam-
murabi (§ 448), mais surtout aussi qu’on ne peut méconnaître
un fort élément de population non sémitique dans les tablettes
cappadociennes. Il doit s’agir ici sans doute d’une colonie
assyrienne dont la colline Kültepe couvre la capitale. On ad­
mettra que déjà au IIP millénaire, comme le cas s’est présenté
fréquemment plus tard, les Assyriens, sans doute en relation
avec les rois de Sinéar et sur leur ordre ou soutenus par eux,
ont pénétré en remontant le Tigre dans le pays montagneux
et plus loin encore au delà de l’Euphrate et de la Melitène dans
le pays qu’arrose le Halys. Devons-nous admettre alors que
l’avance hittite contre la Babylonie à la lin de la première
dynastie (1926, cf. § 454), que doivent avoir précédé de grands
mouvements plus au Nord, a mis également fin à la suprématie
assyrienne en Asie Mineure? De quelque côté que nous nous
tournions, nous nous trouvons en présence d’énigmes insolu­
bles. La seule chose qui paraisse, aujourd’hui tout à fait assurée
est que les tablettes cappadociennes, et avec elles l’expansion
des Assyriens dans l’Asie Mineure orientale, appartiennent à la
deuxième moitié du troisième millénaire, bien avant que nous
ayons la moindre connaissance d’Aésur ou même de Ninive.
LA MÉSOPOTAMIE. DÉBUTS DES ASSYRIENS. CAPPADOCE — § 435 297

Il faut, en outre, ajouter que, dans la suite, les Assyriens


tentèrent toujours de reconquérir la partie orientale de l'Asie
Mineure ; les expéditions de leurs rois sont dirigées avec une
préférence bien marquée du côté de la montagne, sur le cours
supérieur du Tigre et plus vers la Melilène dans la Cappadoce
orientale. 11 faut voir là peul-ôtre un souvenir des relations
pacifiques ou gucri ières de leurs ancêtres avec ces régions.

Tablettes cunéiformes cappadociennes : après les premières publi­


cations de Pinches, PSBA, IV, et de Sayee, ibidem, VI, GolenischefT,
Tablettes cappad., 1891, a fourni des matériaux sêrs en publiant
24 tablettes de la manière la plus soigneuse. Delitzsch, Beitr. z.
Entzifferung. d. Kappad. Keilschrifttafeln, Abh. snchs. Ges,, XIV,
1894, put ainsi fonder l’étude scientifique de ces textes. Voir de
plus Jensen, ZA, IX, p. G2 et suiv. ; traductions particulières de
Peiser, KB, IV, p. 50 et suiv. Puis Ranke, Babgl. Personal Names,
p. 39 et suiv., d’après qui Hilprecht a acquis environ 100 autres
tablettes, cf. Hilprecht, Assyriaka, p. 124, 1. Sur leur provenance :
Chantre, Mission en Cappadoce, 1898, Winckler, Die 1906 in Klein-
asien ausgeführten Ausgv. {OLZ, IX, tir. à part), p. 3, 27. — De
nouveaux matériaux : Pinches, The Capp, Tableis of Liverpool,
Annals of Archaeol. and Anthr. JAoerpool, I, p. 49 et suiv. avec
pl. 17 et suiv. ; Thureau-Dangin dsius Florilegium de Vogué, p. 391
et suiv. et Bev. Assyr., VIII, p. 133 et suiv., où est publié p. 144 le
sceau d’Ibi-Sin. Les empreintes de sceaux publiées, et surtout dans
Pinches, loc. cit., pl. 17 et 18, peuvent en partie remonter peut-être
jusqu’à l’époque de la dynastie d’Ur, bien qu’ils contiennent certai­
nement des éléments étrangers, c'est-à-dire asianiques, apparentés
aux hittites postérieurs, à côté d’éléments babyloniens. Le cylindre
pl. 17, 8 et suiv. avec la figure d’un char attelé de 4 chevaux (cf.
§ 433) à côté de chèvres(?), etc., est par contre certainement plus
récent (au plus environ 2000) ; comparer des sceaux tout à fait
semblables, Ward, The seal cylinders of West. Asia, p. 310, 311,
312. — ’Aacrupla comme nom de la côte de Thermodon à Sinope dans
Scylax ; de même Apoll. Rhod., Il, 946, 964 avecTes scolies; Dion,
périeg. 772 (cf. Arrien, fr. 48, 49). Suptï), Suptet, comme seul nom
connu des Grecs pour la Cappadoce : Hérod., I, 72; V, 49, 72. A côté
298 ÉLAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

AEuxÔTjpioî également pour le territoire côtier ; Hécatée dans Steph.


Byz., Tetpta X a o s j ia ; Scymn. 917 d’après Ephoros; Slrabon, XII, 3,
6. 9. 23; XVI, 1. 2; Pline, VI, 9. Cf. Noeldeke,’ATaipio;, Xjoio;, zûaoç,
dans Hermrs, V.

Vinvasion amorrite et les débuts du royaume de Babylone,

436. Au delà du pays des fleuves, dans le steppe et le désert


de Syrie et dans le pays cultivé sur les flancs du Liban, se
trouvent les Amorrites; depuis l’époque de Sarrukîn ils sont en
étroite relation avec la civilisation babylonienne. Pendant des
siècles ils avaient été soumis ou intimement unis au royaume
de Sinéar; ils étaient venus en nombre toujours plus grand
s’établir en Mésopotamie comme mercenaires, marchands,
colons, qui se fixaient sur le terrain acquis par eux ou qui
leur était assigné, et se transformaient en agriculteurs. Les
combats, les razzias et les invasions auront été fréquents; il
est très possible que les Amorrites aient contribué autant que
les Elaniites (§ 415) à la chute du royaume d’ür. Au reste, ces
débuts ne peuvent être établis dans le détail, car nos matériaux
sont tout à fait insuffisants : nous ne savons absolument rien
surtout du degré d’extension des Amorrites dans la Syrie
moyenne (et septentrionale?) et de la force de l’État qu’ils ont
pu y fonder. Mais, malgré cette insuffisance des sources, nous
pourrons comprendre l'invasion amorrite, si nous la compa­
rons à l’avance des Arabes depuis l’époque perse, en Syrie, en
Mésopotamie et en llabylonie, à leur établissement au milieu
d’une population sédentaire, et à la naissance d’Etats orga­
nisés comme à Emèse, en iNabatène et à Palmyre. Il est fort
possible que des troupes isolées d’Amorrites aient pénétré en
Assyrie et se soient mélangées avec la population du pays qui
leur était apparentée. Il est certain que, depuis la chute du
royaume d’Ur, l’élément amorrite croît fortement en Sinéar.
L INVASION AMORBITE ET LES DEBUTS DU ROYAUME - 5436 299

Les rois de la dynastie d’Isin (depuis 2352) portent en partie


des noms nettement amorrites. Environ 120 ans après la fon­
dation de ce royaume, peu après que le royaume de Larsa au
Sud se fut séparé d’eux (§ 417), des troupes d’Amorrites se
sont emparées du pouvoir dans le Nord-Ouest, dans le pays
d’Akkad, la patrie de Sarrukîn. En 2223, le chef amorrite
Sumu-abu y fonda le royaume de Babylone.

V V in c k le r a l e p r e m ie r n e tte m e n t r e c o n n u q u e le s n o m s d e s r o is
d e la p r e m i è r e d y n a s t i e b a b y l o n i e n n e , e t l e s n o m b r e u x p a r t i c u l i e r s
q u e c ite n t le s d o c u m e n ts d e c e tte é p o q u e , n e s o n t p a s b a b y lo n ie n s
(a k k a d ie n s ) m a is des S é m i t e s d e l ’O u e s t . A u r e s t e c e l a e s t p r o u v é
Die Personennamen in
p a r le s o u v r a g e s fo n d a m e n ta u x d e H . R a n k e ,
d. Urkunden d. Hammurapidynasiie, 1 9 0 2 , e t Early Babyl. personal
Nantes, 1 9 0 3 {Bab. Exp., s e r . D , I I I ) , o ù i l m o n t r e , p . 3 3 , q i ï ' i l s s ’a p ­
p e l a i e n t e u x - m ê m e s A m o r r i t e s , mârê Amurum ( é c r i t A - m u r - r u - u m ,
s u r u n d o c u m e n t d e l ’é p o q u e d e S a b u ) ; c e r é s u l t a t s e c o n f i r m e d e
p lu s e n p lu s . H a m m u r a b i c o n s e r v e e n c o r e e x c lu s iv e m e n t le titr e d e
« r o i d e s A m o r r it e s (A m u r u ) » s u r la ta b le tte d e c a lc a ir e o r n é e d e
s o n im a g e , d é d ié e p a r I t u r - a s d u m , K in g , Letters of Hammurabi, III,
p. 193. — Il fa u t a jo u te r , p o u r c o m p lé te r c e s d o n n é e s , le s a u tr e s
p u b lic a tio n s d e d o c u m e n t s d e c e t t e é p o q u e , s u r t o u t R a n k e , Bab.
legal and business Doc. from the fîrst dynasty, c h i e f l y f r o m S i p p a r ,
Bab. Exp., V I , 1 , e t V I , 2 ( f r o m N i p p u r ) , d e P o e b e l ; p o u r l ’é p o q u e
p l u s a n c i e n n e : M e i s s n e r , Beitr. z. altbab. Privatrecht (§ 4 2 1 ) , p u i s
D a i c h e s , Altbab. Bechtsurk. [Ber. Wien. Ak., 1 9 0 6 ) , U n g n a d , Urk.
aus Dilbat (BA, V I , 3 j , 1 9 0 9 . — U n « l i e u A m o r r i t e ( A - m u - u r - r i - i )
près d e S ip p a r s o u s A m m is a d u q a : M e i s s n e r , n “ 4 2 (§ 3 9 6 , n o t e ) .
L ’a u t e u r r e m a r q u e e n c o r e q u ’o n a é ta b li la fr a g ilité d e l ’o p i n i o n
d e D e litz s c h , fo r t d is c u t é e il y a q u e lq u e s an n ées, qui p r é te n d a it
r e tr o u v e r le nom d iv in , Y a h u , Y a h w é d a n s q u e lq u e s -u n s de ces
n o m s p r o p r e s (il s e r a i t d é j à t r è s s u r p r e n a n t e n s o i q u e le s A m o r ­
r ite s e u s s e n t a u s s i c o n n u ce d ie u ). D a n s le n o m p r o p r e la b w i- ilu , o u
la b p i-ilu , J a w i-ilu , J a w iu m est la p r e m iè r e p a r tie d ’u n e fo r m e
v e r b a le , e t le d ie u J a u m e s t très in c e r ta in ; c f. D a ic h e s e t B e z o ld ,
Z A, X V I, p . 4 0 3 , 4 1 3 ; X V II, p. 271; R anke, Pers. Names., p. 25,
200 et 234.
300 ELAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

437. Les documents tiistoriques de cette époque sont très


rares, mais nous possédons par conlre de nombreux docu­
ments privés, datés, et surtout la liste de noms d’années. On
ne peut guère Irouver dans celte liste que les événements
les plus importants de l’époque, car beaucoup de faits sont
par leur nature môme tout à fait impropres à désigner une
année. Cependant il est possible d’en tirer quelques renseigne­
ments historiques et de saisir les développements successifs
du royaume. Le fondateur de la dynastie, Sumuabu (2223-
2212), n’a eu, semble-t-il, qu’une faible autorité, car on n’a
trouvé jusqu’à présent que très peu de documents contempo­
rains. Les premières années de son règne sont surtout dési­
gnées d’après des construc4ions de temples pour Sin, le dieu
d’Ur ; il fut donc un vassal des rois de Sumer et d’Akkad (cf.
la date § 432 a). D'autres dates témoignent que sa domina­
tion s’étendait sur les lieux voisins de Dabylone : il fait cons­
truire une couronne divine pour la ville de Kis et élève les murs
de Dilbat (2217) (aujourd’hui Dèlam au sud de Babylone, au
sud-est de Borsippa; le dieu local est Uras). Dans le territoire
au nord de Babylone, le long de l’Euphrate, le noyau d’Akkad,
sa puissance était par contre contestée. Dans un document de
Sippar on prête sans doute serment par son nom; mais nous
rencontrons aussi les noms de plusieurs dynastes qui sont tan­
tôt en paix tantôt en guerre avec les souverains de Babylone; et
celte situation politique indécise est sûrement générale. La fon­
dation de Babylone n'a dû être probablement qu’un épisode de
l'invasion amorrite, qui a dû donner naissance encore à d’autres
Etats semblables. Kis aussi paraît pour un temps comme Etat
indépendant : un roi Aâduni-erim de Kis raconte comment il
combattit pendant 8 ans « contre les 4 régions du monde » et
que sa puissance militaire fut réduite à 300 hommes, jusqu’à ce
qu’à l’aide de ses dieux Zamama et lâlar il vainquit ses adver­
saires et put enfin relever les grands murs de Kis. Nous con“
naissons un grand nombre de dynastes de Kis de cette époque ;
suivant les cas, ils datent leurs documents soit d'après leurs
L INVASION AMOBRITE ET LES DEBUTS DU ROYAUME - S 437 301

propres noms d’années, soit d'après celles des rois de Raby-


lone. KasalUi surtout paraît ôlrc 1res importante (cf. § 440);
elle avait été vaincue autrefois par Sarrukîn (§ 398) et fut le
siège d’un palési sous les rois d’Ur. Dans sa treizième année
(2213), Sumuabu ravage celte ville ; les documents de Kis sont
datés de façon significative par cet événement; le souveram
d’alors, Manana, reconnaît la suzeraineté de Sumuabu. Bientôt
après cependant Kasallu apparaît de nouveau comme adver­
saire de Babylone. Plusieurs des dynastes de Mésopotamie
mentionnés plus haut (§ 432) doivent appartenir à cette époque
et sont intervenus dans les affaires de Sinéar; nous avons déjà
mentionné (§ 434) qu’Ilusuma d’Assur partit en campagne
contre Sumuabu.

T o u s le s m a té r ia u x c o n n u s ju s q u 'a lo r s , p o u v a n t s e r v ir à l ’h i s
l o i r e d e l a p r e m i è r e d y n a s t i e , o n t é t é r é u n i s p a r L . W . K in g , Letters
and inscriptions of Hammurahi, 3 v o l. 1 9 1 0 . D e p u is , in d é p e n d a m ­
m e n t d u C o d e e t d e s n o m b r e u x d o c u m e n t s p r i v é s (î; 4 3 0 , n o t e ) , K in g
a p u b lié d e p lu s a m p le s m a té r ia u x , Chronicles concerning early IJab.
Kings^ 2 v o l. 1 9 0 7 . — L is te s d e d a te s , q u i d iflé r e n t b e a u c o u p d e s
l i s t e s r o y a l e s p o s t é r i e u r e s (§ 3 2 7 ) : L i n d l , lieih\ z. Assyr., I V ; K in g ,
Hammnrabi, l i t , p . 2 1 2 e t s u i v . ; Chronicles, 11, p . 9 7 e t s u i v . ; P o e b e l ,
Hab. h'xp., V I , 2 , p . 3 0 e t s u i v . ; U n g n a d , Die Chronol. d. Hegierung
Ammiditanas u. Ammisaduqas, B . \ , V I . L e s n o m s d e s a n n é e s 4 - 8 d e
S u m u a b u , q u i p a r le n t d u t e m p le d e S in , p a r a is s e n t ê tr e e m p r u n t é e s
non au royau m e de B a b y l o n e , m a i s à c e l u i d e S u m e r e t d ’A k k a d .
M a is m ê m e s i S u m u a b u a v a i t c o n s t r u i t u n g r a n d s a n c t u a i r e d u d i e u
d ’ü r à B a b y l o n e , t o u t à f a it a u c o m m e n c e m e n t d e s o n r è g n e , c e la
p r o u v e r a i t q u ’il é t a i t d a n s l a d é p e n d a n c e d e c e r o y a u m e . L a d é n o ­
m i n a t i o n d e s a n n é e s d ’a p r è s le s é v é n e m e n t s lo c a u x s e t r o u v e a u s s i
d a n s l e s d o c u m e n t s d e S i p p a r , d o n t l e s d y n a s t e s r e c o n n a i s s e n t la
s u z e r a in e té d e s r o i s d e B a b y l o n e : D a i c h e s , liechisurk., p . 2 0 e t
s u i v . ; K in g ,Hammurabi^ I I I , p. 2 2 0 , n o t e 1 0 . — L e s m a t é r i a u x p o u r
S u m u a b u d a n s R a n k e , Bab. Exp., V I , 1 , p . 7 , 2 . D a n s l a n o t i c e d e
la c h r o n i q u e , K in g , Citron., I I , 1 4 , s u r l ’a l l a q u e d ’i l u s u m a , l e n o m
est c o n tr a c té en Suabu. D o cu m en ts de S ip p a r à B e r lin , P e is e r ,
K/J, IV , p . 1 0 ; s u r s a tr o is iè m e a n n é e , D h orm e, OLZ, X I, 3 4 . —
302 ÉLAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

D y n a s te s c o n te m p o r a in s , le s p r é te n d u s u s u r p a te u r s , s u r le s d o c u ­
m e n ts d e S ip p a r : I m m e r u m , D a ic h e s , Rechtsurk., p. 20 et s u iv .;
T h u r e a u -D a n g in , 5 / 1 A Y , p . 23G n o t e b . C e d e r n i e r a u t e u r [ibidem^
p. 208 c) e t H ilp r e c h t [Bab. Bxp., X X I , p . 3 0 a ) l ’i d e n t i f i e n t a v e c
N C ir -A d a d d e L a r s a , c e q u i e s t i n e x a c t (c f, R a n k e , OI.Z, X , p . 2 0 8 et
s u iv .) . — A n m a n -ila ( = T lu m a ila ? ) , R a n k e , Bab. Exp., V I , 1 , p . 8,
( f u 'il i d e n t i f i e f a u s s e m e n t a v e c l e f o n d a t e u r d e l a d e u x i è m e d y n a s t i e
(§ 4 6 2 ) ; D a ic h e s , Rechtsurk., p . 3 1 e t s u i v . — B u n t a h t u n - i l a , q u i
p o r t e l e t i t r e d e r o i , K in g , Hammur.., I I I , p . 2 2 0 , n o t e 1 6 ; R a n k e ,
Pers. Names, p. 43 e t IX s u i v . ; Bab. Exp., V I , 1 , p . 9 . C e s t r o i s
d y n a ste s so n t c o n t e m p o r a in s d e S u m u la ilu . — P u is M a n a b a lte l (o u
M a n a m a lte l), P in c h e s , PSBA^ X X I, p. 159 et R îm -A n u m , § 4 4 0 ,
a in s i q u e la h z a r - ilu de K a s a llu , § 4 3 8 . — R é u n io n d es d a te s d e c e s
r o is , a u s s i d a n s H ilp r e c h t , Eab. Exp., X X , 1, p. 35, 4. — A sd u -
n ie r im de K is : T h u r e a u - D a n g i n , Rev. V III, p . 6 3 e t s u iv .
11 e s t s a n s d o u t e e n c o r e a n té r ie u r à S u m u a b u . O n tr o u v e d a n s la
m êm e é tu d e d ’a u t r e s r o i s , M a n a n â , S u m u d i t a n a , l a w i u m , I l a l i u m ,
c o n te m p o r a in s d e S u m u a b u e t d e S u m u la ilu , a in s i q u e d a n s J o h n s ,
PSBA, X X X I l , p . 2 7 9 ; X X X I I I , p . 9 8 e t s u i v . , 1 2 8 e t s u iv .; L ang-
d o n , PSBA, X X X I I I , p . 1 8 3 e t s u i v . , 2 3 2 e t s u i v .

438. C’est l’œuvre de Sumulailu, successeur de Sumuabu


d’avoir donné la suprématie au royaume de Habylone et à son
dieu Marduk parmi les Etats amorrites qui s’étaient formés
dans le pays d’Akkad. Il paraît avoir été d'une activité inlas­
sable pendant son règne de 36 ans (2211-2176). Tout à fait au
début, il construisit un canal, puis la grande muraille de
Babylone et un temple du dieu du ciel Anu; puis plus tard un
deuxième canal qui porte le nom du roi, l'érection du trône de
Marduk orné d’or et d’argent, l’image de son épouse Sarpanit
ainsi que d'Iétar et de Nanaia. Des combats à l’extérieur sont
signalés à côté de ces travaux paisibles : dans sa treizième
année (2199), Ki§ est détruit. Le souverain de celte cité,
lawium, datait encore ses documents en 2206 d’après Sumu­
lailu, mais il fut déchu de nouveau. Le principal adversaire
de Sumulailu fut labzarili de Kaçallu, qui lui opposa une
l ’in v a s io n AMORRITE ET LES DÉBUTS DU ROYAUME — § 438 303

résistance heureuse pendant de longues années et fut reconnu


môme à Sippar pendant quelque temps. Mais l’an 20 de Sumu-
lailu (2192), un après la destruction d’une forteresse apparte­
nant encore à Kis, « la muraille de Kaçallu fut abattue et ses
habitants passés au fil de l’épée ». Cinq ans plus tard (2187),
« lahzarili lui-même fut frappé du glaive ». Ainsi la domina­
tion du royaume de Babylone s’étendit sur le Nord de Sinéar.
Le prince Immeru de Sippar (§ 437 note) reconnut la suzerai­
neté de Sumulailu. Dans un document de cette ville, on
invoque dans le serment le seigneur divin et terrestre de Sip­
par, Samaé et Immeru, à côté de Marduk et de Sumulailu, les
représentants de Babylone ; on trouve les mêmes noms dans
l’année d’avènement de Buntahtun-ila, probablement le suc­
cesseur d'Immeru. Dans d’autres documents de Sippar, Sumu­
lailu, à côté de Samas et parfois aussi de Marduk, est seul
nommé ; il a donc bientôt mis fin à la puissance des dynastes
indigènes. Dans la vingt-neuvième année (2183), il construisit
les murs de Sippar; les deux années suivantes sont aussi nom­
mées d’après des constructions de forteresses. Son descendant
Samsuiluna mentionne six grands ouvrages fortifiés, élevés
pour protéger son royaume, dont un siècle plus tard il releva
les murs de briques qui tombaient en ruines. De même que la
vingt-cinquième année se nomme d’après la défaite de lah­
zarili, la troisième mentionne celle de Halambû, la trente-
deuzième et la trente-quatrième celle de deux autres adver­
saires ; mais nous ne savons pas s’il s’agit de rebelles ou
d’ennemis extérieurs.' Il semble avoir entrepris aussi une codi­
fication du droit (§ 450). Toutes ces dates montrent que Sumu­
lailu a été le fondateur véritable du royaume de Babylone ; c’est
pourquoi Hammurabi, Samsuiluna et Ammiditana le nom­
ment dans leurs inscriptions comme l’ancêtre de la dynastie.

D a n s u n n o u v e a u d o c u m e n t du m u s é e d e B e r lin , o n p r ê te s e r m e n t
p a r S a m a § e t la h z a r ili (il f a u t l i r e p a r t o u t a i n s i d ’a p r è s U ngnad) ;
la t a b le t t e p r o v ie n t d e S ip p a r , d o n c c e d y n a s t e d o it y a v o ir régné
30i ÉLAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

q u e lq u e te m p s . — La v ille B arzi d a n s la q u e lle S u m u la ilu e n tr e , e n


T a n ^ 8 d e s o n r è g n e , e t d o n t A p i l s i n ( a n 1) c o n s t r u i t le s m u rs, est
i n c o n n u e . — I n s c r i p t i o n d e S a m s u i l u n a s u r l e s m u r s f o r t i f i é s : K in g »
HamniwaOiy III, p . 2 0 o .

439. Il n’y a pas grand’ chose a tirer des dates qui nous sont
partiellement conservées relatives aux successeurs de Sumu­
lailu, Sabu (ou Sabiu, 2175-2162) et Apilsin (2161-2144).
Filles ne mentionnent que des constructions de temples, des
canaux, l’édification ou la réparation des murs de Babylone e^
d’autres lieux, — les murs de briques s’écroulent toujours au
bout de peu de temps; puis une fois aussi l’érection d’une
statue de Sabu et parfois entr’autres des années prospères. La
puissance extérieure du royaume se maintint certainement
intacte. Les contrats de Sippar nomment ces souverains. Sabu
détruisit de nouveau, semble-t-il, les murs de Kaçallu, la
douzième année de son règne (2164) (cf. § 440); en effet, le
verbe n’est pas conservé dans la date. Un document de Telle
donnant comme date le nom de celle douzième année, on peut
présumer que de grandes parties du Sud de Sinéar lui furent
soumises pendant quelque temps; et il ne serait pas impos­
sible que les derniers et faibles souverains d’Isin et ceux
d’Uruk (§ 418) aient reconnu sa suzeraineté. Les renseigne­
ments sur Apilsin sont encore plus maigres et nous ne savons
rien des premières années du roi suivant, Sinmuballit (2143-
2124). Il serait cependant prématuré de conclure que ce demi-
siècle se soit écoulé paisiblement et sans secousses. Bien plu­
tôt de grands mouvements semblent survenir celle époque
qui atteignirent directement le royaume de Babylone, bien
que peu dignes de figurer dans les dates : c’est pourquoi on a
évité de nommer les années d’après les événements extérieurs.

T e m p l e d e S a m a s e t d ’A n u n i t c o n s t r u i t à S i p p a r , p a r S a b u : N a b û -
n a ’i d , I R , 6 9 , 3 , 2 9 (A ^^ , I I I , 2 , p . 8 6 ; L a n g d o n , Neubabyl. Koenlgs-
inschr., p . 2 4 8 ) . D a t e d e S a b u p r o v e n a n t d e T e llo , Ï h u r e a u -D a n g in ,
Journ. Asiat.j 1 9 0 9 , I I , p . 3 4 0 e t s u iv .
LES ÉLAMITES DANS SINÉAR. ARAD-SIN ET RÎM-SIN — § 440 305

Les Elamites Jans Sinéar. Arad-Sin et Rfm-Siji de Larsa.

440. Los Llamites ont de nouveau tenté de pénétrer dans


Sinéar comme les Amorritcs. Ce mouvement n’est pas parti
de Suse, qui paraît avoir joui alors d’une vie paisible sous les
régents de la maison de « la sœur de Silbaba » 432 a), dans
une demi dépendance soit des suzerains élamites, soit des
rois de Sinéar; mais ce fut lamutbal ou Emutbal, qui donna
l’impulsion. Ce nom est l’appellation usuelle d’alors pour le
pays frontière à l’est du Tigre, y compris à peu près le Lou-
ristan occidental ; il désigne peut-être le territoire gouverné
par Ivudurnahundi (§ 432), dont les successeurs auront essayé
d’affirmer ses succès sur Sinéar. D’autres rois cependant ont
aussi obtenu parfois d’importants résultats. Ainsi cette date
s’est conservée : « année dans laquelle le roi Rîm-Anum
[vainquit] le pays lamutbal elles troupes deTuplias(Abnunna),
Isin et Kaçallu ». Rîm-Anum, qui nous est connu, en dehors
de cette indication, par des documents dates, paraît être un
conquérant sémitique venu du Nord.«Mais nous ne savons ni le
lieu de sa résidence, ni la place qu’il faut assigner à ce com­
bat dans les guerres contempoi-aines où les rois de Rabylone
obtinrent la suprématie. Il est clair, cependant, que le sou­
verain de lamutbal avait étendu sa puissance sur une grande
partie de Sinéar, que les rois d’Isin dépendaient aussi de lui
et de même Kaçallu, qui se sera de nouveau détachée des rois
de Rabylone ; c’est pourquoi la seconde destruction (?) de
cette cité par Sabiiin en 2164 (§ 439) doit coïncider avec ces
événements.
L’inscription d’un cône d’argile dédié à Nergal, de prove­
nance inconnue, rédigé par le roi Kudurmabuk, ffls de èimti-
silhak, forme le pendant à la date de Rîm-Anum. Il se vante
d’avoir vengé Ebarra, le temple de Larsa, et d’avoir anéanti à
300 ÉLAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

Laisa et P]mutbal rarniéc do la ville Kasallii et de Miitiabal.


Ce dernier est sans doute un souverain de Kaçallu, qui a con­
quis Larsa et mis fin à sa dynastie, immédiatement, semble-
t-il, après Sinidinam (§ 418), dont les fortifications ne lui ont
pas procuré un long règne. Kudiirmabuk d'P^mutbal a alors
vaincu ce prince, délivré Larsa et institué comme roi d’abord
son fils Arad-Sin, puis le frère de ce dernier Rîm-Sin. Lui-
même se nomme toujours « adda du pays amorrite (Martu) »,
tandis que scs fils le nomment toujours « adda d’Emutbal »
dans leurs inscriptions. Nous ne savons pas ce que signifie
adda; mais les noms de Kudurmabuk et de son père sont
purement élamites ; il faut voir en eux sans doute des succes­
seurs de Kudurnahundi. Peut-être que Simtisilbak a aussi
exercé, comme ce dernier, une suzeraineté sur Sinéar, — il
pourrait très bien être l’adversaire de Kîm-Anum. Kudurmabuk
a alors rétabli cette domination par sa victoire sur Kaçallu
(vers 2150). Nous ne pouvons encore décider si « adda du pays
Amorrite » témoigne d’une extension de sa puissance jusqu’en
Syrie, ou se rapporte uniquement à la défense et à la défaite
des Amorrites de Rabylone.

R î m - A n u m (I V R 3 3 , 8 ) é c r i t R i - i m - a - n u [ n o n g a m c o m m e d a n s l a
p iib lic a t io n ] - n m , L in d l, / M , IV , 3 8 2 n o t e . L e c o m m e n c e m e n t d e la
d a te a p p a r a ît a u s s i d a n s u n d o c u m e n t , S e b e il, Kecueil de Trav., V,
X X , p . G4 l e l S a y e e , P SB A , X IX . p . 0 7 ) o ù d ’a u t r e s d a t e s d e c e r o i
s o n t in d iq u é e s , p r o v e n a n t d 'u n e d o u z a in e d e d o c u m e n t s c o n s e r v é s à
C o n s t a n t i n o p l e . S u r l 'u n , l e s p erson n es c ité e s s o n t o r ig in a ir e s de
S u b a r tu (S u -e d in -k i), A snunnak, A su r ti (o u A s ir u ), c ’e s t - à - d i r e
l ’A s s y r i e , G u l ù , A m u r r u (M a r in ) . D onc se s r e la tio n s , et p eu t-être
a u ssi sa p u is s a n c e , s ’é t e n d a i e n t v e r s la M é s o p o ta m ie e t le s p a y s
m o n t a g n e u x d e l ’E s t . — E in u l b a l o u l a m u t b a l , d ’a p r è s A s s u r - b â n i -
a p a l ( S m i t h , p . 7 9 e t s u i v . , III R 2 9 , r e v . 1. 9 e t s u i v ) d a n s le v o i s i ­
n a g e d e D êr, fu t e n s u it e s o u m is à I J n m m u r a b i ( K in g , H I , p . 6 . 10.
1 0 3 j ; d a n s l a d a t e d e l ’a n 3 1 , a n n é e d e l a d é f a i t e d e R î m - S i n , il f a it
p a r tie de son e m p ir e (§ 4 4 4 ) . — I n s c r ip tio n de K u durm abuk :
T h u r e a u -D a n g in , Rev. d'Assyr., IX , p . 121 e t s u iv . — I n s c r ip tio n s
LES ÉLAMITES DANS SINÉAR. ARAD-SIN ET RÎM-SIN — § 441 307

d ’A r a d - S in e t d e I l î m - S i n , T h u r e a u - D a n g i n , S A K I, p. 210 e ts u iv .,
(p u is Recueil de Travaux^ X X X II, p. 44 . C e t a u t e u r p a r a ît a v o ir
t r o u v é la s o lu t io n d ’u n e a n c i e n n e d i l l i c u l t é en s é p a r a n t le s 2 n o m s
a u tr e fo is id e n tifié s ; s a n s d o u t e il est tr è s s u r p r e n a n t a lo r s q u e
R îm -S in e m p lo ie su r le s canéphores (in s c r ip tio n s n® e et f d an s
T h .- D ., SA K I) p r é c i s é m e n t l e s m ê m e s e x p r e s s i o n s s u r la c o n s t r u c ­
tio n d u t e m p le de N a n a ia q u ’A r a d - S i n su r la c a n é p lio r e f. On a
so u v e n t ten té a u p a r a v a n t d e lir e le n o m , é c r it id é o g r a p h iq u e m e n t
A r a d -S in (o u Z i k a r - S i n , e t c . ) , p l u t ô t E r ia k u (e t p a r s u ite R îm -a k u
pour R i-im -S in , que l ’o n i d e n t i f i a i t e n c o r e a v e c R îm - a - g a m - u m =
R îm -A n u m ), p o u r p o u v o ir l ’i d e n t i f i e r a v e c A r io k d ’E l l a s a r , Gen.,
X IV . C ette o p in io n e s t g é n é r a le m e n t a b a n d o n n é e ; p o u r ta n t U n g n a d ,
ZA^ X X I I , p . 1 0 e t s u iv . e s s a ie d e la r e m e ttr e e n f a v e u r . L ’i d e n t i t é
d ’A m r a p h e l d e S i n é a r ( e t n o n d e B a b y lo n e ! ) a v ec H am m u rab i est
to u t a u s s i p r o b lé m a tiq u e .

