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La justice platonicienne
i
La philosophiede Platon est marquée par un dualisme radical.
Le monde platonicien n'est pas un : sous quelque aspect qu'il se
manifeste,il présenteune scission profondequi reparaîttoujours
sous les formesles plus diverses. Platon ne voit pas un monde, il
en voit deux : d'une part il croit contempleravec les yeux de
l'âme le domaine transcendantdes idées situé hors de l'espace
et du temps,la chose en soi, la réalité véritable,absolue, de l'être
immobileet d'autrepart il oppose à ce domainetranscendantcelui
des choses purementphénoménales, situées dans l'espace et le
tempsqu'il voit avec les yeux du corps; c'est pour lui le domaine
des apparences trompeuses,du deveniren mouvement- en réa-
lité un non-être.Tandis que l'un de ces mondes est l'objet -
objet unique - de la véritable connaissance rationnelle,de la
pensée pure et du savoir véritable,de Y « épistèmè», l'autre n'est
que l'objet extrêmementdiscutable de la perceptionsensible, de
la croyance,de la « doxa ». La même antithèsese présentedans
la doctrineplatoniciennedu « peras » et de 1' « apeiron ». D'un
côté, dans la sphèredu déterminé,de la forme,règne le principede
la liberté,soumiseà la loi de finalitéou de normativité.De l'autre,
dans la sphèrede l'indéterminé,de la matière,règne la contrainte,
le rapportde cause à effet,la loi de causalité. Ce serait pour un
moderne l'antithèseentreesprit et nature,valeur et réalité. C'est
« »
l'opposition entre « technè » et « empeiria », entre noesis et
« aisthesis », entrel'activitécréatriceet la réceptivitépassive, entre
« poiesis » et « mimesis », entreunitéet multiplicité,entretotalité
et somme et - sous sa forme la plus générale - l'antithèse
entrele <«même» et 1' « autre ». Du point de vue de l'hommec'est
-
l'opposition - essentielle pour la doctrine platonicienne
entre l'âme immortelle,qui tendvers le divin et la raison - et le
corps mortel,prisonnierdes sens. Enfinc'est l'opposition qui est
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H. KELSEN. - LA JUSTICEPLATONICIENNE 365
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366 REVUE PHILOSOPHIQUE
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H. KELSEN. - LA JUSTICEPLATONICIENNE 367
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368 REVUE PHILOSOPHIQUE
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H. KELSEN. - LA JUSTICEPLATONICIENNE 369
24 Vol. 114
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370 REVUE PHILOSOPHIQUE
II
L'activitéspirituelledes grands moralistes est plus que toute
autre intimementmêlée à leur vie personnelle; toute spéculation
sur le Bien et sut le Mal a sa source dans l'expériencemorale qui
ébranle l'hommetout entier. Le pathétique puissant qui est à la
base de l'œuvre de Platon, son dualisme tragique et ses efforts
héroïquespour le surmonteront leur fondementdans le caractère
particulierde cette individualitéphilosophique et dans l'origina-
lité de son destin,qui déterminentson attitudetoutà fait person-
nelle devant la vie.
Or le cours de la vie de Platon est déterminéessentiellement
par la passion amoureuse, par l'Eros platonicien.D'après les docu-
ments laissés par Platon qui nous donnentune image de l'homme
qu'il a été, Platon n'apparaîtpas comme une naturecontemplative
et froidede savant, que la connaissance satisfaitpleinement; ce
n'est pas un philosophe qui de toutson être ne tend qu'à pénétrer
le devenirchez l'hommeet en dehors de l'homme; ce n'est pas un
penseur qui s'efforceuniquementde résoudre la confusionet la
multiplicitédes données. C'est une âme ébranlée par les passions
les plus violentes et dans laquelle vit intimementapparentée à
son Eros - de sorte qu'on ne peut l'en séparer- une volonté de
puissance, dontl'objet est l'hommeet qui ne se laisse pas refouler.
Aimerles hommestout en songeantà formerleur espritet à faire
de leur communauté une communauté d'amour, c'est ce à quoi
Platon a aspiré toute sa vie, le but de ses effortsétant de former
Fhommeet de réformerla communauté humaine. C'est pourquoi
l'objet favoride la pensée platonicienneest l'éducation et l'État;
le problème essentiel devient alors la recherche du Bien, de la
justice, seule justification de la domination de l'homme sur
l'homme,seule légitimationde la « paideia » commede la « poli-
teia ». Mais la passion de Platon pour la pédagogie et la politique
a sa source dans son Eros. D'autre part si l'on reconnaîtdans cet
Eros le principe dynamique'de la philosophie platonicienne, on
n'a pas le droitde fermerles yeux devant le caractère spécial de
cet Eros. C'est en effetce qui déterminel'attitudepersonnellede
Platon vis-à-visde la société en général et de la société démocra-
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H. KEL.SEN. - LA JUSTICEPLATONICIENNE 371
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372 REVUE PHILOSOPHIQUE
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III
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374 REVUE PHILOSOPHIQUE
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H. KELSEN. - LA JUSTICEPLATONICIENNE 377
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378 REVUE PHILOSOPHIQUE
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H. KEL.SEN. - LA JUSTICEPLATONICIENNE 379
IV
La conception platoniciennede la vérité s'exprime principale-
mentdans la doctrine- exposée dans la République - de la jus-
tificationet même de la nécessité du mensonge en tant qu'elle
permetde gouvernerpour le mieux; dans la distinctionentre le
mensongequi est mauvais et celui qui est « vrai », parce que salu-
taireet qui est une véritéd'État : la raison d'État. Dans l'État idéal
- c'est-à-diredans celui où domine la philosophie de Platon -
déclare celui-ci, le gouvernementdevra user de « tromperies» et
répandre« toutes sortes d'illusions » « pour le bien des sujets ».
