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SCIENCE 

& MÉDECINE
0123
26 | MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2020

ARCHÉOLOGIE

L’âge du bronze 
s’éclaire grâce à 
une tombe princière
L’exhumation, dans le Calvados, d’une sépulture
d’un « petit prince de l’Armorique », richement équipée
et datant du IIe millénaire avant notre ère, témoigne
d’une société qui se complexifie et s’aristocratise

bourguébus (calvados) – envoyé spécial Puisque les os ne sont plus vraiment là


pour nous renseigner sur ce personnage, il
faut faire parler son viatique pour l’au­delà.

P
our l’Institut national de recherches C’est au centre de recherches archéologi­
archéologiques préventives (Inrap), ques de Bourguébus, véritable caverne d’Ali
les confinements se suivent et ne Baba où l’on se promène entre des cérami­
se ressemblent pas. Celui du prin­ ques préhistoriques et des morceaux de
temps avait conduit à un arrêt total des opé­ char de la seconde guerre mondiale, qu’est
rations, lesquelles se sont en revanche pour­ stocké le matériel issu de cette tombe assez
suivies durant le confinement de l’automne. exceptionnelle. Avec des gants en tissu et
C’est ainsi que vient de s’achever la fouille, à beaucoup de soin, Emmanuel Ghesquière
Giberville (Calvados), dans la périphérie est déballe la lame, cassée en deux et en partie
de Caen, d’un vaste terrain de 4,5 hectares où oxydée, de ce qui ressemble à un long poi­
se construira bientôt un lotissement. Une gnard en bronze mais qui pourrait plutôt
exploration qui a renvoyé les chercheurs être une épée courte.
presque quatre millénaires en arrière. Puis ce sont quatorze pointes de flèche en
Préhistoriens et historiens n’aiment rien silex qui sortent ensachées de la boîte, dont
tant que saucissonner le passé et, si l’on aucune ne semble avoir jamais servi. « Ce
adopte leurs subdivisions, nous voici donc sont des pointes dites armoricaines, typiques
rendus dans une tranche de salami temporel avec leur forme ogivale assez longue, prolon­
nommée âge du bronze ancien II (2 000 à gée par des ailerons biseautés et un petit pé­
1 600 av. J.­C.). Une époque où, de la pointe de doncule qui s’insérait dans la hampe de la flè­
la Bretagne au Cotentin, en passant par les îles che, explique Emmanuel Ghesquière. Pour
anglo­normandes, fleurissent les tombes des les fabriquer, les tailleurs partaient d’un gros
« petits princes de l’Armorique », ainsi que les éclat et l’affinaient avec une alène en cuivre,
avait joliment appelés l’archéologue Jacques par pression, retirant des esquilles de silex
Briard (1933­2002). A Giberville, en 2016, les parfois inférieures au millimètre. » « C’est un
fouilles dites de diagnostic – des sondages travail monstrueux, ajoute Cyril Marcigny. Il
du terrain effectués pour déterminer leur est très difficile pour les meilleurs tailleurs de En haut : pointes de flèche retrouvées dans la tombe princière de l’âge du bronze ancien de Giberville
« charge » archéologique – avaient « tapé » pierre d’aujourd’hui d’obtenir un tel résultat. et qui attestent d’une véritable maîtrise du travail du silex. CLÉMENT NICOLAS
dans une de ces sépultures « princières ». Ces pointes très fines ne circulent que dans En bas : fouille d’une des sépultures située à côté de la tombe princière. JAMES VILLAGERUT/INRAP