441. Une autre source nous renseigne sur celte extension


de la puissance élamite. Un récit est introduit dans le Penta-
teuque, Gen.^ XIV, qui n’appartient à aucune des sources
connues, mais a été emprunté probablement à un livre de
légendes populaires dont le reste a disparu (de môme que
JugesJ XIX-XXl par exemple). D’après la langue et le contenu
il ne peut avoir été rédigé que pendant ou après l’exil baby­
lonien. Il y est question d’un puissant roi d’Elam Kedor-
la'omer, qui aurait régné pendant 12 ans sur les tribus de
Palestine avec ses vassaux Amraphel de Sinéar, Ariok d’El­
lasar (Larsa?) et Tid'al de Goim (peut-être les Gùtî?); puis ils
déclinèrent et furent vaincus par lui. Cette histoire sert à faire
jouer un grand rôle de pieux héros guerrier Abram : il
poursuit le vainqueur pour délivrer Lot, son neveu, fait prison­
nier et enlève au vainqueur son butin. Le rédacteur a ainsi
peint les événements de Palestine en les reportant à l’origine
des temps : la Mer Morte n’existe pas encore, les rois de
Sodome et Gomorre ainsi que les peuples légendaires de celte
période jouent un rôle : Rephaïtes formés de revenants (§ 354
note), Zuzites, Emites avec Uorites, 'Amalecites et Amor-
308 ELAMITES ET AMOHRITES. LE HOVAliME DE BABYLONE

rites. Il est inutile d’expliquer qu’il s’agit là d’une fantaisie


récente, sans appui historique. Tout autre est l’histoire des
conquérants étrangers. Le nom Kedorla'omer est purement
élamite, composé avec le nom du dieu susicn Lagamar, et peut
se rapprocher de Kutirnahundi, Kudurmabuk; on doit peut-
être combiner le titre de ce dernier « adda du pays Amor-
rite » avec le récit de la domination de Kedorla'omer sur la
Syrie et l’expliquer dans ce sens. Jusqu’à maintenant son nom
ne s’est pas trouvé dans des textes historiques. 11 est très
douteux qu’il apparaisse avec ses compagnons, comme on l’a
pensé, dans un texte légendaire postérieui où il est question
de l’épreuve que les Elamites font subir à Babylone et à
d'autres villes. Mais il appartient en fait à la tradition popu-
laii-e et aura passé de là aux Juifs qui s’en sont servi pour
introduire une action d’éclat dans l’histoire de leur ancêtre.
Depuis que nous avons appris, par la trouvaille du roman
d’Ahiqar dans la colonie juive de l’époque perse à Eléphantine,
l’extension de celte littérature populaire universelle de l’Orient
tardif, depuis qu’on a constaté l’action rapide et puissante de
ces récits sur la littérature juive (comme par exemple dans
les légendes de Nabuchodonosor et de Daniel, de Jonas ou
d’Esther), cet emprunt d’un récit babylonien n’a rien qui puisse
surprendre.
D e la m ê m e m a n iè r e q u e r e llm o g r a p liie d e P a le s tin e e s t tr a ité e
dans Genèse, X IV , on a f a it u n a m o r r ilc M am re’ d e P arbre sacré
M am re’ de H ébron et so n frère P s k o l d e la « v a l l é e d e s r a i s i n s » ,
Nombres, X lll. — La lé g e n d e proprem ent d ite b a b y lo n ie n n e de
K e d o r la 'o m e r a é té é tu d ié e p a r P in c h e s , p u is par S a y ce, P S HA,
X X V I I I , p . 1 9 3 e t s u i v . , '241 e t s u i v . ; X X I X . p . 5 e t s u i v . S c l j e i l s ' e s t
tr o m p é q u a n d il a c ru q u e K e d o r la 'o m e r a p p a r a is s a it chez IJam -
m u r a b i c o m m e K u d u r n u h g a m a r , c f . K in g , Uammurapl, l, p . x x x v ;
III, p . 10 e t s u iv ., 9 8 . — La d é e sse L a g a m a r , V R 0 , 3 3 e t d a n s le s
in s c r ip tio n s s u s ie n n e s .

442. Arad-Sin porte le titre de « roi de Larsa, roi de Su mer


et d’Akkad ». Il dit régulièrement dans ses inscriptions monu-
LES ÉLAMITES DANS SINÉAR. ARAD-SIN ET RÎM-SIN — § 443 309

mentales qu’il a élevé les temples, restaurés ou nouvellement


construits, « pour sa vie et celle de son père et générateur
Kudurmabuk » ; de même que celui-ci a construit à Ur, pour
Sin, un sanctuaire « pour sa vie et celle de son fils Arad-Sin,
roi de Larsa ». Arad-Sin aussi s’occupa d’Ur, l’agrandit, l’en­
toura d’un grand et puissant mur, et restaura de même « Lagas
et Girsu (le district sacré de Lagas) ». 11 éleva encore une tour
à Istar de Ijallab (situation inconnue), « dont la pointe se
dresse comme une haute montagne ». Donc une grande partie
de Sinéar lui fut soumise ; il se vante d’être établi comme ber­
ger véridique par Ellil de Nippur (par l’oracle royal) et d’ac­
complir les décrets et les prédictions d’Eridu, c’est-à-dire du
dieu Ea. Donc, dans la conquête, ces Elamites ne se sont pas
comportés autrement que leurs ancêtres et leurs descendants
dans leurs expéditions contre Sinéar (cf. § 432). Après avoir
acquis le pouvoir, ils se déclarent les rois légitimes du pays,
dont les grands dieux les ont investis, comme plus tard les
Assyriens ou les Ilyksos en Egypte et les Turcs dans l’empire
musulman. Ils soignent leur culte comme les anciens rois
indigènes, ils cherchent à favoriser et à hâter le bien-être et
l’ordre du pays qui leur est confié. Ils prennent comme ceux-
là des noms sémitiques, tandis qu’ils rédigent toujours leurs
inscriptions en sumérien, suivant l’antique usage. Si .\rad-Sin
et Rîm-Sin ne nommaient pas leur père et leur grand-père,
nous ne pourrions pas deviner par leurs inscriptions qu’ils
sont Elamites. L’autorité, que l’ancienne civilisation et la reli­
gion du pays avaient acquise chez les voisins, apparaît claire­
ment. En cela, la puissance élamite en Sinéar se distingue
nettement de celle des Ilyksos en Egypte, qui durent sans doute
aussi accepter la civilisation supérieure du pays, mais lui sont
restés intérieurement tout à fait étrangers, à ce qu’il semble.

443. Arad-Sin se vante de sa justice et de sa piété et prie


pour un long règne sur des sujets obéissants. Sa prière ne fut
pas exaucée. Sou sjiccesseur est son frère Rîm-Sin qui doit
310 ÉLAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

être monté très jeune sur le trône et a régné plus de 30 ans


(2130-2094 environ). Celui-ci nomme parfois encore son père
Kudurmabuk comme suzerain et porte les mêmes litres que
son frère ; dans la plupart de scs inscriptions il n’est plus
question d’un suzerain élamite. Après la mort de son père il
devint probablement indépendant. A son arrivée au pouvoir,
les royaumes d’Isin, — dont les souverains portaient aussi
bien le titre de roi de Sumer et d’Akkad que ceux de Larsa,
— et d’üruk existaient encore, i'm môme temps, les rois de
llabylone cherchaient à étendre leur puissance vers le Sud.
Rîin-Sin (ou peut-êtrQ ceux qui régnaient à sa place) remporta
d’abord de grands succès. Dans les inscriptions d’ür et de
Lagas il ne se nomme pas seulement « berger de tout le pays
de Nippur » et se glorifie de ses soins pour Fh*idu, Ur, Larsa et
Lagas, avec Girsu, mais il dit aussi qu’Anu, Lllil et Ea et tous
les grands dieux ont livré entre ses mains la belle ville d’Uruk
et qu’il y construisit un temple. Il mit donc fin au royaume
d'Uruk. Une année est nommée d’après la conquête de Kisurra
(Abu-Halab, SE de Nippur, § 413, note), et la dévastation
de Dêr, la ville voisine des Elamiles; d’autres, d’après des
régularisations complètes des lits du Tigre et de l'Euphrate,
qu’il creusa à nouveau. Il engagea sans doute aussi des com­
bats avec Sinmuballit de Babylone. Si sa quatorzième année
(2130) est désignée comme « l’année ou l’armée d’Ur [var. du
pays de la mer ou de Larsa] fut frappée du glaive », c’est que
les Babyloniens paraissent avoir remporté une victoire. La con­
séquence est probablement que Sinmuballit reconnut la suze­
raineté de Rîm-Sin ou se coalisa avec lui. Ainsi le dernier
coup et le coup décisif devint possible : en 2127 Rîm-Sin con­
quit « avec l’arme sublime d’Anu, Ellil et Ea, la ville royale »
ou, dans une autre formule, « la ville de Damiqilisu »; il pré­
pare ainsi la fin du royaume de Sumer et d’Akkad. Sinmuballit
a, semble-t-il, pris part à ce combat comme allié de Rîm-Sin,
puisque la 17® année de Sinmuballit est aussi dénommée
d’après,la conquête d’Isin.
HAMMÜRABI DE BABYLONE ET SON ROYAUME — § 444 311

Pour les derniers rois d’Isin, cf. § 418 note. Inscriptions de Rtm-
Sin : Thureau-Dangin, SAK J, p. 216 et suiv. (canéphores par ex.,
aussi Delitzsch, MDOG, 5, p. 17 et suiv.). Les dates des documents
contemporains (cf. Lindl, /iA , IV, p. 384 et suiv.) de Tell Sifr (§ 417
note), Tliureau-Dangin, ibidem, p. 236 et suiv.; un document daté
de Nûr-Âdad de Larsa les précède et ceux de l’époque de Çammu-
rabi suivent alors immédiatement. Documents de Nippur, Poebel,
UE, VI, 2 et Thureau-Dangin, RA, VIII, p. 43; là son nom est déjà
écrit avec le déterminatif divin avant la conquête d’Isin. De plus
amples renseignements sur les dates, Johns, PSD A, XXXII, p. 274
et suiv. ; cf. aussi § 432 note. — Dates de la 14* année de Sinmubal-
lit : King, IJammurabi, III, p. 226 et 229, rem. 41 ; Lindl, BA, IV,
p. 366; Schorr, Altbab. Rechlsurk., p. 63; Thureau-Dangin, S A K I,
p. X IX , 3. — Sur la prise d’Isin, cf. § 329. Date de Rîm-Sin, où la
conquête d’Isin est désignée comme conquête de la ville de Damqi-
ilisu (le nom est ainsi écrit) : Thureau-Dangin, RA, VIII, p. 83. Si
cette conquête par Rîm-Sin n’était pas identique à la date de Sinmu-
ballit, on devrait admettre avec Thureau-Dangin qu’lsin aurait été
conquise d’abord par Sinmuballit, puis une deuxième fois 2 ou 3 ans
plus tard par Rlm-Sin ; car ce dernier date encore pendant 30 ans
plus lard et son règne finit la 31® année de blammurabi. De plus Sin­
muballit devrait avoir laissé encore à Damiqiliéu la possession
nominale de la domination su r lsin ; Rim-Sin, en elfet, le nomme
dans la nouvelle variante de la date. Gela ne semblerait guère
exact. — La 17® année de Sinmuballit a maintenu son nom pen­
dant le premier ou le deuxième mois, cf. Ranke, OLZ, X, 292; Isin
est donc tombée en mai ou en avril. Les objections de Kugler,
Sternkunde, II, 154 note, ne prouvent pas grand’ chose.

Hammurabi de Babyione et son royaume.

444. La prise d’Isin marque l’apogée de la puissance de


Rîm-Sin; dès lors il nomme les années d’après cet événement,
au moins pendant 30 ans encore, preuve tangible qu’il ne rem­
porta guère d’autres succès. Deux peuples luttaient pour la
ÉLAMITES ET AMOKRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

domination sur le royaume de Siimer et d'Akkad : les Ela-


mites solidement établis à Larsa et dans Emutbal à l’est du
Tigre et les Amorrites qui avançaient on conquérants depuis
Babylone et le Nord-Ouest. Ces derniers, après le l’ecul (|ue
leur royaume etit sans aucun doute à subir dans les dernières
dizaines d’années, s’élèvent maintenant à une nouvelle puis­
sance et acquièrent aussitôt la prépondérance complète. On ne
connaît guère d’événements importants pour les <lernières
années de Sinmuballil, hormis la construction d’un canal et
celle de murs fortifiés dans plusieurs villes. Le règne de son
fils Hammurabi (2123-^081) fut d’autant [)lus glorieux. Dès la
première année de son règne il remporta d’importants succès.
En 2120 « il détruisit les murs de Ma’er et Malgii sur l’ordre
d’Anu et d’Ellil », donc conquit ces deux villes de Mésopo­
tamie (§§ 393, 432). A cet événement correspond en 2114 « le
transport des habitants et du bétail de Malgu ». Puis en 2117
« Uruk et Isin sont prises » et l’année suivante est nommée
d’après la pénétration dans Emiitbal. Bien que les dates, notre
seule source, soient par la nature des choses insulïisantes et
incomplètes, elles montrent clairement cependant que ces
années ont été vraiment des années décisives. Le silence des
dates de Rîm-Sin s’explique parfaitement; il a non seulement
perdu alors ses conquêtes, mais aussi en grande partie tout au
moins ses relations avecl’E lam ;il fut réellement réduit à la
possession de Larsa et d’Ur {ainsi qu’Eridu et Lagas), c’est-à-
dire le territoire à l’embouchure de l'Euphrate. Hammurabi
pouvait déjà se vanter qu’Anu et Ellil lui avaient confié la
souveraineté sur Sumer et Akkad et les quatre régions du
monde. Le territoire conquis au delà du Tigre fut ouvert par
un grand canal Nuhuà-nisi « Abondance de population » et
peuplé d'agriculteurs ; à la sortie du canal il construisit une
grande forteresse qu’il appela du nom de son père Sinmu-
ballit.
Les années suivantes mentionnent aussi des combats, à côté
de constructions, d’ex-voto pour les dieux et d’une nouvelle
HAMMURABI DE BABYLONE ET SON ROYAUME — § 444

fortification de Sippar et d’autres lieux, en 2113 la destruction


de Rabiqu et Salibi (?). Le dernier succès ne fut remporté que
beaucoup plus tard. Comme le raconte une chronique « IJam-
murabi rassembla ses troupes et marcha contre llîm-Sin, roi
d’Ur ; ii s’empara dos villes d’Ur et do Larsa et porta leurs
trésors àBabylonc ». D'après les années indiquées, Ilammurabi
livra bataille aux armées d’EIam en 2094. L’année suivante,
an 31 de son règne, « il jeta à terre le pays Emutbal et le ro
Rîm-Sin à l’aide d’Anu et d’Ellil ». Rîm-Sin doit avoir cherché
son salut dans la fuite, car nous le rencontrons encore une fois
plus tard (§ 452); Emutbal devint une province du royaume
de IJammurabi. Le siège do Tu plias (Esnunnak) en 2092 se lie,
ce semble, à celte guerre. Ainsi tout Sinéar fut soumis à la
puissance de Ilammurabi.
Les données fournies par les listes de dates 437) et les docu­
ments datés se complètent en plusieurs points, mais ne peuvent
naturellement jamais nous donner un tableau com plétée l’histoire
de Ilammurabi. Aux matériaux réunis par King, Ilammurabi, III,
p. 228 et suiv. (liste A et quelques dates), ajouter les nouvelles listes
de King, Chronicles, II, p. 98 et suiv. (listes F et G de Sippar, nou­
vellement publiées par Messerschmidt, OLZ, X, 109 et suiv.). Une
nouvelle élude complète de tous ces matérianx serait très désirable,
car elle en vaut la peine. Les dates qui entrent en considération
sont : an 4, destruction des murs de Ma'er et Maigu (Malgia) d’après
les documents (King, Ilammurabi, III, p. 230, 46; Daiches, Alibab,
Rechtsurk., p. 84); abrégé dans A, mais dans C « construction!!)
des murs de Ga(!)-gia ». — An 7, complet dans Thureau-Dangin,
SA KI, p. XIX, note 3; OLZ, X, 2.56; Journ. 1909, II, p. 339,
3; « année où Muk et ïsin furent conquises » ; abrégé en A, C et F
(Ungnad, ZA , XXIII, p. 77 et suiv., a omis) cette date). Il serait
possible qu’Uruk fût de nouveau perdue les années suivantes. —
Année 8 : « dans laquelle le pays sur les bords du canal Nuhuènisi »
A; « dans lequel le pays Emutbalum.... » F. — L’année suivante
dans A et F est nommée d’après le creusement, c’est-à-dire naturel­
lement la réparation, de ce canal, cf. King, IJammur., III, p. 232,
49. L’inscription de King, ibidem, p. 188 et suiv., concerne ce canal
314 ÉLAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONË

« qui apporte une eau riche à Sumer et Akkad, et dont les deux
rives sont transformées en champs cultivés » ; celle inscription est
donc contemporaine; c'est pourquoi elle n’est rédigée qu’en une
langue, en sémitique. — An 10 ; transport des habitants et du bétail
de Malgu (Malgia), complète dans F, détruite dans A ; de même l’an
11 sur Rabiqii et Salibi, probablement identique à « l’année dans
laquelle Ibiq-Adad prit la ville Rabiqu », King, III, p. 239, 72, cf.
Chron., I, p. G9. — Années 30-32, en partie dans A, plus complètes
dans les documents, King, III, p. 236, Go, 66, 67 et 238, 71. Il est tout
à fait impossible de savoir dans quel cadre placer les troupes qui y
sont commandées, de Turukku {var. Turuqu), Kakmum, Subê. —
Donnée de la Chronique : King, Chron., II, p. 77. — Emutbal est
incorporé au royaume d’après les ordres à Sinidinam, King, Ham-
murabiy III, p. 6,10, 103.

445. Gomme pour les premiers succès, la conquête du res


du pays de Sinéar conduit immédiatement à la construction
d’un nouveau canal de Ijammurabi (2091), qui devait se déta­
cher de l’Euphrate près de Sippar et pourvoir d’eau les villes
du Sud. Ainsi le roi se vante, au début de son Gode, d’avoir
procuré une nouvelle vie à üruk et une eau abondante à ses
habitants. 11 s’occupa d’ailleur.s activement des nouveaux ter­
ritoires conquis, ramena dans leur patrie les habitants d'isin
dispersés, construisit un temple au dieu soleil à Larsa, et à
Istar (Nanai) dans Hallab (§ 442), « rétablit Eridu sur ses fon­
dations et purifia le grand sanctuaire d’Ea » ; « il créa la
pâture et la boisson » pour Lagaè et Girsu et offrit des sacri­
fices dans ses anciens temples. Il'm it aussi tous ses soins à
Kis et à Opis, le temple Harsagkalama, Kutha, Adab et
d’autres lieux encore ; il s’efforça de relever l’agriculture et
l’élevage, de richement doter les dieux et les hommes, de
réprimer le brigandage et d’apporter la paix et la sécurité. Il
faut y ajouter les nombreux ouvrages fortifiés qui reviennent
constamment au travers de tout son règne ; il construisit pro­
bablement en 2089 la grande forteresse Kara-Samaè « haute
comme une montagne ». La part du lion revient naturellement
HAMMURABI DE BABYLONE ET SON ROYAUME — § 446 315

aux villes de sa patrie, Sippar, Babylone et la ville voisine


Borsippa. Babylone est maintenant la ville royale, qui a pris
la place de^ anciennes résidences du Sud. Pour autant que les
anciennes formules soient conservées officiellement, Anu et
Ellil, puis Ea, sont honorés comme les dieux qui dirigent le
monde et octroient la royauté. Toutefois pour Hammurabi et
sa dynastie, le dieu véritable est Marduk, « le fils premier-né
d’Ea, auquel Anu et Ellil ont accordé la puissance sur la tota­
lité des hommes, pour lequel ils ont fondé à Babylone une
royauté éternelle ». On voit comment en même temps on rat­
tache Marduk aux anciens dieux du pays et comment ceux-ci
sont mis de côté par lui ; c’est pour cela précisément que Nip-
pur, la ville dont l’oracle conférait autrefois la royauté, est
nommée à la première place par Hammurabi au début de son
Code parmi les villes de Sinéar; mais ailleurs, avec toute la
dynastie, il néglige complètement cette ville avec intention,’
semble-t-il. Dans la suite les attributs et les mythes d’Ellil
sont transférés entièrement sur Marduk, surtout l’épithète « le
seigneur des pays » bH matàti ; c’est pourquoi on le désigna
souvent plus tard par le nom abrégé Bêl-Bf,).o; ; il en fut de
môme pour d’autres mythes ou hymnes, qui se rapportaient
primitivement à Sin, le dieu royal d’Ur, ou à Ea le dieu oracle
d’Eridu (§ 426).
Le deuxième canal de Bammurabi (an 33 de la liste des dates,
King, 111, p. 232, 49), probablement le canal Ïisid-Ellil, dérivé de
l’Euphrate, est probablement celui que mentionne l’inscription
bilingue de Sippar, King, III, p. 177 et suiv. — Larsa et Hallab :
King, III, p. 181 et suiv. Fort Kara-Samas, ibid., p. 240 note. Les
autres données sont empruntées à la liste des dates et surtout à
l’introduction du Code.

446. Hammurabi a pris le titre d’un roi de Sumer et d’Ak-


kad peut-être immédiatement après ses premières victoires
sur le royaume de Larsa; comme les anciens souverains du
Sud il porta les insignes royaux sumériens, le manteau et le
31G ÉLAMITES ET AMORBITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

turban (406). Ses prédécesseurs aussi, suivant l’antique usage,


avaient employé la langue sumérienne, pour désigner les
années et des formules semblables. Maintenant Hammurabi
et ses successeurs rédigent leurs inscriptions, en partie du
moins, dans les deux langues du royaume, sumérien et
akkadien, l’ancienne langue conservant la première place.
Mais, en fait, sa victoire a institué de façon décisive la domi­
nation de l’élément sémitique sur Siiiéar que Sarrukîn d’Ak-
kad avait le premier fondée. Maintenant le sumérien meurt
• tout à fait et ne survit plus que comme langue sacrée (§ 42G).
C’est pourquoi, malgré l’activité universelle du souverain, le
Sud perd de plus en plus toute importance. Uruk, il est vrai,
Larsa, Ur, Kridu restent comme avant des villes saintes aussi
bien que JNippur ; mais ce n'est pas par hasard seulement que
les monuments toujours rares cessent alors complètement. Car
les fouilles de Tello (Lagas), Surghul, Abu Ilatab (Kisurra),
Fara (Suruppak), Bismaya (Adab) ont montré que ces villes dis­
paraissent avec la fin du royaume de S.umer et d’Akkad et sont
abandonnées, malgré la sollicitude qu'llamniurabi porte encore
à plusieurs d’entre elles. Une ville comme Lagas, si brillante
jadis, est complètement oubliée dans la suite, ainsi que son
dieu, et n’est plus jamais mentionnée. Les troubles des
années suivantes et la séparation qui s’établit entre le pays du
Sud et Babylone, ainsi que la fondation d’un loyaiime particu­
lier dans le Pays de la Mer, qui d’ailleurs ne put jamais avoir
une grande importance, n’ont pas pas pu arrêter cette évolu­
tion, mais l’ont bien plutôt bâtée. 11 faut ajoulei’, semble-t-il,
comme cause importante, la transformation progressive des
conditions géographiques, l’extension des alluvions, le chan­
gement du lit des fleuves, dont le cours s'allonge et dès lors
se ralentit, la naissance de marécages étendus, puis l'avance
des sables du désert. Les constructions de canaux d’un sou­
verain énergique comme Hammurabi, qui gouvernait tout le
pays, pouvaient retarder pour un temps sans doute ce dénoue­
ment et ci-éor une nouvelle vie; mais elles étaient impuis-
IJAMMUKABI DE BABYLO.NE ET SON ROYAUME — i; 447 317

sanies à l'empêcher, et lorsque le pouvoir suprême s’eiïondra,


la décadence fut alors d’autant plus rapide.

447. Hainmurabi et ses successeurs n’appartiennent pas


aux Akkadiens, aux Sémites installés de longue date dans le
pays, mais aux bédouins Sémites qui l’envahirent. Cette ori­
gine nous apparaît clairement dans son aspect extérieur, tel
que le conserve la stèle du Code et plus grossièrenuînl sur
une tablette de calcaire. Hammurabi a non seulement des
traits sémitiques prononcés (entre autres un très grand nez),
mais il porte une longue barbe; il a par contre les lèvres
rasées, à la mode bédouine (§ 396), et la chevelure coupée
ras. Le visage et la barbe du dieu soleil sont figurés de la
môme manière, tandis qu'il conserve la longue chevelure des
Akkadiens. Il semble que malgré toute l’insistance oiriciellc
sur le rôle souverain de Marduk de Babylonc, le dieu de
Sippar était beaucoup plus près du roi cl des traditions de sa
maison ; le nom de son fils Samsuiluna « le soleil est notre
dieu » sonne comme une profession de foi. De même, les
noms des autres rois de la dynastie sont presque tous non
pus akkadiens, mais amorrites ; et les documents montrent
que les Amorrites ont formé une grande partie de la popu­
lation. Nous en voyons la preuve dans le fait que Hammurabi
porte exclusivement le litre « roi du pays Amorrite (Martu) »
dans l'inscription dédicatoire, rédigée en sumérien, de son
fonctionnaire Iturasdum, sur une tablette de calcaire avec son
image. Les Amorrites et leurs conceptions ont sans doute
exercé une grande intlucnce sur la formation de l’Etat. Nous
voyons en effet qu’Hammurabi se nomme parfois fils de Sih
(Code, 2, 14 et suiv., 27, 42) ainsi que du dieu amorrite
üagan (4, 28, § 396), qui était probablement le dieu protec­
teur particulier de sa maison, comme à Ijana (§ 433). 11 se
vante encore « de s’être levé comme le dieu soleil sur les têtes
noires », il s'intitule môme le soleil de Babylone; malgré tout
cela il décline le titre de dieu ainsi que toute sa dynastie. Dès
.318 ELAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

lors celte conception due à iNatrim-Sin et à Sarriikîn disparaît.


Plus lard, il est vrai, le nom des rois cassites est encore très
souvent écrit suivant l’antique manière avec le signe divin ;
cependant, en opposition aux pharaons, tous les souverains pos­
térieurs de la Babylonie ainsi que les rois assyriens, quelque
puissants qu’ils deviennent, sont toujours les favoris des dieux,
qui sont en communion personnelle et étroite avec eux, mais
ils ne sont plus dieux eux-mêmes.

Sur les figures de llammurahi, cf. Meyer, Sitm. n. Sem., p. 14 et


suiv. Inscription d’Iturasdum, King, III, p. 195 (cf. § 396 note;
Ungnad a reconnu le nom, mal lu par King). — Le nom IJammu-
rabi, — écrit Hammurapih dans un document de Hana {§ 433),
Johus, P S B A , XXIX, p. 180, — paraît avoir été prononcé correc­
tement sous la forme sémitique occidentale 'Ammurapi c’est-à-dire
probablement « la tribu (nv) est élevée (?) », cf. Thureau-Dangin,
OLZ, XI, 93; Ungnad, Z A, XXII, p. 7 et suiv.; ce nom est rendu
en akkadien (liste de rois, V R 44) par Kimtu rapastum « le clan est
vaste ». Il a rarement le déterminatif divin, et certainement par
suite de l’explication erronée de la première partie du nom comme
nom divin. — Poésie glorifiant le roi et sa puissance, King, III,
p. 172 et suiv.

448. Hammurabi porte surtout aussi le titre d’un roi des


quatre régions; mais les matériaux épars ne permettent guère
de connaître l’étendue de sa puissance au delà des frontières
de Sinéar. 11 émit constamment des prétentions contre Elam
sur le pays frontière Emutbal. Kuknaèur, le régent de Suse
(§ 432 a), date une charte de donation d'après la première
année d'Ammisaduqa (1977). Hammurabi a dominé, semble-
t-il, sur la plus grande partie de la Mésopotamie : il vainquit
Ma’er et Malgu (§ 444), et les rois d’Assur lui furent soumis.
De même que les patésis de Suse étaient jadis considérés non
comme des étrangers, bien que dynastes vassaux du royaume
de Sumer et d’Akkad. mais bien plutôt comme membres de ce
royaume (§ 414), maintenant aussi Assur et Ninive sont regar-
HAMMURABI DK HABYLONE ET SON ROYAUME — S 448 319

déos comme partie intégrante dn royaume de lînbylono. Dans


l’introduction de son Gode, Ijammurahi énumère toutes les
villes et tous les temples de Sinéar dont il s’est occupé, et il y
ajoute à la fin de la liste les villes Assur, à laquelle il a « rendu
son dieu protecteur (làmaasu) clément » et Ninive, où il fit
briller le nom d’Istar dans son temple. Un texte prouve qu’il
établit une garnison à Assur. Des guerres antérieures, semble-
t-il, avaient permis de résister tout d’abord aux attaques assy­
riennes (§ 433). L'étroite parenté des Amorriles et des Assyriens
a eu pour conséquence que leurs villes et leurs dieux furent
reconnus comme égaux à ceux de Sinéar. Ces villes ne sont pas
à la vérité directement incorporées au royaume, car elles sont
comme avant gouvernées par des patésis particuliers. Sur un
document de Sippar de la 40* (?) année de Hammurabi (1949)
on prête serment par Marduk, Ijammurabi et Samsi-Adad; ce
dernier est peut-être un patési d’Aâsur (cf. § 463 note).
Nous ne savons rien d’une plus grande expansion de la
puissance de Hammurabi. En considérant l’influence profonde
et tenace de la Babylonie sur la Syrie (§ 469) on serait très
enclin à admettre que la Syrie lui fut aussi soumise, comme
elle l’était auparavant aux rois de Sumer et d’Akkad et peut-
être à ceux d’Ur. Mais nous ne trouvons aucune trace certaine
de cette extension dans les documenis conservés, bien que,
étant donné leur rarelé, ce silence ne puisse être décisif. Il
est encore plus dillicile de découvrir quelque renseignement
sur la position des Assyriens en Cappadoce, bien que, d’après
l’écriture, on puisse placer à celte époque le plus grand nom­
bre des tablettes qui en proviennent. On doit s'attendre à
trouver un Jour, dans la datation, mention d’une expédition
contre la Syrie ou la Cappadoce, si la puissance du roi s'est
réellement étendue jusque sur ces territoires. Des relations
durables avec l’Ouest, comme nous les constatons sous les
Cassites dans les lettres d'El-Amarna, ont été encore naturel­
lement plus fréquentes sous son règne et celui de ses succes­
seurs.
3-20 ÉLAMiTES ET AMülilUTES. LE HOYAL’ME DE BABYLONE

Emulbal; § iiO noie. Docmnenl do Kuknasur de Siise, Ungnad,


Urk. ans DUhai, p, 2 el suiv. C'esl jusqu’à maintenant le seul
texte de celte époque ({ui donne quel<iue information sur la situa­
tion de Suse (Ungnad a écarté le prétendu roi Sadi ou Taki,
OLZ, X, 348j ; on voit le peu de séreté de l'argument e sHentio.
— Domination sur IWssyrie, King, lll, p. 4 et dans le Code.
— Sur les documents avec les noms Bellahi et Samsi-Adad,
cf. § 438 note. — La mention du pays amorrite dans le litre de
IJammurahi (§ 44") el dans celui d’Ammidilana, King, 111, p. 207,
ne'peut rien prouver pour une domination sur la Syrie, encore
moins ceux des guerriers amorriles dans la date de l’an 36 de Sam-
suiluna ; il peut très bien s’agir des Amorrites de Babylonie. Le litre
gal-mar-iu, King, lll, p. 109, est tout à fait vague; cf. Thureau-
Dangin, S A K l, p. 170, note f. Le silence des textes sur le pays
amorrite (Syrie) est d’un poids d’autant plus grand que les noms
amorriles sont très nombreux à cette époque, en particulier ceux
qui sont composés avec le'nom du dieu Martu. Ces noms propres
d’ailleurs, d’après une communication de Ranke, n’ont jamais la
forme sémitique occidentale.