La nécessité pour le gouvernementde mentirde la sorte appa-
raît - pour ne prendrequ'un exemple - dans la façon dont l'État
doit réglerla générationdes enfants.Les couples particulièrement
aptes à la reproductionet qui sont sélectionnés par le gouverne-
mentdoiventavoir l'illusion qu'ils ne sont pas seulementdes ins-
trumentsdans les mains de ce dernier.Les individus ainsi accou-
plés doiventcroireque c'est le sortqui les a destinés l'un à l'autre
et dans ce but Platon propose d'introduireun systèmetrès adroi-
tement imaginé; cela pour cette raison, entre autres, que les
couples, dont les enfants, à cause de leur infériorité,ne sont
pas élevés, en rejettentla faute sur le hasard et non sur le gou-
vernement(Bép., V, p. 459). Platon exclut la peinture(ainsi que
la poésie imitative) de son État idéal en tant que « génératrice
d'illusions »; parce qu'elle fait accroire aux hommes quelque
chose qui n'est pas. Mais le môme Platon n'éprouvepas le moindre
scrupule à violer le domaine le plus intimede l'hommeen le trom-
pant de façon aussi scandaleuse. Or l'État a dans cette sphère un
intérêtvital et l'intérêtde l'État - qui dans l'État idéal coïncide
avec la justice, l'emportesur tout,même sur la vérité. Il y a dans
la théoriepolitique de Platon un principequi se détache avec par-
ticulièrementde relief,et peut êtreconsidérécomme une maxime:
la finjustifie les moyens - • et qui n'est qu'une conséquence du
primat de la volonté sur la connaissance, de la justice sur la
vérité.Du point de vue politique, qui s'élève au-dessus de tous
les autres, l'importantn'est pas de savoir si ce que croient les
sujets est conformeà la vérité,mais bien de savoir si cela est utile
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380 REVUE PHILOSOPHIQUE
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H. KELSEN. - LA JUSTICEPLATONICIENNE 381
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382 REVUE PHILOSOPHIQUE
V
Lès dialoguesque Platona écritsétantjeune, encoresous l'in-
fluencede Socrate,et qui touchent directement ou indirectement
au problème dansdesanalysesde concepts
de la justice,se perdent
infécondes, dans des tautologiessans contenu: ils se terminent
sansamenerguèrede résultat.Une œuvreparticulièrement carac-
téristiquede cettepériodedu débutencoretouterationaliste estle
Thrasymaque, commencé par Platon avant son premiervoyage
à Syracuse,maisnoncomplètement terminéet qui n'a pas en tout
cas été publiéà part,mais a été incorporéplustardau premier
livrede la République.
Aprèsune discussionassez pénibleet aprèsque Socrate s'est
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H. KELSEN. - LA JUSTICEPLATONICIENNE 383
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H. KELSEN. - LA JUSTICEPLATONICIENNE 385
25 Vol. 1U
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390 REVUE PHILOSOPHIQUE
qu'il avait déjà faiteet selon laquelle le chemin qui doit menerà
la connaissance de la nature de la justice est plus long et plus
diffìcile.Ainsi, à un stade relativementavancé du dialogue (nous
en sommes déjà au sixième livre), les connaissances acquises sur
l'essence de la justice sont de nouveau considéréescomme nulles
et non avenues. La méthode que Platon emploie pour traiterle
problèmede la justice, se manifesteici dans toute son originalité.
Au momentou l'on croit tenirla réponse, la position acquise est
abandonnée, le résultat obtenu est déclaré nul - parce que
contraireà la véritéou imprécis et le but est repoussé plus loin.
Arrivéà ce pointde la discussion,Platon se sertde sa techniqueen
substituantau concept de la justice le concept du Bien - après
avoir substitué précédemmentà celui-là le concept de la raison.
La question : quelle est la naturede la justice? faitplace mainte-
nant à celle-ci : quelle est la naturedu Bien? Lorsque Socra te'se
voit dans la nécessité de répondreà cette question : « qu'est-ce
qu'est le Bien d'après toi? » il renouvellele jeu qui lui a réussi au
début de l'entretien,lorsqu'on lui a demandé pour la première
foisquelle est la nature de la justice. 11déclare de nouveau qu'il
est un profaneet chercheà se déroberà la question, si bien que
son interlocuteurGlaucon lui dit : « Par Zeus, Socrate, tu ne vas
tout de même pas encore te dérobercomme si tu étais déjà arrivé
au but. Nous ne l'admettonsà aucun prix, car nous nous décla-
reronssatisfaitsmômesi, à propos du Bien, tu développestes idées
d'une façon aussi provisoire que tu Tas fait avec la justice, la
prudence et les autres vertus ». De nouveau le résultat attendu
perd toute sa valeur, du fait qu'on le considère comme non-défi-
nitif.Socrate en effetuse largementdu droitqu'on lui a reconnu
de ne décrirele Bien qu'en termesvagues et il déclare : « Laissons
pour le momentla question de la nature véritabledu Bien là où
elle en est, car nous ne voulons maintenantqu'engager la discus-
sion et ce serait,je crois, trop demanderque de vouloir actuel-
lement,même en arriverseulement à monpoint de vue provisoire
sur le sujet qui nous occupe. » (VI, 18. 506.) Mais Platon a
laissé là où elle en était la question de la nature véritable de la
justice, non seulement « pour le moment », mais aussi pour
toujours, non seulement dans la République, mais aussi dans
tous les autres dialogues. Il n'a jamais répondu à cette question.
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