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PASE II Projet d'Appui à l'amélioration de la productivité et de la durabilité des Systèmes d'Exploitation en zones cotonnières View project
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Y. M. Coulibaly, 1 M. Havard2
1
Nyeta conseils, Ségou, Mali ; 2 Centre de coopération internationale en recherche
agronomique pour le développement (CIRAD), Montpellier, France
Résumé
Créé en 1932, l’Office du Niger (ON) est l’un des grands périmètres irrigués d’Afrique
subsaharienne. Ses terres aménagées sont essentiellement destinées à la riziculture depuis
l’abandon du coton en 1971. Avec la généralisation de la riziculture intensive, et l’extension
des superficies aménagées, la production de paddy a doublé entre 1999 et 2012 (650 000
tonnes), ce qui a fortement augmenté les besoins en transformation du riz. Cette
communication analyse l’évolution des conditions de transformation et d’obtention d’un riz
de qualité, puis elle identifie des perspectives et opportunités pour les acteurs de ce secteur
important pour la sécurité alimentaire du pays. Les réformes institutionnelles du début des
années 1990 et l’augmentation des quantités à transformer ont favorisé le transfert de la
transformation du riz à de nouveaux acteurs (paysans, organisations paysannes [OP],
privés) utilisant des décortiqueurs. Il en a résulté une baisse des coûts de transformation au
détriment de de la qualité du riz commercialisé, car les décortiqueurs ne donnaient que du
riz non calibré alors que les rizeries industrielles proposaient plusieurs qualités de riz usiné.
Mais ces décortiqueurs ne peuvent pas satisfaire la demande croissante de riz de qualité
des consommateurs urbains du pays et de la sous-région. C’est pourquoi, des privés et des
OP ont fait le choix d’acquérir des équipements de transformation du riz plus performants :
minirizeries effectuant les opérations de nettoyage, décorticage, blanchiment, triage,
ensachage, etc. Mais leurs prix sont de 10 à 15 fois plus élevés que ceux des décortiqueurs.
De plus, des contraintes techniques, organisationnelles, commerciales et financières,
limitent la possibilité pour les transformateurs de capter le marché de riz de qualité national
et sous régional. Enfin, l’amélioration de la qualité du riz local, suppose des actions
combinées entre la production, la récolte, le battage, le stockage et la transformation, avec
un appui conséquent des structures de recherche, de formation et de conseil.
1
Introduction
Le riz a un rôle central dans la sécurité alimentaire, problème crucial au Mali, un pays à
risques climatiques élevés. Le riz cultivé avec une maîtrise totale de l’eau est le seul produit
relativement sécurisé en termes de production. Les superficies jugées aptes à l’irrigation
sont évaluées à près de 2 200 000 ha, dont 20% seulement sont valorisées. Depuis 2008,
l’état a initié un programme spécial d’appui à la filière riz (initiative Riz) qui s’est traduit par
une augmentation croissante de la production de paddy qui a atteint 1 600 000 tonnes en
2009. Cette dynamique valorise les efforts du producteur malien, génère des emplois et
contribue à retenir les populations en zones rurales. Malgré cela, le Mali est obligé
d’importer 45 % du riz commercialisé pour couvrir ses besoins qui continuent de croître avec
l’augmentation de la population, les changements d’habitudes alimentaires, l’urbanisation,
etc. En effet, la consommation du riz croît en moyenne de 7,5 % par an depuis 1995 (Barris,
2005) et atteindrait 70 kg par habitant dans certaines zones urbaines.
Cette communication est focalisée sur la transformation du riz à l’Office du Niger (ON).