449. Le hasard nous a conservé de nombreuses ordonnances,


envoyées par IJammurahi à un haut fonctionnaire, Sinidinam,
qui avait le commandement du Sud du royaume, avec les
villes Larsa, Ur, Uruk, Lagas el de nombreuses autres locali­
tés plus petites. Ces documents nous donnent une idée très
claire de l’organisation et du mécanisme administratif du
royaume. De plus on croit y reconnaître la personnalité avisée
et énergique du souverain sous les formes qu’avaient prises,
probablement depuis les anciens temps, les rapports du souve­
rain avec ses fonctionnaires et que la cliancellerie maintenait
dans un schème fixe. Nous possédons des ordonnances identi­
ques de successeurs de IJammurabi. Elles font songer à la
collection pareille de documents de l’empire romain, la corres­
pondance fameuse entre Trajan et Pline. On conçoit que les
documents babyloniens ne reflètent pas cette culture générale,
dont l’empereur se sent le soutien et qui lui permet d'impri-
ÎJAMMÜRABl DE BABYLONE ET SON ROYAUME — § 449

mer aux idées fondamentales un cachet tout à fait personnel,


et de rendre partout sa pensée par un mot bref et qui porte.
Dans les ordonnances de llammurabi, cependant, nous recon­
naissons que l’organisation du royaume est solidement consti­
tuée, dominée par des conceptions d’ordre. Cela apparaît dans
l’exposition claire et brève des faits, par exemple dans la
manière dont la question présentée par les fonctionnaires est
résumée en peu de mots, puis la décision de l’autorité qui
intervient, si catégorique et positive, la mise de côté de tout
détail inutile et le problème dilficile d’éviter tout vain forma­
lisme. Sur tous ces points, les deux collections séparées par
deux millénaires sont bien près l’une de l’autre. Ici comme là
le souverain intervient directement dans toutes les particula­
rités de l’administration, sa sentence est demandée sur toute
affaire de quelque importance et il surveille avec une grande
énergie l’exécution de ses ordres. De nombreux procès sont
jugés suivant ses instructions, les documents probants sont
recherchés dans les archives du palais, ou transmis à la cour
supérieure de justice. Souvent même les parties, ou les indi­
vidus qui ont commis un délit, sont cités à Babylone pour la
sentence définitive et envoyés sous escorte. Les impôts sont
énergiquement perçus, soit en nature (blé, sésame ou dattes),
soit en argent, môme sur les biens ecclésiastiques et sur les
fermages; on accorde parfois une remise jusqu’à la lin de la
moisson, mais l’impôt est alors aussitôt réclamé. On contrôle
les grands troupeaux appartenant à la couronne, ou la tonte
des brebis; on règle les livraisons de bois des forêts dans les
marécages du Sud ou la position des bateaux de transport; on
surveille sévèrement les corvées des serfs, mais on prend soin
aussi que personne ne soit obligé à un travail auquel il n’est
pas astreint par son état ; on contrôle surtout sévèrement la
situation des classes particulières de la population (par exemple
les marchands) et leurs droits spéciaux. On s’oppose aux ten­
tatives des autorités locales, des « anciens » (§ 422) et des
juges, de confisquer illégalement des terrains, et l’on intervient
ELAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

énergiquement contre les tentatives de corruption. A côté de


cette surveillance, on se soucie inlassablement de la mise en
état et de la prolongation des canaux, et pour cela on exige
la corvée dos propriétaires dos terrains avoisinants. Notons
encore les ordonnances sur l’intercalation d’un mois, sur les
prescriptions cultuelles, comme l’expédition par bateau à Baby-
lone des déesses d’Emutbal avec leurs hiérodules et le renvoi
dans leur sanctuaire, ou sous Samsuiluna sur la procession de
la déesse Anunit vers un quartier de Sippar; enfin sur les mou­
vements de troupes. Le roi a une armée permanente de sol­
dats de métier qui est très probablement recrutée en grande
partie chez les Amorrites. Gomme l’enseigne le Code de Ham-
murabi, l’obligation fixe du service militaire repose sur les
guerriers. Celui qui s’y soustraifet envoie sur convocation un
remplaçant payé est puni de mort. C'est pourquoi les guerriers
reçoivent du roi* un terrain inaliénable et du bétail à admi­
nistrer, qu’héritent leurs descendants avec l’obligation du ser­
vice militaire. Si un guerrier n’administre pas ce bien à cause
des charges qui le grèvent (probablement les taxes liées au
bail emphytéotique ilku)^ un autre peut l’occuper; si alors
le guerrier ne revient pas pendant Irois ans, le terrain devient
la propriété de l’occupant. Ce sont des situations qui rappellent
l’Egypte à basse époque et l’empire romain avec ses ordonnan­
ces agricoles pour les vétérans. La puissance et les succès des
rois de Babylone reposent précisément sur cette classe de
guerriers, dont la transformation successive en propriétaires
fonciers dut avoir été plus tard la cause décisive de la déca­
dence du royaume.
La correspondance de Hammurabi et des autres rois de la pre­
mière dynastie, King, Leilers of Hammurabi (transcription, Irad.
et comment., dans vol. III); elle est complétée par le Code et les
documents mentionnés §§ 422 noie, 436 note. — Plusieurs termes
sont encore inexpliqués, en particulier ceux qui désignent les diflé-
rentes classes de la population : ainsi les patésis dans les lettres à
Sinidinam, n®* 10, 51 et suiv. et AbeSu, n“ 9, qui paraissent désigner
UAMMURABI DE BABYLONE ET SON ROYAUME § 450 323

ici une classe dépendante de la population et ne peuvent rien avoir


de commun avec les gouverneurs de villes qui portent ce litre. Dans
le Code ils ne sont cités qu’une fois, 29, 42, cf. § 413 note. Le mot
signifie-t-il proprement quelque chose comme « serviteur « et dési­
gne-t-il le gouverneur comme serviteur de la divinité, cf. § 380?
Le sens de la classe du peuple appelée bâ 'irûti « chasseurs, pre­
neurs » est aussi incertain ; d’après Samsuiluna, n° 3, ils semblent
s’occuper de pêche, près de' Sippar, mais dans le Code § 26-38, 41,
ils sont toujours immédiatement nommés avec les guerriers et pos­
sèdent comme eux un fief. Il est possible que ce terme désigne, sui­
vant Winckler, Gesetze Jlomin., p. 14, les troupes légères — « fron­
deurs » — qui suivant cette particularité vivaient, en temps de paix,
de chasse et de pêche.

450. Hammurabi ne s’est pas contenté d'exercer sans relâche


ses fonctions royales en administrant, mais il a condensé
les phrases fondamentales d’un droit équitable en un grand
Code. Déjà Sumulailu, le plus important de ses prédécesseurs,
paraît avoir codifié les préceptes légaux, et les souverains de
Larsa et d’Uruk ont aussi émis des ordonnances semblables
(§ 421). Hammurabi, dès la deuxième année de son règne, « a
établi le droit dans le pays ». Le mélange de tribus diverses
dans le royaume, qui toutes peuvent avoir eu leurs concepts
juridiques particuliers, l’obscurcissement des anciennes lois
instituées par la civilisation sumérienne et celle du royaume
d’Akkad par des ordonnances toujours nouvelles, ont donné
l’impulsion à la réforme. Mais la raison essentielle consistait à
élever sur une base durable le nouveau royaume, qui, après de
longs troubles, groupait tout le pays et qui devait offrir aux su­
jets une solide et inviolable norme d’existence. Hammurabi se
glorifie surtout d’c<avoir fixé le droit et la justice dans la langue
du pays », c’est-à-dire qu’il rédigea les articles du Gode non en
langue sacrée sumérienne, mais en akkadien, de sorte que cha­
cun pouvait les lire et les comprendre. Dans sa seconde année
il doit avoir conçu le premier projet de sa loi; il ne termina son
travail qu’à la fin de son règne, après avoir abattu Rîm-Sin et
ELAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

dominé tout Sumer et Akkad. C’est alors qu’il éleva dans EsagÜ,
c’est-à-dire dans] le temple de Marduk à Babylone, un énorme
bloc de diorite, surjlequel sont gravés les articles du Code, que
lui révéla Samas, le dieu soleil de Sippar et le principal dieu
des Akkadiens. Un relief au-dessus du Code montre comment
le roi reçoit la loi de Samas. Le code commence par une intro­
duction qui mentionne les bienfaits dont le roi a comblé les
villes du pays ; il se termine en décrivant la bénédiction que
l’ordre légal procure au pays des têtes noires et en exhortant
les descendants à le maintenir sans modification. Contre celui
qui oserait le transgresser, l'altérer ou le détruire, ou effacer
le nom du roi ou le remplacer par le sien propre, on invoque
la malédiction des grands dieux. Plus tard, au xii* siècle, cette
stèle fut emportée à Suse par les Elamites et nous a été ainsi
conservée. Il est hors de doute que ce Code fut répandu dans
le pays en de nombreuses copies; on a trouvé dans la biblio­
thèque d’Assiir-bàni-apal quelques fragments copiés sur l’ori­
ginal.
L’organisation juridique atteint sous Hammurabi un déve­
loppement dont on entrevoit les origines sous ses prédéces­
seurs : notamment la mise à l'écart des juges prêtres du temple
qui sont encore convoqués pour recevoir le serment, et leur rem­
placement soit par les « anciens » des villes (§ 422) sous la prési­
dence du chef de la ville — rabiànu —, soit par les collèges de
juges dont les membres sont nommés par le roi, et probable­
ment à vie. Ces cours de justice sont sous la surintendance
des plus hauts fonctionnaires de l’administration et du roi lui-
même (§ 449); de. plus, la cour de Babylone forme l’instance
suprême à laquelle les parties peuvent en appeler.
Au début, la loi donne quelques courtes définitions sur la
procédure, la punition de plaintes injustifiées et de fausses
dépositions de témoins ainsi que des juges iniques, le jugement
par l’ordalie en cas d’accusation de sorcellerie (l’accusé doit se
soumettre à l’ordalie par l’eau). Puis viennent, dans un ordre
assez systématique, toutes les principales activités de la vie
HAMMURABI DE BABYLONE ET SON ROYAUME — § 450

sociale : droit de propriété, devoirs et possessions des guerriers


(§ 449) et des autres proprietaires fonciers, affaires d’argent et
tout le droit des obligations, prêt, dépôt, dette, avec des para­
graphes sur l’esclavage pour dettes, ainsi qu'un droit familial
très détaillé. Puis les dispositions pénales sur les blessures ou
les rixes qui sont soumises pour la plupart à un droit sévère
ou au talion. Dans des cas déterminés le dommage est com­
pensé par une amende graduée suivant la situation de l’indi­
vidu lésé. Les professions de médecin, d’architecte, de batelier
entre autres sont aussi traitées d’après le même principe. L’opé­
ration du médecin réussit-elle, il leçoit son salaire; cause-
t-elle la mort du blessé, on coupe les mains du praticien; —
une maison mal construite lue-t-ellc le propriétaire, l’archi­
tecte est mis à mort ; le fils du propriétaire succombe-t-il, le
fils de l’arcliitocte est tué ; un esclave frappé doit être rem­
placé par un autre. Ces dispositions sont suivies par des ordon­
nances concernant d’autres métiers, louage de bétail ou tra­
vaux des champs, location de bateaux ou achat d’esclaves. La
tendance est partout très apparente de créer des règles fixes pour
la vie sociale et par suite de déterminer par une régularisation
otficielle les prix et les salaires, comme nous l’avons déjà vu
chez quelques souverains plus anciens (§ 421). A la lecture
du Code, on a partout l’impression très nette qu’il est logique
et simple. Il est condensé en phrases claires et non équivoques,
qui facilitent dans tous les cas une sentence rapide et juste.
Hammurabi semble avoir pesé très soigneusement chacune
de ses phrases et tenté partout d’atteindre à l’équité; c’est pour­
quoi il a fréquemment modifié les anciennes ordonnances
(cf. §421 et suiv.) sur lesquelles il s’appuie naturellement, et
écarté par exemple les cruautés devenues insupportables. Il
cherche énergiquement à protéger ceux qui sont faibles socia­
lement, les pauvres, les veuves et les orphelins, et à empêcher
toute injustice. Mais, précisément pour celte raison, on ne
trouve pas la mo.ndre disposition à une casuistique juridique
plus développée, il ne cherche pas à pénétrer dans les détails
326 ÉLAMITES ET AMOKRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

particuliers ou à saisir les motifs d’une action. Le droit est clair


et concis, mais par suite aussi il manque de souplesse. Il ne
donne partout qu’une seule règle et une seule décision. Ou le
plaignant a raison et la décision est prise à son avantage, ou
bien il a tort et il est débouté de sa demande, même éventuel­
lement puni. Le médecin a pratiqué son art adroitement ou
non, suivant le cas il est payé ou sévèrement puni; le juge
prononce un jugement juste ou injuste, il est condamné à une
forte amende ou bien reconnu incapable de remplir les fonc­
tions judiciaires. « La personne lésée qui a une alïuire juridi­
que doit s’avancer devant mon image qui est celle du roi du
droit, lire mon inscription, écouter mes précieuses paroles;
mon inscription l’instruira, il verra son droit et son cœur se
réjouira. » La loi de Hammurabi a sans aucun doute rendu
possible une administration rapide et impartiale de la justice;
mais on ne peut pas non plus contester que dans la pratique
ce fut une arme à double tranchant, qu’elle dut conduire sou­
vent aux plus grandes rigueurs et que, dans la meilleure inten­
tion d’être toujours juste, elle produisit en fait assez souvent
les effets contraires, vu la diversité infinie des manifestations
de la vie.

Le Code de tjlammurabi, trouvé en 1901, a été d’abord publié par


Scheil, Délég. en Perse, IV [Textes élam. sém., II), 1902, et dès lors
souvent étudié : R. Harper, The Code of //. ; D. H. Müller, Die Ges.
IL U. ihr Verhaltnis z. mosaisch. Gesetzgebung, sowie z. d. 12
Tafeln (cf. § 423 note); Kohler u. Ungnad, IT.s Gesetz.; Winckler,
Die Ges. H. in Umschr. u. Uehersetzung. Puis une traduction manus­
crite de Fr. Delitzsch. Fragment d’un deuxième exemplaire en dio-
rite : Dél. en Perse, X [Textes élam. sém., IV), p. 81 et suiv. Frag­
ments de la bibliothèque d’Assurbâniapal ; Meissner dans BA, III;
Delitzsch, ibidem, IV. Les e.vplications de Lyon sont particulièrement
utiles à l’éclaircissement du texte : JAOS, XXV, sur la disposition
du texte où il paraît trop systématiser, puis sur « la langue du
pays » (o, 22) entre autres, et XXVII, sur l’époque de rédaction et
l’érection à Babylone, et non à Sippar comme on l’a souvent admis.
HAMMURABI DÈ BABYLONE ET SON ROYAUME — § 4ol 327

— Sur les rapports des documents juridiques avec le Code :


Meissner, Assyr. Studien^ l l l {M VAG., 1903), p. 23 et suiv. ;
Schorr, Altbab. Rechtmrk. [fier. Wien. Ak.^ 133, 1907, et 160, 1909)
et dans le Bulletin de CAcadémie de Cracooie, juillet 1907 ; Hazuka,
Allab. liechtsurk. u. Hammurabi Kodex, BA, VI. — Jugement d’un
procès de Sippar « d’après [warki] Sumulailu » : Meissner, op. cit.,
III, p. 26; Lyon, op. cit., XXVII, p. 123; un texte semblable dans
Peiser, KB^ IV, p. 12, H. 23 et suiv. et peut-être dans Schorr,
Altbab. Bechtsurk., I, p. 8. — Sur la procédure: Cuq, Essai sur
l'organisation judic. de la Chaldée à l'époque de la y® dyn. babyl.,
Bev. Assyr., VH (§ 422 note).

431. Nous possédoExS dans le relief de la stèle du Code un


monument artistique important de l’époque de Hammurabi,
qui prouve que les traditions de l'art akkadien étaient encore
vivaces. Dans la figure du dieu-soleil trônant avec les rayons
qui surgissent de ses épaules, caressant de la main gauche une
longue barbe ondulée, l’expression de la majesté s’allie à la
bienveillance qu’il manifeste aux hommes et aux rois. Dans
les traits énergiques du souverain se reflète le type de la phy­
sionomie divine (§ 447). Le relief montre dans la technique un
progrès sur les œuvres antérieures : on tente de dessiner avec
exactitude la figure du roi posée de profil ; par contre sur la
stèle calcaire de Ituraâdum (§ 447), dont le relief est très gros­
sier, on n’a pas fait cet ctfort. Nous ne possédons, en dehors
de ce monument et des empreintes de cachets, aucune œuvre
d’art de cette époque, quelque zèle que les souverains, ainsi que
l’enseignent la datation des années, aient mis à fabriquer des
trônes ou des images divines ainsi que des statues de rois. Le
royaume de Babylone ne pourra sans doute pas rivaliser avec la
richesse des créations artistiques que produisit à la même époque
l’Egypte de la XII' dynastie : la datation des années montre
précisément que de pareilles créations étaient exceptionnelles,
puisqu’elles méritaient d’être annoncées aux sujets avec une
fierté particulière. De même dans la vie de l’esprit, pour autant
que les matériaux nous permettent d’en juger, le royaume de
ELAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

Babylone se tint semble-t-il notoblemenl en arrière du Moyen


Empire. Celte époque n’a guère mis en circulalion de nou­
velles idées originales et n’a pas innové sur le terrain reli­
gieux non plus. Car si Marduk de Babylone, et avec lui le dieu-
soleil de Sippar et Nabû de Borsippa, relèguent à l’arrière-plan
les anciens dieux du panthéon de Sinéar, ce n’est pourtant
qu’un changeraenl formel. La preuve que cette époque a été
pauvre en créations, c’est que Marduk emprunte simplement
les anciennes formes et les vieux myllies de ces dieux. Les
tournures générales aussi, au début et à la fin du Code de
Hammurabi, ne font que répéter les phrases traditionnelles
anciennes (jue nous connaissons entie autres par les cylindres
de Gudéa. L’époque de Hammurabi et de scs successeurs
marque bien le terme du développement séculaire de la civi­
lisation du pays. Sa force propre est épuisée, politiquement et
intellectuellement; mais la dynastie étrangère qui pénétra par
la conquête, avec ses troupes deriière elle, a trouvé la force
d’absorber cette civilisation et de se l’assimiler. Si la loi de
Hammurabi forme le terme du développement juridique et
social de Sinéar, c’est également sous ce roi et ses successeurs
qu’un grand nombre de textes cultuels et mythologiques, de
manuels du rituel et de l’activité pratique ont sans doute
été rédigés. Ils nous sont conservés dans des copies posté­
rieures, quelles que soient les adjonctions ou amplifications que
l’époque suivante ait fait subir à ce schème une fois fixé. Nous
avons déjà passé en revue le contenu de cette littérature (§ 426
et suiv.).

Les rois postérieurs de Babylone et les rois


du Pays de la Mer.

4^2. En 2081 Hammurabi eut pour successeur son fils


Samsuiluna, c’est-à-dire « le soleil est notre dieu », un nom
LES ROIS POSTÉRIEURS DE BABYLONE — § 4o2 329

amorrile très siguiricatif. Nous n’avons que peu de renseigne­


ments sur ce roi et scs successeurs, indépendamment des nom­
breux document§..privés qui sont toujours très nombreux; par
bonheur les fragments de la chronique nous donnent au moins
quelques éclaircissements. Les débuis de son règne paraissent
s’ètre écoulés en paix : la datation des années est empruntée à
des constructions de canaux ou à des olTrandes. Mais de pénibles
ébranlements surviennent alors : les fragments de la chro­
nique racontent les combats de Samsuiluna et de Rîm-Sin,
l’ancien adversaire de Ijammurabi, qui tente encore une fois,
à la fin de sa vie, de regagner son ancien royaume. Tl avait
probablement cherché un refuge dans la tiibu sauvage des
Cassites (§ 456) et fut ramené par eux. lîn l’an 9 de son règne,
en effet (2073), Samsuiluna doit livrer combat « aux troupes
cassites [Kassu) », et l’année suivante (2072) il vainquit « les
troupes d’Idamara (inconnu par ailleurs), lamulbal, Uruk et
Isin». Si Rîm-Sin vint des monts cassites, nous comprenons
qu’Opis sur le Tigre soit tombée entre ses mains. De là il se
sera de nouveau dirigé vers le Sud où il paraît avoir été par­
tout reconnu. Il tenta alors de réveiller le sentiment national
contre « le méchant ennemi », en s’appuyant sur les plus
anciennes traditions du pays, comme autrefois les rois sumé­
riens qu’avaient combattus les Sémites de Kié. L’an 2072 porte
le nom de : « année où dans le temple d’Opis la déesse
Ninmah (1) éleva le roi Rîm-Sin à la royauté sur tout le pays ».
Mais ce succès dura peu ; la date même a celte adjonction
particulière : « où il ne repoussa pas dans leurs pays les
méchants ennemis ». En fait Samsuiluna soumit de nouveau
encore la môme année le Sud qui s’était révolté. Rîm-Sin
paraît avoir trouvé la mort dans les flammes de son palais.
Les murs d’Ur et d’Uruk furent abattus Tannée suivante. Les
châtiments ne manquèrent pas non plus, et les dates des
(1) Elle est identique à l’ancienne dée.ose de la montagne, .Ninharsag d'Opis
(§ 370). Le temple est appelé dans cette date Temen-anki « fondement du ciel et
de la terre », comme plus tard la tour du temple de Babylone.
330 ELAMITES ET AMORRITES. LE ROYAUME DE BABYLONE

années suivantes mentionnent aussi des combats, ainsi en


2069 avec Kisurra (Abu Ijatab à l’est de Babylonc et de Kié).
11 est probable qu’un nouvel adversaire se dressa alors devant
lui, llumailu, qui paraît être entré en scène comme descendant
de Damiqilisu, le dernier souverain de la dynastie d’Isin (§ 418).
11 remporta de grands succès pendant quelque temps : un
document de Nippur est daté de sa deuxième anne'e. En 2067
les murs d’Isin sont détruits, en 2058 Ivis reçoit de nouvelles
fortifications, ces faits sont en relation avec les guerres men­
tionnées. A la fin Samsuiluna paraît avoir de nouveau soumis
la plus grande partie du pays. Mais il ne réussit pas à dompter
tout à fait ses rivaux; llumailu s'afiermit dans les marais de
l’extrême Sud et y fonda un royaume du « Pays de la Mer ».
Ainsi l’unité de tout Sinéar obtenue par llammurabi est restée
éphémère; peu après sa mort le pays est de nouveau, et pour
longtemps, divisé en deux Etats.”

Combat de Samsuiluna avec Rîm-Sin : King, Chron., II, p. 18.


Üngnad s’est élevé contre l'opinion probable qu’il s’agissait là de
son fils (tJngnad, Z A , XXIII, p. 73 et suiv.) : deux documents de
Tell Sifr près de Larsa, rédigés dans les mêmes termes et contem­
porains, avec les mêmes témoins, concernant l’achat d’une maison
— seul le prix diffère ce qui surprend, — sont datés l’un de Rîm-Sin,
l’autre de Samsuiluna; on voulait, ce semble, quelle que soit l’issue
du combat, avoir un document avec une date correcte qui témoignât
de la loyauté des contractants. Voir Thureau-Dangin, J. Asiat., 1909,
II, p. 335 et suiv., qui a complètement éclairci les dates des années.
D’où il suit que la date donnée par le texte (Thureau-Dangin, in loc.,
p. 336 = 5AÂ7, p. 237e) est identique à l’an 10 de Samsuiluna.
De longtemps Hommel avait reconnu que la soi-disant deuxième
dynastie, celle du « Pays de la Mer », avait été partiellement contem­
poraine de la première et que son fondateur llumailu^devait être
placé à la fin du règne de Hammurabi, ou peu après; Poebel, Z A,
XX, p. 229 et suiv. (cf. XXI, p. 102 et suiv. ; la lecture Be-ilimailu
de 'Hilprecht, liab. t'x p ., XX, 1, p. 56 note, était^ erronée), l’a
prouvé par des documents de Nippur; par contre l’opinion de
LES ROIS POSTÉRIEURS DE BABYLONE — § 453

Ranke reposait sur une erreur, que ce roi était identique à Ilumaila
de Sippar, § 437 note [Bah. E x p ., VI, 1, p. 8); maintenant cela est
confirmé par la chronique publiée par King, Cfiron., II, p. 19 et
suiv. Sa deuxième iinnée est aussi mentionnée par Poebel, VI,
2, p. 20. De plus amples renseignements, § 327. La dynastie se
joint à celle d’isin, comme le prouvent le retour du nom Damiqilisu
(§ 453) et le fait que cette dynastie du Pays de la Mer, qui régna de
1031 à 1031, prétend descendre de Damiqilisu (King, Chron., II,
p. 31 et suiv.}. — Dates et autres données pour Samsuiluna dans
King, IJammuraüi, III et Chron. ^ II, p. 105 et suiv. et /i/i', VI, 1-2.
Date de l’an 10 : Thureau-Dangin, loc. c it., p. 330; mur de Kis,
Thureau-Üangin, OLZ, 1909, 204. Il est peu probable, comme le
suppose Ungnad, Z A , XXllI, p. 82,3, que la date de l’an 2 « indé­
pendance!?) de Sumer » doive se rapporter à l'élévation de Rîm-Sin,
car non seulement il n’est guère concevable qu’un souverain ait
nommé une année d’après une rébellion qui réussit contre lui-
même, mais aussi parce que les années suivantes ne font connaître
aucun combat et que la puissance de Rîm-Sin s’affaissa probable­
ment très vite.

- 433. Les dernières années de Samsuiluna (2080-2043) parais­


sent avoir été paisibles, quoique plusieurs noms d’années de
la liste de dates très mutilée semblent signaler aussi des com­
bats. Au reste il continua à régner à la manière de son père,
établissant de nouveaux canaux, ornant des temples ou réta­
blissant 6 forteresses de Sumulailu (§ 438). Presque toutes les
dates de son fils Abesu (2042-2015) sont perdues; la chrouique
nous apprend qu’il marcha de nouveau contre Ilumailu et
coupa dans cette intention la digue du Tigre ; mais « il ne put
pas le prendre ». Nous possédons la liste à peu près complète
des dates des deux rois suivants, Ammiditana (2014-1978) et
Ammi§aduqa (1977-1957); mais elles ne mentionnent que des
événements intérieurs, canaux et forteresses, constructions de
temples et de palais, statues royales ou oracles. La seule date
importante est celle de la dernière année d’Ammiditana (1978)
« dans laquelle il détruisit les murs d’isin (la lecture est malheu­
reusement peu sûre), qu’avait construits le peuple de Damiqi-
332 e l a m ix e s et a m o r r it e s . l e royaume de babylone

lisu », Ce dernier est probablement Damiqiliâu II, le deuxième


successeur d’Ilumailu, qui porte le nom du dernier roi d’Isin,
dont il se présente comme rbéritier. Il s’est sans doute avancé
encore une fois jusqu’à l'ancienne ville royale dont il a relevé
les murs détruits par Samsuiluna, mais il n’a pu s’y maintenir
pendant longtemps. Ses descendants n’auront émis leurs pré­
tentions que dans le « Pays de la Mer », dans de très modestes
conditions. L’an II de son règne (4967) Ammiçaduqa construit
une forteresse à l'einbouchure de l’Euphrate, ce qui prouve bien
que ces dynastes ont été de nouveau refoulés. Au reste, indé­
pendamment de la perte du Pays de la Mer, les derniers rois
de Babylone ont ditlicilemcnt gouverné la totalité du territoire
que IJammurabi ou môme Samsuiluna avaient possédé. Celte
caractéristique de l’iiistoire de Sinéa'r, en opposition à celle de
l’Egypte, s'explique par les contrastes de sa population. Ici tous
les Etats s’écroulent facilement et chaque grand empire qui se
forme est éphémère; cela a duré jusqu’à la lin, c'est-à-dire
jusqu’au royaume chaldéen de Nabuchodonosor (Nabûkudur-
riuçur). Il manque à ces Etats la base ferme qui détermine un
avantage durable dans la lutte avec les puissances ennemies ;
il semble qu’une décomposition intérieure soit toujours très
rapidement survenue.
Avec le dernier roi de la dynastie Samsuditana (4956-1926)
tous les documents cessent. Pendant son règne le royaume de
Babylone s’effondra, après avoir duré exactement 300 ans depuis
ses premiers débuts sous Sumuabu.

Hilprecht, Deluf^e Stoi'y, p. 9, 3, remarque que Nippur ne nous a


livré aucun document daté d’AbeSu ; la ville fut alors probablement
au pouvoir d'ilumailu. — Les dates d’Ammiditana et d’Ammisaduqa
ont été fort bien étudiées par Ungnad, VI; mais malgré ses
objections sur le sens donné à la date sur Damiqiliéu, l’auteur ne
peut tenir pour exacte que l’explication de Poebel, Z A , XX, p. 229
et suiv. — Liste royale des P® et 2* dynasties, voir § 438 note.
VII

HITTITES, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

Invasion hittite. Fin du royaume de Habylone.


La dynastie du Pays de la Mer.

454. « Contre Samsuditana et le pays d'Akkad marchèrent


les Ilattû » : ainsi se termine, par une brève chronique, This-
toire de la première dynastie de Babylone. C'est en môme
temps, et pour longtemps, la dernière donnée que nous pos­
sédions sur le sort de Sinéar. Pour la premièic fois le nom des
Hittites apparaît dans l’histoire. Les Hittites viennent de l’Asie
Mineure orientale; mais nous ne pouvons pas encore décider
si le nom fourni par la chronique s’appli(juo au même peuple
que nous rencontrons dans les siècles suivants et qui témoi­
gnent d’une si grande puissance (cf. §§ 474, 501), ou si ce nom
est employé d'une manière générale pour désigner les tribus
apparentées du Nord-Ouest. Il ne s'agit en tous cas pas de l'an­
cienne population non sémitique de la Babylonie, désignée
par le terme de Subarî; mais on doit peut-être penser aux
Mitanni que nous trouvons ensuite dans la Mésopotamie sep­
tentrionale (§ 465). On admettra sans doute une invasion venue
des monts du Nord-Ouest. Nous ne savons rien de plus sur les
phases et l’issue du combat. Cependant nous pouvons, semble-
t-il, combiner avec cette chronique le renseignement du roi
cassite Agum II, que les images dé Marduk et de son épouse
Sarpanit, les protecteurs de Babylone, avaient été emportées
•HITTITES, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

au pays Hani et qu'il les en ramona (§ 4.^9). Cela prouve en


tout cas que Babylone a été conquise et pillée; ainsi l’attaque
des Hittites aura préparé la lin du royaume Amorrite de Baby­
lone (1926). IJani est sans doute identique à IJana dans les
steppes le long de rEu[)lirate, au sud du Ilabiir (§ 4o3), et au
nom plus complet Ilanigalbat (§ 465). Les Hittites, semble-t-il,
y ont fixé le siège de leur puissance et de là ont saccagé et
rendu tributaires les pays avoisinants (cf. § 464). Nous avons
noté déjà des relations entre Sinéar et les tribus de l’Asie
Mineure, en particulier l’adoption de leur déesse Ishara 433,
cf. §§ 481, 486); plus tard, sous les Gassites, nous rencontrons
fréquemment des noms asianiques, surtout des noms composés
avec le nom du dieu Tesub, preuve manifeste que des éléments
hittites se sont établis à l’état sédentaire parmi la population
indigène de Sinéar.