Les travaux menés cet automne sont allés certaines sphères et ne se retrouvent que dans
bien au­delà de cette approche préliminaire les sépultures de l’élite. » Dans la tombe ont
et ont mis au jour quatre ensembles funé­ aussi été retrouvés des fragments d’ambre,
raires totalisant « une cinquantaine de tom­ provenant probablement de perles. Tous ces d’apparat, des parures, des bijoux, des bras­ Sans doute est­il plus exact de parler d’un
bes dont une quinzaine avec des ossements », objets indiquent le statut élevé du défunt. sards d’archer, poursuit l’archéologue. Ces système de chefferies, d’aristocrates locaux.
précise Emmanuel Ghesquière, archéolo­ « IL EST TRÈS personnages modifient la société de l’épo­ A Giberville, l’étude du terrain montre com­
gue à l’Inrap et responsable de l’opération. LE TEMPS DES ÉLITES que, accaparent le territoire et aussi le ment ces hobereaux de l’âge du bronze
DIFFICILE POUR
En raison de la nature des sols, les os sont Au début du IIe millénaire avant notre ère, monde marin avec des pêcheries. Ce sont des structurent le territoire. On voit un système
en effet parfois rongés, jusqu’à disparaître. « une aristocratie se met en place. On sort LES TAILLEURS gens qui avaient de gros moyens. » Les objets de fossés et de voies de circulation, des espa­
C’est ainsi que, dans la tombe « princière », d’un monde néolithique plus égalitaire, avec DE PIERRE se font témoins d’un système d’échange et ces funéraires, des terres agricoles, des trous
seuls deux fragments d’une jambe ont ré­ moins de complexité sociale, souligne Cyril de commerce à longue distance : métaux de chasse pour piéger les gros mammifères
sisté au temps mais ils sont suffisants pour Marcigny. On passe de sépultures collectives D’AUJOURD’HUI venus d’Angleterre – région qui, à l’ouest de – aurochs, chevreuils, sangliers, cerfs –, des
dire que le défunt a été enterré sur le dos et à des tombes individuelles. » Et apparaissent D’OBTENIR UN l’Europe, est la première à maîtriser le enclos au sein desquels va se concentrer
la tête du côté est. « En général, les hommes les tombes princières contenant du maté­ bronze, alliage de cuivre et d’étain –, silex de l’habitat dont il ne reste aucune trace au sol,
ont la tête à l’est et les femmes à l’ouest, pré­ riel de luxe ou de prestige, signalées par des TEL RÉSULTAT » Touraine, ambre de la Baltique… parce que les maisons, sans doute faites de
cise Cyril Marcigny, lui aussi archéologue à tumulus parfois impressionnants. « On y CYRIL MARCIGNY Le nom de « prince » n’est peut­être pas terre et de bois, étaient construites sans
l’Inrap et spécialiste de l’âge du bronze. Les retrouve souvent, comme à Giberville, de ARCHÉOLOGUE juste, étant donné que ces personnages poteaux ni fondations.
inhumations sont très codifiées à l’époque. » l’armement en bronze, des pointes de flèche s’avèrent tout de même assez nombreux.
PÉRIODE PACIFIQUE
Grâce aux nombreux travaux d’aménage­
ment réalisés dans la plaine de Caen, les ar­
chéologues de l’Inrap, qui interviennent
À STONEHENGE, LE TUNNEL DE LA DISCORDE avant l’ouverture des chantiers, ont une vi­
sion de plus en plus précise de cet âge du
bronze ancien. Même si les chefs de l’épo­
que sont inhumés avec un attirail guerrier,