Après une présentation de la production du riz, les évolutions des conditions de la
transformation et de la qualité du riz sont analysées, puis les contraintes du secteur de la
transformation sont caractérisées, et des perspectives et opportunités pour les acteurs de ce
secteur sont identifiées. La conclusion met l’accent sur l’importance de la transformation du
riz pour la sécurité alimentaire du Mali
L’ON est un périmètre irrigué situé dans le delta intérieur du fleuve Niger dans la région de
Ségou. Sa création remonte au 5 janvier 1932 avec la construction du barrage de Markala
servant de point de départ pour l’irrigation gravitaire de plus de 1 million d’ha. Les 100 000
ha actuellement aménagés constituent le principal pôle de production rizicole au Mali
(Carte 1).
2
Carte 1. Les aménagements de la zone Office du Niger
3
La superficie, la production et les rendements ont fortement augmenté depuis 25 ans. Entre
1989, 1999, et 2012, la superficie est passée de 44 000 ha à 55 000 ha, puis 110 000 ha et
la production de 106 000 t à 319 000 t puis 650 000 t (ON, 2012). Les rendements ont
augmenté entre 1989 (2,4 t/ha) et 1999 (5,8 t/ha). Depuis, ils se maintiennent autour de
6 t/ha (Figure 1).
900000 14000
Surface en ha Rendement
800000 Production en T en kg/ha
12000
700000
10000
600000
500000 8000
400000 6000
300000
4000
200000
2000
100000
0 0
00/01 01/02 02/03 03/04 04/05 05/06 06/07 07/08 08/09 09/10 10/11 11/12
Années
rendement kg/ha surface en ha production en T
4
Tableau 1 : Répartition des unités de transformation du riz en zone ON en 2012
Jusqu’au début des années 90, les rizeries de l'ON transformaient la production de paddy
commercialisée par les agriculteurs, tandis que la production destinée à l’autoconsommation
était transformée manuellement et par des décortiqueurs. Ces rizeries proposaient à la
vente plusieurs qualités de riz usiné pour le marché malien : RM40 (riz malien 40 % de riz
entier), RM25, ELB (Entier Long Blanchi), BB (brisure blanchie), etc. (Havard, 2003). Au
début des années 90, le programme d’ajustement structurel agricole s’est traduit par la
libéralisation de la filière, le désengagement progressif de l’Etat et l’émergence de nouveaux
acteurs (Organisations de producteurs [OP] et privés) dans les activités de service aux
producteurs. Dans le secteur de la transformation du riz, ces nouveaux acteurs ont investi
surtout dans des décortiqueurs qui n’effectuent que le décorticage, mais qui sont moins
couteux que les rizeries industrielles qui effectuent le stockage, le nettoyage et le
décorticage du paddy, puis le blanchiement, le triage et le conditionnement du riz (Figure 2).
Décorticage et blanchiement
Séparation des issues : cribleur Séparation des issues : cribleur simultanés
Unité compacte
5
Les décortiqueurs répondent à une demande croissante de proximité
6
Divers types d’unités de transformation pour mieux répondre aux
besoins en riz des consommateurs
Les résultats d’essais au début des années 2000 (Cruz, 2001) ont donné avec les
décortiqueurs à rouleaux un taux d’usinage de 5 % supérieur à celui obtenu avec un
décortiqueur Engelberg (Figure 3). Ils ont aussi montré le rôle important de la variété. Un
rendement usinage plus élevé a été obtenu avec la BG 902 (70 %) qu'avec la Kogoni 911
(65 %) encore appelée Gambiaka qui produit moins de brisures et est davantage prisée par
les commerçants. Les décortiqueurs à rouleaux sont le cœur des minirizeries comprenant
aussi un blanchisseur, et parfois un nettoyeur de paddy, et un trieur de riz (Figure 2).