Donnée de la chronique : King, C//ro«., H, p. 22. Inscription


d’Agum, § 438 note. — La présence de noms « Mitanni » (cf. § 435
note) dans les documents cassites publiés par Clay, XIV, XV,
a été reconnue par Bork, OLZ^ IX, p. 588; on y trouve surtout de
nombreux noms composés avec Tesub (lu : te-ru par Clay), puis des
noms comme Kilia = Gilia dans les lettres Mitanni, des formations
avec le mot mitanni : ar, ari = donner (ne pas confondre avec
l’arien : aria!) etc. ; le nom propre Tarkuabu composé avec le nom
du dieu Tarku. Cf. aussi Ungnad, OLZ^ X, 140, et Clay, Personal
Names from Cun. Inscr. of ihe Cassite période 1912.

454 a, Nous ne possédons aucun autre renseignement de


quelque nature que ce soit sur les Hittites en Sinéar et sur
l’histoire des 150 années qui suivent. Les combinaisons par
lesquelles on croyait pouvoir combler ces vides sont insoute­
nables (§ 328). H est bien plutôt acquis, depuis que Kugler
a fixé eu 1926 la fin de la dynastie de Babylone, qu’il y a en
chiffre rond un intervalle de 165 ans entre cette dynastie et le
commencement de la troisième dynastie, cassite, vers 1760.
A cette époque les « rois du Pays de la Mer », descendants de
INVASION UITTITE. FIN DU ROYAUME DE BABYLONE — § 454 a 335

llumailu (§ 452 sq.). désignés dans les listes royales comme la


deuxième dynastie, doivent avoir établi leur domination sur
tout le pays. L’invasion hittite leur a permis probablement
d’atteindre le but; leur domination signifie de nouveau une
victoire de l’élément sumérien sur les Sémites du Nord. Ainsi,
après Damiqilisu II (§ 453), les rois suivants de la dynastie,
soit 8 en tout, ont pris des noms sumériens, bien qu’ils soient,
ce semble, d’origine sémitique. Leur puissance ne peut avoir été
très grande et la suite des rois que nous possédons est peut-
être môme incomplète; les noms conservés, en effet, ne suffi­
sent en aucune manière à combler l’intervalle qui sépare llu­
mailu des derniers rois de la dynastie. Nous ne possédons pas
non plus un seul document de cette époque, ni une inscription
royale, ni une bi ique de construction, ni un document d’affaires.
La seule notice qui nous soit parvenue dit que Gulkisar, le
sixième roi de la dynastie (environ 1875-1830), a donné à la
déesse Nina un district dans le territoire de Dôr sur le Tigre.
Babylone même doit alors avoir été pour un certain temps aux
mains des Hittites. Divers mouvements curent lieu à cette
époque, il faut y placer peut-être l’extension de la puissance
assyrienne sous Samsi-Adad (§ 464).

Nous avons déjà mentionné, § 327, que les chiffres donnés pour
la deuxième dynastie sont tout à fait légendaires : 11 rois en 10
générations pendant rien moins que 368 ans, parmi lesquels llu­
mailu 60 ans, son successeur 56 ans, Gulkisar 55 ans, son succes­
seur 50 ans! Mais comme l’intervalle entre l’élévation de llumailu
vers 2070 et la fin de la dynastie vers 1720 (§ 458) comporte réelle­
ment 350 ans en chiffres ronds, la dynastie donnée est incomplète.
Entre la fin de Damiqilisu II vers 1980 et l'accession de Gulkisar
vers 1870 il y a eu probablement plus de 2 rois, qui doivent de plus
avoir été frères. On pourra difficilement reculer le premier d’entre
eux, Iskibal, jusqu’à la fin de la première dynastie, en 1925, de
sorte qu’il y a là une grande lacune; cf. la liste royale, § 458 note.
[L:s chiffres qui y sont donnés sont ceux de Hilprecht, DE^ XX, 1,
p. 42, 2 ; ils diffèrent en plusieurs points de ceux qu’admettent
336 HITTITES, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

Kundtzon et Lehmann, adoptés dans la précédente édition.] — Nous


connaissons la donation de Gulkisar par une inscription d’Ellilna-
dinapal, fils de Nabuchodonosor I (Nabi'lkudurriusur), qui la sanc­
tionna la 4* année de son règne, vers 1130 : Hilprechl, /yA’, I, pl. 30
et suiv. et Assyriaca, p. 1 et suiv. ; Jensen, Z A , VIII, p. 220 et suiv.;
il le place 696 ans avant lui, c’est-à-dire 700 ans avant le renouvel­
lement de la fondation, et doit songer à la dernière année du gou­
vernement de Gulkisar. Cf. § 327 note.

Irruption des Ariens. Le cheval. Les Cassites.

455. L’invasion hittite a été la première migration de peuples


de cette époque ; elle est suivie par une deuxième, et non moins
profonde, partie de l’Est. L’impulsion fut donnée par l’irruption
de tribus ariennes qui, vers la fin du lioisième millénaire
environ, avaient occupé les pays à l’est de la mer Caspienne et
du lac d’Aral. De là elles se répandirent d'une part vers le Sud-
Est dans le territoire de l’Indus, de l’autre vers l’Ouest au'delà
du haut plateau iranien, et mirent ainsi en mouvement les popu­
lations qui y étaient installées. Nous rencontrons les Ariens
même en Mésopotamie et en Syrie (§ 465) au plus tard depuis
1600 environ. Il n’est pas douteux que les Ariens, comme sur­
tout les Indo-européens, aient connu le cheval; do nombreux
noms ariens, de tout temps, composés avec asva « cheval »,
prouvent combien leur vie était étroitement unie au cheval. Cet
animal servait moins comme monture que comme bête de trait,
pour les chars sur lesquels on parcourait de vastes distances lors
des migrations ou des expéditions mililaires; on trouve même
mentionnés des chariots de course (§ 577). Le cheval est par
contre totalement inconnu aux pays civilisés de l’Ouest jusqu’au
commencement du deuxième millénaire, autant en Sinéar qu’en
Egypte. On employait uniquement l’âne comme bête de trait,
en dehors des bœufs pour les lourds chariots. Le char de Gudéa
IRRUPTION DES ARIENS. LE CHEVAL. LES CASSITES — § 455 337

par exemple, est altelé d’ânes, tandis que le char de procession


du dieu Ningirsu est tiré par des animaux fabuleux (§ 410). Dans
le Code de Hammurabi aussi on ne nomme pas les chevaux, mais
seulement les bœufs et les ânes, les moutons et les porcs, soit
dans l’énumération se rapportant au domaine (§ 7, 8), soit dans
les prescriptions relatives au vétérinaire (§ 224 et suiv.). Un
peu plus tard les chevaux apparaissent dans un document privé
qui contient un ordre de leur livrer du fourrage; les premiers
chevaux peuvent être venus en Sinéar environ vers l’an 2000.
L’écriture idéographique du mot pour cheval {sisiT) ; « âne de la
montagne », laisse clairement reconnaître leur lieu d’origine;
ils remplaçaient en effet réellement l’âne. Ils ne sont jamais
employés comme monture, mais sont toujours attelés aux chars,
surtout dans la guerre. Le char de guerre s’est répandu pen­
dant les siècles suivants sur toute l’Asie Antérieure, également
en Egypte, en Crète et en Grèce. Depuis le xvi' siècle il a
imprimé à la guerre un tout nouveau caractère; par contre
l’équitation est encore resiée complètement inconnue dans ces
pays pendant des siècles.
Sur la première apparition des Ariens dans l’hisloire, voir le
mémoire de .Meyer, Ber, Berlin. Ak , 1908, p. 14 et suiv. et plus
détaillé dans Z . f. vergl. Sprachwiss., XLIl [Die àltesien datierien
Zeugnisse der iran' Sprache u. d. zoroastr. Beligion)^ p. 16 et suiv.
Ce que nous pouvions déduire auparavant uniquement des noms
propres et d’autres indices a été confirmé de la manière la plus
surprenante par les documents de Boghaz-Keui découverts et étudiés
par Winckler, MDOG, XX, 35, 1908 : ils montrent que dans le
royaume du Mitanni, au commencement du xiv® siècle, on adorait à
côté des dieux indigènes des divinités purement ariennes et que la
dynastie a été sans aucun doute arienne. D’après les données de
Winckler, les éléments ariens dans le Mitanni sont désignés par le
nom yiarri, OLZ, XIII, p. 291 et suiv. Winckler attire l’attention
sur le fait qu’aussi dans la version susienne des inscriptions de
Darius le nom des Ariens est écrit avec une aspirée initiale Harrija
(cf. § 467 note). — La plus ancienne mention du cheval en Babylonie :
Ungnad, OLZ, X, 638 et suiv. (document « d’après l’écriture de
338 .n iT T IT E S , ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

l’époque de IJammurabi environ ou de Samsuiluna »). Attelage à


4 chevaux dans une empreinte de cachet sur une tablette cappado-
cienne, § 435 note, cf. § 520 note. A l’époque cassite le cheval est
souvent nommé.

456. Pendant les siècles suivants nous rencontrons en Méso­


potamie et en Syrie (§ 468), de nombreux dynastes avec des
noms ariens; ces territoires ont été submergés non seule­
ment par des asianiques-hittites, mais aussi depuis l’Est
par des tribus ariennes. Mais, bien avant déjà, les Ariens ont
influencé la tribu des Kaésû habitant les monts occidentaux
de riran. Dans une expédition militaire de Sénachérib (Sinahô-
riba), en 703, ces Ka§sii apparaissent comme tribu guerrière
dans les parties les plus sauvages du Zagros, adjacentes au
pays Ellip (territoire de la Kerhâ supérieure = Choaspes, SO
d’Ecbatane). Là précisément, sur la route de Babylone à Ecba-
tane, habitait d’après les rapports grecs la tribu guerrière des
Cassites domptée temporairement par Alexandre; elle pouvait
mettre en ligne 1300 archers. Lorsque le roi des Perses trans­
porte en hiver sa résidence d’Ecbatane à Babylone, il doit leur
offrir des cadeaux comme droit de passage sur leur territoire.
Il ne peut donc y avoir aucun doute que les Kas§û ne soient
identiques aux Cassites. De nombreux noms propres et beau­
coup de mots de leur langue, avec leur sens, nous ont été con­
servés. Plusieurs de ces mots reviennent dans les noms propres
des tribus voisines du vaste pays montagneux entre l’Assyrie
et la Médie. Les similitudes avec les noms propres des Mitanni
et des Hittites semblent fréquentes, de sorte que les Kassû sont
peut-être apparentés à ces peuples d’Asie Mineure. Par contre,
ce ne sont ni des Indo-européens, ni des Sémites, et ils n’ont
eu pour le moins aucune athiiité étroite avec les Elamites ou
les Sumériens. Mais ils subirent certainement une influence
arienne : s’ils adorent, en efl’el, un dieu-soleil Surias, qui appa­
raît parfois aussi dans leurs noms propres, à côté de nombreuses
divinités qui ne sont pas ariennes, il est impossible de séparer'
ce nom du mot arien sûrja « soleil » (avec la terminaison s du
IRRUPTION DES ARIENS. LE CUEVAL. LES CASSITES — § 456 339

nominatif). On trouve peut-être encore dans leur vocabulaire


d’autres éléments ariens. Donc on peut supposer qu’ils ont été
repoussés par les Ariens vers l’Ouest, contre la Babylonie, et
qu’ils étaient établis auparavant beaucoup plus à TEst, peut-être
en Médie.
Les matériaux dans Delitzsch, Sprache der Kossaer, 1884, qui a
déterminé exactement leur position. Il a publié un glossaire cas-
site-assyrien de 48 m ots; l’explication des noms de rois cassites
dans la liste des rois après le déluge mentionnée au § 329 a (dans
Delitzsch, p. 20 et suiv.) donne de plus amples renseignements. Il
faut y ajouter les nombreux noms propres des documents de la
dynastie cassite : Glay, DE^ XIV et XV et Personal Names from
cun. inscr, of the Cassite period, 1912, p. 36 et suiv., où il réunit,
p. 44 et suiv., les similitudes avec les noms Mitanni. Hilprecht
VIII, p. 3l7 suppose que le dieu cassite ïurgu est identique
au Tarhu, Tarku hittite (§ 476). — Les Kassû chez Sinahêriba :
Gyl. Taylor, I, p. 63 et suiv.; KB, I, p. 86 et suiv. Pour la posi­
tion du lieu voisin Ellip, voir Streck, Z A , XV, p. 380 et suiv.
Données grecques : Strabon, XI, 13, 6; XVI, 1, 18; Polybe, V, 44;
puis les historiens d’Alexandre : Arrien, VII, 15; Diodore, XVII,
111 ; Néarque in Arrien, /nrf., 40, 0, et Strabon, XI, 13, 6, les dé­
signent comme une tribu de brigands sur la frontière de Médie. Puis
aussi Pline, VI, 134; Ptolémée, VI, 3, 3. Les sources ne permettent
nullement de prétendre avec Oppert, Z A, III, p. 421 et suiv., V,
p. 106 et suiv., et Lehmann à sa suite, ibidem, VII, p. 328 et suiv.,
Hauptproblemey p. 211 et suiv., que les Ka§sê ne sont par les Cas-
sites, mais seraient les Cissiens, de Susiane (§ 363) ; la langue des
Cassites aussi prouve qu’ils n’appartiennent pas à l’Elam. — Schef-
lelowitz, Z . f. vergl. Sprachioiss. ^ 28 1902, a tenté d'expliquer les
mots cassites par l’arien, mais il doit pour cela se livrer aux com­
binaisons les plus aventurées et admettre un violent changement de
lettres, qui n’apparaît nulle part dans les dialectes ariens (iraniens)
de l’époque tardive ; les mots conservés par ces dialectes sont tou­
jours transparents; par contre, avec raison, Bloomfield, On sqme
alleged Indeuropaean Languages, Amer. J. of. PhiL, XXV. On dou­
tait auparavant de l’étymologie de surias, expliqué dans le glossaire
par « dieu Soleil » (à côté du mot indigène sah), = arien sûrja-s,
:i40 . HITTITES, ARIENS, GASSITES, ASSYRIENS

sans compler que ias signifie ordinairement pays » dans les mots
cassites (ainsi Bur-ias — bel matdti), parce que nous devrions
attendre un système consonnantique iranien, dans lequel le s
initial devient h. Or il est acquis maintenant par les noms divins
mitanni (§ 435 note) que ce changement n’était pas encore sur­
venu chez les Ariens, qui pénétrèrent dans l'Ouest au xv* siècle,
mais qu’alors ils gardaient le v primitif aussi bien que les Hindous.

La domination cassite en BabyIonie.

457. Les Cassites apparaissent pour la première fois dans


l’histoire de Sinéar l’an 9 de Samsuiluna (2073), probable­
ment comme alliés de Rîm-Sin dans sa tentative de relever
son royaume (§ 452). Ensuite on les trouve parfois dans les
documents comme ouvriers et locataires de champs. Le che­
val aussi qu’ils ont eux-mêmes reçu des Ariens, fut apporté
par les Cassites en Sinéar comme article de commerce très
recherché. On conçoit que la riche plaine du Tigre qui s’éten­
dait aux pieds de leurs montagnes excitait leur convoitise. A
la vérité, nous manquons de toute donnée sur la manière dont
eut lieu leur invasion. Il serait possible, par analogie avec de
nombreux exemplçs comparables, qu’ils soient venus d’abord
comme mercenaires dans le pays et de serviteurs soient deve­
nus les maîtres. En tout cas, vers 1760, un prince cassite, Oan-
daè, a arraché aux rois de la deuxième dynastie la domination
sur Babylone et la partie principale du pays, et les a refoulés
dans leur ancienne possession, le Pays de la Mer. Tout ne se
passa pas sans violence ; Gandas parle, dans les fragments de
copie d’une inscription,‘de la mise à sac du temple d’Ellil « lors
de la conquête de Babylone ». Dans cette inscription, qui trahit
aussi son origine par de nombreuses fautes de grammaire, il
se' nomme « Gaddas, roi des 4 régions du monde, roi de Sumer
et d’Akkad, roi de Babylone »; donc il se présente comme roi
légitime et successeur des rois de la première dynastie.
LA DOMINATION CASSITE EN BABYLONIE § 458

Waradibari sous Ammisaduqa, désigné comme sab KaHû :


Ranke, Early Bab. pers. Nnmes, p. 174, 199 ; B E , VI, 1, p. 8 noie.
Autres cassites dans les documents de la fin de la première dynastie :
Ungnad, /M , VI, 5 {Ut'k. aus Dilbat), p. 21 et suiv. — Inscription de
Gaddas : Winckler, Unlers. z. alior. Gesch., p. 34; 156, 6; cf. King,
Chron., I, p. 103, 1.
458. Gandas (1760-1745) a pour successeur son fils Agum I
(1744-1723) sur lequel nous ne savons rien de plus. D’après
une notice de la chronique, le dernier roi de la dynastie du
Pays de la Mer, Eagamil,. paraît avoir trouvé la mort à cette
époque dans un combat contre l’Ëlam, devenu alors tout
à fait indépendant. En ce temps, dit la chronique : « Ulam-
burias, frère de Kaètilias, le Cassite, réunit scs troupes,
conquit le Pays de la Mer et devint souverain du pays ». Ainsi
se termine la deuxième dynastie et le Pays de la Mer fut sou­
mis aux Cassites. Ulamburiaë a probablement exécuté les
ordres de son frère Kastilias I, le troisième roi de la dynastie
cassite (1722-1701). Ainsi s’explique que celui-ci a subi égale­
ment un échec des Elamites (§ 462). Sur une poignée de
masse d’arme en diorile, Ulamburias porte le litre de « roi
dû Pays de la Mer ». Il nomme ici comme son père le roi
Burnaburias qui n’est pas cité dans la liste royale; il semble
par suite, qu’avec Kastilias I, une nouvelle famille soit montée
sur le trône à la place de la maison de Gandas. Sans doute,
Agum II désigne Kastilias I comme « premier fils d’Agum le
Grand (c’est-à-dire l’ancien?), rejeton royal brillant, qui tient
les rênes, fils de Gandas ». Peut-être Ulamburias, fils du roi
Burnaburias, a-t-il été difïérent du frère de Kastilias I et
appartient-il à une époque postérieure. Kasliliaë 1 a pour
successeur son fils Uë(?)-si (1700-4693), tandis qu’un autre fils,
qui porte de nouveau le nom Agum, marche une seconde fois
contre le Pays de la Mer, qui a donc dû se révolter. Ce prince
conquit dans cette région la ville Dûr-Ellil et y détruisit le
temple d’Ellil. Abiraltas succède à son frère Ussi, puis est
suivi par son fils Tazzigurumas et son petit-fils Agum II, avec
[h i t t i t e s , a r i e n s , c a s s i t e s , a s s y r i e n s

répithèle k ak-rim e. Les années de leurs règnes sont perdues


et nous ne possédons pas de documents originaux pour aucun
de ces rois ; seule une grande inscription d’Agum II nous est
conservée dans une copie d’Aésurbâniapal {§ 459). Après Taz-
zigurumas commence la grande lacune dans la liste royale
(§ 325) ; donc la plus grande obscurité règne sur l’époque qui
suit Agum II (vers 1650). Nous manquons de tout monument
pendant deux siècles. Les données suivies ne commencent de
nouveau qu’avec Karaindaâ vers 1480 ; aucun des documents
privés des premiers 350 ans de Tépoque cassite n’est venu
au jour jusqu’à présent.

Les dates de la chronique ; King, Chron., II, p. 22 et suiv., tra­


duction améliorée par Thureau-Dangin, ZA^ XXI, p. 176. La lec­
ture du nom Kastilias (transcrit auparavant Bitilias ou Bibias) a été
établie par Thureau-Dangin d’après le document de IJana cité au
^ 433 note ; de même la lecture Abirattas (pour Adumetas), OLZ,
XI, p. 31 et suiv., il veut lire aussi Du-si pour Us-si. — Ula (sic)-
burias, fils du roi Burnaburafsic !)rias, roi du Pays de la Mer :
Weissbach, Bab. Mise., p. 7, Le nom Ulamburias revient dans la
liste royale V R, 44, 25, expliqué par « enfant du seigneur des
pays ». — Inscription d’Agum (Kakrime) II : V R, 33, KB, III, 1 ,
p. 134 et suiv.; cf. Delitzsch, Kossaer, p. 55 et suiv., Thureau-Dangin,
OLZf XI, 31 et suiv. Hommelja bien placé le texte de la généa­
logie, OLZ, XII, p. 108 et suiv., de sorte qu'il concorde parfaite­
ment maintenant avec la liste royale. Schnabel, Chronol. d. Berossos
{MVAG, 1908), a fort bien montré que les tentatives de placer plus
tard le Cassite KaStiliaS nommé dans la chronique, frère d’ülambu-
rias, ont échoué parce que la fin de la deuxième dynastie (Eagamil)
ne peut guère être abaissée d’un siècle, comme cela serait alors né­
cessaire au delà de l’époque de Kastilias I, et cela à cause de la date
donnée pour Gulkisar (§ 454 a). Mais Ulaburias de l'inscription de
la masse d’arme peut fort bien être un autre roi. — Les documents
de Nippur, Glay, B E , XIV-XV, commencent avec Burnaburias II,
ainsi que les nouveaux textes trouvés à Babylone par Koldevey. —
Pour la liste royale cunéiforme et sa reconstitution, cf. § 325 et
suiv. ; on ne peut atlirmer que les chiffres soient toujours exacts.
LA DOMINATION CASSITE EN BABYLONIE — § 458 343

LISTE ROYALE

D y n a s t i e a m o r r it e d e B a b y l o n e

I® Dynastie
Sum uabu.... 14 ans, env. 2223-2212
Sum ulailu.. . 36 » 2211-2176
Sabu................. 14 » 2175-2162
Apilsin...........18 h 2161-2144 D y n a st ie du P a y s d e la M e r

Sinmubalit. . 20 » 2143-2124
II* Dynastie (cf. § 434 a note)
Hammurabi.. 43 » 2123-2080
Samsuiluna.. 38 » 2080-2043. llumailu (60 ans) vers 2070
Abesu.............28 » 2042-2015 Itti-ili-nibi (35 ans)
Ammiditana. 37 » 2014-1978. Damiqilisu II (36 a.) jusq. env. 1980
Ammisaduqa. 21 » 1977-1957
Samsuditana. 31 » 1936-1926
Invasion hittite Iskibal (15 ans)
Sussi, son frère (27 ans)
D y n a s t i e c a s s it e d e B a b y l o n e Gulkisar (53 ans) env. 1870-1830
Pesgaldaramaé (50 ans)
III" Dynastie Aidarakalama (28 ans)
Gandas.................. 16 ans 1760-1743 Ekur-ul-ana (26 ans)
Agum I, son fils. 22 » 1744-1723 Melamakurkura (7 ans)
Kastilias 1.............22 » 1722-1701. , Eagamil (9 ans) jusq. env. 1720
U§(?)-èi, son fils. 8» 1700-1693 (Ulamburias, frère de Kaltiliaé 1)
Abirattas
Tazzigurumas (Agum, fils de Kastilias I)
Agum II (-kakrime) env.'^ 1650

Vide complet.
.H IT T IT E S, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

4o9. Gandas se nomme roi des 4 régions et Agiim II parle


également de sa domination sur ces contrées; Jes rois cas-
sites prétendent donc que leur puissance s’étend bien au delà
de Sinéar. Mais les faits répondent pou à cette prétention. Il
est très possible au contraire que les Ilyksos, dont le royaume
a dû s’agrandir en Asie Mineure, ont étendu leur suzeraineté
sur Sinéar au commencement de leur domination, peu après
1700. Nous en avons probablement un témoignage dans le lion
de basalte portant le nom de Ilian, trouvé à Bagdad (§ 306).
On pourrait en trouver une antre confirmation dans la pré­
sence d’une Babylonienne, Istarummi, parmi les esclaves prises
par les Egyptiens plus tard, lors de la conquête d’Avaris (§ 304
note); mais nos matériaux ne sont pas assez abondants pour
en tirer quelque certitude. Sous Agum II, mais pour un temps
seulement, la puissance cassite a dû prendre un plus grand
essor. Ce roi se vante d’avoir ramené les statues de Marduk
et de Sarpanit depuis Ilana, où les Hittites, semble-t-il, les
avaient emportées (§ 4o4), et de les avoir replacées couvertes
d’or, de vêlements ornés de pierres précieuses et de magnifiques
couronnes cornues, dans la construction de cèdre du temple
Esagil à Babylone. Il semble que cet événement n’est pas la
conséquence d’une guerre, mais une simple décision du suze­
rain. Le territoire de l’Euphrate et la steppe mésopolamienne
étaient soumis à Agum II ; les Hittites doivent avoir été
repoussés, peut-être moins d’ailleurs par les Cassites que par
les Assyriens (§ 464). Donc l’Assyrie aussi a difficilement
reconnu la suzeraineté cassite et la Syrie ne l’a certainement
pas fait. Agum II se vante sans doute dans sa titulature qu’il
transplanta à Tupliaê (Asnunnak), à l’Est du Tigre (§ 413
note), de nombreux colons et se nomme « roi de Padan et
Alman et roi des Gûti, les hommes insensés (?) ». Cette tribu
montagnarde lui obéit donc. Le mépris des Cassites vainqueurs
à l’égard de leurs voisins qu’ils repoussèrent se manifeste dans
cette titulature en des termes naïfs. Les pays Padan et Alman
doivent être cherchés peut-être aussi dans la montagne. Le
LA DOMINATION CASSITK EN BABYLONIE

Pays de la Mer, par contre, semble n’avoir jamais été com­


plètement subjugué; des princes indigènes ont toujours pu
y affirmer leurs prétentions : au xi® siècle encore nous y trou­
vons une dynastie qui tire son origine de Damiqilisu I", le
dernier roi d’Isin (§ 418.452 note), et domina quelque temps
sur Babylone (V® dynastie, 1051-1031). Si dès lors les rois cas-
sites portent généralement le vieux titre de « roi de Sumer et
d’Akkad », Agum II, lui, ne se nomme que « roi des Cassites
et des Akkadiens » sar Kasst n Akkadî, sans mentionner
Sumer, ce qui exprime bien la situation, p. 205.
Pour Padan et Alman ; cf. Delitzsch, Paradies, p. 205. — It est
étrange que Poebel, Z A , XXI, p. 271, déduise de la titulalure
d’Agum, que KassA est Sumer, en méconnaissant complètement les
faits.

460. Dans le titre qui chez Agum II précède tous les autres
se manifeste avant tout le caractère du royaume. Les Cassites
sont le peuple conquérant, ils ont pénétré en troupes nom­
breuses dans le pays d’Akkad et y ont fondé leur puissance.
C’est pourquoi ils ont donné à ce territoire, centre de leur
royaume, un nom cassite, Karduniaè, ce qui veut probablement
dire « citadelle du dieu Dunias », peut-être en souvenir d’une
forteresse construite par eux. Le souverain du royaume cas-
site est toujours désigné comme « roi de Kardunias » dans les
documents officiels, si le protocole royal complet n’est pas
mentionné. Les envahisseurs étrangers forment la classe des
guerriers et ont pris pour eux, semble-t-il, la plus grande partie
des biens fonciers. Le roi dépend d’eux et nous connaissons
dans la suite des révoltes de ces guerriers cassites, qui déposent
le roi et lui substituent un personnage pris parmi eux. Au
reste ils ont accepté naturellement la civilisation, la langue et
la religion du pays. A l’exemple des rois amorrites, les Cas-
sites se présentent comme les favoris choisis par les dieux
indigènes, avant tout par Marduk de Babylone où ils ont leur
résidence. Sous leur règne, la position de Marduk à la tête du
• HITTITES, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

panthéon, comme « seigneur (Bêl) des pays », s’est encore plus


consolidée, car le Sud passa complètement à l’arrière plan et
ne forma qu’une dépendance, incomplètement soumise, du
royaume de Kardunias. Les rois s’occupèrent non seulement
du culte, mais aussi de Tordre et du bien-être de leur royaume.
Une innovation, qui apparaît sous cette dynastie, consiste dans
la suppression des noms d'années et la datation par années
royales. Les années royales sont comptées depuis le Nouvel
An (!*'■ Nisan) après l’accession au trône, où le roi saisit les
mains de l’image divine, couverte d’or, de Marduk, dans le
temple Esagil. Ce jour-là, le roi reçoit la confirmation de sa
royauté et c’est le jour où les dieux fixent le destin pour la
nouvelle année. Cette coutume n’a pu avoir été introduite
que lorsque Agum II eut rétabli l’idole dorée de Marduk dans
le temple. Au reste il est compréhensible que les rois ont
peu à peu fortement accentué leur babylonisme. Le roi Ka-
raindaS (vers 1480) se nomme dans une inscription monumen­
tale rédigée en sumérien : le roi puissant, roi de Babylone,
roi de Su mer et d’Akkad, roi des KassCi, roi de Kardunias ».
11 a donc transformé l’antique titulature ; chez ses successeurs,
les Kassii disparaissent complètement du titre royal. Ces
tendances ont dû produire maints conflits avec les guerriers
cassites.
Sur Kardunias : Delitzsch, Paradies, p. 135; Streck, Z A, XXI,
p. 235 et suiv. Le nom n’est pas encore mentionné par les rois les
plus anciens ; la forteresse dont ce nom tire son origine n’a dû être
construite qu'après Agum II. — Inscription de Karaindas : IV R, 38,
3; A/?, III, 1, p. 132.

461. Avec les Cassites un nouvel élément s’est encore ajouté


au mélange confus de peuples de Sinéar. Dans les documents
de l’époque suivante les noms ainorrites disparaissent; mais les
noms cassites sont par contre en nombre d’autant plus grand,
ainsi que les noms élamites, à côté d’éléments indigènes et
parfois aussi hitlites-asianiques (§ 454). Les Cassites n’ont pas
LA DOMINATION CASSITE EN BABYLONIE — § 461 347

ranimé le pays. Le manque de documents n’est pas seule­


ment la cause de la pauvre impression que fait le royaume
cassite; mais tout ce que nous savons d’eux montre qu’il était
plongé dans une stagnation complète. A l’extérieur les pré­
tentions héritées sont toujours, il est vrai, maintenues
intactes ; mais il leur manque toute force pour en venir à
bout. Dans les villes, après que les secousses des grandes
invasions furent passées, les affaires prospérèrent de nouveau.
Mais nous cherchons en vain quelque manifestation de vie
indépendante; l'ancienne littérature traditionnelle du rituel
des présages, les mythes ou les prières sont exclusivement
amplifiées et complétées. La décadence nous apparaît le plus
nettement dans les monuments artistiques de cette époque et
de l’époque suivante jusqu’au neuvième siècle, par exemple la
tête d’une statue divine en basalte. A la simple vue ces monu­
ments se rattachent aux traditions de Narâin-Sin et de Ilam-
murabi ; la figure du dieu-soleil sur la stèle du Code est plu­
sieurs fois répétée sur des reliefs postérieurs emmenés à Suse ;
mais toute vie intérieure a disparu de la sculpture et un sché­
matisme inerte s’y substitue. Ainsi, dans la manière de traiter
les cheveux les anciennes formules sont modifiées d’une
manière arbitraire, tout à fait contraire à la nature. L’image
de Nabuchodonosor I (Nabûkudurriuçur) (vers 1150) sur un
kudurru n’est pas meilleure, pas plus que la représentation
des dieux et de leurs armes et de leurs symboles sur ces
pierres, conservées en assez grand nombre depuis Nazimarut-
taâ (1334-1309) (cf. § 427). Où que nous regardions, nous
reconnaissons que la civilisation de Sinéar et sa vie intérieure
a eu son terme final avec la chute du royaume amorrite de
Dabylone. Elle cherche, il est vrai, péniblement à maintenir
intacte ses traditions; les villes du pays attirent non seulement
les étrangers par leurs richesses, mais s’imposent encore à
eux par le prestige de l’antique sainteté qui les entoure. Mais
il n’a plus été possible aux Cassites de créer, et c’est pourquoi
ils furent incapables d’exercer une influence féconde sur les
H ITTITES, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

pays voisins. Dès lors aussi l ’histoire du pays perd tout inté­
rêt profond. Seules les conditions tout autres, que produisit
le déplacem ent de la situation m ondiale au viii® siècle, lui
rendirent une fois encore de l ’importance et insulïlèrent à sa
civilisation une vie nouvelle, lorsque deux peuples sém itiques
encore, les A ssyriens et les Chaldéens, luttèrent pour l ’hégé­
m onie.