U n autre débat que celui sur le


Brexit agite et divise nos
voisins britanniques, à une
échelle certes plus réduite mais avec un
poids symbolique presque aussi grand,
Route et aménagements
de surface envisagés
Tunnel
proposé
remporté par la société privée britanni­
que Wessex Archaeology, qui a monté
pour l’occasion un consortium dans le­
quel figure – seul organisme étranger –
l’Institut national de recherches archéo­
les conséquences de la pandémie de
Covid­19 et, surtout, une opposition
farouche au projet de tunnel, rien
n’est moins sûr. Une coalition hété­
roclite s’est ainsi montée, qui associe
il est probable que « la période était plutôt
pacifique, estime Cyril Marcigny. Depuis
trois ans, nous fouillons une centaine de
tombes chaque année et aucun des sque­
lettes retrouvés ne présente de traces de
puisqu’il touche à Stonehenge. Inscrit Stonehenge logiques préventives (Inrap). le « druide » Arthur Pendragon (né violence interpersonnelle. »
sur la liste du Patrimoine mondial de John Timothy Rothwell), qui se pré­ Néanmoins, le temps des élites ne va pas
l’Unesco, ce site mégalithique remon­ A303 Soixante-cinq sites à fouiller tend réincarnation du roi légendaire, durer plus de quelques siècles. « Cette struc­
tant à la fin du néolithique et au début Amesbury Spécialiste de l’âge du bronze et notam­ à des écologistes mais aussi à des ture politique se casse la figure vers 1700­
Winterbourne
de l’âge du bronze (2 800 à 1 500 av. J.­C.) ment des échanges qui ont eu lieu, à archéologues. 1600 av. J.­C., ajoute l’archéologue. On ne sait
Stoke
symbolise l’Angleterre préhistorique cette époque, sur les deux rives de la Ainsi, le Britannique David Jacques, pas bien pourquoi. Peut­être les chefferies
aux yeux du monde entier. Au cœur du Périmètre du site
Manche, l’archéologue Cyril Marcigny qui a dirigé des travaux sur la période la finissent­elles par entrer en confrontation les
débat : la route A303. classé à l’Unesco est un de ceux qui ont porté le projet plus ancienne de Stonehenge, considè­ unes avec les autres ? C’est aussi une période
Axe majeur pour le sud­ouest de l’île, Londres côté Inrap. Il précise que l’organisme re­t­il le projet de tunnel comme un de changement climatique où les récoltes
elle y représente un peu la « route du 2 km français « ne sera pas de toutes les opéra­ scandale international en raison du ris­ sont meilleures. La métallurgie devient aussi
Soleil », mais aussi un cauchemar pour tions – il y aura 65 sites à fouiller – mais il que de destruction de nombreuses tra­ accessible à tous. Le résultat de tout cela est
les automobilistes. L’A303 se retrouve qu’une 2 × 2 voies emprunte un double participera à la mise en place de la ges­ ces matérielles du passé. Dans The que la stratification sociale a l’air de se
fréquemment congestionnée lors des tunnel excavé sous le site mégalithique. tion de l’ensemble ». « Nous avons déve­ Guardian du 24 novembre, trois mem­ tasser. » Cette reconfiguration à l’âge du
départs en vacances, en particulier sur Qui dit tunnel dit évidemment creu­ loppé une grosse expertise dans ce do­ bres du Council for British Archaeology bronze moyen se traduit par la formation
les tronçons où elle n’est qu’une simple ser deux points d’entrée et de sortie, maine grâce à toutes les fouilles préven­ ont déploré le choix du tunnel, auquel d’une véritable société (et non plus d’un
voie à double sens de circulation. De dans des terrains dont le potentiel ar­ tives de grande envergure que nous ils préféraient une déviation en sur­ maillage de chefferies) avec une forte
plus, elle passe en bordure immédiate chéologique est immense. Un appel avons menées en France, notamment face. Une pétition a aussi été lancée, qui homogénéité culturelle et matérielle sur
de Stonehenge, où elle est source de d’offres a donc été lancé pour que des sur les travaux autoroutiers. Des cher­ avait recueilli près de 200 000 signatu­ tout le nord­ouest de la France et le sud de
pollution visuelle et sonore. En novem­ fouilles scientifiques préventives aient cheurs de l’Inrap spécialisés dans l’in­ res fin novembre. Surtout, un recours a l’Angleterre. Quant au site de Giberville, il
bre, le gouvernement britannique a fini lieu sur les différents sites qui seront dustrie lithique [les outils en pierre été déposé pour contester la légalité de est abandonné à la fin du IIe millénaire. Il
par donner son autorisation à une touchés par les travaux, lesquels de­ taillée] ou dans les crémations devraient l’autorisation du projet par le gouver­ sera réinvesti bien plus tard, aux alentours
transformation du tracé dans le sec­ vraient s’étaler jusqu’à la fin de la dé­ aussi faire partie du projet. » nement. La bataille de Stonehenge ne du VIIe et du VIe siècle avant notre ère, pour
teur, qui, pour un coût de 1,7 milliard de cennie. Doté de 35 millions de livres En théorie, les travaux devraient fait que commencer.  une autre histoire, celle de l’âge du fer. 
livres (1,9 milliard d’euros), prévoit (près de 39 millions d’euros), il a été commencer en mars 2021. Mais, entre p. b. pierre barthélémy

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