Pour satisfaire aux exigences des consommateurs, certains transformateurs ont choisi
d’acquérir des minirizeries plus performantes que les décortiqueurs (Tableau 2). Une
minirizerie réalisant les opérations de nettoyage du paddy au triage du riz, coûte entre
15 000 000 fcfa pour les premiers modèles chinois et 35 000 000 fcfa pour le modèle de la
Société Coopérative des Forgerons à l’Office du Niger (SOCAFON) qui fabrique aussi des
matériels agricoles de traction animale (Djiré, 2009). La capacité annuelle de transformation
d’une minirizerie est évaluée à environ 2000 tonnes de paddy. Actuellement 11 minirizeries
sont réparties sur l’ensemble des 6 zones de productions de riz de l’ON. Le calibrage du riz
(en ELB et BB) est pratiqué seulement par deux minirizeries, et le plus souvent à la
demande.
Tableau 2 : Caractéristiques de quelques minirizeries en zone ON
7
Promoteurs Types d’unitésCommentaires
N°4 Minirizerie Installation : 2000
(Zone de Niono) Chinoise Approvisionnement en paddy : Uniquement de la
700-800 kg/h prestations de services
Calibrage : Non
N°5 Grande Installation : 2000-2002
(zone de Niono) décortiqueuse Approvisionnement en paddy : Uniquement de la
Type SB 30 prestation de service
400-500 kg/h Calibrage : Non
N°6 Minirizerie Installation : Deux rizeries en 2010 (Kouroumari et
(Zones de SOCAFON NDébougou) au compte des coopératives membres. La
kouroumari et 1500-2000 kg/h fédération cherche du crédit intrants pour les OP
NDébougou Approvisionnement en paddy : Remboursement en
(ND2) nature (paddy) des crédits des membres.
Calibrage : Non
Jusqu’à présent, les résultats du secteur de la transformation du riz à l’ON ne sont pas à la
hauteur des attentes :
• les coûts de transformation ont été réduits sensiblement, mais la qualité du riz obtenu
s’en trouve affectée ;
• la diversité des demandes des consommateurs en qualité de riz ne peut pas être
satisfaite ;
• de nombreuses unités de transformation sont en difficultés à cause de la concurrence,
mais aussi de choix d’équipements inappropriés, d’absence de suivi et d’outils de
gestion.
La qualité du riz blanc dépend de celle du paddy. Les paramètres à contrôler pour le paddy
sont : la pureté variétale, la propreté (pas de paille, ni de corps étrangers : mottes de terre,
cailloux, bois, métal), l'humidité du paddy doit être comprise entre 12 et 14 %, et la maturité
au moment de la récolte. La non observation de l'un de ces paramètres peut conduire à la
production d'un riz de qualité peu appréciable. En effet, un mélange hétérogène rend difficile
le réglage des machines, et un mauvais remplissage des grains donne un taux d'usinage
plus faible.
La qualité du riz n’a pas la même signification selon les personnes et acteurs de la filière.
Les commerçants et les consommateurs de riz blanc ont de plus en plus d'exigences sur : la
couleur, la propreté, l'homogénéité des grains, le taux de brisure. Un riz de qualité est
propre, blanc, avec un taux de grains entiers supérieur à 60 %. Un riz de moindre qualité est
moins blanc et contient moins de 50% de grains entiers. Pour ceux qui achètent le paddy et
le transforment, le taux d'usinage est plus élevé avec un riz qui contient plus de brisures.
Pour les transformateurs, la qualité part du paddy qui ne doit pas contenir de pierres, qui
n'est pas humide, afin d’obtenir un bon débit des équipements et le moins de brisures
possibles.
8
Obtenir un paddy et un riz de qualité dépend des contraintes techniques suivantes :
• des pratiques de production, de récolte, de battage et de stockage du paddy ne
permettant pas d’obtenir les paramètres de qualité du paddy signalés ci-dessus ; il en
découle une baisse des revenus des producteurs (Figure 4) ;
• des équipements de transformation peu performants et inadaptés qui affectent le
rendement à l’usinage et la qualité du produit fini ;
• le non-respect des règles de la transformation : pas de nettoyage du paddy, mélange de
variétés, taux d’humidité trop élevé ou trop faible, pas de calibrage ;
• des infrastructures de stockage peu appropriées.