Tête divine à Berlin, probablement d'époque cas.site, Meyer, Sum.


U. Sem., pl. 6 , et p. 18 et suiv. ; p. 103 suiv., quelques œuvres d’art
de l’époque postérieure. Reliefs avec le dieu soleil, emmenés à Suse :
Dél. en Perse, I [ArchéoL, I), pl. 3, sans doute de la première dynastie
encore; et Vlll [Arch., II), pl. 1 c, un relief beaucoup plus dégénéré
et deux autres reliefs grossiers; la représentation d’une forteresse
sur la pierre de Melisipak [1216-1202] est meilleure : ibidem, IV
[Elam. sémit., II), pl. 16.

Elam.

462. Notre connaissance de l’Elam pendant ces siècles est


encore plus incomplète. Les listes indigènes ne citent après
Kuknaëur, le contemporain d’Ammiçaduqa (§ 43S), que quelques
noms de souverains des deux siècles suivants. Peut-être l’Elam
est-il devenu de nouveau complètement indépendant depuis la
fin de la première dynastie de Babylone. Nous apprenons par
les sources babyloniennes l’attaque d’Eagamil, roi du Pays de
la Mer (§ 458). Cette donnée est complétée par les renseigne­
ments du roi élamite Untas-gal (?), qui se vante « d’avoir pris
comme butin le dieu Immiriya (peut-être identique à Adad,
§ 396 note), le refuge de Kastiliaë et de l’avoir placé dans le
temple ». Kastilias est le roi cassite qui, avec son frère, mit fin
au règne de la dynastie du Pays de la Mer. Untaë-gal est, après
une interruption d’un siècle, le premier roi dont nous possé­
dions de nouveau des inscriptions, indépendamment d’une
ÉLAM — 8 462

brique de son père Humbanummena. Ces inscriptions prouvent


que l'Elam s’est alors rendu complètement indépendant. Il em­
ploie encore parfois la langue sémitique, mais en môme temps,
et seulement dans les inscriptions sur briques de ses nom­
breuses constructions de temples, la langue élamite. Ce fait se
présente pour la première fois depuis Narâm-Sin et Basasusinak,
mais maintenant, comme chez Narâm-Sin, Télamite est écrit en
caractères cunéiformes; sous ses successeurs on emploie exclu­
sivement l’élamite. Les souverains ont maintenant pris le titre
de roi; ils appellent leur royaume « l’Anzan susien » ou « Anzan
et Suse » Anzan hdunqa{i:,\. § 363 note); on mentionne aussi le
nom de peuple indigène Hatamti (§ 363) et on l’adopte aussi plus
tard dans la titulature. Les noms de divinités babyloniennes,
cités parfois dans les plus anciennes inscriptions sémitiques,
disparaissent alors complètement. Il est très possible que cette
réaction contre la langue étrangère et la dépendance par rap­
port au royaume civilisé de Sinéar, soit une conséquence du fait
qu'une tribu montagnarde et ses princes se sont emparés de la
domination sur Suse ; les attaques antérieures contre Sinéar
semblent ôtre parties plutôt d’eux que de Suse môme (cf. § 434).
Après Untasgal, qui a régné peu avant 1700, les listes citent
encore quelques noms de souverains ; par contre tous les
monuments manquent et ne reparaissent qu’au xiii' siècle.

Inscriptions d’Untasgal : Dél. en Perse, III [Elam. anz., I), p. 3-39


(p. 1 , une inscription de son père); V [ibid., II), p. 7. 87 et suiv.
(p. 1, une inscription de sa femme); XI (<d., IV), p. 12 et suiv. Men­
tion de Kûstilias : X {Elam. sémit., IV), p. 85. — Les listes royales
{§ 416 note) ne fournissent après Kuknasur (§ 435) que les noms
suivants, où sak « fils » ne doit signifier que « descendant »,
comme ruhusak :
Pahir-issan, descendant de Igihalki
Attarkittah, fils de Igihalki
Untasgal, fils de Uambanummena
Unpahasgal, fils de PahirisSan
' Kidinhutran, » » »
■ HITTITES, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

A ssijrie.

463. Malgré les données éparses et les inscriptions isolées


qu’ont apportées les fouilles allemandes, l’histoire d’Assur
jusqu’au milieu du deuxième millénaire est encore dans la plus
complète obscurité. Quelques noms de souverains et parfois
des listes plus longues sont connus par les inscriptions sur
briques ou les pierres de fondation des temples, ou sont men­
tionnés par les rois suivants, qui relevèrent les constructions
ruinées, temples et murailles. Mais les groupes particuliers ne
peuvent être rapprochés et l’on ne peut pas non plus avoir une
chronologie qui présente quelque certitude, car ces données
se contredisent parfois. L’histoire intérieure d’Assur et l’exten­
sion de sa puissance échappent totalement à notre connais­
sance. L’énigme que présentent les tablettes assyriennes de
Cappadoce a été déjà mentionnée (§ 433 a) ; aussi longtemps
qu’elle ne sera pas résolue, nous ne saurons rien de l’histoire
assyrienne au III® et au commencement du II® millénaire,
môme si nous relevons quelques noms de souverains contem­
porains. L’indication de la chronique, à savoir que lorsque
Sumuabu fonda le royaume amorrite de Babylone, le « roi
d’Assur » (— il se nommait certainement patési du dieu
Asir —) Ilusuma marcha contre lui (§ 437), est tout à fait iso­
lée. Nous ne connaissons pas l’issue de la lutte ; mais lorsque
la dynastie de Babylone eut consolidé sa puissance, des patésis
d’Asâur sont invoqués, semble-t-il, dans le serment de quelques
documents juridiques à côté de Sinmuballit et de Ijammurabi
et du dieu Marduk de Babylone. Dans son code, Hammurabi
parle d’Assur et de Ninive comme de villes de son royaume ; il
les a probablement conquises par la force des armes (§ 448) et
s’il a laissé à leur place les descendants des anciens patésis,
leur puissance n’a pu être pourtant que fort réduite. Plus tard,
ASSYRIE — § 463

à la chute du royaume de lîabylone, ils purent se relever. A


cette époque appartiennent, com m e on Fa déjà vu, plusieurs
constructions de tem ples ou des reconstructions de murs de
villes, en briques d’argile qui s’effondraient toujours très vite;
mais cela ne nous apprend pas grand’chose. Pour la civilisation,
Assur reste encore tout à fait sous l ’influence babylonienne
(cf. § 433). Q uelques sculptures, une petite statue de gypse et
un autel orné d’un relief, appartenant au plus tard au m ilieu
du II® m illénaire, m ontrent que les rois portent le manteau
sum érien, comm e Hammurabi, et vont nu-pieds; par contre
leur chevelure est relevée suivant la mode des Sém ites séden­
taires en un gros toupet, tandis que Hammurabi a les cheveux
coupés court. Tout à fait babylonniens sont les em blèm es fixés
sur l ’autel, deux étendards couronnés de roues solaires, tenus
par des dém ons en forme de Gilgamès, entre lesquels se tient
le roi. Sur la base de l’autel se m anifeste le particularism e
assyrien : des deux côtés, en relief très m utilé, s’avancent par­
dessus la m ontagne des processions sans doute d’adorateurs
de la divinité; les deux files se term inent par un cheval. Géla
rappelle les représentations sur les cylindres hittites et la pro­
cession des dieux et des hom m es à Boghaz-Keui en Cappadoce
(§ 478). Les rapports avec les Hittites, si importants pour le
développem ent postérieur des A ssyriens, des réprésentations
religieuses des A ssyriens et de leur art, apparaissent déjà
ici. H faut peut-être y voir en m êm e tem ps un effet tardif de la
population prim itive asianique d’Assur, bien que nous ne puis­
sions plus en percevoir la-m oindre trace.

L es données fo n d a m e n ta le s su r l ’a n c i e n n e h is to ir e a s s y r ie n n e
so n t : 1. D o n n é e s d e S u lm a n u a è a r id u I (v e r s 1300) e t d ’A s s u r a h i d -
d i n s u r l a c o n s t r u c t i o n d u t e m p l e d ’A s s u r : Keilschrifttexte aus Assur^
1 , n® 13, c o l . 3, 32 e t s u i v . ( c f . MDOG., 2 1 , 48) e t n® 51, c o l . 2 , 1 2
e t s u i v . (c f. MDOG.y 25, 33), q u i p r é s e n t e n t l e s p l u s g r a n d e s v a r i a ­
t i o n s d a n s l e s c h i f f r e s . D ’a p r è s c e s t e x t e s le t e m p l e f u t d ’a b o r d c o n s -
I r u it p a r U s p i a o u A u s p i a , p u i s t r a n s f o r m é p a r I r i s u , d ’a p r è s A s s u r -
a h id d in , le f i l s d ’I l u s u m a , p u i s , a p r è s 159 a n s (S u lm a n u a s a r id u I)
352 HITTITES, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

OU 126 ans (Assurahiddin), par Samsi-Adad, le fils de Belkabi


(d'après Assurahiddin). De là Sulitianuasaridu compte 380 ans jus­
qu’à l’incendie après lequel il reconstruit le templo; mais Assurah­
iddin ne compte que 434 ans jusqu’à ce désastre, par lequel le texte
se termine. Donc, en supposant qu’il n’y a aucun intervalle omis par
l’inscription entre l’incendie et la reconstruction, la construction de
Samsi-Adad tomberait vers 1880 (d’après Sulmanuasaridu) ou en
1730 (Assurahiddin), celle d’Irisu vers 2040 (Sulmanuasaridu) ou
1836 (Assurahiddin). Si l’une de ces dates est exacte et le début de
la première dynastie de Babylone établi, Ilusuma, l’adversaire de
Sumuabu, ne peut pas être identique au père d’Irisu, mais doit être
un souverain plus ancien de même nom. L’explication des différen­
ces entre les données chronologiques reste incerlaine ; mais on ne
peut cependant douter qu’Assurahiddin et Sulmanuasaridu n’aient
en vue le même souverain. Sans doute Samsi-Adad, le restaurateur
du temple d’Assur, nomme sur ses briques de construction (§ 464
note) son père Igurkapkapu; mais il faut peut-être lire plutôt Bel-
kapkapu d’après le nom écrit Bêlkabi chez Assurahiddin [le nom
Belkapkapu comme celui d’un ancien roi, chez Adadnirari 111,
1 R, 33, 3, 24 = KB, I, p. 189] ; alors le nom du dieu Bel serait rem­
placé par le mot « temple » igiir (egur) *. Mais il est aussi possible
que cet Igurkapkapu appartienne à une époque postérieure et que
son fils, comme Samsi-Adad III, doive être séparé du fils aîné de
Belkabi (§ 464). — 2. Inscription d’Asirrîmnisésu, fils d’Asirnirari II
(vers 1480) : fCeilschrifttexte ans Assur^ 63 ; il nomme comme cons­
tructeur, c’est-à-dire restaurateur des murs de la ville : Kikia, Iku-
num, Sarkenkateasir, Asirnirari 1, fils d’Ismedagan II. — 3. Comme
maître constructeur du temple d’Istar, Kisrusaasir, fils d’Asirnirari 1
{MDOG^ 38, 33; cf. 49, 13 les mêmes données de Sulmanuasa­
ridu I), nomme Ilusuma, fils de Salimahum et Sarrukîn, fils d’iku-
num ; il est probable que Sarrukîn est un abrégé pour Sarkenka-
leasir. — .4. Tukultiapalesara I (env. 1123-1100) dit, Cyl. 7, 60 et
suiv., avoir reconstruit le temple d’Assur et d’Adad, que 60 ans
avant, donc vers 1180, son arrière grand-père Assurdân avait abattu

* Note du traducteur : Sur le désir de M. Dussaud, que j’ai transmis au pro­


fesseur Ed. Meyer, l’auteur a consenti à ce qu’on supprime ici la fin de la
phrase. (Lettre du 10. XI. 23.)
§ 4G3 3o3

de crainte de le voir tomber ; ce temple aurait été construit par


Samsi-Adad, fils d'Isme-Dagan et se serait peu à peu écroulé au
cours de 641 ans. D’où il suit que ce roi Samsi-Adad (II) est diffé­
rent du constructeur du temple d’Assur. (On n’a plus rien trouvé
de cette construction lors des fouilles.) — De grandes difficultés
naissent du serment par Marduk, llammurabi et Samsi-Adad dans
un document de Sippar, an 10 de Haminurabi (2114), ce Samsi-Adad
paraissant être d’après son nom un patési d’Assur; de même en l’an
1 de Sinmuballit (2143) serment par Marduk, le roi et Beltâbi avec
son épouse, où nous devons peut-être lire Bêlqâbi : Ranke, B E , VI,
1, p. 9 (n° 18 et 26) ; cf. Bezold, ZA^ XXI, p. 253; Langdon, ZDMG^
LXII, 30; Schorr, Altbabyl. Bechtsurk.^ II [Ber. Wien. Akad., 160,
1909), p. 21 et suiv. On a identifié ces deux noms avec Belkabi
(Igurkapkapu) et Samsi-Adad (I), le constructeur du temple d’Assur;
mais il faut remarquer que ces deux rois ne peuvent en aucune
manière être contemporains de Sinmuballit et de Hammurabi, si
l’on s’en rapporte aux dates fixées plus haut ; à cette époque appar­
tiennent bien plutôt, au moins d’après les dates de Sulmanuasaridu,
les ancêtres d’Irisum. Donc il n’y a ici qu’une identité de noms qui
induit en erreur ; les dynastes des documents de Sippar appartien­
nent à un autre lieu. Mais on ne peut être sûr de rien. — Par contre,
les autres données des inscriptions relatant des constructions sont
fréquemment confirmées, entre autres par les légendes des briques
de construction. Sur les restes des différentes constructions du tem­
ple d’Assur, cf. MDOGf 44, surtout p. 41 et suiv.; d’après p. 37, des
restes de la construction d’Irisum sont fixées par des briques ins­
crites, tandis que les plus anciens miirs qui sont en dessous, donc,
ceux d’Auspia, ne peuvent être reconnus que par place. Dans une
construction de Tukulti-Ninip I, peut-être le temple d’Istar, on a
trouvé, en dehors d’une inscription de construction d’Ilusuma, l’au­
tel et la statue sans tête, dont parle le texte, tous deux probablement
pris à une construction plus ancienne, MDOG, 49, 23, 33 et suiv. —
De ces matériaux nous tirons la liste suivante des souverains :

Kikia, constructeur des murs de la ville.


Auspia, constructeur du temple d’Aésur.
Ellilbani, fils d’Adasi, ancêtre des rois (§ 433 a),
vers 2223 (Ilusuma I, adversaire de Sumuabu.)
Jo4 . HITTITES, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

Ka(?)-sa-asir.
I
Salimahum (bloc d’albîilre dans le temple d’Assur,
1 MDOG, U , 30).
vers 2070? Ilusuma (document de construction du temple d’Is-
tar, id., 49, 22; voir plus haut n“ 3). [Dans
les inscriptions de son fils on lisait autre­
fois son nom IJallu, ce qui était faux.]
vers 2040? Irisum (brique de construction du temple d’Assur :
King, 1 ,1 = I R, fi, 2. Keilschr. aus
no 1, fiO, fil. MDOG, 2G, 54; 47, 40;
temple d’Ellil : inscription de Samsi-Adad
(§ 464), 1, 17 et suiv.).
Ikunum (copie de l'inscription de construction du
temple de la déesse des enfers Ereskigal :
King, Ammls, p. XVII, 3. Construction des
murs : plus haut, n® 2 ).
Sarrukîn (temple d’Istar, plus haut, n® 3) identique
peut-être à : Sarken-kate-asir (construc­
tion des murs, plus haut, n° 2 ).

Belkabi peut-être identique à : Igurkapkapu, cf. § 464.


I
vers 1880? Samsi-Adad I (temple d’Assur, plus haut, n® 1) cf. § 464.

Isme-Dagan I vers 1820.


I
Samsi-Adad II (temple d’Anu et d’Adad, plus haut, n® 4).
Isme-Dagan II.

Assurnirari I (construction des murs, plus haut, no 2;


constructeur du temple de Belsipria :
Keilschr. aus Assur, n® 02; une autre
construction mentionnée par Sulmanu-
asarîdu I : .MDOG, 38, 23).
Kisru-sa-asir (temple d’Istar, plus haut, n® 3).
Sur Samsi-Adad III (?), Adadnirari I, Assurdan I et Aêsurnadi-
ASSYRIE — § 464 355

nahê I, voir § 464 note. A côté de Belkapkapu, Adadnirari III (I R,


35, 3, 25) nomme encore un roi Sulilu qui nous est inconnu.

464. Les troubles qui marquèrent la fin de la première


dynastie de Babylone, l’avance des Hittites, puis celle des Cas-
sites et des Ariens, doivent avoir également touché Assur de
diverses manières. De temps en temps ses souverains eurent
ainsi la possibilité d'accroître leur puissance. L’inscription sur
une tablette de pierre du roi Samsi-Adad, le seul souverain
de l’époque archaïque sur lequel nous ayons quelques infor­
mations, nous renseigne sur ces tentatives. Elle glorifie la
nouvelle construction du temple d’Ellil, fondé par le vieux
prince Irisum, fils d’Ilusuma ; mais elle désigne le roi comme
« dompteur (ou quelque chose de semblable) du pays entre
le Tigre et l’Euphrate » et tire gloire de ce « qu’Anu et Ellil
l’ont appelé pour de grandes actions sur les rois ». « A cette
époque, continue-t-il, j ’ai reçu dans ma ville d’Assur le tribut
des rois de Tukris et du roi du haut pays. J’ai érigé mon grand
nom et mes stèles dans le pays Lab’ân sur les bords de la grande
mer. » Donc Samsi-Adad a d’abord soumis la Mésopotamie
septentrionale; cela est confirmé par une tablette qui mentionne
la construction d’un temple à Tirqa, capitale de Hana à l’em­
bouchure du Habûr (§ 433 note), pour le principal dieu de la
ville, Dagan ; donc il régnait sur ce territoire. Le « haut pays »
lui fut aussi soumis, ce qui ne peut être que le pays monta­
gneux au Nord-Ouest de l’Assyrie, en Arménie et dans l’Asie
Mineure orientale. C’est là sans doute qu’il faut chercher les
contrées Tukris et Lab’an que nous ne connaissons pas autre­
ment; et la « grande mer » sur les bords de laquelle il érige
ses stèles est alors la mer Noire : en effet, s’il songeait à la
mer Méditerranée, il nommerait sans doute l’Amanus.
A l'appui de ses^ succès, Samsi-Adad porte dans les deux
inscriptions le titre sar kUëati v roi de la totalité » ou peut-
être « de la plénitude de puissance », c’est-à-dire du monde,
un titre que ses successeurs ont toujours adopté aussitôt
J5 b U ITTITES, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

qu’ils acquirent une plus grande puissance, et qui est caracté­


ristique pour le royaume assyrien. Dans l’inscription de Dana
il y a en outre des titres religieux : d’abord « patési d’Aëéur »
— le seul titre qui apparaisse dans les légendes des briques
des anciens souverains, — puis « lieutenant d’Ellil, adorateur
de Dagan ». [La tablette de pierre, à la place de ce dernier
titre, porte : « constructeur du temple d’Assur », et ce titre
figure, à côté de celui de patési, sur les briques de construction
du temple qui mentionnent aussi son père Igurkapkapu. En
général et contrairement à l’usage des autres souverains
assyriens, Igurkapkapu n’est pas cité. Donc notre Samsi-Adad
est probablement identique à Samsi-Adad, le reconstructeur
du temple d’Assur tombé en ruines, qui vécut vers 1880
d’après Sulmanuasaridu I, vers 1730 d’après Aéèurahiddin
(§ 463 note). Il est vrai que le nom du père, Belkabi, diffère,
mais il n’est pas impossible que Igurkapkapu doive se pronon­
cer ainsi ou d’une manière semblable. Il est également possible
que nous ayons affaire à un plus jeune Samsi-Adad III, qui,
comme le plus ancien Samsi-Adad I, a reconstruit le temple
d’Aèéur, et que Sulmanuasaridu I et Assurabiddin aient con­
fondu les deux noms. Il est certain seulement que le conqué­
rant Samsi-Adad doit être plus récent que la première dynastie
de Babylone. Donc il appartient probablement à l’époque de la
deuxième dynastie, qui fut sans gloire, et de l’invasion hittite.
Ses succès doivent représenter une réaction contre l’avance
des Hittites en Sinéar, qui, nous l’avons vu (§ 454), avaient
établi leur siège principal en Mésopotamie précisément dans le
pays Ijana, soumis par Samâi-Adad. Il doit avoir aussi rétabli
encore une fois la domination assyrienne sur la Cappadoce.

Inscriptions de Samsi-Adad : Keilschr. aus Assur, n° 2 (MDOG,


^21, 20), traduit par Luckenbill, A J S L L , 28, 1912; l’eséai de Streck
est problématique d’identifier les noms des contrées, Z A , XX,
p. 460. Inscriptions de Uana : Condamin, Z A , XXI, p. 247 et suiv.
et remarques de Bezold, ibidem^ p. 250 et suiv.; cf. Thureau-Dangin,
ASSYRIE — § 464

O L Z, XI, 193 (§ 433 note). Inscriptions de constructions d’ASsur :


King, Annals o f Assyrla, p. 2 ( = I R, 6 , 1) et note 4 ; Keilschv. ans
Assuv, n® 34; MDOG, 43, 50. Il sera aussi le constructeur du temple
d'Istar de Ninive, mentionné par Sulmanuasaridu I (King, Records
o f Tukuliininiby p. 129-131) et par Tiglathpiléser I (Tukultiapalesara)
(King, Annals o f Assyria, I, p. 124, ligne 8 ); Ninive lui fut certaine­
ment soumise. — Dans l’inscription de la tablette de pierre, il men­
tionne les bas prix du marché contemporain (§ 421 note), sans doute
pour éterniser la bénédiction accordée à- la capitale par ses succès
guerriers. — Sur le titre sar kiésati, qui est en règle générale écrit
comme l’ancien titre « roi de Kis », sans le déterminatif local ki,
cf. Ber, Berl. Akad.^ 1912, p. 1076 et suiv.; il apparaît pour la
première fois avec Samsi-Adad et les Cassites l’adoptent plus tard.
— Dans l’édition précédente, l’auteur avait cru impossible d’ad­
mettre l’identité de notre Samâi-Adad 111 avec le fils de Belkabi,
parce que ce dernier tombait, d’après sa chronologie d’alors, à
l’époque de la première dynastie babylonienne; l’auteur avait voulu
par contre expliquer par ses conquêtes l’existence des tablettes cap-
padociennes (§ 433) ; ces deux opinions tombent par le changement
apporté à la chronologie. Mais le caractère de l’écriture aussi con­
duit a placer si possible Samsi-Adad beaucoup plus bas. En effet,
tandis que les anciens souverains, ainsi qu’Asirnirari I et Kisru-
saasir, écrivent le nom divin A-sir, Samsi-Adad l’écrit toujours
A-U-SAR, ce qui est d’un grand poids dans la question soulevée (de
même aussi le patési Assurnadinahê 1, MOOG, 49,18 ; son puits est
mentionné par Asèuruballit I, Keilschr. ans Assur^ n® 64, 13); sans
doute Asirrîmnisêsu, qui doit être encore plus jeune que Samsi-
Adad, écrit toujours aussi A-sir {Keilschr. ans A ssw \ n® 63 et
MDOG, 28, 10) et de même Assuruballit 1 encore, 4//>0^,49, 32. Le
Samsi-Adad, dont le fils Adadnirari 1 et le petit-fils Assurdân l sont
nommés sur un bouton d’argile, MDOGy 44, 31, sera identique au
nôtre. Car depuis le xvi* siècle, la liste des souverains est entière­
ment connue, et, en tout cas, on ne peut pas y intercaler trois géné­
rations de souverains, inconnus par ailleurs. — Il faut peut-être
placer à cette époque et en Assyrie le fragment de stèle de victoire
publié par Genouillac, Rev, rf’A wyr.. Vil, p. 131 et suiv. : sur la face,
un roi brise avec la hache de combat la tête d’un ennemi barbu et
vêtu (semblable à l’ancienne stèle de Tello, § 404) ; sur le revers,
'H IT T IT E S, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

un prisonnier lié, nu ; le texte mentionne une campagne contre


Arrabha, Arrapahitis dans Tarrière pays de l’Assyrie, et contre
Tabrâ et ürbiôl ( = Urbillu?, § 414 note), pendant laquelle on fran­
chit le Zab. Le fragment doit être venu à Mossoul de la Mésopota­
mie (Sindjâr ou Mardîn) ; la langue et le style indiquent environ le
milieu du deuxième millénaire.

Le rotjaume Mitanni et les Ariens.


Autres Etats de la Mésopotamie.

465. Samsi-Adad III (?) et son royaume sont pour nous tou
à fait isolés ; nous ne possédons aucune donnée sur ses suces-
seurs jusqu’au xv* siècle et même la suite des souverains n’est
connue que depuis le commencement du xvi® siècle. Cette
grande lacune dans notre documentation doit avoir pour cause
l’effondrement de la puissance d’Assur et peut-être môme une
domination étrangère. Car la puissance acquise par Samsi-
Adad ne peut pas avoir duré ; bien plutôt les tribus hittites-
asianiques de la Mésopotamie qu’il avait soumises ont bien­
tôt repris le pouvoir. Au xvi* et au xv* siècle nous y trouvons
un royaume Mitanni, dont la population est apparentée aux
Hittites par la langue, la religion et les noms propres. Le
noyau de leur royaume est formé par la contrée située entre
l’Euphrate et le Balih, l’Osroène postérieure. C’est pourquoi
chez les Sémites de l’Ouest, et de là chez les Egyptiens, elle
s’appelle Naharain « le pays sur le lleuve (l’Euphrate) »
HapaTTo-rapia. Les Babyloniens l’appellent surtout Hanigalbat;
c’est la forme plus complète de Hana ou Ilani, le nom de la
contrée à l’embouchure du Habûr dans laquelle les Hittites
s’étaient établis (§ 454, cf. 433). Il semble que Saméi-Adad la
leur avait arrachée; puis elle fit partie du royaume Mitanni.
Chez les Babyloniens et les Assyriens le nom est appliqué par
extension à tout le territoire de ce royaume et embrasse donc
LE ROYAUME MITANM ET LES ARIENS — § 465 359

aussi la contrée montagneuse vers les défilés de l’Euphrate


dans les chaînes du Taurus et le pays en arrière jusqu’en
Melitène (Milidia).
Mais une dynastie règne maintenant sur le royaume Mitanni
qui, d’après les noms propres, est d’origine arienne et adore
les principaux dieux ariens (§ 590). Son peuple, comme son
royaume, est désigné dans les documents par le nom Harri,
c’est-à-dire Ârja (§ 454 note), ses hommes s’appellent inari-
anni, une formation secondaire du mot marja, qui dans les
hymnes védiques désigne le jeune guerrier et héros et aussi
l’époux. Des troupes ariennes semblent donc s’ôtre introduites
dans le pays sous la conduite de leurs princes,, ou ont été
amenées d’abord comme mercenaires. Ces guerriers ont pro­
bablement brisé la puissance assyrienne et donné encore une
fois la vie à la population indigène Mitanni. Ils passèrent
aussi l’Euphrate dans la direction de la Syrie; au xv* siècle
nous y trouvons de nombreux dynastes ariens (§ 468) qui
doivent avoir été à l’origine vassaux du royaume Mitanni.

Nous connaissons la langue mitanni par les lettres d’El-Ainarna,


cf. Jensen, Z.4, V, VI, XIV; Sayce et Brünnow, ibid.y V; Messer-
schmidt, MUanni-SIndien, MVAG, 1899. Elle est apparentée au hit­
tite (Arzawa) et leur dieu Tesub se trouve aussi chez les Hittites, de
même la déesse Hipa leur est commune. Bork, Die Mitanisprache,
MVAG, 1909, cherche à prouver sans arguments très probants une
parenté de félamite et du mitanni et les tient toutes deux pour des
langues caucasiques. — Hanigalbat comme désignation du royaume
Mitanni, que les Egyptiens appellent Naharain, dans les lettres
d’El-Amarna, 1 (Wincklèr, Knudtzon), 38; 15,22, 2 6 ;(1 8 \V . = )
20 (K.), 17; (21 W. = ) 29 (K.), 49; dans (256 W. = ) 255 (K.), 10.20,
on a Ijanagalbat ; dans un document de Nippur, avec des noms
mitanni (§ 454 note), dans Clay, BE, XV, pp. 3 et 25, 4 ; Ilaligalbatû ;
cf. aussi le fugitif de Ijanigalbat, Agabtaha, que le roi Kastilias II
gratifie d’un terrain : DéL en Perse, II [Elam. sém., 1), p. 95. Dans
l’inscription de Sulmanuasaridu I, Keilschr. ans Assur, n<> 13, tlani-
galbat change avec Ilani tant dans le texte que dans les variantes.
UITTITES, ARIEiNS, CASSITES, ASSYRIENS

— Sur les Ariens en Milanni e lle s inarianna, écrit marina par les
Egyptiens, cf. Winckler, OLZ^ XIII, 291 et suiv. Il est possible que
le mot uraméen mâr « seigneur » et de plus le nom propre récent
du principal dieu de Gaza Marna, « notre seigneur », soient un
emprunt aux Mitanni.

466. Nous ne possédons de données précises sur le royaum


Mitanni que depuis le xv* siècle, l’époque des conquêtes égyp­
tiennes et de l’avance des Hittites. Ainsi nous ne pouvons pré­
senter un tableau vivant des combats politiques livrés aux
siècles précédents et des mouvements de peuples qui condui­
sirent les Ariens en Mésopotamie et en Syrie ; nous ignorons
par exemple si Assur fut temporairement soumise au royaume
Mitanni. II y eut alors, semble-t-il, comme autrefois à côté des
grandes puissances, une multitude de petites principautés, qui
devaient être soumises à chaque Etat plus fort qui se formait.
Parfois elles arrivaient à reconquérir pour un certain temps
leur indépendance. Lorsqu’on aura fouillé les nombreuses
collines de décombres qui couvrent les localités du Nord de la
Syrie et du Nord-Ouest de la Mésopotamie, nous apprendrons
quelque chose de plus précis. Jusqu’à présent on n’a pratiqué
des fouilles qu’en un petit nombre d’endroits. Les sculptures
des ruines du « palais de Muses-Ninib le prêtre (sangu) », dans
la colline de 'Arbàn sur le cours inférieur du Ilabûr, portent
déjà l’empreinte du style assyrien postérieur, tel qu’il appa­
raît à Assur sous Aésurnàsirapal (884-860). C’était une erreur
de la part de l'auteur de vouloir placer ce palais à l’époque de
Thutmosis III et d’Aménophis III, parce qu’on y avait trouvé
des scarabées de ces pharaons ; les signes d’écriture aussi
parlent en faveur d’une époque plus récente. Les reliefs tout à
fait primitifs de la porte sud de la ville de Sam'al, aujour­
d’hui Zendjirli dans la Syrie du Nord vers l’Amanus, avec les
lions tout à fait grossiers constituant des montants de cette
porte, ainsi que ceux de la porte de la citadelle intérieure,
nous font remonter à une époque beaucoup plus ancienne. Ils
SYRIE. UORITES. PEUPLES DU NORD ET ARIENS — ^ 4b7 dbl

appartiennent sans aucun doute à la sphère d’influence hittite,


mais montrent un style si primitif et si barbare, auquel on ne
peut comparer que les plus anciennes sculptures sumériennes,
que nous devons les considérer sans aucun doute comme les
premiers essais artistiques du royaume hittite de Boghaz-Keui
et les placer par conséquent à l’époque de la première appari­
tion des tribus hittites, c’est-à-dire dans la première moitié du
deuxième millénaire. Il semble que la même constatation doive
être faite pour les nombreuses plaques à reliefs archaïques,
encastrées dans les murs extérieurs d’un palais plus récent
à Tell IJalâf près de Râs el 'Ain, l’ancienne Hesaina, vers la
source du Habûr ; mais elles proviennent d’une construction
beaucoup plus ancienne.