Conséquences
pour les Difficultés de vente du paddy et de commercialisation du riz
producteurs Baisse des revenus
Il s'agit pour les propriétaires d’améliorer la gestion de leurs unités de transformation, en vue
de les rendre plus performantes techniquement et économiquement. Cette gestion concerne
plusieurs aspects :
- Assurer l’approvisionnement régulier et stocker un paddy de qualité acheté à un prix
raisonnable ;
- Faire fonctionner dans des conditions optimales (techniquement, financièrement, sur le
plan de la main d’œuvre) des unités de transformation permettant de répondre aux
besoins en riz des consommateurs ;
- Ecouler les produits obtenus (riz, son) au meilleur prix, selon des conditionnements
adaptés à la demande des consommateurs.
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- Organisationnelles : gestion irrégulière de l’approvisionnement des unités en paddy de
qualité, mauvaise organisation du travail, faible niveau d’alphabétisation et d’éducation
des personnels et des responsables ;
- Commerciales : variations des prix d’achat du paddy, difficultés de formation des prix de
vente à cause de la non maîtrise des coûts de production, absence d’une stratégie de
marketing appropriée pour les produits finis ;
- Financières : retard dans la mise en place des crédits de commercialisation par les
partenaires financiers, faible couverture des besoins de financement.
Conclusions
Le développement de la culture du riz au Mali se justifie par ses effets sur les équilibres
macroéconomiques, sur la sécurité alimentaire et sur la pauvreté. La transformation du riz
est une activité qui attire de plus en plus d’investisseurs privés. Toutefois, au regard des
attentes des consommateurs la nécessaire amélioration de la qualité du riz local, suppose
des actions combinées entre la production, la récolte, le battage, le stockage et la
transformation, avec un appui conséquent des structures de recherche, de formation et de
conseil.
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Cette recherche de l’amélioration de la qualité de la transformation du riz pose des
questions à traiter dans de nouvelles études :
- la mise en œuvre de bonnes pratiques pour la production d’un paddy de bonne qualité
engendre-t-elle une augmentation des coûts de production et dans quelles proportions ?
et à partir de quel prix de vente la production d’un paddy de qualité est rentable ?
- Quels sont les coûts supplémentaires liés à la production d'un riz usiné de bonne qualité
et calibré ? Quels sont les types d'équipements et d’unités de transformation adaptés et
rentables pour quels types de riz transformés ? et quels sont les prix de vente rentables
pour les différentes qualités de riz vendues ?
Bibliographie
Barris, 2005. La filière riz au Mali : compétitivité et perspectives de marchés. Paris, AFD.
CAE, 2001. Test d'amélioration de la qualité du riz produit en zone Office du Niger. CAE,
Bamako, 15 p.
Cruz J.F., 2001. Transformation du riz au Mali. Rapport de mission URDOC à Niono, 22 au
26 janvier. CIRAD, Montpellier, 8 p.
Direction Nationale du Génie Rural (DNGR), 2009. Analyse économique de trois chaînes de
valeur de la filière riz. Bamako, DNGR, Mali.
Havard M., 2003. Conseil de gestion aux petites et moyennes entreprises de décorticage du
riz auprès de l'URDOC-2. Compte-rendu de mission au Mali, 20 avril au 3 mai 2003. CIRAD,
Montpellier, 37 p.
Nyèta Conseils-Afrique Verte, 2000. Test d’amélioration de la qualité du riz en zone Office
du Niger au Mali. Nyeta Conseils, Afrique Verte, Niono, Mali.
ON, 2008. Rapport bilan de campagne 2007/2008. Office du Niger, Ségou, Mali.
ON, 2011. Rapport bilan de campagne 2010/2011. Office du Niger, Ségou, Mali.
ON, 2012. Rapport bilan de campagne 2011/2012. Office du Niger, Ségou, Mali.
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