V. Bissing a montré [Beitr. z. Gesch. d. asstjr. S ku lp tm \ dans


Abh. Bayer. Ak., 26, 1912, p. 12 et suiv.) que les ruines de 'Arbân
(Layard, Niniveh and Babylon, p. 275 et suiv., cf. 235) doivent être
plus récentes que l’auteur ne l’avait admis. Par contre les anciens
reliefs de Zendjirli (voir Luschan, Ausgr. in Sendjirli, Heft III,
p. 203 et suiv. et pl. 31-36 avec les lions, pl. 46) sont, semble-t-il,
séparés par un grand intervalle des sculptures de la citadelle, qui
appartiennent à une époque s’étendant de l’an 1 0 0 0 jusqu’à l’époque
assyrienne. — Ruines de Tell IJalâf près de Râs el 'Ain : voir
Oppenheim, Z . Gesell. f. Erdkunde, 36, 1901, p. 8 8 et suiv. et Der
‘Tell H a laf und die verschleierte Go'tlin [AO, X, 1908). Oppenheim
continue ses fouilles avec beaucoup de succès.

Syrie. Horites, peuples du Nord et Ariens.


Influences babyloniennes.

467. Toute donnée manque aussi sur les pays syriens à cette
époque. Si obscure que soit encore toute cette histoire dans le
détail, il est hors de doute que le royaume des Hyksos est en
relation avec les. grands mouvements de peuples à l’Est. Dans
• H ITTITES, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

la suite nous trouvons installée dans la Syrie du Nord une


population apparentée au peuple Mitanni; les noms des loca­
lités n’ont également rien de sémitique. Mais nous ne pouvons
décider si ce furent des envahisseurs qui, semblables aux Turcs
par exemple, ont remplacé les anciens noms par de nouveaux,
empruntés à leur langue, ou si une ancienne population séden­
taire, apparentée aux tribus de l’Asie Mineure, a reconquis
son indépendance après avoir été soumise temporairement aux
souverains de Sinéar et peut-être aussi aux Amorrites. De
nouvelles couches se superposèrent sans doute aux anciennes ;
ainsi Te prince qui gouverne Jérusalem vers 1400, comme
vassal du pharaon, s’appelle Abd(?)-hipa, d’après une déesse
vénérée en Mitanni (§ 465 note). Au xv* siècle les Amorrites
sont restreints au territoire du Liban et de la vallée supérieure
de rOronle, la Beq'a ou Coelésyrie, mais s’étendent encore en
partie dans le désert. L’étroite bande de terre côtière appar­
tient aux villes phéniciennes cananéennes (§'356, égypt. Zabi).
En Palestine le nom Rezenu, employé à l’époque de la
XII® dynastie (§ 358), paraît avoir déjà disparu de l’usage cou­
rant, bien que les Egyptiens aient conservé la désignation offi­
cielle « le Rezenu supérieur » pour la partie montagneuse de
la Palestine et parfois nomment alors « Rezenu inférieur » le
pays de plaines le long de l’Euphrate. Le nom propre de la
population de Palestine sous le Nouvel Empire est toujours
Haru (prononcé Ijôr) ; d’après le papyrus Anastasi III, 1, 10,
ce royaume s'étend depuis la forteresse égyptienne Zaru à la
frontière, sur l’isthme de Suez (g 227), jusqu’à Opa, c’est-à-
dire au pays Ubi des lettres d’El-Ainarna, où se trouve
Damas ; il embrasse aussi le désert du Sinaï. Les Haru sont
identiques aux Ijôrites Xoppoiioi) de la tradition israélite.
Ils ne se sont maintenus ensuite que dans les déserts au sud
de la Mer Morte, le mont Se'îr, au milieu des tribus édomites
qui y pénétrèrent plus tard. Mais d’apres une version fragmen­
taire de l’histoire légendaire israélite, ils formaient la plus
ancienne population de Palestine. Ils sont nommés spéciale-
SYRIE. HORITES. PEUPLES DU NORD ET ARIENS — § 467 363

ment comme habitants de Sichem et de Gib'on, et dans la


suite nous trouvons leurs traces aussi dans l’Ouest de Juda, à
Sor'a par exemple. Donc les Hôrites sont bien une tribu sémi­
tique (cananéenne) du désert, qui à l’époque des Uyksos a
pénétré parle Sud en Palestine, comme quelques siècles plus
tard les tribus hébraïques le firent en corrélation avec les
conquêtes hittites. Un fait caractéristique pour les Hôrites est
que plusieurs de leur clans et de leurs familles sont nommés
d’après des animaux : cela revient en Palestine dans les lieux
comme Sor'a (frelon), Aijalon (cerf) et de nombreuses localités
qui s’appellent 'Ophra (gazelle) ; la tribu hôrite établie à
Sichem s’appelle bnô lïamôr « tribu de l’ûne ». De plus ils
devaient être de fervents adorateurs du dieu-soleil, dont nous
trouvons la mention sur la pente occidentale des monts judéo-
éphraïmites dans les noms de lieux Bet-semes, Har-heres,
Tamnat-heres. C’est là que s’est développée et qu’est localisée
la légende de « l’homme soleil » Samsôn (Samson), un mythe
hôrite accepté par les Israélites et transformé en un cycle de
contes populaires.

En dehors des noms géographiques dans les lettres d’El-Âmarna


et dans les listes égyptiennes, les gloses dans la lettre de Tunip au
pharaon (Winckler 41 = Knudtzon 39) donnent quelques renseigne­
ments sur l’ethnographie du Nord de la Syrie ; la langue est absolu­
ment identique au milanni, Messerschmidt, M/a«Î 5 /wdten (3 /Kdér,
1899), p. 119 etsu iv.; cf. aussi le dynaste [Qat]i {?)-hu-tisupa (lettre
El-Amarna, Knud. 58), qui appartient certainement à la Syrie du
Nord. — Genèse, XXXVI, Deut., II, 12. 22 (et pour cela Gen., XIV),
les Ilôrites sont la plus ancienne population du territoire édomite,
dont les tribus se soient maintenues ici encore à l’époque histo­
rique. Par contre, ils sont la population primitive de Sichem et
Gib'on (cf. Meyer, Israelit,, p. 340-406) d’après Gen., XXXIV, 2 et
Jos., IX, 7, LXX : 6 Xoppato^ (dans le texte hébreu et samaritain,
correction en ’in Ijivvite, peuple qui habite en.réalité au pied du
Liban et de l’Hermon, II Samuel, XXIV, 7 ; Juges III, 3 ; Jos. XI, 3 ;
cf. Meyer, Israeliten, p. 332 et suiv.). Le nom du mont 'Ebal près de
niT T IT E S , ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

Sichem revient aussi comme celui d’une famille hôrite, Gen.,XXXVI,


23, et la famille de Caleb appellée IJûr, qui eut une grande impor­
tance après l’exil, semble avoir conservé l’ancien nom de la tribu.
— Sur le culte du soleil et la légende de Samson, cf. Meyer, Israël.,
p. 528 et suiv., Josué est aussi à l'origine peut-être un héros
solaire, ibid, p. 467, 3. — Les Hérites ne peuvent être identifiés
avec les Ilarri = Ariens dans Mitanni (§ 455 note), comme le fait
Winckler, car ils sont de purs Sémites, ainsi que le prouvent leurs
noms.

468. En Syrie aussi des éléments ariens se sont superposés à


ces tribus. Le fait est tout à fait assuré par les nombreu.x noms
de dynastes manifestement ariens des lettres d’El-Amarna :
ainsi Suwardata, Jasdata, Artamanja, Arzawija, puis sans
doute Biridijaou Biridasja, Namjawaza, ïeuwatli, Subandi, Su-
tarna et beaucoup d’autres. Ces noms se rencontrent souvent
précisément chez les dynastes palestiniens. JXous voyons donc
que toute la Syrie jusqu’à la limite du désert a été submergée
par des troupes ariennes, dont les chefs acquirent le pouvoir
dans des villes particulières et fondèrent des dynasties, comme
plus tard dans l’Islam, les Turcs et les Kurdes. La désignation
arienne pour la noblesse militaire, mariana (§ 465), pénètre
par la Syrie dans les documents égyptiens. Dans l’extrême
Nord, dans le pays Kuntmuh (Gominagène) au pied du Taurus,
des deux côtés de la brèche de l’Euphrate, une dynastie arienne
(iranienne) s’est conservée jusqu’au viii* siècle, comme le
prouve le nom du roi Kundaspi (en 854) et Kustaspi (= Vis-
tâspa, Hystaspes, en 740). Au reste, l’histoire de ces événe­
ments ne peut être reconstituée. 11 est possible, par exemple,
que les troupes ariennes aient pénétré au xvii® siècle environ
dans le Mitanni et qu’elles se soient emparées du pouvoir dans
ces contrées en luttant contre les Assyriens (§ 464), puis qu’elles
aient étendu temporairement leur puissance sur la Syrie où
elles ont fondé des dynasties. C’est pour cette raison égale­
ment que la puissance des Ilyksos put être brisée et que les
rois de Thèbcs réussirent à se soulever contre les rois d’Avaris,
SYRIE. UORITES. PEUPLES DU NORD ET ARIENS — S5 469 365

Mais CCS hypothèses ne pourront être développées et confirmées


que par de nouvelles fouilles.

Pour les matériaux, voir le mémoire de Fauteur, § 456, note.

469. Il est tout h fait improbable que la domination cassitc se


soit étendue sur la Syrie (§ 459); nous ne trouvons pas trace non
plus de l’intervention du roi d’Assyrie Samsi-Adad III dans ces
contrées. Par contre, les relations avec les pays cultivés de
l’Est, en particulier avec Sinéar, sont restées actives. Malgré
les troubles, des caravanes cheminèrent toujours, semble-t-il,
de Syrie vers le bas Euphrate. Comme aux temps de la domi­
nation égyptienne et des lettres d’El-Amarna, les petits états
ont toujours renfermé, aux époques antérieures, un parti qui y
trouvait son centre de gravitation et cherchait à dominer en
s’appuyant sur les souverains de Sinéar. De même les rois cas-
sites n’ont jamais dû abandonner la prétention, héritée de
leurs prédécesseurs, d’être reconnus comme suzerains de la
Syrie, bien qu’ils aient été tout à fait incapables de l’aflirmer.
L’étroite relation avec le « royaume des 4 régions du monde »,
dans laquelle la Syrie s’était trouvée politiquement à l’époque
de Sarrukîn et de Narâm-Sin, sous les rois de Sumer et d’Ak-
kad et peut-être un certain temps aussi, sous la dynastie amor-
rite de Babylone, a déterminé une inllueuee durable de la civi­
lisation de Sinéar, qui s’affaiblit sans doute pendant les siècles .
suivants, mais ne disparaît jamais complètement. Les Amor-
rites, étroitement unis à l’histoire de Sinéar et devenus un
rameau de son peuple par une domination trois fois séculaire,
ont adopté la culture des Sémites babyloniens aussi bien que
les Assyriens ou les Elamiles par exemple. Ainsi l’écriture
babylonienne, et avec elle l’usage de la tablette d’argile comme
matériel d’écriture et pour la correspondance, est en usage
dans toute la Syrie et en Palestine. Son emploi s’étend bien
plus loin encore, à Chypre aussi bien que chez les Mitanni et
et les Hittites d’Asie Mineure. Les scribes professionnels
H ITTITES, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

apprennent la langue étrangère et s’exercent par la lecture de


textes babyloniens, notamment de textes mythologiques. Les
langues indigènes (ainsi le cananéen) ne se glissent dans ces
textes que sporadiquement, par manque de soin ou faute de
trouver l’expression correcte. Le rédacteur explique aussi des
mots isolés en ajoutant le mot indigène comme glose quand il
craint une méprise. Les mesures de Sinéar et l’évaluation en
métaux précieux sont aussi introduites dans tout ce territoire
et dominent la vie économique et le commerce. Sinéar est le
centre du monde pour les pays occidentaux ; c’est pourquoi les
Phéniciens, puis les Israélites prétendirent que leurs ancêtres
étaient originaires de ce pays. On a été moins accueillant à
l’égard de la religion babylonienne. 11 est impossible de prouver
à cette époque, en quelque point que ce soit de la Syrie, que
des dieux de Sinéar ont pénétré dans le culte [Ninib, § 390,
note, Nergal § 471 note], bien qu’on y ait eu souvent recours
dans une intention magique, par exemple dans les amulettes
ou les représentations religieuses des cachets. Ainsi s’explique
que Ningal apparaisse dans un texte magique égyptien du
Nouvel Empire (§ 373 note). Mais Adad, le dieu de la foudre
si répandu, est un dieu amorrite indigène, comme Dagon
(§ 396 note) ; Samas est une divinité commune à tous les Sé­
mites, et nous ne connaissons Sin comme nom du dieu lune
qu’à Harrân, tandis qu’en Syrie ce dieu est nommé par l’appel-
latif sémitique Sahr ou Jerab. Par contre des mythes babylo­
niens, de combats de dieux notamment, se sont répandus dans
le peuple, tout d’abord comme simples récits sans valeur reli­
gieuse. La légende d’un enfant héros engendré par un dieu et
exposé sur une rivière pour échapper aux poursuites des enne­
mis, mais sauvé par l’intervention divine et grandissant pour
accomplir des exploits, cette légende que les Akkadiens rap­
portaient de Sargon (Sarrukîn, § 397), dut aussi passer en
Palestine où elle fut appliquée plus tard à Moïse. De môme
la légende du déluge parvint aux Israélites. La cosmogonie
phénicienne encore, dont celle des Israélites est une trans-
SYRIE, HORITES. PEUPLES DU NORD ET ARIENS — § 470 367

formation postérieure, contient aussi, semble-t-il, quelques


éléments babyloniens fortement transformés. Cependant on
exagère beaucoup en général l'influence de Babylone sur ce
pays et Ton ne peut en aucune manière admettre la domination
d'une « conception babylonienne du inonde ». Bien plutôt, les
Sémites de Syrie ont affirmé l’originalité de leurs caractères
héréditaires. Ils se sont tenus beaucoup plus à fécart des
représentations étrangères, dont les racines plongeaient dans
la civilisation sumérienne, que plus tard en face de l’hellénisme
et du christianisme hellénisé. Chez les Assyriens également,
l’adoption du panthéon suméro-babylonien a été plutôt for­
melle : la religion d’Assyrie diffère énormément de celle de
Sinéar- par ses croyances particulières. Ce n’est qu’avec
l’époque assyrienne, et notamment sous la domination chal-
déenne, que l’influence de la Babylonie devint spécialement
intense sur la religion et les conceptions des Sémites syriens.

Le nom d’Adadnirari de Nuhase (lettre d’El-Ainarna, Knudtzon 51


( = Winckler, 37) est tout à fait assyrien ; mais on ne peut guère en
conclure que les Assyriens aient pénétré jusque là. — Sur la cosmo­
gonie phénicienne et ses rapports avec celle des Israélites, cf. Meyer,
hraeliten, p. 210 et suiv,, et le volume suivant. La cosmogonie israé-
lite ne contient d'éléments babyloniens que dans une proportion
réduite et accommodée, ainsi dans la division des eaux et la locali­
sation du jardin divin, qui correspond peut-être à la montagne
babylonienne des dieux, puis dans les restes de légendes du com­
bat de Yahwé avec le dragon, etc.

470. Il faut mettre à côté des influences orientales celles du


Sud, de l’Egypte, bien qu’elles aient une moins grande portée.
Nous avons déjà mentionné le crédit que les conceptions égyp­
tiennes et les cultes d’Egypte eurent en Phénicie, surtout à
Byblos (§ 357). Il faut ranger dans le môme ordre d’idées fac-
ceptation par les Israélites de récits égyptiens, — la légende
de Joseph, l’Exode, les prophéties, § 297 — qui doit avoir eu à
une époque ancienne maintes analogies chez d’autres tribus.
S b b niT T IT E S , ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

Les Phéniciens et les nomades liébreux du désert méridional


empruntèrent aux Egyptiens la circoncision (§ 345). Mais en
môme temps une forte indiience du Nord semble s’ôtre mani­
festée en Syrie. De même que le culte d’Adonis de Dyblos a des
points de contact avec les mythes de Tammuz de Sinéar (§ 373)
comme avec les cultes de l'Asie Mineure, la prostitution sacrée
ainsi que la mutilation corporelle semblent avoir pour origine
les rites du culte d’une grande déesse de la nature, adorée en
Asie Mineure (§ 345). Le dieu 'Ate aussi, que nous rencontrons
plus tard chez les Araméens et qui a pour parèdre une déesse
« r 'Attar de 'Ate » — Atargatis — est identique à l’Attis asia-
nique (cf. § 487). Assurément dans l’état actuel de notre con­
naissance des mythes et des rites, nous ne pouvons décider
avec certitude quelles furent l’ampleur de formations sponta­
nées semblables ou l’étendue des emprunts à l’étranger.

471. Au XVI® siècle, la Syrie et la Palestine sont pleines de


villes qui constituent toutes de petites principautés indépen­
dantes sous des dynastes soit ariens ou asianiques, soit sémi­
tiques. Ils pouvaient parfois se coaliser contre un ennemi exté­
rieur, mais combattaient le plus souvent les uns contre les
autres. Les villes sont surtout situées sur les sommets des
montagnes ou dans la plaine sur des collines artificielles; elles
sont entourées d'une haute muraille de briques, reposant sur
un socle de pierres, avec de nombreuses tours, et protégée
par un glacis incliné, recouvert de pierres. Les fouilles de
Lakis, Gézer, Megiddo, Ta'annak et Jéricho ont mis au jour
des restes de ces constructions fortifiées; elles sont souvent
représentées sur les reliefs du Moyen Empire figurant des
batailles. On sait aussi construire des maisons avec une cour
qu’entourent de nombreuses chambres. Les cadavres sont ordi­
nairement enterrés sous les demeures, comme en Sinéar et en
Assyrie, le plus souvent accroupis dans des vases d’argile. On
a surtout trouvé beaucoup de cadavres d’enfants nouveau-
nés; la mortalité infantile était naturellement très grande et
SYRIE. UORITES. PEUPLES DU NORD ET ARIENS — 471 369

de plus la mise à mort des filles après la naissance devait être


très répandue. Des cadavres d’enfants sont aussi portés en
terre, le plus souvent dans les maisons ou près d’elles, sans
grande cérémonie, chez des peuples beaucoup plus civilisés.
Ces trouvailles ont conduit à cette idée étrange qu’il s’agissait
de « sacrifices de fondation » ou môme de sacrifices à la divi­
nité en colère (§ 349), qui furent très répandus plus tard chez
les tribus cananéennes, comme si cette divinité aurait accepté
en sacrifice un enfant qui vient de naître. On a aussi trouvé
des sépultures dans un cercle-de pierres et de plus grandes
chambres funéraires murées de pierres et contenant de riches
cadeaux. La vie s’est généralement entourée de plus de luxe ;
on importe des ornements, que pouvaient fabriquer les indus­
tries d’art d’Egypte ou de Sinéar, ou bien on cherche à les imi­
ter. Tandis que l’ancien habillement se conserve dans la basse
classe et chez les domestiques (§ 354), les personnes de qualité
revêtent un long châle de laine bariolé qui entoure le corps de
plis et que l’on jette autour des épaules, comme chez les Akka­
diens (§ 394), elles soignent leur barbe courte et leur chevelure.
Des armures et des armes de bronze, des chars de guerre, revê­
tus d’or — car le cheval a maintenant également pénétré en
Syrie — des récipients d’argent et d’or, des chaises et des tables
d’ivoire’ et d’ébène, d’argent et d’or, des pierres précieuses, des
statues incrusiées de métaux et de pierres précieuses, ainsi que
des esclaves, des chevaux, du bétail, de l’encens, du vin et du
blé sont mentionnés comme butin et tribut des pays de Rezenu
par les Egyptiens du Nouvel Empire; ces industries étaient les
plus développées en Phénicie (Zabi). Nous avons déjà men­
tionné (§ 356) les grossières stèles de pierre taillée que, dès le
milieu du deuxième millénaire, à Gézer, de même qu’à Assur,
les souverains et les fonctionnaires supérieurs érigèrent en
longues rangées comme pierres commémoratives ; on trouve
fréquemment de pareils blocs de pierre en Palestine : cette cou-
tun\e aura marqué alors un grand progrès dans la piété et les
mœurs.
H ITTITES, ARIENS, CASSITES, ASSYRIENS

Mais il ne se forma pas en Syrie un art indépendant et un


style propre; bien plutôt les éléments empruntés à l’Egypte et
à la Babylonie se côtoient sans se mélanger. On emploie comme
cachets soit les cylindres, conservés en Sinéar, avec légende
cunéiforme et représentations correspondantes, soit des sca­
rabées avec imitation de hiéroglyphes et de symboles égyp­
tiens. Ceux-ci sont parfois gravés sur les cylindres à côté des
figures babyloniennes. De nombreux symboles et amulettes
s’introduisirent aussi, de l'Egypte surtout, en Syrie et furent
employés comme moyen magique de protection, avec d’au­
tant plus de ferveur qu’on ne comprenait pas leur sens. Ainsi
ce qu’on appelle la croix ansée, le hiéroglyphe de la vie, puis
le disque solaire ailé, le croissant lunaire à l’intérieur duquel
est la pleine lune, le sphinx, l’amulette de l'œil (œil uza), le
faucon de Horus, le serpent uraeus ou des couronnes égyp­
tiennes constituent des symboles extrêmement répandus en
Syrie et déformés de mille manières.. Dans la figuration des
dieux, on a des déesses égyptisantes, qui diffèrent de l’art égyp­
tien en ce qu’elles sont toujours représentées de face, à longs
cheveux, avec des Heurs dans les mains; souvent aussi, elles
ont sur la tête les cornes de vache, entre lesquelles se pose le
disque solaire, ce qui a conduit à les considérer comme des
représentations de la lune. Mais, en môme temps, on trouve
des images de la déesse babylonienne nue de la vie sexuelle.
Parfois les deux types se confondent : la déesse égyptisante,
figurée soit nue soit avec un étroit vêtement collé au corps, se
presse les seins.
On a appris des Egyptiens à fabriquer la faïence et à fondre
le verre, mais on ne s’est jamais élevé à la hauteur des
modèles. On importait aussi quantité de vases d’argile de
Chypre. Les ruines de Palestine font par leur manque com­
plet d’originalité une impression encore plus pauvre que celles
de Sinéar, qui ont le plus souvent d’ailleurs le même carac­
tère : les richesses qui les remplissaient de leur vivant ont
disparu, sauf de pauvres restes.
SYRIE. HORITES. PEUPLES DU NORD ET ARIENS — § 471 371

Bibliographie : l’ouvrage de Vincent et les mémoires deThiersch,


§ 335 note. Tell el Hesi (Lakis) : Petrie, Tell el Hesy, 1891-; Bliss, A
mound nf Many cities^ 1891. — Ta'annak : Sellin, Tell Taannek,
Denkschr. Wien. Ak,, Ph. kl., 30, 1904 et 32, 1903. — Megiddo ;
Schumacher, Tell el-Mutesellim, I, 1908. — Jéricho r MDOG, 39, 41
et Sellin u. Watzinger, Jéricho (22. Wissenschaftl. Verüffenll. d. DOG),
1913. — Gézer : Macalisler, The excavation o f Gczer, 3 vol., 1912. Ce
savant se croit toujours obligé d’admettre que chaque tombeau
placé sous les fondations d’une maison récente est un « sacrifice de
fondation » ; ainsi la tombe, entourée d’un pavage et contenant des
offrandes, d’une vieille femme en position accroupie, qui est tout
à fait pareille aux nombreuses tombes préhistoriques égyptiennes
et de l'Égypte archaïque (vol. II, p. 427, 428 et suiv.). Tout aussi
tenace est l’hypothèse que les cadavres d’enfants nouveau-nés (soit
avortés ou mort-nés, soit morts en naissant) enfouis ou placés dans
des vases sont des « sacrifices d’enfants ».— L’auteur a pris tous les
matériaux utilisés ici dans ces ouvrages, ainsi que les dates égyp­
tiennes du Nouvel Empire, en s’appuyant sur les monuments et sur­
tout sur les représentations des cachets de l’époque postérieure, et
en considérant aussi l’influence qui, par dessus la Syrie, a atteint
l'Asie Mineure, Chypre et l’Occident. — Cylindre avec hiéroglyphes
et représentation babylonienne (dieu Amurru?), ainsi qu’une légende
cunéiforme avec le nom purement amorrite Atanah-ili, fils de Ilab-
sim, serviteur de Nergal, probablement de la première dynastie
babylonienne : Sellin, Tell TaJannek^ p. 28. Le dieu Nergal, qui ne
se rencontre d’ailleurs chez les Sémites de l’Ouest que dans l’ins­
cription phénicienne d’Athènes, C /5, 1 ,119, apparaît ainsi en Pales­
tine et pourtant il peut être difTicilement question d’un fonction­
naire babylonien. — Scarabées sertis d’or, du Moyen Empire, dans
le tombeau de Megiddo : Schumacher, p. 13. — Le vêtement carac­
téristique des Rezen U sous le Moyen Empire se retrouve dans la
figure d’un relief d’argile émaillé trouvé à Aésur, MDOG^ 36, 19.
INDEX
Les chiffres de l’index renvoient aux pages {*),

Adadapaliddin (roi de Babylone),


33 s s ., 37.
Abalgamas (roi de Barahsu), 202. Adadnadinahê (roi de Babylone),
Abd{?jhipa (prince de Jérusa­ 37, et tableau, § 323, col. 11.
lem), 362. Adadnadinahê (prince parlhe),
Abesu, Abiesu’ (roi de Babylone), 160, 221, 223.
331 S S ., 343, et tableau, § 323, Adadnirari (roi d’Assur), 37,
col. I. 337.
Abirattas (roi de Babylone), Adadsymiddin (roi de Babylone),
341 S S ., 343, et tableau, § 325, 37, et tableau, § 323, col. H.
col. I. Adamdum (lieu), 239, 243.
Abnunna = Tuplias. Adapa (héros légend.), 141 ss.,
Abrâm, Abraham, 73, 307. 268.
Abu-Habba = Sippar. Adasi (roi d’Assur), 291 ss., 353.
Abu-Halab = Kisurra. Addapaksu (roi de Suse), 287 ss.
Abu-Sahrein = Eridu. ’Adêm (fleuve), 103, 153 ss., 239.
Abydène, 21. administration, 254 ss.
Adab ( = Ud-Dun = Bismaya) <« adôn » (Adonis) = seigneur,
(lieu), 127, 163 ss., 212,233 ss., dieu, 73, 80.
314, 316. Adonis de Byblos, 98 ss.
Adad (dieu), 13i; 189 ss., 191. adoption, 237, 260.
292, 332, 334, 366 (et : Hadad). Agalarchide, 20 note.

(*) N oie du tr a d u c te u r : les r e n v o is a u x p a g e s , e t n o n a u x p a r a g r a p h e s s u iv a n t


le s y stè m e e m p lo y é d a n s l ’é d itio n a lle m a n d e e t d a n s le s v o lu m e s p r é c é d e n ts de
I é d itio n f ra n ç a is e , m e p a r a is s e n t fa c ilite r les re c h e r c h e s . C 'e s t.p o u r le m ê m e
m o tif q u e j 'a i fo n d u e n u n le s d e u x in d e x de l’é d itio n a lle m a n d e , c e lu i d e s s o u ­
v e ra in s e t l ’in d e x g é n é r a l.
agriculture, 69, 116 ss. 'Ammiensi (prince de Palestine),
Agum I (roi de Babylone), 37, 101.
341 S S ., 343, et tableau, § 323, Arnmisaduqa (roi de Babylone),
col. I. 41, 318, 331 ss., 343, et ta­
Agum II (-kakrime) (roi de Ba­ bleau, 323, co l. I.
bylone), 333, 341 S S ., 313 s s ., Amnanu (pays), 248, 230.
346. Amraphel (roi de Sinéar), 307.
Agum (fils de Kastilias), 341 ss., « 'Amu » = Sémite, 91 ss.
343. Amurî (lieu), 190 note.
Ahiqar, 19 ss., 308. Amurru, Amorrites, 186 ss.,
Aidarakalama (roi du Pays de la 190 s s ., 198 ss., 207, 209 s s .,
Mer), 343, et tableau, § 323, 218, 223, 238, 210 ss., 213,
col. I. 218, 299, 303 ss., 317, 320 note,
aigle héraldique de Tello, 130, 362, 363; — dynastie Amer­
168. ri te de Babylone, 231, 298 ss.,
Akkad (Agadé; ville, pays), 128, 343.
181 ss., 198 ss., 200 ss., 211 ss., Amurru (dieu), 73, 189 ss. 191,
228, 232 ss., 283, 300. 371.
Akkad (dynastes d’ —), 43 ss., An-am (roi d’Uruk), 230.
181 ss., 193 ss., 207 ss., 217, ’Anaq, 'Anaqites, 91 note.
232 ss. anciens de la tribu, 6 6 ; — de la
Akkadiens, 6 ss., 107 ss., 109 ss., cité, 237, 239, 321.
181 ss., 188 ss. animaux et dieux, culte des ani­
Akurgal (dynaste de Lagas), maux, 73, 134, 363.
163 s s ., 167, 177. Anman-ila == Ilumaila (?) (roi de
Alexandre, 22. Sippar), 302 note, 331 note.
Alexandre Polyhistor, 21. annales, 12 ss., 14 ss.
Allât (déesse), 78. année assyrienne, 29 ss., 171;
Alman (pays), 344. — babylonienne, 26 ss., 147,
.Alzu (?) (roi de Kis), 138, 166, 171 note. 300, 311 ss., 346.
177. Ansan (Anzan) == Elam, 114 ss.,
Am (pays), 203. 201 en bas, 226, 238 ss., 243,
Amal = Zamama. 286.
Amanus (monts), 36 ss., 209 ss., Anu (dieu), 118, 129 ss., 141 ss.,
223. 182, 264 en bas, 284, 292, 302,
Amel-Ninib = Ur-Ninib. 310, 312 ss., 313, 333.
« ’amm » = oncle paternel, 63, Anubanini (roi Lulubi), 186 s s .,
67. 188, 283.
Amtnibâil (roi de l.lana), 290. Anumutabil (roi de Bêr), 286 ss.
Ammiditana (roi de Babylone), Anunît (déesse), 181, 212, 228,
320 note» 331 ss., 343, et ta­ 240, 304 note» 322.
bleau, § 323, col. I. Anunnaki (démons)» 132, 249.
Anzan (Ansan) = Elam, 114 ss., art élamite (susien), 178 ss.
349. art hittite, 360 ss.
Apheq (lieu), 9G, 98. art sumérien, 149 ss., 163 ss.,
Apil-Sin (roi de Babylone), 301, 170, 184 ss., 213 ss., 218,
343, et tableau, § 323, col. I. 220 ss., 223 ss., 232 ss.
Apirak (lieu), 203. art syrien, 370.
Apollodore..lPseudo-), 21. Asdunierim (roi de Kis), 300,
Arabe (dynastie), 22. 302 note.
Arabie, 30 ss., 53, 38 ss., 60 ss., Aser (pays), 292.
62 ss. Asera, Asrat (déesse), 81,189 ss.,
Arad-Nannar (roi de Lagas), 236. 191 ss., 292.
Arados (île'.Vrwad), 93. « asera » = pieu sacré, 76, 292.
Arados (île de Bahrein), 97. Asie Mineure, 48 ss., 77, 238,
Aradsagsag (roi d’üruk), 230. 294 à 297, 368.
Arad-Sin (roi de Larsa), 231, Asirnirari (rois d’Assur), 332,
306 ss., 308 ss. 337.
Aram (pays), 203 ss. Asirrîmnisêsu (roi d’Assur), 332,
Araméens, 7 ss., 61, 101 note. 337.
'Arbân (lieu), 360. Asiru (roi de Hursitu), 289.
Arbèles (ville), 294. Asnunnak = Tuplias.
« arbre de vie », 118. Assur (pays et ville), 73, 186 ss.,
arbres (culte des —), 73, 79, 81. 291 s s ., 319, 330 à 338, 360.
archives, 10 ss. Assur, Assyrie (rois d’—), 12 ss.,
argent, 123, 236, 262 ss., 321. 18 ss., 37, 131, 291 à 298,
Ariens (Harri), 336 ss., 338 ss., 330 ss., 363.
364. Aièur, Asir (dieu), 39, 73, 291 ss.,
Arik-dén-ili (roi d'Assur), 37. 331 ss.
Ariok (roi d’Ellasar), 307. Aésurahiddin, Assarhaddon (roi
Arisen (roi d’ürkis), 289 ss. d’Aésur), 39, 331 ss., et ta­
Arman (pays), 203. bleau, § 323, col. IV.
armée babylonienne, 322 ss., Assurbâniapal (roi d’Assur), o,
343; — sémitique, 68. 13 ss., 19, 40 s s ., 283 ss.
armement, 91, 111, 113, 123 ss., Assurbêlkala (roi d’Assur), 33 ss.,
168, 183, 214, 369. 37.
armoiries locales, 130 ss. Assurdân (roi d’Assur), 34, 37,
Arrapha, Arrapachitis (p^ivs), 352 en bas, 357.
228. Assurnadinahê (roi d’Assur), 37,
art akkadien, 149 ss., 184 ss., 337.
213 ss., 224, 232 ss., 283 ss. Assurnadinsuin (roi de Baby­
art archaïque, 149 ss., 162 ss., lone), tableau, K 325, col. IV.
168 ss., 170. Assurnirâri (roi d’Asi^ur)> 354»
art cassite, 347. Assurrêsisi (roi d’Aééür), 37,
Aêéuruballit (roi d’Asêur), 34 en Babylonie = Sinéar, 105 ss.
bas, 37. Babylonie (géographie de la —),
Assyriens, 7, 12, 14, 19, 29, 51, 58, 102 ss., 106 ss., 127 ss.
33 S S ., 39, 42, 50, 306, 318 s s . Babyloniens, 7 ss., 10 ss.
assyriologie (histoire de 1’ —), Badu (?), 163 note.
1 SS. Bahrein, 201.
Astarté (déesse], 78, 80, 82. « bâ’irûti » (classe babylonienne),
astrologie, 72 ss,, 132 ss., 272 ss. 323 note.
astronomie, 23 ss., 275 ss. Balih (fleuve), 186.
Atanahili (nom amorrite), 371. Barahsu (pays), 202, 287.
Alargatis (déesse), 368. barbe, voir : chevelure.
Atarsamain (déesse), 82. BarSip (monts), 210 note.
'Ate = Altis (déesse), 368. Barzi (ville), 304 en haut.
Alhrahasis (héros du déluge), Basa-Enzu (roi de Kis), 157 note.
142. Basa-Ili (roi d’Uruk), 232.
'Athtar = déesse Islar, 78 ss., Ba(?)salla (pays), 210 note.
181. Basamama (dynaste de Lagaè),
Attarkittah (roi d’Klam), 349. 232.
Auspia = Uspia. BaSamus (roi d’Opis-Kei), 157
'Auwites = 'Amu (peuple), 92 note.
note. Basar (lieu), 204.
Aya (déesse), 198. Basa-Susinak (roi de Suse), 179,
Az (?) (ville), 166. 241 ss., 288.
Azag-Bau (reine de Kis), 46, 154. Basime (ville), 203.
Azupirân (ville), 193. Basiùin (roi Guti), 229, 232.
« batn » = sein; tribu, 63.
B Bau (déesse), 130, 136, 169, 225,
274.
« ba'al, ba'alat » = dieu, déesse, Bazi (dynastie babyl.), 31, 35, et
78 ss., 80 ss. tableau, § 325, col. III.
Ba'alat de Byblos, 98 ss. bédouins, 54 ss., 69 ss. Voir
« ba'al brît », 76. aussi : nomades; tribus.
« ba'al samaim », 81. Be'ersaba', 74.
« ba'al sammân », 81. Behistun, 1.
Babbar = Samas (dieu), 125. « bel » = seigneur, dieu, 80,182.
Babylone, Bâb-il, 128, 182, 197 Bêl (dieu), 80, 112, 129, 292.
ss., 200, 212, 235, 237 note, BeleOs (roi légend.), 17,250 note.
248 ss., 258. Bêlibni (roi babyl.), tableau,
Babylone (dynasties de —), 31 ss., §325, col. IV.
33 ss., 37 ss., 39 ss., 251, Bélier (constellation), 273.
298 ss., 310 ss., 311 à 332, Belit = ,Ninlil (déesse), 129,
333 ss., 340 à 348. 134 ss.
Bêlkabi, Belkapkapu (roi assyr.), Chaldéens, 22, 107, 273 ss., 348
352, 334, 356 ss. en haut.
Belnadinahê (roi babyl.), 37, chars de divinités, 225 ; — de
tableau, § 325, col. II. guerre, 336 ss.
Bêltàbi (Bêlqâbi), 333. cheval, 297 note, 336.
Bérose, 20 ss.. 35, 40, 42, 44 ss., chevelure, 78, 91, 110 ss., 112,
107, 113, 117, 274. 126, 161, 184, 188, 2.36, 283 ss.
bestiaire, 117, 130, 134, 168, chien de Gula, 274.
273 ss. chroniques, 15, 31 ss., 193 ss.
Bet-el, 343, chronologie babylonienne, 22 à
bibliothèques, 11, 13 ss. 47, 147, 333 note,
Binganisarri (prince d’Akkad), chronologie phénicienne, 97.
219. Chypre, 199, 203.
Bismaya = Adab. ciel (dieux du —), 81 ss., 130,
Boghaz-keui, 337 note, 331. 182, et : « Anu ».
bois de construction, 98, 120, cinq, 68, et : « hamustu ».
122, 206, 209. cinquantaine (unité militaire),
Borsippa (lieu), 128, 182, 315. 68 note.
bronze, 122. circoncision, 77, 368.
Buntahtunila (roi de Sippar), cité, 237, 239, 321.
302 ss. civilisation akkadienne, 183,
Burias (dieu), 340 note. 186 ss., 210 ss., 214, 218.
Burnaburias (roi babyl.), 33, 37, civilisation arabe, 62 ss., 89 ss.
42, 341 ss., et tableau, §323, civilisation archaïque de Sinéar,
col. H. 116 ss.
Byblos, 95 ss., 98 ss., 367 ss. civilisation assyrienne, 11 ss.
civilisation babylonienne, 58,90,
109, 124, 282 ss., 363 ss.
civilisation cassite, 347.
civilisation sémitique, 88 ss.
calendrier, 27 ss. civilisation sumérienne, 109 ss.,
Callisthène, 22 note. 170,173, 183 ss.,2 1 4 , 266.
Canaan, 91 ss. civilisation de Sumer et Akkad,
Cananéens, 90 ss. 230 ss., 266.
canaux, 103 ss., 120 ss., 312 ss., civilisation susienne, 178 ss.
et : « irrigation ». civilisation syro-palestinienne,
Canon de Ptolémée, 23 ss. 93 s s ., 368 ss.
Cappadoce, 29, 294 ss., 358 ss. codes de lois, 235 ss. ; — code
Cassiles = Kassu. de IJammurabi, 255 ss., 257 ss.
cèdres et conifères, 95, 209 ss. 323 à 327.
céramique : susienne, 178, 180; commerce, 10, 53, 123, 255 ss.,
— en Sinéar, 122 ss. 260, 262 ss.
constellations, 273 ss. « dhft samawi » (dieu), 81.
constructions, 8, 12, 119 ss., Diâla (fleuve) = Gyndès, 51, 113,
161 ss., 163 ss., 169 ss., 223, 186.
235 ss. dieux (images de —), 273 ss., 370.
contrat avec la divinité, 76 ss. dieux d’Akkad, 181 ss.
costume, voir : habillement, dieux du ciel, voir : ciel; Anu.
couronne à cornes, 131. dieux guerriers, 135, 189. /
création (légende de la —), 104, dieux hittites, 339.
118 ss. ' dieux locaux, 266.
Gtésias, 19. dieux sémitiques, 72 ss., 75 ss.
cuivre, 122, 256, 262. dieux de Sumer et Akkad, 264 ss.
culte, 278 ss. dieux sumériens, 110 ss., 113,
culte des rois, 140 (voir : divini­ 129 ss., 182.
sation). dieux susiens, 178.
cylindres-cachets, 11, 147, 196, dieux de la tribu, 73.
212, 216, 253, 255 ss., 370. dieux tutélaires, 81, 139.
dieux de la végétation, 135.
D Dilbat (ville) = Dêlam, 300.
Dilmum (île), 198, 200 ss., 204,
Dagan, Dagon (dieu), 182, 189, 226.
192, 245, 289 ss., 292, 317, 35.5. Diodore, 20 note,
Damiqilisu (roi d’Isin), 249 ss. diori te, 206 s s ., 220 s s .
251, 310 s s ., 330 ss., 345. divination, 138, 269 ss., 278 ss.
Damiqilisu (roi du Pays de la divinisation des rois, 137 ss.,
Mer), 332, 335,343, et tableau, 140, 193, 208, 223,239 ss.,309,
§ 323, col. I. 317 ss.
Danruliuratir, 242 ss. Djoha — Umma.
Danuli (roi de Suse), 288. dolmens de Palestine, 93, 96.
Dati-Ellil (Itti-Eüil), 196, 204. douze (cercle de 12 dieux), 271.
« daud » = numen, 79. — douze étoiles du zodiaque,
Debora (numen) = abeille, 73. 274 ss.
déchiffrement de l’écriture cu­ dragons, 134, 141.
néiforme, 1 ss. Dréhem (tablettes de —), 234,
déesses, 82, 135 ss. 237.
déluge (légende du —), 104, 118, droit sémitique, 84 ss.; — baby­
142, 366. lonien, 233 ss., 320 ss.
démonologie, 71 ss., 116, 134. Dudu (roi d'Akkad), 232.
Dêr = Dûrilu (ville), 228, 235, Dumuzi = Tammôz, Adonis.
306, 310. Dungi (roi d’Ur), 233 ss., 237 ss.,
désert, 50 ss., 32 ss., 60. 243, 251, 289.
« dhû, dhàt » (dans les noms Dûr-Ellil (ville), 341.
divins), 80. Dûr-ilu = Dêr,
379

Dûr-Sin (ville), 203. Egypte et Sinéar, 38,124,137 ss.,


Dusi = Ussi. 206, 263 ss., 268.
dynastes d'Assyrie, 331 ss. Egypte et Sumer, 144 ss., 149 ss.
dynasties archaïques, 44 ss., Egypte et Syrie, 92 ss., 98 ss.,
177. 100 ss., 367 ss.
dynasties babyloniennes, 31 et ss. Eharsagkurkurra (temple), 292.
dynasties de Sumer et d'Akkad, « ekal ’> (palais) = la cour, 260.
43 ss. Ekur (temple), 129,132,134 note.
dynasties de Suse, 241 ss. Ekurulanna (roi du Pays de la
Mer), 343, et tableau, § 323,
col. I.
El — dieu, 72 ss., 78 ss.
Ea (dieu), 127, 130, 134 ss., 138, Elam, Elamites, 7, 113 ss., 163,
141, 233, 264 ss., 273, 310, 170 ss., 178 ss., 198, 201 ss.,
314 ss. 204 ss., 210, 226, 237 ss., 241
Ea-x (roi d’Isin), 231. ss., 244 ss., 247, 283, 283.ss.,
Eabani, 142. 303 ss., 312 s s ., 318, 341, 348
Eabzu (roi d’Umma), 163, 177. ss., et : « Ansan », « Anzan ».
Eagamil (roi du Pays de la Mer), Elam (rois d’), 179, 202, 241 ss.,
38,341 ss., 343,348, et tableau, 283 ss., 303 ss., 318, 348 ss.
§ 323, col. I. El-Hibba (lieu), 163.
Eamukinzer, tableau, § 323, Eliiln (dieu), 99 note.
col. III. Ellasar = Larsa (?), 127, 307.
Eannatum (dynasle de Lagas), Ellil, Enlil (dieu), 112, 128 s s .,
126, 133, 134, 163 ss., 167 ss., 141,132 ss.,1 3 7 s s ., 174, 176,
177. 182, 198, 222,233, 240,264 ss.,
« eau de vie », 118,129,142,223. 284, 292, 309 s s ., 315, 341,
Ebarti (dynastie élamite), 243, 334 ss.
283,288. Ellilbàni (roi d’Isin), 17, 249 ss.,
Eb§a (grince sémite), 91. 231.
écoles, 10 ss., 281. Elliibàni (roi d’Assyrie),291,293,
écriture cunéiforme : akkadienne, 333.
6 ss., 184, 242; — archaïque, Ellilkudurusur (roi d’Assyrie), 37.
148; — assyrienne, 7 ; — ba­ Ellilnâdinabal (roi babyl.), 37
bylonienne, 4 ss., 7, 363 ss.; — s s ., 330 note.
élamite (susienne), 1, 7, 179, Ellilnâdinsum (roi babyl.), 37, et
242; — perse, 1, 7 ; — sumé­ tableau, § 323, col. 11.
rienne, 4 ss., 143 ss., 149, 184. Ellilniràri (roi assyrien), 37.
écriture phénicienne, 7. Ellip (pays), 338.
Edom (dieu tribal), 73. Elôhim = les dieux, 82.
Egypte et Israélites, 367. Emutbal (Jamulbal) (pays), 280,
Egypte et Sémites, 60. 303 ss., 313, 318, 322, 329.
Enakalli (roi d’Umma), 166,169, Etana, 141, 254.
177. étendards, 79, 351.
Enannalum 1 (dynaste de Lagas), ethnographie, 6, 49 ss., 59 ss.,
169 S S ., 177; — Enannatuni II, 61, 91, 106 ss., 109 ss., 184,
171, 177. 219. •
Eüannalum (roi d’Isin), 246 en étoiles et dieux, 72 note, 81 ss.,
bas. 132 s s ., 272 ss.
Enbi-Istar (roi de Kis), 158,177. Eudème, 23 note.
Enetarzi (dynaste de Lagas), 171, Eulmassakinsum, tableau, §325,
173 S S ., 177. col. 111.
Engilsa (dynaste de Lagas), 174, Euphrate, 51,102 ss.
note 212, 232. Eusèbe, 21.
Enbegal (roi de Lagaé), 161,163,
177.
En-ki == Ea.
En-lil = Eliil.
famille, 62 ss., 66, 68, 257.
Enlitarzi (dynaste de Lagas),
Para = Suruppak.
171, 173 S S ., 177.
femme, 66, 237.
En-mast (dieu), 189 ss.
feu (dieu du —), 132.
Ennalum (roi d’Umma), 174 note.
filet des dieux, 135.
Enridupizir (roi Guti), 229, 232.
foie (divination par le —), 193,
Ensagkusanna (roi de Sumer),
269 ss.
158, 174 en bas, 177.
foudre (dieu d e l à —), 189, 191.
Entemena (dynaste de Lagas),
fouilles et ruines de Mésopo­
169 S S ., 177.
tamie, 8 ss., 112, 121, 128,
Enzag (dieu), 201.
153, 163 ss., 316.
En-zu = Sin.
fouilles de Palestine et de Syrie,
éponymes .assyriens, 29 ss., 293
95 ss., 365 s s ., 368 ss.
éponymes des tribus, 63 ss.
Erba-Adad (roi d’Alsur), 37.
Erech = Uruk.
ère de Nabonassar, 23 ss. Gad (dieu tribal), 73.
Ereskigal (déesse), 136 ss.,3 5 4 . « galâbu » = faire une marque(?),
Eridu = Abu Sahrein (ville), 105, 256.
127 ss., 170, 235, 237, 240, 24.5, Galubabbar (roi d’Umma), 221.
247, 309 ss., 314. Galu-Bau (dynaste de Lagas),
Erisu = Irisum. 232.
Esagila (temple), 324, 344, 346. Galugulu (dynaste de Lagas),233.
Esar (roi d’Adab)^ 163, 170. Gandas (roi babyl.), 37, 340 s s .,
esclavage, 65, 259 s s ., 325. 343, 344, et tableau, § 325,
Esnunnak = Tuplias. col. I.
Ganliar (Karhar ?) (lieu), 239,289. ■ 204, 219, 227 ss., 237, 260, 306
Galumdug (déesse), 136. note, 307, 336.
géographie de Babylonie, 102 ss.; Grtli (dynastie), 204, 229 ss., 232.
— de Phénicie, 94 ss. ; — des Gyndés = Diâla.
pays sémitiques, 48 ss. ; — de
Sinéar, 57,127 ss.; — des pays H
voisins de Sinéar, 113 ss. ; —
de Syrie, 94 ss. Habigal (dynastie), tableau, § 325,
géographie physique du désert, col. IV.
102 ss., 105; — de Sinéar, 102 habillement, 91, 110 ss., 113,
ss., 105, cf. 316 en bas. 125 ss., 161, 168, 184 ss., 218
Gézer,94 ss., 277, 369, 371. . ss., 283 ss., 369.
« gêr » = manant, 66. Habûr (fleuve), 51, 57, 289, 358.
Gibil (dieu), 371. Hadad (dieu), 189 ss., 191, 284,
Gib'on, 363. 292, 366 (voir Adad).
Gilgal, 96. Haluim (mont), 207 note.
Gilgameé, 107, 142 ss., 174, 216, Halambfl, 303.
230, 248. llaligalbat, Hanigalbat (pays),
Gimililisu (roi d’Isin), 251. 334, 358 note, 359.
Gimil-Sin (roi d’Ur), 234, 240 ss., llalium (roi de Kis), 302 note.
251. ijallab (ville), 309, 314.
Gimil-Sin (?) = Su-Enzu (roi d’O- Mamazi (pays), 159.
pis), 157 note. Ilammurabi (roi de Babylone),
« girru » = campagne militaire, 44, 249, 251, 255, 299, 311 à
30. 332, 343, 350 ss., 353, et ta­
Girsu (lieu), 130, 159, 309, 314. bleau, ^ 325, col. I.
Goim = Guli (?), 307 en bas. Hammurapih (roi de Hana), 290.
Grecs (historiens), 18 ss. Hamôr (Bnè-) (tribu), 76, 363.
Gubin (mont), 226. a hamustu », 29.
Gudéa (dynasle de Lagas), 160, Hana, Hani (ville), 255, 289 ss.,
207, 219 à 227, 232, 253. 318, 334, 342, 344, 355 ss.,
Gula (déesse). 189, 192, 274. 358 ss.
Gulkisar (roi du Pays de la Mer), Hanigalbat (ville), 334, 359.
38, 40, 41, 335, 343, et tableau, Harrân = Charrae (ville), 289.
§ 325, col. I . Harrî = Ariens, 337 note, 359,
Gungunu (roi d’Ur et de Larsa), 364.
246 ss., 251. Harsagkalama (lieu), 154, 228,
Gunidu (dynaste de Lagas), 163, 314.
177. Harsamatki (roi d’Aram), 205.
Gursar (dynasle de Lagas), 163, Harsi, Hursitu (pays), 238 ss.,
. 177. ’ 289.
Gûli, 74 ss. note, 113, 186 ss., Haru (H6r), Gôrites, 362 ss.
Hashamer (patési d’Iskun-Sin), Ibi-Marduk (roi de Hana), 290.
236. Ibiq-Istar (roi de Malgfi), 289.
Ilatamli ( = Elam), 114, 243, 286, Ibi-Sin (roi d’Ur), 2i0, 244, 251,
349. 295.
Hathôr (déesse) à Byblos, 98. Idadu I (Idadu-Susinak) (roi de
héraldique, 130 ss. Suse), 212, 213, 288.
Hérodote, 18 ss. Idadu II (roi de Suse), 242, 243,
Hésiode, 20 note. 288.
Hidjâz, 51. Idamara (pays), 329.
Hipa (déesse), 359, 362. Idin-Dagan (roi d’Isin), 245 ss.,
histoire : annales, 14 ss.; — his­ 250 ss.
toriens occidentaux modernes, Idinilu (roi de Kisurra), 236.
24 ss. ; — sources grecques, Idiirmer (dieu), 290.
18 ss.; — sources indigènes, Igigi (démons), 132.
8 ss. Igihalki (roi d’Elam), 349 note.
« Histoire Synchronique », 15. Igulbabbar (roi de Kis), 157 note,
Hittites, 49 ss., 186, 333 ss., 336 Igurkapkapu (Belkapkapu, roi
s s ., 344, 358 à 361. d’Assur), 352 ss., 356.
Hiwites, 363 note. Ikunu(m) (roi d’Assur), 352, 354.
Hérites — Haru. Ili(roi d’Umma), 169, 177.
Fluhunuri (pays), 240 note. Ilidinnam (roi d’Akkad), 232.
Humbaba (prince d’Elam), 142. « ilu, ilat » = dieu, déesse, 72
Humbanummena (roi d’Elam), ss., 78 s s . , 265.
349. Iluluqar (roi d’Akkad), 232.
Hiimurti (pays), 239 note. Ilumaila (?) == Aninaila.
Hunini (patési de Kiinas), 239 Ilumailu (roi du Pays de la Mer),
note. 36, 38, 330 ss., 335, 343, et ta­
Hursitii — Harsi. bleau, § 325, col. I.
Hulrantepti (dynastie d e —),212, Ilu.saba (roi de Hana), 290.
' 244, 288. Ilusuma (roi d’Assur), 39, 42, ‘
« hûwa » — fraternité arabe, 55. 294, 301, 350 ss.
Hûzistân, 114. images divines sur kudurru,
Hyksos et la Babylonie, 344, 364. 273 ss.
Imiilum (roi d’Akkad), 232.
I Immer = dieu .\dad, 191.
Immerura (roi de Sippar), 302
lahzarili (roi de Sippar), 303 note, 303.
note. Immiriya (dieu), 191.
lahzarilu (roi de Kasallu), 302 incantations, 278 ss.
ss. Innana = déesse Nanaia.
lamutbal = Emutbal. Irisum (roi d’Assur), 39, 351 ss.
lawium (roi de Kis), 302 note. irrigation, 103 ss., 120 ss., 135.
Isarlim (roi de Hana), 290. Josèphe, 21.
Isin, 43 S S ., 303, 310 ss., 312 ss., juges babyloniens, 238 ss.
314. Juifs (type anthropologique), 30.
Isin (dynastie d’ —), 43 ss., 244
ss., ss., 248 ss., 231, 310
ss., 329 ss., 331 ss.
Isin ^ Pase (dynastie). Kaazag (patési de Lagas), 232.
Isbi-Ura (roi d’Isin), 244, 216, Ka'ba (de la Mecque), 83.
231. Kadasmanellil (roi de Babylone),
Ishara (déesse), 210 note, 273, 37, et tableau, § 323, col. II.
289 ss., 334. Kadasmanharbe (roi de Babylone),
Isis à Byblos, 98, 37, et tableau, § 323, col. II.
Iskibal (roi du Pays de la Mer), Kadasmanturgu (roi de Babylone),
333 note,^343, et tableau, 323, 37, et tableau, § 323, col. II.
col. I. Ka-di (?) (déesse), 132, 157.
lèkun-Sin (lieu), 230. « kâhin, kôhen » = voyant,
Iskur = Adad (dieu), 191, 230. prêtre, 83 ss.
Isme-Dagan (roi d’Isin). 243 ss ., Kakmum (lieu), 314 note.
231. Kalam(?)dalulu (roi d’Opis-Kes),
Isme-Dagan (roi d’Aèsur), 354. 137.
« is^akku », 131. Kalam(?)zi (roi d’Opis-Kes), 157.
« iâtar » = déesse, 78, 263. Kalki (secrétaire d’Ubil-Istar),
Istar (déesse), 127, 1.33, 136 ss., 216.
181, 193, 198, 229, 278, 283 Kalnun, Kalne (lieu), 128,
ss., 292, 294, 302, 309, 314, Kandalanu, 31, tableau, § 323,
*33i, 337. col. IV.
Istar = planète Vénus, 133, 272 Karaindas (roi de Babylone),
ss. 342, 340.
Istar-ummi (esclave), 344. Karasamas (forteresse), 314.
Isuil (roi d’Opis), 137. Kardunias = Babylonie, 345 ss.
Iterpisa (roi d’Isin),248 note,231. Karhar = Ganhar (?).
Itliilinibi (roi du Pays de la Mer), Ka(?)saasir (roi d’Assur), 354.
343, et tableau, § 323, col. I. Kasallu (lieu), 182,201 note, 233,
Iturasdum (fonctionnairedel.Iam- 301, 302 n., 304, 305 ss.
murabi), 191, 299, 317. Kasdah (lieu), 290.
Itur-Samas (roi de Kisurra), 236 Kaèsû (Cassites), 107, 113, 329,
note. ‘338 ss.
Kassû (dynastie cassite), 31, 34
s s .,3 0 s s ., 113 ss.,3 4 0 à 348,
Jéricho (fouilles), 95 note, 308, 363, et tableau, §323, col. II.
371. Kassunadinahe (roi babyl.), ta­
Job babylonien (?), 280, bleau, § 323, col. III.
38i

Kastilias (roi de Babylone), 37, Rundaspi (roi de Gommagène),


2oo, 290, 341 SS. , 348 ss., 359, 364.
et tableau, § 325, col. I et II. Rurigalzu (roi de Babylone), 37,
Kastubila (roi de Kasallu), 198. et tableau, § 325, col. II.
Kedorla'omer (roi d’Élam), 307 Rur-§e§ (patési d’Umma), 212
ss. note.
Kerkôk (lieu), 289. Rusaspi (roi de Gommagène), 364.
Kèsù = Opis, Upî. Rutha (lieu), 128, 228 note, 233,
Kidinhutram (roi d’Elam), 349. 235, 237, 240 note, 314.
Kikia (roi d’Assur), 291, 353.
Rimas (pays), 226, 238 ss.
Kindaddu (prince d’Elam), 244,
248. Lab’ân (pays), 355.
Kinzir = Ukinzir. Lagamar (déesse), 308.
Ris, 128, 154 ss., 175, 198, 203, Lagas (Tello), 8 ss., 45, 127,130,
237, 300, 302 ss., 314. 157 ss., 165 ss., 175, 203, 211
Ris (dynastie de —), 45 ss., 154, ss., 219 ss., 222 s s ., 228, 233,
157 ss., 161, 165 ss , 167 ss., 235 s s ., 240, 247, 301 note,
173, 177, 195 ss., 198, 200, 309 ss., 314, 316, 320.
300, 302 note. Lagas (dynastie de —), 173, 177,
Risâri (roi de Ganhar, Rarlir (?)), 219 k 227, 232.
239, 289. Lakis (ville), 95 ss., 368, 371.
Risru-sa-Asir (roi d’Assiir), 352. lampe (du dieu Nusku), 274.
a kissali » (sar —),355, 357. langue assyrienne, 187 ss.
Risurra = Abu Hatab (lieu). 121, langue élamite, 179 ss., 210 ss.,
127, 161 et note, 236, 240 en 242 ss.
bas, 310, 316, 330. langue mitanni, 359.
Rna', Rna'an (Cananéens), 91 ss. langues sémitiques, 59 ss., 187
« kôhen », 86. ss., 245.
Rudda (roi d’Uruk), 232. langue sémitique akkadienne,
Rudur-Ellil (roi de Babylone), 37, 5 s s.,1 0 8 ss., 169 ss., 183,187,
tableau, § 325, col. II. 202, 210ss.,218,233,242,252.
Rudurmabuk (roi d’Elam), 251, langue sumérienne, 4 ss., 107 ss.,
305 ss., 309 ss. 113, 125, 169 s s ., 183, 202,
Rudurnahundi, Rudurnahunte, 211, 218, 233, 252,. 267, 316.
Rutirnaliundi (roi d’Elam), 42, Lankuku (dynaste d’Élam), 288.
245, 285 ss., 305 ss. Larsa, 125, 127, 233, 235, 244
« kudurru », 11, 273 ss., 347. note, 312 ss., 314 ss., 320,323.
Rukkirmas (roi d’Elam), 288. Larsa (dynastie de —), 127, 166,
Ruknaëur (roi d’Elam), 287 ss., 247 S3 . , 249, 251, 305 ss., 307
320. ss.
Rummuh = Commagène, 364. Lasirab (roi Gûti), 229, 232.
385

légendes assyriennes, 19. Lugaltarsi (roi de Kis), 157, 159,


légendes babyloniennes, 15 ss., 177.
17, 19, 118 S S ., 267, 366. Lugalusuragal (roi de Lagas),
légendes Israélites, 91, 367, 307 212 note, 232.
ss. Lugalzaggisi (roi d'üruk), 45,
légendes sumériennes, 141 ss. 158, 160 ss., 175 ss., 195,
légende d’Adapa, 141 ss., 268. 198 ss., 217 ss.
légende du roi de Kutha, 17, 228. Lulubî, 113, 186 ss., 205, 237,
légende de Sargon, 16, 193, 366. 239, 283.
légende de Sémiramis, 16. Lummadur (fils d’Eannatum I),
législation, 66, 69, 255 ss. 171 note, c o i T .
lettres du roi Hammurabi, 320 lune, 72 en bas, 81, 272 ss., 366.
ss. Voir : Sin.
Leukosyriens, 295, 298 note. Lupad (fonctionnaire d’ümina),
Lévi, Lévites, 85 ss. 222 note.
Libit-lstar (roi d’fsin), 246 ss.,
251. M
« limmu )) = éponyme, 29,293 ss.
lion (constellation), 274 ; — dieu, Madqa (lieu), 226, 238 ss.
130, 134. Ma'er, 166, 182 ss., 186, 312 s s .,
« Liste Royale A », 31 ss., 37. 318.
«Liste Royale B », 31 s s .,3 3 , Magan (pays), 108, 206 ss., 218,
38 ss. 220 s s ., 225 en bas.
« Liste Royale Scheil », 45 ss., magie, 71 s s ., 134, 268 ss.,
195 ss., 217 ss., 232. 324.
littérature religieuse de Sumeret maisons, 119, 368 ss.
Akkad, 266 ss., 278 ss. Malgû (pays), 289, 312.
littérature lexicographique, 281. Manabaltel (roi de Sippar), 302
lois, 255 ss. (voir : codes; légis­ note.
lation). Mananà (roi de Kis), 302 note.
Lugal'..?.. (roi de Kis), 157,177. Manât (dieu arabe), 73.
Lugalanda (dynaste de Lagas), Manda (amman-, Umman-), 188
171, 177. note, 204, 272.
Lugalannatum (roi d’ümma),229. Manistusu (roi d’Akkad), 188 ss.,
Lugal-bur (dynaste de Lagas), 195 ss., 202 ss., 211 ss., 213,
212 note, 232. 232.
Lugal-kigub-nidudu (roi d’Uruk), Mannudannu (roi de Magan), 206.
174 ss., 177. « mâr » =: seigneur (dieu), 75,
Lugal-kisalsi (roi d’Uruk), 175, 360 note.
■ 177. Marad (lieu), 128, 203, 212 ss.,
Lugal-sag-engur (roi de Lagas), 236 ss.
157, 161, 177. « mar awelim », 259, 261.
Kastilias (roi de Babylone), 37, Kundaspi (roi de Commagène),
255, 290, 341 ss., 348 ss., 359, 304.
et tableau, § 325, col. I et II. Kurigalzu (roi de Babylone), 37,
Kastubila (roi do Kasallu), 198. et tableau, § 325, col. II.
Kedorla'omer (roi d’Élam), 307 Kur-êe§ (patési d’Umma), 212
SS. note.
Kerkrtk (lieu), 289. Kusaspi (roi de Commagène), 3G4.
KôsA = Opis, Upî. Kutha (lieu), 128, 228 note, 233,
Kidinhutram (roi d’EIam), 349. 235, 237, 240 note, 314.
Kikia (roi d’Assur), 291, 353.
Kimas (pays), 22G, 238 ss.
Kindaddu (prince d’Elam), 244,
248. Lab’àn (pays), 355.
Kinzir = Ukinzir. Lagamar (déesse), 308.
Kis, 128, 154 ss., 175, 198, 203, Lagas (Tello), 8 ss., 45, 127, 130,
237, 300, 302 ss., 314. 157 ss., 1G5 ss., 175, 203, 211
Kis (dynastie de —), 45 ss., 154, ss., 219 ss., 222 s s ., 228, 233,
157 ss., ICI, 105 ss , 167 ss., 235 s s ., 240, 247, 304 note,
173, 177, 195 ss., 198, 200, 309 ss., 314, 31 G, 320.
300, 302 note. Lagas (dynastie de —), 173, 177,
Kisâri (roi de Ganhar, Karbr (?)), 219 à 227, 232.
239, 289. Lakis (ville), 95 ss., 368, 371.
Ki.sru-sa-Asir (roi d’Assiir), 352. lampe (du dieu Nusku), 274.
« kissali » (sar —), 355, 357. langue assyrienne, 187 ss.
Kisurra = Abu llatab (lieu), 121, langue élamite, 179 ss., 210 ss.,
127, 1G4 et note, 23G, 240 en 242 ss.
bas, 310, 31G, 330. langue initanni, 359.
Kna', Kna'an (Cananéens), 91 ss. langues sémitiques, 59 ss., 187
« kôhen », 8G. ss., 245.
Kudda (roi d’Unik), 232, langue sémitique akkadienne,
Kudur-Ellil (roi de Babylone), 37, 5 ss., 108 ss., 169 ss., 183, 187,
tableau, § 325, col. II. 202, 210 ss., 218, 233, 242, 252.
Kudurmabuk (roi d’Elam), 251, langue sumérienne, 4 ss., 107 ss.,
305 ss., 309 ss. 113, 125, 169 s s ., 183, 202,
Kudurnahundi, Kudurnahunte, 211, 218, 233, 252, 267, 316.
Kutirnahundi (roi d’Elam), 42, Lankuku (dynaste d’ËIam), 288.
245, 285 ss., 305 ss. Larsa, 125, 127, 233, 235, 244
« kudurru », 11, 273 ss., 347. note, 312 ss., 314 ss., 320, 323.
Kukkirmaé (roi d'Elam), 288. Larsa (dynastie de —), 127, 166,
Kuknaèur (roi d’Elam), 287 ss., 247 ss., 249, 251, 305 ss., 307
320. ss.
Kummuh = Commagène, 364. Lasirab (roi Gûti), 229, 232.
385

légendes assyriennes, 19. Lugaltarsi (roi de Kis), 157, 159,


légendes babyloniennes, 15 ss., 177.
17, 19, 118 SS ., 267, 360. Lugalusumgal (roi de Lagas),
légendes Israélites, 91, 307, 307 212 note, 232.
SS. Lugalzaggisi (roi d'üruk), 45,
légendes sumériennes, 141 ss. 158, 160 ss., 175 ss., 195,
légende d’Adapa, 141 ss., 268. 198 ss., 217 ss.
légende du roi de Kiitha, 17, 228. Lulubî, 113, 186 ss., 205, 237,
légende de Sargon, 16, 193, 366. 239, 283.
légende de Sémiramis, 16. Lummadur (fils d’Eannatum 1),
législation, 66, 09, 255 ss. 171 note, corr.
lettres du roi Hammurabi, 320 lune, 72 en bas, 81, 272 ss., 366.
ss. Voir ; Sin.
Leukosyriens, 295, 298 note. Lupad (fonctionnaire d’Umina),
Lévi, Lévites, 85 ss. 222 note.
Libit-lstar (roi d’Isin), 246 ss.,
251. M
« limmu » —éponyme, 29,293 ss.
lion (constellation), 274 ; — dieu, Madqa (lieu), 226, 238 ss.
130, 134. Ma'er, 166, 182 ss., 180, 312 s s .,
« Liste Royale A », 31 ss., 37. 318.
« Liste Royale B », 31 s s ., 33, Magan (pays), 108, 206 ss., 218,
38 ss. 220 ss., 225 en bas.
« Liste Royale Scheil », 45 ss., magie, 71 s s ., 134, 268 ss.,
195 ss., 217 ss., 232. 324.
littérature religieuse de Sumeret maisons, 119, 368 ss.
Akkad, 206 ss.,278 ss. Malgû (pays), 289, 312.
littérature lexicographique, 281. Manabaltel (roi de Sippar), 302
lois, 255 ss. (voir : codes; légis­ note.
lation). Mananâ (roi de Kis), 302 note.
Lugal-..?.. (roi de Kis), 157, 177. Manât (dieu arabe), 73.
Lugalanda (dynaste de Lagas), Manda (amman-, Umman-), 188
171, 177. note, 204, 272.
Lugalannatum(roid’Umma),229. Manistusu (roi d’Akkad), 188 ss.,
Lugal-bur (dynaste de Lagas), 195 ss., 202 ss., 211 ss., 213,
212 note, 232. 232.
Lugal-kigub-nidudu (roi d’Uruk), Mannudannu (roi de Magan), 206.
174 ss., 177. « mâr » = seigneur (dieu), 75,
Lugal-kisalsi (roi d’üruk), 175, 360 note.
■ 177. Marad (lieu), 128, 203, 212 ss.,
Lugal-sag-engur (roi de Lagas), 236 ss.
157, 161, 177. « mar awelim », 259, 261.
Marduk (dieu), 128, 141, 182, métallurgie, métaux, 100, 122
212, 265 S S ., 267, 279 s s ., 302 ss., 262.
S S ., 315, 317,333, 344 ss. milliers (groupe tribal), 68.
Mardukahêerba (roi babyl.), 37. mine (mesure), 262.
Mardukapaliddin (roi babyl.), 37, Misime (ville), 166.
et tableau, § 325, col. II et IV. a mispâha » = clan, 68.
Marduknadinahê (roi babyl.), 37. Mitanni, 186 ss., 333 ss., 337,
Marduksâpikzèrmâti (roi babyl.), 358 ss., 362 ss., 364.
33, 37. mobilier, 122 ss., 369.
Mardukzakirsum (roi babyl.), mois, 27 ss., 236.
37, et tableau, § 325, col. IV. Moïse, 85, 366.
Mardukzêr.. ?.. (roi babyl.), 37, montagne (dieu de la —), 73, 79,
et tableau, § 325, col. III. 129, 166, 329.
mariage sémitique, 62 ss., 66; morale, 84 ss., 279.
— babylonien, 257. mort (concept d e là —), 86 ss.
« mariana » = noblesse militaire mort (coulunies funéraires), 120
arienne, 364. ss., 123, 139 ss., 368 ss.
« marianni » — homme (en morts (culte des —), 87,122 note,
arien), 359 ss. 124, 139 ss.. 368 ss.
Martu Amurni, 190. Muquai yar = Ur.
« masseba » cône de pierre Muses-Ninib (prêtre), 360.
sacré, 76. Musezib-Marduk (roi babyl.), ta­
matriarcat, 63, 286 et la note. bleau, § 325, col. IV.
Mède (dynastie), 22. ic muskênu », 261.
médecine, 270, 325. Musri, 53 ss.
Megiddo, 95. Mutakkil-îVusku (roi d’Assyrie),
Melamkurkurra (roi du Pays de 37.
la Mer), 343, et tableau, § 325, Mutiabal (roi de Kasallu), 306,
col. I. Mylitta (déesse), 136.
« melek », « malkat » == roi mythes, 118 ss., 136, 141, 267,
(dieu), reine (déesse), 75. 366.
Melisipak, 37, 348 note, et ta­
N
bleau, § 325, col. II.
Meluha (pays), 108, 206 ss., 226. Nabatéens, 69.
Menua (pays), 210. Nabh, Nebo (dieu), 128, 182, 269
Menziu (tribu), 91. ss., 275,
Mesilim (roi de Kis), 46, 157 ss., Nabôkudurriusur I (roi babyl.),
161 ss., 166, 177. 37, 374; — II : 155 ss.
Mésopotamie, 51 ss.,' 54, 105, Nabôinukinbal (roi babyl.), ta­
185 ss., 333, 360. bleau, li 325, col. III.
mesures, métrologie, 262 ss., Nabônudinzlr (roi babyl.), ta­
281, 366. bleau, § 325, col. IV.
387

Nabûna’id (roi babyl.), 15, 36 Ninâ (déesse), 40, 129, 132, 162,
n o t e , 42 S S . , 44 s s . 165, 235, 335.
Nabrtnasir, Nabonassar (roi ba­ Nin gai (déesse), 136 ss., 366.
byl.), 23 S S ., 273, et tableau, Ningirsu (dieu), 130,134 ss., 157,
§ 325, col. IV. 1.59, 162, 165 ss., 222 ss., 225,
Nabûsumiskun (roi babyl ), 37, 235.
et tableau, § 325, col. IV. Ningiszida (dieu), 134, 142, 225.
Nab6§umlibbur (roi babyl.), 37, Ninharsag (déesse), 129, 135 ss.,
et tableau, § 325, col. III. 154, 169. 329 note.
Nabrtsumukin (roi babyl.), 37, et Ninib (dieu), 131, 189 ss., 192,
tableau, § 325, col. IV. 227 ss., 235, 210.
Naharain (pays), 54 note, 57, 358. Ninib-apalesar (roi d’Assur), 37.
Naksu (lieu), 204. Ninib-kudurusur (roi du Pays de
iXammahni (dynasle de Lagas), la Mer), tableau, § 325, col. III.
220 232. Ninlil (déesse), 129, 134 ss., 284.
Nana (déesse), 130, 13G note. Ninmali (déesse), 136, 329.
Nanaia = Lslar, Vénus (déesse), Ninmar (lieu), 170.
127, 133, 136 S S. , 141 ss., 212 NinnieS (ville), 213 note.
SS., 230, 235, 272, 285, 302. Niniia, ÎSfinive, 294, 318 ss., 357.
Nanijah (roi do Kis), 157 note. Nippur, 8, 10, 43, 112, 121, 128
Nannar = Sin (dieu), 125. ss., 152 ss., 154, 170, 195 ss.,
Nanumsarrum (roi d’Akkad), 232. 198, 202, 211 ss., 227 ss., 229,
Narâm-Sin (roi d’Akkad), 14, 233 ss., 236, ss., 240 ss., 245
45 ss., 184 ss., 193 ss., 195 ss., ss., 248, 285, 310 ss., 315, 330,
204 ss., 206 s s ., 208, 211 s.s., 332, 342.'^
213 ss., 215 ss., 217 ss., 232 Nisaba (déesse), 132 ss., 135,
ss., 290. 175 ss., 284.
Naruti (dieu), 202. Nitukki =Dilm um , 200 note.
Nasr (dieu), 73. nomades, 54 ss., 60 ss., 61 ss.
Nawar (pays), 289. nombres sacrés, science des
NazimarU ttas(roi babyl.), 37,347, nombres. 72, 269 ss.
et tableau, § 325, col. II. noms : divins, 73 ss., 80,125 ss. ;
nécropoles babyloniennes, 121 ss. — n. de personnes, 73 ss.,
« nefes » = âme, souille, 86 ss. 131; — n. sumériens de dieux
Nergal (dieu), 128, 134, 182 note, 125 ss., 145; — n. de tribus,
235, 246, 371. 64, 363. — Voir aussi : année.
Nergalusezib(roi babyl.), tableau, nouvel an, 269, 346.
§ 325, col. IV. nudité, 135 ss., 199, 213 ss.
« neseb » = stèle funéraire, 87. Nuhusnisi (canal), 312.
Neti’a (ville), 93, 96. Nur-Adad (roi de Larsa), 247
Nimrod, 107, 142. note, 249 ss., 251, 302, 311.
Nin == déesse, 132. Nusku (dieu), 274.^
a Pays de la Mer » (dynastie
0 du —), 31, 35 ss., 38 ss., 330
ss., 334 ss., 340 ss., 343 ss.,
Oannès, 113, 117. et tableau, § 325, col. I et III.
oasis, 52. pédérastie, 77, 84.
obélisque de Manislusu, 203. Perses (écriture), 7.
omina, 138, 188, 193, 209 ss., Pesgaldaramas (roi du Pays de la .
272 ss. (voir : présages). Mer), 343, et tableau, g 325,
Opa = Ubi (ville), 302. col. I.
Opis = Kesu = Upi (sur le Ti­ Phéniciens, 7, 94 ss., 90 ss., 98,
gre), 128,154 s s ., 100, 204, 235, 360 s s ., 371.
314, 329. pierre, 120, 122 ss.
Opis (dynastie d’ —), 45, 154 ss., pierres sacrées, 73, 70, 79 ss.,
157, 100. 93 ss., 96; — monuments mé­
or, 123, 200 ss., 202 ss. galithiques de Palestine,93 ss.,
oracles, 84 ss., 132 ss., 138, 270. 90, 369.
Orchoè = Uruk, 127. planètes, 272 ss.
Orion (constellation), 133 noie. plastique et statuaire, 149 ss.,
Orotal(l) (dieu), 75. 102 ss., 108 ss., 184 ss., 202,
Osiris à Byblos, 98 ss. 214, 220 ss.,224, 240.
ouvriers, 200. Platon (nombre de —), 281 note.
Pléiades, 274.
poésie sémitique, 89. .
poids et mesures, 202 .ss.
Padan (pays), 344. polyandrie, 03, 00.
Pahirissan (dynaste deSuse),349. porphyre, 200 ss.
Palestine, 50 ss., 90 s s ., 93 ss., présages, 71 ss., 193, 209 (voir :
302, 308 ss. omina).
Pallakottas (canal), 103 ss. prêt, 262.
:<palû » == année de règne, 30. prêtres, 85, 200 ss., 278 ss. (voir :
panbabylonisme, 270 ss. sacerdoce).
Panodore, 24. Prisme cruciforme, 202 ss.
parenté de l’homme avec la divi­ prix et mercuriale, 255, 262 ss.,
nité, 73 ss., 70 ss. 321, 325.
Pase (Isin) (dynastie babyl.), 31, prophètes, 85.
35,37, et tableau, §325, col. 111- prostitution sacrée, 77 ss., 84,
Passah (fêle Israélite), 75. 135 ss., 139, 261, 308.
patési, 151 s s ., 154, 105 ss., 169 psaumes pénilentiels, 279 ss.
ss., 171 ss., 174, 211, 234 ss ., psychologie sémitique, 87 ss.
‘239, 241 en bas, 322 ss. note, Ptolémée, 23, 28.
293, 356. Puhia (roi de Hurêitu), 289 ss.
patriarcat, 63. Pulu, Phul = TukultiapaleSara
IV : iL 'l SS., ol tab le a u , 5; royauté babylonienne, 131 ss.,
col. IV. 208, 233, 238, 242, 317 ss.
Piir-Sin I (roi d’Ur', '240, 243 royauté sémitique, 08.
SS., 231. rois-dieux, voir : divinisation.
Pur-Sin II (roi d’Isinj, 247 s.s., rois-prêtres, voir : .sacerdoce
2.31. royal.

U S
Oacles (du Siiiaïl, 7ÎI, S3.
Sabéens, 03.
Qedein, 33,100 ss.
Sabu (roi babyl.), 231, 304, 343,
Qidri (tribu), 33, 82.
et tableau, 323, col. I.
« Quatre régions » (roi des —),
sacerdoce, 83 ss., 138, 132, 170
103, 208, 210, 229, 230, 209,
ss., 172 ss., 238 s s ., 200 ss.,
318, 344.
278 ss.
H sacerdoce royal, 137 ss., 1.32,170.
sacrifices, 73 ss., 117 ss., 140,
« rabb » = seigneur, dieu, 73. 240; — s. humains, 83 ss.,
Itabiqu (lieu), 313. 309, 371.
Itadàiiu = '.\dêm (lleuve), 105, Sadi (roi?), 320.
134. Sagaraktisurias (roi babyl.), 34,
Kamànu (dieu), 180 ss. 30 ss., et tableau, 323,col. II.
Kekabiles (clam, 09. Sagittaire (Centaure; constella­
religion assyrienne, 307. tion), 273, 278.
religion sémitique, 71 ss., 300 ss. Salibi (lieu), 313.
religion sumérienne, 129 ss., 170, Salimahum (roi d’Assur), 334.
172. Salmnnazar== Sulmanu-asaridu I
religion de Sumer et Akkad, 204 (roi d’Assur), 37,39, 42, 331 ss.
ss.; — textes religieux, 20(> ss., Samas (dieu soleil), 82, 123,181,
208 ss. 198, 211, 210, 247, 203,284,
repas de sacrifice, 70. 290, 303, 317 , 328, 348 note,
« llepha’îm *>, « refa’îm » = reve­ 300.
nants, morts, 80, 91, 307. Samas-napistim (héros du dé­
He6aina= HA.s el'Ain (ville), 301. luge). 142.
Ilezenu (pays), 101, 302, 300. Sanias-sumukîn (roi babyl.),2.30,
Ilîm-Anum (roi', 303 ss. et tableau, § 32.3, col. IV.
Itîm-Sin (roi de Larsa), 42, 44, Sams (dieu soleil), 73, 78, 81,
249, 231, 303 ss., 309 ss., 311 303.
ss., 329. Samsi-Adad (rois d’Assur), 39,
Itimus = Uruinus. 42 , 230 note, 319, 3.32 ss., 330
Ris-Adad (prince d’Apirak), 203. note.
l’ituels, 208 ss., 27î). Samson, 303 ss.
Samsudilana (rt>i babyl. , d3:2ss. Sémites, î8 ss., 58 ss., 87 ss.,
.‘H3, et tableau, 325, col. I. 125 ss., 183 ss., 30)8 ss.
Samsuiluna (roi babyl.), 38, 322 Sémites et Arabie, 59 ss.; — S. et
329SS., 331 s s .,3 i3 , ol tableau Égypte, 91 ; — S. et Sinéar, 100
325, col. 1. ss., 181 ss.; — Sémites et Su­
sanctuaires du désert, 85. mériens, voir : Sumériens.
sang (dans le culte), 75 ss., 83, Sénachérib Sinahériba.
sang (fraternité, lien, vengeance Scnkere — Larsa, 127.
du —). 02 SS., 07 SS., 70, 83 sept, 72, 209 ss., 275, 278.
111>. SeripuI (lieu , 283.
Sangar Sinéar, 100 ss. ser|)ont, 73, 110, 134.
Saratigubisin (roi Grtti ), 230, 232 Sesba (dynastie de), tal)leaii,
Sardanapale = AssurbAnipal, 19 ^32.5, col. 1.
Sarganisarri 1 roi d'Akkad), 18i sexe, voir : vie sexuelle.
195 ss., 20i ss.,208ss., 211 ss. « sibOti » = anciens de la cité,
213, 217, 232; — II : 197, 21” 257.
ss., 232. Sichem, 70, 303.
Sargon (roi d’Akkad), Sarrukîn sicle, 202.
H, 15 ss.,. 93, 192 ss., 195 ss. Sid, Sidon, Sidoniens, 94 ss.
197 ss., 201 ss., 207 ss., 211 ss. àidlab (lieu), 203.
232, 209, 272, 305 ss. Silanum (?)-Suqamuna (roi ba­
Sargon d’Assyrie, 197, 352, 35i byl. j, tableau, § 325, col. III.
et tableau, § 325, col. IV. Sillialia (dynaste de Suse), 213,
Sarkenkateasir(roi d’Assur), 352 285 ss. ; — (dynastie de —),
35 i. 285, .288.
« sar kissali », 355, 357. Sill.iak-Susinak (roi de Suse),
Sarlak (roi Guti), 201. 243 noie.
Sarpanit (déesse), 302, 333, 3M. Simanu (pays), 240 note.
SasI (dynastie), tableau, ^ -325, Simas (pays), 280 ss.
^ col. IV. Simas-sipak (roi babyl.j, tableau,
Sasru (lieu), 239 note. 325, col. III.
Satt-el-Arab, 103; — S.-ei-ljâi, Simbi-ishuq (dynaste de Suse),
103, 105, 127, 159; — S.-el- 242, 288.
Kàri, 105; — S.-en-Nil, 103, Simebalarhuppak (dynaste de
105, 128. ^ Suse), 288.
sceaux, 147, 150, 370. Simtisilhak (roi de Larsa), 251,
Schôhl.iAn (lieu), 284. 305.
Scorpion (constellation), 273. Simuru (pays), 237, 239.
scribes, 210 ss., 281. Siii, Kn-Zu (dieu-lune), 81, 125
Se'îr (mont), 302. ss., 181 ss., 229, 235 ss., 237,
« se’îrîm » = démons, 71. 240, 240 ss., 253, 205 ss., 209,
Sémiramis, 10, 155. 284, 289, 300, 315, 317, 300.
Sin-uhêriba (Sénachérib roi ba- stèle des Vautours, 120. 133,
byl. , 33 S S ., et tableau, ^ 323, 100 ss.
col. IV. Subari, Subartu— Mésopotamie,
Sinaï Mieu du — 71, Tîl. 180 ss., 198, 209, 200, 300.
Sinéar, San'ar, Sani^ar, 37 ss., Subê (pays), 311 note.
103 S S . , 1 1 0 S S . , 230 S S . , 282 ss. Su-Enzu -= Gimil-Sin f'?» roi
Sineribam (roi d’IJruk-, 230 note. d'Opis), 137 note.
Singamil /"roi d'IJruk), 2i8. Sukurru (pays), 230.
Singasid iroi d’IJruk , 2î8, 233 Siililu ('roi d’Assuri, 333 note.
Sulmanu-asaridu — Salmana/.ar.
Sinidinam foncUonnairedellam- Sumer (nom,, 107.
murabi », 320 ss. Sumériens origine), 110, 123.
Sinidinam roi de Larsa), 217 Sumériens et Sémites, 1 ss.. 107
note, 219 ss., 231, 233, 300. ss., 109 ss., 123 ss., 133, 138,
Sinikisa (roi d’Isin), 250 ss. 181 ss., 217 ss., 219, 233.
Sinmagir (roi d’Isin), 210 ss. Sumériens (rois archaïques», 131
Sinmuballit iroi de Babylone), ss.
U , 231, 301, 310 et ss., 313, et Sumer et Akkad i dynastie de —),
tableau, ^ 323, col. I. 13 ss., 217 ss., 231, 310, 313
Sinuhef, 100 ss. en bas, 313.
Sippar = Abu-I.labba, 82, 112 Sumuabu (Suabu) (roi babyl.),
noie, 101, 181 ss., 198, 211, 3î), 231, 287, 291, 299 ss., 313,
229,237 note,238, 301, 303 ss., et tableau, 323, col. I.
313, 313. Suinuditana(roi deKis), 302 noie.
Sirius (constellation), 133 note. Sumuilu (roi d’Ur), 218 note,
Sirukduh (roi de Suse), 283 ss., 231, 233.
288. Sumulailu (roi babyl. i, 231, 302
sociologie, 31 ss., 02 ss., 03 ss., .ss., 323, 327, 331, 313, et ta­
77 ss., 231 ss. bleau, ^ 323, col. I.
soixante, système sexagésimal, Sunu’rammu (dynaste de llana),
112, 202. 209, 271, 281.^ 290.
soleil (dieu), voir : Sams, Samas, Suqarkib (roi d’Akkad), 232.
et pp. 113 note, 272 ss. Surghul (ruines), 121, 127, 103,
Sor‘a (clan), 303. 310.
statues foU'randes aux —), 140; Suri (?), 187 note.
— statues royales, 222 ss., Silrja = soleil, 338 ss.
210; — de Oudéa, 222. Suruppak==Fara (Heu), 121 note,
stèles de Gé/.er, 91, îtO. 127,130,117 ss., 103, 237, 310.
stèles de i\arAm-Sin, 203, 213, Surusgi (Suruskîn, d’Umma),212
221. note.
stèle de Schehlian, 281. Suse, Susan, 1, 7, 9, 112 ss., 178
stèle de SeripuI, 281. ss., 199, 202 ss., 210, 220, 238
ss.,-2 ii S S ., 28:; S S ., ;r.O. Voir: Tell-Sifr, 248 note, 330 note.
Elam. Tell-Surghul, 127.
Suse (souverains de —), 188, 2 il temples, 80, 102 ss., 123 ss.,138,
S S ., 28;> S S ., 818, 320. 220, 260.
Susinak (dieiij, 2i2, 287. Temliagun (roi de Suse;, 283 ss.,
Siissi (roi du Pays de la Mer , 288.
343, et tableau, § 32.3, col. 1. Temtibalki (roi de Suse), 287 ss.
Sutruknalnmte (roi de Suse), Téraphîm (dieux tutélaires). 81.
202 SS. Tesub (dieu), .334.
syllabaires, 3, 13, 281. « tètes noires » ~ Sémites, 184,
synaboles divins. 273 ss. lît.3, 317.
Syncelle, 21. Tiâmat (dragon), 101 note, 141.
Syrie, 40, r;i, 33, 30 ss., 91 ss., Tibar (mont), 203.
‘Oi ss., 188 ss., 100, 301 ss.! Tid’al iroii, 3(t7.
:î04, 308 ss. Tidanurn (mont), 210 note, 241
Syrie et Asie M ineure,203 ss.; — note.
S. et Babylone, 00 .ss., 100 ss., Tiglathpiléser l, 'l'iikultiapale-
310, 303 .ss., 370 .ss.; — S. et sara 1 (roi d’As.sur), 33 ss., 37,
Egypte, 00 ss., 98 ss., 100 ss., 3.32; — IV: 22 ss. (Phul^ Pulu).
302 ss., 367 ss., 370 ss. Tigre (lleuve), 31, 102 ss.
Tilmun — Dilmun (île).
r Tiriqân (roi (}uti), 220 ss., 232.
'l’irqa (ville), 290, 3.33.
Ta'annak, 308, 371. Tisid-EIlil (canal), 313.
Tâbiutiil-Ellil, 280. tombeaux, 8, 120 ss., 123, 3(>8
Taki (roi (?), 320 note. ss., 371.
Tammbz (Adonis), 08 ss., 130, Tôr (au Sinaï), 83.
142 , 230. tour à étages-= « ziqqurat ».
Tarku (dieu), 334 note, 330. traités, 70, 1.37, 100.
TaUrus (monts); 48 ss. tribus nomades, 40, .34 ss., 38
Tazzigururnas (roi babyl.), 341, ss., 02 ss., 07 ss., 73, 70 ss.
343, et tableau, 323, col. 1. tribus sédentaires, 00 ss.
ïell-l.lalâf, .301. Tukris (pays), 333.
Tell-llaminàn, 127. Tukulliapalesdra —■ Tiglatbpilé-
Tell-l.lesy — Lakis, 03 note. ser.
Tell-Ibrahim, 128. Tiikulli-Assur (roi d’Assur), 37.
Tell-'Isâr, 290. Tukulliinêr, roi de Pana), 200.
Tell-Lahm, 127. Tukulli-Ninib 1 (roi d’Assyrie), 34
Tell-M and j fi r, 1.30. ss., 37.
Tell-el-Mutesellim, 371. T u p lia s = A sn u n n a k (A b n u n n a )
Tello = Lagas, 8 ss., 127, l'iO ss., (lie u ), 2 0 3 , 2 3 0 n o te , 2 4 2 , 231
101, 223, 2.33. n o te, 30 3 s s ., 3 1 3 , 34 4 .
393

Turgü (dieu), 339. Ur-e (roi de Lagas), 212, 232.


Turukku (pays), 31i, note. Urcngur (roi d’Ur), 43, 231 ss.,
Tylos (île), 97, 201 note. 233 à 237, 251.
Tyr, 95, 97. Urgar (roi de Lagas), 220, 232.
Urginar (roi d’Uruk), 232.
U Uringeraz (monts), 210.
Urkis (pays), 289.
Ubi (Opa; lieu près de Damas), Urlumma (roi d'Umma), 169,
3G2. 171, 177.
Uhil-Istar (prince d'Akkad), 210, Urmama (roi de Lagas), 232.
21G. Urnigin (roi d’Uruk), 217,232.
Udnun — Adab. Urninû (roi de Lagas), 45 ss.,
Ugme (roi de Lagas), 232. 160 ss., 162, 165 s s . , 170 ss.,
Ukinzir (roi de Babylone), 31, 177.
tableau, § 323, col. IV. Urningirsu (fils de Gudéa), 221,
Ukus (roi d’Umma), 175, 177. 226 ss ., 232.
Ulamburias (roi du Pays de la Urningirsu (prêtre de Ninâ), 221.
Mer), 311 ss., 313. Urningiszida (roi deTuplias),237.
Ululai (roi de Babylone), tableau, Ur-Ninib(Amel-Ninib) (roi d’isin),
§ 325, col. IV. 247 ss., 251.
Umanu (monts), 210. Urninsun (roi de Lagas), 232.
Umma ( = Djoha), 127, 157, Ursag (roi d’Opis ^ Kes), 157.
1G4 S S ., 167 S S ., 174 s s . , 177, Urua (?) (ville), 165, 171 note.
203, 212, 221, 229, 235. Uruk (Warka, Erech, Orchè),
Umma (rois d’ —), IGG, 177. 127, 136, 166, 174 ss., 204 ss.,
Unpahasgal (?) (roi d’Elam), 349. 212, 228 s s ., 245, 247, 285,
Unlasgal (?) (roi d’Elam), 348 ss. 310, 312, 314, 320, 329.
Upi — Opis (sur le Tigre), 128, Uruk (dynastie d’), 45, 175 ss.,
154 ss. 217 ss., 226 ss., 230 ss., 232,
Ur ( = Muqaiyar), 97, 127, 166, 248 ss., 310.
170, 173 ss., 235, 243 ss., Urukagina (roi de Lagas), 172 ss.,
246 ss., 309 ss., 313, 320, 329. 175, 177, 255 ss.
Ur (dynastie d’ — ), 43 ss., 45 ss., Urukagina (fils d'Engilsa de
231 à 241, 251. Lagas), 174, 212.
Ura (épithète de Nergal), 240. Urumus (Rimus, roi d’Akkad),
Uraimitti (roi d’isin), 248 ss. 195 ss., 202 ss., 208, 211.
Uras (dieu de Dilbat), 300. Ur-ulu (roi d’Uruk), 232.
Urbabbar (roi de Lagas), 212, Urzag-e (roi de Kis), 157, 159.
232. Urzamama (roi de Kis), 157.
Urbau (roi de Lagas), 220 ss., Us (roi d’Umma), 166, 177.
232. Uspia (Auspia; roi d’Assur), 39,
Urbillu (pays), 239 note, 358. 291, 351 ss.
Us(?)§i (roi de Babylone), 37,
341 S S ., 343, et tableau, § 323,
col. I.
Usu = Palaetyros, 93. Yaghèth (dieu arabe), 74.
Utu (dieu Samas), 123. Yahvé, 74, 79, 81 ss., 83 ss., 299
Utug (roi de Kis), 159, 177. note.
Utu^egal (roi d’Uruk), 230 ss., Ya'qôb (dieu), 74.
232. Ya"qob-el (lieu), 74.
Uvâdja ( = Elamites), 114 ss. Yerahm-el (tribu), 74.
Uziwatar (roi de Kis), 137. Yishâq (dieu), 74.
'Uzza (déesse arabe), 73.
Z

Zabsali (pays), 240 corr.


Vénus (planète), 40 ss., 133, 272. Zagros (monts), 48, 209, 213, 283.
vie (origine, siège de la —), 7G ss. Zabi = Phénicie, 97, 362.
86 ss. ; — « arbre de vie *>, 118; Zamama Amal (dieu de Kis),
— « eau de vie », 118,129,142, 136, 183, 194, 198, 210, 212.
223. Zamama-sum-iddin (roi de Baby­
vie sexuelle, 77 ss., 133 ss., 199. lone), 34, 37, et tableau, § 323,
villes de Sinéar, 127 ss. col. 11.
Zambia (roi d’Isin), 230 ss.
W Zawan (lieu), 242.
Zendjirli (lieu), 360 ss.
Wadd (Dieu arabe), 79. Zimudar (roi de Kis), 137.
« wadi », 32. « ziqqurrat » = tout* à étages,
Warka = Uruk, 127. 129, 132 ss., 211, 222, 233, 329
et la note.
zodiaque, 271, 273 ss., 277.
Zoroastre, 24.
Xisuthros (héros du déluge), 142. Zuzu (roi d’Opis), 166.

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